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BOSTON PUBLIC LiBRARY.
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piCTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES,
DES ARTS ET DES MÉTIERS.
TROISIEME ÉDITION-
TOME VINGT-CINCIUIEME
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E NCYCL OPÊDIE,
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DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES,
DES ARTS ET DES METIERS,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES.
Mis en ordre & publié par M. DIDEROT ^ & quant à la Partie
Mathématique, par M. D'ALEMBERT,
Tantum ferles junciurapuc pollet ,
Tantum de medio fumptis accedit honoris / HbRAT,
TROISIEME ÉDITION.
_,Of^ï»B-
TOME VINGT-CINQUIEME.
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A GENEVE,
Qiez Jean-Léonard Pellet , Imprimeur de la République.
A NEUFCHATEL,
Chez la Société Typographique.
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M. Dca L X X l X.
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ADAMS
.H!£HïUP:MID-TOM I
ENCYCLOPEDIE,
o u
DICTIONNAIRE RAISONNE
DES SCIENCES,
DES ARTS ET DES MÉTIERS.
^AUXI, {Ùrnithol) oifeau
: de l'Amérique , décrit par Nie-
à remberg , & qui paroîr être
Il Je même que le mitu du Bréfil ,
décrit par Marggrave. Toute la différence
cft, que le pauxi , au lieu de crête , a une
efpece de fraife ou de protubérance char-
nue à la bafe du bec ; cette fraife efi
toute cartilagineufe , & d'un beau bleu
pâle.
Pauxi , {Calendr, Egyptien y) nom du
dixième mois de l'année égyptienne. Il
commence le 26 mai du calendrier Julien.
PAX-JVLlAy {Géog.anc.)v\\\tàt
Ja Lufitanie y aujourd'hui La ville de Béja ,
•ù l'on a déterré pluiieurs monumens an-
Tome XXy,
tiques ^ & entr'autres Tinfcription fuivante ,
qui fe lit toute entière dans la place du^
marché.
L, j^lio. Aurelio. Commodo,
Jmp. Cœf. uEli.
Hadriani. Antonini Aug,
PU. P.P.FiUo.
Col. Pax-JuUa. D. D.
O. Petronio. Materno..
C. Julio. Juliano, IL Vir. (D. J.)
PAXjE ou Paxj y (Géog. anc.)
nom de deux îles inhabitées , que Polybe ,
/. //, c. Xy ^ Pline, /. /^, c. xij y
mettent entre les îles de Leucade & de
Corcyre, Elles font à cinq milles de la der-
A.
^ P A Y
rjiere de ces iles, & on les nomme au-
jourd'hui Pdxu ik Antipaxu. Ce font deux
petites îles , car la plus grande , qui eft
i'î^e de Paxu , n a pas lo milles de tour.
PAXOS, {Hifl. nac.) efpece de fru t
des îles Paiiippiaes , qui reifemble par la
forme à des olives ; (on goût eft très- Agréa-
ble , lorfqu'il eft mûr : on le mange aullî
verd , après qu'il a été conlit dans du vi-
naigre,
PA-YA, {Hift. mod) titre que le roi
de Siam confère aux principaux feigneurs
de fa cour , & qui répond à celui de prince
en Europe. Le roi ne donne ce titre qu'à
ceux qu'il veut favorifer , car Couvent les
princes de Ton fang ne l'ont point.
PAYABLE, adj. {Gramm. Ù Comm.)
qui doit être payé ou acquitté dans un
certain temps ou à certaines perfonnes.
Une lettre de change payable à vue ,
ffl une lettre de change qui doit être ac-
quittée fur le champ , & dans le momenr
qu'elle eft préfentée. Voye-^ LETTRE DE
Change.
Une ietnt payable à jour préfiK ou jour
nommé , efl celle qui doit être payée a
un certain jour fixe marqué dans la lettre.
. Une lettre payable à tant de jours de
vue , eft celle qu'on doit acquitter dans un
certain nombre de jours délignés par la
lettre , à compter du jour de ion accep-
tation. Fbjq Vue ù Acceptation.
Une lettre payable à une ou plufieurs
ufances , ell celle qui doit être payée en
-autant de fois trente jours qu'il y a d'ufan-
C€s marquées dans le corps de la lettre ,
à compter du jour de fa date , chaque ufance
ëtânt de trente jours. J^oyei USANCE &
Date. ^ -
Un billet payable au porteur , efl un
billet dont le payement doit être fait à la
première perfonne qui le préfente , fans
qu'il ff)ir beloin d'ordre ni de tranfport.
Vyei Billet.
Un billet payable à un tel ou A Ton or-
dre , ell celui qui doit être payé à la per- j
fonne dénommée dans la lettre qui en a '
don: é la valeur , ou à telle autre en faveur
de qui il aura pafTé fon ordre au dos du
billet. yoye:[ OrdRE.
XJnhWiet payable à volonté, eft un bil-
Ut qui o'a point de temps limité , & dont ,
:a - ' . ' '--^ "■
P A Y
on peut exiger le payement quand on le
juge à propos.
Un billet payable en lettres ou billets
de change , ou en autre papier , efl celui
qui do t ène acquitté en bonnes lettres ou
billets de change , ou tel autre papier dé-
figné dans le billet , & dans le temps qui y
ell marqué.
On dit qu'une obligation , une promefïê ,
une ailignation , un maniement , t^c. eft
payable , pour exprimer que le temps ou
terme du payement efl échu , & qu'on peut
l'aller recevoir. Dictionnaire de Commerce.
PAYAMOGO , ( Géog. mod. ) place
fortifiée d'Eipagne , dans l'Andaloufie , fur
les frontières du Portugal , à quatre lieues
fud de Moura. Long. îo y J4 ; lat. ^8 ,
z. {D.J.)
PAYAS, f. m. pi. {Comm. du Let-'ant ,)
(oies blanches ou cotons filés qu'on tire
particulièrement d'Alep.
PAYASSES , {Géog. mod.) petite ville
de Turquie , dans la Caramanie , iLir le golfe
d'Alexandrette , à quatre lieues de cette
ville. Z^o/7g^. 55 , 6 ; lat. ^^, jo.
PAYCu Herva , {Botan. exot.)ce{l
une efpece de plantain du érou. Monard
prétend que fa poudre prife dans du vin,
appaile les douleurs néphrétiques qui pro-
viennent de ftatuofités. {D. J.)
PAYE , f. f. ( Gramm. & Art milit. )
ce que l'état donne au folJat par jour, pour
le prix de fon fervice.
Paye de la milice ROMAiNE.(^r<
militaire des Romains y ) folde en argent
que la république donnoit par jour à cha-
que foldat , cavalier ou centurion Ro-
main.
L'hifloire nous apprend , que jufqu'à l'an
de Rome 347 , tous les citoyens Romains
avoient été à la guerre à leurs dépens ;
il falloit que chacun tirât de fon petit hé-»
ritage de quoi fublifter, tant en campagne
que pendant le quartier d'hiver ; & fou-
vent quand la campagne duroit trop long-
temps, les terres, llir-tout celles des pau>-
vres plébéiens , demeuroienten friche. De*-
là étoient venus les emprunts , les ufures
multipliées par les intérêts , & enfuite les
plaintes & les féditions du peuple. Le fénat^
pour prévenir ces défbrdres , ordonna de
lui-même, & fans qu'il en fût follicité pdr
P A Y
îes Tribuns , que dans la fuite les foldats
feroient payés des deniers publics ; &
que pour fournir à cette dépenfe , il fe fe-
roit une nouvelle impofition , dont aucun
citoyen ne feroit exempt. Trois ans après ,
l'an de Rome 350, on aflîgna une folde
particulière pour les gens de cheval , &
ce fut la première fois que la cavalerie
commença à être payée des deniers pu-
blics. A l'égard des alliés , ils étoient obli-
gés de fervir fans folde ; mais on leur
fourniflbit le blé & l'orge gratis.
Lapqye d'un fantallin étoit de deux obo-
les par jour , c'eft-à-dire , trois fous ro-
mains, félon l'eiHmation de Jufte-Lipfe.
hes centurions avoient double folde , &
les cavaliers recevoient une drachme, valant
10 fous romains. Les troupes fur cette
paye étoient obligées de fe nourrir & de
fe fournir d'habits ; en forte , dit Polybe ,
que fi les foldats recevoient quelque chofe
du Queileur , on ne manquoit pas de leur
rabattre (ùr leur paye. Dans la fuite , en-
viron l'an 600 de Rome , C. Sempronius
Gracchus , pendant fon tribunar ,fit une loi
par laquelle on fournit aux troupes des ha-
bits fur le tréfor pubhc. Jules-Céfar qui
avoir befoin de foldats pour i^ts vues am-
bitieufes , leur fit de nouvelles faveurs. En-
fin Augufte porta la folde des fantaflins
à un denier , & donna le triple aux cava-
liers. Tirons une réflexion de ce détail.
Un foldat romain avoit donc un denier
par jour fous Augufte , c'eft-à-dire , fept
fous & demi d'Angleterre. Les empereurs
avoient communément vingt-cinq légions à
leur folde j ce qui , à raifon de cinq mille
hommes par légion , faifoit cent vingt-cinq
raille hommes. De cette manière, h paye
des foldats romains n'excédoit pas la fom-
me de 16 cents mille livres iterlings.Cepen-
dant le Parlement d'Angleterre , dans la
guerre de 1700 , accordoit communément
deux millions 500 mille livres fterlings pour
la folde de (es troupes , ce qui fait 200 mille
Lvres fterlings au-delà de la dépenfe de Ro-
me. Il efl vrai que les oflîciers romains rece-
voient une très-petite /joyf , puifque celle du
centurion étoit feulement le double de la paye
d'un foldat , qui d'ailleurs étoit obligé de
fe fournir d'habits , d'armes & tentes ; ob-
jets qui dimio uoicnt confidérablement les |
P A Y 7
autres charges de l'armée : tant ce puifïànt
gouvernement dépenfoit peu en ce genre ,
& tant fon joug fur le monde entier étoit
facile à fupporter. Cette réflexion nous
femble d'autant plus vraie , que l'argent ,
après la conquête de l'Egypte , paroît avoir
été à Rome en aufîî grande abondance qu'il
peut l'être à préfent dans les royaumes
les plus riches de l'Europe. (D. J.)
Paye , f f. {Poids.) poids dont la pe-
fanteur efl du double du clain : on évalue
le clain à douze grains de ris; ainfi lapaje
pefe 24 grains.
Paye , {Monnaie.) monnoie courante
à Ormus , dans le Sein Periique. Elle vaut
dix beforchs ou liards du pays , qui font
de petites efpeces de monnoies d'étain ;
quatre payes font le fourdis.
PAYELLE , f f. {uftenfde de Salines;)
grande chaudière dont on fe fert en Flan-
dre pour le raffinage du fel. Elles font
plates ,, de 1 2, à 15 pies en carré,. & d'un
pié de profondeur. Le fel gris qu'on y ra-
fine y perd beaucoup de (on acrimonie ,
mais rien du tout de fon grain.
PAYEMENT , ï. m. {Commerce;) c'efl
la décharge d'une dette , ou en payant en
argent , ou par lettres de change , Ùc. Voy.
Dette , ùc
Prompt payement, c'efl un terme vulgaire
en Angleterre & à Amflerdam , dont on
faitufage quand un débiteur acquitte ce qu'il
doit avant l'expiration du terme accordé
par le créancier.
L'efcompte ordinaire pour un prompt
payement iur la plupart des marchandifes ,
efl d'un par cent. Voye^ ESCOMPTE ,
DÉDUCTION , &c.
Payement fe dit auÉG du temps qu'un
débiteur a obtenu de fes créanciers pour
les payer plus facilement : on dit en ce
fens, qu'il doit les fatisfaire en quatre pflye-
mens égaux , de fix mois en fix mois, dont
le premier commencera tel jour.
Payement {igmûe encore certains termes
fixes & arrêtés, danslefquels les marchands^
négocians & banquiers doivent acquitter
leurs dettes , ou renouveller leurs billets.
Il y a à Lyon quatre payemens de la forte;
favoir le payement des rois , qui com-
mence au premier mars ; le payement de
Paque, qui commence le premier juin-ik
t P A Y
payement d'août , qui commence le premier
fèptembre ; & h payement des Saints , qui
commence au premier décembre. Chacun
de ce-i pajemens dure tout le mois, & en-
core les 3 premiers jours du mois fuivant ,
qu'on appelle les jours du comptant. Quoi-
qu'il Paris , Bordeaux , Rouen , Tours ,
Rheiras , & autres villes commerçantes du
royaume, il n'y ait pas de payemens ré-
glés , cependant elles le contorment affez
à Tufage de Lyon , de taire les payemens
de trois mois en trois mois. Voyc^ fur
la police de ces payemens le Di^ionnaire
de Commerce.
PAYEN, r. m. (Theolog.) adorateur
<^cs faux dieux ; on l'appelle autrement
Gentil ou Idolâtre.
Baronius fait venir le mot paganus de
pagi y villages , parce que quand les chré-
tiens commencèrent » devenir les maîtres
àcs villes , les Payens furent obligés , par
les édits de Conftanrin^ de (es enfans ,
de fe retirer dans les villages. Saumaife pré-
tend que ce mot vient de pagus , qu'il fup-
pofe fîgnifier originairement la même chofe
que gens , c'eft-à-dire , nation ; c'efl pour
cela , félon lui, que nous difons indifférem-
ment Payens ou Gentils. V. GENTILS.
M. l'Abbé Fleury donne au mot Payen
une autre origine : il remarque que lorfque
l'empereur Conftantin partit d'Antioche ,
en 350 , pour aller contre Maxence , ilaf-
fembla toutes fes troupes , & leur déclara
que ceux d'entre les foldats qui n'avoient
pas reçu le baptême , euflent à le recevoir
fur le champ , ou à fe retirer & à quitter
fcn fervice. Ceux qui prirent ce dernier
parti , peuvent , dit cet auteur , avoir été
appelles Paganiy Payens : cs^r paganus y
en latin , fignific proprement un homme qui
ne porte point les armes , & eft oppofé à
miles y foldat. Dans la fuite ce même nom
peut avoit été étendu A tous les idolâtres,
reut-étre encore, ajoute-t-il , ce mot vient-
il de pagus , village , parce que les pay-
fans font reliés plus long-temps attachés à
l'idolâtrie que les habitans ^q^ villes. V.
Idolâtrie.
Payens , f. m. pi. terme de Potier '. ce
font deux pièces de bois qui ont diverfes
coches ou entailles de diflance en diflance ,
ilir lefquelles l'ouvrier poiè lès pies de cii^-
P A Y
que côté , lorlqu'il tourne quelque vafe ou
quelque autre ouvrage de poterie fur la
girelle de la grande roue. {D. /.)
PAYER , V. ad. {Gramm. Ù Comm.)
aûion par laquelle on s'acquitte de ce qu'on
doit, en fe hbérant dune dette. V. DETTE.
Payer le prix d'une chofe achetée , c'efl
en donner le prix convenu.
Payer comptant , c'efl payer (ur le
champ & dans le moment que la raarchan-
dilè eil livrée.
Payer en papier , c'efl donner en paye-
ment des lettres ou billets de change , des
promelîès ou autres femblables effets , fans
donner aucun argent ou marchandife.
Payer en marchandée , c'efl donner de
la marchandife au lieu d'argent ou de pa-
pier , pour fe décharger d'une dette qu'on
a contradée.
Se payer par fes mains , c'efl fe payer
par foi-même fur les deniers ou effets qu'on
a entre les mains , appartenans à fon débi-
teur. DiSionn. de Comm.
Payer , fe dit des chofes inanimées qui
doivent un certain droit & pour lefquelles
on l'acquitte : l'eau-de-vie paye tant par
pipe à l'entrée de Paris. Idem y ibid.
PAYERNE, (Gfb^r. mod.) Patemia.
eus en latin du moyen âge; petite ville
de Suiiîè , au canton de Berne. , fur la Broye^
dans une belle campagne , chef-lieu d'un
gouvernement de même nom. Les Ber-
nois l'enlevèrent au duc de Savoie en
1536. On lit fur une des portes de Payerne
"infcription fuivante : Jovi. O. M. genio
loci y fortunce reduci y Appius Augujius ,
dedicat. Long. ^4» JO ; ht. Aj y zo,
(D.J.)
PAYEUR , C m. (Com.) celui qui paye
ou qui s'acquitte des fommes qu'il doit.
On appelle bon payeur celui qui acquitte
ponduellement fes dettes , lettres de chan-
ge , billets , promefîes , &c. & au contraire,
mauvais payeur , celui qui rcfufe ou fait
difficulté de payer , qui fouflfre des protêts,
des affignations , ou qui laiffe obtenir con-
tre lui des fentences pour gagner du temps.
Dictionnaire de Commerce.
Payeur des rentes, {Finance. )
Offi :ier prépofé à l'Hôtel-de-ville pour l'ac-
quit des rentes conftituées fur la ville.
PAYS , f. m. {Gramm.) ce mot défigne
un
P A Y
un espace déterminé : il Te dit encore de
différentes portions , plus ou moins grandes
de la furEice de la terre.
Il fe prend auflî quelquefois en figures , &
l'on dit , les modernes ont découvert dans les
fciences bien des pays inconnus aux anciens.
Pays (îles-), Ge'ogr. mod. Les îles-
pays font des îles de la mer des Indes ,
au fud des îles Mariannes. Elles ne furent
connues de nom qu'en 1696; & nous ne
les connoifTons que par une lettre du Père
k Clain , Jéfuitc, inférée dans les lettres
édifiantes, 1. 1 y p. i z^ &fuîi/.
Ce Père dit qu'étant arrivé à la bour-
gade de Guivam , dans l'île de Samal , la
dernière & la plus méridionale des Pinta-
dos Orientaux , il y trouva vingt-neut des
habicans de ces îÏQs-pays y que les vents
d'eft qui régnent fur les mers depuis le
mois de décembre jufqu'^u mois de mai ,
y avoient jetés à 300 lieues de leur pays.
Ils s'étoient embarqués (ur de petits vaif-
feaux au nombre de trente-cinq perfonnes ,
pour paflèr à une île voifinc , qui leur fut
impollible de gagner , ni aucune autre de
leur connoifTance , à caufe d'un vent vio-
lent qui les emporta en l'autre mer , où
ils voguèrent deux mois fans pouvoir pren-
dre terre , jufqu'à ce qu'enfin ils fe trou-
vèrent à la vue de la bourgade de Guivam ,
où un Guivamois , qui étoit au bord de la
mer , leur fervit de guide , & les fit entrer
au port le 28 décembre 1696. La flruc-
ture de leur petit vailTeau & la forme de
leurs voiles , qui font les mêmes que celles
des îles Mariannes , firent juger que les îles-
pays n'étoient pas fort éloignées de ces
dernières.
Ceux qui échouèrent à la bourgade de
Guivam étoient à demi-nus. Le tour &
la couleur de leur vifage approchoit du
tour & de la couleur du vifage des habi-
tans des Philippines , quoique leur langue
fût fort différente. Les hommes & les fem-
mes n'avoient qu'une efpece de ceinture
fur les reins & les cuifles; & fur les épau-
les , une grofle toile liée pardevant , &
pendant négligemment par derrière. La
femme de la bande qui paroifîbit la plus
confidérable , avoir plufieurs anneaux &
plufieurs colliers qu'on jugeoit être faits
d'écaillés de tortue. Ils a'avoicnt aucune
Tome XXr.
connoiflance de la divinité , ni des ido-
les ; tout leur foin étoit de chercher à boire
& à manger , quand ils avoient faim ou
îoif; ils ne connoiffoient aucun métal, &
leurs cheveux, qu'ils laifîblent toujours croî-
tre , leur tomboient fur les épaules. (D. /.)
Pays-bas , les , {Ge'ogr. mod.) con-
trée d'Europe , compofée de dix-fept pro-
vinces , fituées entre l'Allemagne , la France
& la mer du nord. Ces dix-fcpt provin-
ces font les Duchés de Brabant , de Lim-
bourg , de Luxembourg , de Gueldres , le
marquilat d'Anvers , les comtés de Flan-
dre , d'Artois , de Hainaut , de Hollande ,
de Namur , de Zélande , de Zutphen ^
les feigneuries de Frife , de Malines ,
d'Utrecht, d'Overiffel & de Groningue;
l'Archevêché de Cambrai & l'évêché de
Liège y font encore enclavés. Huit de ces
provinces , qui font vers le nord , ayant
fecoué la domination Efpagnole , formèrent
une république , qui eft aujourd'hui la plus
puifîânte de l'Europe , & qu'on connoît
fous le nom de Provinces-Unies. Voyez
Provinces-Unies.
On a vérifié dans le confeil Êfpagnol ,
en 1663 , que l'Efpagne , depuis Charles V,
c'eft-à-dire , en moins de 150 ans , avoit
dépenfé plus de 1873 millions de livres ,
à 2,8 livres le marc , pour confèrver les
Pays-Bas ) indépendamment des revenus
du pays qui y ont été confommés. Si à ces
revenus du pays l'on ajoute ce qu'il en a
coûté depuis 1663 jufqu'en 171$ , on trou-
vera que l'Efpagne auroit gagné plus de 1900
millions , ou loo millions de livres de rente
annuelle , à 27 livres le marc , à abandon-
ner les Pays-Bas lorfque Charles V alla
fixer fon féjour en Efpagne. (G.J.)
Pays réunis, {Ge'ogr. mod.) nom que
l'on donne à un grand nombre de fiefs ,
divifés en fiefs relevans des évêchés de
Metz , Toul & Verdun ; en fiefs compris
dans la baffe Alface, & en fiefs mouvans
des comtés de Chini.
Pays des ténèbres, (Ge'ogr mod.)
contrée de la grande Tarrarie , dans la
partie la plus feptentrionale de cette ré-
gion. On lui a donné le nom àt ténèbres ^
à caufe que pendant une partie de l'hiver ,
les grands brouillards qu'il y fait em-
pêchent que le foleil n'y paroifïè. Il s'y
B
^HH-,
10 P A Y
trouve beaucoup d'hermines , & de renards.
Les habitans vivent prefque comme des
bêtes , & ne reconnoifîent ni loix , ni rois ,
ni chefs. {D. J.)
PAYSAGE , r. m. (Peinture,) C'eft le
genre de peinture qui repréfente les cam-
pagnes & les objets qui s'y rencontrent. Le
p^J-jfcige eft dans la peinture un fujet à&s
plus riches , des plus agréables & des plus
féconds. En efièt , de toutes les produc-
tions de la nature & de l'art , il n'y en
a aucune que le peintre payfagifle ne puilîè
faire entrer dans la compoiition de {qs
tableaux. Parmi les ftyles différens-& pref^
qu'infinis dont on peut traiter lejoa^yàg-^^
il faut en dillinguer deux principaux ; favoir ,
le flyle héroïque , & le flyle pafloral ou
champêtre. On comprend fous le fîyie hé-
roïqre , tout ce que l'art & la nature pré-
fentent aux yeux de plus grand & de plus
majeiîueux. On y admet des points de
vues merveilleux , àts temples , dis fépul-
fures antiques , des maifons de plaiiance
d'une architeâure fuperbe , Êv. Dans le
ilyle champêtre , au contraire , la nature efl
repréfenrée toute {impie , fans artifice , &
avec cette négligence qui lui fied fouvent
mieux que tous les embelUflemens de l'art.
Là on voit des bergers avec leurs trou-
peaux ; des folitaires enfevelis dans le fein
àcs rochers , ou enfoncés dans l'épaifîeur
des forêts ; des lointains ; à^s prairies , ùc.
On unit fort heureuferaent le llyle héroï-
que avec le champêtre.
Le- genre du payjage exige un coloris
où il y ait de l'intelligence , & qui fafTe
beaucoup d'effet. On repréfente quelquefois
dans les payfages des fîtes incultes & inha-
bités , pour avoir la liberté de peindre les
bizarres effets de la nature livrée à eîie-
même , & les produdions confufes & irré-
gulieres d'une terre inculte. Mais cette forte
d'imitation ne fauroit nous émouvoir que
dans les momens de la mélancolie , où la
chofe imitée par le tableau peut fyrapathi-
fer avec notre pafîIon.Dans tout autre état ,
\tpayfage\Q plus beau, fût-il du Titien & du
Carrache , ne nous iatérefïé pas plus que
k feroit ia vue d'un caneton de pays affreux
ou riant. Il n'efl rien dans ua pareil tableau
qui oous entretienne , pour ainfi dire ; &
cc>mme il ne aous touche guère , il ne ,
P A Y
nous attache pas beaucoup. Les peintres
intelligens ont fî bien fenti cette vérité ,
que rarement ils ont fait des payfages dé-
ferts & fans figures. Ils les ont pe-uplés , ils
ont introduit dans ces tableaux un fujet
compofé de plufieurs perfonnages , dont
l'adion fût capable de nous émouvoir , &
par conféquent de nous attacher. C'efl ainfî
qu'en ont ulé le Poufîîn , Rubens & d'au-
tres grands maîtres , qui ne fe font pas con-
tentés de mettre dans leurs payfages un
homme qui paiTe fon chemin , ou bien une *
femme qui porte des fruits au marché ; ils
y placent ordinairement des figures qui pen-
fènt , afin de nous donner lieu de penfer ;
ils y mettent des hommes agités de pafïions ,
afin de réveiller les nôtres , & de nous
attacher par cette agitation. En effet , on
parle plusfouventdesfiguresde ces tableaux,
que de leurs tewaffes &: de leurs arbres.
La fameufe Arcadie du Pouffin ne feroit
pas fi vantée , fi elle étoit fans figures. V^
fur ce payfage P article du Pouffîn , au
mot Paysagiste. {Le chevalier de Ja u-
COURT.)
PAYSAGISTE, fubf^. m. {Peinture.)
peinture de payfage. Voye\ PAYSAGE.
Les écoles Itahenne , Flamande & Hol-
landoifè , font celles qui ont produit le
plus grand nombre d'excellens artifles en
ce genre de peinture.
Les fîtes de l'Albane font agréables &
piquans. Le Bafîàn fe fit admirer par la
vérité qui régnoit dans fes payfages ; il
fuivit toujours l'étude de ta narure , qu'il
fut exprimer,, après l'avoir connue dans les
heux champêtres qu'il habitoit. Peu de pein-
tres ont mieux touché le feuillage que lé
Boîognefe. Botzoni (François-Marie) né à
Gènes en 1625 , & mon dans la même
ville en 1679 > ^ ^^^^ ^"^i connoître Ces
talens en ce genre , par fes neuf grands pay-
fages peints à huile , qu'on voit dans le
veflibule du jardin de l'Infante.
Annibal Carrache ne fe difîingua pas feu-
lement par un goût de deffin fier & corred^^
il fut- aufïi s'occuper du payfage , &: y
excella : (qs arbres font d'une forme exquife.,
& d'une touche très-legerc. Les tableaux
de Giorgion font d^un goût fupérieur pour
les couleurs & îes oppofirions. Le Guaf-
pre a montré un arc particulier à exprimer
j*
P A Y
les vents , à donner de l'agitation aux feuil-
les des arbres; enfin-, à repréfenter des
bourafques & des orages. Le Lorrain , à
force d'études, devint un grand Payfagifle
dans l'expreffion des objets inanimés; mais
manquant de talens pour peindre les figu-
res , !a plupart de celles qu'on voit dans
Tes ouvrages , font d'autres artilles. Le
Mola a des fîtes du plus beau choix , &
fa manière de ftuiller les arbres eft. char-
mante. Le Mutien prit beaucoup en ce genre
de la manière Fhmiande , car les Italiens
n'ont pas autant recherché l'art de ieuiller
que les Flamands : il accompagna donc Ces
tiges d'arbre de tout ce qu'il croyoit les
devoir rendre agréables , & y jeter de la
variété; mais les plus grands Payfagiftes
qu'on connoifïè font fans doute le Titien
& le Pouliln.
La plume de Titien , auflî moëlleufe
qu'elle efl expreffive , l'a fervi heureufè-
mentjorfqu'il a defliné des payfages. Indé-
pendamment de fa belle façon de feuiller
les arbres fans aucune manière, & d'ex-
primer avec vérité les différentes natures
de terrafîes , de montagnes & de fabriques
fingulieres , il a encore trouvé le fecret de
rendre Çqs payfages intérelïàns , par le choix
des fîtes & la diftribution dts lumières :
tant de grandes parties ont fait regarder le
Titien comme le plus grand deffinateur de
payfages qui ait encore paru.
Le PoulIIn a fu de plus agiter nos paf-
fions dans fes payfages , comme dans les
tableaux d'hifloire. Qui n'a point entendu
parler , dit l'abbé Dubos , de cette fameufe
contrée qu'on imagine avoir été durant un
temps le féjour des habitans les plus heureux
qu'aucune terre ait jamais portés ; les hom-
mes toujours occupés de leurs plaifirs , &
qui ne connoiflbient d'autres inqfiiétudes
ni d'autres malheurs , que ceux qu'effuient
dans les romans ces bergers chimériques
dont on veut nous faire envier la condition ?
Le tableau dont je parle repréfente le
payfage d'une contrée riante ; au milieu ,
l'on voitlemonumentd'unejeune fille morte
à la fleur de fon âge , c^t^ ce qu'on con-
noît par la flatue de cette fille couchée fur
le tombeau : à la nianieredes anciens , l'inf-
cription fépulchrale n'eft que de quatre
mots latins : Je vivois cependant en Ar-
p A Y ,r
cad!e , & in A'-cidid ejo. Mais cette inf-
cription fi courte fait faire les plus férieufes
réflexions à deux jcun^'s garçons , & à deux
jeunes filles parées de guirlandes de fleurs ,
& qui paroiifent avoir rencontré ce mo-
nument fi trifîe , en des lieux où l'on devine
bien qu'ils ne cherchoient pas un objet
alHigejnt. Un d'entr'eux tait remarquer aux
autres cette infcription , en la montrant du
doigt , & l'on ne voit plus fur leurs vifà-
ges , à travers l'affliction qui s'en empare ,
que les refies d'une joie expirante. On
s'imagine entendre les réflexions ^e ces
jeunes perfonnes , fur la mort qui n'épar-
gne ni l'âge, ni la beauté, & contre la-
quelle les plus heureux climats n'ont point
d'afyle. On s'imagine ce qu'elles vontfe dire
de touchant , lorlqu'elles feront revenues de
leur première furprife , & l'on l'applique à
foi-même , & à ceux à qui l'on s'intérefîe.
La vue du payfage qui repréfente le dé-
luge , &qui orne le palais du Luxembourg,
nous accable de l'événement qui s'otfre à
nox yeux , & du bouleverfement de l'uni-
vers. Nous croyons voir le monde expi-
rant ; tant il efî vrai que le Pouffin a aufîl-
bien peint dans les payfages tous les etïèts
de la nature , que les pallions de l'ame dans
fes tableaux d'hifloire.
Le célèbre Rubens eft encore , dans fbn
école , le prince du payfage , & l'on peut
dire qu'il l'a traité aufli fupérieureraent que
perfbnne ; ce genre de peinture a été fingu-
liérement goûté par les Flamands & les Hol-
landois , & leurs ouvrages le prouvent affez.
Brugel (Jean) furnommé Brugel de ve~
lours y s'efl fervi du pinceau avec une
adreiïè infinie , pour feuiller les arbres. Il
a fu mettre dans fes payfages des fleurs ,
des fruits , des animaux & des voitures ,
avec beaucoup d'intelligence.
Bril (Matthieu) avoit déjà fait connoî-
tre fon goût pour traiter le payfage, quand
il mourut à Rome âgé de trente-quatre
ans ; mais fon frère Paul le fùrpafïà de beau-
coup. Ses tableaux en ce genre font recora-
raandables par des fites & des lointains
intérelfans , par un pinceau moelleux , par
une touche légère & par une manière vraie
de rendre tous^les objets ; on lui trouve
feulement un peu trop de verd dans fès
tableaux.
Bi
,1 P A Y
Juanefeîd (Hermand) efî un maître par
l'art de peindre les arbres , par fes figu-
res d'animaux ,. & par fa touche fpirituelle.
On a auffi de ce charmant artifte des
payfages gravés à l'eau-forte , & qui font
beaucoup d'efïèt.
Van-der-Mer (Jean) a orné fcs payfa-
ges de vues de mer & de figures , defli-
nées avec efprit ; mais fon frère de Jonghe
le furpafla de beaucoup dans la peinture
des animaux qu'il mit dans fes payfages ,
fur-tout des moutons , dont il rcpréfente
la laine avec un art tout-à-faii féduifant ;
ùs figures , fes ciels y fes ai'bres , font d'une
manière fupérieure; on ne distingue point
fss touches , tout eft fondu & d'un accord
£ngulier:
Van-Uden (Lucas), né à Anvers en 1 595>
mort vers l'an 1660 , ell mis au rang des
célèbres Payfagifies. Une touche légère ,
clégante & précife , caraâérifc fa manière ;
les ciek ont un éclat brillant ; fes fites font
agréables & variés ; la vue fe perd dans les
lointains qu'il a fu repréfenter : on croit
voir les arbres agités par le vent , & àts
figures élégamment deflinées , donnent un
nouveau prix à (ts tableaux.
Bergem (Nicolas) eft un des grands
Pay/àg-i^f ^ Hollandois ; il plaît fur-tout par
des effets piquans de lumière , & par fbn
habileté à peindre leTs ciels.
Breenberg ( Bartholomé ) a orné fes pay-
fages de belles fabriques , qu'il avoit à^ï-
finées pendant fon féjour en Italie : ïts pe-
tites figures font d'un fvclte admirable.
Griffier (Jean) s'eft particulièrement
attaché à rendre Ces payfages brillans , en y
rcpréfentant les plusbelles vues delaTamife.
Poélemburg (Corneille) a fouvent orné
les fonds de fes payfages des ruines de
l'ancienne Rome ; fon pinceau eft doux &
moelleux ; le tranfparent de fon coloris
fe fait finguliérement remarquer dans la
Beauté de fes ciels.
Porter (Paul) a rendu, avec beaucoup
;3*art , les, différens eJfFets que peut faire fur
îa campagne l'ardeur & l'éclat d'un Ibleil
brûlant *,^ les animaux y font peints avec la
dernière vérité , & le grand fini de fès
payfages les a fait rechercher avec une
ibrte d'avidité : cependant ils ne difènt rien
à l'ef^rit , parce qu'il n'y a placé qu'une.
PAZ
ou deux figures ; & fes fites font pauvres
parce qu'il n'a peint que les vues de k Hol-
lande, qui font plates & très-peu variées.
Ruyldall (Jacob) , né à Harlem en 1^40,
eft un des fameux Payfagifies du pays. Il
s'eil attaché à repréfenter dans its tableaux
des marines ou des tempêtes ; fes fites plaî-
fent , fon coloris ell vigoureux , & fe&
figures font communément de la main de
Van-Oftade.
Wauwermans orna fcs payfages de chaf-
fes , d'altes , de eampemens d'armées , d'at-
taques de villages , de petits combats , &
d'autres fujets dans lefquels il pouvoit pla-
cardes chevaux, qu'il deffinoit parfaitement.^
Ses tableaux font précieux , par le tour fpi-
rituel des figures , par la fonte des couleurs ,
par un pinceau flou & féduifant , par l'en-
tente d'un clair-obfcur , enfin par un pré-
cieux fini.
Les .payfages de Van-Évcrdin (Adrien)
font recherchés en Hollande , par la liberté
de la touche & par le goût de ce maître..
Zacht-Leeven ( Herman ) , né à Roter-
dam en \6o^ , mort à Utrecht en 1685 ,
a fait des payiages très-piquans > par le choix
des fites , par la beauté de fon coloris , &
par l'art avec lequel il a repréfenté des loin-
tains légers , qui fembient fuir & s'échapper
à la vue.
Enfin , tous les Vanderveldes (è font
plus ou moins diflingués dans les payfages ;. .
on aime les petites figures naïves dont ils
les ont ornés.
Quant à ce qui regarde les artifies de
la Grande-Bretagne , comme rien n'efl ii
riant que les campagnes de l'Angleterre ,
plus d'un peintre y fait un ufage heureux:
des afpeâs charraans qui s'y préfentent de
toutes parts. Les tableaux de payfage y
font fort à la mode & fort bien payés , en-
forte que ce genre y eft cultivé avec un;
grand fuccès. Il n'y a pas beaucoup d'ar-
tifles , Flamands ou Hollandois , qui foieric
fort fupérieurs aux peintres de payfages,,
qui jouifîènt aujourd'hui en Angleterre de.
la première réputation. {Le chevalier dcr
Ja uco urt. )
Î^AZZY, {Geog. mod.) ville de la Re-
manie, prés de GaUipoli^, avec un évê-
ché fuffragant d'Héraclée ; elle eft fur la-
mer. Long^. 4.4 y 54 , /. 4,0 , 30. (D. J.%
P E A
PÉ , n m. en terme de Vannier , c'efî un |
montant d'ofier, autour duquel on p;)fîe
l'ofier dans les ouvrages de mandrerie.
Pé écaffe j c'eft un pé que les Vanniers
appeilcnt ainfi , parce qu'il efl fort mince
& applati par un bout , par lequel il doit
environner le moule de la pièce.
Pé taillé y efl parmi les Vanniers un pé
fort aigu par un bout , & qui fe pique dans
le fond d'un ouvrage de vannerie.
PÉAGE, f. m. {Hifi. Rom.) Les Ro-
mains , pour fournir aux dépenfes de l'état,
impoferent un tribut général fur toutes les
marchandifes que l'on tranfportoitd'un lieu
en un autre , & que l'on appelloit porto-
riiim ; ce qui revient à notre péage.
On ignore dans quel temps les Romains
ont commencé d'exiger des droits fur les
marchandifes en paffant fur leurs terres ,
parce qu'ils ont été long-temps fans avoir
ni commerce , ni liaifons avec leurs voi-
jfins. On ne fait point encore fi Ancus-
Martius , qui a ouvert le premier le port
d'Oftie , y établit un droit fur \ts marchan-
-difes qui y feroient apportées ; il faut pour-
tant que les péages euffent été établis fous
les rois , puifque Plutarque , Denis d'Ha-
licarnafîe , & Tite-Live , ont remarqué que
Publicola abolit les péages , ainfi que plu-
fieurs autres charges dont le peuple étoif
opprimé. Mais la République ayant étendu
fa domination de toute part , elle fut obli-
gée , pour foutenir plufieurs guerres , de
coaferver ce qu'elle avoit acquis ; & par
l'ambition d'augmenter i^ts conquêtes , de
rétablir non-feulement ces anciens fubfi-
àts , mais même d'en impofer de nouveaux
fur tout ce que l'on portoit à Capoue , à
Pouzolles , & dans le camp qui avoit été
autrefois affranchi de toutes fortes de droits.
Ainfi Rome & toute l'Italie fe virent ac-
cablés de péages , Jufqu'au temps où Ce-
çilius Métellus , étant Préteur , les abolit ,
félon le témoignage de Dion Callius , par
une loi agréable au peuple , mais mal re-
çue par ks Sénateurs , & par la plupart
ces grands qui haïffoient Métellus.
Cet aîfranchiiïement fubfifla néanmoins
dans l'Italie , jufqu'à la deftruâion de la
République & de la liberté; car,^ au rap-
port de Suétone, Jule^-Céfar renouvella
tws ces. fubfides , ^u'Augufle ne manqua
P E A i^
pas de confirmer. Il efl vrai que , fi nous
en croyons Tacite , Néron'eut quelque en-
vie d'éteindre le tribut appelle portorium ,
mais cette envie ne dura guère \ ili'ctoufïà
prefque dans fa naiffance.
Au refle , on comprend aifément que
portorium étoit originairement un tribut im-
pofé fur tout ce qui entroit dans les ports de
la république ; à portu , portorium die--
tum. {D. J.)
Péage , f. m. (Jurifprud.) efl un droit
qui fè paie au roi , ou à quelque autre
perfonne , par permifîion du roi , pour le
pafTage des perfbnnes , befliaux , marchan-
difes , fur un pont , chemin ou rivière,
ou à l'entrée de quelque ville , bourg ,
ou autre lieu.
Les péages reçoivent différens noms ,
félon l'objet particulier pour lequel ils fe
perçoivent comme barrage , pontonage ,
partage , travers : on appelle auffi le péage
billete ou branchiete , à caufe du billot oa
branche d'arbre où l'on attache la pancarte.
Le roi peut feul établir des péages , &
les feigneurs hauts-jufîiciers n'ont pas ce
droit: fi quelques-uns ont d^s péages
dont ils ne rapportent pas le titre primitifs
c'ell que la longue polfelfion fait préfumer
qu'il y en a eu originairement une concef^
fion du roi \ & tous ceux qui ne font
pas établis de l'autorité du roi ^ doivent:
être abolis.
L'ordonnance des eaux & forêts , r/V.
des péages, a fupprimé tous les droits de
cette efpece , qui ont été établis depuis cent
ans fans titre; & à l'égard de ceux qui
éroient établis avant les cent ans , par ti-
tres légitimes , & dont la poflefîion n'aura,
pas été interrompue , elle a ordonné que
les feigneurs propriétaires juflifieroieru de-
leur droit & poffe filon..
U article 5 de ce même titre rejette les^
droits de péage , même avec titre & pof-^
feffion r fi les feigneurs qui les. lèvent ne-
font obligés à aucune dépenfe pour l'entre-
tien des chemins , bacs, ponts, & chauffées*
Celui qui a droit de péage à^ns un lieu ^
ne peut , fans permifîion du roi ,. transfé-
rer le bureau de fon péage en un autre
endroit , ni établir de nouveaux bureaux
fans permiiîîon.
Les feigneurs qui ont droit àQ péage font
14 P E A
obligés d'avoir une pancarte contenant le
tarif du droit , & de la faire mettre en un
lieu apparent , afin que le fermier ne puifTe
exiger plus grand droit qu'il n'eft du , &
que les paflàns ne puifTent prétendre caufe
d'ignorance du péo.ge.
Il y a un bureau du confeil établi pour
l'examen & la repréfentation des titres des
propriétaires des droits àç. péages , partages,
pontonages , travers , & autres qui fe per-
çoivent fur les ponts , chaufîees , chemins ,
rivières navigables , & ruifTeaux y aflluans ,
dans toute l'étendue du royaume.
Les droits de péage ont été établis , dans
l'origine , pour l'entretien des ponts , porcs ,
partages & chemins, & même pour y
procurer aux marchands & voyageurs la
sûreté de leurs perfonnes & effets : c'eft
pourquoi anciennement, lorfque quelqu'un
étoit volé fur un chemin où le feigneur
haut-jufîicier avoit droit de péage y ce
feigneur étoit tenu de rembourfer- la perte ;
cela fut ainfi jugé par arrêt donné à la
Chandeleur 12.54., contre le fieur deCreve-
cœur ; en 1269 > contre le feigneur de
Vicilon;en 12,73 » contre le comte de Bre-
tagne; & en 12.85 contre celui d'Artois.
On voit aufîl par un arrêt delaTouf^
faint 12,95 , que le roi faifoit rembourfer de
même le détrouffement fait en fa juflice.
Mais quand le meurtre ou vol arrivoit
avant le foleil levé , ou après foleil couché ,
le roi ou autre -feigneur n'en étoit pas
refponfable.
Cette garantie n'a plus lieu , depuis que
les feigneurs n'ont plus la liberté de met-
tre fous les armes leurs vartâux & fujets ,
& que le roi a établi des maréchaurtJees
pour la sûreté des chemins.
Quelques coutumes prononcent une
amende , au profit du feigneur, contre ceux
qui ont fraudé le péages cela dépend des
titres & de la poffeffion.
Les peagw font droits domaniaux, & non
d'aides & de fubfides. Voye\ les coutumes
d'Anjou , du Maine , Lodunois , Touraine,
Bourbonnois , la Marche ; le Glojf. de Lau-
riere, au moi péage j de Pommiers (ur l'art,
î £^ y de la coutume de Bourbonnois. (A)
AhusÙ dangers des péages, par M. Lingue t.
Voici comme s'exprime cet éloquent
P E A
auteur , en bon patriote , aux ^tats d'Ar-
tois , dans fès canaux navigables , im-
primé en ^76^.
fy Examinez ce canal de Briare creufé
M fous Henri IV , celui de Languedoc fbl-
w licite par Colbert : regardez le cours de
>y la Saône , de la Loire. . . . Vous y ver-
« rez l'avidité étendre f£s filets à chaque
» pont , à chaque éclufè , à chaque ma-
y> fure tolérée dans le voifinage.
M Vous verrez l'indu ftrie fe débattre en
» vain , fous les efforts d'une multitude
» d'oilcaux de proie , appelles Buraliftes ,
»> Aecepeurs , Péagers. . . . elle n'échappe
« de leurs ferres qu'en y laiffant une par-
yy tie de fa dépouille ; & comme à chaque
yy pas la même fcene fe renouvelle , elle
>j arrive enfin expirante au terme de fon
7> voyage.
» Voilà le fpedacle qu'oflfrent en France
»> tous ces beaux ouvrages , tant célébrés
» par un tas d'écrivains flatteurs, qui arron-
» dirtent des phrafes dans leur cabinet.
» N'élevez donc point , Mefïieurs , de
» ces guérites terribles , où fe logera bien-
» tôt , malgré vous , la rapacité des Trai-
w tans : facrifiez farts retour & fans regret
M à l'établiffement de vos enfans , la
» fomme dont ils ont befoin pour leur
yy dot.
» Il vaut mieux ne point ouvrir de rou-
M tes , que de les voir infeftées par les har-
» pons meurtriers des Péagers. Il efl moins
» dangereux de laifTer le commerçant ram-
>î per fur la terre, que de le réduire, dès
" l'entrée d'un canal , à reculer d'épou-
» vante à l'afped de ces retraites perfi-
» des où s'embufquent ces ennemis dévo-
w rans , qui l'attendent pour le fucer : écar-
» tez-en donc pour toujours ces pirates
» privilégiés qui rançonnent les pafîàns , •
w fans autres armes que des parchemins.
Péage, droit de péage Jingulier en
Champagne.'M. Groley , donton connoîc
l'érudition , nous rapporte un droit de
péage fort finguher du comté de Lefmont
en Champagne , au quinzième liccle.
Ephem. Troy. ijGo.
Art. t^. Un cheval ayant les quatre
pies blancs , franc. .
Art. 27. Un char charge de poifîbns ,
4 fous 2, deniers, & une carpe ou un brochet.
P E A
Art. z 8. Un homme chargé de verres , |
2 deniers : s'il vend Tes marcha ndifes au
lieu dudit comté, doit un verre au choix
du comte , qui doit au marchand du vin
plein le verre.
^n. zz. Un juif pafîant dans ledit
comté , fè doit mettre à genoux devant la
porte du château , & recevoir un fouflet
du comte ou de Ton fermier.
Art 2.5- Un chaudronier paflânt avec
fes chaudrons , doit 2 deniers , fi mieux
n'aime dire un pacer un ai^e devant le
château. (C)
PÉAGER, f. m. {Jurifprud.) efl ce-
lui qui fait la recette du droit de péage.
Voyei ci-devant PÉAGE. (A)
PEAKS , {Hifi. mod. Commerce. ) Les
fauvages de la Virginie fe fervent , au lieu
dç; monnoie , de différentes parties de co-
quilles polies , & formées en petits cyhn-
dres percés, d'une couleur brune ou blan-
che , de la longueur de quatre ou cinq li-
gnes, & enfilés. Il y a de ces cylindres qu'ils
nomment runtis;ks roenokes font des frag-
mens de pétoncles. Les Anglois reçoivent
le peak brun , qui efl le plus cher , fur le
pie de 18 lous un pennys , la verge ou
l'aune.
PEAN ouVJEAN, Cm. {Belles-Let-
tres. ) c'étoit originairement un cantique en
l'honneur d'Apollon & de Diane , qui
renouvelloit le iouvenir de la vidoire rem-
portée fur le ferpent Python par ce dieu ,
dont '!ff:itctv étoit aufli l'un à^s furnoms ,
emprunté de la force de fes rayons ou de
fes traits , exprimée par le verbe -yrainv ,
frapper. Ces cantiques étoient caradérifés
par cette exclamation î» -aatiKv qui en étoit
comme le refrain , & qui fîgnifie propre-
ment décoche tes fléchas y Apollon. On
les chantoit pour fe rendre ce dieu favo-
rable dans les maladies contagieufes , que
l'on regardoit comnfe des effets de fa colère.
Cette notion des peans efl relative à
toutes les étymologies qu'on donne de ce
nom , Feflus le faifant venir de Tra/»;, _,
frapper. Hefychius de -rctud âipa-Trtva , je
guéris; & d'autres, de cette exclamation
tKTTut m 'TTui l courage y mon fils î que
Latone répéfoit à Apollon pendant qu'il
combaftort le ferpent Python.
Dans la fuite, on, fit de ces peans ou
P E A 15
cantiques pour le dieu Mars, & on les chan-
toit au fon de la flûte , en marchant au
combat. Il y en a divers exemples dans
Thucidide & dans Xenophon ; fur quoi le
Scholiafte du premier obferve , qu'au com-
mencement d'une adion l'on invoquoit
dans 'ces peans le dieu Mars ; au lieu qu'a-
près la vidoire , Apollon devenoit le feul
objet du cantique. Mais enfin , ces canti-
ques ne furent plus renfermés dans l'in-
vocation de ces deux divinités , ils s'éten-
dirent à celle de quantité d'autres ; & dans
Xenophon, hift.grcec. lib. IV y les Lacé-
démoniens entonnent un pean à l'honneur
de Neptune.
On en fit même pour illuflrer les grands
hommes ; Athénée parle de ceux où l'on
célébroit les louanges de Lyfandre le Lacé-
démonien , & qu'on chantoit à Samos ; &
de ceux de Cratère le Macédonien, qu'on
chantoit à Delphes. Arifiote honora d'un
pareil cantique l'eunuque Hermias fon ami ;
& il fut, dit-on, mis en jufHce pour avoir
prodigué à un mortel un honneur qui n'étoit
dû qu'aux dieux. Ce pean nous reffe en-
core aujourd'hui , & Jules-Céfar Scaliger
ne le trouve point inférieur aux odes de
Pindare ; mais Athénée qui nous a confervé
ce cantique d'Ariflote , ne tombe point
d'accord que ce foit un véritable pean y
parce que l'exclamation ik rn-cf.ia.v qui de—
vroit le caradérifer , ne s'y rencontre en
aucun endroit ; au lieu qu'elle ne manque
point dans les peans compofés en l'hon-
neur de Ptolomée , fils de Lagus , roi
d'Egypte , d'Antigoné , & de Démétrius
Poliorcète. Nous fommes redevables aa
même Athénée de la confervation d'un au-
tre pean , adrefTé par le poète Ariphron
Sicyonien à Hygiée , ou la déefTe de la
fanté. Recherches fur les peans , par M.
Burette , mém. de l'Académie d^s Belles-
Lettres , tome X ^ page /^Oî & 30Z.
■ Pean ou Peon , efl aufîî le nom d'une
forte de pié dans les vers des anciens ; on
l'appella ainfi , dit-on , parce qu'il dominok
dans les h3^mnes ou cantiques nommés
peans. Mais Quintiiien le nomme peon ^
& en attribue l'invention a un médecin;
appelle Peon. Ce pi éconfilloi« en quatre
lylkbes , dont trois dévoient être brèves^
éi ime long,ue ; mais cella-ei pouvoit hsei
4é P E A.
difporée de quatre rnanieres. i*. Avant
toutes les brèves , comme dans djfîgerë ;
Z°. après une breve,comme dansjupërbiâ '^
3°. après deux brèves , comme âliënûs ;
4°. après toutes les brèves , comme dans
tëmërïtâs. Voyez PlÉ.
PÉAN , [Géogr. mod) ville de la Co-
rée , capitale de la province de Péando ,
fur la mer de la Chine. Les Japonnois
s'en emparèrent fur les Chinois en 159^*
{D.J.)
PEANGE, j-qyqANGE.
PEAT , i: m. {Hifl, nat.) les Anglois
donnent ce nom à une efpece de tourbe
ou de limon , formé par la pourriture des
végétaux. Humus paluflris.
PEAU , fublh f. {Anatom.) enveloppe
univerfelie qui recouvre le corps en en-
tier , contient tous les organes , &: figure
toutes les parties à l'extérieur.
Les animaux compofés & les plantes ont
la furface couverte d'une enveloppe géné-
rale , naturellement divifée en deux lames ,
l'épiderme & la véritable peau. Ce n'efî
pas uniquement la furface expofée aux corps
extérieurs qui en efl couverte : cette mê-
me peau , & l'épiderme avec elle , entrent
dans l'intérieur du corps de l'animal par
toutes les ouvertures que la peau paroît
avoir ; elles fe continuent dans les narines ,
dans la bouche , dans la trachée ; dans l'œ-
fophage , dans les inteftins , dans l'urètre , &
l'uretère, dans le vagin, peut-être même dans
la matrice , du moins à l'égard de la peau.
Il eft vrai que cette peau rentrée dans
l'intérieur de l'animal , continuellement hu-
meâée par des liqueurs exhalantes & par
des vapeurs , & mife à couvert du defîe-
chement qu'elle éprouvoit de la part de l'at-
raofphere, devient plus molle & plus fpon-
gieufe; mais fa continuité n'en eft pas moins
certaine. C'eft Izpeau qui devient la mem-
brane pituitaire; la tunique intérieure de Tœ-
fophage , la nerveufe de i'eftomac , des in-
teftins , de la veflîe , la fubflance fpon-
gieufe de l'urètre , du vagin & de l'utérus.
L'épiderme forme la veloutée. C'efl encore
la peau qui prend le nom de conjonc^ine ,
& l'épiderme l'accompagne , pour revêtir
avec elle la furface antérieure de la fcléro-
tique. La peau avec l'épiderme entre de
même dans le conduit de l'oreille & dans
P E A
la trompe; elle donne deux lames à la
rnembrane de la calife , & l'épiderme la
recouvre par deux autres lames.
La flrudure de la véritable p^aw efl fort
fîmple. C'efl une membrane très-forte , qui
s'étend confidérablement en longueur, &
qui reprend de même la première étendue,
Il eft vrai qu'elle eH plus mince dans quel-
ques parties du corps , & fur-tout au vi-
fage & à la mamelle , & plus épaiife au
dos , à la tête chevelue & aux extrémités.
Elle eft plus molle dans l'enfance ; Tàge
ajoute à fa force & à fà roideur.
Elle eft entièrement compofée d'une cel-
lulolité très-ferrée , formée par des lames
& par des fibres entrelacées. Le tiflu en
efl plus ferré vers l'épiderme ; il devint
plus lâche , & les lames fe féparent du ctiè
de la graiflè. La macération en découvre
la flruâure ; l'eau gonfle les cellules , écarte
les lames & la rend fpongieufè.
Il n'y a point de fibres mufculaires dans
la peau de l'homme : on a cru en voir à
la ligne blanche , au commencement des
doigts , au coude ; mais une préparation
plus exade détache la peau fans blefîer
aucune fibre tendincufe. L'air poufle fous
{s. peau aide cette féparation; c'eft le moyen
dont fe fervent les bouchers. Au front
même , le mufcle qui paroît cutané , &
celui qu'on appelle de ce nom au haut du
cou, ne font point attachés à la peau; il
y a entr'elle & entre les fibres mufcu-
laires un plan de graiffe , quoique peu
épais.
Quoique h peau ne foit point mufculeu-
fe , elle a cependant une efpece d'irritabi-
lité ; il eft vrai que le fer ne la réveille
pas , mais l'air froid , l'eau froide la réveille
& la met en aâion: la terreur qui fait
drelTer les cheveux , fait auffi dans la peau
une efpece d'éreûion.
Dans le fcrotum , ce mouvement efl plus
vif. Le froid , la fanté , le bon état des
forces du corps le redrelTent , le relèvent ,
& Its régumens paroiflent durcir dans
cette aâion. Elle paroît commune à la
peau & à la cellulofité vafculeufe , qu'on
appelle dartos. Cette adion du fcrotum
approche beaucoup de l'irritabihté : l'ana-
tomie cependant ne découvre point de
fibres mufculaires , ni dans la peau , ni
da»s
P E A
dans le darros , & rirritatlon méchanîque
ne produit pas de mouvement.
La ptau eft extrêmement vafculeufe :
elle l*eft au premier coup-d'œil dans les
joues ; la pudeur allume une fougeur agréa-
ble dans le refte du vifage , & à la gorge
même des ieunes perfonnes , dont la peau
eft blanche & l'ame fenfible. L'inflamma-
tion Se l'injeélion découvrent dans toute
l'étendue de la /JCiîa, un nombre infini de
vaiiïeaux moins app'arens dans l'état natu-
rel, parce que la cellulofité les couvre, &
que ces vaifteaux font fort petits. Les troncs
des artères ne fe rendent jamais à la peau ;
ils marchent &C fe diyifent dans la cellulo-
fité qui eft entre la^aw &: les muicles :
mais ils donnent de petites branches rameu-
fes en grande quantité, à toutes les parties
de \-aiptau. Ces branches deviennent plus
fines en approchant de l'épiderme , ôc fe
perdent à la fin dans les mamelons. L'en-
fant qui vient de naître , le nègre tout
comme l'européen , eft entièrement rouge ;
fes vaifteaux font alors au plus grand nom-
bre poffible , puifqu'il s'en efface avec
l'âge , qu'il n'en naît point de nouveaux ,
& que le cœur du fœtus a plus de force
vis-à-vis des réfiftances.
C'eft des artères & des veines rouges
que j'ai parlé. Il y a fans doute dans la
peauàcs vaifteaux plus fins , & deftinés à
charrier une liqueur tranfparente ; ce font
les vaifteaux qui répandent fur la furface
du corps la matière tranfpirante & la
fueur.
On feroit autorifé à croire que ces vaif-
feaux, naturellement blancs, fe colorent
& deviennent rouges par l'injection , parce
qu'on les a forcés de recevoir une liqueur
plus vivement colorée que leur liqueur na-
turelle. C'eft ainfi que dans la rétine &
dans la conjonélive, on ne diftingue que
les troncs des artères dans l'état de la na-
ture , mais qu'après une injeftion , on
y découvre des réfeaux entiers de vaif-
ieaux colorés, que l'on n'avoit pas dé-
couverts.
Il ne faut pourtant pas fe hâter de tirer
cette conclufion de ces faits. Il eft bien
avéré que des vaifteaux certainement rem-
plis de fang, font invifibles dans l'état de
la nature , parce que les globules n'y font
Tome XXF,
P E A T7
pas entaft*és , qu'ils fe fuivent à la file , &
que, pareil à toute liqueur, au vin rouge
même, le fang ne paroît rouge que lorfque
l'épaifteur de la mafte de ce fang eft un peu
confidérable. J'ai vu cent fois le vitré des
poiffons; fa membrane paroiftoit cendrée
ou tranfparente , mais le microfcope y dé-
couvroit des vaififeaux innombrable^s rem-
plis de fang. Aucune liqueur n'y avoit
pénétré; ces vaifteaux n'avoient, pour fe
rendre vifibles, que les mêmes globules,
malgré lefquels ils avoient paru tranfparens.
Ces globules groflis, vus à travers des mem-
branes éftentiellement tranfparentes, ont
paru rouges, comme ils le paroîtroient, fi
au lieu de l'épaifteur d'un dixième de ligne,
ils avoient eu celle d'une ligne entière.
Au commencement de mes expériences
anatomiques , je croyois avoir injeélé la
peau dans la plus grande perfeftion ; elle
étoit du plus beau rouge imaginable; elle
égaîoit la rougeur d'une fille dont la pudeur
anime les joues. On a cru encore prouver
les vaifteaux tranfparens de la peau par
l'inflammation &c par les taches rouges de
la rougeole , de la fièvre écarlatine. Qt%
preuves ne fatisfont pas un efprit attentif.
Dans l'injeélion, la colle de poiftbn colorée
par le carmin avoit fuinté dans toutes les
petites cellules de la peau ; il en arrive de
même au fang de la rougeole. Le rouge
qu'on voit à Xà^ peau ^ n'eft pas dans les
vaifteaux; il eft dans la cellulofité, dans
laquelle le fang s'eft épanché,
La peau reçoit un nombre très-confidé-
rable de nerfs. Il y a, & dans les bras &
dans les jambes, de gros troncs, qui ne
font uniquement deftinés qu'à \3i peau ^ &
dont aucun filet ne fe porte à aucune au- ^
tre partie. Ces nerfs ont des troncs d'une
grande longueur, prefque comme les vei-
nes qui rampent dans la graifte , ,& dont
les dernières branches fe perdent dans la
peau. Il eft difticile de les fuivre jufqu'à
leurs extrémités, ôc je n'ai pas réuflR à con-
tinuer les filets nerveux jufqu'aux mame-
lons, ce qui n'eft pas bien difticile dans la
langue. Les nerfs ne-font pas l'unique élé-
ment dont la peau eft compofée , c'eft la
cellulofité qu'on peut regarder comme fa
matière principale; elle eft cependant tfès-
fenfible , quoique à des degrés inégaux.
C
1.8 P E A
Elle Tèft peu à côré des condyles internes
ducoude; elle Teft beaucoup aux paupières,
aux organes de la génération.
La/7tî^«n'eft pas une membrane fimilal-
re ; elle a fur fa (urface extérieure, fur celle
qui regarde l'épiderme, de petites émlnen-
ces , que l'on appelle mamelons, & que
Malpighia découvertes ; ces mamelons ne
font pas , à beaucoup près , auffi vifibles
qu'on pourrolt le croire. Dans la généra-
lité de h peau ils font invifibles ; à peine
le microfcope les diftingue-t-il. Il y a ce-
pendant des places où- ils font plus fenfi-
bles. A la face inférieure du grand orteil ,
ils s'élèvent depuis la furface de ia peau en
forme de filets : il en eft de même aux
doigts de la main , du côté qui répond aux
tendons des fléchlfleurs ; car le dos des
doigts &cdes orteils n'en a pas de. vifibles.
Sous les ongles ces mamelons acquièrent
de la longueur; ils font inclinés , parallèles
à la longueur de l'ongle & logés dans fes
filions. La macération les détache & les
rend apparens. Dans le gland , on apper-
çoit des floccons extrêmement délicats ,
féparés par des fentes. Ces mamelons font
obtus & coniques dans la mamelle, & gé-
néralement obtus & applatis à la peau.
La ftrufture intérieure du mamelon ne
peeut être connue que par l'analogie avec
ceux de la langue, ou par le microfcope.
Il eft compofé de p'ufieurs petites éminen-
ces entafiees l'une fur l'autre , qui fe fépa-
rent par la macération.
Sa fubftance efl: un tiffu cellulaire ferré^
plus évident dans la langue. Le nerf, l'ar-
tère , la veine entrent dans là bafe du ma-
melon, par un tronc ou par plufieurs troncs,
& donnent une branche à chacune des émi-
41 nences dont le mamelon eft" compofé. Les
branches fe ramifient dans la fubftance du
mamelon. On a cru remarquer que la poin-
te du mamelon, de l'efpece conique, eft
percée , 6c qu'une petite artère y répond à
une ouverture de l'épiderme. On a cru
auffi y remarquer que les nerfs s'y dépouil-
lent de. leurs enveloppes, & deviennent
comme une gelée. Ces particularités ont
hefoln d'être vérifiées.
Il éft très-probable que les mamelons font
l'organe du toucher. Comme ils fortent de
deffus la furface de lap/tf^/, ils s'offrent les
P E A
premiers à l'impreffion des objets exté--
rieurs ; ils font plus gros & plus fenfibles
par-tout où le toucher eft plus fin. Leur
figure conique pourroit faire croire qu'il y a-
dans chaque mamelon des cordes nerveu-
fes, plus ou moins longues & plus ou moins
faciles à ébranler. Les mamelons les plus
fenfibles font ceux qui repréfejitent des fils ;
ils font tout furface.
Outre les mamelons, ily^ dansh peau
des glandes de différentes efpeces : elles
font plus vifibles dans quelques animaux.-
Dans l'homme , il y a des follicules mem-
braneux , placés dans la cellulofité fous la-
peau , dont les conduits excrétoires percent
la peau , & répan^|^t fur la furface une
pommade huileufe oT inflammable. Elles
font plus fenfibles dans la partie. de la tête
qui eft couverte de cheveux. Les glandes
cérumineufes du conduit de l'ouie font de
cette claffe.
Uneautre pomirrade moins fluide & plus
. pâteufe , qui fe forme en vermifleaux cylin-'
driques , eft préparée dans les glandes Am-
ples ou compofées du vifage, de la nuque
du cou , du contour du mamelon de la ma-
melle , de celui de l'anus , du nombril ; dans
les nymphes, les grandes lèvres, le fcro-
tum; dans la couronne du pénis & du cli-
toris, & dans plufieurs autres places, fur--
tout dans celles qui font expofées au frot-
tement , à l'air, ou à quelque humeur
acre.
Il eft même aftéz probable que le refte
de h peau, h même où l'œil ne découvre
poi^nt de glandes , ne laiffe pas que d'en être
pouT\u. Lapeau fe couvre, par-tout &
fans exception, d'une craffe inflammable &
d'une mauvaife odeur ; & toutes les fois que
deux parties du corps humain font attachées
enfemble perrdant un temps un peu confidé-
rable, la peau s'enduit de quelque chofe de
butireux & de gras. Je l'ai remarqué dans
un bras , qu'apiès une fra£l:ure on tenoit
affujetti contre le corps.
Il y a encore un autre organe qui répand
de la graiffe fur la peau ; c'eft la cellulofité
placée Coushpeau. La graiffe fuitles pores
des cheveux , & fuinte-.par ce paffage.
Toutes ces pommades peuvent fe mêler
à la fueur , mais elles ne la conftituent
paJ. Ce fontdesvaiffeaux artériels qui ia
P E A
fourniïïent; il eft très-aifé d'éviter la fe-
crétion. Il faut détacher l'épiderme par la
macération , & injeder dans les artères de
l'eau ou de la colle de poilTon fondue dans
de l'eau-de-vie. Ces liqueurs fuintent par
mille pores de toute la furface de la peau ;
fï 1 epiderme la couvroit encore , elles for-
meroient des empoules fous ce tégument.
Le fuif enfile la même route. La fueur de-
mande un organe pour s'épancher , qui
offre moins de difficulté que ne le feroient
les glandes; & tout ce qui eft préparé dans
un follicule , a toujours un degré de vifco-
fité , qui n'eft pas naturelle à la fueur.
\h,d.g,)
Les maladies de la ptau font la gale , la
lèpre , la petite vérole , la rougeole , le
pourpre & les inflammations éréfipélateu-
fes. Voyi^ Gale , Vérole, Lèpre , &c.
Peau, Pores de la ( S cime, microfc. )
chaque partie de layPe^w humaine eft pleine
de conduits exctétoires ou de pores, qui
évacuent continuellement les humeurs fu-
perflues du fluide qui circule. Pour voir ces
pores , il faut couper un morceau de la
peau extérieure ,auflli mince qu'il fera pof-
fible , avec un rafoir bien tranchant ; im-
médiatement après , vous couperez du mê-
me endï'oit un fécond morceau , que vous
appliquerez au microfcope ; & dans une
partie qui ne fera pas plus grande qu'un
grain de fable, vous appercevrez un nom-
bre innombrable de pores auflî clairement
<jue vous pourriez diftinguer autant de petits
trous formés par une aiguille fine fur le pa-
pier, fi vouslepréfentiezaufoleil. Les écail-
les de l'épiderme empêchent qu'on ne voie
xliftinftement les pores , à moins qu'on ne
les fépare avec un couteau, ou qu'on ne
les coupe de la manière précédente ; mais
fî Ton prépare de cette manière un mor-
ceau de h peau qui eft entre les doigts ou
fur la paume de la main , &: fi on l'exa-
mine au microfcope , on verra , avec beau-
coup de plaifir , la lumière à travers les
pores.
M. Leeuwenhoeck tâche de donner quel-
que légère idée du nombre incroyable#xle
pores qui font fur le corps humain". Il fup-
pofe qu'il y a cent vingt pores dans une
ligne , qui n'eft que la dixiem.e partie d'un
pouce ', cependant pour n'être pas à l 'étroit ,
PEA 7^
il ne calcule que fur le pié de cent : un pouce
de longueur en contiendra donc mille , ôc
un pié douze mille ; félon ce calcul un pié
quarré en contiendra cent quarante-quatre
millions ; & fuppofant que la furface d'un
homme de taille moyenne foit de 14 pies
quarrés , il y aura fur fa. peau deux mille 6c
feize millions de pores.
Pour avoir une notion encore plus claire
de ce nombre prodigieux de pores, par l'idée
que nous avons du temps, fuppofons avec le
P. Merfenne , que chaque heure eft com-
pofée de foixahte minutes, chaque minute
de foixante fécondes ou de foixante batte-
mens d'une artère ; il y a donc dans une
heure 3600 battemens, dans vingt-quatre
heures 86400 , & dans un an 3 1 536000 :
mais il y a environ foixante-quatre fois au-
tant de pores dans la furface de la peau d'un
homme , & par conféquent , il faudroit
qu'il vécut foixante-quatre ans pour n'avoir
qu'un feul battement pour chaque pore de
fa peau.
Le D. Nathaniel Grew obferve , que les
pores par lefquels nous tranfpirons, font
plus remarquables en particulier aux mains
& aux pies ; car fi l'on fe lave bien les mains
avec du favon , & fi l'on examine feule-
ment avec un verre ordinaire la paume de
la main ou les extrémités , & les premiè-
res jointures du pouce Se des doigts, on
y trouvera une infinité défilions parallèles
entr'eux , d'une égale grandeur & à dii-
tances égales. Une fort bonne vue pourra,
fans aucun verre , appercevoir fur ces fil-
Ions les pores en ligne droite ; mais fi on
les obferve avectm bon verre , chaque pore
paroîtra comme une petite fontaine, avec
la fueur qui en tranfpire , claire comme
de l'eau de roche; & fi on la frotte , on
verra for tir immédiatement après une autre
goutte.
En faiûnt réflexion à cette 'multitude
d'orifices ^u-deffus de la. p eau ^ nous avons
lieu de croire que les petits infeftes, com-
me les puces, pous, coufins , &c. ne font
pas de nouvelles ouvertures avec leurs [nf-
trumens déliés , mais qu'ils ne font que les
infinuer dans les vaiffeaux de la peau , pour
en fucer le fang & les autres humeurs qui
leur fervent de nourriture. (D.J. )
Peau des Nègres , ( Anatomie, ) Les
C 1
20 P E A
Anatom'iftes ont cherché dans quelle partie |
de la peau réfidoit la couleur noire des 1
Nègres. Les uns prétendent que ce n'eft ni
dans le corps de h peau , ni dans l'épider-
me , mais dans la membrane réticulaire qui
fe trouve entre l'épiderme & la peau ; que
cette membrane lavée & tenue dans l'eau
tiède pendant fort long-temps ne change
pas de couleur , & refte toujours noire ; au
lieu que h peau &: h fur-peau paroiffent
être à peu- près auffi blanches que celle des
autres hommes.
Le Do(fleur Towns & quelques autres
ont prétendu que le fang des Nègres étoit
bien plus noir que celui des blancs , & par
conféquent que la couleur des Nègres vient
de celle de leur Tang; ce qui n*eft pas con-
firmé, par l'expérience.
M. Barrere , dans une Differtation fur la
couleur des Nègres, imprimée à Paris en
1741 ,penfe, avec M. "Winllow, que l'épi-
derme des Nègres eft.noir, & que s'il a
paru blanc à ceux qui l'ont examiné , c'eft
parce qu'il eft extrêmement mince & tranf-
parent ; mais qu'il eft réellement aulîi noir
que de la corne noire , qu'on auroit réduite
à une auffi petite épaiffeur. Ils aflurent aufîi
que la peau des Nègres eft d'un rouge-brun
approchant du noir; ce quine nousparoît
pas trop vrai.
Cette couleur de l'épiderme &: de la
peau des Nègres eft produite, félon M. Bar-
rere , par la bile , qui dans les Nègres eft
noire comme de l'encre ; il prétend s'en
être aft^uré fur plufieurs cadavres de Nègres
qu'il a eu occafion de difléquer à Cayenne :
mais en ce cas , la bile des Nègres de Cayen-
ne feroit bien différente de la bile des Nè-
gres que nous voyons en Europe ; car la
bile de ceux-ci n'eft point différente de
celle ^Qs blancs, & il n'eft pas vraifémbla-
ble qu'elle le foit à Cayenne ; d'ailleurs, il
faudroit fuppofer que la bile eft toujours
répandue également fur \zpeau des Nègres ,
Se qu'elle fe fépare naturellement dans l'é-
piderme en affez grande quantité pour lui
donner cette couleur noire; autre fuppofi-
tion qu'on ne fauroit admettre. Enfin , en
fuppofant que c'eft le fang ou la bile qui
donnent cette couleur kla peau des Nègres ,
on pourroit encore dem.ander pourquoi les
Nègres ont la bile ou le fang noir , en pre-
P E A
nant les mêmes alimens que les blancs", en
changeant de climat , en vivant en Suéde ,
en Danemarck , &c.
M. de BufFon croit que la même caufe
qui nous brunit trop , lorfque nous nous
expofons au grand air & aux ardeurs du
fbleil, cettecaufe qui fait que les Efpagnols
font plus bruns que les Allemands , les Mau-
res plus que les Efpagnols , fait aufti que les
Nègres le font plus que les Maures. 11 penfe
donc que la chaleur du climat eft la princi-
pale caufe de la couleur noire, &: que la
différence des zones fait la différence des
blancs & des noirs.
Lorfque cette chaleur eft exceffive , com-
me au Sénégal & en Guinée , les hommes
font tout-à-fait noirs; lorfqu'elle eft un peu
moins forte , comme fur les côtes orienta-
les de l'Afrique , les hommes fo,nt moins
noirs ; lorfqu'elle commence à devenir un
peu tempérée , comme en Barbarie , au
Mogol , en Arabie , &c. les hommes ne
font que bruns ; & en effet , lorfqu'elle eft
tout-à-fait tempérée, comme en Europe
& en Afie , les hommes font blancs , & les
variétés qu'on y remarque viennent de la
laaniere de vivre.
Lorfque le froid devient extrême, il pro-
duit quelques effets fembîables à <^ux de
la chaleur exceflive. Les Samoïedes , les
Lapons, les Groenlandois font fort bafa-
nés. Les deux extrêmes fe rapprochent ici;
un froid très-vif & une chaleur brûlante
produifentle même effet fur hpeau, parce
que l'une &: l'autre de ces deux caufes
agiffent par une qualité qui leur «ft com-
mune; cette quahté eft la fécherefTe, qui
dans un air très-froid , peut être aufîi gran-
de que dans un air chaud : le froid comme
le chaud doit déffecher la peau , l'altérer &C
lui donner cette couleur bafanée que l'on
trouve dans les Lapons.
Suivant ce fyftême , le genre humain
n'eft pascompoféd'efpeces effentiellement
différentes entre elles : il n'y a eu origi-
nairement qu*une feule efpece d'hommes ,
qui s'érant multipliée & répandue fur toute
la f iu:face de la terre , a fubi difïérens chan-
gemens ,» par l'influence du climat , par la
différence de la nourriture , par celle de la
manière de vivre, par les maladies épidémi-
ques y Si auffi par le mélange varié à l'inEni
P E A
êes individus plu'? ou moins refTemblans ;
que d'abord ces altérations n'étoient pas
û marquées, & ne produifoient que des
variétés individuelles; qu'elles fontenfuite
devenues variétés de l'efpece, parce qu'elles
font devenues plus générales , plus fenfi-
b!es &c plus confiantes par l'aftion conti-
nuée de ces mômes eau Tes ; qu'elles fe font
perpétuées, & qu'elles fe perpétuent de
génération en génération , comme les dif-
formités ou les maladies des pères & mè-
res paffent à leurs enfans ; qu'enfin, com-
me elles n'ont été produites originairement
que par des caufes accidentelles & exté-
rieures , elles pourroient devenir diffé-
rentes de ce qu'elles font aujourd'hui, fî
ces mêmes caufes venoient à varier dans
d'autres circonflances & par d'autres com-
binaifons.
Mais fi la noirceur dépendoit de la cha-
leur du climat , les habitans des régions
(ituées fous la zone torride devroient être
tous noirs; cependant on a découvert un
continent entier au nouveau monde, dont
la plus grande partie des terres habitées
font fituées fous la zone torride , & où
cependant il ne fe trouve pas d'hommes
noirs , mais de plus ou moins bafanés, ou
couleur de cuivre. On auroir dû trouver
dans la Guyane , dans le pays des Amazo-
nes & dans le Pérou , des Nègres , ou du
moins des peuples noirs , puiCque ces pays
de l'Amérique font fitués fous la même
latitude que le Sénégal , la Guinée & le
pays d'Angola en Afrique ; on auroit dû
trouver au Bréfil , au Paraguai , au Chili ,
des hommes femblables aux Câffres, aux
Hottentots , fi le climat ou la diflance
du pôle éioit la caufe de la couleur des
hommes.
On peut répondre à cette difficulté , qu'il
fait moins chaud fous la zone torride en
Amérique , que fous celle d'Afrique ; &
cela efi certain. On ne trouve de vrais
Nègres que dans les climats de la terre où
toutes les circonflances font réunies pour
produire une chaleur confiante & toujours
excefîive ; cette chaleur efl fi r^éceffaire ,
non-feulement à la produdion , mais mê-
me à la confervation des Nègres , qu'on
a obfervé dans nos îles , où la chaleur ,
quoique très-forte , n'efl pas comparable
P E A 21
à celle du Sénégal , que les enfans nou-
veau-nés des Nègres font fi fufcreptibles
des imprefîions de l'air, que l'on efl obligé
de les tenir, pendant les neuf premiers
jours après leur naiffance , dans des cham-
bres bien fermées & bien chaudes : fi l'on
ne prend pas ces précautions , & qu'on les
expofe à l'air au moment de leur naiffance ,
il leur futvient une convuîfion à la mâchoi-
re , qui les empêche de prendre la nourritu-
re , & qui les fait mourir.
M. Littre, qui fit en 1701 la diffeélion
d'un Nègre, obferva que le bout du gland
qui n'étoit pas couvert du prépuce , étoit
noir comme toute lu peau , Se que le refle
qui étoit couvert étoir parfaitement blanc.
Cette obfervarion prouve que l'aélion de
l'air efl néceffaire pour produire la noir-
ceur de la peau des Nègres ; leurs enfans
naiffent blancs , ou plutôt rouges , comme
ceux des autres hommes ; mais deux ou
trois jours après qu'ils font nés , la cou-
leur change; ils paroiffent d'un jaune ba-
fané , qui fe brunit peu-à-peu , & au fep-
tieme ou huitième jours , ils font déjà tout
noirs. On fait que deux ou trois jours après
la naiffance , tous les enfans ont une efpece
de jauniffe; cette jauniffe dans les blancs
n'a qu'un effet paifager , & ne laifle à la
peau aucune imprefîion ; dans les Nègres,
au contraire, elle donne à la peau une cou-
leur ineffaçable, & qui noircit toujours de
plus en plus.
Mais cette jauniffe & l'impreffion aéluelle
de l'air ne paroiffent être que des caufes
occafîonelles de la noirceur , & non pas
la caufe première; car on remarque que les
enfans des Nègres ont , dans le moment
même de leur naiffance , du noir à la racine
des ongles & aux parties génitales : l'aftion
de l'air & la jauniffe fervirontjfil'on veut,
à étendre cette. couleur ,mais il efl certain
que k germe de la noirceur efl communi-
qué aux enfans par les pères & mères ;
qu'en quelque pays qu'un Nègre vienne au
monde , il fera noir comme s'il étoit né
dans fon propre pays ; & que s'il y a quel-
que différence dès la première génération,
elle efl fi infenfible , qu'on ne s'en efl pas
apperçu. Cependant cela ne fuffit pas pour
qu'on fbit en droit d'affurer qu'après un
certain nombre de générations , cette cou-
21 P E A
leur ne changeroit pas fenfiblement ; il y
a au contraire toutes les raifoas du monde
pour préfumer que, comme elle ne vient
originairement que de l'ardeur du climat ,
& de l'aélion long-temps continuée de la
chaleur, elle s'effaceroit peu- à -peu par
la température d'un climit froid , & que
par conféquent fi Ton tranfportoir des Nè-
gres dans une province du Noid , leurs
defcendans à la huitième, dixième ou
douzième génération , feroient beaucoup
.moins noirs que leurs ancêtres, 6c peut-
être auffi blancs que les peuples originai-
res du climat froid où ils habiteroient.
Hifiolre naturelle de r homme ^ tome III.
Peau des'mfecles^ C^^fi- ^^^' ^^^ Infec-
tes.) vêtement extérieur que la nature a
donné à tous les infeftes ; ce vêtement
couvre tout leur corps , en lie les parties ,
les contient dans la place qui leur eft affi-
gnée.
h^peau n'eft pas delà même qualité chez
tous les Infeéfes ; il s'en faut de beaucoup.
.Ceux dont le genre de vie ne les expofe ni
à des comprenions ni à des frottemens vio-
lens , comme font les chenilles & plufieurs
fortes de vers, ont la. peau fort délicate
&forttendre.Quelques-unsenont plufieurs
jl'une fur l'autre , à-peu-près comme les
différentes peaux d'un oignon. La peau de
la plupart des infeftes a des pores fi petits
pour l'ufage de leur tranfpirdtion , qu'on a
de la peine à les appereevoir. D'autres
cependant ont les pores de la peau très-
larges. Il y a certaines chenilles à cornes,
dont les pores font fi ouverts , que non-feu-
lement ils donnent paffage aux œufs que
de petits ichneumons pondent dans leurs
,corps- de plyslesvers nés de ces œufs peu-
vent (ortir par ces mêmes pores , fans que
la peau en paroi ffe bleffée.
Les infectes qui rampent dans les trous,
dans les fentes , oji ils font expofés à un
frottement affez rude , ont la peau plus
dure que les autres ; celle de quelques-uns
eft écailleufe.
La peau fert aux infeftes d'un manteau
pour les couvrir contre les injures de l'air :
elle eik pour eux de la rnême utilité que
les écailles font pour les poiffons , les co-
iguilles pour le$ infedes des coquillages ,
P E A
les plumes pour les oifeaux , & le poil pour
la plupart des quadrupèdes.
Comme les infeftes font d'ordinaire très-
petits , l'ardeur du foleil auroit bientôt def-
féché l'humidité intérieure de leur corps ,
& épuifé leurs efprits animaux , s'ils n'a-
voient pas été revêtus d'une peau dure qui
les mît à couvert de cet inconvénient.
Elle eft l'organe du mouvement de ceux
qui n'ont ni pies , ni ailes ; en l'étendant &C
la refterrant fucceflivement , par le moyen
des mufcles ou des anneaux , ils fe tranf-
portent d'un Heu à un autre.
On fait qu'il y a des animaux , qui cha-»
que année changent àepeau ; ainfi plufieurs
infeéles muent, & même un grand nombre
de fois.
PmCque h peau des infeftes, de même
que celle des autres animaux, varie extrê-
mement , & qu'on en trouve parmi les uns
& les autres qui l'ont tendre, dure, ro-
bufte, lifl!e, chagrinée, coriace, épaifl'e ,
mince , velue , rafe , épineufe , &c. il ré-
fulte que ce n'eft pas dans la qualité de la
peau qu'il faut chercher des carafteres pro-
pres à diftinguer les infcftes des autres ani-
maux ; mais ce feroit plutôt dans la muta-
tion de cent peau qu'on pourroit chercher
ces caractères; c'eft du moins une chofe
remarquable , que les quadrupèdes, les oi-^
féaux & les poiftons ne quittent jamais
\eur peau , &: que la plupart des infectes ,
de même que les reptiles , en changent
plufieurs fois. (D.J.)
Peau , maladies de la , C Médec.J Les
maladies de la peau font toutes caraéléri-
fées par quelque éruption plus ou moins fen-
fible, plus ou moins élevée , qui en change
la couleur , détruit la foupleflfe , dérange le
poli & l'uniformité : ces éruptions font
quelquefois des boutons ou petites tumeurs
élevées au-deffus de la furface de h peau ^
d'autres fois ce font de fimples taches , qui
n'offrent aux yeux qu'une altération dans
la couleur, fans élévation fenfible; dans
quelques cas , ce font des écailles qui recou-
vrent la peau, &:c. ï^o/e? ÉRUPTION ,
Exanthème, ÉCAILLE, Tache, Pus-
tule, &c. Les maladies de la peau peu-»
vent fe diftinguer en chroniques & en ai-
guës ; cette diftinétion eft très-bien fondée
& très-importante. Dans lapremicreclafîe^.
P E A
on doit ranger la lèpre , la gale , les dartres , '
la teigne , i'éléphantiafe , &c. Parmi les
maladies aiguës, on compte principalement
la petite-vérole, la rougeole, les fièvres
fcarlatines, miliaires, pourprées , éréfîpé-
lareufes , &c. Voyez tous ces dijfcrens arti-
cUs. Outre ces maladies , dont le princi-
pal fymptome fe trouve à la peau , 11 y en
a beaucoup d'autres qui font accompagnées
d'une affe(5lion de la peau, d'éruption , de
taches , &c. mais cette afFeftion n'eft que
fymptomarique ; elle ne conftitue pas des
maladies particulières, &. n'accompagne
pas même toujours SceiTentiellement celles
auxquelles elle le joint : telles font parmi
les maladies aiguës ces fièvres , dans le
cours defquelles il fufvient de petits bou-
tons , des taches quelquefois critiques ; tel
eft aufli , dans la claffe des chroniques , le
fcorbut , qu'accompagne fouvent & que
caraâ:érife très-bien l'éruption de taches
noirâtres ou livides en différentes parties
du corps ; rfljé^ ScORBUT : telle efl, ou
mieux telle étoit la vérole dans les com-
mencemens de fon invafion. Pendant le
fiege de Naples, elle fe manifeftoit prin-
cipalement par de larges puflules qui cou-
vroient & défiguroient la peau. Voyez
VÉROLE. Enfin , on peut ajourer à ces
maladies un grand nombre d'éruptions cu-
tanées , extrêmement variées , qui n'ont
point de caraélere fpécifique , ni de nom
particulier , & qu'on ne peut pas exafte-
ment rapporter à aucune des maladies nom-
mées. Il y a tout lieu de penfer que toutes
ces variétés font accidentelles & dépen-
dantes d'un concours fortuit de circonflan-
e^s, de la différence de tempérament, de
régime , de climat , de pays , de l'idiofyn-
crafie, &c.
L'étiologle âits maladies de la peau a
fourni un champ vafle aux explications des
Théoriciens Boerhaavifles , c'efl-là qu'i's
ont fait jouer un grand rôle aux acrimonies
imaginaires du fameux Boerhaave ; &
l'on ne fauroit difconvenir que cette doc-
trine ne foit , en ce point , fondée l\ir quel-
ques apparences \ car enfi.'i , difoient-ils ,
l'acrimonie de l'humeur, qui forme par Ion
féjour & fa ftagnation les différentes érup-
tions , efl manifeftée par les douleurs , les
tiemangeaifons qu'elle excite- fur la pxau.
PE A 23
N'eft-il pas vifible que les parties globu-
leufes de la lymphe font transformées en
petits corps pointus, en aiguilles extrême-
ment fines , qui agacent , irritent & piquo-
tent les filets nerveux qui s'infinuent dans
leurs tiffus, qui tendent à en défunir les
molécules , ô^prodaifent , par cette aâiion,
la démangeaifon & la douleur qui accom-
pagnent affez fréquemment les maladies
éruptives ? or, pourfuivent-ils avec la mê-
me fagacité , l'acrimonie manifefîe de cette
humeur décelé infailliblement l'acrimonie
du fang , & fur-tout de la lymphe dont
elles dérivent ; czx principiatum redoletna^
turam principii. Il efî très-probable qu'un
peu d'épallîilTement de la lymphe fe joint
à fon âcreté ; ce fécond vice fert admira-
blement bien pour la faire arrêter , croupir,
s'accumuler dans les petits Vaiffeaux ; pour
les diftendre , les dilater , les élever en tu-
meur , produire les exanthèmes ou les
taches. Telle eflla théorie générale des ma-
ladies de la peau ou éruptives. Le leâ:eur
éclairé nous difpenfera facilement de lui
montrer le faux, le vague, l'arbitraire &le
ridicule de ces principes : il lui eft facile
d'appercevoirque,quelleque foit la nature
des humeurs qui forment ces exanthèmes,
le tiffu de la peau n'a qu'à être plus tendre ,
il fera plus fenfible, plus irritable, & plus
ou moins défagréablement affe<fl:é par dey
caufes ordinaires. Il fent fort bien que tou-
tes ces acrimonies font variées & multi-
pliées , & n'exiftent même que dans l'ima-
gination de quelques oififs fpéculateurs : '
il voit d'ailleurs que quand même la ma-^"
tiere de ta tranfpiration feroit acre, ce'
feroit une mauvaife raifon que d'attribuer
la- même âcreté au fang ôi à la lymphe. -
L'axiome allégué, vrai dans quelques oC-'
cafions , eft pur fophifnie dans le cas dont
il s'agit. L'épaiftifferrient de la lymphe n'eft
pas mieux- fondé-, & cette froide explica-
tion de la formation des tumeur«;, démon- '
tre dans fes auteurs une connoiiTance bien-
peu exacte de l'éconcmie animale , de la'
marche des liqueurs , de l'aélion des vaif-'
féaux , de leur vice , & de leur méchanif-'
me : mais enfin , fi l'on n'avoit que ces dé- '
fauts à reprocher à cette théorie, le mal^
ne feroit pas grand, & abfurdltéî pour'
abfurditcs , celles-ià pourraient aufiii-bien^
24 P E A
palTer que tant d'autres qui ont été dites
ou avant ou après ; &: nous aurions toujours
l'avantage d'avoir , en avançant , une er-
reur de moins à craindre : plus on a fait de
fautes & moins on nousenlaiffe à faire. Mais
ce qu'il y a de plus fâcheux, c'eft que ces
principes erronés ont donné lieu à des con-
réquences pernicieufes ; une fauiïe théorie
a établi une mauvife pratique , fur-|put
dans le traitement des maladies chroniques
de la peau. Si toutes les humeurs font
acres, a-t-on dit, fi leur acrimonie eft la
bafe , le fondement & la caufe première de
ces maladies , il n'y aura qu'à la détruire
pour en faire cefTer les effets. Jetons donc
dansle fangdes médicamens aqueux, doux,
mucilagineux; nous noierons les fels, adou-
cirons leur âcreté , envelopperons & en-
gaînerons, pour ainfi dire, leur pointe;
en même temps les vailTeaux enduits par
ces fucs gras , onctueux , feront moins fuf-
ceptibles d'irritation ; défendus par ce bou-
clier, ils feront à l'abri des picotemens de
ces globules pointus; ils réfifteront à leur
adion , aux efforts plus foibles qu'ils font
pour pénétrer dans leur tifTu ; alors aufîi la
quantité de liquide aqueux, qui fervira de
véhicule à ces médicamens , délaiera la
lymphe , & le fang diminuera fa cohéfion ,
le voifinage des globules ; par ce moyen ,
ces deux vices fondamentaux du fang fe-
ront efficacement corrigés , les humeurs fe-
ront édulcorées &: rendues plus fluxiles,
par conféquent plus de flagnations, plus
d'engorgement & plus de tumeur , en mê-
me temps plus d'irritation , plus de picote-
ment , & par-là même , celFation entière
de la démangeaifon & de la douleur ; &
par une fuite néceffaire ultérieure , le calme
le plus parfait, l'harmonie & l'uniformité
font rétablies dans Téconomie animale.
Voilà comme ces médecins guérifTent dans
leurs cabinets & leurs confultations : les in-
dications font très-naturelles, les remèdes
répondent exa(5î:ement aux indications ;
mais malheureufement le fuccèsn'y répond
pas j c'efl un fort joli roman ; mais il n'y a
rien de réel : les fituations font bien mena- l
gées, bien amenées ; mais elles font imagi-
nées : les caraderes font bien foutenus,
mais ils font faux , ils n'exiftent pas dans la
nature, L'obfervation s'accorde ici avec la
P E A
raifon pour détruire de fond en comble cet
édifice fuperbe & Régulier. Tous les bouc-
lons adouciflans de poulet, de grenouilles,
de limaçons , &c. ne font que paiTer fur l'èf-
tomac de ces malades ; ils ne touchent rien
du tout à la maladie : il en efl de même du
lait , remède fi vanté , fi célèbre , fi fouvent
& fi vainement employé dans ces maladies.
J'ai pardevers moi plufieurs obfervations
qui conftarent l'inefficacité de ces médica-
mens. Voye^hklT.
Je ne m'arrête pas davantage à réfuter
ces fyflêmes produits par l'imagination:
Q^ui vult videre yideat. Je n'ajouterai que
quelques remarques pratiques fur la nature
& le traitement de ces maladies , remar-
ques fondées fur l'obfervation , ÔC confor-
mes à la raifon.
1°. Les maladies aiguës de la peau font
ordinairement une efpece de dépôt critique
qui purge la maffe du fring infeé^ée , faiu-
taire par fon fiege aux parties extérieures ,
& par la fièvre qui les accompagne ; elle
en efl: le remède le plus prompt , le plus
fur , &, pour mieux dire , l'unique : la pe-
tite vérole peut fervir d'exemple. Voyc\ ce,
mot.
2^. Les maladies chroniques , privées du
fecours de la fièvre, exigent les fecours de
l*art ; elles ne guérifTent pas fans remèdes.
Il y en a qui dépendent d'une caufe fpéci-
fique , particulière, qui ne peut être com-
battue & détruite que par des remèdes fpé-
cifiques, particuliers : la médecine ration-
nelle efî bien peu avancée fur ce qui les
regarde ; le peu de lumières qu'on en a eft
dû à l'empirifme; telles font la vérole, la
gale , le fcorbut ; ce n'efl pas le théoricien
qui a trouvé , en raifonnant, le mercure,
le foufre & le cochléaria ; c'efl le hazard
qui les a découverts inopinément à l'empi-
rique étonné.
3°. Toutes les affedions cutanées, opiniâ-
tres , fouvent périodiques , dépendent fans
doute immédiatement , de même que toutes
les maladies de \^ peau , d'un vice dans la
tranfpiration. Quelques faits bien appréciés
font penfer que les dérangemens dans l'ac-
tion du foie, dans la fecrétion de la bile, font
les caufes très-ordinaires du vice de la tranf-
piration. Nous ne prétendons pas expliquer
le méchanifixie , la fa^on d'agir de ces cau-
fes
P E A
ïès ; nous avouons notre ignorance là-def-
ius , & cet aveu , nous le faifons fans peine
& fouvent : il nous paroît préférable à des
opinions liazardées , ou bâties fur des fon-
demens peu folides : nous ne faurions adop-
ter , ni comme vérité , ni même comme
fimple hypothefe , le fentiment de ceux qui
voudroient faire refluer la bile mal féparée
& excernée , excréta , en petite quantité du
foie dans le lang , & delà dans les vaifleaux
cutanés , où elle corrompt , infe6Ve la ma-
tière dePinfcnfibletranfpiration , €n dimi-
nue la quantité. Cette marche nous paroit
trop peu conforme aux loix bien approfon-
dies de Téconomie animale. La faufleté de
cette théorie ne nous femble point équi-
voque ; elle fe fent , mais elle n'eft pas
démontrable.
4°. C'eft dans ces maladies que le mé-
decin doit agir , la nature eft infuififante ;
k méthode la plus fùre eft de rétablir &
de favoriler la tfanfpiration; c'eft l'indica-
tion qui fe préfente d'abord , magis obvig. ;
les bains domeftiques un peu chauds y fbitt
très-appropriés ; ils guériroicnt feuls , fi le .
vice n^étoit qu'à l'extérieur, fi la tranfpira
tion feule péchoit ; mais ils n'opèrent jamais
une guérifoncomplette. Je me {\x\% fervi ,
avec un fuccès furprenant , d'un remède
compofé avec le foufre & le mercure
doux jdans une teigne invétérée , qui avoit
été long-temps traitée inutilement par tous
les remèdes que la médecine & la fuperf-
lition fuggerent. Les extraits amers font
très-appropriés ; celui de fumeterre eft re-
gardé presque comme fpécifique. On les
donne ordinairement avec du petit-lait ,
auquel on pourroir fubftituer , fans rifquer
de perdre beaucoup de vertu médicamen-
teux , l'eau hmpic , ou aiguifée avec u:-;
p2u de fucre , de nitre ou de fel de Glauber •.
l'aloès , joint au tartre vitriolé , a opéré des
guéri fons merveillcules : ces remèdes un
peu actifs , irritans , réufîîfTent mieux &
fans inconvéniens , quand on les tempère
par l'ufage des bains , d'ailleurs avantageux ;
les purgatifs réfmeux , chol^gogucs , ne doi-
vent point être négligés , leur ad^on n'eft
point indifférente dans ces maladies ; elle
€ft fur-tout ncceftaire chez les enfans. Les
eaux minérales fulfureules font encore
^x\\ fecours t-^'=; affuré , Pon éprouve de très-
Tome Xxr,
P E A ly
bons effets de celles qui font acidulés ,
(àlées, ferrugineufes , & légèrement purga-
tives. Quelque efficaces que foient ces dif-
fërens médicamensl, que le médecin éclairé
peut varier fuivant les circonftances , il faut
y joindre un régime convenable. On peut
tirer des obfervations que l'iliuftre & pa-
tient Sandorius a eu la générofité de faire ,
iufpendu pendant trente ans dans fa ba-
lance , quelques canons diététiques à ce
fujet. Ce médecin , ami de rhumanicé,a
marqué foigneufement les alimens qui di*
minuoient ou augmenroient la tranfpira-
tion : il faut choilir ceux qui la favori(ènt>
évitant avec attention ceux qui l'interrom-
pent j tels font les laitages , tel eft fur-toiit la
chair de cochon , dont lu (âge peu modéré
palfe pour être une des caufes les plus ordi*
naires des maladies de \3.peeu , & fur-tout
de la lèpre. Les loix politiques des Juifs ,
d'accord avec celles de la Médecine > avoient
défendu cet aliment à ces peuples , fujets à
la lèpre , de en avoient même fait un point
de religion qui fublifte encore , pour les con-
tenir plus fùrement.
5*^. Enfin , il eft très-e(îentiel d'avertir
les malades d'écarter avec foin la main
meurtrière du chirurgien imprudent; d'évi-
ter avec la dernière circonfpedion toute
application extérieure , tout remède qui
pourrait agir en quelque façon fur \zpeau :
il n'y. a point de milieu , fi le remède n'eft •
pas inutile , il fera pernicieux , il ne fauroit
ffire du bien ; le plus grand mal qui puiflè
en réfulter , & qu'on ait à craindre , c'eft'
l'ad:ion de ces topiques que le charlatan ,
prometteur effronté , difiribue (ans con-
noi fiance , que le peuple ignorant &
crédule acheté & emploie avec confiance:
les m.auvais effets de ces remèdes fonr ter»
ribles 6c prompts. Ils dilTipent afïèz bien
l'affeéVion de la peau ; ils font difparoitre
les puftules, les exanthèmes, & c'eft de
cette ccftation trop prompte que vient tout
le danger. Combien de morts foudainesont
fuivi ces fortes d'inconfidérations! tous les
livres font pleins de funeftes accidens qu'at-
tire cette forte de crédulité ; il n'y a per*
fonne quin'ait vu ou entendu rjconterquel-
que événement fomblrble; & cependant l'on
eft toujours la dupe de ces médecins Sub-
alternes , fertiles en promefles : l'dpérancc
D
26 • P E A
de la guérifon prévaut à la crainte clu dan-
ger. On efpere facilement ce qu'on defire
avec ardeur , & il n'efl: point d'affaires où
l'on cherche moins à fonder Tes efpérances ,
que dans ce qui regarde la fanté j aufli n'y
en a-r-il point où l'on foit le plus fouvent
trompé, (m)
Peau , ( Médec. Séméiotiq. ) L'état de
Xzpeau variant dans bien des maladies &
dans plufieurs circonftances de ces mala-
dies , peut fans doute , &: doit nous éclai-
ler fur leur nature , leur marche Se leur
terminaifon ; tout phénomène peut être un
iîgne aux yeux attentifs d'un habile obfer-
vateur. Faye:(^SEMiiaTiQUE , Signe. La
peau du viiage efl: celle qui change le plus
ordinairement dans les maladies , & c'eft
fur-tout fa couleur qui eft altérée ; les figues
qu^on tire de ces changemens , font expo-
{és aux articles Face , Visage , Cou-
iBUR , Pâleur , ùc. Il ne nous refte
. qu'un mot à dire fur l''état de la peau en
, général , confidérée comme figne.
Tant que fubfifte cette admirable har-
monie entre toutes les parties du corps,
kur vie & leurs actions , qui conftitue
proprement la fantc , l'organe extérieur ou
la peau contrebalance avec efficacité la
léfiftance & les efforts des puifTanccs in-
ternes , & il eft à fon tour foutenu & com-
me repouflé par lei^r aftion oppofée j cet
4 organe, plus adif que ne le croit le com-
mun des médecins , dans une tenfion con-
tinuelle , les nerfs , les vaifTeaux , les glan-
des , ùc. dont il eft compofé , font vivans ,
animés , & exercent leur fondion avec uni-
formité : des liquides de différente nature ,
pouffes par l'aélion du cœur & des gros
troncscontinuésjOu plutôt attirés , &pour
«infi àwQfucés par l'adion propre &: com-
biinée des plus petits rameaux , les parcou-
rent , circulent dans leur cavité , s'épan-
chent par lesouvertures des vaiftèaux exha-
lans , font enfuite difîîpés ou repris par les
tuyaux abforbans y ils humeéient & lubré-
fient tous ces folides , & fervent enfin à
mille diÉférens ufages i un des principaux
effets qui réfultent de'cet amas d'huraeurs&
de vaillèaux , eft l'infenfîble tranfpiration
qui purifie le fang , & le délivre duTuperflu
diacide qu'il contenoit ; je dis acide , &
l'ai des obfecvations particulières qui iufti-
P E A
fient ce mot. Voye:^ Transpiratioh'»
L'exercice coinplet de toutes ces fondions
fe manifefte par le bien-être général , &
en particulier par les quaUrés de la peau ,
qui eft alors fenfible , modérément chaude ,
molle , fouple , humedée , & d'une cou-
leur particulière propre , qu'on appelle cou-
leur de chair. Lorfque quelque dérange-
ment local ou intérieur trouble & empê-
che cet exercice , la peau s'en reffent , &:
fon état varie plus ou moins. i°. Dans
quelqaecas le fentiment devient plus aigu y.
plus fin , au point même d'être affedé dé-
f agréablement par les objets familiers du
toucher j tout le corps eft d'une fenfibilité
exquife : c'eft le cas des rhumatifmes univer-
fels. Voye^^ Rhumatisme. Si l'affedion
eft particulière & fans rougeur , fans cha-
leur , fans tumeur , c'eft un fimple rhuma-
tifme ; fi les autres phénomènes s'y rencon-
trent , il y a inflammation V voye:^ce mot^
Dans d'autres maladies le Contraire arrive >
le fentiment diminue ou fe perd , la peau
eit infenfîblc ; cette privation de fentiment,
générale ou particulière , parfaite ou incom-
plette 5 forme les différentes efpeces de para-
lyfie & d'engourdi flement : voye^ ces mots
<& Sentiment. Ces maladies ne font pas
reftreintes à h peau ^ elles peuvent affeder
d'autres parties, s
i°. La chaleur de h peau augmente dans
prefque toutes les fièvres ; à ce feul figne ,
bien des médecins jugent de la préfence
de cette maladie, ils en ont même fait un
figne pathognomonique de la fièvre ; mais
c'eft à tort : ce figne généralifé eft rrompeure
même dans leur façon inexade de difcer-
ner la fièvre r on croit que c'éfoit un des
principaux fignes dont fe fervoitPIippocrats
pour la reconnoître , faifànt peu d'ufage du
pouls. F'oyei Fièvre^ Cette chaleur de
, h peau eft très-fenfible dans les fièvres ar-
dentes , dans les fièvres bilieufes , dans les
fièvres lentes hediques , fur-tout dans la
paume de la main; au refte , cette chaleur
peut être acre cm humide , félon que la
j>eau eft feche ou humedée. F". Chaleur.
La peau devient froide , ou perd de fa cha-
leur naturelle dans les fyncopes , dansquel>'
ques fièvres malignes j dans les fièvres lipi'-
1 ries h peau eft froide , ôc le malade fe fenc
l brûler : au contraire > dans le commence-
PE A
méat de plufîeurs accès de fièvre , pendant j
le cemps du froid, le malade tremble , frif- j
fbnne , gelé de froid , & cependant \a.peau
eft trouvée brûlante par les affiftans. Voy.
Froid , Fièvre , &c. Quoique la peau
fournifle ces figneSjC^eft moins comme/je<7i/,
comme tégument , que comme partie exté-
rieure.
3°. 1^2. peau perd de fa fbuplelîè , de fa
douceur , de Ton humidité , dans un grand
nombre de maladies ; au commencement
de prsfque toutes les fièvres , elle devient
{cent , inégale & raboceufe : ces défauts
s'obfervent dans des degrés très-hauts pen-
dant le cours des fièvres malignes ; la peau
reflèmble à du cuir tanné ; c'eft un figne
qu'il ne fe fait preique point , ou très-peu
de tranfpiration : tant qut la peau refte dans
cet état , on ne peut s'attendre à aucun
mieux durable , il ne fe fait ni crile , ni
codtion ; mais dès qu'il commence à fe dif-
fîpg', on peut en tirer un favorable augure 5
c'eft une marque que l'harmonie commence
à fe rétablir , que la nature long-temps
a^iiflée & prefque vaincue , reprend le def-
flis ; l'exercice des fondtions recommence ;
le jeu y la vie & l'aâiion des vaifleaux fe
renouvelle , les humeurs reprennent leur
cours , la tranfpiration eft rappellée ,, la
peau s'humefte &: redevient molle & Ibu-
ple comme auparavant ; alors la co6tion eft
faite ; la crife eft prochaine j Se on peut
aflurer qu'elle fera falutaire , & que le ma-
lade ne tardera pas à entrer dans une heu-
reufe convalefcence : c'eft de tous les fignes
celui qui me fait le plus de plaifir dans les
fièvres malignes i dès qu'il paroît , les ma-
lades font hors d'affaire, hzpeau fèrQit-elle
l''organe le plus affedté dans ces maladies ?
Les véficatoires qui en réveillent le ton font
bien efficaces. Dans les phthifies & les fiè-
vres lentes heétiques , la. peau eft pour l'or-
dinaire fur la fin feche &: raboteufe ; la
tranfpiration fe fait mal ; les fueurs abon-
dantes , qui épuifent le malade , ne rendent
pasla/?e^z/plus iouple &: plus hume6fcée;
ce n'eft qu'en rétablilïànt la tranfpiration
qu'on guérit furement ces malades ; & il
n'eft pas aifé d'y réuffir , fur-tout avec le
laitage , & autres remèdes lents & affadif-
làns de cette efpece , qui diminuent encore
k tranfpiration : on s'apperçoit du fuccès
P E A 27
des remèdes qu'on donne quand la peau
s'humede , s'adoucit, &: devient fouple &
huileufe. C'eft toujours par-là que com^*
mence leur guérifon j remarque qu'il eft im-
portant d'approfondir & de mettre en exé-
cution.
4°. La couleur de la peau varie très-(bu-
vent y cet effet eft plus fréquent & plus fen-
fible au vifage , où la peau eft plus fine ; le
changement de couleur y eft excité par la
moindre émotion , par la plus ligere paf-
fîon fubite : le vifage , lorfqu'il n'eft pas
encore inftraiit à feindre , eft le miroir de
l'ame , & le dépofitaire indifcret de fes Ic-
crets ; mais il perd à bonne heure cette pré-
rogative ; &; lors même qu'il la confexve ,
on a trouvé le moyen de voiler fon chan-
gement de couleur , par le mafque de rouge
& de blanc dont on le recouvre. Voye:^
Visage , Passion. Les maladies font aufïi
changer la couleur : dans les phrénéfies ,
les fièvres ardentes , le vifage eft rouge , ani-
mé i la peau du refte du corps prend auffi
une couleur plus rouge : dans les défaillan-
ces , pendant le froid des fièvres intermit-
tentes J dans les maladies de langueur , la
peau de tout le corps pâlit , mais moins que
celle du vifage. Il y a des maladies dont le
principal fymptome fe tire de la décolora-
tion de la peau ; elles font comprifes fous
le nom prétendu générique â^icîere ou jau-
niflè : voye':^ ces mots, La peau y prend
diverfes teintes de jaune , de verd , de
brun & de noirâtre : les jeunes filles preflées
par des defirs , efîetsdu befbin naturel qu'el-
les ne doivent ou ne peuvent fatisfiire , font
fujettes à une maladie qui tire fon nom ôc
(on caraârere de la décoloration de la. peau ',
on VappeWe pales-couleurs , febris alba ama^
toria. Fbye:^^ Pales-couleurs.
5°, Enfin , l'éruption de taches , d'exan-
thèmes , de puftules , change Se altère
en même temps la couleur , l'égalité & la
fouplefïè de Xapeau ; il en réfulte différentes
maladies qu'on peut voir aux articles parti-
culiers, & furlefquelleslon peut confulter
l'article précédent : nous obferverons feu-
lement , que dans les maladies aiguës , lorf-
que l'éruption paroiffant , diminue la vio-
lence des fymptomesfon doit les regarder
comme un bon ligne ; fi au contraire les
accidens ne font point calmés,elle augmente
D 2.
»8 PE A
le danger j la nature Se la couleur des exan-
thèmes peut encore concourir à le rendre
«plus prellànt ; par exemple , fi elles font en
grand nombre , d'un mauvais caraâ:ere ,
livides , noiritres , &c. Foye:^ Fièvres
ÉRUPTIVES. {m)
Peau , ( Critiq.facrée , ) peUis ; ce mot
jdgnifie d ordinairejdans levieuxTertamenr,
la peau qui couvre la chair ôc les os de
tout animal ; il fe prend auffi pour le corps
entier , pour la perfonne , Habac. xl, %6 ;
ôc au figuré pour des tentes , parce qu'elles
fe faifdent de peaux de bctes» Felles terrce
Maadian turbabuntur , Habac. iij , j :
TefFroi fe mettra dans les tentes des nja-
dianites. {D. J.)
Peau , terme de Marchands & Artijans;
ce mot en général fe dit particulièrement
de cette dépouille de Tanimal qui efi diffé-
remment apprêtée ou préparée par les Pelle-
tiers ,^ Tanneurs, Mégilfiers , Chamoifeurs,
PeauHiers , Corroyeurs , Parcheniinie,r$ ,
Marroquiniers , Gantiers , &Ci,
Les marroquins fe jfont avec des peaux
de boucs & de chèvres ,, ou d^ùn autre ani-
mal à-peu-près femblable , quePon nomme
menon. Le parchemin fe fabrique d'ordi-
naire avec des peaux de béliers-, de, mou-
tons , de brebis , de quelquefois de chè-
vres. Le vélin , qui eft auffi une efpece de
parchemin, fe fait de la peau d'un veau mort-
né , ou d'un veau de lait. Le vrai chamois
le fabrique de la peau d'un animal de me-,
me nom , que l'on appelle auSiifard ^ ôc il
fe contrefait avec des peaux de bouc , de
chèvre de de mouton. Les bafanes font des
^eaux de béliers , moutons ou brebis , paf-
iées en tan ou en redon , & quelquefois en
mégie.
Les fourrures ou pelleteries fe fënt de
peaux de martres , d'hermines , de cafcors,
de tigres?", de loutres , de vautours ^,de cy-
gnes , de petits gris , de fouines , d'ours ,
de putois , de lapins , de lièvres , de re-
nards, de chats, de chiens , d'agneaux ,.£'(:.
dont on conferve le poil , en les préparant
d'une manière particulière.
Les peaux de boucs ôc de chèvres en
poil , qu'on a coufues Se difpofées d'une
manière propre à pcMivoir contenir des li-
queurs, fe nomment fimplement boucs , Se
quelquefois ouires,„Quuià elles n'ont été
P E A
employées qu'à tranfporter des huiles , oîî,
peut encore les pafi'er en chamois , au lieu
de les lailler féchet Se fe perdre. Savary,
iD.J.l
Pea.u , ( Taréinage. ) hz peau des fruits
eft la, fuperficie qui enveloppe, leur chair j
c'eft leur épiderme,.
Peau de chagrin , ( Ccmm.du Levant. )
A Conftantinople la peau de chagriaeù. Elite.;
: de la partie de derrière de hpe/iu de cheval ,,^
; mule ou âne du pays : on la prépare Se ovu
; la tanne ; Se lorfqu'elle eft devenue ibuple
j Se maniable , on l'étend fur un chalTîs , Se
on Pèxpofe au foleil; après cela-. Ton ré-,
pand fuL cette peau de la graine de mou-.
Jtarde , qu'ona foin de repaflèrplufieurs fois-,
avec la inain,. Se cette graine, aidée, de la»,
chaleur du foleil , élevé le grain qui fe dur,*,
-cit enfuite. Ces peaux Conz grifes ordinai-
rement , mais on les teint de la couleu r q u'oii^
veut. La partie de derrière de l'animal eftt
''plus propre que toutes les autres pour être:;-
mifc en chasrin. Diâionnairede Commerce,
^{D.J.) ■
Peau humaine pajfee , ( Arts mod. ) on»,
peut pafiçr la peau humaine comme celles^,
des quadrupèdes. Cette préparation confifte?;
"dans une leilivecqmpofée de i, livres ou;
'plus de fel commun , de 4 onces de vitrioli
.conAîun,&de 8; onces d'alun ; on fait
^fondre le tout dans trois pintes d'eau pref^.
que bouillante. On y plonge \2k^peau après,
l'avoir dépouillée de la graifie : on Pagite,
pendant une demi- heure , & on k laifiè»-
•repofer pendant vi-i gt-quatre heures dans.,
i'ià même eau. Enfuite on renouvelle cette
^,eau , àe on n'^én retire la peau que deux*
-jours après avoir éprouvé qu'elle blanchitv
:;lcrrqu on fouftle deifus. Enfin , on la fait fé-..
-cher à l'air,, fans l'expofer au foleil. M..
-Sue, Chirurgien de Paris, adônnéau cabi-_
..net du Roi une paire de pantounes faites,
'?avec de Xz peau humaine , préparée félon,
ce procédé , qui n'a point détruit les poils,
de cette peau ; ce qui prouve bien que les
poils (ont Implantés profondément dansurc,
capfule bulbeufe , revêtue en- dedans d'une
Jmembrane qui enveloppe la bulbe.
•La peau humaine pajfee , felon le pro-^
cédé dont on vient de parler , refte d'une-
confiftance ferme , aftez lifte fur ia face
extéïieure , .^uoi^ue les filions qui environ^
P E A
uent tes mamelons en forme ^e io^anges
iiréguliers , y paroillent plus profondémenc
gravés que dans ie naturel ; la furface inté-
rieure ell inégale, & , pour ainiî dire , lai-
neule , parce qu'il ,y refte prefque nécef^
iàirement des feuillets de la membrane adi-
jeufe. (2>. 7.)
Peaux d*Efpagne , ou Peaux de fcn-
teur , ( Parfum. ) ce font des peaux bien
^allées , puis parfumées de diiFcrenres
odeurs , dont on faifoit autrefois des gants,
des corps de jupes , des pourpoints , des
poches , &c.. Ces fortes de peaux parfu-
mées, qui s'envoient prefque toutes d'Ef-
pagne , & qui ont eu fi fort la vogue en
France , ne font plus d'ufage> elles faifoient
une portion du négoce des Marchands
Merciers , Parfumeurs & Gantiers,
Peaux fraîches , terme de megijfier ,
nom qu'ils donnent quelquefois aux marro-
quins façon de Barbarie , qui fe fabriquent
à Rouen.
Peau vent , ( Corroyerie. ) Oh nomme
p^eaux vertes y les;?caz/xqui n'ont point encore
reçu de préparation , étant telles qu'ellesont
été levées de deflus le corps des animaux.
PEAUSSERIE , f. m. marchandife de
peaux & de cuirs , comme marroquins ,
chamois , bafanes , bufîles , vaches de Ruf-
ûe. , veaux , moutons & autres fortes d'a-
nimaux , paflées & toutes préparées à. être
employées à divers autres ouvrages^.
Le commerce de la pcaujferie efl fort
çpnfidérable en France , & lùr-tout à Pa-
ris , où il y a des marchands qui ne vendent
rien autre chofe que de la peaujferie. Ce
négoce fait partie de la mercerie. .
Peausserie , fignifîe aufTi Voccvpaticn
& \q négoce des artifans qu'on appelle pe/?://-
Jîers ; avec cette, différence , que ceux-ci
préparent & vendent les peaux , Se que les
merciers les achètent toutes préparées pour
Içs revendre aux^ particuliers,
PEAUSSIER , f.jn. en Anatomie , cfl
un mufcle mince & membraneux , fitué
iijus la peau qui enviro!inc le cou. .
Il eft aflez large dans fan origine , & fort
de la partie fupirieure du mufcle deltoïde
&: du grand pecl:oral au-deffôus de la clavi-
cule. Il eft uni fortement au panicule char-
nu , dont on ne peut le féparer que diffi-
cilcrnent j c'eft pourquoi on les coiifondoit
P E A 1^
autrefois, & il s'infère obliquement de cha-
que côté à la mâchoire inférieure & à la
commiflliredes deux lèvres , en partant fous
le triangulaire i au moyen de quoi il recou-
vre prefque tout le mafletet , & il tire en
en-bas & de coté toutes ces parties.
Peaussier , marchand qui vend ou qui
prépare les peaux. On diftingue à Paris
deux fortes de psaujfiers.
Les uns font des marchands merciers ,,
qui fe font attachés uniquement au com-
merce de la peauflérie : la qualité de Peauf-^
fier ne leur convient qu'improprement ^
{juifqu'ils font du.corps des merciers , qu'ils,
fe gouvernent pnr les ftamts des merciers,.
& qu'ils n'ont de commun avec les peauf-
fiers que le trafic de peaux , qu'ils font en:
vertu de l'article x'tj de leurs flatuts , qui.
leur permet ce négoce, Voye-;^ Merciers.,
Les ZMUts pcaujfiers y qui feu Is méritent
ce nom, font des artifans chez qui les peaux,
.partent en forrant des mains des chamoi-
lèurs &: des mégifliers, qui les mettent en
couleur, tant de chair que de fleur, & qui.
enfuitc en font plufieurs fortes d'ouvrages,
qu^ils vendent en gros 5c en détail.
Ce font des artiians qui lèvent de defTus
les peaux de moutons cette efpece de cuir-
léger Ott pellicule , appellée cuir de poule
ou canepin , dont les gantiers font des
gants , & les évantailEftes des évantails. .
Fojc:^ Canepin..
Ces artifans ont été érigés en corps de
jurande, & ont obtenu du roi Jean leurs pre-
miers fl:atuts , en i Jf 7 , qui leur dorwienc
la qualité de maîtrespeauffiers , teinturiers en
xuir ù caleçonniers de la ville, fàuxbourgs ,
banlieue , prévoté & vicomte de Paris.
Ces ftatuts contiennent trenre-fept arti-
cles , dont dix règlent les .marchandiics
qu-'ils peuvent fabriquer & vendre feuls ou
concurremment avec d'autres 3 & les vingt-
fept autres regardent h. difcipline des maî-
tres enrreux , & c&qui concerne les jurés ,
les maîtres, les apprentis, les vifites &ie
lotilTage.
A Pégard dés marchandifes & dés ouvra-
ges propres aux peaujfters , il n'appartient
qu'à eux de mettre en teinture & couleur, ,
fur .fleur ou fur chair , à froid ou à chaud ,
ou par fimple broflure , toutes fortes de
peaux 3 de quelque paflàge qu^elles aicnr éxÂ_
30 P E A
apîprêrées; ce qui comprend les cuirs blancs
palTes en mégie , les cuirs tannés , les cuirs
pafîes en huile ou en galle; toute forte de
peaux , comme veaux , moutons , chamois,
agneaux , chevreaux , cerfs , biches , che-
vreuils , daims , porcs , chiens , &c. à la
réferve néanmoins des gros cuirs & des va-
ches tannées. Ce font eux aufli qui lèvent
le canepin fur toutes fortes de peaux , com-
me de moutons , agneaux , chevreaux , Ùc.
Sur les conteftations qui fe font élevées
entre les peaujjiers d'une part , & les bour-
liers ôû» les corroyeurs d'autre , il eft inter-
venu plufieurs arrêts qui ont réglé les limi-
tes de chacun de ces métiers.
Ceux rendus entre les peaujjîers & les
corroyeurs , dans les années 1657 , 1669
& 1695 , maintiennent les corroyeurs dans
la pofleffion de corroyer & baudroyer feuls
en fuif , graiffe & huile , toute forte de
cuirs , & de les metti^ en couleur ; &: les
maîtres peaujfiers- teinturiers dans le droit
de vendre toutes fortes de cuirs , tant mis
en teinture , que ceux qui feront par eux
apprêtés &: mis en 'couleur en fortant de
chez les tanneurs & mégifïiers , ou qu'ils
auront achetés aujî halles ; défendent aux
corroyeurs de pafler aucunes peaux en
alun , & aux peaujfiers de vendre aucu-
nes peaux telles qu'ils les achètent des
tanneurs & mégifîiers , ni de corroyer
ou baudroyer aucuns cuirs en fuif , graifle
6i huile.
Les conteftations entre les peaujfiers 5c
les bouriicrs furent réglées par deux arrêts
jendus en 1 664 &c 1 667 ^ qui firent défenfe
aux peaujjkrs de faire ni débiter caleçons ,
camifoles de cham.ois , 8c autres ouvrages
mentionnés dans l'article vj de leurs fta-
tuts , avec permiflion feulement de les la-
Ver & repafler quand ils ont fervj.
La communauté des peaujfiers eft régie
par deux grands jurés , deux maîtres de
confrérie , deux petits j<urés , & le doyen
des maîtres ; les (ix premiers s'élifent à la
pluralité des voix \ le dernier eft de droit ,
c'eft.le plus ancien des maîtres qui ontpafle
par les charges. Tous les arfs on élit un
^ grand Juré , un maître de confrérie & un
petit Juré.
Suivant les ftatuts des peaujfiers , cha-
que maître ne peut obliger qu'un apprenti
P E A
à la fois , Sont rapprentiffage eft de cinq
ans , & deux ans de fervice chez les maî-
tres après rappreotifl'age fini.
Toi^t afpirant à la maîtrife eft obligé de
faire le chef-d'œuvre ou l'expérience , s'il
n'eft fils de maître.
Les veuves reftant en veiivage , jouiftent
de tous les privilèges des maîtres , à l'ex-
cepiion de celui de faire des apprentis :
elles peuvent cependant achever celui que
leur mari aura commencé.
L'apprenti qui quitte fon maître avant
les cinq ans expirés , eft déchu de tout droit
à la maîtrife, & ne peut pas même répéter
l'argent qu'il auroit avancé à (on maître en
paflànt fon brevet.
Enfin , pour la fureté & confervation
des titres , papiers , &c. de la commu-
nauté , on les enferme dans un coffre à
trois ferrures , dont le doyen , l'ancien juré
& l'ancien maître de confrérie ont chacun
une clé.
Comme tout l'art des peaujfiers fe réduit
à teindre les peaux de fleur & de chair , &
même à teindre la même peau d'une cou-
leur de fleur & d'une autre de chair , &c
que ces ouvriers font difficulté de décou-
vrir ce qu'ils appellent le Jecret de leur mé--
tier y il n'eft pas pofïible de rapporter ici
la manière dont ils s'y prennent pour tein-
dre les peaux.
hes peaujjiers reçoivent les peaux toutes
façonnées en fortant des mains des mé-
gifTiers : la première préparation qu'ils y
font, c'eft de les paflèr'Ajr le paiflôn ou
paliflbn ; fans doute pour les adoucir , en
ouvrir les porcs , & les difpofer à recevoir
la teinture qu^ils leur donnent imrnédia-
tement après. Voyc;^ Palis son.
Quand les peaux font 'teintes , on les
étend fur des cordes pour les faire fécher ;
on ies détirc , & enfuite on les attache fur
une efpecc de herfc, pour les aflujéttir ,
leur donner la dernière façon , qui eft de les
adoucir & d'en coucher le duvet d'un même
côté ; cette opération fe fait par le moyen
de la li^nette. Voye^ Lunette.'
PEAUTRÉ , EE , adj. {terme de Bîaf. )
fe dit du bout de la queue du dauphin ou
d'un autre poiflon , lorfqu'ellc eft dç diffé-
rent émail.
I On fait venir ce terme du mot Gaulois
P E C
feautre , qui a fignifié le gouvernail d'un
navire ; parce que le poiflbn , au mouve-
ment de ia queue , qui fert de gouvernail ,
va & vient à Ton gré dans l'eau.
- De Viennois de Vifan , en Dauphiné \
d'or au dauphin d'a'^ur , allumé , lorré &
peautré de gueules. {G. D. L.T.)
- PEC , HARENG , terme de vendeur de
marée : un hareng pec eft un hareng fraî-
chement falé , qui le mange crud , de
même que les anchois.
PECC ANT , ad) . en terme de Médecine;
c'eft une épithete que Pon donne aux hu-
• meurs du corps , quand elles pèchent en
quantité où en qualité , c'eft-à-dire , quand
elles font morbifiques , ou en trop grande
abondance. Foye^ Humeur.
La plupart des maladies ne viennent que
d'hximems peccanies y qu'il faut évacuer ou
corriger par des altérans ôc par des fpécifi-
ques. Fbje^ Maladie , ùc.
■ PECH ou PECHIA , ( Géogr. mod. )
petite ville de la Turquie européenne,
dans la partie occidentale de la Servie ,
fur le Drin - blanc. C'eft le lieu de la réfi-
dence du Patriarche Grec. Long. ^8 , ^fo ;
lat.^fz, î%. ( D.J.)
PECHE J.f.i Artméchan.)c't^ Part de
prendre le poiflbn. On diftingue les pêches
relativement aux lieux , aux infi rumens &c
aux poijjons. Aux lieux , il y a la pèche à
la mer , la ptche à la rivière , aux embou-
chures , fur les grèves , entre les rochers j
aux inSrumens , il y a la pèche à la ligne ,
aux filets , avec bateaux , à pié i aux poif-
fons , il y a la pêche aux huîtres , aux ha-
léngs , à la baleine , au thon , ùc.
Les pèches en pleine mer , avec rets &
filets flottans à fleur d'eau ou entre deux
eaux , fe font avec rets , drivettes ^ dri ■
vonettes , aux harengs j les fannets , les ma-
nets, aux maquereaux ; les orphllieres , aux
orphies ou grandes aiguilles j les muletières
dérivantes , les rets à barres , les colliers à
mulets , fermulets , & autres poifl'ons paf-
fagers ; les trameaux flottans 6c dérivans;
les lignes flottées , flottantes & dérivantes;
le grand libouret à la mer , au maquereau ,
& toutes fortes de poiflbns de la même
efpece ■■, les lignes,ou cordes dérivantes encre
deux eaux ; les cordes ou lignes flottées à
piles roulantes à la furface de Peau»
P E C 5-r
Les pèches en pleine mer aux rets Se
filets couverts fur le fond , fe font au tra-
meaux dérivans & courans , & aux lignes
ou cordes courantes.
Les inflirumens à la mer , traînant fur
les fonds , font les dragues , le chalut , les
rets traverfiers de toute eipece , les cortes
ou cauches. Les autres hiftrumens fervanc
à la pèche en mer , font les grandes can-
delettes ou chaudières , les râteaux ou
grandes fichures aux poiflbns plats ; les
râteaux aux moules , les fouannes , les
dards , les tridens & les fifchures aux poif-
fons ronds..
Les rets fédentaires & par fonds à la
mer , font les foies ou grands rieux , les
grands rets , les demi-foies , les caniercs ,
les roufletieres , les petits rieux , les ma-
crolieres ou rets à macreufes & aux poif-
fons plats ; les trameaux fédentaires ou
féants ; les tramaillons & ]^s petits tra-
meaux ; les marfaiques Ôc petits trameaux ;
les rets à harengs , les brecellieres , les
cibaudieres à la mpr ; les picots ou rets
fédentaires à la mer & aux embouchures ;
les jets ou picots aux poiflbns .plats i les
grolles , moyennes & petites cordes.
Lesinft:rumens fédentaires à la mer, font
les paniers , les nafles Ôc les caziers entre
roches.
Les rets & filets flottés , & infl:rumen«
fédentaires (èrvant aux pèches de pié à la
cote y fur les grèves , fur les fables êc entre
les roches , font les foies ou grands rieux
de pié , les demi-foies , ou flûtes, ou pe-
tits rieux ; les trameaux ou tramaillades de
pié , les anlieres , les canieres , les rets de
roche, les flottés ou cibaudieres, les ha-
renguieres ou étalieres flottées , les manets
de pié , lés rets à roblots ôc fanfbnnets i
les ophilieres fédentaires , les muletières ,
les vas-tu-viens-tu , efpece de muletière
roulante j les macroheres , les courtines ,
les berres à poiflbn plat Se macreufes ; les
rets à marfoin , efpece de rets entre roches ;
les rets entre roches rraverfés , les rets à
croc , les jets ou rets à plis , efpeces de pi-
cots à pié ; les verveux de route efpece ,
les roni'^lles , les gonnes des filets , les cor-
des ou lignes , les trajets, les traînées Gm-'
pies & de toute efpece.
Les filets non âottés & les lecs- montés
ji P E C
fur piquets à la cote & aux bancs de fable , '
Se découvrant à toutes les marées , font les
foies ou grands rets , les demi-foies , les
rieux , les trameaux , les ravoirs ou rets
entre Peau , fimples &c tramaillés , les bas-
j)arcs , les fourets , les venets , les grandes
fournées , efpece de bas-parcs , les haren-
guieres , les hauts-parcs , les hautes pen-
tieres , les nates ou palis , les parcs-ouverts ,
» les carolTes ou perd-temps , les hauts-bas-
pares de perches & de filets ; les verveux
avec pannes 3c ailes de toute efpece , les
cordes ou lignes de toute efpece.
Les inftrumens de pié à la côte pour la
pécâe fédentaire fur les grèves de entre les
roches font les verveux de toute efpece , les
tonnelles &gonnes de claies, les caudrelles,
ou caudeîettes à falicots ; les guideaux à bas
, étaliers , les bafches ou favenelles , efpece
de guideaux ; les nafles ou bouteilles , les
claies , les paiyiiers & les cafieres.
Les inftrurnens de main des pêcheurs à
pié à la coze , fur les grèves &c entre les
roches , font les lignes^à la. pèche , les grands
havenets ou harençaux , les havenets aux
aiguilles ou lançons , les bouteux ou bouts
de quievres à falicots , les grands bouteux
ou grenadiers , les carreaux , les huniers ou
les fciquiers , les éperviers , les furets , les
fàveneaux ou bichettcs , les trahies ou grands
lanets , les buchotrers , les petits lanets ,
les rieulets , les petits bouteux ou bouque-
tons à fauterdles , les grands râteaux , les
fifchures à poiflbns plats, les fouannes ou
£fchures de toute efpece, les petites fouan-
laes en trident barbellées , les crocs & cro-
chets , les digons ou picots , les bêches &
pâlots , les fifches & aiguilles pour h pèche
aux couteaux , les étiquettes ou petite cou-
teaux pour les moules.
Les rets & filets dérivans &c flottans aux
embouchures des rivières dans les eaux -fa-
lées , font les alofiers , les vergues , les ver-
veux , les rets verguans , les trameaux ,
les fiintiers ou verveux , ou trameaux aux
feintes , pucelles 3c faufles alofes ; les ca-
Iioutiers ou vergueux , ou petits trameaux
pour la pèche des petites pucelles , les tra-
meaux ou tramaillons aux éperlans , &c.
Les filets , rets & inftrumens traînans aux
embouchures des rivières , permis par l'or-
4oiinance de i6$^ , Ôc défendus par celle
PE C
de i6Zi , font les feines à faumons 8c séo-
fes , les feines claires 3c à grandes mailles ,
les feines drues ou épailîes , ou de moyen-
nes mailles ; les tremaillons aux éperlans ,
les dranguilles ou driguelles claires 3c épaif-
fes , les cordes ou hgnes aux ains de fer ,
les petits aplets , les cordes aux épines ou
épincttes , les lignes aux éperlans , les éper-
viers ou furets , les gorres ou gorets aux
verveux , les nalîes 3c bouteilles aux éper-
lans , les nalfes 3c bouteilles ou petits lam-
prions , les nalIès de toute efpece.
Les p'ches abuiives 3c défendues à /a
mer , font la peige ou grande feine , la tra-
maillée traînante iur les fonds , la- grande
ieine à la mer , les feines aux faumons ,
traînantes.
yl la cote avec bateaux , font la grande
feine ou traînée à deux bateaux , la feinc
à bateau & à pié , la favre ou feinette aux
aiguilles 3c lançons , les picots trainans ,
3c toute autre forte de filets & de rets lorf-
qu'on les traîne à la cote , au bord 3c fur
les grèves.
A pié j font la traîne , feine , colerer ou
dranet ; les feinettes aux aiguilles , les bou-
teux ou bouts de quievre, pendant un temps
hmitc j le carreau , le hunier , l'échiquier,
la herfe au poiflbn plat ; le râteau endenté
de fer pour la même pécAe , les bouque-
tons 3c favenets pour les fauterelles 3c la
maniguelle.
Il y a différentes fortes d'appâts ; ils font
ou de chair , ou de poiffon , ou de viande
fraîche ou de viande falée , ou des infec-
tes , ou des vers marins , ou des vers de
terre , ou de rocailles , ou des coquillages ,
ou desfentrailles , ou des oeufs de poiflon.
Il y a de faux appâts ; il y en a d'em-
poifonnés 3c défendus. Prefque toutes les
fortes d'appâts font à l'ufage des pêcheurs
à la ligne ou corde garnie d'hameçon ; on
amorce feulement diverfement , félon la
pi'che qu*on pratique.
Il y a des lieux comme eri*Picardic ,
Flandre 3c Normandie , où les appâts font
toujours, les mêmes ; c'eft de la chair de
outes fortes de poiffons.^
Ceux de Bretagne coupent , aux premiers
poiffons qu'ils prennent ^om petit morceau
vers le haut de la queue , au bas du dos ; ces
poifTous matilésa'enfontpas moins devenrc.
Xjes
I> E C
Les poifïbns un peu gros dont les pêcheurs
fè fervent pour garnir les hameçons des li-
gnes , font coupés de biais , enforte que
Tain ou hameçon en eft couvert , excepté la
pointe , que les pêcheurs nomment le l/ar-
èillon , qui ne permet pas au poilîbn de re-
jeter l'appât qu'il a pris , ce qui arriveroit fi
l'appât étoitma! placé.
L'hameçon des pêcheurs Normands s'ap-
pelle par les Bretons claveau i la garniture
ou l'appât fe nomme acq en Normandie &
Picardie , & hocie , amorce , en Bretagne.
Les appâts en poiflbn font le hareng frais ,
la fardine fraîche , franche , galiife , le fé-
clant, ou célan , ou célenie , ou faulfe alofe,
l'orphie , grande aiguille , bécaffe de mer ,
le lançon, ou l'aiguille, ou l'aiguillette, le
crados ou grades en Normandie \ prêtres ,
prétros ou éperlan bâtard en Bretagne j la
blanche ou le blaquet , l'aillet, l'avrillet ,
petit poiffon du premier âge , qu'on appelle
aufli en Normandie melu & faumonelU , &
nonat en Provence ^ le petit poiiTon rond
de toute efpece , les morceaux de la chair
de toutes fortes de poilîbn , la chair de poiffon
cuit, les poiflbns mois fans fang, comme la
ièiche , margate , en Bretagne , le pic en
Gafcogue, le cornet ou calmar, la petite
lèche.
De tous les appâts , les plus eftiinés pour
les pêcheurs à la ligne , font les harengs
frais , ceux fur-tout qu'on appelle gais ou
vuides d'œufs & de laitance , les celants ou
célennis, les fârdines, les lançons ou ai-
guilles.
On attire avec ces appâts des poilTons de
toute efpece , ronds & plats , excepté la foie.
Un hareng frais fait cinq ou fix appâts
pour les raies , huit ou dix pour les autres
poiifons , à proportion de leur grandeur.
La blanche ou la melie nouvellement
éclofe , fe place au nombre de cinq à fix fur
un même hameçon y il n'en faut qu'une ou
deux quand elle eft grande : on les place fur
l'hameçon par les yeux.
Tous les petits poiffons ronds du premier
âge font encore un appât , lorfque les pré-
cédens , qui font de la première qualité ,
manquent : on a recours dans le befoin {
la {^,<:h% & aux cornets ^ les cornets iov
plus eftimés que la feche. Le pêcheur n
prend que le corps ôc les pies du cornet.
Tome XXV»
P E c 33
On nt pêche avec cet appât que la raie & le
merlan.
Le cornet eft excellent pour la pêche de
la morue. Si les Terreneuviers en avoicnt
à dilcrétion , leur cargaifon feroit bientôt
faite ^ ils en trouvent quelquefois dans le
ventre des morues qu'ils ont prifes , & ils en
garnilfent leurs ains ou claveaux avec fuccès.
On (q fert des œufs & des entrailles des
poiffons pour appâts. On prépare ou fait la
réfure, rare ou vague , pour la fârdine ^ cela
la fait élever des fonds , & donner dans \qs
filets qui dérivent à fleur d'eau.
Les entrailles de morue & d'autres poif^
fons voraces , font bonnes pour ces poif-
fons.
On attire les fauquets ou happe-foies , 8c
autres oifèaux de mer , avec les foies des
poiffons.
On fait la pêche aux fardines avec les œufs
de morue & de maquereaux falés : on en ap-
porte en quantité des falaifous de Terrer
neuve ; il en vient auffi de Norvège.
Ce font les œufs de morue & de maque-
reaux que l'on appelle réfure»
Parmi les vers marins & de terre dont oa
fait des appâts , il y a les vers noirs ou francs,
les vers rouges ou bâtards , les vers blancs,
qu'on appelle bourelottes en Bretagne , les
vers de terre.
Les meilleurs & les plus eftimés font les
vers francs , qui fervent toujours pour la pê-
che des foies , qui ne mordent qu'à cet appât,
qui attire aufîj les limandes , les carrelets . Se
autres poiifons plats.
La fàule ne va aux vers francs que quand
ils font vivans & frais ; il faut que ces vers
foient gros , afin d'en faire deux appâts.
Les vers blancs ne fervent qu'aux pécheurs
Bretons.
Les vers rouges font moins bons.
On n'emploie le ver de terre que faute
d'autre appât ; cependant il eft propre à la
pêche de l'anguille.
Les appâts qu'on fait avec les coquillages
font en grand nombre \ il y a le petaut ou
la folade , le brediu ou brelin , ou bernicle ,
)u lappe.
Le petaut , ou la folade tirée de fà co-
[uille , garnit un hameçon ; c'eft le moindre
les appâts frais.
Le breliii fert à la pêche du merlau & de
E
3.4. P E C
la limande. Le pêcheur amorce d'abord avec
de la chair de poiiTon falé, puis il ajufte fur
la pointe de l'aiii un brelin , tiré vivant de
fa coquille.
Il y a aufli les crabes , les falicots ou
grofles chevrettes , les barbeaux , les crevi-
ches, les petites chevrettes , les grenades, les
fauterelles , les efquires , &c.
On écrafê les crabes & on les attache au
ret , qui fèrt de fàc à l'inftrument de la fécke
aux falicots , aux grolFes chevrettes & aux
petites.
Le meilleur appât des pêcheurs Normands
pour les mêmes poiiTous, eft le poltron &le
craquelot.
Le crabe poltron eft celui qui a quitté
fa coque nouvellement , & qui eft encore
mol.
Le craquelot eft celui dont la coque n'a
pas encore fa dureté.
Le falicot & la chevrette fervent d'appât
à plufîeurs efpeces de poilFons ronds. Ceux
qui font la pecAe du maquereau avec le li-
bouret ou la ligne au plomb , en amorcent
leurs hameçons , les raies grifes en font
friandes.
Quand on amorce unain avec la chevrette
ou fauterelle de mer , on en met plufieurs
iîjr un hameçon.
On Ce fert en appât de poiflbn fâlé , parce
qu'on n'en a pas toujours de frais. On fàle
pour cet ufage le hareng , le celant ou fé-
claiit , ou célerin , ou faulTe fardine , & la
iàrdine.
Le hareng gai ,^ Ifci qui n'a ni laitance ni
ceufs , eft le meilleur d'entre les poifFons
qu'on peut faler , fur- tout après qu'il a frayé.
La pécAe avec le poiiTon falé eft commu
nément ingrate : on arme le corps de l'hame-
çon de poiiTon falé , & la pointe d'un peu de
bœuf frais.
On emprunte encore des appâts du bœuf ,
de la vache , du cheval , de l'âne , du chien ,
& d'autres animaux frais ou Talés. On em
ploie à cet ufage le foie , les poumons &
les entrailles.
On ne fait avec le chien que la pécAe du
crabe , & cet appât encore ne fert-il qu'à
l'entrée des ports & ^tres petites baies. C'eft
wn vrai amuièment d'enfans & de défœu-
vrés.
Les navigateurs amorcent en pleine mer,
P E C
pour les requhis & autres poifîbns voraces^
de morceau2< de lard blanc.
Les faux appâts fe font avec des morceaux
de liège tailles de la figure d'un poiiTon , 8c
recouverts de la peau d'un petit poiiTon écor-
ché , ou d'une toile blanche rayée de bleu
flir le dos , ou d'une pierre blanche , ou d'une
pelotte de marne , &c.
On fait ufage de ces appâts pour la pécAe
des oifèaux marins.
Le pêcheur Bafque , prend le thon à la
ligne avec le liège , recouvert de la toile
rayée de bleu. Cette pêche fe fait à la côte ,
lorfque la mer eft agitée.
Ceux qui pèchent le crabe & le homar
avec àe^ paniers , des caiieres , des boura-
ques & autres inftrumens , y pendent de
petits morceaux de pierre blanche.
Les appâts & inftrumens défendus font
ceux qui tendent à détruire le poifTon , comme
les Tacs de toile & de fèrpilliere , avec les
chevrettes & autres poiiTons corrompus. Le
Tac détruifbit le frai , & l'appât infeétoit le
poiiTon.
Les appâts empoîfbnnés font la chaux
vive , la noix vomique , la noix de Cypre ,
la coque du Levant , la momie , le muTc , &
autres drogues qui enivrent & ctourdiiTeiit
le poiiTon.
Il faut y joindre l'herbe qu*on appelle
Valrefe,
La pêche de rivière fè fait à-peu-près avec
les mêmes inftruniens , laligne y le verveux*
le filet , l'épervier , &c.
Ce Tont auiTi les mêmes appâts , le ver y
les entrailles des animaux , les morceaux de
viande , &c,
Voye[ toutes ces diiférentes pêches , tant
de mer que de rivière , à leurs articles parti-
culiers.
Pèche des coquillages, (Co/zc/5y//o/.)
Il y a cinq manières de pêcher les coquilla-
ges^ Tavoir , à fa main , au râteau , à la dra-
gue , au filet & en plongeant.
Quand la mer fe retire , on marche à
pié Tur la grève , & Ton prend les huître»
& les moules à la main ^ rien n'eft plus-
ordinaire au Havre , à Dieppe & en An-
gleterre : quand les huîtrieres & les mou-
liercs ne fè découvrent point , on prend lès
bateaux , & l'on Te fcrt de la drague ^ il
y en a qui foulent le f^le avec les pies ^
P E C
pour faire fortir les coquillages qui s'enfa-
Llent après le reflux.
Pietro tlella Valle , fameux voyageur .
J'apporte qu'en pêchaut lui-même daus la
nier Rouge, il prit une û gralkde quautité
d'huîtres , de limaçous , & d'autres coquil-
lages, qu'il en remplit ciutÊÊe à cinq cailles.
Il dît que ces coquilles nMÊcnt dans les fonds
& dans les cavités, qui font en grand nom-
bre dans le golfe Arabique , & que les pê-
cheurs de£cendent dans l'eau avec leur che-
jmife , qui ne leur vient qu'au bas de l'efto-
niac , & les prennent à la main , l'eau étant
û claire que l'on découvre tout ce qui eft
au fond.
Le râteau eft un inftrum.ent de fer garni
de dents longues & creufes , emmanché de
perches proportionnées à la profondeur du
fond où l'on pêche j ceft ainfl que l'on
prend les moules.
La drague eft un autre inftrument de fer,
€[ui a ordinairement quatre pies de long fur
dix- huit pouces de large, avec deux traver-
£es. Celle d'en-bas eft faite en bifèau , pour
mordre fur le fond , & enlever l'huître atta-
chée au rocher : elle porte ou traîne avec
foi un fàc , dont le delîus eft ordinairement
un réfeau de cordage ^ & par- deflbus on
fubftitue un cuir , ou bien on fait les mail-
les du delfous du fac de lanières de cuir ,
qui étant gluant de fa nature , gliffe mieux
au fond de 1 eau. On defcend la drague avec
un cordage proportionné à la profondeur
où font les coquillages. En Amérique la
drague a iîx pies en quarré , & on y atta-
che des cordages fuivant la profondeur de
l'eau j c'eft par leur moyen qu'on tire la
drague à bord , & c'eft la meilleure ma-
nière de pêcher les coquillages , & la plus
ufitée.
On fo fèrt de différentes efpeces de fikts
dans les ports de mer , pour pêcher le poif-
fon. Parmi les ordures qu'amènent les filets
de pêcheurs , il fe rencontre des coquilla-
ges & des produâions marines , qu'ils re-
jettent ordinairement dans la mer. On a
trouvé de cette manière , à Marfeille & à
Toulon , des coquillages , & des moufles
de mer très-curieufès.
On pêche à Toulon , à vingt ou trente
pies de bas , avec des crocs de fer , les pin-
nes marines toutes grifes , 6c qui n'ont pas
P E C 5y
les belles couleurs de celles de Mcflîne ,
de Coffe , & de Majorque. Les manches
de couteau fe prennent dans le golfe de
Tarenre , & autres ports de m.er , dans les
trons qu'ils font dans le fable , où 1 on jette
du fel pour les faire fortir ç, mais le ineil-
leur moyen d'avoir de beaux coquillages ,
eft d'employer les plongeurs , comme on
fait dans les Indes. { D. J.)
PÊCHE , {Jurifprud.) la pêche & la
chaftè font les deux manières d'acquérir que
les hovnmes aient eues;, l'une & l'autre furent
le premier art que la nature enfeigna aux
hommes pour fe nourrir.
La pêche continua d'être pern-îfè à toirt
le monde , par le droit des gens , non-(èu-
lement dans la mer ^ mais aufll dans les
fleuves , rivières , étangs , & autres anias
d'eau.
Le droit civil ayant diftingué ce que cha-
cun polfédoit en propriété , il ne fut plus
permis de pêcher dans les étangs & viviers
d'autrui , mais feulement dans la mer, 8c
dans \es fleuves & rivières dont l'ufage ap-
partenoit au public.
La pêche qui fe fait , tant en pleine mer
que fur les grèves , eft toujours demeurée
libre à tout le monde , fuivant le droit des
gens 'j mais nos rois ne la permettent à leurs
fujets , dans les mers qui avoifinent leur
domination , qu'avec les filets permis ^ 8c
il eft défendu aux pêcheurs qui arrivent à
la mer , de fe mettre & jeter leurs filets
en lieux où ils puiflènt nuire à ceux qui fè
feront trouvés les premiers fur les lieux de
la pêche , ou qui l'auront déjà commencée y
à peine de tous dépens , dommages & in-
térêts , & de cinquante livres d'amende.
Ordonnance de la marine , liv. V , tiu i
(& 2 , article 9.
Pour ce qui eft des fleuves ou rivières
navigables , comme en France la propriété
en appartient au Roi , c'eft à lui fèul auflî
qu'appartient le droit de pêche.
Les anciennes ordonnances pcrmettoient
à chacun de pêcher à la ligne danî les
fleuves & rivières navigables , parce que
cela n'étoit regardé que comme un amufiè-
ment ^ mais comme infenfiblement on abufè
des chofès les plus innocentes , & qu'il y
auroit une infinité de gens oififs qui pêche-
roient continuellement & dépaupleroieut lt%.
3/5; P E c
rivières , il n'eft plus permis de pêcher ,
même à la ligne , dans les iîeuves & riviè-
res navigables , & autres eaux qui appartien-
nent au roi , à moins d'être fondé en titre
ipécial , ou d'être reçu maître pêcheur au
iiege de la maitrife des eaux & forêts , à
peine de cinquante livres d'amende , & de
confifcation du poiffon , filets & autres iuf^
trurnens de pêche ^ pour la première fois ^
& pour la féconde, de cent livres d'amende ,
outre pareille confifcation , même de puni-
tion plus févere , s'il y échet.
Pour être reçu maître pêcheur , il faut
avoir au moins 1 âge de vingt ans.
Les maîtres pêcheurs de chaque ville ou
port , dans les lieux où ils fout au nombre
de huit & au delTus , doivent élire tous \qs
ans , aux aflifes du maître particulier , un
.maître de communauté pour avoir l'œil fur
eux , & avertir les officiers des maîtrifes
des abus qui fe commettent ^ & dans les
lieux où il y en a moins de huit, ils doivent
convoquer ceux des deux ou trois plus pro-
chains ports ou villes , pour faire entre eux
la même éledion.
Les maîtres pêcheurs , & autres perfon-
iies qui peuvent avoir droit de pêcher dans
les fleuves & rivières navigables , & autres
eaux appartenantes au roi , font obligés
(d'obferver les règles qui ont été faites
pour la police de la pêche dans ces fortes
d'eaux.
Ces règles font , premièrement , qu'il eft
iriéfendu de pêcher aux jours de dimanche
& fêtes , à peine de cinquante livres d'a-
mende & d'interdiftion pour un an.
En quelque temps que ce foit , la pêche
ii'eft permifè que depuis le lever du foleil
jufqu'à fou coucher.
Les arches des ponts, les moulins &
3es gords où fc tendent des guideaux , font
l^s fouis endroits où l'on peut pêcher la nuit
comme le jour , pourvu que ce ne foit en
des jours ou temps défendus.
Il cft défendu de pêcher dans le temps
de frai , excepté \2l pêche aux faumons, aux
alofes & aux lamproies j le temps de frai
pour \èi rivières où la truite abonde , eft de-
J)uis le premier février jufqu'à la mi-mars ,
& autres depuis le premier avril jufqu'au
|>remier juin*
H n'eft pas permis de mettre des bires
P E C
ou nalTes d'ofîer au bout àz^ guideaux pen-
dant le temps de frai \ on peut feulement y
mettre des chauffes ou facs du moule de
dix-huit lignes en quarré, & non autrement :
mais après fe temps de frai , on peut y met-
tre des nartés d'ofier à jour , pourvu que les
verges foient él^j^iiées les unes des autres
de douze V\%\\ç.s au moins.
Les engins & harnois de pêche défendus
par les anciennes ordonnances , font le bas
orborin , le chiffre garni , le valois , les
amendes , le pinfoir , le truble à bois , la
bourache , la charte , le marchepié , le cli-
quet , le rouable , le clamecy , les fafoines,
fagots , naifes pelées , jonchées , & lignes
de long à menus hameçons.
L'ordonnance de 1669 y a joint les^
grilles , tramails , furets , éperviers , cha-
lons , fabres , & tous autres qui pour-
roient être inventés pour le dépeuplement
à^s rivières.
Elle défend aufîî d'aller au barandage, &
de mettre des bacs en rivière.
Elle défend en outre de bouillir avec
bouillies ou rabots , tant fous les chevrins ,
racines , faules , ofiers , terriers & arches,
qu'en autres lieux , ou de mettre lignes
avec échecs & amorces vives ^ comme auffi
de porter des chaînes & clairons dans les
batelcts , d'aller à la fare ou pêche à grand
bruit , ou de pêcher dans les noues avec
des filets , & d'y bouillir pour prendre le
poiffon ou le frai qui auroit pu y être porté
par le débordement des rivières.
Il eft pareillement défendu à tous mari-
niers & bateliers, d'avoir à leurs bateaux
ou nacelles aucuns engins à pêcher , permis
ou défendus.
On doit rejeter dans les rivières les trui-
tes , carpes, barbeaux, brèmes & meuniers
qu'on a pris, quand ils n'ont pas au moins
fix pouces entre l'œil & la queue j & le»
tanches , perches & gardons qui en ont
moins de cinq.
Il eft défendu d'aller ftir les étangs , fof^
îi% & mares , lorfqu'ils font glacés, pour ea
rompre la glace , & pour y faire des trous 5
& d'y porter des flambeaux , brandons &
autres feux pour voler du poiffon.
L'ordonnance défend aufli , fous peine
de puuitioH corporelle , de jeter , dans les
rivières , aucune chaux 3 noix vomique ^
P E C
coque de Levant , momie & autres drogues
ou appâts.
Pour le rempoifTonnement des étangs ,
le carpeau doit avoir iix pouces au meins ,
la tanche & la perche quatre , & le bro-
cheton telle mefure qu'on veut j mais on
ne doit le jeter aux étangs , mares & fof-
£és , qu'un an après leur empoiflbnnement ^
ce qui doit être obfervé pour les étangs ,
marcs & foffés des EccléfialHques & Com-
munautés , de même que pour ceux du
Roi.
Les eccléfiaftiques , feigneurs , gentils-
hommes & communautés qui ont droit
de pécàe dans les rivières navigables , font
tenus d'obferver , & de faire obferver
l'ordonnance par leurs domeftiques & pê-
cheurs.
Les communautés d'Jiabitans qui ont
droit de pécAe dans les rivières navigables ,
font obligés de l'affermer , parce que fi
chacun avoit la liberté d'aller pêcher, cela
dégénéreroit en abus.
La péc/ie , dans les petites rivières non
navigables , appartient au feigneur haut-
jufticier.
Celle des étangs , foffés , mares , appar-
tient à ceux qui en font propriétaires.
yoyei l'ordonnance des eaux & forêts ,
tit. 31, & la conférence fur cette ordon-
nance. {A)
Pèche , ( Jardin. ) fruit à noyau très-
<;onnu , qui vient fur le pêchei. Les pêches
varient pour la grolfeur , la forme , la cou-
leur & le goût , félon les différentes efpe-
ces de pêchers. On diftingue ces fruits en
pêches proprement dites , qui quittent le
noyau , & qui ont la chair tendre , molle ,
fucculente , & d'un goût relevé ^ & en pa-
vies ou brugnons , qui ne quittent pas
le noyau , & qui ont la chair dure &
fgche.
Les pêches fè divifènt aufîi en pêches
liffes & pêches veloutées : ces dernières
font en plus grand nombre^ on les diffé-
rencie encore par les couleurs. Il y a des
pêches \-ai\xm% ^ des /é'c^f^ blanches , & des
pêches rouges. Les curieux ne font cas que
de quinze ou vingt fortes de pêches; mais
en donnant dans la médiocrité , on pour-
Toit en ralfembler jufqu'à quarante efpe-
<xs , pour avoir uae plus grande variété
P E C 37
& une fuite de fruits qui fe fùccéderoieiit
pendant quatre mois. La pêche veut être
mangée crue \ elle perd de fà qualité en
paffaut fiir le feu , aufîî n'en fait on guère
ufage dans \e% ofîîces , qu'en la mettant à
l'eau-de-vie : la médecine ne tire de jfervi-
ces que des feuilles & des fleurs du pêcher,
& de l'amande qui efl dans le noyau de fbn
fruit. Voye[ PecheR.
PÉCHÉ , f. m. ( Théol. ) peccatum , eft
en général toute infraélion des règles de
l'équité naturelle & des loix pofitives , de
quelque efpece qu'elles fbient.
Saint Auguflin , dans fon Livre XXII ,
contre Fauflc le Manichéen , défîmtlepêché
une parole , une action , ou un defir contre
la loi éternelle : Feccatum eft facium , vel
diclum ^ vel concupitum contra œternam
Legem ; définition que faint Thomas, &
la plupart des autres théologiens ont adop-
tée , mais qWq ne convient pas au péché
originel.
Le même père définit encore le péché j
voluntas retinendi vel confequendi quod
juflitia vetat , & unde liberum efl abjline-
re ; mais cette définition n'eft pas plus
«xaéle que la première, par rapport aux
enfans.
AufTî la plupart des théologiens définif^
fènt le péché une défbbéifîànce à Dieu ,
ou une tranfgrefîîon volontaire de la loi ,
foit naturelle , /bit pofitive , dont Dieu eft
également l'autear.
On difiingue plufieurs fortes dépêchés ;
1°. du côté de l'objet , des péchés de la
chair & des péchés de l'efprit : par péchés
de la chair, on entend ceux qui ont pour
objet quelque délectation charnelle, comme
la gourmandifè , la luxure
h Par^
tchés de
l'efprit, ceux qui fè paffent dans 1 intérieur ,
comme l'orgueil , l'héréfie , &c, 2°. Eu
égard aux perfonnes qu% le péché offenfè ,
on diftingue des /j/o^/j contre Dieu, con-
tre le-prochain, contre foi- même. 3°. On
le divifè encore en péchés de per.fëe , de
parole & d'aâion j en péchés d'ignorance
& de foibleffe , & péchés de malice.
Mais les divifions les plus connues , ifbnt
celles qui diftinguent \e péché originel & le
péché a<ftuel. Le péché originel eft celui
que nous tirons de notre origine , que nous
apportons en naiifaut , & dont Adam notip
•5S P E C
premier père nous a rendu coupables .* on
dilpute beaucoup fur fa nature , & fur la
manière dont il pafTe des pères aux enfans.
Voyei ce que nous en avons dit fiir le mot
Originel.
Le péché a6tuel efl: celui que nous com-
mettons par notre propre volonté : on le
divife en péché de commiflîon & péché
d'omifllon ^ par péché de commiflîon on
entend celui qui eft oppofé à un précepte
négatif , comme à l'homicide , qui eft op-
pofé à ce commandement , vous ne tuere\
point. Le péM d'omifîîon , eft celui qui
eft contraire à un précepte affirmatif ,
comme de manquer de refpe^t à {qs parens
eft une aâion oppofée à ce précepte , hono-
re\ votre père (S' votre mère ; ou pour s'ex-
pliquer plus clairement, le péché de com-
miflîon confîfte à faire ce que la loi défend,
& le/jÉ-c/^/d'omifllon à ne pas faire ce qu'elle
prefcrit.
Enfin , le péché aftuel , foit de commif-
fiou , îbit d'omifllon , fe fubdivife en
péché mortel & en péché véniel. Le péché
mortel eft une prévarication qui donne à
l'amc la inort fpirituelle , en la privant de
la grâce fanélifiaitte , & en la rendant {ù-
jette à la damnation. Le péché véniel eft
une faute qui afFoiblit en nous la grâce de
la juftification , fans la détruire , & qui nous
foumetà la nécefllté de fubir quelques peines
temporelles pour en obtenir la rémiflion.
Quelques-uns , parmi les proteftans, ont
eru que la différence entre les péchés mor-
tels & véniels , tiroit fon origine de la qua-
lité des perfonnes qui les commettoient j
que tous les péchés d'un jufte , quelque énor-
mes qu'ils puifl'ent être , étoient véniels ;
que ceux d'un pécheur , quelque légers
qu'ils fuftent , étoient mortels. D'autres en
ont fait d pendre Ja diflTérence de la pure
volonté de Dieu \ mais il eft clair , i**. que
tous les péchés des juftes ne leur ôtent pas
toujours la grâce , & que tous les pécheurs
n'oflfenfent pas Dieu dans toutes les occa-
iions avec le même degré d'énormité : 2°.
qu'il y a des péchés , qui par eux-mêmes
portent Amplement quelque atteinte à la vie
ipirituelle , en diminuant le feu de la cha-
rité , & d'autres qui , par leur propre nature ,
éloignent ce feu facré & donneut la mort à
l'ame.
P E C
II n'eft pas facile au refte de décider tou-
jours , avec précifion , quand un péché eÇt
mortel ou véniel. L'examen de l'iirjportance
du précepte violé , l'infpedion du degré
de confentement que donne à la mauvaife
action celui qui la commet , la confidéra-
tion du tort & du fcandale que portent à
quelque membre de la fociété , ou à toute
la fociété , les fautes commifes , font au-
tant de moyens qui contribuent à faire con-
noître & à fpécifier la grandeur & Ténor-
mité des péchés.
Les Stoïciens prétendoient que tous les
péchés étoient égaux entre eux ^ on peut
voir comment Ciceron, dans fes paradoxes,
réfute l'abfurdité de cette opinion.
Les anciens Gnoftiques & les Manichéens
imaginoient un mauvais principe auteur du
péché. Calvin n'a pas fait difficulté de l'at-
tribuer à Dieu , & de dire que Dieu y exci-
toit & y poulfoit l'homme. Les catholi»
ques reconnoilfent que l'homme eft libre \
que c'eft par fa feule & propre détermi-
nation qu'il pèche , & qu'alors il eft jufte-
ment repréhenlible d'avoir commis ce qu'il
pouvoit ne pas faire , ou négligé ce qu'il
devoit & ce qu'il pouvoit faire.
Péché , ( Critique facrée. ) C'eft dans le
vieux teftament la tranfgreflîon de la loL
Les eafuiftes hébreux ont des motf pro-
pres pour diftinguer ces diverfes tranfgreP
fions j Chataoth comprend les péchés com-
mis contre les préceptes affirmatifs \ Afcha-
mat marque les péchés commis contre les
préceptes négatifs \ Schegaga défigne les
/?f'c/ié'j d'ignorance , d'oubli , d'omifllon, fi'c.
Cependant , dans l'écriture , le mot péché Ce
prend tantôt pour une tranfgreflîon légère
de la loi , / , Jean. 7,8, tantôt pour un
péché très-grave , comme l'idolâtrie ,
Thren. / , 8.
^ Péché veut dire aufll la peine du péché :
Si tu fais mal , la peine de ton péché , pec-'
catum , s'enliiivra , Gen. iv , 7. Il figni-
fie la concupifcence , Kom. vij , 20. II
iè met pour la viâime offerte en expiatioa
du péché : Celui qui ne connoilToit point le
péché 5 a été fait viâime , peccatum , pour
It péché ^ II ^ Cor. v , 21. De même dans
Oiëe j /V , 8 : ils fe nourriront des via: -
mes , comedent peccata , que mon peuple
ofli-e pour le péché* Enfin , ce terme £5
I
Î>E C
prend pour maladie, Rom. th. v, i!. 12.
Péché à mort , ( Critique facrée. ) On
cherche quel eft ce péché , dont faint Jean
dit qu'il eii a la mort , /, Ep. v ,• i<5. Il
fèmble que c'eft l'idolâtrie : ce qui confirme
cette idée , félon \q% judicieufes remarques
d'un critique moderne , c'eft i**. que la loi
divine condamnoit l'idolâtre à la mort ,
fans aucune miiëricorde ^ 2®. que l'apôtre ,
au if. 20 , remarque que J. C. eft venu
pour faire connoître le fèul vrai Dieu \
3°. & qu'enfin , au ^. 21 , l'apôtre finit fbn
épître par ce précepe : mes petits enfans ,
gardez-vous des idoles. Cependant , quand
l'apôtre parle ^\xr\ péché à. mort^ il n'en-
tend pas la mort éternelle j comme fi Dieu
avoit prononcé contre le chrétien qui tom-
boit dans l'idolâtrie , c|u'il feroit condamné
fans miféricorde à la mort éternelle , ians
qu'il pût obtenir fà grâce par fa repentance.
he i/. 16 , fait voir qu'il ne s'agit que de
la mort temporelle. Les chrétiens priant
pour les malades , & demandant à Dieu
leur guérifon , ils l'obtenoient auffi , comme
on le voit par S. Jacques , cA. v, if. 14
& fuiv. S. Jean a en vue cette coutume , &.
dit , qu'il n'ordonne point aux fidèles de
prier pour la guérifon de ceux qui tom-
boient dans l'idolâtrie , parce que c'eft-là un
péché qui mérite la mort , & ^uquel font
condamnés ceux qui ont connu le feul vrai
Dieu. On ne demandoit point à Dieu la vie
de ces gens-là ; mais on ne les privoit pas
de l'efpérance du falut , s'ils s'adrefibient à
J. C. avec une fincere repentance. Ainfi
donc , le péché à mort , dans S. Jean , fèroit
V idolâtrie. Le péché contre le S. Efprit pa-
roît être le blafphême ou l'outrage fait au
S. Efprit , en attribuant , contre la conf-
cience , les miracles à la vertu4|ls démons ^
c'eft le dernier excès de l'impiété, he péché
irrémiftible de l'auteur de l'épître aux Hé-
breux , c'eft vraifèmblablement l'apoftafîe
entière. (D. J.)
Péché originel, ( Critique facrée. )
La tradition a bien varié fur le péché ori-
ginel. Clément d'Alexandrie n'a point connu
ce péché ^zomme on le voit parla manière
doiît il explique les paroles de Job , chap.
xiv , 4 , {èlon la verfion des feptante , & celui
du iy: 51 , ^,7. Pour le dernier , il pré-
PEC 39
I tend que David parle d'Eve , la mère du
genre humain , qui n'eut des enfans que
depuis qu'elle fut tombée dans la tranfgref-
fion. Voyei Stromat , lih. III , page 488
& 489. Mais Origene , diiciple de Clé-
ment d'Alexandrie , abandonna l'opinion
de fbn maître , & foutint que les hommes
naiifent pécheurs , comme on le voit dans
fbn Commentaire fur S. Matthieu , dans foii
Homélie xiv ^ fur S. Luc , dans l'Homélie
xviij , fur le Lévit , & dans la réponfè
à Celfè , lié. IV •, pag. 191. Le leé^eur
peut confulter là-defTus les notes de Spencer,
Dans le dernier ouvrage d'Origene , il cite ,
en faveur de fon opinion , le pafTage de S.
Paul aux Romains , chap. v , 14. Mais au
lieu qu'il, y a dans les exemplaires , & c'eft
en effet la bonne leçon , qui ri ont point
péché à la reffemblance de la tranjgrejjion.
d Adam , Origene a lu , qui ont péché à la.
reffemblance , &c. Au fond , la raifon d'Ori-
gene étoit, que les âmes qui ont exifté avant
le corps , avoient péché avant que d'être in-
corporées. Beaufbbre , Remarques critiques,
(D. J.)
Péché volontaire, ( Critique facrée )
à,u»prri(jt.x j il fèmble que ce péché foit celui
dans lequel on perfévere malgré les remon-
trances , Heèr. ch. x. 16. 11 eft beau à uij
homme , dit l'auteur de l'Eccléfiafte , lorf-
qu'il eft repris de fon péché , de fb repen-
tir , car il évitera par ce moyeu le péché
volontaire , "oMTjùi yx^ {psy^g imncv àf/.!tpKnf/.ie.
ch. XX, if. 7. En effet, celui qui fè repent
lorlqu'on lui fait connoître fà faute , prouve
qu'il a été furpris -, & s'il eft véritablement
repentant , il évite la rechute , ou le péché
volontaire , puifqu'il u'ignore plus ni la na-
ture de l'adion , ni fa propre foibleiIe#
{D. J.)
PECHECAL , terme de relation , nom
que les Indiens donnent aux inondations
qui arrivent chez eux dans un certain temps
de l'année. Ce font des débordemens cau-
(és par les grandes pluies , & par la fonte
des neiges qui font fur [es montagnes. Le
plat-pays en eft couvert , & les rivières eu
font enflées , comme le Nil lorfqu'il fe
déborde en Egypte. Cette inondation arrive
tous les ans aux Indes , pendant les mois de
juillet , Août , feptembre & odobre»
ip.J.)
'40 P E C
PECHEM, f. m. ( Mat, méd, des anc, )
nom donné par les Grecs modernes à la ra-
cine qu'Avicenne & Sérapion appellent be-
hem. La defcription qu'ils en font , leur
dilHnftion en pechem rouge & blanc, les
vertus qu'ils leur prodiguent , font celles du
hekem dans les auteurs Arabes. Myrepfe ,
qui traite de cette plante , en rapporte
les mêmes chofes qu'Avicenne , & nom-
mément que le pechem étoit une racine
ligneufe , extrêmement ridée fur toute fa
furface , à caufe de la grande humidité
de fa tiflure , qui s'exhaloit en la faifant
fécher très-promptement. D'ailleurs , on
voit bien que pechem eft formé de behem ,
en changeant le b en p'-, ce qui eft arrivé
fréquemment , & en afpirant h en x , ou
ch , ce qui n'eft pas moins commun.
(D,J.)
PECHER , f. m. perjtca , ( Hift. nat.
Sotan. ) genre de plante à fleur en rofë ,
compofée de plufieurs pétales difpofés en
rond. Ce piftil fort du calice , & devient
dans la fuite un fruit charnu prefque rond ,
Se fîUonué dans fa longueur. Ce fruit ren-
ferme un noyau , qui a fur fa furface de
petites folles aflez profondes , & qui ren-
ferme une amande oblongue. Ajoutez aux
caractères de ce genre , le port de chacune
des efpeces. Tournefort , Inji. rei herb. V.
Plante. (/)
Pèche , {Bot, Jard,) en latin , perfica,
CaraSere générique,
t,a fleur du pêcher eft androgyne ^ elle
eft compofée , i**. d'un calice en forme
de godet , percé par le fond , divifé en
-cinq découpures ou fegmens obtus , qui
s'étendent jufqu'à la moitié du calice , &
fe renvcrfent fur le godet ; i°. de cinq ,
& quelquefois de fix pétales , difpofés eu
rofè 5 & creufés en cueilleron ^ 3*. de vingt
à trente étamines attachées aux parois inté-
rieures du calice ^ & grouppées par quatre
ou fix entre chaque divifion : elles font ter-
minées par des fommets en forme d'olive j
4°. d'un piftil formé d un embryon arrondi ,
liffe ou velu , félon l'efpece , & d'un flylede
la longueur des étamines , furmonté d'un
ftigmate obtus. L'embryon devient un fruit
trcs-fucculent , dont la chair environne uu
PEC
gros noyau ligneux, fort dur & comme ruf^
tiqué , ou crcufé de filions irréguliers , qui
renferme une amande amere.
On peut comprendre les elpeces de pê-
ches dans quatre claffcs ^ i^. celles dont lir
peau eft velue , & dont la chair fe détache
facilement de la peau & du noyau \ ce font
les pêches proprement dites : 2°. celles dont
la peau eft velue , mais dont la chair ne
quitte ni la peau , ni le noyau ^ on les
nomme pavies : 3°. celles dont la peau cfl:
violette , lifte & fans duvet , & dont la chair
quitte le noyau ^ ce font les pêches via-
lettes : 4°. celles dont la peau eft violette ,
liffe & fans duvet , & dont le noyau eft ad-
hérent à la chair j elles £e nomment bru-^
gnons.
Si les botaniftes pouvoient fe flatter
d'avoir fuivi les divifions de la nature ,
d'avoir faifi les vrais caraéîeres par lefquels
elle a diftingué les efpeces , ou d'avoir au
moins marqué fur leur foible eftampe (qu'on
me pafte cette exprefîion ) la fuite des nuan-
ces qu'elle a miles dans le grand tableau de
fes ouvrages , il faudroit refpeder leurs fyf-
têmes comme l'ombre du fien f, mais s'il étoit
vrai qu'ils fuflent nés , pour la plupart ,
d'une forte d'orgueil philofophique qui fe
plaît à appeller tous les êtres exiftans , pour
les ranger à fes loix arbitraires j s'il étoit
vrai encore que les nomenclatures n'euflTeut
guère , julqu'à prélènt , d'autre mérite que
celui d'une mémoire artificielle , non feu-
lement nous ferions en droit de ne pas les
regarder comme d'infaillibles règles , mais
nous devrions même nous en écarter , tou-
tes les fois qu'en ralfemblant trop d'efpeces
fous le même genre , elles jettent de la
confufion dans l'efprit , ou lorfqu'elles n'ont
aucun égard à des variétés qui nous paroif-
fent elFenlèelles , à caufe de leur utilité ou
de leur agrément. Ainfi , quoique M. le
Baron Von Linné n'ait fait qu'un genre
de l'amandier & du pécher ^ nous croyons
devoir les diftinguer , non-feulement parce
qu'il fe trouve des difterences aflez mar-
quées entre les organes de la fructification
& les fruits de ces deux arbres , mais encore
en faveur des efpeces & des variétés lî
nombreufes des pêches qui font nos déli-
ces. Qu'un botanifte infatigable gravifle
contre les rochers pour y caradtérifer les
eipecea
P E C
«efpecés de Thumble famille àes mouflTes,
nous louons (es travaux qui enrichifTent
l'hiftoire naturelle de nouvelles connolf-
iànces , & qui achèvent de développer la
chaîne végétale ; nous nous intérefîbns
même d'autant plus à Tes découvertes , que
l'objet de fes obfervations laifTe moins de
prife aux fens , & que l'anneau dont il
s'occupe , eft précifément celui qui paroît
lier les êtres bruts aux êtres organilés : mais
qu'il nous permette , à Ion tour , de nous
afTeoir à l'ombre des arbres fruitiers , &
ée diffinguer avec foin leurs utiles & belles
productions , quand même elles ne nous
offriroient de diveriité que dans le coloris
6c la faveur. Et quel fruit mérite plus notre
attention que la pêche ? Sa beauté , qui
réunit l'éclat des fleurs au velouté d'une
peau délicate , attire & charme les regards ;
ion eau abondante , où fe mêlent & fe
tempèrent le fucre , l'acide & le parfum ,
eu la plus agréable liqueur dont la nature
nous ait fait don. Ce fruit nous inféreffe
encore à d'autres titres ; il cû , pour ainii
dire , notre ouvrage. Que la pêche foit ori-
ginaire de la Perlé ; qu'elle ait palîé de
cette contrée en Egypte , & delà dans le
Péloponefe , c'eft ce que nous ne préten-
dons pas contefler ; mais Pline n'en comp-
toit encore que quatre eipeces ; de fon
temps , une feule pêche fe vendoit jufqu'à
trente feflerces : plus heureux que les Ro-
mains , nous en avons raflemblé jufqu'à
quarante efpeces , qui fe le difputent par
leur bonté, leur volume & leur coloris , fans
compter une foule d'autres que nos richefîès
nous font négliger. Les pêches font deve-
nues de nos jours ii communes , que leur
prix n'excède pas les facultés des moin-
dres citoyens ; & toutes leurs variétés ,
nous avons achevé de les perfedionner par
la greffe , par la culture & par la taille ,
après les avoir créées dans nos pépinières.
La naiflance du pavie de Pomponne , dit
M. Duhamel du Monceau , de la pêche
d' Andiily , de La belle de Vitry , de la chan-
celiere , de la madeleine de Courfon , &c.
ne remonte pas à des temps fort éloigaés
du nôtre , & il eft au moins vraifem.blable
que les autres bonnes pêches ne nous ont
pas été envoyées du jardin d'Eden. Nous
commencerons par donner une courte àQi--
Tome XXV.
P E C 41
cription de tous les pêchers : nous imagi-
nons que c'efl: une des connoifTancesqu'on
trouvera avec le plus de plaifir dans cet
article ; il contient de très-bons préceptes
pour l'éducation , la plantation & la cul-
ture de cet arbre fruitier , ainfi qu'un
petit nombre de principes fur fa taille , qui
paroît iafuiïifant^ maintenant que le jardi-
nage efl plus en honneur que jamais ; & que
lesj!?é'<:Aerj's'énorgueilh(î'ent,pour ainlî dire,
d'être foignés par de nobles mains , & fera-
blent redoubler de fertlHté fous les mains dé-
licates de nos Dames , qui ne dédaignent pas
de les tailler elles-mêmes. Si nous avons plus
de raifons pour nous étendre que n'en avoit
l'eflimable auteur du premier article , nous
avons aufTi bien plus de reffources qu'il
n'en avoit , par tout ce que nous pourrions
puifer dans nombre d'excellens ouvrages
que , depuis peu , l'on a imprimés fur la cul-
ture du pêcher ; mais c'eft précifément cette
abondance qui nous contramt de nous ref^
ferrer dans d'étroites bornes : feroit-ii pof^
fible de tranfcrire des volumes ? quel fyf-
tême adopterions - nous ? Nous pourrions
nous éviter le reproche d'avoir préféré une
méthode exclufivement à toutes les autres.
En effet , ne nous le diffimulons pas , il
n'y en a peut-être encore pas une qui ait
atteint à fa perfedion , & le temps n'efl
pas venu où , en raflemblant fîir cet objet
toutes les lumières acquifes , on pourra en
tirer des principes généraux, dont l'appli-
cation , faite par un cultivateur intelligent ,
fe prêtera à chaque terroir , à chaque cli-
mat , moyennant les modifications conve-
nables. Jufqu'icila plupart de ces méthodes
ne paroiifent pas fe plier également à toutes
les circonffances locales. Nous nous con-
tenterons de renvoyer le ledeur au Traite
de la culture du pêcher , de M. de
Combes , au livre de l'abbé Roger Shabol ,
& à un petit Traité excellent qu'une Ib-
ciéfé d'amateurs vient de donner en dernier
lieu au public , où l'on verra l'art de la taille
fournis y pour ainfi dire , aux règles de ia
géométrie : on lira auffi avec fruit ce que
Thomas Hilt , dans un ouvrage fur les
arbres fruitiers , a dit du pêcher ; mais nous-
recommandons iinguliérement la ledure des
principes génér-aux de la taille , qui fe trou-
vent dans le TraUé des arbres fruitiers de
41 P E C
M. Duhamel du Monceau , où la méthode
du frère Philippe ell rapportée. Le fage aca-
démicien n'en adopre aucune , il n'oie même
en propofer une nouvelle. Quelle pré-
fomption à nous , û nous efTayons de don-
ner une feule de nos idées fur la taille du
pêcher ! Qui ne fait que cette feule partie
du jardinage demande, à quiconque veut
y faire quelques découvertes , une occupa-
non prefque unique , & l'expérience d'un
grand nombre d'années ? II ne s'agit pas
de moins que de fuivre un pécher depuis fa
greffe jufqu'à fa mort , ou du moins fa ca-
ducité , que doivent retarder des foins in-
telligens. Nous nous bornerons donc à
rapporter à la fuite des efpeces le principe
premier de la taille du pécher , pris de fa
^onttim'ion particulière; la méthode de
Miller , parce qu'elle ne fe trouve dans
aucun ouvrage françois de notre connoif-
lance ; quelques particularités peu connues
ou trop négligées de la culmre de cet arbre ,
& les doutes de M. Duhamel du Monceau
iur la taille que ks habitans de Montreuil
mettent en ufage.
Efpeces.
Nous avons rapporté au genre de l'aman-
dier un arbuftc à Heurs doubles , que M.
Duhamel du Monceau appdk perjica Afri.
^'^^■Sii^u^^^ ' ^^^^ ^^(^^rnato ^ pleno , flerili.
Miller )ç range auffi parmi les pêchers ;
mais, comme on ne peut connoître forî
vrai genre , parce qu'il ne frudifie pas , &
comme il e/i généralement connu fous le
nom à^amandier nain à fleurs doubles y
ïl ef{ au moins auffi bien placé qu'il le
leroit ici.
Efpeces Jimplement curieufes.
Pécher à fleur femi-douhle. Ctt arbre ,
par l'éclat & l'abondance de ïts fleurs d'un
rofe vif, eftleplus beau de ceux qui déco-
rent le printemps : il ell peu fertile ; ks,
fruits ne font pas beaux , mais ils font
p^fTablement bons : ils mûriiTent à la fin
de Septembre.
Pêche-noix. Cette pêche ne mûrit que
fort tard dans les automnes chauds & fecs :
fouvent elle ne mûrit pas du tout ; ainfi
l'arbre mérite peu d'être cultivé.
Pêche-amande. Ce pêcher ne peut être
P E C
admis dans les très-grands jardins qu'en
faveur de la variété.
Pêcher-nain, Ce pêcher ne devient pas
plus grand qu'un pommier greffé fur para-
dis, de forte qu'on l'éieve quelquefois dans
un vafe pour le-fervir avec fon fruit fur la
table. Les boutons font prefque les uns fur
ks autres , comme les écailles de poilfons ;
ks grandes fleurs font rangées autour de
la branche , & tellement ferrées , qu'elles
n'en laifîent rien entrevoir : une branche
longue de trois pouces en porte jufqu'à
quarante ou quarante-cinq , & forme le
plus joli feflon : les feuilles font grandes &
belles : le fruit ell rond , alTcz gros & abon-
dant. Un de ces petits pêchers , dont la
tête n'a que neuf ou dix pouces d'étendue ,
en porte jufqu'à huit ou dix : leur peau
efl rarement colorée , leur eau n'elt pas
agréable : ils mûriflent vers la mi-odobre.
Efpeces qiion cultive pour la honte de
leurs fruits.
Avant-pêche blanche. Les bourgeons de
ce pêcher font menus &: verts comme les
feuilles : les feuilles font longuettes, rele-
vées de boffes , pliées en gouttières , & re-
courbées en différens (ens ; les fleurs font
très-grandes & prefque blanches ; le fruit
n'eft pas plus gros qu'une noix ; fa peau eit
blanche , fa chair efl fine , fon eau ell très-
fucrée ; elle a un parfum mufqué qui la
rend très-agréable. Cette pêche ell la plus
hâtive de toutes ", elle mûrit quelquefois dès
le commencement de juillet.
Avant-pêche rouge. Avant -pèche de
Troyes. Ce pêcher donne peu de bois &
beaucoup de fruit \ les bourgeons font rou-
ges & menus ; fes feuilles font d'un vert
jaunâtre , & froncées près de la nervure
du milieu ; fes fleurs font grandes & de
couleur rofe : fon fruit ell plus gros que le
précédent ; il ell rond ; la peau ell colorée
d'un vermillon fort vif du côté du foleil ;
la chair ell fondante , l'eau ell fucrée & muf-
quée : cette pêche ne mûrit , aux meilleures
expofitions , qu'à la fin de juillet ou au
commencement d'août ; de forte qu'il faut
mettre la première efpece à diUérens afpeds ,
afin de remplir l'intervalle entre elle &
celle-ci.
Double de Troyes. Pêche de Troyes*
P E C
Petite m'ignone. Les bourgeons de ce pê-
cher font rouets du cote du foleil , & verrs
de l'autre; Tes fleurs , très- peti tes , le dil-
tinguent bien de l'avant-pêche rouge ; fon
fruit elt une fois plus gros : la peau eil teinte
d'un beau rouge très -foncé du c<5té du
foleil ; du côté de fombre , elle ti\ d'un
blanc jaunâtre un peu tiqueté de rouge ;
c'eft une bonne pêche. Sa maturité , qui
arrive vers la fin d'août , concourt avec celle
des dernières avant-pêches rouges.
Apiint-pêche jaune. L'arbre reflembic en
tout au fsivant , hors par fon fruit : il efr
moins gros que la double de Troyes ,
& mûrit en même temps. Un gros mame-
lon pointu & recourbé ^ en forme de capu-
chon , le termine par la tète. Le côté du
foleil eft d'un rouge-brun foncé , le côté
oppofé eft d'un jaune doré ; la peau ell
par-tout couverte d'un duvet épais ; la
chair eft jaune , fine & fondante , & l'eau
douce & fucrée.
Alberge jaune. Pêche jaune. Ce pêcher
noue fort bien fon fruit ; les bourgeons font
d'un rouge foncé du coti du foleil ; les
feuilles font d'un vert approchant de la
feuille morte , & rougifîènt en automne :
les fleurs font petites & d'un rouge foncé;
mais quelquefois on trouve ce pêcher à
grandes fleurs : le truit eft un peu plus gros
que la petite mignonne , rouge du côté du
foleil , jaune du côté oppofé : la chair efî
d'un jaune vif, pâteufe dans les terres fe-
ches , ou lorfque l'arbre efî languifîant : l'eau
cil fucrée & vineufe , lorfque le terrain n'ell
pas trop humide , & que le fruit a acquis
toute fa maturité fur l'arbre. Cette pêche
mûrit vers la fin d'août , après la double
de Troves & l'avant-pêche jaune.
Rojjanne. Ce pêcher ti\ une variété de
1 alberge jaune ; les feuilles font un peu
plus larges , &: fouvent froncées auprès de
la grande nervure : fes fruits font un peu
plus gros , plus arrondis , & moins hâtifs ;
ils fe terminent en pointe très-aiguè'.
Pavie-alberge. Perfais d'Angoumois. La
chair de ce pavie efl un peu jaune , très-
fondante : fa peau efl d'un rouge très-foncé
du côté du foleil. Ce iruit , qui mûrit vers
la fin de feptembre , ell excellent en An-
goumoîs.
Madtlaiae blanche. Cet arbre efl très-
P E G 45
fenfible aux gelées du printemps ; fes bour-
geons font d'un vert pâle , quelquefois un
peu rougeâtres du cbti du foleil; leur moelle
eft prefque noire ; les feuilles font grandes ;
i^QS fleurs , grandes &: d'un rofe pâle , pa-
roiflent de bonne heure : fon fruit eft d'une
belle grofleur ; la peau efl fine , elle efl pres-
que par-rout d'un blanc tirant fur le jaune : du
côté du foleil , elle eft fouettée d'un peu de
rouge tendre & vif dans les terrains & aux
expofitions convenables : ant pêche efl dé-
licieufe. Sa maturité eft vers la mi-août. Il
y a une variété de ce pêcher qu'on pour-
roit nommer petite madelaine blunclic.
Pai'ie blanc. Pavie - madelaine. Ce pavie
reflemble beaucoup à la pêche précédente.
La moelle àts bourgeons eft blanche ; Çts
fleurs font très-pâles ; fes feuilles font pref-
que tomes un peu froncées fur l'arête. La
peau du fruit ell toute blanche , excepté du
coté du foleil , où elle efl: marbrée de très-
peu de rouge vif. Sa chair cft ferme &
adhérente au noyau , comme celle de tous
les pavies : fon eau efl aflez abondante &
très-vineufe , lorfque le fruit efl bien mûr ;
ee qui le fait eflimer de ceux qui ne hailTent
pas les fruits fermes. Il eft très-bon confit ,
tant au fucre qu'au vinaigre : il mûrit au
commencement de feptembre.
Pêche-Malte. Qt pêcher t^ aflez vigou-
reux & fécond ; la moelle des bourgeons
eft un peu brune : fes feuilles font den-
telées plus profondément que celles de la
madelaine blanche , & moins que celles
de la madelaine rouge. La peau du fruit
prend du côté du foleil un rouge ordinaire-
ment marbré de rouge plus foncé : fa chair
efl blanche & fine , Ion eau un peu rauf-
quée & très-agreable. Le temps de fa ma-
turité eft un peu après la madelaine rouge.
Véritable pourprée hâtive à grandes fleurs.
Ce pêcher eft vigoureux & fertile ; ^^^
bourgeons font forts & médiocrement longs;
fes feuilles font terminées en pointes très-
aiguës ; lès fleurs font d'un rouge aflez vif,
& s'ouvrent bien. Le fruit eft gros, & divifé
par une rainure large , fuivant là hauteur.
La peau eft couverte d'un duvet épais, elle
eft d'un beau rouge foncé du côté du foleil;
l'autre côté eft tiqueté de très-petits points
d'un rouge vif La chair eft fine & très-
fondante ; l'eau eft abondante , excellente &
Fi
44 P E C
très-fine. Cette belle pêche , qui peut être '
regardée comme une des meilleures, mûrit
dans le commencement d'août , ordinaire-
ment avRnt la madelaine blanche.
. Pourprée tardive. Ce pêcher ell: vigou-
reux ; les bourgeons font gros ; les feuilles
font grandes , dentelées rrès-légérement .
froncées fur l'arête , pliées & contournées
en djfférens fens : les fleurs font très-petites;
le fruit elt rond & gros : la gouttière efl
un peu marquée ; la peau eil teinte d'un
rouge vif & foncé du côté du foleil ; le
côté de l'ombre eft de couleur jaune-paille :
la chair ti\ fucculente , très-rouge près du
noyau ; l'eau ef[ douce & d'un goût re-
levé : fa maturité eil au commencement
d'odobre. Merlet l'a confondu avec la
mignonne.
Mignonne. GroJJe mignonne. Veloute'e de
Merlet. L'arbre eÛ vigoureux , donne beau-
coup de fruits , & pouffe affez de bois : Ces
bourgeons font minces & fort rouges du
côté du Ibleil ; (hs feuilles font grandes ,
d'un vert foncé , dentelées finem*ent & lé-
gèrement : les iieurs font grandes,d'un rouge
vif; ion fruit ell gros , bien rond , divilé
par une gouttière profonde , ayant Ibuvcnr
un de [es bords plus relevé que l'autre. La
queue elt 11 courte & fi enfoncée dans une
cavité large & profonde , que la branche
fait impreifon fur le fruit. La peau eil fine
& comme fatinée ; elle eil d'un rouge-brun
foncé du côté du foleil ; du côté de l'om-
bre , elle eft d'un vert clair tirant fur le
jaune. Cette pêche eil fort bonne : elle
mûrit un peu plus tard que la madelaine.
Pourprée hâtiie vineufe. L'arbre eff affez
vigoureux & très-fertile , il n'efl pas déli-
cat fur i'expofition : les bourgeons font
longs , plians & menus , d'un rouge foncé
du côté du ibleil : les fleurs font grandes &
d'un rouge vif ; les feuilles , d'un vert foncé,
font plus grandes que celles de la grofîe
mignonne : le fruit efl d'une belle groifeur ,
rond , un peu applati par le bout , & di-
vifé en deux par une gouttière profonde :
l'eau efl d'un rouge très-foncé, même aux
endroits qui né font pas frappés du loleil ;
la chair efl fine , & n'efl jamais pâteufe ;
l'eau efl abondante , vineufe , quelquelxiis
aigrelette , fur-tout dans les terrains froids.
Mourdin. Bourdins. Narhonne^ Ce pê-
P E C
cher efl grand & vigoureux , il fe met aîf^-
raent à fruit ; il en porte quelquefois trop y
& alors il faut en retrancher une partie i
il réufiit très-bien en plein vent, où il donne
du fruit plus petit , mais plutôt & plus excel-
lent qu'en efpalier : (ts feuilles font très-
grandes , unies & d'un beau vert ; Ces fleurs
font petites , couleur de chair , bordées de
carmin. Son fruit efl prefque rond , divifé
par une gouttière très-large & affez pro-
fonde , fouvent bordée d'une lèvre plus
relevée que l'autre bord ; le côté oppofé à
la gouttière efl applati ou enfoncé : fa peau:
efl colorée d'un beau rouge foncé : fa chair
efl fine & fondante ; fon eau efl vineufe &
d'un goût excellent : la maturité de cette
belle & bonne pêche efl vers la mi-fcp-
tembre.
Chevreufe hâtive. Ce pêcher eu très- vi-
goureux & donne beaucoup de fruits : fes
feuilles font grandes & fe phent en gout-
tière ; fes fleurs font petites ; fon fruit efl
d'une belle groffeur , un peu alongé , divifé
par une gouttière très-fenfible , bordée de
deux lèvres , dont l'une efl plus relevée que
l'autre ; il ell fouvent parfemé de petites
boffes , fur-tout vers la queue , & il efl ter-
miné par un mamelon pointu , ordinaire-
ment afléz petit : fa peau du càté du foleil a
un coloris rouge, vif & agréable : fà chair
ell blanche , fine , très-fondante : fon eau
efl douce , fucrée & de fort bon goût.
Pêche d'Italie. C'efl une variété de la
chevreufe hâtive; l'arbre efl très-vigoureux^
on ne connoît aucun pêcher qui pouffe des
.bourgeons auffi longs & aufîi forts : le fruit
efl plus tardif que le précédent.
Belle chevreufe. L'arbre reffemble en
tout à celui de la chevreufe hâtive ; le fruit
efl alongé ; la gouttière n'efl très-fenfible
que vers les extrémités , fur-tout à la tête ,
où l'on apperçoit une fente &: un mame-
lon pointu. La cavité au fond de laquelle
s'attache la queue , efl prefque toujours bor-
dée de quelques bofïès ; il efl afléz ordinaire
d en appercevoir quelques-unes répandues
iur le fruit : lorfque cette pêche efl bien
mûre , fa peau efl jaune prefque par-tout , ex-
cepté du côté du foleil où elle prend un rouge:
clair & brillant : fa chair n'efl ordinairement
ni très-fondante , ni très-délicate : fon eau efl.
fucrée ôc affez agréable : cette pêche mûrit
P E C
avec la mignonne vers le commencement
de feptembre.
VtntabU chanceliere à grande fieiir. Ct
pêcher reffemble beaucoup à celui de la che-
vreufe. S^s fleurs font grandes : Ton fruir
eft d'une belle grofleur, un peu moins
alongé que la chevreufe : il eft divifé en
deux héraifpheres inégaux, par une rainure
qui n'a de profondeur que près de la queue ;
à la tête on voit un rrès-petit mamelon ;
le côté oppofé à la rainure efl applari ; fa
peau efl: d'un beau rouge du côté du foleil ;
Ion eau eft fucrée & excellente : elle mûrit
au commencement de feptembre , après
la belle chevreufe. Ces deux pêches ne fe
diftinguent que^par la fleur & le temps de
la maturité du fruit. T3ans plufieurs jardins ,
on trouve pour la chanceliere une variété
de la chevreufe qui a la fleur petite , &le
fruit un peu plus rond & moins hâtif.
Chevreufe tardive , pourprée. L'arbre efl
vigoureux & charge beaucoup : ce qui oblige
d'éclaircir lé fruit afin qu'il devienne plus
beau : fes bourgeons font rouges du côté du
Ibleil ; (es fleurs font petites , de couleur
rouge-brun. Le fruit efl: un peu alongé ,
d'une bonne grofléur ; fa peau efl un peu
verdârre du côté du mur , & d'un très-beau
rouge du côté du foleil ; fon eau efl excel-
lente : cette pcche mûrit à la fin de lep-
tembre. Il y a des chevreufes très-tardives
qui méritent peu d'être cultivées , parce
qu'elles mûriiTent rarement. Les chevreufes
demandent d'exceilens terrains & de bonnes
expofitions ; elles dégénèrent lorfqu'elles fe
trouvent plantées moins avaatageufement.
Pêche-cerlfe. L'arbre a le même port
que le pêcher de petite mignonne ; il frudi-
iie aiFez bien ; les fleurs font petites &
d'un rouge pâle : le fruit efl petit , bien
arrondi ô^ terminé par un mamelon qui efl
ordinairement aflez gros , long & pointu :
la peau efl lifle , fine , brillante , d'une belle
couleur de cerife du côté du foleil , & blan-
che comme de la cire du côté oppofé. Ces
couleurs , qui font comparables à celles de
la pomme d'api , rendent ce petit fruit très-
agréable à la vue ; la chair efl affez fine &
fondante i l'eau efl d'un aflez bon goût dans
les terrains fecs & aux bonnes expofitions.
Cette pêche mûrir vers le commencement
de feptembre»
P E C 4Ç
' Petite violette hâtive. Ce pêcher efl ua
bel arbre , paATableraenc vigoureux , qui
donne affez de bois & beaucoup de fruits ,
même en buiflons; fes fleurs font très-pe-
tites, de couleur rouge-brun : fes feuilles font
lifi^s , alongées & d'un beau vert : {qs bour-
geons font rouges du côté du foleil. Son
fruit efl ù-peu-près de la groffeur de la dou-
ble de Troyes , prefque rond, & un peu
applati fur les côtés : la gouttière efl peu
profonde, & terminée par un mamelon afl^ez
petit: la peau efl lifTe , fans duvet, d'ua
rouge violet du côté du foleil , & d'un
blanc jaunâtre fous les feuilles ; fa chair efl
fine, afTez fondante; fon eau efl fucrée,
vineufe & très-parfumée ; ce qui fait met-
tre la petite violette au nombre des meil-
leures pêches ; elle mûrit au commence-
ment de feptembre. Pour la manger bonne ,
il faut la laifler llir l'arbre , julqu'à ce qu'elle
commence à fe faner près de la queue. La
violette d'Angervilfiers ^ qu'on vante avec
raifon , efl la m^êmie , ou une petite violette
qui n'en diffère que parce qu'elle efl un peu
plus hâtive^
Grojfe violette hâtive. L'arbre refTèmble
au précédent & donne beaucoup de fruits ,
même en plein vent : fa fleur efl très-petite ;
fon fruit efl: une fois plus gros que la petite
violette ; fa chair efl moins vineufe : il.mûric
un peu après. Les moins gros font les meil-
leurs.
Violette tardive. Violette marbrée. Vio^
lette panachée. Ce pêcher efl vigoureux &
fertile : fes bourgeons font d'un rouge très-
foncé du coié du foleil : les feuilles font
grandes , & froncées près de. l'arête : les
fleurs font très-petites , de couleur rouge-
pâle : le fruir eft de moyenne groffeur,
très-reflêmblant à la grofle violette hâtive ,
mais plus alongé & fbuvent comme an-
guleux. A la tête , on remarque un petit
enfoncement , au milieu duquel on apper-
çoit ordinairemenr un point blanc, duquel
fort le flyie deiTéché du piflil , comme un
poil noir affez long :1a peau efl lifl"e, vio-
lette , marquée de petites taches rouges du
côté du foleil : l'eaii eft très-vineufe , lorf^
que les automnes font chauds &: fecs ; mais
lorfqu'ils fonr froids , cette pèche ne mûrit
point. Il faut planter ce pêcher à l'expo-
, lition la plus chaude & découvrir les fruits ;
4^ P E C
ils mûiilîent un peu avant la mi-odo-
bre.
Brugnon violet mufqiié. Ce pêcher eft
vigoureux , pouffe beaucoup de bois & pro-
duit abondamment; Tes bourgeons Ton gros ,
longs , rouges du côté du foleil ; fes feuilles
font dentelées très-finement ; fes fleurs font
grandes & belles , & d'un rouge pâle :
quelquefois cet arbre eft à petites fleurs ;
font fruit relïêmble à la grofle violette hâ-
tive ; il efl: un peu moins gros & pres-
que rond : la peau efl d'un beau rouge
violet du chiè du foleil : les bords de cette
couleur font marquetés de gros points blan-
châtres : la chair n'eft point feche , quoi-
que ferme : fon eau efl d'un goût excellent ,
vineufe , mufquée & fucrée. Ce brugnon
mûrit à la fin de feptembre. Il faut planter
l'arbre à la meilleure expofition , ne cueillir
le fruit que lorfqu'il commence à fe faner ,
& même lui lailTer faire fon eau quelque
temps dans la fruiterie.
Jaune lijje. Lijfée jaune. L'arbre efl vi-
goureux & reffembie au pécher de petite
violette hâtive; les bourgeons font longs
& jaunâtres ; les feuilles jauniffent en au-
tomne ; les fleurs font 'de grandeur moyen-
ne ; le fruit efl rond , moins gros que la
grolfe violette, quelquefois un peu applaà.
La peau efl jaune, lifîé , fans duvet, un
peu fouettée de rcuge du côté du foleil. La
chair efl jaune & ferme. Lorfque les au-
tomnes font chauds , l'eau efl fucrée , très-
agréable , & prend un petit goût d'abricot:
ce fruit mûrit à la mi-odobre. On peut le
conferver une quinzaine de jours dans la
fruiterie , où il acquiert fa parfaite maturité ,
de forte qu'on en mange jufqu'au commen-
cement de novembre.
Belle-garde. Galande. Ce pêcher eu un
bel arbre , fur-tout dans les bonnes terres :
fes bourgeons font gros , rouges du côté du
foleil ; fes fleurs font très-petites & pâles ;
fon fruit efl gros, rond , relfemblant beau-
coup à l'admirable ; la gouttière efl très-
peu marquée ; fa peau efl prefque par-tout
teinte d'un rouge pourpre , qui tire fur le
noir du côté du foleil ; fa chair efl ferme ,
cependant fine & pleine d'une eau fucrée
& de fort bon goût Cette pêche mûrir à
la fin d'août , après les mignonnes & la
madelalne rouge. La belle-garde de Merlct
P E C
eft une pcrfique très-différente de notre
belle-garde.
admirable. L'arbre , grand , fort , vi-
goureux , produit beaucoup de bois & de
fruits : Ces bourgeons font gros , fes feuilles
grandes & longues ; (es fleurs font petites
& pâles ; font fruit efl très-gros , ayant trente
lignes de diamètre : fa peau efl teinte de
rouge vif du côté du foleil ; ailleurs elle
efl couleur de paille : cette pêche mûrit à
la fin de feptembre. Sa beauté & fes ex-
cellentes qualités lui ont mérite fon nom.
Cette pêche n'efl pas fujette à devenir pâ-
teufe, & elle réuflit affez aux médiocres
expofitions : mais elle efl digne des meil-
leures Cet arbre exige plus d'attention
qu'un autre à la taille , parce que fouvent
il a des branches languilfantes , & qu'il en
perd fubitement de fort groffes , étant très-
fu jettes à la cloque.
Admirable jaune abricote'e. Pêche d'abri-
cot. Grojfe pêche jaune tardive. Ce pêcher
reffembie à l'admirable par fon port. Il
donne affez de fruits ; fes bourgeons font
d'un vert plus jaune ; fes feuilles jauniffent
en automne , & même rougifîent par la
pointe ; fa fleur efl grande & belle ; quel-
quefois on trouve ce pêcher 'jl petites fleurs ,
comme l'admirable : fon fruit efl gros, rond,
applati : fa peau efl jaune , couverte d'un
duvet fin , elle prend un peu de rouge du
côté du foleil; fa chair efl jaune, elle efl
ferme , quelquefois un peu feche , & même
pâteufè , quand les automnes font froids :
fon eau efl agréable , & relevée d'un petit
parfum d'abricot dans les automnes chauds.
Cette pêche mûrit vers la mi-odobre ; les
fruits qui reflent les derniers iur l'arbre font
les meilleurs. L'admirable jaune s'eleve bien
de noyau & en plein vent , où fon fruit
efl meilleur & plus coloré , mais confidé-
rablcmcnt moin? gros. Il y a une variété
de cette pêche qui donne des fruits plus
gros.
P ai' ie jaune. C'efl un fort bon fruit , que
M. Duhamel du Monceau a rapporté de
Provence , qui devient quelquefois plus gros
que le pavie de Pomponne , & mûrit aulli
facilement dans notre climat.
Te ton de Vénu<i. Ce pêcher cû très-reC"
femblant à l'admirable jaune : la fleur eÛ
petite , couleur de rofe > bordée de carmin.
P E C
Quelques-unes de fes feuilles fe froncent
près de l'arête : Ion fruit e(i moins rond
que le précédent , quelquefois il elt beau-
coup plus gros ; la gouttière ell peu pro-
fonde , & terminée par un petit enfonce-
ment à la tête du fruit , où il fe trouve or-
dinairement un mamelon ; cependant quel-
quefois il n'y a dans les gros fruits ni gout-
tière , ni mamelon : la peau ell couverte de
duvet fin , elle ne prend pas beaucoup de
couleur du coté du foleil; tout ce qui efl
à l'ombre eft ie couleur de paille : la chair eft
fine & fondante ; l'eau a un parfum très-fin
& très-agrcajle ; ce fruit fè mange à la fin
de feprembre.
Royale. Ce pécher reflemble à l'admira-
ble , par fa vigueur , fa fertilité , la force de
fes bourgeons &: la beauté du feuillage ; la
fleur ell petite, de couleur de chair, bordée
de carmin : fon fruit tient de l'admirable &
du teton de Vénus ; il efl: un peu applati
d'un coté : à la tête , on remarque deux petits
enfoncemens aux côtés d'un mamelon aflèz
gros : cette pêche efl fouvent relevée de
bofTes du côté du foleil ; la peau efl lavée
de rouge clair , chargée de rouge plus foncé ;
du côté de l'ombre , elle ell preique verte :
la chair efl blanche , excepté près du noyau
où elle efl plus rouge que l'admirable : l'eau
efl flicrée , relevée & agréable. Ce fruit
mûrit à la fin de feptembre.
Belle de Vitry. Admirable tardive. L'ar-
bre efl vigoureux & fertile ; les bourgeons
font forts ; les feuilles font grandes , quel-
quefois dentelées afîêz profondément ; la
fleur efl petite , de couleur rouge-brun ;
le fruit efl gros & plus rond que la nivette ;
la gouttière efl large & peu protonde ; le
côté oppofé ell un peu applati ; la tête efl
fouvent terminée par un petit mamelon
pointu ; on remarque quelquefois fur ce
fruit de petites verrues , la peau efl adhé-
rente à la chair , elle efl verdâtre ; le côté
cxpoië au foleil , efl lavé de jrouge clair ,
marbré d'un rouge plus foncé ; le duvet efl
blanc , long & fe détache aifément ; la chair
efl ferme , fine , fucculenre , & jaunit en
mûriflant ; l'eau efl d'un goût relevé & fort
agréable : cette pêche mûrit vers la fin de
feptembre. Pour être bonne , il faut qu'elle
(bit bien mûre , & qu'elle ait palfé quelques
jours dans la fruiterie.
P E C 47
Pai'le ronge de Pomponne. Pai'ie monf-
trueiLX. Pai'ie camu. Cet arbre efl très-
vigoureux ; {t$ bourgeons font forts &
longs ; fa feuille efl grande , dentelée très-
finement & légèrement ; les îleurs font gran-
des , elles ne s'ouvrent pas bien , leurs pé-
tales étant très-creulés en cuilleron ; fon
fruit cil rond , d'une grofîèur extraordi-
naire , ayant fouvent quatorze pouces de
circonférence ; ia peau efl d'une belle cou-
leur rouge du côté du foleil. Quand l'au-
tomne efl chaud & fec , ce fruit efl fort
bon ; il mûrit au commencement d'odo-
bre : il refle long-temps fur l'arbre , où il
fait un très-bel effet. On a un autre pav4é
rouge qui diiîére fi peu du précédent, qu'à
peine peut-on le regarder comme une va-
riété : il mûrit un peu plutôt , & n'efl pas
fi gros.
Teindou. Tein doux. L'arbre efl vigou-
reax , les bourgeons font gros & preique
verts ; les feuilles font grandes , & ne font
point , ou que fort peu dentelées ; les fleurs
font de moyenne grandeur ; les fruits font
gros & affez ronds ; ils font partagés en
deuxhéraifplieres, un peu inégaux-, par ime
gouttière qui s'étend preique égaleinent fur
les deux côtés ; à peine efl-elle fenfibie fur
la partie la plus renMée ; mais elle ell aflez
profonde vers la queue , qui efl 11 courte ,
que la branche fait impreilion fur le fruit ,
& vers la tête , où elle fe termine p r deux
petits enfoncemens , entre lefqueis il y a
ordinairement , au lieu d'un mamelon , une
élévation large d'environ une ligne , qui
communique & s'étend aux deux hémif-
phercs ; la p«au prend un rouge tendre du
côté du foleil ; la chair e(l blanche ; l'eau
efl fucrée & d'un goût très-délicat. Cette
pêche mûrit vers la fin de feptembre.
Nipetie. V^eloute'e. Cet arbre efl afièz
vigoureux , donne beaucoup de fruits ; fes
bourgeons fon gros , peu rouges , même
du côté du loleil ; (qs feuilles font grandes
& liffes ; fes fleurs font petites , de couleur
rouge foncée ; fon fruit efl gros , arrondi ,
un peu longuet ; la gouttière efl large & peu
; profonde ; la tête efl quelquefois terminée
\ par un petit mamelon pointu , placé au
milieu 4'une petite cavité peu profonde ;
la peau efl adhérente à la chair , h moins
que le fruit ne foit très-njûr ; elle efl
48 P E C
verdâfre & jaunit lors de la maturité ; le
côté du foleil efl comme lavé d'un rouge
foible , chargé de taches d'un rouge plus
foncé ; elle eil toute couverte d'un duvet
fin & blanc , qui la fait paroître fatinée ;
la peau eft fi adhérente à la queue , qu'en
cueillant le fruit il en relie fouvent un peu
attaché après: la chair eft ferme, fuccu-
lente , d'un blanc tirant fur le verd ; l'eau
ei\ fucrée & relevée , quelquefois un peu
acre : cette pêche mûrit à la fin de feptem-
bre. Pour être bonne, il faut qu'elle (oit
bien rnûre , & qu'elle ait paiTé quelques
jours dans la fruiterie.
Perjîque. L'arbre eft beau , vigoureux , '
& donne beaucoup de fruits , même en plein
vent ; les feuilles font larges , très-longues ,
lin peu foncées fur l'arête , & relevées en
bolTes ; les fleurs font petites & d'un rouge
pale ; le fruit ell allongé & reiferable à la
chevreufe ; mais il efl plus gros , il eft com-
me anguleux & parfemé de petites boffes ;
à la queue il y en a une plus remarqua-
ble , qui relïêmble à une excrefcence ; la
peau efl: d'un beau rouge du côté du foleil ;
la chair ell ferme , blanche , fucculente ;
l'eau efl d'un goût relevé , fin, très-agréa-
ble ; le noyau reproduit l'efpece fans dégé-
nérer : cette pêche mûrit en octobre &
novembre : quoique la plus tardive des
bonnes pêches , elle eft excellente ; la plu-
part des jardiniers la confondent avec la
nivette.
Pêche de Pau. Cette pêche elî groffe ,
arrondie & terminée par un gros mame-
lon fort faillant ; la chair eft fondante ,
lorfque le fruit peut mûrir parfaitement ;
l'eau eft relevée & affez agréable : cette
pêche eft fi tardive , qu'elle ne peut réuillr
que dans les automnes chauds & fecs , &
aux meilleures expolitions que plufieurs
pêches excellentes méritent mieux.
Sanguinole. Betterave. Drufelle. L'ar-
bre eft affez fertile ; les bourgeons font me-
nus & d'un rouge foncé du côté du ioleil ;
les feuilles rougilfent en automne ; les fleurs
font grandes & de couleur de rofe ; le fruit
eft aflèz rond & petit ; toute la chair eft
rouge & un peu feche ; l'eau eft acre &
amere , à moins que l'automne nefoit chaud:
cette pêche eft excellente en compote , &
elle mûrit après la mi-odobre..
P E C
La cardinale eft à-peu-près la même
efpece de pêche ; mais elle eft beaucoup
plus grolle , meilleure & moins chargée de
duvet.
Ces efpeces ne font pas toutes fur le
catalogue des RR. PP. Chartreux de
Paris ; en revanche , il s'y en trouve d'au-
tres qui ne font pas dans le Traité des arbres
fruitiers. Dans le nombre de celles-ci, il y
en a peut-être qui ne différent que par les
noms ; c'eft ce que nous ne pouvons affu-
rer : les voici.
La cardinale de Furjlemherg. Elle eft
rouge en dedans , & l'arbre porte de petites
fleurs. N'eft-ce pas une des pêches rouges
de M. Duhamel du Monceau ?
La l'ineufe de Fromentin eft très-grofîe ,
d'un rouge-brun , plus longue que ronde :
elle fleurit à grandes fleurs ; fes feuilles ne
font pas fujettes au mauvais vent.
La tranfpareme ronde. Elle eft rouge
d'un côté , Ôc a la chair ferme & très-déli-
cate ; elle fleurit à grandes fleurs.
\J incomparable en beauté eft très-grofîe
&: ferme ; fon eau eft vineufe : elle fleurit à
grandes fleurs ; elle s'élève de noyau.
La belle Beauce , excellente pêche ( dit
le Catalogue raifonné des Chartreux) ; elle
eft d'un beau rouge éclatant , &; fleurir à
grandes fleurs.
La belle Tille mont eft une excellente
pêche ( dit le même Catalogue ) ; elle fleurit
à petites fleurs.
La Monfrin eft une pêche lifîe , jaune
en dedans ; fa chair eft ferme , a peu d'eau
& eft très-fucrée ; elle fleurit à petites
fleurs. ■"
On trouve encore fur le même Catalo-
gue le pai'ie de Nevington & la madelaine
tardive à petites fleurs.
Premier principe de la taille du pêcher.
f> Le pêcher , dit M. Duhamel du Mon-
*y *ceau , fe livrant à une ardeur exceffive
y> de croître & de s'acquitter envers le
» cultivateur , épuife fes forces naiifantes
» par une fécondité prématurée , & fe pré-
jy pare à une ruine prochaine , en fe furchar-
» géant d'un grand nombre de branches ,
yy auxquelles il ne peut fournir une nour-
» riture fuffifante ; auffi eft-il fouvent obli-
» gé d'en abandonner une partie , qui périt
« par la difette , &. lui-même , outrant
toujours
P E C
»j toujours fes efforts , fuccombe en peu
»> d'années : il faut donc employer quel-
»j que moyen propre à le contenir fans
*> le décourager ; tempérer fon ardeur fans
»> le détruire j établir une jufte proportion
j> entre fon travail & fa vigueur , &c Pen-
»» tretenir dans cette adivité modérée qui
« nourrit fes forces & lui prolonge la vie :
»> ce moyen eft k taille.
Il fuit de cette conftitution finguliere du
pêcher , que fa taille doit différer de Celle
de tous les autres arbres fruitiers ; il n'efl
pas moins certain qu^elle doit être beau-
coup plus difficile : aufïi un pécher bien
taillé , qui tapifle une grande étendue de
mur , qui n'eft nulle part dégarni , dont les
branches font fymmétriques & égales ,
dont les bourgeons font efpacés avec régu-
larité, dont les fruits prodigieu x &: peints des
plus vives couleurs , femblent avoir été atta-
chés avec la main fans économie ni profu-
fion ; aufïi , dis-je , un tel arbre eft le chef-
d'œuvre du jardinage, ainii que le plus riant
des fpcdacles qu'offre la nature cultivée.
Mais quand on penfe que cette taille ,
qui demande en général tant de foins &
d'intelligence , doit encore varier fuivant
l'cfpece du pêcher , fon âge , fa fanté , fon
cxpofîtion , &c. on commence feulement
à fentir combien elle doit être difficile.
Nous avons déjà dit que nous avions
plufîeurs méthodes , & que pas une encore
ne pourroit peut-être s'étendre à tous les
cas j à tous les fols , à tous les climats
(j'entends parler de ceux où le pêcher peut
réuflîr ) : nous avons indiqué les ouvrages
François auxquels le ledteur peut avoir
recours^ nous allons traduire en fa faveur
ce qu'en dit le fameux jardinier de Chelfea.
" La première intention ( nous abré-
" geons) eft d'étendre horizontalement les
" premières branches qu'a pouffées un
" pêcher nouvellement planté -, car l'im-
» portant eft de procurer d'abord à vos
7' arbres de bons membres , où la fève fe
" diftribue également , ôc au moyen def-
« quels le bas de l'arbre puiffe demeurer
" toujours bien garni. On pourra toujours
» tirer de ces branches dequoi garnir le
" miheuj qui, moyennant cela , fe trouvera
>' rempli de branches à fruit ; au lieu que ,
*» dans la méthode ordinaire, il n'eft<3ccupé
Tome XXt^.
P E C 4,
" que par de groffes branches inrertiles. Ia
» féconde attention ( importante fur-tout
» pour les premières années) c'eft de vifi-
» ter fouvent vos/>/c/^e/-5, depuis le mois
" de Mai jufqu'à ce que la fève fe ralen-
» ti fie , afin d'abattre avec la main tous
» les tendres bourgeons qui fbrtent en-
>» devant , ou dans tel autre endroit de
y* l'arbre où ils ne peuvent demeurer ; 6c de
» pincer les branches vigoureufes , pour
" procurer le développement des branches
y fécondes ôc moyennes , propres à gar-
» nir cet endroit de l'efpalier : mais il faut
» bien fe garder de pincer les branches
» moyennes là où il s'y en trouve fuffi-
>■» famment ; il n'en naîtroit que des bran-
» ches foibles , qui ne donneroient que des
» fruits mal conditionnés ; & il en réful-
» teroit la confufîon dans les rameaux , qui
» eft la plus grande faute qu'on puifîè faire
Ȕ dans la taille d'un arbre.
Il faut obferver ( nous traduifons exac-
tement ) 1 °. que chaque partie de l'arbre
foit également fournie de bois à fruit ; 2°.
que les branches ne foient pas trop pro-
ches les unes des autres : il faut le rap-
pellerque tous ces arbres portent leurs fruits
fur le jeune bois , ou de la précédente
année , ou tout au plus* de celle d'aupara-
vant ; paffé cet âge , elles ne produifent
plus i c'eft pourquoi il faut raccourcir les
branches de manière à leur faire poufïcr
annuellement de nouveaux bourgeons dans
chaque partie de l'arbre j ce à quoi Von
ne peut parvenir par la méthode ordinaire ,
où -l'on néglige les arbres dans le temps
précifément qu'on peut le mieux les con-
duire ; favoir , en Avril, Mai Se Juin: c'eft
alors qu'il faut, en pinçant , réprimer l'effor
de certaines branches ; & par la même
opération faite fur les branches voifînes des
vuidesiprocurerle développement des bour-
geons capables de les remplir. Nés dans
cette faifon , ces bourgeons ont le temps
de mûrir de de fe fortifier j au lieu que
tous ceux qui ont pouffé après la mi- Juin ,
demeurant herbacés & moelleux , s'ils peu-
vent encore produire quelques fleurs , ibnt
trop foibles pour nourrir des fruits ; c'eft
pourquoi ceux qui ne vifîtent leurs efpa -
liers qu'en deux faifons , & ne les déchar-
gent qu'avant l'hiver & au milieu de l'été ,
G
état
50 ^ ï> E C
"iîê J»éuvent point les mettre en bon
lorfque toutes les branches produites au prin-
temps , relient fur Parbre jufqu'au milieu
ou la fin de Juin ( ce qui fe pratique ordi-
nairement ) : quelques-unes , entre les plus
vigoureufes , dérobent la plus grande partie
de la nourriture aux moins fortes, lefquel-
les , lorfqu^on a retranché les premières ,
demeurent trop affoiblies pour porter du
fruit; ainfi , l'arbre lui-même s'épuife à
alimenter des branches inutiles qu'il faut
retrancher annuellement : c'eft ainfî qu'un
trop grand nombre d'efpaliers de pêchers
font conduits ; voilà pourquoi Ton fe plaint
tant du vain luxe de leur végétation : en
effet , par cette méthode , deux ou trois
branches , en attirant la fève , deviennent ,
au détriment des autres , d'une vigueur aufîî
grande que ftérile ; au lieu que iî la fève
avoir été également diftribuée à un nom-
bre fymmétrique de branches , on n'auroit
pu remarquer nulle part , dans l'étendue de
l'arbre , une végétation irréguUere & trop
vive ; le remède cft pire que le mal. Lorf-
qu'on retranche fouvent ces branches gour-
mandes j on détruit entièrement les /;/cAe/-j
ou du moins on les rend fi foibles, qu'ils
ne font plus défomyiscapablcs de produire.
Il eft donc de la plus grande importance
Ï)Our les efpalicrs , particulièrement pour
ts pêchers , de les viîiter deux ou trois fois
en avril & en mai , pour ôter tous les
jeunes bourgeons mal placés, 6c attacher
tous ceux que l'on conferve dans un ordre
convenable , c'eft-à-dire , de manière qu€
chacun puifle jouir de Pair & des rayons du
foleil , qui leur font également nécellaires
pour les mûrir èc les difpofer à porter Pan-
née fuivante. Lorfqu'on donne exa^Vement
ces foins aux pêchers , on n'eft pas dans le
cas de tant ufer de la ferpctte ; on ne s'en
fcrt jamais qu'à leur grand dommage ; car
leurs branches boiteufcs font ordinairement
tendres & moëlleufes à un certain point ,
& lorfqu'clles font bleflees , elles ne le
guériflènt pas fi aifément que celles de la
plupart des autres arbres. A l'égard de la
diftarice qu'on doit mettre entre les bran-
ches en palifïànt , il faut qu'elle ibit pro-
portionnée à la grolîèur du fruit & à la
grandeur des feuilles : on remarque que les
arbres à grandes feuilles ont naturellement 1
PE C
leurs branches plus efpacées q«€ ceux qui
en portent de moindres ; & il faut qu'un
jardinier étudie la nature , puifqu'il doit
feulement l'aider dans fes opérations , en
attachant les branches contre les treillis :
placez-les , autant qu'il fera poffible , à des
diftances égales , 6c ayez foin de n'en lier
aucune verticalement.
Parlons maintenant de la taille propre-
ment dite : elle fe fait ordinairement en
février & en mars ( nous abrégerons quel-
quefois ) ; mais , fuivant notre opinion , on
doit la faire en odobre , lorfque' les feuilles
commencent à tomber ; les bleflures feront
guéries avant le froid , & il n'y aura pas
à craindre que l'arbre en puilfe foufFrir :
les Branches étant alors mifes en propor-
tion avec la force des racines , toute la
fève montante fera entiérernent employée ,
au printemps , à nourrir les utiles parties
des bourgeons qu'on a laifles ; au lieu
que s'ils font demeurés entiers jufqu'en
Février , la fève étant dès-lors en mouve-
ment dans ces bourgeons , comme l'attef—
tent les boutons qu'on voit s'enfler , la plus
grande partie de cette fève fera déjà portée à
l'extrémité de ces bourgeons entiers , pour
nourrir telles fleurs qui doivent étreenfuite
retranchées ; c'eft ce que vous pouvez alors
obfervcr aifément , à l'infpedtion des plus
forts bourgeons : vous trouverez que les
boutons du bout s'enflent plutôt que là plu-
part des boutons inférieurs : èc cela doit
être ainfi , puifque n'y ayant alors que des
feuilles pour retenir la fève dans les bou-
tons d'en-bas , ceux d'en-haut l'attirent
néceflàirement.
Mais quand il n'y auroit dans la taille
d'automne qu'un avantage égal à celui de
la taille du printemps , toujours feroit-elle
préférable , en ce que le jardinier eft: alors
bien moins occupé , &c peut y donner plus
de foins , & que ctl ouvrage ayant été
fait avant l'hiver, & les plares-bandes de-
meurant libres dès-lors , on peut les façon-
ner & les enfemencer plutôt.
Lorfque vous taillez vos arbres , il faut
avoir attention de couper au-de(fus d'un
bouton à bois , aifé à diftinguer des bou-
tons à fleurs qui (ont plus courts , plus
ronds , plus enflés ;car lorfque k partie des
bourgeons que vous lailïcz n'a pas à foo
P E C
bout un bouton à bois pour attirer 11 fève,
elle meurtlcplus fouvent jufqu'au premier
des boutons à bois inférieurs j de forre que
le fruit qui eft né entre le bout ôc ce bou-
ton inférieur , eft perdu : un bouton à feuil-
les ne rempliroit qu'imparfaitement cette
fondtion. La longueurque vous devez laif-
fer aux bourgeons , doit être proportion -
née à la force de l'arbre : fur un arbre vi-
goureux de fain , vous pouvez donner dix
pouces de taille ôc même plus ; fur un
arbre foible , il n'en faut que iix : cette rè-
gle eft cependant fubordonnée à celle qui
précède , c'eft-à-dire, qu'il faut faire la taille
plus longue ou plus courte que nous ne
l'avons confeillé dans deux cas oppofés ,
lorfqu'on ne peut autrement terminer cette
taille par un bouton à bois , fi nécellàire
pour la profpérité future de la branche. Il
faut aufîi retrancher entièrement toutes les
poulies foibles , quand même elles feroient
chargées de plufieurs boutons à fleurs ; car
elles ne pourroient nourrir un fruit bien
conditionné , & elles afFoibliilent les autres
parties de l'arbre.
Rien n'a plus exercé l'induftrie des cu-
rieux , que la découverte des moyens pro-
pres à garantir les fruits d'efpeces délicates ,
des accidens qui les tuent dans leur fleur ,
ou quelque temps après leur naiflance : on
a imaginé des paillaflons tendus en-devant
des arbres , &c des auvents placés au-delTus
pour arrêter les frimats ; mais ces abris ne
le font pas toujours trouvés fuffifans ; d'où
il faut conclure qu'il y a d'autres caufes de
la fbudaine mort des embryons & des
jeunes fruits , que celles qui viennent du
dehors.
1°. Un arbre trop furchargé de bran-
ches foibles mal mûries & confufes j paroît
au printemps tout couvert de fleurs, & fait
concevoir aux moins expérimentés les plus
grandes efpérances ; cependant la fève s'é-
puife à nourrir toutes ces fleurs , ôc l'on
voit desbourgeons fedeflecher tout-à-coup:
on croit qu'ils ont été frappés de la gelée
ou d^un mauvais vent , tandis que cet ac-
cident a été néceflairement caufé par une
mauvaife taille ; on y pare ep fe confor-
mant exa(5tement à la nôtre.
1°. Lorfqu'un arbre a été trop enterré ,
/ùr-tout dans les terrains froids 5c humides.
p E c yi
la fève contenue dans les branches Ce met
en mouvement dès les premiers beaux jours ;
mais elle s^épuife à nourrir les fleurs , ôc fc
dilUpe par la tranfpirarion des écorces ,
tandis que le Ibleil n'ayant pas encore pé-
nétré jufqu'aux racines, elles n'ont pu met-
tre leur activité en balance avec celle des
branches ; & pour tout dire , n'ont pas en-
core puifé dans la terre une nouvelle nour-
riture capable d'alimenter l'arbre ôc de
réparer fes pertes i faute de quoi , Pon voit
dans cet intervalle mourir lubitement les
bourgeons & les jeunes fruits : Ci les arbres
font jeunes , il faut les arfacher pour les
replanter plus haut ; s'ils font trop âgés ,
on eft contraint de les facrifier ôc de re-
commencer la plantation , avec l'attention
de rapporter des terres nouvelles ôc con-
venables 5 ôc d'élever ces terres au-deflus
du niveau des allées. »
3°. On fait quelquefois des tranchées dans
le gravois ou le tuf dans lefquels on rap-
porte de la terre , pour y planter les pê-
chers : lorfque leurs racines ont atteint aux
bords de ces excavations , il faut que l'ar-
bre languiflé : il n'y a pas d'autre remède
que d'élargir ces tranchées, pour y ajouter
de nouvelle terre ; mais, quoi qu'on fafle,
des arbres ainfi plantés ne font point de
longue durée.
Lorfque l'infertilité des pêchers n^eft occa-
fionée par aucune de ces caufes , ôc qu'on
ne peut s'en prendre qu'à l'inclémence du
printemps , il eft bon de les abriter avec
des paillaffons ( de toile ou de la paille de
pois ) i mais il faut avoir grande attention
de ne pas ferrqj ces couvertures trop près
de l'arbre , d'y laifîèr jouer l'air , & de ne
pas en continuer l'ufage plus long-temps
qu'il n'eft abfolument néceflaire : fur-tout
de ne les ôter tout- à-fait qu'après les avoir
auparavant levées ou écartées chaque jour
plus long-temps , afin que procédant ainfi
par degrés , les arbres ne foicnt pas furpris
par l'imprefTîon de l'air libre , auquel il fo-
roit très-dangereux de les expofer rout-à-
coup : que fi l'on ne veut pas s'aftreindre
à ces foins , il vaut infiniment mieux s'en
remettre à la faifon j elle n'eft jamais fîri-
goureufe , qu'elle ne laifîè une fuffifante
quantité de pêches fur des arbres bien con-
duits de bien expofés.
G z
5^ P E C
Une précaution qui n'a point ces in:on-
véniens , Se dont on s'cft toujours bien
trouvé , c'eft d'attacher au-deflus de vos
/^'arbres 3 deux planches de fa pin amincies par
- -un des bords , & j ointes enfemble , en forme
d'auvent, pour le parer de l'humidité & du
froid qui vient d'en- haut. Lorfque le fruit
eft bien noué , il faut les otcr , afin de laif-
fer les feuilles & les branches jouir des
pluies ôc des rofées.
Lorfque la muraille étant fort longue peut
être enhlée par les vents , il eft: très-bon de
les rompre , en élevant tranfverfalement de
quarante pies en quarante pies , des haies
de rofeaux avancées de dix pies.
Une fois que les fruits nouvellement
noués ont pris la groffeur d'une petite noix ,
il faut les éclaircir , ne les laifTant qu'à cinq
ou fix pouces au moins les uns des autres,
& n'en confervant qu'un feul d'entre ceux
qui font grouppésen bouquet. Le plus gros
pécher ne doit ngurrir que foixante pêches ;
trente-fix ou quarante-huit , font tout ce
qu'un arbre moyen en peut porter fans fe
fatiguer : cet utile facrifice rend le fruit plus
beau & meilleur j & ce qui n'eft: pas un
petit avantage , les arbres , par ce foulage-
ment annuel , demeurent plus vigoureux &
, vivent plus long-temps.
Qiiand le printemps efl: chaud & fèc , il
eft très-cftèntiel de creufer la terre en baf-
fin d'environ fix pies de diamètre au pié
de chaque pécher , &: de couvrir de litière
la terre du fond de ce bafïîn une fois la
fèmaine , ou une fois chaque quinzaine ,
fuivant le befoin : vous verfcrez dans ce
creux huit ou dix gallons jÉ'eft-à-dire vingt
ou vingt-quatre pots d'eau ; vous jetez la
même quantité , ou même une plus grande
quantité d'eau , au moyen d'un pomme
d'ariofoir trouée à petits trous , en forme
de pluie fur toute l'étendue de l'arbre ;
cette fraîcheur nourrifïànte empêchera le
jeune fruit de tomber i ce fecours continué
jufqu'à ce qu'il ait fini de croître , le ren-
dra plus gros , plus beau& beaucoup meil-
leur : ce (oin eft de tous celui que doivent
le moins négliger ceux qui veulent manger
d'exceîlens fruits , & je ne (àurois trop en
recommander l'ufage; mais il faut le dif-
continuer dès que le fruit ne groffit plus :
alors il n'a plus befoin qvie de chaleur.
P E C
Miller allure qu'un pécher greffé fur des
fujets convenables , peut vivre plus de cin-
quante ans , & félon lui , les pêches de ces
vieux arbres ont une qualité fupérieure :
une des raifons qu'il donne de la courte du-
rée de la plupart àcs pêchers eft , qu'ils font
greffés fur l'amandier , dont la vie, dansfbn
opinion , eft très-bornée ; en cela fon avis
diffère étrangement de celui de M. Duha-
mel du Monceau : cet Académicien prétend
que les meilleurs pruniers font de mauvais
fujets pour le pécher ; que l'amandier leur
eft bien préférable , & que l'abricotier con-
vient finguliérement à quelques /^^"cAerj dé-
hcats j il ajoute que le pécher de noyau ,
fi l'on en pouvoit trouver une efpece qui
ne fût pas fujette à la gomme , feroit peut-
être le meilleur fujet qu'on pût employer.
Il pafle pour certain , en France , que les
pêchers fur prunier doivent être préférés
dans les terres fortes un peu humides &C
fuperficielles, & que ceux fur amandier font
meilleurs dans les terres légères & profondes.
M. Duhamel du Monceau aflure que ces
derniers réufïi lient dans toutes fortes de
terres , pourvu qu'elles aient du fond. Les
deux efpcces de pruniers auxquelles on
confie en France la greffe des pêchers cul-
tivés y font , fuivant leurs efpeces , la ceri-
fette ôc le faint-julîen joré j. mais faute
d'une exade defcription decesfauvageons,
on ne les peut diftinguer dans les provin-
ces ; ou , s'ils font connus , c'eft fous d'au-
tres noms : il en eft de même de ceux que
Miller appelle mufcle white pearplum.
Malgré tout le refpeét que nous avons
pour Miller , nous ne pouvons que le blâ-
m.crde la fortie qu'il fait fur nos jardiniers ,
&: par extenfion fur les François en général.
Il prétend que les jardiniers Anglois ont
fur nous l'avantage d'un fîecle d*expérience
de plus dans leur art ; que leur dodrine
même fur la culture du pécher , doit être
préférée à la nôtre } cette prétention peut
être jufte à l'égard de certaines parties du
jardinage *, mais c'eft une fuprêmeinjuftice
de vouloir nous difputer Taiicicnneté à
l'égard de la culture du pécher , dont toutes
les excellentes efpeces créées en France ,
ont même confervé en Angleterre leur»
nomsfrançois,quiatteftentleurorigine.Oii
fait à quelle perfedion les habitans.deMoii-
P E C
treuil ont poufle la taille du pécher , qu^iis
Cultivent depuis il long-temps ; peiîonne
n'ignore qu'ils cueillent fur leurs arbres les
plus belles &c les meilleures pêches du mon-
de. Nous rapporterons cependant les doutes
de M. Duhamel du Monceau fur la mé-
thode qui leur eft propre > & qu'on ne
pourroit peut-être pas employer par-tout
avec un égal fuccès.
»* Les habitans de Montreuil , dit M.
» Duhamel du Monceau , retranchent tou-
»* tes les branches foibles , & même ils
»' n'en confervent de moyennes qu'au dé-
»' faut de fortes j c'eft fur celles-ci qu'ils
»» taillent par préférence : ils déchargent
" beaucoup leurs arbres , & allongent leur
» taille fur les fortes branches , jufqu'à
w trois pies ou 'trois pies & demi , & fou-
»' vent ils taillent pour fruit une partie de
»> petites branches fortie de ces fortes
» branches : comme ilsfe propofent , avec
" raiion , d'avoir de beaux fruits, cette mé-
» thode de ne tailler que lur les branches
» vigoureufes & capables de les bien nour-
» rir , eft propre à bien remplir leur objet;
» mais leurs arbres , malgré leur attention
M à les ouvrir , fe dégarniflènt bientôt par
» le bas. De jeunes p/c/^er^ plantés entre
»* les vieux , couvrent en peu de temps
M le vuide que ceux-ci laiflènt furl'efpa-
» lier , Se réparent leur défaut ; mais on
»» fait combien il eft rare de trouver un
" terrain fcmblable à celui de Montreuil,&
5* des cultivateurs auffi intelligens & auffi
>» expérimentés : au reftcjleur pratique n'eft
w pas abfolumcnt uniforme; elle varie fui-
» vant les vues des particuliers , dont les
•• uns nes'occupentque du produit de leurs
» arbres , & d'autres étendent leur atten-
» tion fur leur forme & leur durée.
Il eft aifé de fentir que la qualité du fol
décidant de la végétation des aibres , doit
régler leur taille. Une tetre douce , meu-
ble, fubftancieufe , profonde / qui ne pè-
che ni par excès ni par défaut d'hurïiidité,
eft celle qui convient le mieux au p/cAer;
mais lorfqu'on n'eft pas allez heureux pour
avoir de iémblables terroirs à fa difpofition,
ne doit-on pas tejitcr de fe les procurer
artificiellement ? c'eft fur quoi nos Jardi-
niers Auteurs gardeiît prefque tous le lîlen-
ce i & en quoi nous penfons c^'on doive
p E c jj
imiter les Anglois. Voici ce que dit Miller
fur la préparation- des plates- bandes pour -
les pêchers.
Plus les places-bandes feront larges ,
mieux les arbres viendront ; mais elles ne
doivent jamais avoir moins de huit pies :
on les fait & on les élevé avec de la terre
rapportée. Dans les fols ordinaires qui font
plus fecs qu'humides , on creufe de deux
pies & demi : fi la terre eft trop humide ,
il faut mettre du gravois au fond des tran-
chées, & y pratiquer des pier rées pour l'écou-
lement des eaux : dans ces deux cas , vous
élèverez les plates-bandes d'un pié au-deflus
du niveau ; mais fi la terre eft fechc , fix:
ou huit pouces d'élévation fuffiront : fi
votre fol a des pierres , du gravois , de
l'argile, du tuf, près de lafuperficie , vous
ne creu ferez pas du tout , & vous y for-
merez vos plates-bandes , en y ajoutant
de la terre rapportée, que vous élèverez de
deux pies au-deflus du niveau de l'allée.
Dans tous les cas cette terre doit être
prife dans un pâtis , & n'être ni trop hu-
mide, ni trop compade , ni trop feche j
mais douce , onétueufe & de couleur noi-
iette , ka'^t loam. L'automne avant celle où
l'on doit planter , on enlevé cette terre par,
gazon de dix pouces d'épaifleur , que l'on
difpofe par tas ; on remue fouvent ces tas
pour briièr les gazons , que les gelées de
l'hiver & les chaleurs de l'été achèvent
d'ameublir. Au mois defeptembre, environ
deux mois avant de faire la plantation des
pêchers , on conduit & on emploie cette
terre dans les jardins. Les auteurs Anglois.
confeillent de fumer les plates-bandes des
pêchers tous les deux ans , ayant attentiort
de fe fervir de fumier de vache dans les
fols fablonneux , de fumier de cheval dai:s
les plus frais ; de répandre & d'enterrer
cet engrais en novembre : ils défendent de
mettre de gros légumes dans les plates»
Kandes, mais ils confeillent d'y en cultiver
ddT petits , fur-tout de ces herbages qui n'oc-
cupent la terre qu'au printemps. Le peu de
nourriture ( difent-ik } que ces plantes dé-^
robent aux pêchers , eft bien réparé par les
fréquentes cultures que ces petits légumes,
exigent , & dont les pêchers profitent. Ik
veulent aufTi qu'on laboure au pié des air-
bres chaque automaie ^ Se qu'on lemue U
«
'54 PEC
terre des plates-bandes avec la fourche, trois
fois pendant l'été : nous ne pouvons qu'ap-
prouver toute cette culture , & nous ne
ibmmes nullement de l'avis que les pêchers
réufli fient très-bien dans les allées , lans
plates-bandes à leurs pies , nous ne pou-
vons contefter l'expérience j mais nous iom-
mes très-alTurés qu'elle ne peut avoir un
bon fuccès que dans des terrains de la pre-
mière qualité.
On peut s'y prendre de quatre manières
pour mettre des pêchers en efpalier : i°.
planter un noyau de prune ou une amande
aux diftances convenables auprès du mur ,
dans le deflèin de greffer les fujets qui en
F reviendront ; i°. planter un fujet dont
écuflon n'a pas encore poulTé ; 5°. plan-
ter une greffe qui a fait fa première poufïè ;
4°. planter une greffe de deux ou trois ans,
qu'on a taillée & paliffée d'avance dans la
pépinière , pour ébaucher fa forme : la pre-
mière de ces manières eft confeillée par
M. Décombes j elle eft condamnée par des
principes qu'on a vus dans le cours de cet
article. Les arbres femés en place enfon-
cent leurs racines plus que les autres , fur-
tout l'amandier, qui les plonge naturel-
lement très-avant. Or , il eft eflentiel que
les racines des arbres qui portent le pécher ,
s'étendent fous une mince fuperficie de terre,
pour qu'elles reçoivent les bienfaits des ro-
fées & des rayons folaires ; autrement , les
arbres croiftènt mal , ôc les fruits ne font
ni bcaulfni bons. Je fais même qu'en cer-
tains endroits on fait un cintre en ma-
çonnerie , fous l'endroit où les racines des
pêchers doivent être placées.
La féconde manière ufitée en Angleterre
nous paroît excellente ; elle donne l'avan-
tage de pouvoir , dès la première année ,
en pinçant le tendre bourgeon , lui faire
produire , aux diftances que l'on veut , des
branches latérales d'égale force , qui doi-
vent fervir de premiers membres au pêcher y
êc qui font , pour ainfi dire , les pièces prin-
cipales de l'édifice de la taille.
La troifieme manière eft celle que l'on
met en ufagc le plus généralement.
La quatrième ne convient que pour faire
des rcmplacemens ; encore n'ofèrions-nous
Blême , dans ce cas,confeillerde s'en (èrvir.
Nous ne parlerons point de la diftance
pec
qu'on doit mettre entre les pêchers , o«
eft peu d'accord fur ce point ; elle dépend
delà hauteur des murs , de la qualité du
fol , & de l'efpece de taille qu'on fe pro-
pofe de mettre en ufage : nous pouvons
cependant affurer qu'en aucun cas elle ne
doit être de moins de dix pies.
Nous finirons par exhorter le cultiva-
teur à élever en demi-plein vent , lorfqu'ii
en aura la commodité , toutes les efpeces
de pêchers qui peuvent y réuflir , ôc que
nous avons indiquées; ces arbres ne de-
mandent pas une taille régulière , pourvu
qu'on les monte d'abord fur trois ou qua-
tre membres égaux , & difpofés un peu
horizontalement , & qu'on taille chaque
printemps leurs bourgeons fuivant leurs
forces ; car ces arbres , qui pourront vivre
une trentaine d'années , produiront abon-
damment des pêches moins groftes , mais
plus colorées ôc bien meilleures que celles
des efpaliers. On peut auiïi élever ces mê-
mes efpeces , & peut-être pluficurs autres ,
en baillons basévuidés. Ceux qui voudront
planter les noyaux des excellentes pêches
bien mûres , reproduiront quelquefois la
même efpece , ôc verront fouvent naître,
des variétés paffablement bonnes ; ils pour-
ront auffi gagner des elpeces nouvelles ÔC
eftimablcs j car c'eft ainfi que la nature , en
fe jouant , a produit , ibus des mains cu-
rieufes , tous les bons fruits que nous cul-
tivons. (M. le Baron de TscHoUDl.
Les pêches font fouvent endommagées
par quantité d'infeétes. Dès le printemps,
le bouton à fleur eft attaqué par une che-
nille verte , que l'on" trouve derrière les
branches , Ôc qu'il faut détruire. Loriquç
les murs font mal crépis , les loirs , les mu-
lots , les rats , les fouris & les mularai-
gnes s'y réfugient , & entament tous les
fruits à mefure qu'ils commencent à mû-
rir. On peut détruire ces animaux nuifi-
bles à forde de tendre , aux approches ,
des fouricieres ôc des quatres de chiffre. La
défeOiUoCizé des murs occafione auffi le
dégât des fourmis , qui ne s'attachent ôc
ne font de mal qu'autant que l'arbre eft
infcdé de pucerons, dont l'excrément miel-
leux les attire. Il faut commencer par dé-
truire les pucerons , en coupant le bout des
branches, ôc en ôtant toutes les feuilles
VEC
^ui en font couvertes. A Tégard des four-
mis , on en détruit une grande quantité
en mettant au pié de Tarbre un pié de
bruf frais , dont on égraille la peau fans
rôter. Bientôt il eft couvert de fourmis ,
que l'on fait périr en trempant le pié de
bœuf dans l'eau. Les perce-oreilles endom-
magent fouvent les grofles ôc petites mi-
gnonnes i on peut prendre ces infectes avec
les onglets de mouton , où ils aiment à fe
réfugier. Enfin , pour fe débarrafler des
mouches- guêpes 5c autres infe(5tes de ce
genre , on n'a pas trouvé d'autre moyen ,
que de leur fuppléer d'autres fruits plus
communs , qui puiflent les attirer par leur
douceur & leur mollefïe.
Les végétaux comme les animaux , font
fujets à des maladies ; le pécher en a fur-
tout une qui lui eft particulière. Il eft fou-
vent endommagé par les vents roux , qui
occafionent une nielle , un brouis , que
l'on nomme la eloque. Les feuilles s'*épaif-
fîftènt & fe recoquillent , en devenant rou-
geâtres & galeufes. Cet état* défagréable
eft encore plus nuiiible à l'arbre & au fruit.
On détruit ce mal en coupant tous les
bouts des branches , & toutes les feuilles
qui en font infedées. La gomme eft une
autre maladie qu^il faut bien fe garder de
négliger j dès qu'on s'en apperçoit , nul
autre remède que de couper la branche
au-defliis de l'écoulement ; mais fi le mal
empire & s'étend jufqu'à un certain point ,
le plus court eft d'arracher l'arbre. Il en
eft de même , lorfqu'il vient à être atteint
d'une efpece de glu noirâtre qui couvre
tout le pécher: ce mal eft occafioné par
une fève corrompue qui s'extravafe, & qui
eft C\ contagieufe , qu'il faut faire enlever
promptcment l'arbre qui en eft infe6té. En-
fin , il arrive quelquefois que dans les mois
de juin & de juillet 9 il tombe fur lespéchers
Une nielle blanche ôC contagieufe , qui
endommage l'arbre & le fruit : le remède
eft de raccourcir les branches à mefure
qu'elles en font atteintes.
On pourra confulrer fur les bonnes efpeces
de pêches le Catalogue des RR. PP. Char-
treux de Paris, &PEflai fur l'agriculture de
M. l'Abbé Nolin ; ôc pour la culture du
pécher , le Traité de M. de Combe, &
un Mémeiie de M. l'Abbé Roger , qui a
PEC jy
été inféré dans le Journal économique du
mois de février 1755.
Pécher , ( Dicte & Matière médic. )
Le fruit &; les fleurs font les feules par-
ties de cet arbre dont nous ayons à faire
mention.
Le fruit que tout le monde connoît Ibus
le nom àc pèche , eft un des plus falutaires ,
comme des plus délicieux de tous ceux
que mangent les hommes. Il fe trouve •
cependant, parmi les anciens Médecins , des
Auteurs d'un grand nom , tels que Galien
& Paul d'Egine, qui en ont condamné
l'ui^ge ; mais leur autorité eft rendue à-
peu-près nulle, par les autorités contraires j
par celle de Diofcoride &c de Pline , par
exemple ; & l'obfervation conftante décide
en faveur du fentiment que nous avons
embrafle. Les pêches les plus fondante»
ou pêches proprement dites , & celles qui
portent le nom de brugnons , qui font les
unes & les autres de l'efpece dont la chair
n'adhère point au noyau, & qui font les plus
parfumées , (ont encore plus falutaires , fe
digèrent plus aifément , plaifent davantage
à l'eftomac , que celles qu'on appelle com-
munément pavies , dont le parenchyme
eft toujours plus ferré , & qui font ordi-
nairement moins parfumées & d'un goût
moii-fe relevé. La meilleure façon de man-
ger la pêche , c'eft de la manger crue , foit
avec du fucre , foit fans fucre ; viennent
enfuite la compote & la marmelade. La
pêche confite à l'cau-de-vie ou à l'efprit
de vin , ne vaut abfblunient rien ; elle eft
toujours échauffante & indigefte , parce
qu'elle devient coriace par cette prépara-
tion , qui exige d'ailleurs qu'on la prenne
avant fa maturité. Cette obfervation doit
porter à croire qu'il vaut mieux boire fur
la pêche de l'eau , que du vin , contre
l'opinion & la coutume.
On a long-temps & très-anciennemehc
penfé que la pêche étoit unpoifbnen Perfc,
que l^on croit être le fol natal du pécher,
Columelle rapporte cette opinion , & Pline
la réfute. Il eft rrès-vraifemblable qu'une
pêche fauvage eft un très-violent purga-
tif. L'analogie déduite delà vertu des feuil-
les & des fleurs du pécher , qui peuvent
être regardées comme à peine altérées par
la culture ôc par le climat , tandis que Iç
5
P E C
fruit eft abfolument dénaturé par ces deux
caufes j cette analogie , dis-je , fournit une
violente préfomption , fi Ton fe rappelle
fur-tout les obfervations qui ne manquent
pas fur une foule de faits femblables, fur
beaucoup de fubftances végétales naturel-
lement vénéneufes , adoucies par la culture
& par le changement de cliniat. ^
Les fleurs du pêcher fourniflent a la mé-
decine un de fes purgatifs les plus ufités,
fur-tout pour les enfans. C'eftleurmfufion,
& plus fouvent encore un firop fimple
préparé avec cetteinfufion , qu'on emploie
ordinairement. On les donne auflj , mais
fort rarement, en fubftance, mangées fraî-
ches fous la forme de falade, ou préparées
avec le fucre fous la forme de conferve.
Tous CCS remèdes rangés dans la clafle
des purgatifs doux , ne laiflent pas que
d'avoir une certaine adivité, de eau ter
des tranchées dans différens fujets, & de
produire même l'effet hydragogue. Les
fleurs s'ordonnent par pincées dans les
infufions purgatives ; ^ladoiedu firop
eft depuis demi-once jufqu'à trois & qua-
tre onces.
' Les fleurs du /^/c^crpalfent encore pour
un bon vermifuge , qu'on peut donner
utilement aux enfans , dans la double vue
de tuer & de chafler les vers.
Il faut remarquer que les fleurs de pé-
cher ne doivent pa^ être foumifes à la dé-
coftion; elles font du nombre des fubl-
tances dont la ve^tu purgative réfide , au
moins en partie , dans les principes vola-
tils. Voyei^ Décoction , Infusion &
PuRGATir.(3)
Pécher , Pécheur , ( Marine. ) pécher
rane ancre , c'eft rapporter une ancre du
fond de l'eau avec celle du vaifleau , lorl-
qu'on l'a relevé , ce qui arrive quelquefois
lorfqu'on mouille dans des rades fort fré-
quentées. P/c-Aer un bris de naufrage.
Pécher , ( Géogr. mod. ) ou Pakir ,
félon M. Deiifle , ville de l'Arabie heu-
reufe , fituée au bord de la mer , dans le
Royaume de Fartague félon les uns , de
félon d'autres au Royaume de Carefen.
' PECHERIE, f. f. LPe-'he Ù Comm)
lieu où l'on fait la pêche , il fe dit aulïi des
{)Jla^e.s de la mer orientale ou occidentale ,
PEC
& même de quelques rivières où l'on
pêche des huîtres perlieres.
Les pêcheries d'orient font celles de l'ilc
de Bahrcn , dans le golfe Perfique ; de
Carifa , vis-à-vis Bahren , fur la côte de
l'Arabie heureufe , de Manar , fur la côte
de Pile de Ceylan , & de quelques endroits
de celles du Japon. Les pêcheries des Indes
d'occident font toutes dans le golfe du
Mexique , le long de la côte de terre- ferme
de l'Amérique ; entr'autres à la Cubagua ,
à l'île de la Marguerite , à Comogore , à
Rio de la Hacha , 6c à Sainte-Marthe.
Enfin , les pêcheries d'Europe qui font les
moins confidérables , font le long des côtes
d'Eco (lè ; mais ces dernières, perles font
la plus grande partie baroques. (D. /. )
PECHETEAU , voje:(^ Baudroie.
PECHEUR , f. m. celui qui fait métier
de la pêche, f^cye^i l'article Peche.
Pécheur , ( Gramm. ù Théolog. )
celui qui commet le péché. Voye^;^ V article
PÉCHÉ.
Pécheur , voy. Martin-Pecheur.
PÉCHINIENS , f. rn. pi. ( Géogr. anc.)
Péchini , peuples d'Ethiopie fous l'Egypte.
Ptoloméc , /. IV , c. viij , les place entre
le fleuve Aftapode , & le mont Garbatus.
Les Péchiaiens y félon toute apparence ,
font les Pygmées d'Homère. Il y a lieu de
croire que c'eft; la reflèmblance du nom &
la petite taille de ce peuple , qui ont donné
occafion aux Grecs de les appeller des
Pygmées , du mot 'jrvyfi.n ; le poing , ou
plutôt de celui de '^rvylnv , qui fignific une
coudée , & qui a tant de conformité avec
le nom des Péchiniens, Les Poètes n'ont
pas toujours cherché des rapports fi mar-
qués , pour en faire le fondement de leurs
fables. Ils avoient appris , par le récit de
quelques voyageurs , que les Péchiaiens
étoient d'une petite taille ; que les grues
le retiroient en hiver dans leur pays ,
& que ces peuples s'aflembloient pour les
détruire. Quel fonds à un Poè'te Grec pour
une fable jolie que celle des Pygmées !
mais ce n'eft pas la feule conjedure qui
puilTc étabUr cette opinion ; beaucoup d'au-
tres très-fortes, qu'il feroit trop long de
rapporter , contribuent à faire voir que
toutce qu'on a publié des Pygmées con-
vient parfaitement aux Péchiniens.
PECHLARN
PEC
PECHLARN, {Géogr, mod>iv\\\z d* Al-
lemagne , dans la baffe Autriche , fur ia
rive droite du Danube , à l'endroit où ia
rivière d'Erlaph fe jette dans ce fleuve. .La
reffemblance du mot Erlaph avec celui
ôiAreldpe ou Arlape , fait croire que Pe-
chlarn eft l'Arélape des anciens, mot qui
vient , par corruption , à' Ara lapidea :
comme le Danube eft fort large dans cet
endroit , les Romains y tenoient une flotte.
Tcchlarn appartient à l'Evêque de Ratif-
bonne 3 elle eft à deux milles au deffous
d'Ips , & à un grand mille de Melek.
Long, ^î 3 , Z4 3 lat. 48 , 14.
PECHTEMAL , f. m. ( Terme de ftla^
tion : ) c'eft un tablier rayé de blanc & de
bleu , dont les Turcs fe couvrent dans le
Lain , & qu'ils mettent autour du corps ,
après avoir ôté leurs habits.
PECK., f. m. {Mefure de contenance. )
mcfure dont on fe fèrt en Angleterre pour
mefurer les grains , graines , légumes &
autres femblables corps folides.
Le peck tient deux gallons , à raifon
d'environ huit livres , poids de trois le
gallon. Quatre pecks font un boiffeau j
quatre boilfeaux un comb ou carnok ^
deux carnoks une quarte , & dix quartes
un left , qui tient cinq mille cent vingt
pintes j ce qui revient à environ autant
de livres poids de trois.
PECKELSEN , ( Géographie. ) petite
ville d'Allemagne, dans le cercle de Weft-
phalie , & dans TEvéché de Paderborn ,
ayant féance & voix dans les états du
pays , mais trop petite & trop pauvre pour
être d'ailleurs remarquable. Elle donne
pourtant auflî fon nom à l'un des baillia-
ges de l'évêché. {D, G)
PÉCOULS, f. m. pi. {Terme d'imagers.)
Les pécouls , autrement nommés petits baf-
Jins , font des bordures de bois unies , qrii
ièrvent à encadrer des eftampes d'une
grandeur déterminée.
PECQUET, RESERVOIR DE (Anat.)
Pecquet naquit à Dieppe , & s'eft illuftré
par la découverte du réfervoir du Chyle ,
qui porte fon nom.
PECTEN , f. m. en Botanique , c'eft le
grain du bois de toutes fortes .d'arbres.
Voyei Bois & Arbre.
Pecten , en Anatomie^ eft uftté par
■Tome XXV*
PEC 57
quelques auteurs , pour exprimer l'endroit
des os pubis , ou la partie inférieure de
Ihypogaflre , ordinairement recouvert de
poil.
PECTINAL , aa. {IcUiolog.) c'eft le
nom qu'on donne aux poiffons dont l'arête
imite les peignes , tel que la foie , la plie ,
ia limande , le flez , le flételet , le carre-
let, le picot, &c.Oi\ fait une chaffe parti-
culière des ^ioiïïons pcclinaux. (D. J.)
PECTINEUS , en Anatomie , eft un des
mufcies de la cuiffe j il eft ainfi nommé ,
parce qu'il vient de la partie antérieure
des os pubis. Voye^ PI. Anatom. Il fe
termine au deffous du petit trochanter.
PECTINITE , ( Uift. nat. ) c'eft ainft
qu'on nomme la coquille appellée peigne ,
en Latin peclen , lorfqu'elle eft foffile ou
pétrifiée. Voye^ Peigne.
PECTIS, ( Mu^ç. in/I. des anc.) inf-
trument à cordes des anciens , & particu-
lièrement des Lydiens. Lepeélis avoit deux
cordes, comme le prouve Aihenéc, liv. V ^
Deipnofoph. Probabl«ment c'étoit l'inftru-
mcnt appelle dicorde , & ce dernier nom
n'étoit qu'une épithete. ( F. D. C. )
PECTORAL, en Anatomie, eft le
nom de deux mufcies , dont l'un s'appelle
le grand peâoral , & l'autre le petit pecto-
ral. Le ^x-à:\à. pecîoral occupe prefque toute
la partie antérieure de la poitrine \ il eft
charnu & demi-circulaire , & il vient de
la clavicule , du fternum & des cartilages
de fix ou fept côtes fupérieures \ & re-
couvrant une grande partie de la poitrine >
il va s'infërer par. un tendon court, mais
fort & large, à ia ligne faillante qui répond
à la greffe tubérofité de l'humérus , entre
le biceps & le deltoïde. Voyeinos Planches
£ Anatomie.
Vers leur infertion , fes fibres fê oroifènt.
Celles qui viennent de la clavicule font dii
côté inférieur du tendon \ & celles qui vien-
nent des côtes inférieures , font du côté
fupérieur du tendon.
Les naturaliftes obfervent une manifefta-
tion particulière de la Providence , par
rapport à la grandeur & à la force du
muiclc />ff7om/ en difterens animaux. C'eft
par l'adtion de ce mufcle que fe fait prin-
cipalement le vol des oi féaux \ c'eft poïir-
quoi il eft beaucoup plus large Se plus fort
- ^ H
58 P E C
dans les oifèaux , que dans tous les autres
animaux qui ne font pas faits pour voler.
Voyei Oiseau.
Borelli obfërve que dans Thomme les
mufcles pecloraux égalent à peine la cin-
quantième ou la foixante-dixieme partie de
tous les autres mufcles ^ mais dans les
oifeaux ils font très -grands : par leur éten-
due & par leur pefanteur , ils égalent ou
inême ils fùrpaiTent tous les autres mufcles
de l'oifeau pris enfemble. Voyc^ VoLER.
Le petit pecloral vient de la féconde ,
troisième, quatrième , cinquième des vraies
côtes , & s'attache à l'apophyfe coracoïde
d« l'omoplate.
Pectoral fè dit , en matière médicale ,
des médicamens qui font falutaires dans les
maladies de la poitrine , & ces remèdes
font , ou atténuans & expeâ:orans dans
répailTilfement du faug des vaifleaux pul-
monaires & de l'humeur bronchiale , ou
épaifiHîans & incralfans dans l'acrimonie
de ces mêmes fluides, f^oyei Béchiques.
On nomme peclorale toute compofition
qui eft faite de remèdes pectoraux \ ainll
l'on dit , apozeme pecloral , julep peclo-
ral^ looch pecloral, potion peâorale, Voy.
Bechique , Rhume & Toux.
PÉCULAT , f. m. ( Jurifpruâ. ) eft le
crime de ceux qui détournent les deniers
qui fè lèvent fur le public.
II fut ainG nomme chez les Romains ,
parce que leurs monnoies portoient l'em-
preinte de quelques figures d'animaux ,
appelles en Latin pecus.
Marc Caton fè plaignant que de fbn
temps le péculat demeuroit impuni , difoiî
que ceux qui voloient les particuliers , paf
foient leur vie dans les prifons 8c dans le>
fers \ mais que ceux qui pilloient le pu ,
Jblic 5 vivoieut dans l'opulence & dans la
g-randeur.
Cependant, chez les Romains, ceux qiii
étoient convaincus de ce crime étoienr
punis de mort , & ils ne pouvoient en obte
nir l'abolition ^ ce qui n'a pas lieu parmi
nous.
Ce crime iè commet par les receveurs
& officiers qui ont le maniement des de-
niers , ou par les magiftrats & autres offi-
jltiers qui en font les ordonnateurs.
Jii le commet eu oiverfès manières , '
PE C
! comme par otniflion dans la recette def
comptes , faux & doubles emplois dans la
dépenfe j par des levées & exaftions de
deniers , faites outre & par delfus les fom-
mes contenues aux commiflions du roi 5
par la délivrance de doubles contraintes
pour une même fomme , que l'on fait payer
deux fois fans en donner d'acquit ou autre-
ment •, en cachant au peuple la remife qu^
le roi lui a faite de certaines impolitions j
pendant un temps , & exigeant ces impo-
îîtions j en exigeant des redevables de gros
intérêts pour les délais qu'on leur accorde;
en employant dans les comptes des per-
tes de finances qui font fuppolëes \ eu
portant en reprife des fommes comme ii
elles n'a voient point été reçues, quoiqa'eii
effet elles l'aient été \ en levant des de-
niers fans commifîion «tu roi j enfin , ea
retardant les paiemens , & fe (èrvant des
deniers pour leur profit particulier.
Ceux qui ont prêté leur nom , aide
& fecours à ceuîs; qui ont commis ces
malverfations , fe rendent coupables du
même crime. ^i"^
Anciennement ce crime, en France ,
étoit puni de mort comme chez les Ro-
niains \ Bouchel , en fon traité de la Jus-
tice criminelle, en rapporte plufieurs exem-
ples , antérieurs même à l'ordonnance de
François 1 , dont on va parler.
Cette ordonnance , qui eft du mois de
mars 1545 , porte que le crime àé péculat
fera puni par confilcation de corps &c de
biens , par quelques perfonnes qu'il ait été
commis j que fi le délinquant eft noble ,
il fera , outre ladite peine , privé de no-
bleffe , & lui & fes defcendans déclarés vi-
lains & roturiers : & que fi aucuns comp-
tables fe latitent & retirent du royaume ^
fans avoir rendu compte & payé le reii'-
quat par eux dû , il fera procédé contre eux
par déclaration de même peine que contre
ceux qui ont commis le crime de péculat.
Mais depuis cette ordonnance , il y 3
eu bien peu d'exemples de perfonnes pip-
nics de mort pour crime de péculat.
Il y a eu néanmoins , en divers teinps;,
des commiffions générale* & établiifemenl:
de cham.bre de juftice, pour la rp'ht'rche
de ceux qui avoient mal verfé dans lesfinav
ces p mai& prefque toutes ces pouriuitek ont
P E C
été terminées par des lettres d'abolition ,
accordées moj'^ennatit certaines fommes.
Louis XIII , par édit du mois d'oâ:o-
bre 1624 , donna grâce & abolition à tous
les coupables ou complices du crime de pé-
culat , qui avant que d'être accufés & pré-
venus , viendroient à révélation des fautes
commifcs par eux o\x leurs complices , ref-
titueroient ce qu'ils auroient pris , & don-
neroient mémoires & inrtruétions contre
ceux qu'ils auroient déférés : mais au mois
de nov. fuivant , il y eut une déclaration qui
exempta de la recherche ceux qui avoient
traité avec le roi ^ & par deux édits , des
mois de juillet 166$ , & août 1669, on
voit que la peine du péculat n'eit plus que
pécuniaire.
Une chofe à remarquer pour la preuve
de ce crime , c'ell qu'un témoin (ingulier
eft reçu & fait foi , pourvu qu'il y ait phi-
iieurs témoins finguliers qui dépofent des
faits femblables. Voye-{^ Papon , l. XXII ,
fît. 2. DefpeiiTes , tom. II , Tr. des Cau-
fes criminelles , part. 1 , tit. 12 , feâ, 1 ,
ar^. (A)
Teculat , f. m. {Art. mïlit. des Rom.)
Je n'envifage ici le péculat que comme un
larcin militaire , qui a trop fouvent régné
depuis que la guerre exerce fes dépréda-
tions. La fameufe loi Julia comprit fous
Je péculat , non feulement le larcin des
deniers publics , mais encore tout ce qui
étoit facré , ou qui appartenoit à la répu-
blique ^ tel étoit le pillage fait fur les enne-
mis ; elle régloit la punition du crime félon
les circonftances ; elle puniifoit !es uns par
la déportation , & les autres par la con-
fiication de leurs biens. On fut obligé ,
fur la fin de la république , de fermer les
yeux fur la punition du péculat militaire.
En vain Caton fè plaignit de la licence des
foldats & des généraux : et Les voleurs ,
» dit-il , des biens de nos citoyens font
») punis , ou par une prifon perpéuielle , ou
w par la peine du fouet j & ceux qui volent
» le public, jouifTent impunément de leurs
» larcins dans la pourpre & dans la tran-
» quillité. )) Mais alors tout le monde étoit
coupable de péculat.
On çommettoit même ce crime , dans les
cemmencemens de la république , quand
pa s'arro^eoit quelque chofc de ce qui
? E C 59
avoit été pris fur les ennemis. Ciceron ,
pour rendre le péculat dont il accufoit
Verres plus odieux , lui impute d'avoir
enlevé une ftatue qui avoit été prife dans
un pillage ennemi. Non feulement on pu-
niffbit les généraux & les gouverneurs
comme coupables àe péculat ^ mais encore
les foldats qui ne rapportoient pas ce qu'ils
avoient pris , car on exigeoit d'eux , en rece-
vant le ferment accoutumé , qu'ils garde -
roient fidellement le pillage fans en rien dé-
tourner ^ & c'eft fur le fondement de ce
ferment, dont la formule eft rapportée
par Aulugelle , liv. XVI , ch. iv , que le
Jurifconfulte Modeftin a décidé , Jf'. ad l,
Jul. péculat. que tout militaire qui dérobe
le pillage fait fur les -ennemis, eft coupa-
ble de péculat.
Nous ne fommes pas aujourd'hui fî féve-
res ; non feulement le foldat ne remet
rien aux généraux de ce qu'il a pris dans
un pillage , mais les généraux eux-mêmes
ne rendent compte de leurs' pillages ni aux
princes , ni à l'état. Cependant ils ne font
pas tous dans le cas de Scipion l'Africain ,
accuie devant le peuple de péculat. Ce
grand homme , à qui fi confcience ne re-
prochoit rien , fe préfènta dans le champ
de Mars , & fans daigner entrer dans la
juftification de fon innocence : « Romains ,
)> dit il, ce fut dans un femblable jour que
w je vainquis Amilcar & les Carthaginois.
» Sufpendons nos querelles , &: rendons-
» nous au capitole pour remercier les
» dieux proteâeurs de la patrie. Quant à
» ce qui me regarde , ajouta-t-il , fi depuis
)> ma tendre jeunelTe jufqu'à ce jour , vous
» avez bien voulu m'accorder des honneurs
w particuliers, j'ai tâché de les mériter, &
» même de les furpaffer par mes aérions. »
En finilfant ces mots , il tourna iès pas
vers le capitole , & tout le peuple le fuivit.
[D.J.)
PÉCULE , f. m. ( Jurifprud. ) c'eft ce
qu'un fils de famille , un efclave ou un reli-
gieux amalî'e par fon induftrie , ou acquiert
de quelque autre manière , & dont on lui
laiflè l'adminiftration.
L'invention àt pécule vient des Romains.
he pécule , peculium , a été ainfi appelle,
guafi piifilla pecunia , feu patrimonium pw
Jillum ; ou plutôt ^uajî res peculici.ris y
H 4
^o P E C
chofè propre au fils de famille ou astre
qui a ce pécule»
Il n'y avoit originairement dans le droit
qu'une forte de pécuU pour les fils de fa-
mille & pour les efclaves. Le pécule des
uns & des autres étoit une légère portion
des biens du père de famille ou du maître ,
que celui-ci confentoit qui demeurât féparé
du refte de fes biens , &: pour le compte
du fils de famille ou de l'efclave.
Il étoit au pouvoir du maître d'ôter à
l'efclave le pécule entier , de l'augmenter
ou de le diminuer ; tout ce que l'efclave
acquéroit étoit au profit du maître.
l\ en étoit aufll de même, anciennement ,
des fils de famille j mais dans la fuite , on
dillingua \q pécule de ceux-ci au pécule à^s
efclaves.
La divifion la -plus générale du pécule
du fils de famille , eft en pécule militaire
& pécule bourgeois ^ militare ^paganicum.
L.e pécule militaire fc divilè eu cafirenfe
& quafi cafirenfe.
On appelle pécule eajîrenfe , ce qui a
été donné au fils, étant au lèrvice militaire,
par fes parens ou amis , ou ce qu'il a lui-
même acquis au (èrvice , & qu'il n'auroit
pas pu acquérir s'il n'avoit été au fervice ;,
car ce qu'il auroit pu acquérir autrement ,
n'eft pas réputé pécule cajlrenfe.
On entend par pécule quafi cafirenfe , ce
qui vient au fils de famille à l'occafion de
^ milice de robe.
On diftingue quatre fortes de pécules
guaji cafirenfe ; favoir ,
Le clérical , que lis eccléfiaftiques ac-
quièrent au fèrvice del'églifè : L^cwnLege^
cod. de Epif. iS» Cler.
Le pécule appelle pal<idnum ^ qui eft
celui que les officiers du palais , c'eft-à-
dire de la maifon du prince , y ont acquis.
i» unie. cod. de pecut.
\^e pécule forenfe du barreau-, e?1: celui
que les mag-illrats , les avocats & autres
gens de juftice , acquièrent à l'occafion de
leurs dignités oi» profeflions.. Z.. ult. cod.
de inoff. tefi.
Le pécule littéraire eft celui <^iq ks pro-
feffeurs des fciences & médecins acquiè-
rent dans leur profeffion. llùd.
Le pouvoir des fils de fomille fiir \q pé-
fuU cafirenfe &: quaf cajlrenfe , eâ abfolu
P EC
& entièrement indépendant de la puiflance
paternelle ^ ils en peuvent difpofer entre-
vifs & à caufe de mort ;, ils peuvent même
en difpofer par teflament. § i , 2 é!» 3 ,
Injiit, quibus non efl permiffum fac. tefl.
ff. & eod. tit. de cajir. pecul. efi ult. de
inoff'. tefl»
Le pécule bourgeois , paganum , eft ce
qui vient au fils de famille autrement que
par le fervice de robe ou d'épée ^ il eft de
deux fortes , le profeâice & V adventice.
Le profedlice eft celui qui vient des biens
du père.
he pécule adventice eft celui qui vient
de la mère , des parens maternels , & de
toute outre manière que des biens du
père.
Tous les anciens droits an père de fa-
mille fur le pécule profeâice , fubfiftent
encore par-tout où la puiifance paternelle
a lieu j mais il n'a plus que l'ufufruit du
pécule adventice , la propriété en appartient
au fils.
Il y a même cinq cas où le père n'a pas
l'ufufruit an pécule adventice; favoir , i*.
lor/que le fils a accepté une fucceflion con-
tre la volonté du père. z^. Lorfqu'on a
donné un efclave au fils , à conditioa de
lui donner la liberté. 3*^. Quand les biens
ont été donnés au fils à condition que
le père n'en auroit pas l'ufufruit. 4*^. Dans
le cas où le père a partagé avec un de
fes enfans la fiicceftîon d'un autre enfant.
5°. Lorfque le père , fans jufte caufe , a
fait divorce avec fa femme. 117, 118 6"
134-
Le père avoit anciennement le tiers du
pécule adventice , pour prix de l'émancipa-
tion qu'il accordoit au fils de famille 5 mais
Juftinien , au lieu du tiers en propriété, lui
a donné la moitié en ufufruit ; de forte que
le fils en confèrve feul toute la propriété,
[A)
Pécule d'un religieux , qu'on appelle
aufti cote morte , eft ce qu'un religieux
poffede en particulier , lorfqu'il a quitté la
: vie commune pour poiTéder ou deflervir
une cure , ou autre bénéfice : c'eft un pé-
, euh clérical , fur lequel ce religieux a pen-
dant fa vie ,( &: tant qu'iL eft hors de fou
couvent, un pouvoir auftî étendu que le
Ifils de famille l'a fur le pécule cafirenfe êc
P E C
quafi caftrenft ; mais il ne peut dirpofèr
de ce pécule par difpofiîion à caufe de
mort.
Les conciles , les papes , les pères de l'é-
glilè. fe font toujours élevés contre les reli-
gieux qui afFet^oicHt de polFéder quelque
chofe en particulier. Le concile de Trente
en contient de féveres défenfes : le pape Clé-
ment VIII a confirmé les décrets de ce con-
cile, & ordonné qu'ils feroient obfervés à la
rigueur. Les conciles provinciaux de France
y font conformes , Ôt les inftitutions d'or-
dres de tous les âges ont toutes le même vœu
à cet égard.
Mais M. de Cam.bolas prétend , que la
rigueur des loix qui condamnent le pécule ne
doit avoir lieu que pour les religieux qui
étoient arciioris regulœ ; & M. Bignon dit ,
qu'il faut fè mefurer ielon nos mœurs &
notre façon de vivre j la plupart des reli-
gieux ayant beaucoup relâché de l'obfer-
vance de l'auftérité de leur règle, fur-tout à
l'égard de la propriété & de la poifelTion ;
qu'on la leur a permifè tacitement , en leur
laillknt la jouilfance entière féparée des bé-
néfices particuliers.
Tout ce qu'un religieux acquiert dans
les emplois dont il eft chargé , appartient à
l'abbé & au monaftere ^ mais fi le religieux
eiï pourvu d'un bénéfice-cure, fon pécule ou
cote morte doit être diftribué aux pauvres de
la paroiife & à la fabrique. Telle eft la ju-
riiprudence du parlement de Paris. Il y a
cependant des arrêts du grand-confeil qui
adjugent ce pécule du religieux- curé à fon
monaftere. f^oye^ le traité du pécule par
Gerh^xt^ la bibl, Can. Us mémoires du clergé.
{A)
PECULIER , ERE , adj. m. & f. (Ung.
franc. ) c'eft un de ces mots c^prelfifs que
nous avons lailTés perdre , & qui ne fe
trouvent que dans nos anciens auteurs.
Henri Etienne eft du nombre de ceux qui
s'en fervent le plus fouvent \ il l'a répandu
par-tout dans fon apologie pour Hérodote.
Je me contente de cet exemple : « Il eft à
)) prélumer que les fiecles qui précèdent le
» nôtre , ont eu leurlourderie propre ^pé-
y> culiere.{D. /.)
Peculier, iJurifprud.) fe dit de celui
qtii a un pécule , comme un efolave /»fVz/-
lier ^peculiatusi il en eft parlé ^XkDigeJie ,
P £ C 6i
liv. XII , liv. II , § 4 , liv. 7/ , § 2.
PECUlIUM , Voyez PÉCULE.
PECUiNE , f. f. {Littérat.) S. Auguftin
en a fait une divinité réelle des romains ,
quoique Juvenal , qui devoit être mieux
inftruit que l'auteur de la Cité de Dieu ,
eût dit ; « Funefte richefte ! tu n'as point
« de temples parmi nous ^ mais il ne nous
)) manque plus que de t'en élever , &
)) de t'y adorer comme nous adorons la
» paix , la bonne foi , la vertu j la con-
» corde. »
PECUNIA , ( Droit Romain. ) Suivant
les jurifconfultes romains , le mot pecu nia
fignifie non feu lem.ent l'argent comptant ,
mais encore toutes fortes de biens mew-
bles & immeubles , droits même ou pré-
tentions : voye^i •> pour preuve , le Digejie ,
liv. L , titre de la pgnification des mots
& des chofes, Ulpieu , Hermogene , 6'c,
{D.J.)
Pecunta fè prend quelquefois , dans les
anciens livres de Droit Anglois , pour le bé-
tail , & quelquefois pour d'autres biens ou
marchandifos , de même que pour de la mon-
noieou de l'argent. V. Biens que l'on pof^
fede en propre.
Lorfque Guillaume I^, réforma les loix
d'Edoward le confelFeur, il fiit ordonné que
viva pecunia , les biens vivans , c'eft- à-dire ,
le bétail , ne feroit acheté ou vendu que dans
les villes, & qu'en préfence de trois témoins
reconnus capables.
Ainfî dans le grand terrier d'Angleterre ,
le mot pecunia fè prend fort fouvent pro pe~
cude y de même que pâture ad pecuniam
villœ,
Pecunia ecclefiœ fo prenoit autrefois pour
les biens de l'églife , foit en fonds , foit ea
meubles.
Pecunia fepulchralis..,. c'étoit ancienne-
ment un argent que l'on payoit au prêtre , à
l'ouverture d'un tombeau ou d^une folîè,
pour le bien & le repos de Tame du défunt^
& que le» anciens Anglo - Saxons appel-
loient la part de Came & animœ fymbo-
lum.
PECUNIAIRE , adj. ( Gram. & Comm. )
ce qui concerne la pécune ou l'argent mon-
noyé ; on appelle amendes pécuniaires y
Celles ^ui fe paient en argent mounoyé.
Si P E D
C'eft par ces fortes d'amendes qu'oa punît
la contrebande & les contraventions , foit
aux ré^Icmens-des maunfafturcs , foit aux
llatuts des communautés des arts & métiers.
Dic^. de Conini.
PECUNILUX, adj. (Gmm. ù Comm.)
celui qui a beaucoup d'argent comptant : ce
terme eft toujours ufité , quoique le motpé-
cune , d'où il eft dérivé , ne foit plus d'ufage.
Id. ibid,
PEDA , (Géogr. anc) par Tite-Live ,
liv, II y ch, xxxix. Pedum , ville du La-
tium , dont il dit que Coriolan s'empara.
Pline , liv. III ^ch.v , m.et les Pédaniens ,
Pedani , au nombre des peuples 'dont les
villes étoient tellement détruites , qu'onn'en
voyoit pas même les ruines. On croit com-
munément ([ue Péda étoit entre Tivoli &
Paleftrine. {D.J.)
PÊDŒUS , [Géogr. anc.) fleuve de
l'île de Cypre. Ptolomée , liv. V, ch. xiv ,
place fon embouchure fur la côte orien-
tale de l'île , entre le promontoire Pada-
lium & Salamis. Au lieu de Pedœus ^ les
înterpretres de Ptoloii^ée liiènt Pediœus.
{D. /.(
PEDAGNE , f, m. urme de mer ; c'e^une
cfpece de marche-pié , fur lequel , en vo-
guant, demeure toujours le pié du forçat
qui eft enchaîné. {D. /.)
PEDAGOGUE , f; m. (Lirt^at.) Les
Grecs & les Romains appelloient Pédago-
gues, les efclaves à qui ils donnoient le
foin de leurs enfans pour les conduire par-
tout , les garder & les ramener à la mai-
fon. C'eft pourquoi , dans le Phormion de
Terençe , Phaedria qui n'avoit d'autre con-
folation que de fuivre fa maîti-elTe , feâari
ia ludum , ducere Ç? reducere , eft appellée
Pédagogue : on trouve dans Gruter plu-
iîeurs infcriptions antiques de ces Pédago-
gues , dont la fon(^ion ne confiftoit guère
que dans ce genre de furveillance. Nous
avons étendu en françois , avec affez de
raifon , la fignification du mot Pédagogue ,
en donnant ce nom à un maître chargé
d'inftruire , de gouverner un écolier , &
de veiller fur fa conduite j mais en même
temps , par le peu de cas que nous faifons
de l'inftruâion de la jeunefte , il eft arrivé
qu'on eft obligé d'ajouter quelque épithete à
ce mot 5 pour le faire recevoir favorablement.
P E D
Pédagogue, [Critiquefacrée.) rAi^iiyayoey
au propre , maître , précepteur , conducteur
d' enfans. S. Paul dit aux Galat. iij , 24 &
25. La loi étoit un Pédagogue , &c. méta-
phore qui (ignifîe que la loi a donné aux
Jm'fs les premières connoiftances du vrai
Dieu , & les a conduits à J. C. enforte qu'à
|)ré/ènt nous ne fommes plus comme des en-
tans , fous l'empire de la loi. Le même apô-
tre dit dans la /'■«. ép. aux Corinth. 4, 15 ,
pour leur rappeller les fentimens qu'ils lui
dévoient ; Quand vous auriez dix mille maî-
tres , 'jrjiS'efjy.cùy-6i en J. C. vous n'avez pas
néanmoins plufieurs pères. S. Paul étoit le
père (.les Corinth. non feulement parce qu'il
leur avoit enfeigné le premier la doâ:rinede
l'évangile , mais aufli parce qu'il formoit
leur ame , & les inftruifoitavec une affèâ:ioa
paternelle f, ce queue faifoient pas les autres
doâreurs quiétoient venus vers eux après lui.
{D. J. )
PEDAIRE, Sénateur ( Antiq. Rom. y
on nommoit Sénateurs pédaires , \qs jeunes
fenateurs qui fuivoient un ièntiment ouvert
par les anciens , & fe rangeoient de leur
avis. Les fenateurs pédaires étoient ceux
qui u'avoient • point pafle par les magif-
tratures curules : comme ceux qui avoient
eu cet honneur opinoient les premiers , les.
Pédaires ne formoient point ordinairement
d'avis , & fe contenîoient de marquer leur
opinion , en fe rangeant du côté de celui
dont ils fuivoient le fentiment j ce qui s'ap-r
pelloit pedibus in fententiam ire : auÎTî
difoit-on qu'un avis pédaire étoit une têtç
fans langue.
Je dis que ces fenateurs n'opinoient point
ordinairement , parce que cet ufàge a eu
fes exceptions. On lit dans une lettre de
Cicéron , que Serviîius le fils , qui n'avoit
encore été que quefteur ( ce qui étoit le pre-
mier degré de magiftrature ) opina , & que
fur fon avis on ajouta un article au fénatus-
confulte.
Ce Baffus , cité par Aulugelle , dit que
les fenateurs pédaires alloient au Sénat à
pié , au lieu que les autres s'y faifoient
porter dans leurs chaifès curules ^ cela /è
peut : mais outre l'autorité de Varron &
de Feftus , il paroît par Cicéron , que tous,
les fenateurs alloient au fénat à pié j ceujç
P E D
qui étôient inGommodés s'y faifoîent porter
en litière ^ & Céiar même , lorfqu'il fut
diètateiLir , n'y alloit point autrement.
Enfin , Aulugelle prétend que Senatores
pedarii avoieiit droit d'entrer au Sénat
&: d y opiner , quoiqu'ils ne fulî'ent point
encore proprement fénatcurs , parce qu'ils
n'avoient peint encore été agrégés à ce
corps par les cenfeurs *, mais cette idée
ne s'accorde pas avec la fîgnification du
n^.Qt pedarii. De plus , comme Dion nous
apprend que les cenfeurs avoient agrégé
au Sénat tous ceux qui avoient pafle par
les magiftratures , il s'enfuit qu'il n'y au-
roit point eu alors de ces Sénateurs pédai-
rcs ; & cependant , on ne peut pas douter
qu'il n'y en eût , puifque nous apprenons
de Cicéron , que ce furent proprement les
Sénateurs pédaires qui formèrent le décret
qui étoit contraire à Atticus. { D. J.)
PÉDALE ^ CLAVIER DE , c'efl le cla-
vier placé au bas de l'orgue , au lieu où
l'organifte a fès pies , & avec lefquels il
abaiflè les touches de ce clavier , qui pour
cela eft nom^mé pédale. Cette dénomina-
tion eft connue aufli aux jeux &: tuyaux
que le clavier fait parler. Voye^ Jeux.
Pour faire un clavier de pédale , on fait
d'abord un chaffis de bois d'Hollande , qui
eft du bois de cliéne dont les Hollandois
font commerce. La barre a euviron àcux
pouces de largeur , fur un pouce & demi
d'épailTeur : elle a une rainure ou gravure
à ù\ partie fupérieure &. intérieure , qui
ièrt à recevoir les bouts des touches paral-
lèlement à cette barie ^ & fur le derrière
du chaiïis , eft une barre de deux pouces en-
viron d'équarriifage , percée de plufieurs
trous , dans lefquels font enfoncées âes che-
villes de fer , entre lefquelles les touches
peuvent fe mouvoir verticalement : cette
barre , avec les chevilles , s'appelle le guide.
Il y a encore une autre barre , large de
quatre ou cinq pouces & épaiife d'un ,
qui fèrt de point d'appui aux reflcrts qui
renvoient les touches contre le defïijs du
clavier. Toutes ces pièces doivent être af-
fèmblées à queue d'hirondelle dans les cô-
tés, épaifîés d'un pouce & demi, & hautes du
côté du guide d'environ fix pouces , & feu-
lement de deux du côté de la barre , pour
gue le deiTus ibit en glacis»
P E D ^5
Les touches font des barres de bois ,
épaiifes d'un pouce & larges de deux 5
elles entrent par leurs extrémités dans la
rainure que nous avons dit être à la par-
tie intérieure de la barre , & elles y font
retenues par des pioches ^ voyei Pioches :
à l'autre extrémité de la touche , on ajufte
des pattes percées d'un trou pour recevoir
le fil de fer de l'abrégé.
Aux orgues où il n'y a point de pofitif ,
on ne met point de pattes aux touches du
clavier de pédale ; mais on fait les touches
plus longues & en pointe par l'extrémité ,
oij on met un anneau , qui fert au même
ufage que le trou qui eft aux pattes : au
dcffous de chaque touche on fait un trou ,
dans lequel on fait entrer la pointe du ref-
fort , dont l'autre extrémité appuie fur la
barre qui lui fert de point fixe j ce qui fait
que toute l'aétion du reftbrt fe porte fur la
touche , & tend à la relever lorlque le rel^
fort a été comprimé en l'abaifTant.
Le deifus du clavier , que nous avons dit
être en glacis vers la partie antérieure , eft
une planche percée d'autant de trous qu'il
y a de touches* Ces trous ou mortaiies font,
favoir , ceux des tons ou intervalles naturels
de quatre pouces de long fur un pouce de
large, & répondent perpendiculairement,
& fur la partie moyenne de la touche 9
& ceux des feintes ou demi-tons , feule-
ment de deux pouces de long fur un
pouce de large , &: répondent vers l'extré-
mité de la touche du côté de la patte.
Lorfque les mortaifes font faites , on poiè
le deflus du clavier fur le chaflis ,' &f oa
ly fixe avec des viffes ^ eniiiite on fait les
hauftes , qui font àcs morceaux de bois
d'un pouce d'épais fur autant de long , à
un tiers de pouce près que les moitaifes
ont de longueur ^ elles doivent , celles des
tons , fe lever au tleftus de la table du cla-
vier au moins d'un pouce , & celles des
feintes de deux ^ lorfqu'elîes font ajuftées ,
on les colle fur hs touches , avec lefquelles
elles ne font plus qu'une même pièce. Il
fuit de cette conftruéiion , qu'en pofant le
pié fur une hauife & la faifant baiflér , ou
fait baiflér la touche, qui tirera par fa patte
le fil de fer ou la targette de l'abrégé y&C
que lorfqu'on lâchera le pié , le relicrt qui
d été cftinprimé par rabailfemeat de i^
(Î4 P E D
touche , ce/Tant de l'être , la relèvera , Se
reftituera les chofes dans leur premier état.
(D)
Pedali$ de bombarde , jeu d'orgue ,
ainfi app^'llé , parce que ce font les pies
de l'orga/iifte qui la font parler , en ap-
puyant itir le clavier de pédale. l^oye[ CLA-
VIER DE PEDALE.
Ce jeu eft d'étain , fi la bombarde eft de
ce métal j ou il eft de bois , fi les baflès de
la bombarde en font ^ & il fonne l'uniiTon
de la bombarde ou de feize pies : s'il y a
ravalement au clavier de pédale , les tuyaux
qui répondent aux touches du ravalement ,
defcendent dans le trente -deuxième pié.
Voyei Bombarde.
Pédale de trompette , jeu d'orgue
que les pies de l'organifte font parier , en
appuyant fur les touches du clavier de pé-
dale ; il ne diffère de la trompette , dont
il fbnne l'unifton àes biilfes & des baffes-
tailles , qu'en ce qu'il efl de plus grofîé
taille. S'il y a ravalement au clavier de pé-
dale , il defcend à l'uniflbn de la bombarde
ou du fbize-pié.
Pédale de huit ou Pédale de huit
PlÉs , jeu d'orgue que les pîés de l'orga-
nifte font parler, en appuyant fur les touches
du clavier de pédale. Voye-{ CLAVIER DE
PÉDALE. Ce jeu , qui eft de bois & ouvert
par le haut , fonne l'unilfon des baffes &
è^ts baffes- tailles du bourdon de huit pies.
S'il y a ravalement au clavier de pédale ,
le ravalement defcend dans le feize-pié à
l'uniffon du bourdon ou de la montre de
fei^-pié.
PÉDALE DE QUATRE OU DE QUATRE
FIÉS , jeu d'orgue que les pies de l'orga-
nifte font parler , en appuyant fur les tou-
ches du clavier de pédale. Voye\ CLAVIER
DE PÉDALE. Ce jeu , qui eft de bois, fonne
l'uniffon des baffes & des baffes-tailles du
preftant ou de la flûte. S'il y a ravalement
au clavier de pédale , il defcend à l'uniffon
du bourdon de huit : comme ce jeu eft ou-
vert par en haut , on le tourne d'un tour-
niquet pour l'accorder. Voye\ Tourni-
quet.
Pédale de clairon , jeu d'orgue que
les pies de l'organifte font parler, en ap-
puyant fur les touches du clavier de pédale.
Ce jeu fou;ie i'odave au deffas de la pé-
P E D
ànle de trompette , & 1 uniffon des bafîès
& des baffes-tciilles du preftant , & du clai-
ron ou de quatre pies. S'il y a ravalement
au clavier de pédale , les tuyaux du rava-
lement defcendent à l'uniffon des baffes de
la trompette , dont ce jeu , qui eft d'étain
& à anche , ne diffère qu'en ce qu'il eft
de plus grofl'e taille.
PÉDALIENS , ( Géogr. anc. ) peuples
anciens des Indes. Cœlius , /. 777, chap.
xxix^ dit qu'ils étoient fi perfiiadés que la
juftice faifoit la première de toutes les ver-
tus , & conftituoit la félicité de l'homme ,
qu'ils ne demandoient aux dieux , dans leurs
(àcrifîces & dans leurs prières , que de ne
s'éloigner jamais de l'équité. Quels beaux
fentimens dans toute une nation !
PEDALIUM , ( Géogr. anc. ) promon-
toire de fîle de Cypre , félon les exem-
plaires latins de Ptolomée, /. V^ c. xiv.
Quelques-uns néanmoins portent Peda/ium,
On croit que c'eft Cabo de Griego.
Pedalium eft encore une ville de TAfic
mineure furlePont-Euxin, près de Sinope^
ielon Ortelius. {D. J.)
PÉDANÉE , pedaneus , ( Jurifprud. )
fè dit en psrlant d'un Juge qui rend la
juftice de /'/fl/20 , c'eft- à-dire <ïui n'a point
de fiege élevé. Voye:^ ci-après Juge PE-
DANÉE. (A)
Pe'danÉE, {Hijloire Rom.) juge in-
férieur à Rome , qui n'avoit ni tribunal ni
prétoire. On confond ordinairement les ju-
ges pédanées des Romains , dont il eft fait
mention dans le code Juftinien , /, 777 ,
th. III , avec les juges des feigneurs , que
Loifeau appelle Juges fous forme ; ce font'
pourtant deux carafteres bien différens : les
Juges pééanéis étoient parmi les Romains
des commiffaires choifis & nommés par
le préteur , pour juger les différens des par-
ticuliers , lorfqu'il ne s'agiffoit pas d'une
affaire importante. On les appelloit /7</<fa-
nées y parce qu'ils étoient aflis en jugeant
fur un fitnple banc ou un Çiege fort bas ,
qui ne les diftinguoit point de ceux qui font
fjr leurs pies j ainfî on les nommoit peda^
nei judices. Ils n'avoient ni le caractère , ni
le titre de magifirats. Ceux qui étoient re^
vêtus de la magiftrature jugeoient fur une
efpece de trône élevé , & cette manière
de rendre la juftice faifoit connoître la
différeace
P E D
différence qu'il y avoir entre le Magiftrat
& le Juge pédanée.
Aulugelle a confondu les Juges pédanées
avec les Sénateurs pédaires , qui donnoient
leur avis fans parler , mais en fe rangeant
du côté de ceux dont ils fuivoient l'opi-
nion. Foxe;(PÉDAlR.E. {D.J.)
PÉDANT , r. m. PÉDANTERIE , f. f.
{Grammaire. Belles-Lettres.) Un pédant
efl un homme d'une préfomption babillar-
de , qui fatigue les autres par la parade qu'il
fait de fon favoir , en quelque genre que
ce foit , & par afFeâation de fon ftyle &
de (qs manières.
Ce vice de l'efprit efl de toute robe ; il
y a des pédans dans tous les états , dans
toutes les conditions , depuis la pourpre juf-
qu'à la bure , depuis le cordon bleu Juf-
qu'au moindre bonnet dodoral. Jacques I^r.
étoit un Roi pédant.
Il eft vrai néanmoins que le défaut de
pédanterie eft particulièrement attaché aux
gens de collège, qui aiment trop à étaler
le bagage de l'antiquité dont ils font char-
gés. Cet étalage d'érudition aflbmmante a
été fi fort ridiculifé , & li fouvent repro-
ché aux gens de lettres par les gens du
monde , que les François ont pris le parti
de dédaigner l'érudition , la littérature ,
l'étude des langues favantes , & par con-
féquent les connoiflances que toutes ces
chofes procurent. On leur a tant répété qu'il
faut éviter le pédantifme , & qu'on doit
écrire du ton de la bonne, compagnie ,
qu'enfin les Auteurs férieux font devenus
piaifans ; & pour prouver qu'ils fréquen-
tent la bonne compagnie , ils ont écrit des
chofes & d'un ton de très-mauvaife com-
pagnie. {D, J.)
PÉDASE , Pedafa , {Géogr. anc.) ville
de la Carie, félon Strabon , /. Xlll y p.
6ii. Athénée dit que Cyrus donna cette
ville à fon ami Pirhareus.
PEDATURA , [An Milit. des anc.)
Ce mot , dans les antiquités romaines , dé-
ligne un efpace proportionnel d'un certain
nombre de pies pour le campement des
troupes. Hyginus dit dans fon Traité de caf-
trametatione : Meminerimus itaque adcom-
putationem cohortis equitatce milliarice pe-
daturam ad mille trecentos fexaginta dari
debere. Or , la pédature étoit un efpace
TQme XXV.
P ED (^5
qu'on accordoit à une corapïîgnie de trou-
pes des Provinces , formée de cavaliers &
de fantaffins : mais cet e'pace n'éroit pas
égal à celui d'un corps uniforme d'intanterie
du même nombre d'hommes ; il devoit être
moins grand , félon Hygin , de 360 pié(s.
Ainfi la proportion qu'il établit de la diffé-
rence d'elpace qu'on doit donner à ua
cavalier vis-à-vis d'un fantaliîn , dans la for-
mation d'un camp , eft comme deux &
demi eft à un. (-D. /.)
PEDENA , ( Géog. mod. ) ancienne pe-
tite ville d'Italie * en IHrie , à 15 milles des
Alpes , avec un Éveché lufïragant de Gorcie.
Elle eft entièrement dépeuplée , & appar-
tient à la maifon d'Autriche. Long. 31.
lat. 45 , 30. {D. J.)
PEDENCARN, {Hiftoire nat.) notn
d'une pierre que l'on dit être d'un blanc
tirant fur le jaune , remplie de petits points
luifans , blancs & noirs.
PÉDES , (Littér.) Ce mot , dans l'ar-
chiteâure navale des Romains , fignifie les
cordages qui font aux deux côtés des voiles ,
pour les tourner , les ferrer & les lâcher ,
félon que le vent change , comme le dit
Servius fur cet endroit de Virgile :
Unà omnes fecere ^tàtm , pariterque
Jinifiros y
Nunc dextros folvere Jînus,
Et c'eft à cela que Catulle fait alluflon , lors-
qu'il dit :
Sive utrumque Jupiter
Simili fecundus incidijjet in pedera.'
Ctttt fignification vient du Grec rtoJioç , qut
fignifie la même chofe , parce que ces cor-
dages s'attachoient au pié du mât.
Pedibus œquis^àzns Cicéron , lib. XVI ^
epifi. 6 , fignifie les voiles étant également
tendues des deux côtés , comme elles le font
lorfqu'on a le vent arrière , & c'eft ce que
Virgile exprime par œquatis velis :
Senjït Ù (pequatis clajfem procédera velis.
PÉDESTRE, STATUE, voy. Statue.
PEDEROS , ( Bot. anc. ) Pline , livre
XXII y c. xxxiv p dit que le pederos eft
une efpece d'acanthus , en François bran-
che-urjine. Cette plante, félon Paufanias,
és
P E D
croilToit à Taii aux environs du temple de
Vénus , à Sicyone , & nulle part ailleurs ,
ni mcme dans aucun autre endroit de la
Sicyonie. Ses feuilles , ajoute-t-il, font plus
petites que celles du hêtre , plus grandes
que celles de l'yeufe , de la même figure
que les feuilles de chêne , noirâtres d'un
côté , blanches de l'autre ; en un mot , aflez
femblables , pour la couleur > aux feuilles du
peuplier blanc. {D. J.)
PÉDIADE, Pediadis, (Ge'ogr. anc.)
contrée d'Afie. Elle faifoit partie de la Bac-
triane , & le fleuve Oxus la traverfoit , félon
Polybe , Hifi. liv. X.
PÉDIAS y ( Géog. anc. ) municipe de
l'Attique , dont les habitans étoient nom-
més Pédiaciens. Ariftote , Poli tic y c. v. &
Plutarque in Solone , en font mention.
(D.J.)
PEDICULAIRE,f.f.Wic«/arw,
{Hifi. nat. Bot.) genre de plante à fleur
monopétale , anomale , en mafque , divifée
en deux lèvres : la fjpérieure a la forme
d'un cafque , & l'inférieure efl: divifée en
trois parties. Le piflil fort du calice ; il efl
attaché comme un clou à la partie poflé-
rieure de la fleur , & devient dans la fuite
un fruit qui s'ouvre en deux parties , &
qui fe divife en deux loges : ce fruit ren-
ferme des femences oblongues ouapplaties y
& frangées. Tournefort. Infi^ rei herb.
iFbyq Plante.
C'efl un grand genre de plante qui , dans
le lyflême de Tournefort , contient trente
«fpeces , dont nous décrirons la principale ,
qu'on nommaC en François pédiculaire des
prés y pedicularis pratenjis , purpurea , / ,
Ry H y zyz^&cen Anglois , the common
meadowyellow rattle , andcockscomb.
D'une petite racine blanche , unique, qui
pouffe feulement de côté quelques rejetons ,
& qui n'entre pas profondément en terre,
part une tige , feule pour l'ordinaire , sèÏQ-
vant à la hauteur d'un pié , épaifle , roide ,
douce , quarrée , droite , menue , légère ,
quelquefois parfemée de taches & de traits
noirs , mais d'une couleur de pourpre au
fommet. Cette tige fe divife en plufieurs
branches y placées en oppofition , & em-
braflees par deux feuilles fans pédicules ,
larges à la baie de la plante y mais allant
toujaurs endimîiauant à nacfure truelles. foat ,
P E D
plus proches du fommet , de la largeur d'un
doigt ; pointues par le bout , dentelées fur
les bords , femblables à la crête d'un coq ^
ayant toutes une veine remarquable , qui
s'étend à chaque découpure à droite & à
gauche : du milieu des feuilles fortent de
petites branches deux à deux , & plantées
en oppofition. Au fommet de la tige& des
branches , naiifent de petites fleurs tort fer-
rées les unes contre les autres , en forme
d'épi : leur pédicule eil fort-court , leur
caHcc efl: gros , rond , un peu applati , &
coupé aux quatre extrémités en quatre feg-»
mens pointus. Elles n'ont qu'une feuille jau-
ne , d'une figure aflTez femblable à celle d'un
chaperon ; elles contiennent & cachent
à la vue un flylefoible, avec quatre éta~
mines.
Lorfqu'clles font tombées , le calice s'en-
fle i & forme une afTez grofîe veflle, qui ren-
ferme & comprime un vafe féminal afTez
grand , divilé au milieu en deux cellules y.
qui contiennent beaucoup de femences fort-
prefTées , & environnées d'une bordure
membraneufe d'une couleur cendrée. Lorf^
que la femence efl: mûre , les cellules mem-
braneufes fe rompent & s'ouvrent ; elles
font luifantes lorfqu'elles font fechcs.
Cette plante fleurit au mois de Juin , &
fa femence mûrit très-promptement ; à
peine efl-elle mûre , qu'elle tombe , & la
plante fe feche jufqu'à la racine même.
Elle croît particulièrement dans les pâtu-
rages fecs , Sf quelquefois dans les champs
labourés ; elle n'efl d'aucune utihté dans
aucun endroit , & on la regarde par-tout
comme une mauvaife herbe. {D. J.)
Pédiculaire , maladie. La maladier
pédiculaire , en Grec (^^t^ietaii de ^p^n^ poux ^
efl une maladie fort ordinaire aux enfan»
& à quelques adultes. Les poux naiffent
des lendes ou œufs , lorfqu'ils fe trouvent
expofés à la chaleur ; cette multiplication
efl inconcevable.
On compte quatre efpeces de poux quî
attaquent le corps humain. i°. Lespediculî^,
qui fatiguent plus par leurs pies que par
leur morfure : ceux-ci naiffent principale-
ment fur la tète des enfans qui ont la gale
ou la teigne, ou des adultes qui ne fe pei-
gnent pas.
ii* Les morpions qui s'attadicot fous, les
P E D
aifîeîîes y aux paupières , aux parties de la
génération. Kq>'e:^ MoRPIONS.
3^. Les gtos poux qui infectent le corps,
& s'engendrent dans les habits des perfon-
nes malpropres ; ils font gros , oblongs ,
épais , & le terminent en pointe.
4®. Les cirons , ou ceux qui s'engendrent,
félon quelques-uns , fous l'epiderme des
mains & des pies ; ils font de figure ron-
de comme des ceuh de papillon , & quelque-
fois il petits,qu'ils échappent à la vue. Ils ex-
citent , en rampant Ibus l'epiderme, des dé-
mangeaifons infupportables ; quelquefois ils
percent la peau & y excitent des puflules^.
On les appelle acari y cirones & pedecelli.
Traitement ù prefervatif. Le moyen le
plus sûr de prévenir la maladie pédiculaire ,
€fl de tenir le corps dans une grande pro-
preté y & de fe peigner fouvent ; quand
ils viennent à la tête après s'être peigné fou-
vent , on la lavera avec la lefTive lùivante.
Lejjîve contre les poux. Prenez abfyn-
the , ftaphifaigre , marrube , de chacun une
poignée ; petite centaurée demi-poignée ;
cendre de chêne einq onces : faites-en
une leflîve , dans laquelle vous ferez difîbu-
<lre fel commun deux onces , fel d'abfynthe
une once. ^
Ou fervez-vous de l'onguent fuivant.
Prenez huile d'amandes ameres , de rue
& de baies de laurier , de chacun demi-
once ; ftaphifaigre en poudre y mirrhe , de
chacun deux gros ; aloès en poudre , un
gros ; lard falé deux onces : mêlez-les avec
un peu de vinaigre. Ou prenez lard falé ,
huile de baies de laurier , favon noir , de
chacun demi-once ; vif argent éteint avec
la falive , un fcrupule ; myrrhe , aloès , de
chacun demi-gros ; Ifaphifaigre , deujc fcru-
pules ; favon de France , deux gros : rédui-
fez-les dans un mortier en forme d'onguent.
On peut faire beaucoup d'autres onguens
dans la même indication.
EtmuUer confeille de fe laver la tête avec
une leflîve dans laquelle on a fait bouillir
de la femence de Itaphifaigre , & l'oindre
avec le liniment fuivant.
Liniment pour les poux. Prenez huile
d afpic , deux gros ; huile d'amandes ame-
res , demi-once ; onguent de nicotiane , fix
gros : mêlez & faites un liniment qui tuera
ces vermines dans une nuit.
P E D ^7
PÉDICULE , f. m. {Botan.) c'eft pro-
prement le petit brin qui (butient la fleur ; &:
le brin qui foutient la feuille s'appelle queue»
Les fleurs conferveront long-temps leur
fraîcheur après qu'on les aura cueillies , fi
l'on fait tremper leurs pédicules dans l'eau.
L% grand fecret pour conferver des fruits
pour l'hiver , c'efl de cacheter leurs pédi"
cules avec de la cire. Les cérifes qui ont
le plus court pe'dicule fonteftimées les meil-
leures. Le piftil de la fleur devient fort fou-
vent le pe'dicule du fruit. Voye\ PlSTlL.
Pédicules MÉDULLAiRES^/z-^/ia-
tomie. Voyez PÉdUNCULES. B
PÉDICULI , ( Ge'ograph, ancT)
P<EDICULI.
PÉDIÈEN , adj. {Antiq. d'Athènes,)
Citoyen d'un des quartiers d'Athènes :
cette ville étoit divifée en trois quartiers
diflerens ; une partie étoit {ùr le penchant
d'une colline , une autre fur le bord de la
mer , & une autre dans un lieu plat , fîtuée
Voyez
entre les deux premières. Ceux qui habi-
toient dans ce quartier du milieu s'appel-
loient IliJlmf , Pe'diéens , ou , comme dit
Ariflote , Pe'diaques. Ces quartiers fai-
-foient fouvent des faâions différentes.
Pififlrate fe fervit des Pe'diéens contre les
Diacriens , ou ceux du quartier de la- col-
line. Du temps de Selon , quand il fallut
choifîr une forme de gouvernement , les
Diacriens vouloient qu'il fût démocratique ,
\qs Pédiéens demandoient une oligarchie ,
& \qs Paraliens , ou ceux du quartier du.
port , defiroient un gouvernement mixte.
Ce mot vient de TtiJliay , une plaine , un
lieu plat , parce qu'en effet ce quartier étoft
en un lieu plat.- Voyez Athènes ancienne
de la Guillotiere.
PEDIEUX, enAnatomie; c'efl le fé-
cond des mufcles extenfeurs du pie , d'où,
lui eft venu fon nom. Voye\ PlÉ &
Extenseur.
PÉDILUVE, f. m. {Médecine.) Ce
n eft autre choie que des bains pour \qs
pies , dont la compofition eft la même que
pour les bains ordinaires ; on s'en férc
d'autant plus volontiers , qu'ils demandent
moins d'étalage : on les compofe d'eau
pure , fans addition ; ou pour corriger la
pelànteur ou la dureté de l'eau , on y
mêle de la leflîve, du fon de froment, ov*
I 2
6^ P E D
des fleurs de camomille : bien que les lave-
mens des pies s'appliquent aux parties les
plus balTes & les plus éloignées , leur vertu
fe répand cependant & fe communique
au loin , & ils appaifent des maladies dont
le fiege eft dans des parties fort éloignées ;
car l'application des liqueurs chaudes au
pié , relâche , ramollit les fibres ner-
veufès , tendineufes & mufculeufès , dont
ils font compolés , & qui font entremêlées
de vaiflêaux. Les pores & ks vailTeaux ,
qui étoient auparavant refferrés , fe dilatent,
le fan^x abords , & les liqueurs y paf-
fent pip aifément ; ce qui fait que le fang
qui fe portoit avec impétuoflté vers d'au-
tres parties , fe jette fur àes parties laté-
rales , au grand foulagemeftt du malade. Les
bains des pies agiffent par leur chaleur tem-
pérée Ijur le fang , & les humeurs qui paf-
fent par les vailHaux àes pies pendant qu'ils
■font dans l'eau : ils les divifent & les dé-
laient , les font couler avec plus de vitef-
fe ; delà vient que fi l'eau des bains des
pies eil trop chaude , elle augmente la ra-
réfadion du fang & le battement des artè-
res : mais ces bains ne conviennent pas
dans tous les cas ; ainfi dans les règles qui
font imminentes , ou qui coulent aduel-
lement, ils font douteux pour leur effet :
ils peuvent diminuer ou augmenter l'écou-
lement , par la dérivation trop grande du
fang qu'ils produifent dans l'artère aorte
defcendante ; & même , par la révulfion
qu'ils occafionent dans les tuyaux colla-
téraux des artères qui vont à la matrice ,
ils ne manqueroient pas d'occafioncr une
fuppreflion. Ceft ce qui fe voit par l'expé-
rience des femmes imprudehtes , qui s'expo-
fent par-là à des maladies fâcheufes.
Les bains des pies font excellens dans
tous les cas où il faut procurer une déri-
vation des humeurs des parties fupérieures
vers les inférieures ; ainfi ce remède eft
efficace dans le vertige , dans l'apoplexie ,
dans l'épilepfie imminente , dans les mala-
dies foporeufes & convulfives ; dans les
fpafmes & dans les afFedions fpafmodi-
ques , dans les douleurs de tête , dans la
migraine : mais fi ces maladies ne font
pas occafionées par des engorgemens des
vaiflêaux , ou par une pléthore locale du
cerveau ou de fes parties voifines j^ ou pai;
P E D
une élaflicité & rigidité trop grande des
fibres nerveufes , ce remède devient inu-
tile ; ainfi lorfque ces maladies ne font que
des (ymptomes d'autres maladies , telles
que l'indigeffion , la fabure , la cacochylie y
les vers , les afFedions fpafmodiques dans
les vifceres du bas-ventre , c'efl en vain
que f on tenteroit les lavemens des pies ;
la révulfion ne feroit que pernicieufe ;
& d'ailleurs la caufe perfifiant , ces fymp-
tomes ne feroient point abattus. Koyf-jj
Bain, (m)
PEDIR , ( Ge'ogr. mod. ) ville des In-
des , capitale d'un royaume de même nom ,
dans l'île de Sumatra. Le Roi d'Achem
s'en efl emparé. Long, zi^ y z £ i lau
PEDOMETRE,oa Compte-pas, f. rn.
[Arpent. ) infirument de méchanique fait
en forme de montre , compofé de plufieurs
roues qui s'engrainent l'une dans l'autre y
& qui font dans un même plan, lefquelles,
par le moyen d'une chaîne ou courroie
attachée au pié d'un homme ou à la roue
d'un carroflè , avancent d'un cran à cha-
que pas ou tour de roue; de forte que,
par le moyen de cet inllrument , on peut
favoir combien on a fait de pas , ou me-
furer la difiance d'un endroit à un autre.
Voye\ OdomeTRE. Chambers. (E)
PEDONNE , f f. ( ManufaB. ai foie ; )
petit bouton d'ivoire ou de buis, attaché
au bout du fer rond du velours frifé , &
qui , dans le velours coupé , fe met alter-
nativement au bout de chaque virgule de
laiton.
PEDOTRIBE, f. m. {Ant'tq. greg.) le
pédotribe , Tai^/ioTf ;Cnf , en latin pœdotriba ,
formoit les jeunes gens aux exercices gym-
nafîiques , Ibus les ordres du Gymnaliar-
que , qui en étoit le premier maître. C'é-
toient deux offices très-différens l'un de
l'autre _, quoique le favant Prideaux les ait
confondus : nous les voyons expreiTément
diffingués par les Auteurs & lùr les mar-
bres. Ce n'efi donc pas une queflion ; mais
la matière fournit des détails curieux , re-
cueillis par Van-Dale. Le Gymnafiarque ,
Surintendant du gymnafe , n'étoit en char-
ge que pour un an ; dans quelques en-
droits même , on en changeoit tous les
, mois : le Fe'dotrih lui étoit fubotdonné j
P E D
c'étoit un officier fubalterne ; mais fa charge
étoit à vie , Sia Q-tov ; il tient toujours fur
les marbres un des derniers rangs parmi
les Minières du gymnafe. Quoiqu'attachée
particulièrement aux Ephebes , le Pédo-
tribe étendoit aufli Tes fonctions fur la clalTe
des enfans ; fon nom feul en fournit la
preuve : mais on trouve le fait nette-
ment prononcé dans plufieurs paffages
formels , entr'autres dans Ariftote & dans
l'Axiuchus , dialogue communément at-
tribué à Platon. Enfin , le Pédotribe bor-
noit fon emploi fubalterne au détail mé-
chanique de la formation de fes élevés ; &
comme cet emploi demandoit de la pra-
tique & de l'expérience , on le donnoit
à vie.
PÉDOTROPHIE , f f. {Med) nour-
riture des enfans, de -Tretiî ^ génitif, 'TTAiJloi
enfant^ & t^c?» , nourriture : la pédotro-
phie efl une partie de la médecine fort
négligée , & fur laquelle on fuit par-tout
une affez mauvaife routine ; un bon Traité
fur cette matière deviendroit précieux, &
l'on a lieu de juger qu'il feroit bien reçu
du public , puifqu'il a tant goûté le Poëme
latin de M. Scevole de Sainte- Marthe ,
fur la manière de nourrir les enfans à la
mamelle. Ce Poëme , intitulé Pcedotrophia,
& publié en 1584, fut imprimé dix-fois
pendant la vie de l'auteur , & environ au-
tant de fois depuis fa mort. Il fut lu &
interprété dans de célèbres Univerfités de
l'Europe , prefque avec la même vénéra-
tion qu'on a pour les Auteurs anciens.
PEDRACA DE LA Sierra, {Geogr.
mod.) bourg d'Efpagne dans la vieille Cal-
tille , fur la rivière de Duraton , au nord
& près de Sepulveda. Ce bourg eft à la Me-
tercofa de Ptolomce. C'eit dans le château
de ce bourg que les fils de François I furent
détenus prilonniers pendant quatre ans.
Long. i6 ^ 6 ; lat. 40 , ^8. {D. J.)
PEDRA FRIGO A, {Hifi. nat) nom
que les Portugais donnent à ài^s pierres
dont ils font ulàge dans la médecine , &
à qui , ainii que les Malabares , ils attri-
buent la vertu de rafraîchir. Ils en ont
quatre efpeces : la première efl jaune , mê-
lée de blanc , de bleu , de rouge & de
verd ; elle eil d'une dureté médiocre ; ce-
pendant on peut aifément la pulvérifer ; il
P E D ^9
y en a des morceaux qui font parfemés de
grenats & de rubis. La féconde efpece efl
verte, & elle reflemble à du jafpe poli;
mais elle eli fragile , & compofée de lames
& de fibres faciles à écrafer. La troifieme
efl blanchâtre , & femblable à du talc. La
quatrième efl très-blanche , & plus com-
pare que les autres. On s'en fert dans les
maladies inflammatoires , dans les fièvres
chaudes , & contre la morfure des bêtes
venimeufes. Extérieurement^ on la mêle
avec des jus d'herbes , pour les inflamma-
tions des yeux & des autres parties du corps:
on fe fert pour cela indifféremment de l'une
de ces fortes de pierres ; cependant on croit
que celle qui efl verte efl la plus propre
contre les maux de reins. Il paroît que
ces pierres font calcaires & abforbantes.
Voy. EphemerideSy nat. curiof. Decad.
II y anno I.
PEDRO (SAN-), Géogr. mod. i». pe-
tite ville d'Efpagne dans la vieille Caflille ,
fur l'Arlauza , au deffous de Lerna vers
le Levant.
1^. Pedro (San-), port de l'Amérique
méridionale , fur la côte orientale du Bréfil ,
à l'embouchure de Rio-grande. Long, 32^;
lat. mérid. 32.
30. Pedro (San-) , ville de l'Amérique
feptentrionale , au gouvernement de Hon-
duras , à 30 lieues de Valladolid , & à H
du port de Cavallos.
PEDUM, (G/og-r. a/ïc.) petite ville du
Latium , fituée entre Prénefle & Trivoli ,
proche de l'aquéduc appelle Aqua Claudia^
un peu au-deffous deScaptia. Tibulle avoir
une maifon de campagne , qui lui étoit ret
tée des biens de fon père , au territoire
de Pedum ; mais la ville ne fubfifloit plus,
au rapport de Tite-Live. Pline , //V. III
chap. V y ajoute que les Pédœniens , Pe^
dœniy font du nombre 3es peuples dont
les villes étoient tellement péries , qu'on
n'en voyoit pas même les ruines. (D. J )
PÉDUNCULES ow PEDICULES, f.
m. en Anaromie ; nom de deux petites
bandes médullaires tort blanches , très-cour-
tes , au moyen defquelles la glande pinéa-
le efl attachée comme un petit bouton au-
bas des couches des nerfs optiques. Voy*
PiNÉALE , ^C.
On donne aufli ce nom aux branches
70 P E E
de lâ moelle alongée. Voye^ BRANCHE
& Moelle alongeé.
PEEBLES , (Géogr. mod.) ville d'É-
cofîe , capitale de la Province de même
nom , autrement dite Éwedale. Il y a ,
dit-on, dans cette ville trois Eglifes, trois
portes , trois rues , trois ponts. Elle eft
agréablement fituée fur le bord feptentrio-
nal de la Ewede , à fêpt lieues N. E.
d'Edimbourg , 102 N. de Londres. Long.
14- y, ^8 ; lot. s^y 54,
PEER , [fJéogr. mod.) petite ville de
l'Evêché de Liège, au Comté de Lootz.
Lons,. 2.5, zo; lat. 5/ , 8. (D. J.)
PEETERMANN, {Comm.) efpece de
bière blanche extrêmement chargée de
grain , & peu fermentée , qui Te brafîe à
Louvain dans le Brabant ; elle eft d'un goût
afîez agréable , mais elle enivre fortement,
& nuit , dit-on , beaucoup à ceux qui en
font un ufage très-fréquent : on prétend
qu'elle contribue à engourdir le cerveau
des jeunes gens qui vont faire leurs étu-
des dans l'Univeriitc de Louvain.
PEGANELEON , f. m.{Pharm. anc.)
terme employé par les anciens pour défi-
gner de l'huile, dans laquelle des feuilles
& des fleurs de rue ont été infuiées au fb-
leil pendant un certain temps. ( D. J.)
PEGAGE, f. m. (Mythol.) Héfiode
nous dit , que c'eft du lâng de Médufe ,
à qui Perfée coupa la tête , qu'étoit né
Pégafe , ce cheval ailé , li utile aux Poètes ,
foit par lui-même , foit qu'ils le montent
pour prendre leur vol vers le ciel , foit par
la fontaine d'Hypocrene qu'il fit fortir de
terre d'un coup de pie , & dans laquelle
ils puifent à longs traits les fureurs divi-
nes qui lés agitent : voilà la Fable. M.
Fourmont en a-donné , dans les Mémoires
de littérature , une explication prefque dé-
montrée , en remettant feulement cette
fable en langue Phénicienne.
Médufe n'étoit autre chofe qu'un des
cinq vaiflèaux de la flotte de Fhorcis,
Prince Phénicien , Roi d'Itaque. La tête
de Médufe étant une fois coupée , c'efl-
à-dire , le Commandant du vaifTeau tué ,
il fortit du vaifîeau Chryfaor , célèbre
ouvrier en métaux, & le Pégafe.
Le chef de la Médufe , en achetant de
l'or des Africains , avoit attiré de chez ;
P EG
eux un ouvrier qui fut le mettre en œuvre ;
cela étoittort à fa place. Le Pégafe eft en
ancien Grtc pagaffe : devons-nous l'aller
chercher |bien loin ; & pendant qu'o^ cfî
la finale Greque , dire , avec Bochart
& M. le Clerc , que pagafos s' eft formé
depagafous , fra^nl equus; ce qui eft encore
contre les règles de la Grammaire Phéni-
cienne ou Hébraïque , qui n'admet point
une femblable tranfpofition ? Pàgafos , fans
détour & fans violence, eft manifeftement
\tpacajfe. Lorfque les Romains virent pour
la première fois l'éléphant, ils l'appellerenc
bos ; de même le pacafje forti de la Mé-
dufe , parce qu'on l'avoit apprivoifé , & que
l'on montoit delîus comme fur les chevaux ,
fut appelle cheval. Les dénominations em-
pruntées pour les chofes extraordinaires ,
font de tous \ts temps & de toutes les
langues ; & une marque que c'étoit un
animal fauvage^ c'eft qu'il s'échappa, qu'il
ne fut rattrapé que par Bellérophon, qu'il
tua Bargylle , l'ami de Bellérophon , qu'il
le blefla lui-même , & difparut. Mém. de
Littérat. tom. III. (D. J.)
Pégase , (An numlfmat. ) L'auteur de
la fcience des médailles a reinarqué, que
Pégafe eft le fymbole de Corinthe, où
Minerve le donna à Bellérophon pour com-
battre la Chimère; il fe trouve auffi fur
\qs médailles des villes d'Afrique, & fur
celles de Sicile depuis que les Carthagi-
nois s'en furent rendus maîtres , parce qu'on
tenoit que ce cheval éroit né du fang de
Médufe , qui étoit Africaine. Syraculè en
particulier , qui avoit une étroite aUiance
avec Corinthe, marquoit fcs médailles d'Un
pégafe. {D. J.)
PÉGASE, f. m. en Aflronomie , tH
une conftellation de l'hémifphere feptentrio-
nal ; on la défigne par un chaval ailé. V.
Constellation.
Pégafe , a , félon le catalogue de Pto-
lomée , vingt étoiles ; félon Tycho , dix-
neuf; & dans le catalogue Britannique ,
quatre-vingt-treize. ( O )
Pégase, f. m. Pegafus , l, {terme
de Blafon y ) cheval ailé & volant ; de
l'invention des Poètes, qui ont feint qu'il
naquit du fang de la tête de Médufe , quand
Perfée l'eut coupée.
Ce cheval s'envola fur le monc Hélicon ,
P E G
où , en frappant du pie , il en fit jaillir une
fontaine , qui fut nommée Hypocrene.
Les aftronomes ont fait de pégafe une
conftellation célefte entre l'équateur & le
nord ; ils lui donnent vingt étoiles : ils
difent que ceux qui naiflent fous cette
conltellation ont en partage l'amour des
armes , la gloire , &. beaucoup de talens
pour la poélie.
Guerard de Bofcheon , du Bourg , en
Normandie, d'aïuvy au pégafe d'argent.
( G. D. L. T. )
PÉGASIDES , f. f. {MythoL) Çurnom
êiQs mufes , pris du cheval pégafe , qui fut
comme elles habitant de l'Hélicon.
PEG(E, {Ge'ogr. ancienne.) i**. ville de
l'Achaïe , dans la Mégaride ; 2°. ville de
l'Hellefpont, félon Ortelius ; 3°. ville de
l'île de Cypre ou de la Cyrénie , félon
Etienne le géographe.
PEGASCE , ( Ge'ogr. anc. ) cap. de la
Magnéfie , ainfi nommé , dit le Scholiafle
(d'Apollonius, de ce que le navire Argo
y fut conflruit ; il y avoit en cet endroit-là
un temple d'Apollon , qui a fait donner à
ce dieu , par Héiiode , le nom de Pégajien.
Ce fut là que les Argonautes s'embarquè-
rent ; & le lieu où fe fit l'embarquement a
depuis porté le nom ^Aphetce , ainfi que
le difent pofitiveraent Strabon &: Stephanus.
{D.J.)
PEGASIEN Scnatus-Confuhe , {terme
de Jurifpr. Rom. ) Le Sénatus-Confulte
Pégajien ordonnoit que l'héritier Fidéicom-
milîàire retiendroit le quart du fidéicommis.
Le TrébeUien le déchargea des adions ac-
tives & pafîlves ; enfuite on les a confon-
dus fous le nom de quarte trébellianique
ou falcidie.
PEGEES , f. f. pi. (Mythol.) nymphes
des lontaines ; c'eft la même chofe que les
nayades , & leur nom a la même origine
que pégafe. {D. J.)
PEGMA, i'.xy^.{Théat.desRom.)c'é-
toit une forte de grande machine théâtrale ,
qu'on levoit & qu'on abailîbit par le moyen
de certains relforts , & qui avoit plufieurs
étages ; en forte qu'il n'eil pas furprenant
qu'un homme tombant du haut en bas , fe
rompît quelque bras ou quelque jambe ,
comme il arriva à un joueur de flûte. Ju-
voul en parle dans la Satyre iK, v. 112 y
P E G 71
Sic pugnas Jîlicis laiidabat & iclus y Ê?
pegma , Ù pueras inde ad velaria raptos,
1\ louoit de cette forte les combats de gladia-
teurs de Cilicie , les terribles coups qu'ils
le portoient , &: les enfans que la machine
X\q pegma) tenoitfiifpendus en l'air. On voit
par ce paflàge , qu'on plaçoit fur le pegm.z
des gladiateurs , des enfans , des muiiciens;
en un mot, qu'on fe fervoit de cette machine
pour produire aux yeux des illulions propres
à les émouvoir.
PEGMARES , f. m. (Hiji. anc. ) nom
que donnoient les romains à certains gladia-
teurs , de même qu'à certains artifles.
Les anciens donnoient quelquefois en
fpedacle une forte de machines mouvantes,
anpellées pegmata ; c'étoient des échafauds
diverfement ornés , qui avoient quelque
reflêmblance à ceux de nos feux d'artifice :
cts échafauds étant des machines qui jouoient
en bafcules , ils Innçoient en l'air la matière
dont ils étoient chargés , & entre autres
des hommes, que l'on facrifioit ainfi aux
amu/èmens du public ; ou bien ils \ts
précipitoient dans des trous creufés en
terre , où ils trouvoient leur bûcher ; ou
encore ils les jctoient dans les antres des
bêtes ïérocts.
On appelloit Pegmares , non feulement
les infortunés que l'on facrifioit ainfi , mais
encore ceux qui conflruifoient les machines
& qui les faifoient jouer.
Suivant Cafàubon , on mettoit le feu 3
l'échafaud ; & les Pegmares étoient obligés
de fe fauvcr à travers les flammes & les
débris delà machine.
Lipfe dit feulement , que les Pegmares
étoienf certains gladiateurs , qui combat-
toient fur Aqs échafauds que l'on élevoit
dans cette intention ; on les appelloit aufîî
Petaurifije , c'eft-à-dire , hommes qui vo-
lent en l'air. Voye^ GLADIATEUR.
PEGN AFIEL , ( Géogr. mod. ) petite
ville d'Elpagne, dans la vieille Caftille , fur
le Dovere , au defTous de Roa. Il fe tint
dans cette ville un Concile l'an 1302; elle
q{\. Xj lieues fud-eft de Valladolid. Long^,
Z3, ^3.; lat. 4z , jo. {D, J.)
PEGNAFLOR , ( Géogr. mod.) petite
ville d'Efp^gne y dans F Andaloufie , fur la
rive droite du Guadalquivir ; on croit que
c'efl l'ancienne Uiptda des Turdetains.
7t P E G
PEGNA-MAÇOR, {Géographie moâ.)
petite ville de Portugal , dans la Province
de Beîrâ , au midi de Sabagal , & à l'orient
de Cobilliana ; elle efl défendue par un châ-
teau. Long, zo y 2.5/ lat. 4-0 y Z4.
^ PEGNARANDA , ( Gépg. mod. ) vilTe
d'Efpagne , dans la vieille CalHlle , capitale
du duché du même nom , â 14 lieues fud
d'Olinedo. Long, iz , £y ; lat. 4.0, £z.
FEGmTZ,{Géogr.moJ.) rivière d'Al-
lemagne , en Franco.'iie ; elle tire fa fource
d'un bourg qui porte Ton nom , & qui eft
au midi de Bareith. Elle traverfe le ter-
ritoire de Nuremberg , baigne la ville , &
va fe perdre dans la rivière de Rednitz.
PEGOMANCIE, {Divinat.) mot com-
ppfé â^Trfiyn , fontaine y & ^.«ti-î/*, divina-
tion ; divination par l'eau des fontaines :
elle fe faifoit de différentes manières, foit
en y Jetant un certain nombre de pierres ,
dont on obfervoit les difFérens mouvemens ,
foit en y plongeant des vafes de verres , &
examinant les efforts que faifoit l'eau pour
y entrer, en chaffant l'air qui les remplif-
foit auparavant; mais la divination par le
fort des dez , à la fontaine d'Apon , près
de Padoue , étoit la plus célèbre des efpe-
ces de pe'gomancie.
A cette fontaine , un feul coup de dez
décidoit des bons & des mauvais fuccès
pour l'avenir , félon le nombre des points
plus ou moins fort qu'on tiroit. Ce fut-là
que Tibère conçut les plus hautes efpé-
rances , avant que de parvenir à l'empire ;
car à Ton paifage pour l'IUyrie , étant venu
confulter fur fes deffinées l'oracle de Gé-
rion , qui étoit aufïî dans le voifinâge de
Padoue , ce dieu le renvoya au fort de
la fontaine d'Apon , où ayant jeté des
dez d'or , ils lui préfenterent au fond de
l'eau le plus haut nombre de points qu'il
pouvoit defirer. Suétone remarque enfuite,
qu on voyoit encore ces mêmes dez au
fond de la fontaine. Claudien afïure qu'on
y appcrcevoit aufïi , de fon temps , les an-
ciennes offrandes qu'y avoient laiffées quel-
ques Princes.
Tune omnem liquidi vallem mirabere fundi ,
Tune veteres haflce régi a dona aiicant.
Lucain donne le titre d'augure au prêtre
P E G
qui en avoit l'intendance. Théodorîc , toi
d'Italie, fit depuis fermer de mujrailles le
lieu où étoit cette fontaine , à caufe de fa
grande réputation : ob loci celebritatem ^
dit Caffiodore. {D. J.)
PÉGONSE, f. f. folea ociilata {Hifi^
nat, lâhiolog. ) poiffon de mer , qui efl une
efpece de foie , à laquelle il reflemble par
la forme du corps , & par le nombre & la
pofîtion des nageoires ; on le diftingue aifé-
ment de la foie , parce qu'il a fur le dos de
grandes taches ferablables à àQs yeux ; les
écailles font fi fortement attachées à la peau,
qu'on efl: obligé de faire trem,per ce poiffon
quelque temps dans de feau , pour pou-
voir les enlever. Voye\ SoLE. Rondelet ,
Hifi. nat. des poisons _, première part,
liv. XI y ch. xj. Voyez Poisson.
PÉGU , LE , {Géogr, mod. ) royaume
d'Afie , fur la côte occidentale du royaume
de Bengale , à fembouchure des rivières
d'Ava & de Pe'gu : ce royaume , après
bien des révolutions , efl tombé fous la
puifîance du roi d'Aracan , qui réunit au-
jourd'hui les royaumes de Tangut , d'A-
racan , d'Ava & de Pe'gu ; & parce que
le fouverain de tous ces états réfide à Ava,
il en porte le nom.
Les cartes des géographes ordinaires dé-
figurent tellement le pays d'Ava, de Pe'gu y
&c. que le père Duchats , Jéfuite ,■ dit qu'il
ne le reconnut point dans leurs cartes. Ajou-
tez qu'il n'y a guère de pays dans l'Orient
dont nous foyons aufïi mal inffruits , ce-
pendant c'efl un vafte empire , commerçant
& très-peuplé.
On dit que les points principaux de leur
religion font de ne point tuer , de ne point
voler , d'éviter l'impudicité î de ne faire au-
cun déplaifir à fon prochain , de lui faire
au contraire tout le bien qu'on peut. Avec
cela , ils croient qu'on fe fauvera dans quel-»
que religion que ce foit.
PEGU , ( Ge'ogr. mod. ) ville fituée au
royaume & fur une rivière de même nom ;
c'étoit la capitale de l'empire de Pe'gu ,
avant qu'il fût tombé fous la puiffance du
roi d'Aracan. Aujourd'hui ce prince ne
tient à Pe'gu qu'un vice-roi. Prefque tou-
tes les maifons de cette ville font bâties de
cannes & de rofeaux. Long, ii^y 3^ y
lat, 17. (D.J.)
PEGUNTIUM,
P E G
PEGUNTIUMy [Geog. anc.) ville de
!a Dalmatie. Ptolomée , L. II , c. xvij y la
place fur la côte, tntr tEpetium & Onceum^
Pline, L. III. c. xocij y écrit Pigumiœ.
On croit que c'efl préfentement Almi-{a.
(D.f.)
PÉHUAME , (Hiji. nat. Botan.) plante
de la nouvelle Efpagne , qui eft fur-tout très-
commune dans le Méchoacan. C'efl une ef-
pece de convoh'ulus , dont les feuilles font
fort petites & de la forme d'un cœur ; (qs
fleurs font les mêmes que celles des ariflolo-
ches. Sa racine efl rougeâtre à l'extérieur ;
elle eft acre & odorante ; elle guérit , dit-
on , le mal vénérien , & plufieurs la croient
préférable à la falfe-pareille & au quinquina.
PEIGNE , f m. (Conchyliolog.) en latin
pecïen & en Anglois fcallops ; genre de
coquille bivalve , fermant exadement de
tous côtés , & rayée en forme d'un pei-
gne dont on fe fert pour peigner des che-
veux ; elle eft plate , élevée , garnie de
deux oreilles , quelquefois d'une feule , &
quelquefois aufïï fans oreilles. Elle n'eft
attachée que par un tendon. Sa valve fupé-
rieure eft ordinairement un peu applatie ,
quoique l'inférieure foit creufe. Il y a ce-
pendant des peignes dont les deux écailles
font élevées & convexes. Les ftries ou can-
nelures ne fervent qu'à donner à cette
coquille différentes dénominations. Jonfton
fait une clafîe particulière de peignes , en
les appellant conchx imbricatce y ftriatce y
longue y coralinœ y rugatce y fafciatce ; mais
ils ont tout cela de commun avec d'autres
coquillages qui ne font point des peignes.
Celle-ci a tiré fon nom des ftries longitu-
dinales dont fa furface eft couverte , qui
reffemblent aux dents d'un peigne.
Conformément au caradere que nous
venons de donner de ce genre de coquille ,
on peut diftribuer fcs efpeces fous trois
clafîes diftindes.
Dans la clafTe èi^s peignes qui font gar-
nis de deux oreilles , on met les efpeces
fuivantes: i°. le peigne rouge, nommé le
manteau ducal rouge ; 2*. le manteau du-
cal jaune ; 3**. le peigne couleur de corail ,
^'arni de beaux boutons; 4°. le peigne ba-
riolé , nommé coquille de S. Jacques ;
5*. le peigne jaune , appelle coquille de
S.Michel ; 6®. \q peigne orangé de la mer
Tome XXV.
P E I 7,
j Cafpienne; 7*. le grand peigne rougeâ-
tre ; 8*. le peigne bariolé , bleuâtre ; 9°.
le peigne rouge , profondément cannelé ;
10°. le peigne appelle ïéfantail ou la foie;
il eft brun fur la coquille fupérieure , &
blanc fur la coquille inférieure ; 1 1°. le
peigne tacheté par-deffus , & blanc par-
defîous; i2<*. le peigne à côtes & jaunâ-
tre, avec la lèvre rebordée; i'^^Aq peigne
à coquille également creufe ; 14°. le peigne
en forme de poire; 15°. le ht9.n peigne y
nommé la Vierge par Rumphius ; lé**. le
peigne nommé par le même amujium ;
il eft fait en table lifïê & polie ; 17°. le
peigne à coquille inégale , bariolé de taches
fauves.
Dans la claffe àes peignes qui n'ont qu'une
oreille , on diftingue les efpeces fuivantes ;
i". le peigne noir , épineux ; il eft par-tout
couvert de pointes aiguës ; 2,^. le peigne
épineux , rouge ; 3**. le peigne épineux ,
gris ; 4°. le peigne épineux , jaune ; 5''. le
peigne épineux, bariolé ; 6®. le peigne épi-
neux , orangé ; 7°. le peigne blanc & tout
uni.
Dans la clafîe des peignes qui n'ont point
du tout d'oreilles , on compte les elpeces
fuivantes ; 1°. le peigne appelle la ratif-
foire ou la râpe y en Anglois the file-côckle ;
2°. le peigne oblong, blanc & raboteux ;
3°. le peigne à côtes jaunes , & découpé
dans fon contour ; 4*'. le peigne bariolé ,
avec un pourtour déchiré ; 5°- 1^ peigne
épais , chargé de cordelettes bariolées de
bleu , de jaune & de brun ; 6". le peigne
uni & bariolé ; 70. le peigne rond & blanc ,
nommé fôurdon f en Anglois the common-
cokle.
Parmi les peignes de ces trois efpeces »
on eftime particulièrement celui qui imitC
par fon rouge la couleur du corail ; d^
grandes ftries cannelées , fur lefquelles fon'
àes tubercules élevés & creux , le coupenf
dans toute fon étendue : Ces oreilles fon*^
inégales , & {es bords font réguhéreraent
chantournés.
Le manteau ducal rouge eft également
beau defïus & deffous ; le travail grené c^c
fes ftries , les bords orangés de (es oreilles ,
& le chantournement de Ces contours le
font rechercher des curieux.
Le peigne appelle la râpe ou la radf"
K
74 PET '
foire y efl remarquable par Us émmences
qui fuivenr fes ftries , & qui le rendent fort
rude au toucher ; ce peigne eu tout blanc ,
& n'a point d'oreilles.
Eaun mot , la famille àes peignes efl une
des plus agréables qu'on ait en fait de
coquilles , pour la beauté des couleurs. Par-
lons de l'animal.
Ce coquillage a deux grandes membra-
nes brunes , qui s'attachent, chacune à une
des pièces de la coquille. De leur contour
fortent, dans l'eau de la mer f une multitude
prodigieufe de poils blancs , aflez longs pour
déborder les valves. L'intervalle eft garni de
petits points noirs , ronds & brillans. L'in-
térieure des deux membranes renterme
quatre feuillets fort minces , chargés tranf-
verfalcment de Uries très-fines. H fe voit ,
au delTus de ces quatre feuillets , une pe-
tite maiTe molle & charnue, qu'on peut
croire être le ventre ou les entrailles i elle
cache , fous une peUicule aiïèz mince , une
efpece de pié , dont la pointe regarde le
centre de l'animah Cette partie eft ordi-
nairement de la même nuance que celle qui
l'enveloppe ; mais dans le temps du frai ,
elle fe gonfle , change de couleur , & de-
vient d'un jaune foncé : quelque temps
après , elle diminue , maigrit & reprend fon
ancienne teinte.
Voici le mouvement progreflif de ce
eoquilla-ge fur terre. Lori'que le peigne ei\
à fec , & qu'il veut regagner la mer ^ il
s'ouvre autant que fes deux valves peuvent
le lui permettre ; & étant parvenu à un
pouce ou environ d'ouverture , il les re-
ferme avec tant de vîtefiTe , qu'il commu-
nique aifément à fa. valve inférieure unmou-
vement de contrinStion j-P^r lequel elle ac-
quiert aflez d'elafîiciré pour s'él°.ver & per-
dre terre de deux à trois pouces de haut :
il importe peu fur quel côté de la coquille
ilpuilfe tomber, il liiifit de favoir que c'elJ
par cette manœuvre réitérée qu'il avance
toujours vers le bur qu'il s'elt propofé. Ce-
pendant file peigne éio'iz attaché à quelque
corps étranger, par le grand nombre de
filamens ou de poils qui s'iirjplantent fur
la fLirfaàp de ces deux valves ,. il efl vrai
qu'alors il n'iauroit pqint de mouvement
progreflif •* mais c'efi: un cas afTez rare ,
excepté dans le pétoncle.-
P E 1
ta progreflîon de cet animal dans Teatt
eft bien diflérente. Il commence par en
gagner la furface , fur laquelle il fe foutient
à demi- plongé : il ouvre alors tant foit pevi
ies deux coquilles, auxquelles il commu-
nique un battement fi prompt & fi accéléré ,
qu'il acquiert un fécond mouvement ; on
le voit du moins , en réuniffant ce double
jeu , tourner fur lui-même très-vîte de droite
à gauche ; paY ce moyen il agite l'eau avec
une fi grande violence , qu'au rapport de
Rondelet, elle eft capable de l'emporter,.
& de le faire courir fur la furface des mers.
On lent bien que ceux qui font attachés-
à plufieurs corps étrangers, ne jouifTent d'au-
cun des mouvemens dont nous venons de
parler. Voye\fur les peignes ^IJx^er^ Dar-
genville, Ù les Mémoires de V Académie
des Sciences. {D. J.)
Peigne , f! m. ( terme de Boulanger. )
Les boulangers qui font le bifcuit de mer ,
appellent quelquefois peigne y un petit inf-
trument dont ils fe fervent à faire plufieurs.
figures fur leurs galettes : fon véritable nom
eft une croifoire.
Peigne , dans Part de la Garderie , eft
un inftrument compofé de fix ou fept rangs
de dents dé fer, à-peu-près fembkibles à
celles d'un râteau; ces dents font fortement
, enfoncées dans une planche de bois de
chêne fort épaifîe.
Il y a quatre fortes dé peignes difFérens :
ceux de la première grandeur ont les dents
de 12, à i3.pouces de longueur , quarrées ,,
grofî^?s par le bas de 6 à 7 lignes , & écar-
tées les unes des autres de 2, pouces parla
pointe. Ces peignes ne loiit pas deftinés .à;
affiner le chanvre , mais feulement à former
les peignons. -Qa les appelle peigne pour-
les peignons.
Les peignes de la féconde grandeur , ap-~
peWés peignes à dégrojjir y ont les dents-
longues de 7. à S pouces , groflès de 6^
lignes par le bas > & écartées les unes des
autres de i ^ lignes .par la pointe. Ces pei^
gnes fervent à dégroffir le chanvre , & à:
en féparer la -plus grolle étoupe..
Le peigne de la troifieme grandeur , nom- -
mé. peigné- à o^'/ier ,,a les dents de 4:^-5^
pouces de.longueur , de ^ lignes de groffeur
par le bas , & éloignées les unes des au-
, tres.de. laà. 12 lignes. G'eft fur ce peigns
? E I
qu*on affine le chanvre , & que le fécond
brin fe fépare du premier.
Enfin , il y a des peignes qui ont les dents
plus courtes, plus menues & plus (èrrees que
les précédens; on les nomme p^/g/ze-f ^/2.f.
On le fert de ces peignes pour préparer le
chanvre deftiné à faire de petits ouvrages
plus délicats.
Il faut remarquer , i®. que les dents des
peignes doivent erre rangées en échiquier
ou en quinconce, & non pas fur une mê-
me ligne ; autrement pluiieurs dents ne
feroient que l'effet d'une feule.
2°. Qu'elles doivent être taillées en lo-
fànge , & pofées de manière que la ligne
qui palferoit par les deux angles , coupât
perpendiculairement le peigne dans fa lon-
gueur ; par ce moyen , les dents réfiilent
mieux aux efforts qu'elles ont à fouffrir , &:
refendent mieux le chanvre. Voye^ P article
CORDERIE.
Peigne , {Draperie. ) Voyez Vartide
Manufacture en laine ; c'eft une
partie du métier.
Peigne , {terme d*HauteliJ[Jerie ,) inf-
trument dentelé , dont fe fervent les hau-
telifliers pour battre & ferrer leurs ouvrages.
Il eft de bois dur & poli , de 8 à 9 pouces
d'épailfeur^ du côté du dos , d'où il va tou-
jours en dimjnuant jufqu'à l'extrémité des
dents. On s'en f?rt à la main.
Le peigne des baiîe-liffiers efl à-pcu-près
de même , hormis qu'il y a des dents des
deux côtés. Les uns & les autres font ordi-
nairement de buis ou d'ivoire.
Peigne , {Lainage ^) forte d'inflrument
en forme de grande carde de fer , dont
les dents font longues, droite^ & fort poin-
tues par le bout. On s'en fert dans les ma-
nufactures de lainage , à peigner la laine
deliinée pour faire la chaîne de certaines
étoffes ; c'efl cette laine , ainfi peignée , que
l'on appelle ordinairement eflaim. On lé
fert aufli de peignes dans quelques autres
manufadures , pour peigner divv:rfes for-
tes de matières , comme bourre de foie ,
chanvre , Ùc. Ces fortes de peignes font
en quelque manière femblables à ceux qui
font d'ufage pour la laine , mais ils font
plus petits. {D. J.)
Peigne , inflrument à Tufagedu mar-
breur, C'efl une barre de bois platç , dans
PEI 7y
laquelle font enfoncés des fils de fer d'en-
viron deux doigts de longueur. Le peigne
fert à mêler les couleurs qui nagent à la
fuperficie de l'eau gommée dans le bacquet.
Les marbreurs fe fervent de trois diffé-
rentes fortes dépeignes; (avoir y \t peigne
au commun , le peigne à l'Allemagne , &
le peigne à frifon. Le peigne au commun
eft celui dont on fe fert pour le papier
marbré ordinaire , c'efl-à-dire , pour celui
qui n'eft que veine ; il a cinq ou fix rangs
de dents.
Le peigne à l'Allemagne fert pour le
papier marbré qui imite celui que l'on fa-
brique en Allemagne. Cq peigne n'a qu'une
rangée de dents.
Le peigne à frifons ef^ celui dont on fe
fert pour marbrer le papier & dont les re-
lieurs font ufage pour la reliure des livres.
On l'appelle peigne à frifons y parce que
(ts dents font placées alternativement l'une
d'un côté, l'autre de l'autre, de manière
que le marbreur en tournant le poignet ,
arrange les couleurs en cercles ou frifons.
Ce peigne n'a qu'une feule rangée de dents ,
qui en forme deux par leur fituation obli-
que , qui en tourne les pointes les unes
d'un coté, les autres de l'autre. Voye\ l'ar^
ticle Marbreur.
Peignes : les /njre'c^jwa; appellent ainli
des gratelles farineufes qui viennent aux
panerons du cheval , & qui y font hériffer
le poil fur la couronne.
Peigne de corne , inflrument dont les
palefreniers fe fervent pour peigner les crins
& la queue des chevaux.
Peigne, {Ruban.) A l'ufage de ce
métier il y en a quantité de fortes ;
il faut, avant que de les détailler, parler
de la manière dont -on les fabrique. Ils font
faits de canne de Provence , qui efl pro-
prement le rofeau ; mais celui de ce pays
eu le feul propre à cet ufage. La canne efl
d'abord coupée entre (es noeuds , & for-
me des longueurs ; puis elle eft^ refendue
avec une ferpette: ces refentes fe font à
plufieurs reprifes , pour parvenir à la ren-
dre aflez étroite pour l'ufage auquel on la
deftine : ces difïerens éclats font étirés fur
les rafoirs des poupées ; ces poupées de
figure cylindrique , qui portent fur l'établi ,
doivent être à leur bafe comme à leut
7^ P E I
fommet , ce qui leur donne plus d'niîïetts ,
& les empêche de varier iur l'établi. Elles
font de bois tourné , & ont au centre de
leur bafe une queue qui pafle dans des trous
percés à l'établi ; la face flipérieure qui ell
très-unie , porte au centre une lame d'acier
très-tranchante , en forme de rafoir , qui
y cft fichée debout : à côté de ce rafoir efî
aufli fichée une pièce de fer plate non tran-
chante, qui eft auffi debout comme le ra-
foir , tk qui l'approche de très-près , en lui
préfentant une de lès faces plates ; cette
pièce efl: placée de façon , qu'il n'y a en-
tre elle & le rafoir que la place nécefl'aire
pour pafler une dent ou éclat de canne ;
ccne pièce de ter dirige le palTage de la
dent contre le rafoir , & par confcquent ne
doit laifîèr entre elle & lui , que la diffance
proportionnée à l'épaifi'eur que l'on veut
donner à la dent: il y a donc de ces pou-
pées dont les fers font en plus grande , d'au-
tres en plus petite diftance , puifqu'il y a des
dents plus ou moins épaifîès; il y a encore
de ces poupées dont il faut que les deux
pièces dont on parle foient fort écartées y
puifqu'il faut que la dent pafîe entr'elles à
plat pour en unir les bords ; la dent , par
cette opération , efl mile à 2, lignes de lar-
geur environ : cet étirage fe fait en plaçant
la dent (qui efl encore de toute la longueur
que les nœuds de la canne l'ont permis) ,
entre les deux fers de la poupée , tenant la
dent avec la main droite^ pendant que la
gauche , pofée de l'autre côté des fers, ne
fait que la tenir en refped. Il faut obier-
ver que c'elt le côté intérieur de la canne
qui palTe fur le rafoir , puilqu'on ne touche
jamais à fon côté extérieur & poli ; cette
dent efl déchargée par ce moyen de tout
fon bois , & n'en efl prefque plus que
l'écorce. Après ce premier paflage llir le
rafoir , la dent ell retournée bout pour bout,
pour repalTer encore contre le ralbir ; car le
bout tenu par la main droite n'a pu y paffer :
ceci bien entendu, il faut parler du fil qui fer-
viraàla conflruélion du peigne. Ce font plu-
fieurs brins de fil unis enfemble,en telle quan-
tité qu'on le juge à propos , puifque c'eft de
cette grofî'eur que dépend l'éloignement plus
ou moins grand des dents , fulvant la nécefil-
té ; ainfi il efl de conféquence de favoir pro-
portionner cette grofTeur. Ces fils aiofi iinis
P E I
& tortillés cnfemble , font graifTés avec de
h poix , & font de très-grande longueur ,
l'opération que l'on verra en fon lieu en
employant beaucoup •• ces fils font enfui te
mis en paquets , pour attendre l'uiage. Il en
faut de bien des grofleurs différentes , ayant
auill quantité de groflèurs de peignes, ainfi
qu'il en fera parlé. Il faut à préiènt faire con--
noître les jumelles. Ce font de petites trin-
gles de bois de hêtre , larges àt ^ àé lignes
fur une hgne d'épaiifeur , & de 4 pies ,
4 pies & demi de long ; on n'en fait point
de plus longues , leur foibleffe ne le per-
mettant pas. S'il s'agifToit d'avoir des;? É'/g'/2fx
plus longs , puifqu'on en fait qui ont 6 pies
& plus , on en joint plufieurs enfemble par-
le moyen de la colle forte : ces tringles fi
minces ont un côté de leur épailîeur qui
eit plat, & c'efl celui-ci qui formera le
dedans ; l'autre côté efl arrondi autant que
cette épaiffeur peut le permettre , de forte
que les extrémités en font prefque aiguës.
Lorfqu'on veut faire un peigne d'une lon-
gueur donnée , il faut quatre de ces ju--
melles unies deux à deux , mais plus longues
que la longueur déterminée ; on en verra
dans peu la nécefîité. Deux de ces jumelles
font unies enfemble & de leurs côtés plats ,
au moyen de petites échancrures aux bouts y
& d'une hgature. On les place fur la pièce
de fer plate , fixée invariablement fur la pou-
pée qui entre dans les trous de l'établi y
l'autre bout efl attaché de même , & placé
fur une pièce de fer reçue dans la mâchoire
portée par une vis qui paffe par le trou de la
poupée , qui fe place elle-miême à volonté
dans différens' trous de l'établi , fuivant la
longueur dont on a befoin : ces quatre ju-
melles (ont tendues roides & égales, parle
moyen de la noix. On ne doit point crain^
dre qu'elles caffent, par la grande tenfion
où elles ont befoin d'être pour acquérir plus
de reditude , pourvu que le tirage foit di-
red & égal. Ceci étant ainfi diipofé , ont
rhefure avec l'inflrument appelle compartif-
Joir y pour voir fi la difîance efl la même ;
ce qui fe fait en conduifant cet inflrument
dans l'efpace que laifîent entre elles les ju-
melles : fi le peigne efl d'une grande lon-
gueur , on y laiffe ce compartifToir lié légè-
rement aux jumelles à une difîance conve-
nable , pour laifTer la jouiflance à l'ouvrier r
? El
lorfqu'on en approche de trop près par le
travail , on le recule , & toujours de mê-
me; par-là on conferve l'égalité de l'ou-
verture que la trop grande longueur pour-
roit faire varier : on voit qu'il faut avoir
dilférens compartiflbirs , luivant les diffé-
rentes hauteurs des peignes , car c'efl lui
qui donne cette hauteur. Si l'ouvrier a plu-
iieur.s peignes à faire de petite ou de moyen-
ne longueur, il peut les faire fur de lon-
gues jumelles, en interrompant le travail
par une petite diflance d'un peigne à l'au-
tre; il s'épargnera par-là la peine & le
temps de monter & démonter plufieursfois:
les chofes en cet état , l'ouvrier fait plufieurs
tours avec le fil àl'entour des jumelles, qu'il
échancre un peu avec la ferpette , pour
éviter que ce fil né gHlTe ; il en fait autant
avec un fécond fil qui efl de fon côté , en
le faifant tourner de dedans en dehors ; au-
lieu que le premier fil tourne de dehors en
dedans : ces tours de fil font frappés avec
une batte , qui demeure ainfi placée dans
les jumelles pendant tout le travail qui va
fuivre ; après cela , l'ouvrier place une pre-
mière dent , qui donnera entre les jumelles
la Julie ouverture pour le logement conve-
nable de la denture. Cette première dent
efl un morceau de canne épais , plié en
deux , les deux extérieurs du bois fe tou-
chant ; cette dent fe pofe à plat contre les
tours de fil qui viennent d'être faits. Si on
n'a pas afiez d'épaifïeur , on remplit i'en-
tre-deux intérieur de cette dent avec les
menues parcelles qui font forties de la can-
ne par l'opération des rafoirs , & cela tant
qu'il le faut ; cette dent parvenue à fon point
d'épaiiTeur , efl fixée contre le fil par plu-
fiowrs tours de ce même fil recroifés plu-
fieurs fois & frappés avec la batte : enluite
on met une autre dent , mais bien moins
épaifle ; celle-ci efl pofée fur fon champ ,
& de même entourée de plufieurs tours de
fil , & toujours frappés avec la batte. Tou-
tes ces précautions fervent beaucoup à la
perfedjon du peigne. Après tout ceci , on
pofè les dents qui compofènt le peigne
l'une après l'autre , & toujours après un
tour de chaque fil , dont l'un , comme il a
été déjà dit,& qui e(l le premier , fe pafTe
du dehors en dedans , & le fécond du de-
dans en. dehors ; c'efl-à-dire , qu'il jette le
P E I 77
paquet par-defTus les jumelles, qui retombe
fur l'établi , après avoir paffé par l'ouver-,
ture entre les jumelles. A l'égard du paquet
qui efi du coié de l'ouvrier , comme (ts
deux mains fe trouvent voifines , il le reçoit
de la main gauche ; puis roidilTant avec la
main gauche, à la fois \q% deux bouts-
ainfi pafles , il a la main droite fibre pour
frapper avec la batte contre ce tour des
deux fils; puis il place une autre dent , &
fait de même jufqu'au bout. Il eft bon d'ob-
ferver dans cette pofition des dents , qu'elles
fe pofent toutes fur leur champ , & le poli
du même côté. Ce poli extérieur de la can-
ne fe trouve ainfi placé du côté gauche de
l'ouvrier , puifqu'après avoir pafTé fa dent à
plat d'abord dans les jumelles , il la relevé
enfuire pour la placer fur fon champ , ayant
le poh du côté du pouce droit. On voit
auffi qu'il ne frappe jamais fur la dent , qu'il
l'eroit en danger de cafîer, mais bien con-
tre le fil , qui forme ainii les féparations de
la denture. Ce fil , au moyen de la poix
dont il eft enduit, & d'un coup de batte ,
fe tient comme collé fur les jumelles. On
concevra lans doute que les dents font plus
longues qu'il ne faut , puifqu'il faut que l'ou-
vrier les tienne par le bout en dehors des
jumelles de Ion côté ; elles paffent de mê-
me inégalement de l'autre côté , cela com-
me elles fe trouvent , ou que l'ouvrier ap-
perçoitun défaut à l'un ou à l'autre bout ;
car il faut que ces dents n'en aient aucun :
il ne lui efl pas poflible d'en employer de
trop courtes , puifqu'clles ne pourroient être
arrêtées par le fil ; on voit la nécelfité de
l'égalité de ce fil , puifque s'il devenoit plus
gros ou plus fin , la denture feroit déran-
gée , dérangement, qui peut avoir encore
plufieurs autres caufes ; d'abord par la dif-
férente groffeur des fils, par la difierente
épaifïeur des dents , ou par la différente pref-
fion des coups de batte. L'ouvrier a plu-
fieurs mo)^ens pour s'appercevoir fi fon éga-
hté eft toujours la même : premièrement , il
forme lui-même fes fils avec toute la juflcfîè
qu'il fait leur être nécelfaire ; il s'apperce-
vroit de l'inégalité de l'épaifîeur àts dents ,
en en mettant une certaine quantité qu'il
fait devoir être contenue dans l'eipace du
compartiffoir. A l'égard des coups de batte,
la grande habitude de fufage réglant fa force.
7» P E I
'A parvient à les donner toujours e'gaux ; s'il
s'apperçoit que quelque dent gauchilîe , il
y remeJie avec un petit inftrument de fer
plat appelle retroujfoir , qu'il introduit da;.s
le peigne , pour redrefler ce défaut. Toutes
les dents qui compoient le peigne étant ainfi
polet-s , il termine le tout comme quand il
a commencé. Ilcoupe les jumelles avec une
petire Icie à main devant les pièces de fer ,
c'eft-à-dire , dans le dedans. Il a tté dit
qu'il falloir que les jumelles fufTnt plus lon-
gues que les peignes que l'on veut taire
avec; voici pourquoi: lî on ne donnoit que
Ja longueur jurte à ces jumelles , il ne iè
trouveroit pasaiîez de chalîê pour le jeu de
la batte , ou pour l'introdudion des dents ;
l'excédant donne cette place néceflaire. Le
peigne en cet état , & debarrafle de Tes
liens, eu brut; on commence par le débrutir,
par couper avec la ferpette tous les bouts
des dents qui fortent des jumelles ; on les
coupe à l'uni du fil , prenant garde de ne
point couper ce fil avec ; enfuite les dents
fe trouvant toujours un peu raboteufes &
inégales entr'elles , il faut les unir toutes ,
CQ qui fe fait avec l'inflrument appelle cou-
teau à ratir. On pofe le tranchant de cet
outil à plat iiirla denture , en l'amenant à
foi jufqu'auprès du fil , puis on coupe les
bavures à fleur de ce fil ; ce qui étant fait
haut & bas , devant & derrière , avec un
jautre petit inftr.ument tranchant appelle évi-
doir , qu'on introduit entre chaque dent ,
aufli haut & bas , devant & derrière , on
«barbe tout ce qui peut erre refié aux bords
de chaque dent ; enfin , il n'y doit rien refter
defuperflu; après quoi on le polit ; puis
■l'on couvre Je fil dont on a tant parlé, avec
de petites bandes de papier blanc collées ,
qui s'y appliquent en tournant depuis une
Superficie des dents juljqu'à l'autre; & le voilà
enfin finL J'ai dit , en commençant , qu'il
y avoit de bien des fortes àe peignes , je vais
€n dérailler quelques-unes pour en donner
«ne idée: premièrement, pour le ruban ils
font petits & extrêmement fins ; d'autres ,
plus longs & d'une denture plus groflê, font
pour le galon , la grandeur & grolTcur va-
riant fuLvant les difFérens ouvrages qui y
feront pofés : il y en a cfe deux en deux ;
(ZG, qui fe fait au moyen de ce qu'après avoir
^lacé deux denjs comn?e à l'ordinaire , on
P E î
! fait plufieurs -tours de fil à Tentour êies ju^
melles , avant d'y en placer deux autres , &
cela fe continue de même ; ceux-ci lont
pour la chenille ; enfin , on en fait jufqu'à
6 pies de long & davantage , & qui con-
tiennent jufqu'à II ou 12 cents dents; ceux-
ci font pour les ferandiniers & tiflerands ,
qui les appellent rots.
Peigne, inilrument du métier d* étoffes
de foie. Le peigne eft un petit cadre de
deux pouces & demi de hauteur, fur la lon-
gueur dont on veut la largeur de l'étoffe;
il eu. garni de petites dents qui font faites
en acier bien poli , ou de la pellicule du
rofeau : les baguettes qui forment le cadre
dans la hauteur du peigne , font liées avec
un fil pour tenir les dents en raifon.
Le trai^ail des peignes pour la manufac^
ture d'étoffes d'or , d'argent & de foie. La
façon dont les peignes font faits étant (uf-
fifamment démontrée dans l'article de puC-
iementerie , on ne donnera l'explicatioa
que de ceux qui font faits avec du fil de fer »
lefquels font appelles communément peignes
d'acier.
Pour fabriquer les peignes de cette efpe-
ce , on choifit du fil de ter proportionné à
la largeur as la dent qui convient, & à fon
épaiffeur , le nombre des dents de peigne
pour les étoffes étant depuis douze & demie
jufqu'à trente de compte , ce qui fignific
depuis 5PO dents jufqu'à i2co, dans une
même largeur de 20 pouces environ. Il ell
évident que plus un peigne ell fourni de
j dents, plus elles doivent être minces &
étroites , conféquemment que le fil de fer
j doit être proportionné. On pafîe ce fil de
fer fous la meule, c'eff-à- dire , entre deux
I rouleaux d'acier femblables à ceux qui l^r-
vent à battre ou écacher l'or & l'argent.
Quand le fil de fer ell applati jufqu'au point
convenable, on le pafle dans une filière de
mefure pour la dent qu'on defire , qui ne
lui laifîè que fa largeur & Ion épaiffeur ,
après quoi on coupe le fil de fer de la lon-
gueur, de 9 pouces ou de trois dents; on
met ces parties dans un fac de peau , avec
de l'émeri&de l'huile d'olive; enfuite oa
le roule fur une grande table , où elles (è
poIiiTcnt. L'opération finie , on coupe ces
parties à trois pouces de longueur , & on
monte le peigne de la même façop quç
cevhc dont les dents font de rofeau. Mais
comme les peignes de cette efpece feroient
éternels , pour ainfi dire , s'ils ne man-
quoient pas par le lien , qui n'eft qu'une
quantité de fils poiiTés , plus ou moins gref-
fe , félon la largeur ou le reflerrement qu'il
faut donner à la dent, les Anglois ont
trouvé le fecret de les faire aufll \ui\es , fans
(è fervir de liens ni de jumelles , qui font
des baguettes entre lefquelles les dents
font arrêtées avec le fil. Cette façon de
monter les peignes eu d'autant plus fingu-
liere , qu'ils en ont encore plus d'égalité ,
le défaut ordinaire des peignes d'acier étant
de n'avoir pas les dents rangées auffi , éga-
lement que l'étoffe l'exigeroit, foit par le dé-
faut de l'inégalité du fil , foit par celui qui le
fait ,.qui ne frappe pas avec la même juflefîe.
Quand les Anglois veulent monter un
peigne , de quelque compte qu'on le defire,
ils ont foin d'avoir autant de dents de re-
fente que de dents ordinaires pour ït peigne y
toutes du même calibre : on donne le nom
de dents de refente à celles qui n'ont que
deux pouces de longueur ; & celui de dents
ordinaires y à celles qui en ont trois y
parce que les deux jumelles en retiennent
ordinairement un demi-pouce de chaque
côté. Sur une bande de fer polie de deux
pouces moins deux ou trois lignes de large ,
& de longueur de deux pies , plus ou moins ,
ils commencent à pofer de champ une dent
ordinaire & une dent de refente , & con-
tinuent alternativement, jufqu'à- ce que le
nombre de dents que le peigne doit avoir
foit complet, ayant foin de laiffer un demi-
pouce de chaque» côté entre les dents ordi-
naires pour celles de refente. Le nombre
de dents complet , on le reiîerre avec une
ris y jufqu'au point de jauge ordonné pour
P Ë I 7^
la largeur des étoffes , qui ordinairement efl
de 20 pouces pour celles qui font des plus
riches & des plus en ufage.
Les dents étant bien arrêtées, ils bor-
dent un côté avec de la terre battue , de
façon qu'ils puifîènt jeter une compofifion
d'étain & de cuivre à un demi-pouce d'é-
lévation , & arrêter toutes les dents ordi-
naires qui le trouvent prifes dans la matière.
Ce côté fini, ils font la même opération
de l'autre , après quoi ils lâchent la vis, qui
donne la hberté aux dents de refente de
tomber, & de laifîèrunvuide de la largeur
de leur cahbre ; & enfuite ils polilfent, &
unifTent ou égalifent des deux côtés la com-
pofition , qui , par la façon dont on vient
d'expliquer , ne retient que les dents dont la
longueur étoit fupérieure à celles de refente.
Il n'eft paspoflible de taire des peignes plus-
juftes , & s'il fe trouvoit quelques défauts
dans ceux-ci , ce ne feroit que dans le cas
où la dent de refente ne feroit pas de cali--
bre ; ee qui ne fauroit arriver. Avant cette
dernière façon de faire les peignes ]uÛqs y
il arrivoit que l'inégalité des dents cau-
foit un défaut effentiel dans l'étofîè fabri--
quée , fur-tout dans l'unie, en ce que l'é--
tOife fabriquée rayoit dans fa longueur ; ce
quinefe rencontroitpas dans Ic'peigne de-
canne ou rofeau travaillé de même , atten--
du que dans ce dernier , la flexibilité de la
dent fe trouve rangée par l'extenfion du
fil de la chaîne ; au lieu que la roideur de
cette même dent dans le premier, rangeant
les fils avec la même- inégahté qui lui efl;
commune , il s'enfuit un défaut irréparable ; .
de façon qu'il convient beaucoup mieux,,
pour la perfedion de Tétofle , que la chaîne '
range la dent du ;?f/g-/2e, que fi cette, même-
dent xangç la chaîoç..
$9
P E I
P E I
Compofition.
Partie occupée par la compolîtion , repréfentant les jutcellei «lui
arrêtent les dents ordinaires.
O
-!?•
^
Bande de fer fur laquelle font montés
les peignes.
m.
n
-%
o
c
Cotnpofition»
Le» dents de refente ne doivent point toucher la compofirion ,
afin d'avoir la liberté de tomber , ^uand les dents ordinaire*
font arrêtée*.
Peigne de Vénus .fcandix^ {Bot.)
genre de plante à fleur en rofe & en om-
belle , compofée de plulieurs pétales difpo-
fés en rond , & foutenue par un calice , qui
devient dans la fuite un fruit compofé de
deux parties qui reffemblent chacune à une
aiguille , & qui renferment une femence.
Tournefort, Infi. reiherb. Voy. PLANTE.
Peigne , en terme de Cornetier y fè dit
d'un uftenfile de toilette, dontl'ufageeftde
faire tomber la poudre de la tête , & de
démêler les cheveux. Il y en a encore de
buis & d'os , dont perfonne n'ignore l'u-
fage. Les peignes fe font d'un morceau de
galin taillé de la largeur , grolîèur & épaif-
feur qu'on veut leur donner.Quand ces mor-
ceaux font drefles , on les place fur l'âne où
on fait les dents. Voye^ DRESSER& Ane.
Peigne , parmi les ouvriers qui travail-
lent de la navette , eft une forte de chafïis
long & étroit , divifé en une grande quan-
tité de petites ouvertures. Ces ouvertures
font formées par de menus fîls d'archal ,
ou par de petites lames de rofeau fort
minces , attachées h égale diftance , & fort
près les unes des autres, entre deux efpeces
de tringles de bois , appellées les jumelles
du rot.
Ces petits efpaces ou ouvertures que
forme la diiîance àts fils de fer ou lames
de rofeau , font appellées les dents ou bro^
ches du peigne j c'eft dans ces ouvertures
que les tifferands & autres ouvriers qui (è
lervent de ce peigne , font pafler les fils
qui compofent la chaîne des toiles , &c. &
autres ouvrages de navette.
Les deux grolTcs dents ou morceaux de
bois qui font placées aux deux extrémités du
peigne , font appellées les gardes.
Le peigne efl enchâfle dans le bas de la
partie mobile du métier , appelle la chaJPe
on le battant \ ^W ào'n hrt aufli long que
la toile qu'on veut fabriquer doit avoir de
i largeur, h^ peigne cfl aufli appelle un rot^ à
caufe
■P El
caufe de ces petits morceaux de fofeaii dont
ils font compofés pour l'ordinaire. F^oyei
Chasse.
Peigne d'une futaille. Les tonneliers
nomment ainfi l'extrémité des douves , à
commencer depuis le jable. On dit, remet-
tre un peigne à une pièce de vin , c'eft-à-
dire, enter une alonge à une douve qui s'eft
rompue à l'endroit du jable.
Peigne , préparer un ( Tabletier-pei-
gnier. ) Ce terme , préparer un peigne , figni-
fie amorcer les dents avec le carrelet ^ c'eft-
à-dire , faire fur \e peigne , après qu'il eft mis
en façon , la première ouverture de chaque
dent, pour enfuite les achever avec l'eftadiou.
Peigne eft un inftrument de Vèrgetier ,
dont \qs dents de fer font montées à quel-
que diftance les unes des autres fur un fût
de bois. H fert à démêler les foies , le chien-
dent , &c.
PEIGNER, v. zai.[Gramm.) c'eft en
général démêler avec le peigne. Voye^^
l'article PeignE & les articles fuivans.
Peigner le chanvre , terme de corde-
rie , qui fignifie achever de nettoyer &
affiner le chanvre en le paiTant fur les pei-
gnes j c'eft la dernière façon qu'on donne
au chanvre avant que de le filer. Voici
comment fe fait cette préparation. Le
peigneur prend une poignée de chanvre
par le milieu de fà longueur , & fait faire
au petit bout de cette poignée un ou deux
tours autour de fa main droite , de ibrte
que Ïqs pattes & un tiers de la longueur
pendent en-bas ; alors il ferre fortement la
main , & faifant décrire aux pattes du
chanvre une ligne circulaire , il les fait
tomber 'avec force fur les dents du peigne
à dégroflir , & il tire à lui ^ ce qu'il répète
en engageant le chanvre de plus en plus
dans les dents du peigne , jufqu'à ce que fès
mains foient prêtes à toucher aux dents.
Par cette opération , le chanvre (è net-
toie des chenevottes & de la pouffiere ;,
il fe démêle , fe refend , s'affine j & celui
qui étoit bouchoniié ou rompu , refte dans
le peigne , de même qu'une partie des pat-
tes : je dis une partie , car il en refteroit
encore beaucoup , fi l'on n'avoit foin de
le moucher. Voyei MouCHER*/e chanvre.
Le peigneur donne enfuite , au côté de
la pointe qui étoit entortillée autour de
Tome XXr,
P E I ti
là ttîaîn , la tnême préparation qu*il a don-
née à la tête>.
Ce n'eft point affez que le peigneur ait
préparé la tête & la queue du chanvre ,
il doit avoir grand foin que le milieu foit
bien peigné pareillement.
A mefure que le peigneur a préparé des
poignées de premier & de fécond brin ,
il les met à côté de lui , & un autre
ouvrier les prend , les engage peu à peu
dans les dents du grand peigne deftiné à
faire les peignons ^ cet ouvrier a foin dé
mêler le court avec le long , & d'en raf-
fembler fuffifamment pour faire un pei-
gnon. Voye[ l'article CORDERIE.
Peigner, Ajuster, {Jardinage) fe
dit d'un œillet qui eft épanoui ^ quand il ne
retourne pas bien fes feuilles , & qu'elles
ne ibnt pas bien arrangées , on les met alors
dans leur vraie place av'cc \qs doigts bieà
nets & fans fueur.
Peigner la laine , ( Manuf. de lai-
nage ) c'eft la tirer , ou la faire pafler à travers
les dents d\me eipece de grande carde , que
l'on nomme peigne , pour la difpofer à être
filée. Lorfque la laine a paflé par le peigne^
& qu'elle a été peignée , on l'appelle laine
ejîaim ; & quand elle a été filée après avoir
été peignée , on lui donne le nom de fil
d'efiaim. {D. J.)
Peigner , en terme de Vtrgetiers , eft
une opération par laquelle ils démêlent ^
à l'aide d'un peigne , les foies , le chiendent
& la bruyère , & en ôtent tous \e% petits
brins qui font inutiles dans leurs ouvrages.
PEIGNIÉR , f. m. ( Arts Méchaniq, ) ou-
vrier qui fait des peignes. Lespeigniers fout
une communauté dans la ville de Paris.
Ils font qualifiés par leurs ftatuts maî-
tres peigniers , tabletiers j tourneurs &
tailleurs d'im.ages.
Ces ftatuts furent donnés , ou plutôt re-
nouvelles en 1507 , confirmés par Henri III
en 1578 , par Henri IV en i(5ôo , & en-
fin par Louis XlVen 169 r*
Suivant ces ftatuts , un maître ne peut
avoir qu'un apprenti à là fois , à moins
que ce ne foit un fils de maître j auquel
cas il peut en avoir deux.
L'apprentiflage eft de fix ans.
Le fils de maître n'eft point tenu de
faire chef-d'œuvre , ni même une expérience
pour être reçu maître ^ il n'a befoîn que au
témoignage des jurés. Tout autre afpiraut
»il tenu ?.u chef- d'ceuvre.
L'apprenti étranger , c'eft-à-dire , q«i
a fait fou apprentilTage dans quelqu'autre
ville du royaume où il y a maîtrife , doit ,
pour être reçu maître à Paris , juftifier de
fon apprentiffage , & avoir fervi encore
trois ans chez les maîtres.
Enfin, cette communauté eft régie par des
jurés , dont l'éleâion & les vifites fe font
de même que dans les autres communautés.
PEIGNEUR, f. m. terme de corderie ,
ouvrier qui nettoie & affine le cjianvre , en
le palî'ant par les peignes. Un hou peigneur
peut préparer jurqu'à quatre-vingts livres de
filaife par jour.
PEIGNOIR, f. m. {Lingerk.) efpece
de manteau de toile blanche & fine en ba-
tifte ou mouffeline , que les femmes met-
tent fur leurs épaules le matin , lorfqu'elles
font en deshabillé & qu'oii les peigne ^
quelquefois ces peignoirs font ornés de
dentelles. ( D, J. }
PEIGNON , f. m. ou CEINTURE ,
terme de corderie ; c'eft un paquet de chan-
vre affiné , & fuffifamment gros pour faire
un fil de la longueur de la filerie , & que
îes fileurs prennent autour d'eux , ou qu'ils
attachent à une quenouille.
Un peignan doit pefer à -peu-près une
livre & demie ou deux livres , fi c'eft du
premier brin ^ & deux livres & demie ou
trois livres , fi c'eft du fécond brin. Cette
différence vient de ce que le fil fait avec
le fécond brin , eft toujours pfus gros que
celui qui eft fait avec le premier brin de
chanvre \ & qu'outre cela , il y a plus de
déchet quand on file le fécond, que quand
on file le premier brin. Voy.e[ ïahich de la
Corderie.
PEIGNONS , terme de lainage , fortes
de laines d'une très-mauvaife qualité , qui
ne fout proprement que les. rébus , ou plu-
tôt ce qui refte des laines qui ont été pei-
gnées avant que d'être filées , pour faire la
chaîne de certaines fortes d'étoffés. (D. 7. )
PEILLES, f. f. terme de papeterie ; c'eft
an des noms qu'on donne aux vieux chif-
fons de toile de lin & de chanvre , qu'on
.emploie à la fabrique du papier. Voyei^
Papier.
P E ï
PEILLIER , f. m. celui qui famaffé
dans les rues des peilles ou chiffons : on
le nomme plus ordinairement chiffonnier,
Koyei Chiffonnier.
Pf.INA , ( Géogr. mod, ) en latin dn
moyen âge Poynum cafirum , petite ville
d'Allemagne , au cercle de la Baffe-Saxe ,
dans l'évêché de Hildesheim. Il s'y donna
une bataille fanglante en 1553 ? entre l'é-
leâeur Maurice de Saxe , qui y fut tué , &
le Margrave de Brandebourg. Elle eft fur
le ruiffeau de Fufe , à trois milles de Brunf^
wik. Zo/7^. 28 , i6^/û/. 57, 17. (£)./.)
PEINDRE , V. aa. & neut. c'eft appli-
quer des couleurs fur une fuperficic plate ,
de façon qu'elles repréfenîent un objet quel
qu il ioit.
Feindre , fignifie quelquefois fimplement
embellir de divers ornemens une<chambre ,
un cabinet , une galerie, dv. J'ai hit pein-
dre mon cabinet, ma chambre, ma galerie.
Peindre fè dit encore , mais im.propre-
meiit , des gros ouvrages Concernant les
bâtimens. II faut peindre ce lambris , ce
berceau, cette baluftrade de fer, pour em-
pêcher qu'elle ne fe rouille : il faudroit dire
barbouiller^
On dit , je me fais peindre , pour expri-
mer qu'on fait faire fbn portrait. J'apprends
à peindre ; je veux peindre cette ombre ',
il a une belle tête -k peindre y c'eft-à-dire,
a un beau caradere de tête , le vifage d'ua
beau coloris.
Voyei fur les diverfes manières de pein.-
dre l'article PEINTURE.
PEINE , f. L ( Gramm,) on donne en
général ce nom à toute feniàtion , de queir
que efpece qu'elle foit , qui nous rend no^
tre exiftence défagréable : il y a des peines
de corps & des peines d'eiprit. Le dernier
degré de la peine , c'eft de réfigner fincére-
mentl'ctrefbulïrantàlapertedelaviecomme
à un bonheur. Y a-t-il plus dépeints que de
plaifirs dans la vie ? C'eft une queftion qui
n'eft pas encore décidée. On compte toutes
les peines; msls combien de plaifirs qu'où
ne met point en calcul ?
Peine, {Droit naturel , civil & poli-
tique. ) On définit la peine un mal dont le
Souverain "menace ceux de fes fujets qui
feroient dil|)ofés à violer les loix , & qu'il
leur inflige aduellement et dans une jufte
P E I
proportion, lorsqu'ils les violent, indépen-
damment de la réparation du dommage ,
dans la vue de quelque bien à venir , ôc en
dernier reiTort , pour la fureté 6c la tran-
quillité de la fociété.
Nous difoiis , i'*. que \^ peine eft un mal ,
& ce mal peut être de différente nature ,
ièlon qu'il affeâ:e la vie , le corps , l'eftime ,
ou les biens : ce mal peut confiller dans
quelque travail pénible , ou bien à fouftnr
quelque chofe de fâcheux.
Nous ajoutons , en fécond lieu , que c'eftle
Souverain qui dilpenfe les peines ; non que
toute peine en général fuppofe la fouverai-
neté , mais parce que nous traitons ici du
droit de punir dans la fociété civile , &
comme étant une branche du pouvoir fou-
verain. C'eft donc le fouverain feul qui
peut infliger des peines dans la fociété ci-
vile , & les particuliers ne fauroient fe faire
juftice à eux-mêmes , fans fè rendre coupa-
feles d'un attentat contre les droits du fouve-
rauî.
Nous
difons , en troifieme
&c.
lieu ,
les
doni
pre-
ie fouverain , àcc. pour marquer
mieres intentions du fouverain. 11 menace
d'abord , puis il punit , fi la menace n'efè
pas fuffifante pour empêcher le crime. Il
paroît encore de-là , que la peine fuppofe
toujours le crime , & que par conféquent
on ne doit pas mettre au rang àes^peines
proprement ainfi nommées , tous les maux
auxquels les hommes fe trouvent expofés ,
fans avoir commis antécédemment quelque
crime.
Nous ajoutons , 4°. que la peine efl infli-
gée , indépendamment de la réparation du
dommage , pour faire voir que ce font
deux chofes très-diftinftes , 8; qu'il ne faut
pas confondre. Tout crime emporte avec
foi deux obligations ^ la première , de ré-
parer le tort que l'on a fait ^ la féconde ,
de foufFrir la peine; & le délinquant doit
p E I S3
fbn droit;, enfbrte qu'on lui fait tort , fî Von
empêche qu'elle obtienne la fàtisfadion qui
lui eil du.e.
5°. Enfin , en difant que la peine eji
infligée dans la vue de quelque bien , nous
indiquons par-là le but que le fouverain
•doit fe propolèr dans l'infliâiion des peines j
& c'eft ce que nous expliquerons plus par-
ticulièrement dans la fuite. Nous obferve-
rons auparavant , que les peines font , ou
civiles , ou criminelles : les premières font
pécuniaires j on en eft quitte en payant une
certaine fomme convenue ou réglée par les
ufages. Les criminelles font légales 5 mais
avec cette différence , que les unes font ca-
pitales , & les autres ne le font pas. On
appelle peines capitales , celles qui empor-
tent la perte de la vie , ou la privation des
droits civils , qu'on appelle mon civile. Les
peines qui notent d'infamie , ou qui privent
d'une partie du bien que l'on a, ne font point
réputées peines capitales dans le fèns prepre
de ce terme.
Le fouverain , comme tel , eft non feule-
ment en droit , mais encore il eftjgpbligé
de punir le crnne. L'ufage des peines , bien
loin d'avoir quelque chofe de contraire à
l'équité , eft abfoïument néceffaire au repos
public. Le pouvoir fouverain fèroit inutile ,
s'il n'étoit revêtu du droit , & armé de
forces fufîîfantes pour intimider les méchans
par la crainte de quelque mal , &: pour le
leur faire fouffrir aéluellement , lorfqu'ils
troublent la fociété par leurs défordres '-, il
falloit même que ce pouvoir pût aller jufqu'à
faire fouffrir le plus grand de tous les maux
naturels , je veux dire la mort , pour répri-
mer avec efficace l'audace la plus détermi-
née , &; balancer ainfi les différens degrés
d&Ia malice humaine par un contre-poids
affez puiffant.
Tel eft le droit du fouverain : mais fî
le fouverain a droit de punir , il faut que
fatisfaire à l'une & à l'autre. Il faut encore ] le coupable foit dans quelque obligation à
remarquer là-deffus , que le droit de punir
dans la fociété civile paffe au magiftrat ,
qui en conféquence peut , s'il l'eftime con-
venable , faire grâce au coupable : mais il
n'en eft pas de même du droit d'exiger la
fàtisfaétion ou la réparation du dommage ^
ïe magiftrat ne fauroit en difpenfer l'offen-
jfeur, &laperfoniic léfée conferve toujours
cet égard j car on ne fauroit concevoir de
droit fans une obligation qui y réponde. En
quoi confifte cette obligation du coupable ?
Eft-il oblige d'aller fe dénoncer lui-même de
gaieté de cœur, & s'expofèr ainfi volontai-
rement à fùbir lapeine ? Je réponds que cela
n'eft pas néceflaire pour le but qu'on s'efè
propofé dans l'ctablifieinent des peines , &
L i
«4 P E î
qu'on ne- fàuroit raifonnablèment exiger de
l'homme qu'il fe trahiffe aiiifi lui-même ^
cependant, cela n'empéclie pas qu'il n'y ait
ici quelque obligation.
i". Il elt certain que lorfqu'il s'agit d'une
fimple peine pécuniaire , à laquelle on a été
légitimement condamné , on doit la payer
iàns attendre que le magiftrat nous y force ,
non feulement la prudeiiee l'exige de nous ,
mais encore les règles de la juftice , qui
veulent que l'on répare le dommage , &
qu'on obéiife à un juge légitime.
2°. II y a plus de difficulté pour ce qui
regarde les peines affli<5tives ^ & fur- tout
celles qui s'étendent au dernier fupplice.
L'inftiiiél naturel qui attache l'homme à la
vie , & lefentiment qui le porte à fuir l'in-
famie , ne permettent pas que l'on mette un
criminel dans l'obligation de s'accufèr lui-
même volontaireinetit , & de le préfenter au
fupplice de gaieté de cœur 5 auffi le bien
public , & les droits de celui qui a en main
la puilFance du glaive,, ne le demandent
pas.
3°.^'eft par une conféqucnce du même
principe , qu'un criminel peut*innocemment
chercherfonfalut'dans la fuite, & qu'il n'eft
pas précifément tenu de relier dans la pri-
lon , s'il s'apperçoit que hs portes, en font
ouvertes, ou qu'il peut les forcer aiiement^
inais- il ne lui feroit pas permis de chercjier
à fe procurer la liberté par quelque nouveau
crime ,^ comme en égorgeant Ces gardes, ou
en tuant ceux qui font envoyés pour fe faiiir
de lui.
4°. Mais enfiji , fi l'on: fiippofe que le
criminel eft connu , qu'il a été pris,, qu'il
n'a pu s'évader de la prifon , & qu'après
un mûr examen , il fe trouve convaincu
du. crime , & condamné en conféquence
à en fubir H peine ; alors U eft obligé de
fubir cette peine , de recoiinoître que c.'eft
avec juftice qu'il y eft condamné , qu'on
ne lui fait en cela aucun torr, & qu'il ne
làuroit raifonnablement fe plaindre que de
lui-même : beaucoup moins encore pour-
roit-il avoir recours aux voies de fait pour
iè fouftraire à fou fupplice ^ & s'oppofer
au magiftrat dans l'exercice de ion droit.
Voilà en quoi çonfifte proprement l'obliga-
tion d'un criminel à l'égard de la peine :
voyons à préfeut plus païticuUére;neflt ^uel
P E î
but le Ibuverain doit fe propofër en infîî-.
géant les peines.
En général , il eft certain que le fou-
verain ne doit jamais punir qu'en vue de;
quelque utilité. Faire fouffrir quelque mal à
quelqu'un , feulem.eut parce qu'il en a fait
lui-même , & ne faire attention qu'au palîé,
c'eft une pure cruauté condamnée par la
raifon •■, car enfin , il eft impoffibie d'empê-
cher que le mal qui as été fjiit n'ait- été faito.
En un mot , la ibuveraineté eft fondée en
dernier reifort fur une puiflance bienfai-.
faute j d'où il refaite que lors même que-
le fouverain fait ufage du droit du glaive ^
il doit toujours- fe propolèr quelque avanta-
ge , quelque bien à venir, conformément à-
ce qu'exigent, de^ lui les fpndemens de foii^
autorité.
Le principal & dernier- but des^ peines. ^,
eft la fureté & la. tranquillité de la fociété y
mais comme ilpeuty avoir difFéreus moyens
de parvenir à. ce but ,. fuivant les circonf-.
tances. différentes ,. le fouverain fe propofo
aufli ,. en infligeant les peines , différentes-
vues particulières & fubalternes , qui fout'
toutes, fiibordounées ^ but principal dont!
nous venons de parler ,, & qui s'y portent,
toutes en dernier refîbrt.Tout cela s'accorde,
avec la remarque de Grotius. « Dans les pu-
)) nitions , dit-il , on a en vue , ou le biea-
» duxoupable même , ou l'avantage de ce-
.)) lui qui avoit intérêt que le crim.e ne fût
» pas commis ,, ou. l'utilité, de, tous géné--
« ralement. »•
Ainfi, le fouverain le propofè quelquefois
de corriger le coupable , & de lui faire
;perdre l'.envie de retomber dans le crime ,.
'en guériffant le mal par fon contraire , & en.
ôtant au crime la douceur qui fert d'attrait
au vice ypariTamertume de la douleur. Cette,
punition , fi le coupable en profite , tourne,
■par c.ela:même à l'utilité publique : que s'il
pejfévere dans le crime,, le fouverain a re-
cours, à des .re.me.des plus, vjolens , & même
;à.la mort.
; Quelquefois le /ouverain le propoiê
.d'ô^ter aux coupables les moyens de com-.
i mettre de nouveaux crimes , comme en
leur enlevant les armes dont ils pourroient.
feièrvir , en les enfermant dans une pri-
fon , en les chaffant du pays , ou même en
le» tnetta»î à mort. Xi pourvoit ew msjiii^
P E I
temps à laiïireté publique, non feulement
de la part des criminels eux-mêmes, mais
encore à l'égard de ceux qui feroient por-
tés à les imiter , en les intimidant par ces
exemples ; aufTi rien n'eft plus convenable
au but des peines , que de les infliger publi-
quement , & avec l'appareil le plus propre
à faire imprclfion iiir l'elprit du commun
peuple.
Toutes ces fins particulières des peines
doivent donc toujours être fubordonnées
& rapportées à la fin principale &: derniè-
re , qui eft la fureté publique , & le Sou-
verain doit mettre en ufage les unes ou les
autres , comme des moyens de parvenir au
but principal ^ enforte qu'il ne doit avoir
recours aux peines rigoureufes , que lorfque
celles qui font moindres font infuffifautes
pour procurer la tranquillité publique..
On demande fi toutes les avions con-
traires aux loix peuvent être légitimement
punies. Réponfe» Le but même des peines ,
&.la conftitution de la nature humaine ,
font voir qu'il peut y avoir des actes vi-
cieux eu eux-mêmes , qu'il n'eft pourtant
pas convenable de punir dans les. tribunaux,
humains.
Et I*. les aftas purement intérieurs ^les
fimples penfées qui ne fe manifeftent par
aucun adie extérieur préjudiciable à la fo-
ciété j par exemple , l'idée agréable qu'on
£e fait d'une mauvaife adiion , les defirs de
la commettre , le deflein que l'on en forme
fens en venir à l'exécution , «Sic. tout cela
«'eft point fujet auxpeifiss humaines , quand
inême il arriveroit enfuite ,.par hazard , que
les hom.mes en auroient connoiiîànce,..
Il faut pourtant faire là-delfus deux ou
trois remarques : la première eft, que û
ces fortes d'aâ:es vicieux ne. font pas fujets
aux peines .hummv£3 , c'eft parce que la
fbibiefle humaine ne permet pas, pour le
bien même de la fociété , que l'on traite
llhomme à toute rigueur : il faut avoir un
jufte fupport pour l'humanité dansJes cho-
ies qui , quoique mauvaifes en elles-mê-
mes , n'intéreilent pas confidérablement
l'ordre & la tranquillité publique. La fé-
conde remarque ,. c'eft que quoique les
aéies purement intérieurs ne foient pas alfu-
jettis aux peines civiles , il n'en faut pas
tmçlix^ pour, «la que ces adies ne. foieat
P E t Sf
pas fournis à la direâ:ion des loix civiles»
hnfin , il eft inconteftable que les loix na-
turelles de la religion condamnent formel-
lement ces fortes d'adions.
1^. Il feroit très-rigoureux de punir les
fautes légères que la fragilité de la nature
humaine ne permet pas d'éviter , quelque
attention que l'on ait à fon devoir ^ c'eft
encore là une fuite de cette tolérance que
l'on doit à l'humanité.
3°. Il faut nécclfairement laifTer impunis-
les vices communs ^ qui font une fuite de
la corruption générale, comme l'ambition ^
l'avarice , l'ingratitude , l'hypocrifie , l'en-
vie , l'orgueil , la colère , &c. car un fou-
verain qui voudroit punir rigoureufement
tous ces vice5 & autres fembiables, feroit.
réduit à régner dans un défert j il faut fè
contenter de punir ces vices qua'nd ils por-
tent les hommes à des excès éclatans.
Il n'eft pas nécefî'aire de punir toujours
les crimes d'ailleurs puniifables j il y a des,
cas où le Souverain peut faire grâce , &,
c'eft de quoi il faut juger, par le but "même,
des peines.
Le bien public eft le grand but Azs peines : ■
fi donc il y a des circouftances où en fai-
fant grâce on procure autant , ou plus d'uti-
lité qu'en puniflant , alors rien n'oblige
précifément à punir ,. & le Souverain doit,
'tïfcr de clémence. Ainfi, fi le crime eft ca-
ché,, qu'il ne foit connu que de très-peu
de. gens , il n'eft pas toujours nécefTaire ,
quelquefois même il feroit dangereux de le
publier en le punifîànt ; car plulieurs s'abf^
tiennent de faire du mal , .plutôt par l'igno-
rance du vice ,. que par la connoiflânce &
lamour delà vertu. Cicéron remarque, fiir
ce que Solon n'avoit point fait de loix fur
le parricide.,, que l'on a regarda ce filence
du légiflateur comme, un grand trait de
prudence, eu ce qu'il ne défendit point
une chofe dont on, n'avoit point encore vu
d'exemple , . de peiu* que , . s'il en parloit , il
ne femblât avoir, defléin d'en faire prendre
euvie , plutôt que d'en détourner ceux à
qui il donnoit des loix. .
On peut confidérer lés fèrvices perfbn-
nels que le coupable a rendus à l'état , ou
quelqu'un de fa famille , & s'il peut encore
aduellement lui être d'une grande utilité ;
ejiforte. c^ue VbT'^xeffiQR que feroit la^vu^
§^ P E I
de fan fupplice , ne produiroit pas autant
de bien qu'il ell capable lui-même d'en faire.
Si l'on eft fur mer , & que le pilote ait
com.mis quelque crime , & qu'il n'y ait
d'ailleurs fur le vailTeau aucune perfbnne
capable de le conduire , ce ferait vouloir
perdre tous ceux du vaiiFeau que de le
punir. On peut auflî appliquer cet exemple
à un général d'armée.
Enfin , l'utilité publique , qui eft la me-
fure des peines , demande quelquefois que
l'on fafTe grâce , à caufè du grand nombre
des coupables. La prudence du gouverne-
ment veut que l'on prenne garde de ne pas
exercer d'une manière qui détruife l'état ,
la juftice qui eft établie pour la conferva-
tion de la fociéîé.
Il y a beaucoup d'autres conlîdérations
à faire fur les peines ; mais comme le dé-
tail en ièroit très-long , je me contente-
rai de terminer cet article par quelques-
unes des principales réflexions de l'auteur
de ÏEfprit des Loir fur cette importante
matière.
La févérité des peines eft , dit-îl , toute
entière du génie du gouvernement defpo-
tique , dont le principe eft la terreur ^ mais
dans les monarchies , dans les républiques ,
dans les états modérés , l'honneur , la
vertu , l'amour de la «patrie , la honte &
la crainte du blâme , font des motifs répri-
mans qui peuvent arrêter bien des crimes.
Dans ces états , un bon légillateur s'atta-
chera moins à punir les fautes, qu'à les pré-
venir ^ il s'appliquera plus à donner des
mœurs , qu'à infliger des fuppliccs. Dans
les gouvernemens modérés , tout , pour
un bon légillateur , peut fervir à former
des peines. N'eft-il pas bien extraordi-
naire qu'à Sparte , une des principales
fût de ne pouvoir prêter fa femme à un
autre , ni recevoir celle d'un autre ^ de
n'être jamais dans là maifon qu'avec des
vierges ? En un mot , tout ce que la loi
appelle une peine , eft effeftivement une
peine.
Il feroit aifé de prouver que dans tous ,
ou prefque tous les états d'Europe , les
peines ont diminué ou augmenté à mefure
que l'on s'eft rapproché ou éloigné de la
liberté. Le peuple romain avoit de la pro-
bité j cette probité eut tant de force , (jue
P E ï
foufeut le légillateur n'eut befoin que de
lui montrer le bien pour le lui faire lîiivre.
Il fembloit qu'au lieu d'ordonnances , il fuf-
fifbit de lui donner des confèiis.
Les peines des loix royales , & celles
des loix des douze tables , furent prefque
toutes ôtées dans la république , foit par
une fuite de la loi Valérienne , foit par une
conféquence de la loi Porcia 3 on ne re-
marque pas que la république en fût plus
mal réglée , &: il n'en réfulta aucune lélioa
de police. Cette loi Valérienne , qui dé-
fendoit aux magiftrats toute voie de fait
contre un citoyen qui avoit appelle au peu-
ple , n'infligeoit à celui qui y contrevien-
droit que la peine d'être réputé méchant.
Dès qu'un inconvénient fe fait feutir
dans un état où le gouvernement eft vio-
lent 5 ce gouvernement veut foudain le
corriger \ &: au lieu de fonger à faire exé-
cuter les anciennes loix, on établit une
peine cruelle, qui arrête le mal fur le champ.
Mais on ufe le reffort du gouvernement :
l'imagination fe fait à cette grande peine
ainfi qu'elle s'étoit faite à la moindre ^ ôc
comme on diminue la crainte pour celle-ci,
l'on eft bientôt forcé d'établir l'autre dans
tous les cas. Les vols liir les grands che-
mins étoient communs dans quelques états j
on voulut les arrêter \ on inventa le fup-
plice de la roue , qui les fafpendit quelque
temps : depuis ce temps, on a volé, comme
auparavant , fur les grands chemins.
Il ne faut point mener les hommes par
les voies extrêiries j on doit être ménager
des moyens que la nature nous donne pour
les conduire. Qu'on examine la caufe de
tous les relâchemens , on verra qu'elle vient
de l'impunité des crimes , & non pas de
la modération des peines. Suivons la nature ,
qui a donné aux hommes la honte comme
leur fléau j & que la plus grande par-
tie de la peine foit l'infamie de la fouftrir.
Que s'il fè trouve des pays où la honte ne
foit pas une "fuite du fupplice , cela vient
de la tyrannie , qui a infligé les mêmes
peines aux fcélérats & aux gens de bien.
Et fi vous en voyez d'autres où les hom-
mes ne font retenus que par des fupplices
cruels , comptez encore que cela vient , en
grande partie , de la violence du gouverne^'
ment , qui a employé ces fiipplices pour ds»
P E I
fautes légères. Souvent un légiflateur qui
veut corriger un mal , ne fonge qu'à cette
correftion ;, fes yeux font ouverts fur cet
objet , & fermés fur las inconvéniens. Lorf-
que le mal eft une fois corrigé , on ne voit |
plus que la dureté du légiflateur ^ mais il
refte un vice dans l'état, que cette dureté
a produit : les efprits font corro^us , ils fe
font accoutumés au defpotifme.
Une preuve de ce que les peines tiennent
à la nature du gouvernement , peut encore
fe tirer des Romains , qui changeoient à
cet égard de loix civiles à mefure que ce
grand peuple changeoit de loix politiques.
Les loix royales , faites pour va\ peuple
compofë de fugitifs , furent très - féveres.
L'efprit de la république auroit demandé
que les décem.virs n'eulfent pas mis ces
loix dans leurs douze tables j mais des
gens qui afpiroient à la tyrannie , n'avoient
garde de fuivre l'efprit de la république.
En effet, après leur expulfion , prefque tou-
tes les loix qui avoicnt fixé les peines furent
ôtées : on ne les abrogea pas exprelfément j
mais la loi Porcin ayant défendu de mettre
à mort un citoyen romain , elles n'eurent
plus d'application, Prefque toutes les loix
de Sylla ne portoient que l'interdiéfion
de l'eau & du feu -, Céfar y ajouta la
confîfcation des biens , parce qu'il en avoit
befoin pour fès projets. Les empereurs
rapprochèrent les peines de celles qui fost
établies dans une monarchie : ils divife-
rent les peines en trois claffes ^ celles qui
regardoient les premières perfbnnes de l'é-
tat , fublimiores , & qui étoient afTez dou-
ces \ celles qu'on infligeoit aux perfbnnes
d'un rang inférieur , medios , &; qui étoient
plus feveres 5 enfin , celles qui ne concer-
noient que les conditions baffes , infimos ,
& qui furent les plus rigoureufes.
• Il efî important que les peines aient de
l'harmonie entr'elles , parce qu'il efl: eflen-
tiel que l'on évite plutôt un grand crime
qu'un moindre , ce qui attaque plus la fo-
ciété , que ce qui la choque moins. Un im-
pofleurjqui fe difbiî ConftantinDucas, fuf-
cita un grand foiilevement à Conftantino-
ple. Il fut pris & condamné au fouet j mais
ayant acculé des perfbnnes confîdérables ,
il fut condamné , comme calomniateur , à
Ltre hrûlé. Il eiî fingulicr qu'on eût ainfî
P E I §7
proportionné les peines entre le crime de
lefë-majefté & celui de calomnie.
C'eft un grand mal parmi nous , de faire
fubir la même peine à celui qui vole fur un
grand chemin , qu'à celui qui vole & affaf-
fîne. Il eft vifible que , pour la fureté pu-
blique, il faudroit mettre quelque différence
dans la peine. A la Chine , les voleurs cruels
font coupés en morceaux , les autres non :
cette différence fait que l'on y vole , mais
que l'on n'y affaffine -pas. En Mofcovie , où
l'd peine des voleurs & celle des affallins font
les mêmes, on affafrme toujours : les miorts ,
y dit-on , ne racontent rien. Quand il n'y
a point de différence dans la peine , il faut
en mettre dans l'efpérance de la grâce.
En Angleterre on n'affalîine point , parce
que les voleurs peuvent efpérer d'être tranf^
portés dans les colonies , non pas les
alfafîins.
C'eft le triomphe de la liberté , lorfque
les loix criminelles tirent chaque peine de
la nature particulière du crime : tout l'arbi-
traire ceffe '^ la peine ne dépend point du
caprice du Légiflateur , mais de la nature
de la chofe ^ & ce n'eft point l'honmie qui
fait violence à fhomme. Il y a quatre for-
tes de crimes '^ ceux de la première efpece
choquent la religion ^ ceux de la féconde ,
les mœurs ^ ceux de la troifieme , la tran-,
quillité ^ ceux de la quatrième , la fiireté
des citoyens. Les peines que l'on inflige doi-
vent dériver de la nature de chacune de ces
efpeces. ( Le Cher. DE Jaucourt. )
Peines , e'ternité des ( Théolog, )
Tout homme qui ne confulte que la lumière
naturelle , & cette idée , aufli vraie que bril-
lante , d'une bonté infinie qui conftitue le
principal cara£lere de la nature divine , ne
peut adopter la croyance de t éternité des
peines. Deus Optimus , Maximus ^ étoient
les titres de la nature divine dans le langage
des païens j c'étoit leur ftyle de formule ,
en parlant de Dieu , & ce flyle ne con-
noiiîbit point un Dieu très-févere & impla-
cable. Ce ftyle rcnfermoit deux éphhe-
tes , celle de la bonté & celle de la gran-
deur fbuveraitie '^ car la grandeur fuprême
n'eft autre chcfe qu'une magnanimité, mu-
nificence , effufîon de biens. Cette idée
naturelle du fouverain Être , trouve fà con-
firmation dans l'évangile , qui ne ceffe de
Sg P E ï
relever la bonté de Dieu fîir fes autres at-
tributs. Faire du bien , ufer de miféricorde ,
ceft l'occupation favorite de Dieu : châtier,
punir , ufer de rigueur , c'eft fou œuvre
non accoutumée & malplaifante , dit l'é-
criture. Or , cette peinture de la bouté de
Dieu paroît incompatible avec les peiiKs
éternelles de l'enfer ; c'eft pourquoi dès les
premiers fiecles de l'églife , plulieurs favans
hommes ont cru qu'il ne falloit pas prendre
à la lettre les texte^ de l'évangile , qui
parlent de tourmens & de fupplices fans
bornes dans leur durée. Tel a été le fcnti-
ment d'Origene , de S, Jérôme , & d'au-
tres pères cités dans les origeiûaim de M.
Huet , Z. //. quœjt. II.
Au commencement de la renaiffance des
lettres dans l'églife _, les Sociniens embralîb-
rent la même opinion , comme la feule qui
pût être compatible avec la fouveraine
bonté de Dieu , & la feule digne du chrif
tianifme, C'eft en vain qu'on a tâché de
les rendre odieux par leur fyftême de la du-
rée limitée des peines de l'enfer '^ ce fyftême
s'eft accrédité tous les jours davantage , &
compte aujourd'hui au nombre de ies dé-
fenfeiirs les plus auguftes prélats de l'églife
anglicane , la plupart des Arméniens , &
une foule incroyable de laïques dans tou-
tes les communions du chriftianifme. L'an-
gleterre nomme M. Newton à la tête de
ces derniers.
Mais une autorité véritable eft celle du
dofteur Tillotfon , dans fon fermon , tra-
duit en françois , fur ï éternité des peines de
l'enfer. M. le Clerc remarque cependant ,
■ qu'il y a eu des gens de bien qui ont cen-
furé l'illuftrc primat d'Angleterre , pour
avoir publié une dodrine dont les méchans
peuvent abufer. » Mais, répond ce fameux
» miniftre , on reviendra de cette cenfiire ,
» fi l'on confidere qu'il fè trouve plufieurs
•» occafions où l'on eft obligé de décou-
» vrir ce qu'il feroit bon d'ailleurs de tenir
n caché. Si perfbnne n'élevoit des doutes
w fur V éternité des peines , il ne feroit pas
)) befoin de toucher cette queftion ^ mais
» depuis que tous les incrédules prétendent
» démontrer que cette do£èrine de l'évan-
» gile n'eft pas conforme à elle-même ,
)> parce qu'elle introduit Dieu , tout jufte
» & tout bon 5 puniiTant le péché avec une
P E ï
» fëvérité Incompatible avec fa juftice &
» fa bonté , on eft obligé de juftifier les
» perfections divines , & d'empêcher que
» les raifonnemens qui les détruifent , ne
» s'accréditent encore plus , ôc ne jettent
» un plus grand nombre de particuliers dans
» la licence de l'incrédulité.
)> Poigtorévenir le mal qu'ils pourroient
» faire , & pour le couper par la racine ,
» il eft néceflaire d'avouer, que fi quelqu'un
» ne peut le perfiiader que \qs peims éter-
n miles foient juftes , il vaut mieux qu'il"
» prenne ce que l'évangile en dit pour des
» menaces ou pour des peines comimina-
» toires , que de rejeter l'évangile. Il vaut
)) mieux être à cet égard origénijle qu'in-
» crédule , c'eft-à-dire rejeter plutôt ïéter-
)) nité des peines par refpeét pour la juf-
)) tice & pour la bonté de Dieu , & obéir
» d'ailleurs aux préceptes de Jefus-Chrift ,
« que de rejeter toute la révélation , en fe
» perfiiadant qu'elle contient quelque chofe
» de contraire à l'idée qu'elle nous donne
)) elle-même de la divinité , & quieftcon-
« forme aux lumières de la nature & de
» la raifon.
M. Camphuyfèn , miniftre , natif de Gor-
cum , &: fameux en Hollande par fes poé-
fies pieufes , a témoigné dans un écrit pu-
blic , qu'il avoit été tenté de rejeter toute
la religion chrétienne dans le temps qu'il
avoit cru qu'elle admet dQS peines éternelles y
& qu'il n'étoit revenu de lès doutes qu'en
reconnoiftant qu'on pouvoit entendre au-
trement les menaces de l'évangile.
La crainte des peines éternelles qui porte
aux bonnes œuvres , ne peut qu'être utile y
dit M. Tillotfon , & il n'eft pas befoin de
délivrer de cette crainte ceux fur qui elle
produit cet effet ^ mais quand il s'agit de
gens que ces peines révoltent contre l'évan-
gile , il vaut mieux reconnoître avec eux
des peines bornées , que de les éloigner de
la religion chrétienne , ou de leur donner
un fi grand avantage pour la combattre.
C'eft pourquoi S. Jérôme gardoit un ju-
dicieux tempérament fur ce dogme : com-
me nous croyons , dit ce père de l'églife ,
qu'il y a des tourmens éternels pour les
démons , & pour ceux qui , contre leur couf-
cience , nient l'cxiftence de Dieu , nous
croyons auflî que la fentence du juge eft
modérée
P E I
mod(^rée & mêlée cîe clémence envers les
autres pécheurs & les Impies , les tourmens
qui les punifïênt font réglés par les bienfaits
de la miféricorde divine; mais perfonne ne
fait de quelle manière & combien de temps
Dieu doit punir. Difons donc feulement :
Seigneur , ne me reprends point en ta fureur,
& ne me châtie point en ta colère.
Les Théologiens qui font dans 1 opinion
de Tillotfon iur les bornes des peines ,
croient que Dieu a propole ces menaces en
termes illimités , non-feulement pour tenir
les hommes dans la crainte , mais parce
que les péchés étant d'une infinité de for-
tes , il n'y a point de terme limité pour
tous en commun ; & c'eflmême une grande
partie de la peine , que de n'avoir aucune
connoilfance du temps auquel elle finira.
L'Écriture-fainfe a nommé éternels des fup-
pliçes dont la durée efl illimitée à l'égard
des créatures , & dont la fin n'efl connue
que de Dieu , ce qui efl la fignification pro-
pre du mot Hébreu CIj'7^y , auquel répond
le mot àlav en Grec, qui marque aulli un
temps femblable. L'idée de ces fupplices &
de leur durée , quoique limitée , eu afTez
effrayante pour faire trembler les plus en-
durcis , s'ils y font quelque attention. Quant
jaux incrédules , ils n'ont pas plus de peur
des fupplices éternels , qu'ils ne croient pas ,
que de ceux dont on vient de parler.
L'Archevêque Tillotfon n'efl pas le feul
Théologien d'Angleterre qui ait combattu
nettement dans fes écrits Véternité propre-
ment dite àes peines de l'enfer ; on peut
lui joindre Thom. Burnet , defiatu mortuor.
ex y p. z^o. Swindcn, dans Vappendix
de fon Traité de V enfer \ l'Auteur des re-
marques fur le lux Orientalis ; Colliber,
dans fon EJfai far la Religion révélée ,'
Whitby , dans fon appendix , fur la féconde
Êpitre aux Theffalon. & l'illuflre Samuel
Glarke , dans (ts Sermons. Ce dernier Théo-
logien s'exprime ainfi fur ce lujet ;
» A l'égard de ï éternité des peines de
» l'enfer , je l'admets autant qu'elle fe
n trouve renfermée dans le terme de «<M^9f ,
» auquel le mot à! éternité répond , c'efl-
» à-dire , qu'il efl certain que ces peines du-
f> reront autant que l'exiflence des méchans
« qui les foufFriront , ou pendant ces «»« «f
/> Twf futivm , ces période* longs & déter-
Tom< XXV.
? E T 8^
M minés , pendant lefquels leur vie fera con*
)» ferv^e par la PuifTance divine ; enforte
'> que rien ne terminera leurs tourmens,
n que ce qui terminera aufîi leurvie& leur
n condition pour jamais. Si l'Ecriture en-
» tend quelque chofede plus par cette éter^
» nité des peines de l'enfer , c'efl ce que
« je ne déciderai pas pofirivement ; mais
jy comme je trouve que les plus anciens
yy Écrivains eccléfiadiques penchent pour
yy cette explication , & qu'elle fufEt pleine-
yy ment aux grandes fins de la Religion ;
»> qu'elle paroît aufli plus conforme à la
>» bonté divine , fi elle-même ne donne un
»> nouvel appui à la juflice de Dieu; que d'ail-
» leurs elle prévient toutes les chicanes des
w incrédules ; & qu'enfin , je fuis perfuadé
»î que c'efl le vrai fcns des exprcfîîons de
y> l'Écriture, je m'y tiendrai pour le pré-
» fent, laifïant à ceux qui prétendent que
» l'Écriture en dit davantage , à juflifier
» leur opinion , & à prouver qu'elle efl
» raifonnable. n
M. Whiffon efl encore plus pofitif que
M. Clarke ; car il déclare que , fi l'opinion
commune de Véternité des pein€s étoit vé-
ritablement un dogme de la Religion chré-
tienne , il formeroit contre elle une difE-
culté infiniment plus grande que toutes les
objedions des incrédules prifes enfemble.
{Le chevalier DE Jaucourt.)
Peines che\ les Romains , ( Jurifprud,
Rom. ) Il y avoit difFérens genres de pei-
nes civiles qui étoicnt en ufage chez les Ro-
mains ; nous avons promis de les dérailler
en parlant des jugemens publics & particu-
liers de leurs tribunaux.
Les peines ou punitions ufîtées chez ce
peuple, regardoient,ou les biens , comme
l'amende, en Latin damnum y autrement
mulclai ou le corps , comme la prilbn , le
fouet , ou la peine du talion ; ou le droit
comme l'ignominie , l'exil & la fervitude *
enfin , quelques-uns étoient punis de mort.
L'amende ne fe prenoit , dans les premiers
temps, que fur les moutons & fur les bœufs*
mais comme cette punition d'amende étoit
inégale , parce qu'on amenoit des bœuà
& des moutons, tantôt d'un grand prix,
tantôt d'un prix très-vil ; dans la fuite , par
la Loi Ateria , on taxa dix deniers pour
chaque mouton, & cent deniers pour chaque
M
^o P E I
bœuf; de forte que la plus forte amende
de ce temps éroit de 3020 as. La prifon
étoit ou publique ou particulière.
La prifon publique étoit celle où on en-
fermoit les accufés , quand ils avoicnt avoué
leurs crimes. La prifon particulière étoit la
fnaifon des Magiftrats ou de quelques par-
ticuliers diflingués, fous la garde delquels
on metroit les acculés.
La fuftigation , qui (è faifoit avec des ver-
ges , précédoit le dernier fupplice , qui étoit
celui de la mort. La baOonnade étoit plus
d'ufâge à l'armée.
Le talion , fuirant la Loi des douze ta-
bles , confifloit à rendre injure pour injure ,
dans le cas d'un membre rompu , à moins
que l'accufé n'eût obrenu de la partie léfëe
qu'elle lui remît la peine.
L'ignominie étoit une note d'infamie ,
ainfi appellée, parce qu'elle ne confiftoit
que dans la flétrifî'ure du nom. Elle ex-
cluoit de toutes charges & prefque de tous
les honneurs qui s'accordoient aux ci-
toyens.
On ne prononçoit pas à la vérité le mot
d'^ar/Vdansrimpofition de cette peine ^ mais
celui d'interdidion de feu & d'eau , laquelle
étoit néceiïairement fuivie de l'exil ; car il
étoit impoflible que quelqu'un reilât dans
Rome fans i'ufage de l'eau & du feu : mais
fous Augufte , la déportation fuccéda à cette
interdiction de l'eau & du feu. La reléga-
tion étoir une peine moins rigoureufe , car
ceux qui y ctoient condamnés confèrvoient
le droit de bourgeoilie , dont l'interdic-
tion privoit , & c'étoit la peine à laquelle
on condamnoit les gens de condition.
On vendoit , pour être rais en fervitude ,
ceux qui n'avoicnt pas donné leur nom
pour le cens , ou qui avolent refufé de s'en-
rôler après avoir été appelles.
Ceux qui étoient condamnés à tnort
étoient, ou décapités d'un coup de hache,
après avoir efluyé la honte du fouet , &
on difoit que cette peine s'infligeoit félon
I'ufage des anciens , more majorum ; ou
bien ils étoient étranglas dans la prifon ap-
pellée roi>«r ; ou enfin , jetés en-bas de la
roche Tarpéienne : mais il paroît que ce
genre de mort fut aboli dans la fuite.
Le fupplice ordinaire des efclaves étoit
la croix ou la fourche , qu'ils étoient Gbligcs
P El
de porter eux-mêmes ,' d'où vient que le
nom furcifer y porte-fourche , étoit le re-
proche ordinaire qu'on faii'oit aux efclaves ;
cependant quelques-uns ont prétendu que
cette fourche étoit un gibet. Quelquetois
on imprimoit certains caractères , avec un
fer chaud , iiir le front des efclaves : en allant
au lieu du fupplice , ils portoient une meule
de moulin pendue à leur cou ; c'étoient des
meu es de 15 à 18 pouces de diamètre.
Quelquefois encore , pour comble d'igno-
minie , après que les cadavres des criminels
avoient été traînés dans la ville avec des
crochets , on les précipitoit dans des puitS
appelles gemoniœ , ou dans le Tibre. Nous
ne rapporterons pas les autres efpeces de
fupplices , qui étoient prefque tous arbi-
traires , & exercés félon le caprice ou la
cruauté des Princes. Quant aux peines mi-
litaires , i'oye:{ l'article fuivant. { D. /. )
Peines UlinAlKEScheTiles romains^
( Art milit. des romains. ) Les romains
avoient d'une main àes récompenfes k la
guerre , pour animer les foldats à s'acquitter
de leur devoir; & de l'autre main, ils avoient
des punitions pour ceux qui y manquoient.
Ces punitions étoient de la compétence
des tribuns & des préfets avec leur con-
feil, & du général même, duquel on ne
pouvoit appeller avant la loi Porcia , por-
tée l'an 556,
On punifToit les foldâts , ou par des pei^
/2^j- aifliâives , ou par l'ignominie. Les />«-
nés afflidives confiftoient dans une amende ,
dans la faifie de leur paie, dans la balton-
nade, fous laquelle il leur arrivoit quelque- -
fois d'expirer ; ce châtiment s'appclloit/u/-
tuarium.
Les foldats meftoient à mort , à coupi •
de bâton ou de pierre , un de leurs cama-
rades qui avoit commis quelque grand cri--
me , comme le vol , le parjure , pour-
quelque récompenfe obtenue fur un faux:
expoië , pour la défertion , pour la perte des
armes, pour la néghgencc dan» les fenti—
nelles pendant la nuit.
Si la baftonnade ne devoit pas aller jus-
qu'à la mort , on fe fervoit d'un i'arment àt:
vigne pour les citoyens , d'une autre ba--
guette, ou même de verges , pour \es aU
liés. S'il y avoit un grand nombre de cou-
pables , on \zs. décimoit , pu. bien on grenoit
P El
le vingtième ou le centième, félon la grié-
veré de la faute ; quelquefois on fe con-
tentoit feulement de les faire coucher hors
du camp , & de leur donner de l'orge , au
lieu de froment.
Comme les punitions qui emportent avec
elles plus de honte que de douleur , font les
plus convenables à la guerre , l'ignominie
étoit auffi une des plus grandes : elle con-
lîfîoif , par exemple , à donner de l'orge
aux foldats , au lieu de blé ; à les priver de
toute la paie ou d'une partie feulement.
CettQ dernière punition étoit fur-tout pour
ceux qui quirtoient leurs enfeignes; on leur
retranchoit la paie pour tout le temps qu'ils
avoient lèrvi avant leur laute. La troiiicme
cfpece d'ignominie étoit d'ordonner à un
foldat de fauter au-delà d'un retranchement.
Cette punition étoit ordinaire pour les pol-
trons : on les puniflbit encore en les
expofant en public avec leur ceinture dé-
tachée , & dans une pofture molle & effé-
minée. Cette expofition fe faifoit dans la
rue du camp appellée Principia ; c'ell-là
que s'exécutoient aufli les autres châtimens.
Enfin , pour comble d'ignominie , on les
faifoit palfer d'un ordre fupérieur dans un
autre fort au-deflous , comme de Triariens
dans les Piquiers ou dans les Vélites : il
y avoit encore quelques autres punitions
peu ufirées^, dont Julie Lipfe vous donnera
le détail. F'oye:{auJJi l'article MILITAIRE y
difcipline des Romains. { D. J.)
Peines purifiantes, ( Cridq.facr. )
L'opinion qu'il y a des peines purifiantes
après la mort, & que Platon a établie dans
le Phœdon , pag. 83 y 84 y ^'<^"' Franco/.
& dans fon Gorgias , p. 3 ^6 ) 357 i^^
communiqua d'aflez bonne heure aux pères.
Le favant Potter remarque , qu'on trouve
cette opinion en plufieurs endroits de Clé-
ment d'Alexandrie , comme in (Irom. lib.
VI , pag. 134, 668 , JS^. iln'eft pas
étonnant, continue Potter, que Clément,
qui goûtoit avec tant de plaifir les traditions
judaïques fur les peines purifiantes , & les
idées philofophiques des Platoniciens , &
àts Pythagoriciens fur-tout , ait donné dans
ce fentiment. Origene , dans fon homélie
fur l'Exode , reconnoît femblablement un
feu purgatif : mais au refle , ce feu purgatif
qu'ils adoptent eu bien différent de celui
- P E I 51
quia été établi depuis, i**. Selon ces pères,
quoique les martyrs & les juftes foient obli-
gés d'y pafler , s'ils n'ont rien à purifier
ils ne fbuffrent point de ce feu. 2*. Iln'elt
point defliné à ce qu'on nomme les /j^'cA/x
véniels , mais aux crimes & aux vices , ri
TrtÔH. 3**. Il n'y a point de rachat : la raifon
en ell, que ces peines purifiantes étant
néceffaires pour purger les vices qui fer-
ment l'entrée du ciel , il faut que l'ame
foufïi-e jufqu'à ce qu'elle ait couronné fa
purification. I'ifc\ fur z^s peine s purifiantes ,
\ts remarques de Spencer fur le IV^. liv.
d'Origene contre Celfe : ajoutez-y , fi vous
voulez , les pafïàges de Grégoire de Nyfîê
& des autres pères , recueillis par Forbe-
fius , in confultationibus modeflis ,• & enfin
les notes de M. Simon. {D. J.)
Peine afflictive ou corpo-
relle , efl celle qui s'inflige fur la perfonne
même du condamné , & non pas feulement
fur Çts biens ; comme le carcan , le fouet »
la fleur-de-lys , le banniflèment, les galè-
res , la peine de mort.
Il n'y a que le miniflere public qui puifîè
conchireà unepfi/7ff afiîiclive^ comme étant
feul chargé de la vindide publique.
Lorfqu'une procédure a été civilifee , le
Juge ne peut plus prononcer de peine af-^
flicUve , à moins que la partie publique ne
vienne contre le jugement de civihfation
par tierce oppofition*ou par la voie d'ap-
pel , ou que la partie civile n'interjette ap-
pel de ce même jugement.
Pour l'ordre des peines affiiclives , l'or-
donnance de 1670 , tit. z^ y art. 23, por-
te , qu'après h peine de la mort naturelle , la
plus rigoureufe efl celle de la queffion ,
avec réferve des preuves en leur entier ;
des galères perpétuelles , du banniffemenc
perpétuel , de la queffion fans réferve des
preuves , des galères à temps , du fouet ,
de l'amende-honorable , & du banniiïement
à temps. Vojei Peine CAPITALE. (u4)
Peine d'amende , c'eft lorique celui
qui a contrevenu à quelque loi, eft con-
damné , pour réparation , en une amende.
Voje:[ Amende.
Peine arbitraire ; on appelle ainlî
celle qui n'efl point fpécinée précifémentpar
la loi , mais qui dépend des circonftances
& de l'arbitrage du juge.
M 2
^1 P ET
Peine capitale ,efl «île quî emporte
mort naturelle ou civile ; ainfi toute peine
afflidive n'efl pas peine capitale ^ puil-
qu'il y a de C(i& fortes de peines qui n'em-
portent ni la mort naturelle, ni la mort
civile ; telle que la fuftigation , l'application
de la marque publique fur les épaules , le
carcan, les galères au- delTous de dix ans.
PeIîJE comminatoire, eft celle qui
n'efl pas encourue d'e plein droit & par le
fèul fait , mais pour laquelle il taut en-
core un fécond jugement qui la déclare
. encourue; comme quand il eit dit par un
premier jugement , que faute par une par-
tie de faire telle chofe dans un tel temps ,
•elle fera déchue de quelque droit ou de
quelque demande : c^tie déchéance , qui
eft une peine , n'eft encourue que par un
fécond' jugement , qui déclare que faute par
ladite partie d'avoir fait telle choie dans le
temps qui avoit été prelcrit , elle demeure dé-
chue ; & pour que la />f //2e ne loit pas co/;z-
/w//2afo/Vf.^ il faut que le jugement qui pro-
nonce la déchéance exprime , que paflë le
temps prefcrit, elle aura lieu- en vertu du
même jugement , & fans qu'il en foit befoin
d'aurre.
IjÇS peines prononcées par les loix con-
tre les crimes , ne font jamais réputées com-
minatoires.
Il en eft de même àes peines pronon-
cées en matière civil? par les loix & les
ordonnances.
Mais les peines prononcées par lè juge
dans le cas dont on a parlé ci-devant,
& dans les autres cas lemblables , où la
peine ne doit être encourue qu'au cas
que la partie n'ait pas fatisfait au juge-
ment , ne font ordinairement que commi-
natoires.
Peine du compromis , eft celle qui
eft ftipulée dans un compromis pour l'exé-
cution d'icehi! , comme quand les parties fe
foumettent de payer une certaine fomme ,
en cas d'inevécution du compromis ou de
la 'entence arbitrale. Voyei^ COMPROMIS,
Arbitre & Sentence arbitrale.
Peine corporelle , eft la mère
chofe que neine affiicfii-'e ; c'eft celle qui s'e-
xécute fiir le corps , c'eft-à-dire fur la per-
fbnnemême , & non pas fur (ts biens feu-
iement. V. ci-dey, PEINE Afflictive.
P E I
Peine de c orps, eft toute auttechoft
que peine corporelle: on entend' par- là,
dans quelques coutumes , les falaîres des
manouvriers. Voye\ la coutume de Sens ,
article s.£^.
Peine du double , du triple,
DU quadruple , tft celle que les ordon-
nances prononcent contre ceux qui com-
mettent quelque fraude ou contravention :
au lieu de leur faire payer le fimple droit ,
on leur fait payer le double ou le triple ,
pour avoir voulu frauder le droit , ou pour
n'avoir pas fatisfait dans le temps à quelque
formalité prefcrite.
Peine de faux, c'eft lorfque quel-
qu'un encourt les peines prononcées par
les loix pour le crime de faux. Koye^
Faux.
Peine grave , s'entend d'une peine
àQs piusrigoureules, comme celle de mort
ou mutilation de membres , Ùc.
Peine infamante, eft celle qui ôte
l'honneur à celui qui eft condamné , comme
la peine de mort ou autre peine afflic-
tive, la dégradation ou condam.nanon k
fe défaire de fa dignité , l'amende-hono-
rable , l'amende en matière criminelle, &
la condamnation à une aumône en ma-
tière civile.
Peine légale , eft celle qui eft pro-
noncée par quelque loi , ordonnance ou
coutume; comme-une amende, une nul-
lité ou déchéance , faute d'avoir fait quelque
chofe, ou de l'avoir fait dans le ^emps pre(^
crif par la loi ; comme la nullité d'une dona-
tion, faute d'infmuaticn dans les quatre mois.
Ces lortes de pf//2ej courent contre tou-
tes^ fortes ce perfonnes , fans eipérance de
reftirution , même co tre les mineurs , fauf
leur recours contre leur tuteur, au cas qu'il
y ait négligence de fa part.
Peine légère , eft celle qui eft peu
rigoureulc , eu égard è la qualité du délit
& à celle de l'accufé , co nme i'admonirion
& l'aumône en matière crim'nejle. Voye-^^
Peine capitale , Peine grave.
Peine de mort , eft toute condamna-
tion qtn doit erre fuivie de la mort naturelle
ou civile du condiimné.
Peine de nullité , cVftune difpoft-
tion de quelque loi ou jugement , qui pro-
nonce là nullité de quelque ade ou procé-
PET
dure , fbit que la peine Toit vicleufe en clle-
inême , foit parce que Ton n'a pas l'atisfait à
quelque autre choie qui devoir précéder ou
accompagner l'ade. l^oye^ NULLITÉ.
Peine Pécuniaire , ef} une condam-
narion dont l'eftèt ell leulement d'obliger
de payer une lomme d'argent , comme
une amende ou une aumône , des kitcrcts ,
& réparations civiles , des dommages & in-
térêts.
On l'appelle ainfi , pour la diftinguer de la
peine corporelle.
Peine de la plus pétition. Fby.
ci-ap'ès Plus PÉTITION.
Peine du quadruple , efl celle qui
confille à faire paj er trois tois autant que ce
qui éroif dû originairement. Kq>f:[PEINE
DU DOUBLE.
Peine du talion, eft celle qui con-
fifte à faire loufFrir au comdamné le même
traitement qu'il a fait à autrui. Voye\ Loi
du talion. ^
Peine des téméraires Plai-
deurs c'eil la coi damnation àts dépens ,
qui eft ordinairement la feule peine que fup-
portent ceux qui fuccombent dans leur de-
mande ou conrefîarion , à moins qu'il n'y
ait eu vexation ; auquel cas il y auroitlieu à
accorder des dommages & intérêts. V^oy.
aux Injîuutes le titre de pcena temerè liti^
gantium , lib. IV, tit. zG.
Peine du triple , ce droit confifle à
faire payer deux fois en fus autant qu'il éroir
dû pour le fimple droit. Voye\ ci-dei-'ant
Peine DU DOUBLE. [A)
PEINE , adj. fe dit en Peinture & en
Sculpture y & même en Littérature y des
ouvrage*; où rien n'elî fait avec fiiciiité, &
qui annoncent par-tout la peine que l'ar-
tifîe a eue à le^ produire: ces fortes d'ouvrages
font toujours recherchée , prononcés jufqu'à
en êtrefecs & mefquins ; on ditce tableau efî
peiné y ouvrage peiné.
PEINTAT)E,f.f. Pôule-Pei^ntade,
Poule de Guinée, Poule d'Afri-
que , Perdrix des Terres-Neu-
ves , gallina Guinea y Wil. (/^(/?: nat.
Ornidîol.) olfeau de la groflêur d'une pou-
le; il a un pié neuf pouces & demi de lon-
gueur , depuis là pointe du bec jufqu'à l'ex-
trémité de la queue , & dix pouces jufqu'au
buut des ongles : les aikb étant pliees, s'é- j
P E I 55
tendent à un pouce au-delà de l'origine de
la queue. La tête n'eft pas couverte de plu-
mes; il y a leulement à l'origine du bec de
quelques individus de cette eljîece , un petic
bouquet compofé de poils roides , afl'ez lem-
blables à des foies de cochon. La peintade a
furie front une efpece de corne conique y
courbée en arrière , & couverte d'une peau de
couleur tauve , brune & rougeatre ; & elle a
auiîi des membranes charnues d'un très-
beau rouge , qui pendent à côté de l'ou-
verture du bec : les joues font bleuâtres
dans le mâle & rouges dans la femelle. La-
partie fuperieure du cou eft couverte de
plumes noires , femblables' à des poils ; la
partie inférieure a une couleur cendrée ,
tirant fjr le violet. Les plumes du dos,
du croupion , les petites des ailes , celles
du deflus de la queue , de la poitrine , du
ventre , des côtés du corps & des jambes ,.
font noires , & ont des taches blanches ,
rondes & lymmétriques ; le tour de ces
taches eft purement noir , &: le refle de la
plume eft d'un noir mêle de cendré. Les
taches du dos font plus petites que celles
des autres parties du corps, & il n'y a
pas de couleur cendrée iur les plumes de
toutî; la face inférieure de l'oi'eau. Les-
grandes plumes des ailes font noirâtres , &.
ont des fâches blanches. La queue eil arron-
die comme celle à^s perdrix , & de couleur
grilè ; elle a des tacheô. blanches , rondes
& entourées de noir. Le bec eft rouge à
fon origine, & de couleur de corne vers
lextrérnité. Oh ne diftingue le mâle de la
femelle ,. que par la couleur àcs joues donc
il a été fait mention. L n élevé les pein-
tades dans les balles- cours comm.e des
poules , & elles ont été apportées d'Afri-
que. Ornithologie de M. Briilbn. Voyé\.
Oiseau.
PEINTRE, f. m. (PfmO Artifte qui
ftvit repréfenter toutes iortes d'objets , par le.
fecours èts couleurs & du pinceau.
Le bonheur à'xxti. Peintre eft d'être né.
avec du génie ;. ce génie eft ce feu qui
élevé les Peinf^es au-deifus d'eux-mêmes,
qui leur fait mettre de l'amedans leurs figu-
res, & du mouvement dans leurs compo-
fitions. L'expérience prouve lufîî ànment
que tous les hommes ne naiftent pas avec
un génie propre aies rendiePf//îfrfj..Nbu&
54 P E ï '
avons vu des hommes d'elprit , quiavoient
copié plufieurs fois ce que la peinture a
produit de plus fublime , vieillir le pinceau
& la palette à la main , fans s'élever au-
delîus du rang de coloriftes médiocres &
de ferviles deiiinateurs d'après les figures
d'autrui. Les efprits les plus communs font
capables d'être des Peintres y mais jamais
grands Peintres.
Il ne fuffit pas aux Peintres d'avoir du
génie, de concevoir des idées nobles , d'ima-
giner les compofitions les plus élégantes , &
de trouver les expreffions les plus pathéti-
ques ; il faut encore que leurs mains aient été
rendues dociles à lé fléchir avec précilion en
cent manières différentes , pour fe trouver
capables' de tirer avec jufteiTela ligne que l'i-
magination leur demande. Le génie a , pour
ainii dire , les bras liés dans un artifle dont
la main n'eft pas dénouée.
Il en eft de l'œil comme de la main ; il faut
jque l'œil d'un Peintre foit accoutumé de
jjanne heure à juger , par une opération fûre
& facile en même temps , quel effet doit
faire un certain mélange , ou bien une cer-
taine oppolition de couleurs ; quel effet doit
faire une figure d'une certaine hauteur dans
Ain grouppe ; & quel effet un certain grouppe
fera dans le tableau , après que le tableau i'era
4eolorié. Si l'imagination n'a pas à fa difpo-
iition une main & un œil capables de la
ièconder à fon gré, il ne réfulte àts plus
belles idées qu'enfante cette imagination,
45u'un tableau grofller , que dédaigne l'ar-
tifle même qui l'a peint ; tant il trouve
j'œuvre de fa main au-deflbus de l'œuvre de
ion efprit.
L'étude néceflairc pour perfeâionner l'œil
êi. la main , ne fe fait point en donnant
-quelques heures dillraites à un travail in-
terrompu ; cette étude demande une atten-
tion entière , & une perfévérance conti-
nuée durant plufieurs années. On fait la
jnaxime qui défend aux Peintres de laiffer
découler un jour entier , fans donner quel-
<ques coups de pinceau ; maxime qu'on ap-
plique communément à tout-es les profef-
lions , tant on la trouve judieieufe : nulla
dies fine lineâ.
Le feul temps de la vie qui foit bien
^opre à faire acquérir leur profeflion à
J'çeil 1^ à la main , eli le temps où no^
P E I
organes , tant intérieurs qu'extérieurs , achè-
vent de fe former; c'efl le temps qui s'écoule
depuis rage de quinze ans jufqu'à trente. Les
organes contradent fans peine , durant cts
années , toutes leurs habitudes , dont leur
première conformation les rend fufcep-
tibles. Mais fi l'on perd ces années pré-
cieufes » fi on les laifTe écouler fans les
mettre à profit, la docilité des organes fe
pafîè , fans que nos efforts puiffent jamais
la rappeiler. Quoique notre langue foit un
organe bien plus fouple que notre main ,
cependant nous prononçons toujours ipal
une langue étrangère que nous apprenons
après 30 ans.
Un Peintre doit connoître à quel genre de
peinture il efl propre , & fe borner à ce gen-
re. Tel demeure confondu dans la foule , qui
feroit au rang des illufhres maîtres , s'il ne fe
fût point laiffé entraîner par une émulation
aveugle , qui lui a fait tenter de fe rendre ha-
bile dans des genres de peinture pour Icfquels
iil n'étoit point né , & qui lui a fait négliger
ceux auxquels il étoit très-propre. Les ou-
vrages qu'il a efîàyé de faire font , fi l'on
veut, d'une clafîe fupérieure ; mais ne vaut-
il pas mieux être cité pour être un des pre-
miers faifeurs de portraits de fon temps , que
pour un miferable arrangeur de figures igno-
bles & eftropiées ?
Les jeunes Peintres qui ont à cœur de
réuflir , doivent encore fe garder des paf^
fions violentes , en particulier de l'impa-
tience , de la précipitation & du dégoût.
Que ceux qui fè trouvent dans une for-
tune étroite , ne défefperent point de l'amé-
horcr par l'application : l'opulence détourne
du travail & de l'exercice de la main ;
la fortune eflplus nuifible aux talens , qu'elle
ne leur eil utile : mais d'un autre coté , les
diflindions , les honneurs & les récompen-
fes font nécefîâires dans un Etat , pour y en-
courager la culture des beaux Arts , & y
former des Artifles fupérieurs. Un Pein-
tre , en Grèce , étoit un homme célèbre aufîi-
tôt qu'il méritoit de l'être. Ce genre de
mérite faifoit d'un homme du commun unt
perfonnage , &: il l'égalolt à ce qu'il y avoit
de plus grand & de plus important dans
l'État : les portiques pubhcs , où les Pein^
très expofoient leurs tableaux , étoient les
lieux où ce qu'il y avoit de plus illuûre 4aasi
P E I
ià Grèce fe rendoit de temps en temps pour
en juger. Les ouvrages des grands maîtres
fi'éfoient point alors regardes comme des
meubles ordinaires , deftinés pour embellir
les appartemens d'un particulier ; on les
réputoit les joyaux d'un Etat & un tréior
du public , dont la jouifî'ance étoit due à
tous les citoyens. Qu'on juge donc de l'ar-
deur que les Artiftes avoient alors pour
perfedionner leurs talens , par l'ardeur que
nous voyons dans nos contemporains pour
amafïerdu bien , ou pour taire quelque choie
de plus noble pour parvenir aux grands em-
plois d'un Etat.
Quoique la réputation du Peintre foit
plus dépendante du fuffrage des Experts que
celle des poètes, néanmoins ils ne (ont pas les
Juges uniques de leur mérite. Aucun d'eux
ne parviendroit que long-temps après la
mort, à la dilHndion qui lui eftdue, fi la
deflinée demeuroit toujours au pouvoir des
autres Peintres. Heureuiejment Tes rivaux
compatriotes n'en font les maîtres que
pour un temps. Le public , qu'on éclaire ,
tire peu-à-peu le procès à fon tribunal ,
& rend à chacun la judice qui lui eft due.
Mais en particulier , un Peintre qui traite
de grands fiijcts , qui peint des coupoles
& des voûtes d'églife , ou qui fait de
grands tableaux deftinés pour être placés
dans tous les lieux où tous les hommes ont
coutume de fe rafTembler , eft plutôt connu
pour ce qu'il eft , que le Peintre qui tra-
vaille à des tableaux de chevalet deftinés
pour être rentcrmés dans des appartemens
de particuliers.
De plus , il efl: des lieux , des temps ,
des pays où le mérite d'un Peintre eft plu-
tôt reconnu qvi'ailleurs. Par e^remple , les
tableaux expofés dans Rome feront plutôt
appréciés à leur jufte valeur , que s'ils étoient
expolés dans Londres & dans Paris. Le
goût naturel des Romains pour la peintu-
re , les occâfions qu'ils ont dé s'en nour-
rir , fi je puis parler ainfi , leurs liiœurs ,
leur inadiion , 4'occafion de voir perpétuel-
lement dans les éghfcs & dans les Palais ,
des chefs-d'œuvre de peinture , peut-être
fcufli la fenfibilité de leurs organes , rendent
cette niition plus capable qu'aucune autre,
d'apprécier le mérite de leurs Peintres lans
fc. CûACOursdes geas du-métier. Enfin, un
Peintre s'eflfait une jufie réputation , quandi
les ouvrages ont un prix chez les étrangers :
ce n'efi point afiez d'avoir un petit parti
qui les vante , il hiut qu'ils foient achetés 6c
bien payés. Voilà la pierre de touche de leur
valeur.
Ce qui reflerre quelquefois les talens des
Peintres, dit à ce fujet M. de Voltaire ,.
& ce qui fembleroit devoir les éteindre ,.
c'efi: le goût académique , c'eft la manière-
qu'ils prennent d'après ceux qui préfident
à cet art. Les académies font fans doute
très- utiles pour former les élevés , fur-touc-
quandlesdiredeurs travaillent dans le grand=
goût ; mais fi le chef a le goût petit , fi fa'
manière efi aride & léchée, fi Ç^^s figures^
grimacent , fi Ces expreflions font infipides,-
fi fon colori eft foible ; les élevés fubjugués;
par l'imitation , ou par envie de plaire à un
mauvais maître , perdent entièrement l'idée-
de la belle nature. Donnez-moi un artifte
tout occupé de la crainte de ne pas faifir la-
maniere de les confrères , fes productions
feront comparées & contraintes. Donnez--
moi un homme d'un elprit libre , plein de'
la belle nature qu'il copie , cet homme réul^
fira. Prefque tous les artiftes fubhmes, ow
ont fleuri avant les établiflemerrs des aca-
démies , ou ont travaillé dans un goût dif--
férent de celui qui régnoit dans ces fociétés j-
prefque aucun ouvrage qu'on appelle ^ta-
démique y n'a été encore dans aucun genre
un ouvrage de génie.
Si préfentement le ledeur eft curieux de
connoître les célèbres Peintres modernes ,
il en trouvera la lifte générale fous \es
Artiftes des différentes écoles ; mais com-
me les noms & le caradere des anciens
Peintres méritent encore plus d'être re-
cueillis dans cet ouvrage , voye'^ PEIN-
TRES anciens, {L& chevah de Jau-*
COURT.)
Peintres Grecs, (Peint. antiq.) Ils
font fi célèbres dans les écrits de lanti-
quifé , & leurs ouvrages font fi liés à la
connoifîance de la peinture, que les détails
qui Ifs regardent appartiennent eftènrielle--
ment à V Encyclopédie. D'ailleurs , ils inté-
rcflênt prefque également les littérateurs , les-
curieux & les gens de métier.
Les Peintres de la Grèce qui ont prati-'
que les preaiiers cet art , font , lèlon Pline ,-
5^ P E I
Ardices de Corinthe & Téleplianes de Sy--
cione, enfuire parurent Ciéophante de Co-
rintlie , i'aiireur de la peinture monochrome ,
auquel fuccéderent Hygiémon , Dinias ,
Charmidas , Eumarus d'Athènes & Cimon
de Cléone ; mais l'hifloire n'a point fixé le
temps où ils ont vécu , & Pline ne nous
dit que quelqu-es particularités des deux
derniers.
Ludius , Peintre d'Ardéa , différent du
Ludius d'Augufte , qui fit quelques peintu-
res à Cœré , ville d'Etrurie , paroît avoir
été pofiérieur à Ciéophante , à Cimon ,
auteur des premières beautés de l'art. Si
donc on place la fondation de Rome en l'an
753 avant l'ère chrétienne , il en réfulteroit
aficz vraifemblablement que Ludius auroit
vécu pour le plus tard vers l'an 7^5 avant
Jefus-Chrifl, l'anonyme de Cœré vers l'an
780 , Cimon vers l'an 795 , Eumarus vers
l'an 8 10 , Charmidas , Dinias & Hygiémon ,
vers l'an 825 , & Ciéophante l'ancien vers
l'an 840.
Bularque , qui le premier introduifit l'u-
fage de plufieurs couleurs dans un fèul ou-
vrage de peinture,, & qui étoit contempo-
rain du Roi Candaule , vécut vers l'an 730
avant Jefus-Chrift. Nous n'avons point la
fuite âes Peintres Grecs depuis Bularque ,
c'efi-à-dire , depuis l'an environ 730 juf-
qu'à la bataille de Marathon , qui fe donna
fan 490,
Panée ou Panxnus peignit cette batail-
le ; & comme de fon temps , l'ufage de
concourir pour le prix de peinture fut
établi à Corinthe & à Delphes , il fe mit
fur les rangs le premier , pour concourir
avec Timagoras de Chalcis , l'an 474 avant
Jefiis-Chrilh
Après Panaenus , & avant la ÇO^. olym-
piade , parut Polygnote de Thafos , fils
d'Aglaophon , & fùrnommé quelquefois
Athénien y parce qu'Athènes le mit au nom-
bre de Tes citoyens. Il eut pour contempo-
rain le Peintre Micon , NeCas de Thalbs ,
Démophile qui fit des ouvrages avec Gorga-
nus dans un temple de Rome.
Vers la 90^ olympiade , c'efl-à-dire ,
l'an 420 avant Jefiis-Chrif} , parurent un
autre Aglaoph&n , différent du père de
Polygnote , Céphiffodore , dont le nom a
ézé commun à différens Sculpteurs , Phry-
P El
lus , &: Evenos d'Ephefe. Vers le même
temps doivent être placés deux autres Pein-
tres, qu'Arifiote a mis à la fuite de Poly-
gnote ; l'un eft Paufon , & l'autre Denys
de Colophon , tous deux antérieurs à Tan
404 , qui fut l'époque des grands Peintres
de la Grèce." Polygnote , en peignant les
hommes, les rehaufla ; Paufon les aviHt ,
& Denys les repréfenta ce qu'ils ont cou-
tume d'être.
Vers l'an 41$, vécurent Nicanor & Ar-
céfilaus , tous les deux de Paros , & Ly-
fippe d'Egine ; ils font après Polygnote ,
& font les trois plus anciens Peintres en-
caufiiques. Briétés , autre Peintre encaufii-
que , les fiiivit de près ; il eut pour fils &
pour élevé Paufias , célèbre vers l'an 375.
A la 94^. olympiade , l'an 404 , Apol-
lodore d'Athènes ouvrit une nouvelle car-
rière, & donna naiflance au beau fiecle
de la peinture. La quatrième année de la
95^ olympiade-, l'an 397 , Zeuxis , de la
ville d'Héraclée , entra dans la carrière qu'A-
pollodore avoit ouverte , & il y fit de nou-
veaux progrès.
Parhafius d'Ephefe, Timanthe de Cith-
nos , Androcyde de Cyzique , Euxénidas
& Eupompe de Sicyone , ont tous été con-
temporains de Zeuxis , & la plupart enri-
chirent l'art de quelques nouvelles beautés.
Eupompe , en particulier , donna le com-
mencement à une troifierae claffe de Pein-
tres à l'école Sycionienne , différente de
l'Ionienne ou Afiatique, & de l'Athénienne
ou Heîladique.
Arifîophon , dont Pline rapporte diffé-
rens ouvrages , fans déterminer le temps où
il vivoit , parce que c'étoit un Peintre da
fécond rang , doit avoir fuivi de fort-près
les artiftes précédens , & s'être fait con-
noîtrc vers l'an 390. Il étoit fils d'Aglao-
phon , célèbre en Tan 420 avant l'ère
chrétienne.
En l'an 380 commença la ioo«. olym-
piade , après laquelle Pline met Paufias de
Sycione , dont la célébrité appartient à la
10 1^. olympiade , vers l'an 376 : il fut , à
proprement parler , l'auteur de la belle
encauftiquc ; il inventa la ruption de la
couleur dans le noir , comme Zeuxis l'avoit
fait dans le blanc.
Pamphile de Macédoine ayant été Téleve
d'Eupompe
P E I
<S*Eupompe & le maître d'Apelle , florif-
foic vers la 364'. Olympiade , avec Ctéfy-
deme , Peintre du fécond rang ; Eu phranor,
natif de llfthrae de Corinthe , &c Cydias
de Cythnos. Caladès , qui compofà de pe-
tits fujets , doit être placé un peu après.
A la 1 07* olympiade , Tan 3^1, Échion
&: Térimachus , habiles Statuaires , fe firent
encore honneur par leur pinceau , ainii
qu'Ariftolaiis & Méchopane , Peintres en-
caufliques , celui-là fils , celui-ci élevé de
Paufias. Antidotus , autre Peintre encaufti-
que , les fuivit de 'près , & appartient en-
viron à l'an 348. On doit placer Calliclès
environ dans le même temps.
La 1 1 1*. olympiade , autrement l'an 551,
nous préfente , fous le règne d'Alexandre ,
Apelie , Antiphyle , Ariftide le Thébain,
Afclépiodore , Théomnefte , Nicomaque ,
Mélanthius , Amphion , Nicophane ,
^tion , Nicias d'Athènes , enfin , Proto-
gene & quelques autres Peintres du pre-
mier mérite.
Tels ont été dans Tordre chronologi-
que les principaux Peintres qui ont illuftré
ia Grèce \ il s'agit maintenant d'entrer
dans des détails plus intérelïans , je veux
dire , de faire connoître leurs caraâreres ,
leurs talens «Si leurs ouvrages. Je n'oublie-
rai rien , à tous ces égards , pour fatisfaire
la curiofité des Lcéleurs \ ôc pour leur com-
modité , je vais fuivre Pordre alphabétique.
^tion eft fameux par fa belle & grande
compofition , qui repréfentoit le mariage
d'Alexandre & de Roxane. Lucien décrit
avec admiration ce chef-d'œuvre de Part \
ôc fur fa defcription , on ne peut s'empê-
cher de convenir que ce tableau devoir
furpafl'er infiniment, pour les grâces de l'in-
vention de pour Pélégance des allégories ,
ce que nos plus aimables Peintres , & ce que
l'Albane lui-même a fait de plus riant dans
le genre des compofitions galantes. Emprun-
tons la tradudion de M. PAbbé du Bos j
elle eft faite avec autant de goût tk. de choix
d'expreffions , que Pline en a mis en par-
lant d'un tableau d' Ariftide.
Roxane étoit couchée fur un lit ; la "beauté
de cette fille , relevée encore par la pudeur ,
lui faifoit baifler les yeux à l'approche
d'Alexandre , & fixoit fur elle les premiers
regards du fpedateur. On la reconnoilfoit
Tome XXV.
P E I ^7
fans peine pour la figure principale du ta*
bleau. Les amours s'emprefibient à la fervir.
Les uns prenoient fes patins de lui ôtoient
fes habits j un autre amour relevoit fon
voile , afin que fon amant la vit mieux -,
&: par un fourire qu'il adrelToit à ce prince ,
il le félicitoit fur les charmes de fa mai-
trefiè. D'autres amours faififlbient Alexan-
dre , & le tirant par fa cotte -d'armes , ils
l'entraînoienc vers Roxane-, dans la pofture
d'un homme qui vouloir mettre fon dia-
dème aux pies de l'objet de fa palïion :
Epheftion , le confident de l'intrigue , s'ap-
puyoit fur l'hyménée j pour montrer que
les fervices qu'il avoir rendus à fon maître ,
avoient eu pour but de minager entre Ale-
xandre & Roxane une union légitime. Une
troupe d'amours en belle humeur badinoit
dans un des coins du tableau avec le;> armes
de ce Prince.
L'énigme n'étoit pas bien difficile à com-
prendre , & il feroit à fouhaiter que les
Peintres xnoàemQS n'euffent jamais inventé
d'allégories plus obfcures. Quelques-uns de
ces amours portoient la lance d'Alexandre ,
&c ils paroifioient courbés fous un fardeau
trop pefant pour eux j d'autres fè jouoienc
avec ion bouclier : ils y avoient fait alleoir
celui d'cntr'eux qur avoitfait le coup , & ils
le portoient en triomphe ; tandis qu'un autre
amour , qui s'étoit mis en embufcade dans
la cuirafie d'Alexandre , les attendoit au.
partage pour leur faire peur. Cet amour em-
bufqué pouvoir bien reflémbleràquelque au-
tre maîtreflè d'Alexandre , ou bien à quel-
qu'un des Miniftres de ce Prince qui avoit
voulu traverfer le mariage de Roxane.
Un Poëre diroit , ajoute M. l'Abbé du
Bos , que le dieu de l'hyménée fe crut obli-
gé de récompenfer le Peintre qui avoit célé-
bré fi galamment un de fes triomphes. Cet
artifte ingénieux ayant expofé fon tableau
dans la folemnité des jeux olympiques ,
Pronéféides , qui devoir être un homme de
grande confidération , puifque cette année-
là il avoit l'intendance de la fête , donna fà
fille en mariage au Peintre. Raphaël n'a pas
dédaigné de crayonner le fujet décrit par
Lucien : fon de (fin a été gravé par un des
difciples du célèbre Marc-Antoine. Enfin ,
la poéfie même s'en eft parée. M. de Vol-
taire en a emprunté divers traits , oout ena-
N
^8 p E I
bellir la polition d'Henri IV & de Gabrielle
d'Eftrée , dans le palais de Tamour. On fai:
par cœur les vers charmans qu'il a imités
de l'ordonnance du tableau à'Mtion , ces
vers qui peignent Ci bien la vertu langui! -
lànte d'Henri IV.
, Xe s folâtres plajfir s dans le fein du repos ,
Les amours enfantins défarmoient ce héros ;
L'un tenait fa cuirr.Jfe en£or de fang
trempée ,
L^ autre arcit détache fa redoutable épée ,
Et rioit de tenir dans fes débites mains
Ce fer , l'appui du trône & Ve^roi des
humains.
Mais il faut convenir que ceft ici un
des fujcts où le Peintre peut faire des im-
prefïïons beaucoup plus louchantes que le
Poè'te. Il eft auiïî d'autres fujets plusavan-
-tageux pour le Poè'te que pour le T cintre.
■ Agatharque , de Saraos , travailla le pre-
mier 3 à la folliciration d'Efchile ^aux embel-
lilTèmens de la fcene , félon les règles de la
■ perfpedtive , fur laquelle il compoia mêrne
un Traité pour faire des décorations en ce
genre. Plutarque , Vitruve & Suidas nous
apprennent en même-temps , qu'il floriflbit
vers la 75* olympiade , c'eft-à-dire 4S0
ans avant Jefus- Chrift,
Aglaophon. Athénée cire deux tableaux
d'Aglaophon : dans Pu» , Alcibiade , reve-
nant des jeux olympiques , éroit repréfenté
couronné par les mains d^une Olympiade
& d'uhe Pyrhlade , c'eft-à-dire , par les
déefles qui préfidoient à ces jeux ; & dans
-L'autre , il étoit couché fur le fein de la
courtifane Némea , comme fe délavant de
fes travaux. Ce dernier tableau d' Alcibiade
nous rappelle celui que Lucrèce fait de
Mars couché fur le fein de Vénus , mor-
ceau de poéiie comparable aux plus beaux
morceaux d'Homiere. La grande gloire
à'Aglacphwi eft d'avoir eu pour fils &
pour élève le célèbre Polygnote.
Antîdotûs , élevé d'Eu phranor ; diligen-
tior quàm numercfor , Ù in coloribus feve-
• rus , dit Pline. Il fuf plus foigneux que
fécond , & ^rès-exaû dans fa couleur ,
■■ e'eft-à-dire ; qu'il obferva la couleur locale,
Se qu'il ne s'écarta point de la vérité. Cet
Antidotus eut pour élevé Nicias , Athénien ,
"<5iîî peignit fi parfaitement les femmes ,,:&
P E I
ont il y aura de plus grands éloges à rap--
^ orter ; car il conlcrva avec foin la vérité
de la lumière & celle des ombres , lumen
& umbras cujîodivit , c'eft-à-dire , qu*l y
a mieux entendu Je clair-obfcur ; & par
une fuite néceflaire , les figures de fes ta-
bleaux prenoient un grand relief , & les
corps paroilToient faillans.
Antiphile , né en Egypte , contempo-
rain de Nicias & d'Apelle , fe montra fors
étendu dans fon art , & réullic également
dans les grands & les petits fujets. Il pei-
gnit Philippe , & Alexandre encore enfant ;
mais il s'acquit beaucoup plus de gloire par
le portrait d'un jeune garçon qui fouiïloit
le feu , dont la lueur éclairoit un apparte-
m.enrd^ailleurs fort orné , & faifoit briller
la beauté du jeune homm-e. Pline loue cet
ouvrage de nuit , & avec raifon ; car il
n'en faut pas davantage pour prouver que
cette pnrt^e de la Peinture , qui confifte
dans la belle entente des refiers & du
clair-obfcur , étoit connue de l'ingénieux
Antiphile , quoique M^ Perrault en ait re-
fufé rintelligenee aux anciens.
Le même Antiphile a été l'inventeur dii
grorefque : il repréfenta dans ce goût Gryl-
,lus j apparemment POlympionique de ce
nom , que Diodore place à la cent douzième
Oîympiac'e ,■ & le nom de Grylliis fut
confervé dans la fuite à tous les tableaux
qu-e l'on voyoit à Rome , &. dont l'objst
pouvoit être pîaifant ou ridicule. C'eftainfî.
que l'on a nommé en Italie , depuis le
renouvellement des arts, bamlochades , les
periies figures faites d'après le peuple , ôc
que Pierre Van Laïr , Hollandois , fur-
nommé Bamboche par un fobriquet que
m^éritoit la figure , avoir coutume de pein-
dre. C'eft encore ahiii que nous difons une
figure a calot , quand elle eft chargée de
quelque ridicule , ou de quelque imperfec-
tion donnée psr la nature ou furvenue par.
accident \ non que cet habile DeiTmateur
n'ait fait , commx Antiphile , des ouvra-
ges d'un aune genre : mais il eft fingulier
de voir combien de monde fe Tcpete dans
les opérations , dans celles même qui dé-
pendent le plus de l'efprit;
Apaturius : ce pireftige de la peinture' ,,
qui Gonîifte à éloigner des objets dans un
tableau. ,,£iiré fuir. les uns ôc rapprocheriez.
P E I
autres , eft un prefcige que connoilîoient
les anciens i Apaturius en donna des preu-
ves dans une décaiarion de théâtre qu^il
iîc à Tralles ville de Lydie. Nous en
parlerons au mot Perspective, C'efr
Yitruve feul , liv. VII , ckap. v , qui nous
a confervé le fouvenir du Peintre Apatu-
rius , (ans nous apprendre ni fa patrie , ni
dans quel temps il vivoit.
Apelle j né Pan du monde 5671 ; il eut
au degré le plus émincnt la grâce & Inélé-
gance pour caraélérifer Ton génie , le plus
beau coloris pour imiter parfaitement la
nature , le fecret unique d'un vernis pour
augmenter la beauté de fes couleurs , 6c pour
conferver fes ouvrages. Il fe décela à Pro-
togene par fa juftefiè dans le deffin , en
traçant des contours d''une figure {lineas)
fur une toile. Il inventa l'art du profil pour
cacher les défauts du vifage. Il fournit aux
aftrologues , par Çts portraits , le {ècours de
tirer l'horofcope , (ans qu'ils vilTènt les ori-
ginaux. Il mit le comble à fa gloire par fon
tableau de la calomnie , & par (a Vénus
Anadyomene , que les Poètes ont tant
célébrée , & qu^Augufte acheta cent talens ,
c'eft-à-dire , félon le P. Bernard , environ
vingt mille guinées ; ou , félon Mrs. Belley
& Barthelemi , 470000 liv. de notre mon-
noie. Enfin , Apelle contribua lui feul , plus
que tous les autres artiftes enfemble , à la
perfLx5tion de la peinture , par fes ouvrages
& par fes écrits , qui fubfiftoient encore du
temps de Pline. Contemporain d'Ariitote &
d^Alexandre , l'un le plus grand Philofo-
phe , lautre le plus grand conquérant qu'il
y ait 'jamais eu dans le monde , Apelle eft '
àuflî le plus grand Peintre.
Il vivoit vers la 1 1 1'. olympiade : il étoit
de Cos , fclon Ovide ; d'Ephefe , fuivant
Strabon ; & fi Pon en croit Suidas , il étoit
originaire de Coloj.ihon , 6c devint citoyen
d^Hphefe par adoption. Cette diverfité de
fentimens femble ijidiquer que plufieurs
villes fe difputoient'.rhonneur d'avoir donné
naiflance à ce grand Peintre , comme
d'autres villes fe -font difputé l'homieur
d'être la patrie d'Homère.
Les hAbitans de Pergame achetèrent , des
deniers publics , un palais ruiné où il y
ayoit quelques peintures d'Apelle ; non-
feulement , dit Solin , pour empêcher les
P E I 5>^
araignées de tendre leurs toiles dans une
mai fon que les ouvrages de cet excellent
artifte rendoi^nt rcfptd;abîe , mais encore
pour les garantir des ordures des oifeaux.
Les citoyens de Pergame firent plus , ils
y fufpendirent le corps d* Apelle dans un
réièau de fil d'or. On pourroit expliquer
ce paflàge , en imaginant qu'ils firent cou-
vrir & réparer ce vieux palais , qui fans
doute étoit inhabité , ôc dont nous dirions
aujourd'hui que c'étoit un nid de chauve-
fouris , &c. par cette explication , le récit
de Sohn n'auroit rien de ridicule. Mais il
n'importe , il fuffit de croire que tous les
foins qu'on prit , eurent pour objet l'illuf-
tration de la mémoire d'Apclle , de la cor-
(èrvation de (es ouvrages : leur beauté n'c-
toit rien à la reficmblance ; ce qui fit dire
à Apion d'un métopofcope , qu'il dre(ïbic
des jugemens certains fur le front d'une
tête tirée de la main d'Apellc.
C'eft le Peintre fur lequel Pline , ain(i
que tous les Auteurs , s'eft le plus étendu ,
& dont il a le mieux parlé. Voici un de fes
paflages : Pinxit ù quce pingi non pcjfunt ,
tonitrua , fulgura , fulgetraque , bronten ,
ajîrapen , ceraunobclian appellant : inventa
ejus j & cœteris proficere in arte. Toutes ces
différences de noms données autrefois à
la foudre , ne conviennent plus à la fim-
plicité de nos principes phyfiques ; mais il
(èmble que l'art devoit être bien reflerré
dans les grands effets de la nature avant
Apelle , il elle lui a l'obligation dont parle
Pline.
Il avoir repréfcnté Alexandre ayant le
foudre en main : Digiti cminere vident ur ,
& fulnien extra t-abuLim ejffe. Cette attitude
indique un raccourci des plus nobles & des
plus heureux , & cette defcription eft vrai-
ment fiite par un homme de Part , car
Raphaël jie (e feroit pas exprimé autrement,
en parlant d'un tableau de Klichel-Ange :
" La main étoit faiilanre , & le foudre pa-
" roiftoit hors de la toile. «
On ne peut fe réfoudre à quitter Apelle,
cet homme qui a réuni tant de qualités du
cœur & de l'efprit , qui a joint Pélévation
du talent à celle du génie , & qui a été
enfin aflez grand pour fe louer Ç^ns partia-
lité , & pour fe blâmer avec vérité ; on ne
peut 5 dis-je , le quitter (ans parler dé l'idée,
N a
joo P E I
que donne k defcriprion d'un de Tes ouvra-
ges. C'eft le tableau de Diane & de Tes
nymphes , dont Pline dit '.•Quitus vicijfe
Homeri ver fus videîur idipfum defcribentis.
L'admiration que l'on a pour Homère , lui
que Phidias voulut prendre pour ion leul
guide dans Texécution du Jupiter , qui lui
fit un honneur immortel ; la fupériorité que
l'antiquité accorde à Apelle ; enfin , la réu-
nion de cts deux grands hommes fera tou-
jours regretter ce tableau.
Pline parle fort noblement de la Vénus
d'Apelle , que la mort Pempêcha d'ache-
ver , & que perfonne n*o{a finir. " Elle
j> caufoit plus d^admiration , dit-il , que fi
» elle avoit été terminée ; car on voit dans
» les traits qui reftent , la penfee de
» l'Auteur , & le chagrin que donne ce
w qui n'efi: point achevé,redoublc l'intérêt."
Le même Pline , pour caracftérifer encore
plus particulièrement Apelle , dit de lui :
Pracipua ejus in arte venufias fuit. La ma-
nière qui le rendit ainfi lupérieur , confifioit
dans la grâce , le goiit , la fonte , le beau
choix, & pour faire ufage d'un mot qui
réunilfe une partie des idées que celui de
venvjfas nous donne , dans le morbidezza ,
terme dont les Italiens ont enrichi la lan-
gue des artiftes. Quoiqu'il foit difficile de
lefufer des talens fupérieurs à quelques-uns
des Peintres qui ont précédé celui-ci , il
faut convenir que toute l'antiquité s-'eft
accordée pour faire Ton éloge ; la juftefie
de Tes idées , la grr.ndeur de (on ame , fbn
caradere enfin , doivent avoir contribué
à un rapport unanime. Il recevoit le Ctn-
timcnt du public pour fe corriger , & il
l'enttndoit lans en être vu. Sa réponfe au
Cordonnier devint (ans peine un proverbe ,
parce qu'elle cft une leçon pour tous les
nommes : ils font trop portés à la décifion ,
& font en même temps trop parefl'eux pour
étudier.
Enfin , Apelle fut in cemulis ienignus ,
ôc ce fentiment lui fit d'autant plus d'hon-
neur , qu'il avoit des rivaux d'un grand
mérite. Il trouvoit qu'il manquoit dans tous
les ouvrages qu'on lui préfentoit : Unam
renerem , quant Grceci charita vacant ; cce-
tera omnia ccntigijfe : feâ hâc fotâfbi nemi-
nem parem. Il faut qu^il y ait eu une grande
vérité dans ce difcours , & qu' Apelle ai:
P E I
pofïedé véritablement les grâces , pour avofr
Forcé tout le monde d'en convenir , après
l'aveu qu'il en avoit fait lui-même. Cepen-
dant lorfqu'il s'accordoit Ç\ franchement ce
qui lui étoit dû , il diloit avec la même
vérité , qu''Amphion le furpafloit pour l'or-
donnance , & Afclépiodore pour les propor-
tions ou la corredtion. C'eft ainfi que B a-
phael , plein de jullefié , de grandeur ôd
de grâce , parvenu au comble de la gloire ,
reccMinoifloit dans Michel-Ange une fierté
dans le goût du deffin , qu il chercha à
faire p-^fièr dans fa manière ; & ce^te cir-
conftitrice peut fervir au parallèle de Ra-
phaël & d'Apelle.
Apollodore , Athénien , vivoit dans \à
quatre-vingt-quatorzième olympiade , l'an
du monde ^S^Ci' Il fut le premier qui re-
préfenta la belle nature ; qui , à la correélion
du defïin , mit l'entente du coloris , cette
magie de l'art , qui ne permet point à ua
ipectareur de palîèr indifféremment , mais
qui le rappelle & le force , pour ainfi dire ,,
de s'arrêter. Apollodore , par fon intelli-
gence dans la diftribution des ombres & des
lumières , porta la peinture à un degré de
force & de douceur où elle n'étoit poine
parvenu avant lui. On admiroit encore , du
temps de Plutarque , le prêtre profterné ,
& PAjax foudroyé de ce grand maître..
Pline le jeune avoit un vieillard debout ,
de la main de cet anifte , qu'il ne fe ladbit
point de confidérer. En un mot , dit-il dans
la defcription qu'il en fiiit , tout y eft d'une
beauté à fixer les yeux des maîtres de Part ,
& à charmer les yeux des plus ignorans.
Apollodore profita des lumières de ceux
qui l'avoient précédé. Pline en parle en ces
termes , liv. XXXV , ch. ix : Hic primus
Jpeciës exprimere infîituit , primufque glo^
riam , penicillo jure coniulit. Ce que M.
de Caylus traduit ainfi : " Il fut le premier
." qui exprima la couleur locale , & qui
» établit une réputation fur la beauté de
» fon pinceau. » On voit par- là que du-
temps de Pline , & fans doute dans la Grè-
ce , la couleur & le pinceau étoient fyno-
nymes , comme ils le font aajourd'huL
Avant Apollodore , aucun tableau ne mé-
rita d'être regardé ou de fixer la vue , quat
îeneat oculos. En un mot , Apollodore ou-
vrit une noavelie carrière , donna naiflaiicc
p E r
au beau fîecle de la peinture , Se fut le pre-
mier dont les tableaux aient arrêté & tenu
comme immobiles les yeux des fpeélateurs.
Arcéjîlas. Il y a deux anciens peintres
de ce nom , & un ftatuaire. Le plus illuftre
des peintres étoit de Paros , & vivoit à peu
près dans le même temps que Polygnote ,
vers la quatre - vingt - dixième olympiade ;
c'eft , au rapport de Pline , un des plus an-
ciens peintres qui aient peint fur la cire &
fur rémail. Paufanias nous apprend qu'entre
les choies curieufes qu'on voyoit au Pirée ,
ctoit un tableau d'Arcéfilas, qui repréfentoit
Léofthene &: Tes enfans : c'eft ce Léofthene
qui , commandant Parmée des Athéniens ,
remporta deux grandes vidojres ; Pune en
Béotie , Pautre au-delà des Thermopiles ,
auprès de la ville de Lamia.
Arifiide , natif de Thebes , contempo-
rain d'Apelle, eft un peu plus ancien. Quoi-
qu'il n'eut pas Tes grâces & Ton coloris ,
fes ouvrages étoient d*un prix immenfe. La
bataille des Grecs contre les Perfes , qu'il
peignit , & où il fit entrer dans un feul
cadre jufqu'à cent perfonnages, fut achetée
plus de 78000 liv. de notre monnoic , par
le tyran Mnaibn. Ariftide excella fur-tout
à exprimer également les paffions douces &
les pallions fortes de Pâme. Attale donna
cent talens , environ vingt mille louis , d'un
tableau où il ne s'agifToit que de la feule
cxpreiïion d'une paifion languiflante. Le
même prince offrit fix mille grands fefter-
ces , c^;fl:- à-dire environ yyoooo liv. d'un
autre tableau qui fe trouvoir dans le butin
que Mummius fit à Côrinthe : le général
romain , fans connoître le piix des beaux
arts , fut fi furpris de cette offre fplendide ,
qu'il foupçonna une vertu fecrete dans le
tableau , & le porta à Rome -, mais cette
vertu fecrete n'étoit autre chofe que le
touchant & le pathétique qui régnoit dans
ce chef-d'œuvre de l'art. En effet , on ne
peut voir certaines fituations fans être ému
jufqu'au foiid de l'ame. Ce chef-d'œuvre ,
qui repréfentoit un Bacchus , étoit fi célè-
bre dans la Grèce , qu'il avoir pafle en
proverbe , ou plutôt il fervoit de compa-
raifbn i car on difoit , beau comme k
Bacchus.
Pline parle à fa manière , c'eft-à-dire ,
comme Kubens auroit pu faire d'un tableau
P E I lor
de Raphaël \ Pline , dis-je , parle avec les
couleurs d'un grand maître d'un autre ta-
bleau , où le célèbre artifte de Thebes avoit
repréfenté , dans le fac d'une ville , une
femme qui expire d'un coup de poignard
qu'elle a reçu dans le fein. Un enfant ,
dit-il 5 à côté d'elle , fe traîne à fa mamelle ,
&: va chercher la vie entre les bras de fa
mère mourante : le fang qui l'inonde , le
trait qui eft encore dans fon fêin ; cet en-
fant que l'inftance de la natute jette entre
fes bras 5 l'inquiétude de cette femme fur
le fort de fon malheureux fils , qui vient , au
lieu du lait , fucer avidement le fang tout
pur 5 enfin , le combat de la mère contre
une mort cruelle \ tous ces objets repréfen-
tés avec la plus grande vérité , portoient le
trouble & l'amertume dans le cœ^ur des per-
lonnes les plus indifférentes. Ce tableau étoit
digne d'Alexandre \ il le fit tranfporter à
Pella , lieu de fa naillance.
Arijiolaûs , fils & élevé de Paufias , fève-
rijjimis picîoribus fuit , fut un des peintres
qui prononça le plus fon deffin , hc donc
la couleur fut la plus fiere , ou plutôt la
plus auftere ; car ce terme de feverus , iî
(bu vent répété par Pline , paroît confàcré
à la peinture , & femble répondre pleine-
ment à celui à*aujîere , que nous employons
en cas pareil.
Afclépiodcre , excellent peintre , & dont
les tableaux étoient li recherchés , que
Mnafon , tyran d'Élatée , homme vraiment
curieux , lui paya trois cents mines , vingt-
trois mille cinq cents livres , pour chaque
figure de divinités qu'il avoit peintes au
nombre de douze \ ce qui fait en tout trois
mille fix cents mi nés. deux cents quatre vingt-
deux mille livres. Le même tyran donna
encore à Théomnefle ^ autre artifte , ceiec
mines , ou plus de fepr mille huit cents livres,
pour chaque figure de héros j & s'il y en
avoit aufTi douze , c'étoit quatre-vingt-qua-
torze raille livres. Afclépiodore & Théom-
nefte paroifïent donc fe rapporter au temps
d'Ariftide , & avoir été i^n peu plus an-
ciens qu'Appelle. On peut placer vers le
même temps Amphion , dont Apelle recon-
noilTbit la lupériorité pour l'ordonnance ,
comme il reconnoilToit la fupériorité d' Af-
clépiodore pour la juftefle àts proportions.
Athénion ^ de Maionée ^ étoit élevé de
loi P E I
Ghucion dt Corinrhe : voici , dit Pline ,
fon caradere quanc à la peinture : Aujic-
rior colore & in aujieritate jucundior , ut in
ipfâ piâurâ eruditio elucpat ; fier , exadt , &
un peu fec dans fa couleur ; cependant agréa-
ble, à caufe dti favoir & de l'efprit qu'il met-
roit dans Tes compofîtions. Nos peintres dc-
vroient bien profiter de cet exemple , pour
jie pas négliger lesbelles-lettres , dont la con-
noiflànce efi fi propre à rendre leurs travaux
recommandables. Nous avons peu de pein-
tres favans & inftruits comme l'étoient les
•Grecs. On peut nommer parmi les Italiens ,
Léonard de Vinci , le Ridotti , Baglione ,
Lomazzo , Armenini , Scaramucia, Vazari,
& plufieurs autres : mais les François n'en
compteHt que trois ou quatre j Dufrefnoy ,
Antoine , Se Charles Coypel.
Bularque floriflbit du temps de Can-
4aule , roi de Lydie , qui lui acheta au poids
de Tor -un tableau de la défaite des Magne-
tes. Or , Candaule mourut dans la dix-hui-
tieme olympiade , Tan 708 avant Tere chré-
tienne 5 ainfi Bularchus a vécu poftérieu-
•rement à lere de Rome , «S^ vers Pan 730
.avant J. C. Pline , en difant que les pein^
très monochromes avoient précédé Bular-
que 3 fait clairement entendre que ce fut ce
Peintre qui , le premier , intiojuifît l'uiage
de plufieurs couleurs dans un feul ouvrage
de pei^iture. C'^cft doiic à peu près vers Tan
730 avant J. C. qu'on peut établir l'époque
de la peinture polychrome , & vraifembla-
blement l'époque de la repréCèntation des
"batailles dans des ouvrages de peinture. Ce
fut aùffi l'époque du clair-obfcur. Phne aflure
qu'au moyen de la pluralité des couleurs qui
■fe firent mutuellement valoir , Part , jufques-
"là trop uniform^e , fe diverfifia , & inventa
•les lumières & les ombres : mais puifqu'il
ajoute que l'ufage du coloris , le mélange ,
•& la gradation des couleurs , ne furent con-
nus que dans la fuite , il faut que le clair-
obfcur de Bularchus ait é'té fort imparfait,
"comme il arrive dans les çommencemens
d'une découverte.
Caladès vécut à peu près dans la cent
fîxieme olympiade, & peignit de petits iu-
Jets que l'on mettoit fur la fcene dans les
comédies , in comicis tabcllis ; mais Puiage
de ces tableaux nous eft inconnu : peut-
-être qu'à ce terme comicis répond le titre
P E I
»c»//«:/lXrTê< , donné par Elien , var. kijî.^^^
à àts peiiitres , qui , pour apprêter à rire ,
repréfentcrentTimothée , général des Athé-
niens , endormi dans fa ten:<; , & par-delTus
(a tête la Fortune emportant des villes d'uji
coup de filet. Dans la pluralité de ces pein-
tres , pour un feul fujet de peinture on
découvre d'abord la catachrcfe d'un pluriel
pour un (ingulier. C'étoit un feul peintre
KcûtxaMi- , qui avoir ainfi donné la comédie
aux dépens de Timothée , & le peintre
borné à ces (brtft de tableaux comiques ,
comicis tabellis , étoit Caladès. M. de Cay-
lus donne à l'expreffion de Pline^unc autre
idée , mais qu'il ne propofe que comme un
doute. Il croit que les ouvrages de Caladès
pouvoient être la repréfentation des prin-
cipales aéiions des comédies que Pon de-
voir donner. C'eft un ufage que les Italiens
pratiquent encore aujourd'*hui ; car on voit
lur la porte de leurs théâtres , les endroits
les plus intére flans de la pièce qu'on doit
jouer ce même jour; 8c cette efpece d'an-
nonce repréfentée en petites figures coloriées
fur des bandes de papier , eft expofée dès
le matin. Le motif aujourd'hui eft charla-
tan : chez les anciens il avoir d'autres objets;
l'inftruftion du peuple , pour le mettre au
fait de l'action ; le delîr de le prévenir favo-
rablement ; enfin l'envie de l'occuper quel-
ques momens de plus par des peintures faites
avec foin.
Calliclès peignit en petit , félon Pline ,
de même que Caladès , parva & Calliclès
fecit. Ses tableaux , difoit Varron , n'avoient
pas plus de quatre.pouces de grandeur , &
il ne put jamais parvenir à la fublimité d'Eu-
phranor. Il fut donc poftérieur à ce dernier;
ce qui détruit l'idée où étoit le père Har-
douin , que le peintre Calliclès a pu être le
même que le Sculpteur Calliclès , qui fit la
ftatue deDiagoras, vainqueur aux jeux olym»
piques , en l'an 464 avant l'ère chrétienne.
Cimon Cléonien ; il trouva la manière de
faire voir les figures en raccourci , & de
varier les attitudes des têtes. Il fut auiïî le
premier qui reprcfenta les jointures des mem-
bres , les veines du corps , & les différens
plis des draperies ; c'eft ce qu'en dit Pline ,
liv. XXXV y ch. viij. Entrons , avec M. de
Caylus 5 dans des détails de Part que Cimon
fit connoître.
P E I
La peinture étoic bornée , dans Ton pre-
mier âge , à former une tête , un portrait ;
on ne repréienuoit encore les têtes que dans
un feul alped , c^eft-à-dirc , de profil. Ci-
mon hazarda le premier d'en delliner dans
toutes fortes de fens contraires à celui-ci >
&c il mit par ce moyen une grande variété
dans la repréfentation des têtes. Celles qu'il
deffinoit regardoient tantôt le fpeétateur ,
c'eft-à-dire, qu'elles fe préfentoient de fiice ;
quelquefois il leur faifoit tourner la vue vers
le Ciel , (k d'autres fois il les fàifoit re-
garder en bas. Il ne s'agilïoit cependant en-
core que de polîtions, & non d'exprellions
6i de fentiraens. Le grand art de Cimon
confiftoit donc à avoir , pour ainfi dire ,
ouvert le premier la porte au raccourci j
ce premier pas étoit d'une grande impor-
tance , & il méritoit bien qu'on lui en fît
honneur. Peut-être fit -il pafler dans les
attitudes de fes figures , la même variété de
poUtion qu'il avoit imaginé d'introduire dans
ces têtesi, quoique Pline n'en difè rien, &
qu'il faille en effet ne point trop donner
n-ux artiftes dans ces premiers commence-
mens de la peinture , où tout doit marcher
pas à pas.
Quant aux autres progrès que Cimon
avoit fait faire à la peinture , ils n'étoient
pas moins importans. il entendit mieux que
ceux quil'avoient précédé , les attachemens,
fans quoi les figures paroilîènr un peu roi-
des , & d'une feule pièce ; défaut ordinaire
des artiftes qui ont paru dans tous les temps.
Lorfque la peinture étoit encore dans fcn
enfince , les mains & les bras , les pies ôc
les jambes , les cuifiss 6c les hanches , la
tête ôc le cou , &c. tout cda dans leurs
ouvrages étoit , comme on , dit tout d'une
venue , &c les figures n'avoient aucun mou-
venrvent. Cimon avoit entrevu la néceiïité
de leur en prêter. : il avoit commencé par
donner à fes têtes des mouvemens diverfi-
fiés ; il étendit cet art aux autres parties de
Tes figures •, ce qui ne pou voit fe faire qu'en
arrachant avec iaflelTe chaque membre en-
femble.
Venas protuUt , dit Pline : il fit paroître
les veines , c'eft-à-dire , que s'étant apperçu
des effets que le m.ouvement produit fur le
naturel , en changeant la firuation des muf-
PEI ,05
nouvelle firuation , il eflaya d'en enrichir-
la peinture \ il com.mença par la repréfenta-
tion des veines ; il étoit bien près de con-
noitre l'ufage & l'office des mufcles. Com-
me l'art de la peinture n'avoir point fait ce
même progrès dans la couleur que dans le
dclîin , il n'eft pas vraifemblable que le
mot venœ foit ici une exprelTion figurée de
Pline , pour fignifier que Cimon avoit animé
la couleur , & qu'il y avoit pour ainfi dire
mis du fang.
Pr jeter ea in vejîe & rugas ù Jînus- in~
venit , ajoute Pline. Avant Cimon , tout
étoit , comme l'on voit , extrêmement in-
forme dans la peinture : les figures vues de'
profil 5 ne favoient fe préfenter que dans
un feul afpeâ; ; les habillemens étoient ex-
primés tout aufTi fimplement ; une draperie
n'étoit qu'un fimple morceau d'étoffe, qui
n'offroit qu'une furface unie. Entre les mains-
de Cimon , cette draperie prend un carac-
tère ; il s'y form.e des plis» j- en y voit des'
parties enfoncées , d'autres parties éminen-
tes qui forment des finuoficés , telles que-
la nature les donne , &: que doit prendre
une étoffe jetée fur un corps qui a du.
relief.
Pline a écrit de la peinture , comme au-
roit pu faire un homme de l'art qui auroit
eu fon génie. If s'attache moins à donner,
l'énumération & la defcription des ouvra-
ges , qu'à établir le candere de chaque
maître i & quoiqu'il le faflè avec une ex-
trême concifion , chaque peintre efï carac-
rérifé &: rendu >:!connoi{îàbîc. Voici tcuc"
le paflage de Pline: Hic Cimon y cÊtcgra-
pha invenit , hoc tfl obliquas imagines , &
varié for mare yulius , rsfpicientzs , fufcipien-
tes , 6? defpicicntes ; articulis etiam memhr.i
dijiinxit y venas proîulit , prcetereaque in vejls
& rugas & finus invenit. Il faut donc en-
terrdre par le mot grec çatagrapha , & en
xMm obliquas imagines'^ non des viiàgesou.
des-figures de profil , comme le père Har-
douin le croit, mais des têtes vues en nx-
courci. Le mot imago ne doit point être pris
ici ppur une figure ,.mais feulement pour-
une tête , un portrait.
Cléophame de- Corinthe eft l'inventeur de
la peinture monochrome , ou proprement
dite. Il débuta par colorier les traits du vi-
des toutes les fois que. la figure prend une jfàge avec de b -terre CBite.^$i-bl:oy£e^i,aii:iii
104 P E I
la couleur rouge , comme la plus appro-
chante de la carnation , fut la première en
ufage. Les autres peintres monochromes,
& peut-être Cléophante lui-même , variè-
rent de temps en temps , dans le choix de
la couleur des figures , différente de la cou-
leur du fond. Peut-être auflî qu'ils mirent
quelquefois la même couleur pour le fond
& pour les figures; on peut le préfumer par
l'exemple de quelques-uns de nos camayeux,
pourvu qu^on n'admette point dans les leurs
Tufage du clair-obfcur , dont la découverte
accompagna l'introdudion de la peinture
polychrome , ou de la pluralité des couleurs.
Cléfidès vivoit vers Tan du monde 5700.
On rapporte que voulant fe venger de la
reine Stratonice , femme d'Antiochus , pre-
mier du nom , roi de Syrie , il la repréfenta
dans une attitude indécente , & expofà fon
tableau en pubhc ; mais cette princcllc étoit
peinte avec tant de charmes dans ce tableau
de Clélidès , qufe fa vanité , ou peut-être
fon bon caractère , lui perfuada de pardon-
ner à la témérité de l*arcifte , de le récom-
penfer, & de laifTer fon ouvrage où il l'avoit
placé. Quoi qu'il en foir , elle montra beau-
coup de grandeur & de fagelTe , en ne pu-
nifl'antx point Cléfidès qui l^avoit peinte en-
tre les bras d'un pêcheur qu'on Paccufoit
d'aimer , 8c qui avoir expofé fon tableau fur
le port d'Ephefe. Michel- Ange , Paul Vero-
nefe , le Zuchero , & quelques autres mo-
dernes , n'ont que trop imité Cléfidès , pour
iatisfaire leur vengeance.
Craf^rusy d'Athènes , avoir un talent par-
ticulier pour peindre merveilleufement le
grotefque , & il orna de fes ouvrages en
ce genre , le Panthéon d'Athènes , cet édi-
fice fuperbe où l'on faifoit tous les prépa-
ratifs pour la célébration des fêtes folem-
nelles. Craterus eft le Teniers des Athé-
niens,
Ctéfiloque , difciple d'Apelle , petulanti
piclurd innotuit , fe fit connoître par la
fougue du pinceau , obéilfant à la vivacité
du génie ; c'eft ainfî que M. de Caylus tra-
duit ce paflage , un peu en amateur de
peinture ; mais il reconnoîr , avec raifon , que
ron peut lui donner un autre fens \ car
Pline ajoute tout de fuite : Jove Liber um
par turi ente depiclo mitrato & muliebriter
ingemifcente inter objietricia dearum. Cette
P E I
peinture ridicule pour un dieu comme Ju-
piter , eft forte pour un païen , & peut
être furement traitée d'infolente j car peut-
on jpenfer autrement d'un tableau qui re-
préfente le maître des dieux accouchant
de Bacchus , & coifé en femme , avec les
contorfions de celles qui font en travail ,
& avec le cortège des déellès pour accou-
cheuies î Cléfidès , avons-nous dit ci-def-
fus , peignit une reine d'Egypte dans une
attitude encore plus indécente j mais ce
n'étoit qu'une reine , & il la peignit très-
belle. Pline , dans fon hiftoire , met en con-
trafte ces peintres téméraires avec Habron ,
qui peignit la Concorde & l'Amitié , avec
Nicéarque qui repréfenta Hercule confus ,
humilié de ies accès de rage ; & avec d'au-
tres artiftes , qui avoient confacré leurs
ouvrages à la gloire de la vertu ou de la
religion.
Cydias , de Cytnos , étoit contemporain
d'Euphranor , & comme lui peintre encauf-
tique;il fit entr 'autres ouvrages un. tableau
des Argonautes.
Damophile & Gorgafus font joints en-
femble dans Pline •■, c'étoient deux habiles
ouvriers en plaftique , & en même temps
ils étoient peintres. Ils mirent des orne-
mens de l'un & l'autre genre au temple
de Cérès , orncmens de plaftique au haut
de l'édifice , & ornemens de peinture à fref-
que fur les murs intérieurs , avec une inf-
cription en vers grecs , qui marquoit que le
coté droit étoit l'ouvrage de Damophile,
& le coté gauche l'ouvrage de Gorgafus.
Avant l'arrivée de ces deux peintres Grecs
à Rome , les temples de la ville n'avoient
eu , fuivant la remarque de Pline , que des
ornemens de goût étrufque , c'eft-à-dire,
des ouvrages de plaftique & de fculpture à
l'ancienne façon des Etrufques , & non des
ouvrages de peinture , qui dans l'Etruric
même étoient d'un goût Grec. On peut donc
placer au temps de Damophile Se de Gor-
gafus , Pintroduétion & l'époque de la pein-
ture dans la ville de Rome , vers Pan 414
avant l'ère chrétienne.
Démon , natif d'Athènes , vivoit du
temps de Parrhafius & de Socrate , vers
la 95' olympiade , & environ 408 ans avant
J. C. Il s'attachoit fort à l'exprefïîon , &
fit plusieurs tableaux qu'on efVima beau-
coup.
P El
coup. Il y en avolt entr'autres un à Rome , '
qui repréfentoit un prêtre de Cybele, que
Tibère acheta 60 grands fefterces. Démon
fit auffi un tableau d'Ajax , en concurrence
avec Timanthe ; mais l'Ajax de Timanthe
fut préféré.
Denys , ou plutôt Dionyjius , de Colo-
phone, ne fit que des portraits, & jamais
des tableaux ; d'où lui vint à jufte titre , dit
Pline , /. XXXV, c.x,\q furnom à'An-
tropographus y c'eft-à-dire Peintre d'hom-
mes. Nous avons eu dans le xy'f. fiecle ,
un peintre flamand femblable en cela de
fait & de nom, (car on le nommoit en
latin Dionyfius ) au Peintre de Pline ; &
les deux Denys ne font pas les feuls qui
aient préféré ce genre de peinture à tout
autre, par la raifon qu'il eft le plus lucratif;
mais ce n'eft pas le plus honorable.
Erigonus , broyeur de couleurs de Néal-
cis , devint un très-bon Peintre , & eut
pour élevé Paufias, qui fe rendit célèbre;
c'eft ainfi que Polidore, après avoir porté
le mortier aux difciples de Raphaël , fe (tn-
tit en quelque forte iq/piré à-la vue à^s mer-
veilles qui s'opéroient fous fes yeux , étu-
dia la peinture, defîlna l'antique, devint
à fon tour élevé de Raphaël , & eut le plus
de part à l'exécution des loges de ce grand
maître.
Eumarus d'Athènes, Peintre monochro-
me , eft nommé dans Pline avec Cimon
de Cléone. Eumarus marqua le premier,
dans la peinture , la diffi^ence de l'homme
& de la femme, dont on ne peignoit aupa-
ravant que la tête & le bufte; il ofa aulïi
ébaucher toutes fortes de figures , les au-
tres Peintres sellant toujours bornés à celle
de l'homme. Cimon enchérit fur les décou-
vertes d Eumarus ; il inventa les divers af-
pedls du vifage , diftingua l'emmanchement
des membres , fit paroître les veines à tra-
vers la peau , & trouva même le jet des
draperies. Voye^/bn article.
^///?/ir^/2or, natif des environs de Corin-
the dans l'Iftme , floriflbit dans la cent qua-
trième olympiade, &: fut en même temps
célèbre ftatuaire, & célèbre peintre encauf-
tique. On trouve les deux genres réunis
dans les artiftes de l'antiquité, comme ils
entêté depuis dans Michel-Ange à la re-
naiffance de la peinture. Euphranor fut It
Tome XXV.
.P E I
|0<
premier qui donna dans fes tableaux un air
frappant de grandeur à fes têtes de héros
& à toute leur perfonne , & le premier
qui employa dans l'encauffique , la juftefle
des proportions que Parrhafiusavoit intro-
duite dans la peinture ordinaire.
Pline, parlant d'Euphranor , en dit tout
ce qu'on en peut dire de flatteur pour un
artifte. Voiti fes paroles : Docilis ac laho-'
riofus , & in quocumque génère exceUens ,
acfihi czqualis. Si ces épithetes fe rappor-
toientà l'art, le Dominiquain pourroit lui
fervir de comparaifon. Docile aux leçons
de la nature , le travail ne l'efirayoit point :
une perfévérance & une étude confiante
de cette même nature, l'ont élevé au-deflfus
des autres artifteS|^ Pline regardç Euphra-
nor comme le premier qui a donné aux
héros un caraftere qui leur fût convenable :
Hic primus videtur exprejfijje dignitates
heroum. Il feroit aifé d'en conclure , que
tous les héros repréfentés avant lui n'au-
roient pas mérité les éloges que Pline lui-
même a donnés aux artiftes plus anciens;
cependant l'on ne doit reprocher à l'hifto-
rien naturalise, qu'une façon de parler trop
générale , & un peu trop répétée : on peut
dire , fur le cas préfent , qu'il y a plufieurs
degrés dans l'excellence. Titien eft un grand
j Peintre de portraits ; Vandick a mis dans
' ce genre plus de fineflTe , de délicatefl^e &C
i de vérité. Titien n'en eft pas pour cela un
■ Peintre médiocre. Mais ce dont il faut fa-
I voir un très-grand gré à Pline , c'eft la cri-
' tique dont il accompagne aflez fouvent fes
éloges ; car , après avoir dit d'Euphranor ,
ufurpajfe fymmetriam , c'eft-à-dire , qu'il
s'étoit fait une manière dont il ne fortoit
point ; il ajoute : Sed fuit univerjitate cor-
porum exilior^ capitibus, articuLifque grart-
dior. Cette manière étoit apparemment
dans le goût de celle que nous a laiftee le
Parmefan : je fais qu'elle eft peut-être blâ-
mée , mais elle eft bien élégante. Il eft
vrai qu'on ne peut reprocher au Peintre
moderne , d'avoir fait comme Euphranor,
fes têtes trop fortes, ^i^s emmanchemens
trop nourris.
Euphranor a écrit plufieurs traités furies
proportions & les couleurs, I! eft Singulier
qu'un Peintre qui a mérité qu'on le içprît
lur les proportions , ait], éci it fur cett;,e
O
io6 P E I .
matière; cependant la même chofe eft arri-
vée depuis le renouvellement des arts à
Albert Durer.
Gorgafus & Damoph'dc , habiles ouvriers
en paftique , & en même temps Peintres ,
font joints enfemble dans Pline! /^o/e:^ ci-
devant Damophile & Gorgafus.
Ludius, Peintre d'Ardéa , paroît avoir
vécu pour le plus tard vers raifyô*; avant
l'ère chrétienne. Il ne faut pas oublier, dit
Pline , /. XXX F ^ c. x , le Peintre du tem-
ple d'Ardéa, ville du Latium , fur-tout pulf-
qu'elle l'honora, continue-t-il, du droit de
bourgeoifie, & d'une infcription envers
qu'on joignit à fon ouvrage. Comme l'inf-
criptioii & la peinture à frefque fe voyoient
encore fur les ruines ^temple au temps
de Pline , il nous a cOTfervé l'infcription
en quatre anciens vers latins ; elle porte
que le Peintre étoit Ludius , originaire
d'Étolie. Oui , dit-il ailleurs , il fubfifte
encore aujourd'hui dans le temple d'Ardéa
des peintures plus anciennes que la ville de
Rome, & il n'y en a point qui m'étonnent
comme celles-ci, de fe conferver fi long-
temps avec leur fraîcheur , fans qu'il y ait
de toit qui les couvre.
Il parle enfuite de quelques peintures du
même Ludius extrêmement belles, léga-
lement bien confervées à Lanuvium, autre
ville du Latium ; & d'autres peintures en-
core plus anciennes", qu'on voyoit à Caeré ,
ville d'Étrurie. Quiconque voudra, conclut-
il , les examiner avec attention , convien-
dra qu'il n'y a point d'art qui fe foit per-
fectionné plus vîte , puifqu'il paroît que la
peinture n'étoit point encore connue du
temps de la guerre de Troie. Ce raifonne-
ment fuppdfe une origine greque aux pein-
tures de Cœré , comme à celles d'Ardéa ;
à la peinture étrufque, comme à la peinture
latine.
Lyfîppe d^Egine , Peintre encauftique
vécut entre Polygnote & le Sculpteur Arif-
tide, c'eft-à-dire, entre l'an 430 6c l'an
400 avant l'ère chrétienne. Un de fes ta-
bleaux qu'on voyoit à Rome , portoit pour
infcription : Lyjîppe rn' a fait avec Le jeu ;
c'eft la plus ancienne des trois infcriptions ,
un tel m'a fait, qui paroiffent à Phne des
infcriptions fingulieres dans l'antiquité , au
-lieu de la formule plus modefte, un tel
P E I
nie fa i foit. Les deux autres infcriptions
étoient,rune au bas d'une table qu'on voyoit
à Rome , au comice , & qu'on donnoit à
Nicias ; l'autre , qui lui fervoit de pendant ,
étoit l'ouvrage de Philocharès : voici pré-
fentement la remarque de Pline fur ces
trois infcriptions , dans fa préface de l'hif-
toire naturelle.
» Vous trouverez, dit-il, dans la fuite
» de cette hiftoire , que les maîtres de l'art,
» après avoir travaillé & terminé des chefs-
» d'œuvre de' peinture & de fculpture, que
» nous ne pouvons nous laiTer d'admirer,
»y mettoient pour toute infcription les
» paroles fuivantes, qui pouvoient mar-
» quer à^s ouvrages imparfaits \ Appelle ou
» Polyclete faifoit cela. C'étoit donner
» leur travail comme une ébauche , fe mé-
» nager une reffource contre la critique , &
» fe réferver jufqu'à la mort le droit de-
t> retoucher & de corriger ce qu'on auroit
» pu y trouver de défedueux ; conduite
» pleine de modeftie & defageffe , d'avoir
» employé par-tout des infcriptions pareil-
■» les , comme ïi chaqjue ouvrage particu-
» lier eût été le dernier de leur vie , & que
>^ la mort les eût empêchés d'y mettre la
» dernière main. Je crois que l'infcription
» précife & déterminée, un tel Ca fit y
» n'a eu lieu qu'en trois occafions. Plus
» cette dernière formule annonçoit un
» homme content de la bonté de (qs ou-
>> vrages , plus elle lui attiroit de cenfeurs
» & d'envieux. ^
Ainfi parle Pline , dont les yeux , peut-
être quelquefois trop délicats , étoient bief-
fés des plus petites apparences de vanité &
d'amour- propre.
Méchopane étoit élevé de Paufias : Sunt
quihus placeat diligentiâ quam intelUgant.
foli artifices , alias durus in coloribus &^
file multus. Ces termes veulent dire que
fa couleur a été crue , & qu'il a trop donne
dans le jaune : les modernes offrent fans
peine de pareils exemples; mais l'intelli-
gence , les foins ou 'la précifion , qui ne.
font connus que des feuls artiftes, préfen-
tent une vue bien délicate & bien vraie.
Mélanthius. Plutarque rapporte qu'Ara-
tus , qui aimoir la peinture & qui s'y con- •
noiflbit, ayant délivré Sicyone fa patrie des
tyrans qui l'opprimoientj réfolut dedétiuirs
#
P E I
les monumens qui rappelloient leur fouve-
lîir. II y avoit dans la ville un tableau fa-
meux, où Mélanthius aidé de Tes élevés ,
parmi lefquels étoit Apelle , avoit repré-
îenté Arjftrate, l'un de ces tyrans , monté
fui%un char de triomphe.
Dans le premier moment , Aratus ordon-
na de le détruire ; mais fe rendant bien-
tôt aux raifons de Néalque , Peintre habile ,
qui demandoit grâce pour une auffi belle
peinture, &: qui lui faifoit entendre que
la guerre qu'il avoit déclarée aux tyrans ,
ne devoit pas s'étendre aux arts , il le fit
confentir que la feule figure d'Ariftrate fe-
roit effacée ; ainfi on laiiîa fubfifter celle de
la Vi<ftoire & le char; & Néalque, qui s'é-
toit chargé de cette opération, mit feule-
ment une palme à la place de la figure ,
ôt cela par refpeél: pour un ouvrage fur
lequel il ne croyoit pas que perfonne ofât
mettre la main.
Dans ce dernier paffage, on voit deux
témoignages bien précis de la confidéra-
tion dans laquelle étoient chez les Grecs
les ouvrages des grands maîtres. Un Prince
fait céder des raifons d'état & de politi-
que à la confervation d'un tableau dont
la mémoire étoit odieufe , mais qui n'en
étoit pas moins admirable par la beauté de
fon exécution. Un Pe/'/z^re habile en recon-
noît l'excelléhce, & préfère la gloire d'a-
voir contribué à fa confervation, à celle
qu'il auroit pu acquérir en le peignant de
nouveau , ou du moins en y mettant une
nouvelle figure de fa façon.
Au refte , Pline nomme Mélanthius au
nombre des Peintres dont les chefs-d'œu-
vre avoient été faits avec quatre couleurs
feulement. Plutarque ajoute , que dans le
tableau du tyran de Sicyone , Mélanthius y
travailla conjointement avec les autres de
fa volée ; mais qu' Apelle , qui étoit du nom-
bre , ni toucha que du bout du doigt : c'eft
apparemment parce qu'il étoit encore trop
jeune.
Métrodore fut choifi par les Athéniens j
pour être envoyé à Paul Emile , qui après !
avoir pris Perfée, roi de Macédoine, leur |
avoit demandé deux hommes de mérite, l'un I
pour l'éducation de fes enfans, & l'autre j
pour peindre fon triomphe. Il témoigna
îbufaaiter ardemment que le précepteur tût '
P E I 107
un excellent philofophe. Les Athéniens lui
envoyèrent. Métrodore ^ qui excelloit tout
enfemble , & dans la philofophie , & dans
la peinture. Paul Emile fut très-contènt à
ces deux égards de leur choix : c'eft Pline
qui raconte ce fait, liv. XXXV, c. xj ;
mais fans entrer dans d'autres détails fur
les ouvrages de Métrodore^ ce qu'on peut
dire de certain, c'eft que s'il a réuffi dans
ies tableaux , comme dans fon élevé P.
Scipion , il faut le regarder comme un des
grands peintres de l'antiquité. Le Père
Hardouin n'a commis que des erreurs au
fujet de ce philofophe & de cet artifte, qui
florifiToit dans la 1 50e olympiade.
iVf/co/2 étoit contemporain, rival & ami
de Polygnote. Pline nous apprend , que
tous les deux furent les premiers qui firent
ufage de Pocre jaune, 6c que tous deux
peignirent à frefque ce célèbre portique
d'Athènes , qui , par la variété de fes pein-
tures, fut nommé le PceciLe ; mais Micon
fe fit payer de fon travail , au lieu que Po-
lygnote ne voulut d'autre récompenfe que
l'honneur d'avoir réuflî.
Néalcès s'acquit une très-grande réputa-
tion par la beauté de (es ouvrages, & en-
tr'autres par fon tableau de Vénus. Il étoit
également ingénieux & folide dans fon art.
Il repréfenta la bataille navale des Egyp-
tiens contre les Perfes; & comme il vou-
loir faire connoître que l'aélion s'étoit pafifée
fur le Nil, dont les eaux font femblables
à celles de la mer , il peignit fur le bord
de l'eau un âne qui buvoit, & tout auprès
un crocodile qui le guettoit pour fe jeter
fur lui. Secondé comme Protogene par le
hazard , il ne vint à bout , à ce qu'on dit ,
de repréfenter l'écume d'un cheval échaufl^é,
qu'en jetant de dépit fon pinceau fur fon
ouvrage. Pline parle beaucoup de Néalcès
dans fon Hift, nat. lip. xxxv , c. xj,
Nicias d'Athènes, habile Peintre encauf-
tique , élevé d'Antidotus , vivoit , comme
Apelie, en lacent douzième olympiade, l'an
332 avant l'ère chrétienne. Il fe diftingua
parmi les célèbres artiftes de ce temps flo-
riflant de la peinture. Il fut le premier qui
employa parmi fes couleurs, la cérufe brûlée.
On dit qu'il excelloit en particulier à pein-
dre les femmes. On avoit de lui un grand
nombre de tableaux extrêmement eftimés|
O z
io8 . ,P ^ .^
entr'autres celui où il avoit peint la def-
cente d'UlyfTe aux enfers.
Praxitèle faifoit un û grand cas de la com-
pofition dont Nicias avoit le fecret , & qn'ii
appliquoit fur les ftatues de marbre , que
ce les de fes ftatues où Nieras avoit mis
la main, méritoient, felori lui, la prété-
rence fur tontes autres. Voilà ce que dit
le texte de Piine, //V. XXXV, ck. xj.
/Nous ne^connoiiïons plus cette pratique;
& comme nous n'Imaginons pas que des ver-
ris, ou quelque autre préparation fernbla-
H^îe, puiffent être appliqués fur une ftatue de
marbre fans lui nuire, nous c; oyons trou-
ver dans ce pafîageque'que choie d'abfurde:
cependant il s'agit ici d'un vernis , qui étoit
peut-être une compofition"" de cire pré-
parée.'
Mais il y a de bien plus grands éloges
à faire de Nicias, car lumen & umbras cuf-
todivit : il con(erva avec foin la vériré de
la lumière & celle des ombres; c'eft-àdire,
qu'il a parfaitement entendu le clair-obfcur :
& par une fuite néceflaire , les figures de
fes tableaux prenoienr un grand relief, &
les corps paroifroientfail!ans;-(4/^«ew/e/72i-
ncrcnte tabulis piciura. , maxime curavit.
On croiroit que Pline, dans ce paffage,
feroit l'éloge de Polydore.
Nicias joignit à ces grandes parties , celle
de bien rendre les quadrupèdes , & prin-
cipalement les chiens. Nos modernes ne
nous fourniffent aucun objet de compa-
raifon ; car ceux qui ont excellé à pein-
dre les animaux , n'ont ordinairemenfchoifi
ce genre de travail , que par la raifon qu'ils
é oient foibles dans l'exprelTion des figures ,
& pour ainfi dire incapables de traiter les
fujers de Thiiloire & les grandes pafîions.
Ji eft vrai que Riibens feplaifoit à peindre
des animaux , & c'eft à fes leçons que nous
devons le fameux Sneyders j mais ces far-
tes d'exemples font rares.
Parmi les tableaux les plus eftimés de
Ncias, on admiroit fur-tout celui où il
avoit peint la defcente d'Ulifife aux enfers.
r. refufa de ce tableau 60 talens , 181000 li v.
que le roi Ptolomée lui ofFroit , & en fit
préfent à fa patrie. •
Les Athéniens , par reconnoifTance , éle-
vèrent un tombeau à fa gloire, & lui ac-
■ cordèrent les honneurs de la fépulture aux
P E I
dépens du public , comme à Conon , à Tî-
mothée , à Miltiade , à Cimon , à Ha' mé-
dius, &: à Ariftognion. On trouvera d'au-
tres dé;ails allez étendus (ur cet admirable
Peintre, dans Plme,^lien, Paufanias,
Stobée & P'utarque. ^ *
Nicomaque, fils &: élevé d'Ariftodeme,
étoit un peu plus ancien qu'Apelle. On
achetoif fes tableaux pour leur grande beau-
ré, àes fommes immenfes; tabulœ fingula
oppidorum venihant opibus, dit Pline , &
cependant perfonne n'avoir plus de facilité
& de promptirude dans l'exécution. Arifto-
te, tyran de Sicyone, l'avoit choifi, pour or-
ner de tableaux un monument qu'il faifoit
élever au poète Telefte , & il étoit con-
venu du prix avec Nicomaque , à condition
néanmoins que l'ouvrage feroit achevé dans
un temps fixe. Nicomaque ne fe rendit fur
le lieu, pour y travailler, que peu de jours
avant celui où il devoit livrer l'ouvrage. Le
tyran irrité alloit le faire punir ; mais le
Peintre tint paro'e, & dans ce peu de jours,
il acheva fes tableaux avec un art admira-
ble & une merveilleufe cé\énxé\c6Uritatc
& arte mira, ajoute le même Pline. Les
tableaux de Nicomaque , & les vers d'Ho-
mère , dit Plutarque dans la vie de Timo-
léon , outre les perftâ:ions & les grâces
dont i's brillent, ont encore cet avantage,
qu'ils paroiffent n'avoir coûf^ ni travail ,
ni peine à leur auteur.
Il fut le premier qui peignit Ulyfle avec
un bonnet , & tel qu'on le retrouve dans
des médailles de la famille Mamilia, rap-
portées par Vaillant , Famil. Boman. Ma-
milia ,2,3,4, ^^^ années 614 & 616 de
Rome, environ deux cents ans après les
ouvrages de Nicomachus.
Nicophanes , dit Pline, fut fi élégant,
fi précis, que peu de peintres ont égalé fes
ag'émens , & jamais il ne s'eft écarté de
la dignité ni de la nobleflTe de l'art : Nico^
phanes eUgans & concinnus , ita ut venuf^
tau ei pauci comparentur, Cothurnus ei ,
& graviras artis,
Pamphile , de Macédoine , élevé d*Eu-
pompus , & contemporain de Zeuxis &C
de Parrhafius , qu'on place enfemble vers
la 115e olympiade, c'eft-à-dire vers l'an
du monde 3604, fut le premier peintre
verfé dans tous les genres de fcience &ft de
PEl
lutérature. I! a mérité que Pline dît de 1
lui; P rimus in picîurc. omnibus lir.tens eru- |
ditus , prccdpui: .iritkmcticcs & giomct'îcœ .
Jzne quitus neg.:hat artim pcrfici pcjfe. 11
avoit bien raifcn , puirq''e les règle-; de la
perfpedive , dont les peintres font conri-
mieilement ufsge , 6v celles de l'archirec-
ture qu'ils font quelquefois obligés d'em-
ployer, appa; tiennent les unes & les autre-^
à la géométrie. Or, la néceflité de la géo-
métrie la plus fiiTiple & la plus élémentai-
re , entraîne la nécefliré de l'arithmétique ,
pour le calcul des angles & des côtés des
figures.
Patnphile fit primus in piclurâ , mais
d'une façon dont nos peintres devroient
tâcher d'approcher ; c'eft qu'étant favant
dans fon art , il fut omnihus Utteris eru-
ditus. Il eut le crédit d'établir-à Sicyone ,
enfuite dans toute la Grèce, une efpece
d'académie , où les feuls enfans nobles &
de condition libre qui auroient quelque
difpofition pour les beaux-arts , feroient
înftruits roigneuTement , avec ordre de com-
mencer par apprendre les principes du
deffin fur des tablettes de buis ; & dé-
fenfesaux efclaves d'exercer le bel art de la
peinture.
En^ , Paniphile mit cet art in primum
gradum LihcraUum : Pline l'appelle auffi un
art noble & diftingué ^ qui avoit excité
l'emprefTement des rois & des peuples. Il
aime qu'el'efafTe briller l'érudition , au pré-
judice même du coloris ; il joint avec com-
plaisance au titre de peintre , celui de phi-
îoiophe dans la perfonne de Métrodore,
& celui d'écrivain dans Parrhafius, dans
Euphranor , dans Apelle & dans les autre?.
Quelquefois même il femble préférer )a
peinture à la poéfie. La Diaiie d'Apelle ,
au milieu de fes nymphes qui facrifient,
paroît , dit-il , l'emporter fur la Diane
d Homère , lequel a décrit le même fpefta-
cle. Si les vers grecs, qni fubfiiloicnt à la
louange de la Venus Anadyomene du mê-
me Apeile, a voient prévalu fur le tableau
qui ne fubiîftoitp'us , ils rendoiem toujours
hommage à fa gloire.
Cependant il femble que nos artiftes
penfcnt bien différemment, & qu'ih fe-
coueni la littérature & les fciences comme i
un joug pénible, pour fe livrer en:iére-i
P E I 109
ment avx opérations de l'œil S/ c'e h main,
L?»ir préjugé contre l'étude paroit bien
difficile à déraciner , parce que malheureu-
lement prefque tous ceux qui ont eu des
leures , n'ont pas excellé dans l'art; mais
Texemple de Léonard de Vinci & de quel-
ques autres modernes, fuffiroit , indépen-
damment de l'exemple des anciens , pour
juftifier qu'il eft poffible à un grand pein-
dre d'être favant. Enfin, fans favoir , com-
me Hippias , tous les arts & toutes les fcien-
ces , il y a des degrés entre cet éloge, &
une ignorance que l'on ne peut jamais
pardonner.
Au refte , Pamphile , après avoir élevé
des efpeces d'académies dans la Grèce , ne
prit point d'élevés qu'à raifon de dix ans
d'apprentiffage , & d'un talent , »foit par
année , foit pour les dix années de leçon ;
car le texte de Pline eft fufceptible de ces
deux fens. Il eft cependant vraifemblable
qu'il faut entendre un talent attique par
chaque année. Le talent attique eft évalué,
par MM. Bellay & Barthélémy, à environ
quatre mille fept cents livres de notre mon-
noie aftueile 1778 ; le dodeur Bernard
l'évalue à deux cents livres fterlings cinq
shellings. Ce fut à ce prix qu'Apelle entra
dans l'école de Pamphile , & ce fut un
furcroît de gloire pour le maître. Il eut
encore l'avantage d'avoir Mélanthius pour
difciple , ce Mélanthius , dont Pline dit que
les tableaux étoient hors de prix. Paufanias
fut aulïl fon élevé : nous n'oublierons pas
fon article.
On admiroitplufteurs ouvrages de Pam-
phile , entr'autres fon Ulyfte dans une bar-
que ; fon tableau de la confédération des
Grecs ; celui de la bataille de Phlius au midi
de Sicyone , aujourd'hui , Phoïca ; celui de
la viftoire des Athéniens contre les Per-
(qs , &c. Ajoutons-y un portrait de famille
dont Pline parle , c'eft-à-dire,un grouppe
ou une ordonnance de plufieurs parens ,
Veft le feul exemple de cette efpece rap-
porté par les anciens ; non que la chofe n'ait
été facile & naturelle , mais parce qu'elle
n'é:oit point en ufage , du moins chez les
Romains, qui rempliffoient leur ^//-////w ou
le veftibule de leurs maifons de fîmples
buftes.
Panée , ou Panœiws , comme dit Pau-
110 P E I
fanlas , frère du fameux Phidias , floriflfoit
dans la 5 5® olympiade, ou Tan du monde
3560. Il peignit avec grande diftindion la
fameufe journée de Marathon, où les Athé-
niens défirent, en bataille rangée, toute
l'armée des Perfes : les principaux chefs de
part & d'autre étoient dans ce tableau de
grandeur naturelle , & d'après une exa(Se
reffemblance ; c'eft de là que Pline infère
les progrès & la perfection de l'art , qui
néanmoins fe pef feélionna beaucoup dans
la fuite.
Ce fut de fon temps que les concours
pour le prix de la peinture furent établis
à Corinthe & à Delphes, tant les Grecs
étoient déjà attentifs à entretenir l'émula-
tioH des beaux-arts par tous les moyens les
plus propres aies faire fleurir. Panœnus fe
mit le premier fur les rangs , avec Tima-
goras de Chalcis , pour difputer le prix à
Delphes dans les jeux pythiens. Timago-
ras demeura vainqueur ; c'eft un fait , ajoute
Pline , prouvé par une pièce de vers du
même Timagoras , qui eft fort ancienne ,
elle a dû précéder d'environ cinq cents cin-
quante ans le temps où Pline écrivoit, û
nous plaçons la vift oire de Timagoras vers
la xxvii)<^ pythiade, en l'an 474 avant Je-
fusChrift.
Panœnus devoit même être affez jeune
l'an 474, feize ans après la bataille, de
Marathon , puifqu'il efl: encore queftion de
lui dans la Ixxxiije olympiade , l'an 448 ;
qu'il peignit à Élis la partie concave du
boucher d'une Minerve, ftatue faite par
Colotès , difciple de Phidias. Si ce mélange
de peinture & de fculpture dans un même
ouvrage , révolte aujourd'hui notre délica-
teffe; fi nous condamnons comme inutiles
& comme cachés à la vue du fpe<5lateur ,
des ornemens qui ont pu cependant être
prefque auffi vifibles en dedans qu'en dehors
d'un bouclier, du moins gardons - nous
bien d'étendre nos reproches jufqu'à l'hif-
torien ; ce feroitle blâmer de fon attention
à nous tranfmettre les anciens ufages , &
d'une exaftitude qui fait fon mérite &c fa
gloire.
Panœnus fit encore des peintures à fref-
que à un temple de Minerve , dansl'Èlide;
Si. Phidias fon frère , ce fculpteur fi célè-
bre , avoit aufïi exercé l'art de la peinture ;
P E I
I il avoit peint dans Athènes l'Olympien^
I c"eft-à-dire , Periclès : • Olympium l'cri^
! ckm , dignum cognomine , pour me lérvir
j des termes de Phne. Hifloire naturelle^ liv,
XXXIV ^chap.viij. ^
Parrhaflus , natif d'Éphefe, fils & dif-
ciple d'Évenor , contemporain & rival de
Zeuxis , florilToit dans les beaux jours de
la peinture, vers l'an du monde 3564,
environ quatre cents ans avant Jefus-Chnft,
Ce fameux artiOe réuffilToit parfaitement
dans le deffin . dans l'obfevaiion exafte
des proportions , dans la nobleffe des atti-
tudes , i'expreiîion des païïions , le finiiïe-
ment & l'arrondiflement des figures y la
beauté & le moelleux des contours ; en
tout cela dit Pline , il a furpaflé its pré-
déceffeurs , &: égalé tous ceux qui l'ont
fuivi.
Le tableau allégorique que cet homme
célèbre fit du peuple d'Athènes, brilloit de
mille traits ingénieux , & montroit dans le
peintre unerichefi^e d'imagination inépuifa-
ble ; car , ne voulant rien oubher touchant
le caraélere de cette nation , il la repréfen-
ta , d'un côté , bizarre , colère , injufte , in-
conftante ; & de l 'autre , humaine , docile ,
& fenfible à la pitié ; dans certain temps ,
fiere , hardie , glorieufe ; & d'autres fois ,
baffe , & lâche & timide. Voilà un rableau
d'après nature.
C'efl: dommage que Parrhafius ait ^k{-
honoré fon pinceau , en repréfentant par
délafl^ement les objets les plus infâmes :
Ubiqut cihhcr ^ comme dit Pline d^Arellius,
nijijîagitus injignem corrupijfet arum ; ce
que fit en effet le peintre d'Ephefe , par fa
peinture hcencieufe d'Atalante avec Méléa-
gre fon époux, dont Tibère donna cent
cinquante mille livres de notre monnoie ,
& plaça cette peinture dans fon apparte-
ment favori.
C'eft encore dommage que cet homme
fi célèbre ait montré dans fa conduite trop
d'orgueil & de préfomption. On le blâme
peut-être à tort de fa magnificence fur toute
fa perfonne. On peut auffi lui paiTer fon
bon mot dans fa difpute avec Timanthe. Il
s'agififoit d'un prix en faveur du meilleur
tableau , dont le fujet étoit Ajax outré de
colère contre les Grecs de ce qu'ils avoient
accordé les armes d'Achille à Ulyffe ; Iç
P El
prix fut adjugé à Timanthe. « Je lui cède
» volontiers la viéloire , dit le peintre
» d'Ephefe, mais je fuis fâché que le fils
» de Telamon ait reçu de nouveau le même
» outrage qu'il effuya jadis fort injufle-
» ment.
On voit par ce propos , que Parrhafius
étoit un homme de beaucoup d'efprit; mais
c'étoit fans doute un artiflê du premier or-
dre , puifque Pline commence fon éloge par
ces mots remarquables, qui difent tant de
chofes : Primas fymmetriam pictura dédit.
Ces paroles fignifîent , que les airs de tête
de ce peintre éiox^nt. piquans; qu'il ajufloit
les cheveux avec autant de nobleffe que de
légèreté ; que fes bouches étoient aimables,
& que fon trait étoit aufïi coulant que fes
contours étoient juftes : c'efl le fublime de
la peinture. Hœc ejl in piciurd fub limitas ;
Jianc ci gloriam conceffére Antigonus^&
JCcnocrates , qui de piciurd fer ipfêrc. Dans
fon tableau de deux enfans , on trouvoit
l'image même de la fécurité & de la fimpli-
cité de l'âge \fecuritas &JîmpUcitas œtatis.
Il faut que c^ enfans aient' été bien ren-
dus , pour avoir infpiré des exprelïîons qui
peignoient à leur tour cette peinture. C'efl
dommage que dans un artifte de cet ordre ,
nemo infoUntiiis & arrogantiîis fit iifus glo-
ri a artis. Il fe donna le nom ^ ahrodiaos ^
le délicat, le voluptueux, en fe déclarant
le prince d'un art qu'il avoit prefqut porté
à fa perfection. En effet , on ne lit point
fans piaifir tout ce que difent de ce çrand
maître, Pline, Diodore de Sicile , Xéno-
phon , Athénée, Elien , Quintilien; &
parmi les modernes, Carlo-Dati : mais on
n'eft point fâché de voir l'orgueil de Par-
rhafius puni , quand il fut vaincu par Tim.an-
the , dans le cas dont j'ai parlé ci-defTus ;
cas d'autant plus important à fa gloire, que
les juges établis pour le concours des arts
4ans là G^ece , ne pouvoient être foupçon-
néi d'ig ;Oiance ou de partialité.
Paujias , natif de Sicyone, fils de Brités
& fon é'eve , flvjriiloit vers la cj^ olym-
piade. Il fe diflinguajdans la peinture en-
.cauftique, & en décora le4)rem.',er les voû-
te's & les lambris _; pinxit & illc penicilLo
parlete:. Tkefpiis , dit Pline , c. xj. C'étoit
peut êire le temple des Mufes que l'on
voyoit à Thefpies , au bas de i'Hélicon.
P E I TII
* Polygnote avoit orné avant lui ce même
lieu de fes ouvrages; le temps les avoit
apparemment dégradés ou effacés. On char-
gea Paufias de les refaire , & ces tableaux
perdirent beaucoup à la comparaifon , ^wo-
niam non fuo génère certajjet j mais il dé-
cora le premier les muts intérieurs des
appartemens , avec un fuccès difîinguc;
c'efl ce genre queLudius fit enfuite connoî-
tre à Rome. Paufias y apportoit la plus
grande facilité, car il peignit un tableau de
ce genre en un jour ; il efl vrai que ce ta-
bleau repréfentoit un enfant , dont les chairs
mollettes , rondes & pleines de lait n'exi-
gent qu'une forme générale, fans aucun
détail intérieur, fans aucune exprefïion
compofée ; enfin , fans aucune étude de
mufcles & d'émmanctiemens.
Quand l'occafion le demandoit , Pau-
fias terminoit fes beaux ouvrages avec beau-
coup de mouvement dans fa compofition
& d'effet dans la couleur. On admiroit de
fa main dans les portiques de Pompée , un
tableau repréfentant un facrificede bœufs,
parmi lefquels étoit un bœuf de front dont
on voyoit toute la longueur : on y remar-
quoit fur-tout la hardieffe avec laquelle il
les avoit peints abiblument noirs : enfin ,
les facrifices de Paufias indiquoient non-
feulement l'art du raccourci , mais une in-
telligence complète de la perfpeétive.
Il devint , dans fa jeuneffe , amoureux de
Glycere ; cette belle vendeufe de fleurs le
rendit excellent dans l'imitation de la plus
légère & de la plus agréable produdionde la
nature. Comme elle excelloit dans fart de
faire des couronnes de fleurs qu'elle verî-
doit , Paufias , pour lui plaire, imitoit avec
le pinceau ces couronnes , & fon art éga-
loit le fini & l'éclat de la nature. Ce fut
alors qu'il repréfenta Glycere affiie, com-
pofant une guirlandede fleurs , tableau dont
Lucullus acheta la copie deux talens (neuf
mille quatre cents Uvres^ : combien auroit-il
payé l'original , qu'on nomma Stéphano"
plocos , la faifeufe de couronnes ? Horace
n'a pas oublié cette circonflance.
Velcum Paufiaca torpes, infane , tahella
Qui peccas minus , atque ego cum , Sec,
Le prix excefîif que Lucullus mit au ta-
bleau de Paufias , ne doit pas néanmoins
111 P E I
étonner ceux qui ont vu de nos jour? des
fommes pareilles pour les bouquets de fleurs
peints par Van-Huyfam , tandis que peut-
être ils n'auroient pas donné le même prix
d'un tableau de Raphaël. On pourroit com-
parer Baptifte pour cette partie feulement,
au célèbre Paufias dans la belle imitation
des fleurs , à laquelle il joignoit une grande
facilité.
Cependant , le chef-d'œuvre de Paufias
étoit une femme ivre , peinte avec un tel
, efprit , que l'on appercevoit à travers un
vafe qu'elle vuidoit , tous les traits de foii
vifage enluminé , dit Paufanias , /. xxi. M.
Scaurus tranfporta à Rome tous les ta-
bleaux du peintre de Sicyone , qui étoit fa
patrie , & où il avoit fixé fon féjour; & il
orna des tableaux de cet artifl:e le fuperbe
théâtre qu'il fit conftruire , dans le deffein
d'immortalifer fon édilité , laquelle en effet
acheva la ruine & le renverfement des
mœurs des Romains.
Pkilocharhs ne nous eft connu que par
ce que Pline en dit , en parlant des tableaux
étrangers expofés dans Rome. « Le fécond
» tableau , dit-il , préfente un fujet d'ad-
» miration , dans la reflemblance d'un fils
» encore jeune , avec fon père déjà vieux,
» malgré la différence des deux âges clai-
» rement exprimée : un aigle vole au-def-
w fus , &: tient un lion dans fes ferres, Phi-
» locharès y a remarqué que c'étoit Ibn
>♦ ouvrage ; preuve éclatante , continue
» Pline,dupouvoirimmenfe de l'art, quand
» on n'envifageroit que ce feul tableau ,
» puifque le fénat & le peuple romain y
» contemplent depuis tant de fiecles, en
» confidérationdePhilocharès , deux per-
» fonnages d'ailleurs très-obfcurs , Glau-
» cion 6c fon fils Ariftippe. »
Il ne faut pas croire que Pline reproche
aux Romains de s'être dégradés , en por-
tant leurs regards fur un portrait de deux
perfonnes abjedes", ce fens répugne, &
à l'objet prél'ent de l'auteur, & à tous
ces principes de philofophie , & à la ma-
nière dont il nous offre plufieurs autres
tableaux , où les fujets étoient vils ou incon-
nus. Il ne prétend pas plus cenfurer les ad-
mirateurs de Glaucion&d'Ariflippe, que les
panégyriftes de ce malade qu'Anftide avoit
peint , cgrum fine fine Idudatum ; comme
PET
c'étoit fur la fineffe de rexécutîondu/»^//z-
trt que tomboient les admirations §c les
louanges, le philofophe s'en fervoit pour
faite connoître les charmes de l'art, & le
citoyen pour les faire aimer.
Ph'doxemc d'Erythrée, élevé de Nico-
machus , fuivit la manière de fon maître.
Pline dit de Xm^cujus tabula nulli poflfc"
rendu ; c'eft un éloge affez fingulier. Il jou-
te , qu'il trouva des chemins plus courts
encore pour peindre promptement. Il tra-
vailloit donc, dit M. de Caylus, comme
le Pellégrini, qui avoit peint la banque à
Paris ; & comme Paul Mathéi , qui a fait
un fi grand nombre d'ouvrages che M.
Crozat l'ainé : l'un & l'autre faifoient ordi-
nairement par jour une figure grande comme
nature; mais la promptitude & la facilité
étoiejît leur feul mérite.
Polygnote de Thafe , île de la mer Egée ,
étoit fils d'Aglaophon dont nous avons par-
lé, & qui vivoit avant la quatre-vingt-
dixième olympiade , temps où la peinture ,
n'avoir pas encore fait de grands progrés,
il fut élevé de fon père; 4)ais comme il
eft arrivé depuis à Raphaël &; à beaucoup
d'autres, le difciple furpafifa bientôt fon
maître. Guidé par fon propre génie , il ofa
quitter J'ancienne manière qui étoit dure^
feche & contrainte; il porta tout d'un coup
fon art de l'enfance prefqueàlaperfeâiion.
Julqu'àlors les peintres ne s'étoient fervi
que d'une feule couleur ; ce qui faifoit
donner à leurs ouvrages le nom peu avan-
tageux de /««i-o;)^ 9/Jt.Aiiv ou fjiovoXfôov que
Quintilien nous rend par les xiots dejim"
pLex color.
Polygnote employa quatre couleurs, par
le mélange defquelles il donna aux femmes
une parure brillante qui charma les yeux.
Il eut la gloire de trouver le fecret des
couleurs vives , des draperies éclatantes,
& de multiplier avec dignité le nombre ds
ajufîemens. Par cette nouveauté, il éleva
les merveilles de la peinture à un degré
qui n'étoit pas encore connu. Pline nous
apprend que Polygnote &c Micon furent
les premiers qui.£rent ufage de l'ocre jaune ,
& que tous deux peignirent à frelque ce
célèbre portique d'Athènes , qui de la va-
riété de fes peintures fut nommé le Facile,
Mais Micon, comme je l'ai déjà dit, fe fit
payçr
P El
payer de fofi travail , au lieu que Polygnote
ne voulut d'aurre récompenfe que l'honneur
d'avoir rëuflî : ce beau procédé le mit en un
il haut degré d'eftime , que les Athéniens
lui donnèrent droit de bourgeoiiîe dans leur
ville , &. les Amphydions le droit d'hol^
pitalité dans toutes les villes de la Grèce ,
pour tout le refte de (a vie. Des récom-
penfes auffi flatteufes pour l'amour-propre ,
& telles que les Grecs les favoient accor-
der , ne font plus en ufage ; il faut croire
que fi elles exifioient , nous verrions plu-
lieurs de nos artiftes décorer des temples
fans recevoir aucune rétribution , ou plu-
tôt les décorer pour en avoir d'aulîî dif-
tinguées>
On voyoit à Rome , du temps de Pline ,
un tableau de Polygnote , qui repréfentoit
un jeune homme armé de fon bouclier , dans
une attitude qui laiflbit en doute s'il mon-
toit ou s'il defcendoit. Pline en fait beau-
coup d'éloges , parce qu'il fe trouve une
beauté réelle dans une attitude indécifè , &
dans une contenance mal affurée , qui peint
l'irréfolution de l'efprit. Il arrive très-fou-
vent qu'un foldat qui efcalade , ou qui s'a-'
yance à l'ennemi , s'arrête tout-à-coup , fans
favoir d'abord s'il pourfuivra , s'il continuera
de monter , ou s'il prendra le parti de def^
cendre. Or , ces fortes de pofitions vacil-
lantes font difficiles à être bien repréfentées
par un peintre. L'habile artifte dont nous
parlons avoit pourtant faifi celle-ci , & l'ha-
bile écrivain de la nature a eu foin d'avertir
qu'on en voyoit à Rome le tableau fous
le portique de Pompée.
Polygnote fit encore plufieurs autres ou-
vrages vantés dans l'hiftoire ; tels font en
particulier les deux tableaux que Paufanias
a décrits ; l'un repréfentoit laprife deTroye
& le rembarquement des Grecs ; l'autre la
defcente d'Ulyffe aux enfers, avec une image
de ces lieux fouterrains ; fujets magnifiques ,
& qui ne prêtent pas moins à la peinture
qu'à la poéfie. Voye\ les Mém. des In fer.
tom. Vî y in-4.°. Il fut le premier qui fut
varier l'air du vifage , fec & dur dans if n-
cienne peinture ; qui donna des draperies
fines & légères à (es figures de femmes,
& le premier qui les coëfFa d'une mitre de
différentes couleurs. Auffi heureux en ga-
lanterie, que noble dans (es adions , il
Tome XXV,
PEI jiy
{ut plaire à Elpinice , (œuf de Cimon &
fille de Miltiade , ce grand capitaine , dont .
la gloire ne fut égalée que par celle de fon
fils. Polygnote vivoit quatre cents vingt an-
nées avant l'ère chrétienne : ainfi , les ta-
bleaux dont parle Paufanias , avoient , du
temps de cet auteur , cinq ou fix cents aias
d'antiquité. <
Protogene , né à Caunium en Carie,
ville qui dépendoit de Rhodes , étoit con-
temporain d'Apelle : il commença par pein-
dre des navires , & vécut long-temps dans
une honnête pauvreté , la fœur , je dirai
mieux , la mère du bon efprit. Il peignit
enfuite des portraits & quelques fujets fim-
ples , mais auxquels il donna un fi beau fini ,
^;u'iLs firent l'admiration des Athéniens, c'efl-
à-dire , du peuple le plus éclairé qui fût au
monde. Tous les hifioriens parlent de ce
fameux tableau , qai lui coûta fept ans de
travail , de l'Iabife , chafïeur célèbre , petit-
fils du foleil , & qui paflbit pour le fonda-
teur de Rhodes.
Protogene , jaloux de la durée de {es
ouvrages , & voulant faire pafler le tableau
d'Iabiie à la po{ï^érité la plus reculée , le re-
peignit à quatre fois , mettant couleurs fur
couleurs , qui prenant par ce moyen plus
de corps , devoit fe conferver plus long-
temps dans leur éclat , fans jamais difpa-
roître ; car elles étoient difpofées pour
fe remplacer , pour ainfi dire, l'une l'autre.
C'eil ainfi que Pline s'explique; comme le
remarque M. le Comte de Caylus , pour
caradérifer le coloris de ce célèbre arfi{îe.
On admiroit en particulier , dans ce ta-
bleau , l'écume qui fortoit de la gueule du
chien ; ce qui n'étoit pourtant, dit-on, qu'un
coup de hazard & de défefpoir du peintre.
On failbif auffi grand cas de fon {àtyre ap-
puyé contre une colonne. Protogene y tra-
vailloît dans le temps même du fiege de
Rhodes par Démétrius. Il étoit alors logea la
campagne , dans une maifon près de la ville.
Démétrius fit venir Protogene dans Çon
camp ; & lui ayant demandé comment il
pouvoit s'occuper à fon beau tableauijlfcns
crainte, & s^iraaginer être en lûreté au mi-
lieu des ennemis , Protogene lui répondit
fpirituellemcnt , qu'il favoit que Démétrius
ne faifoit pas la guerre aux arts ; réponfe
qui plut extrêmement au monarque ,' & qui
p
IT4 ^ E î
fauva RBodes. C'eft Aulugellc , /zV. X V ,
ch, iij , qjui rapporte ce fait , un des plus
frappans que 1 hifioire nous ait confervés.
Cet événement du tableau qui opère le fa-
lut d'une ville , ell d'autant plus lingulier ,
que le peintre vivoit encore ; & l'on fait
alTez que d'ordinaire, les hommes atten-
dent la mort des auteurs en tout genre ,
pour leur donner les éloges les plus mé-
rités , foir qu'un fentiment d'envie les eon-
duife , foie que ce qui s'eft exécuté fous
leurs yeux ne leur paroifîe avoir rien
d'extraordinaire , foit enfin que leur eftirae
foit produite par le regret.
Apelle fit connoître aux Rhodiens le mé-
rite des ouvrages de ce laborieux artifte ;
car ayant offert d'acheter trcs-chéremene
tous (es tableaux , les compatriotes de Pro-
togene ouvrirent les yeux fur cette offre ,
qui étoit férieufe , & .payèrent fes ou-
vrages comme ils le méritoient.^ Ariflote ,
amateur des beaux arts autant que des
fciences ,. & de plus , -ami de Protogene ,
dont il efHmoit les taleas , voulut l'engager
aux plus grandes compofitions & aux plus
nobles fu)ets d'hiftoire , comme à peindre
les batailles d'Alexandre; mais Protogene
téCiûa toujours à cette amoree dangereufe ,
& continua fageraent de: s'en tenir aux
peintures de fon goût &L de fon génie.
On fait qu' Apelle &' Protogene travail-
lèrent enfembde à, un tableau qui fut con-
fervé préciëuiement. Ce tableau avoit été
regardé comme un miracle de l'art. Et quels
étoient ceux qui. Iç confidéroient- avec le
plus de complaifance ? c'étoient des gens
du métier , gens en eftet plus en.état cjjue
les autres de; fentirles^ beautés d'un frmple
deffin , d'en, appercevoir ks finefiès, &
d'en être affeftés. Ce tableau, ou, fi l'on
veut , ce deiîin , avoir mérité de trouver
place dans.le palais, des Cciars.. Pline , qui
parle fur le témoignage des perfonnes di-
gnes de foi , qui avoient vu ce tableau avant
«qu'il eût péri dans le premier- incendie qui
coniuma ie palais du temps d'Augufte ,, dis
qu'^ n'j re.narquoit que trois traits , &
încfne qu'on les appercevoif aYecaflez.de-.
peine : la grande antiquité de ce- tableau
ne permettoit pas que cela lût auirerr^snt.
B ell à remarquer ,, que s'il n'offroit A la
tue quô dé fimj[>les lignes coupées. dansJeur,
P E ï
longueur par d'autres lignes , ainfî que M.
Perrault le l'étoit imaginé , on en devoir
compter cinq , & non pas trois. Le calcul
eft aifé à faire ; la premitre ligne refen-
due par une féconde ligne, & celle-ci par
une troifieme encore , cela fait bien cinq
lignes toutes diflindcs , par la précaution
qu'on avoit prife, en les traçant, d'employer
différentes couleurs Une telle méprife dans
une chofe de fait , n'eft que trop propre à
faire fentir l'erreur de ceux qui cherchent
fans ceffe à rabaifler le mérite de l'anti-
quité.
Nous ne dirons rien de plus de la vie &
des adions de ce grand peintre , finon qu'il
joignit , comme tant d'autres , l'exercice de-
la fculpture avec celui de la peinture. Du:
relie y Apelle lui reprochoit quelquefois de
trop tatiguer Ces ouvrages , & de ne favoir
pas les quitter. Ce défaut a fbuvent jeté dans-
le froid quelques-uns de nos modernes.
Apelle difoit à Ion ami : Le trop de loin ell
dangereux. Mais la peintupe n'efl pas la.
feule opération de l'cfprit qui doit faire at-
tention à ce précepte.
Pyreïcus , dit Pline , arte paucis pojî
ferendus y & fur-tout du côté de la beauté,
du pinceau ; mais il a dégradé fon mérite ^
tonjirinas futrinafqiie pinxit\ auflî fut-iL
nommé rhyparographos y c'efi-à-dire , bas
6* ignoble. Nous p'juvons donner cette
^épithete à prefque tous les peintres des>
• Pays-bas. Il paroît que les Romains étoient-
fenfibles à la l^d.'dion que caufoient ces
petits genres , & qu'ils pardonnoient aux:
fujets ea faveur de la belle couleur , qui .
véritablement efl. atfrayante.-
Sérapion éreit un />f//2^re de détoration;.
Les €?recs & les Romain.s ont eu de grands,
décorateurs de théâtre ;, leurs dépenlèsen-i
ce genre , & leur goût pour les fpedacles ,,
ont dû produiredes hommes très -habiles
daj)S cette paj-tie , & noas pouvons imagi-
ner par conféqucnt , que la facilite du gé--
nie & de l'exécurioa , devoir être nccel-
faû^ment appuyée en eux par la connoii-
faace exaâe de la perfpedive. Plus un trait
ell Tc^-pporté-dans^e grand, & plus il exige-
d'exaditude ôc dt vcrité ; & la perfpeèlive..-
aérienne éprouve les mêmes néceliités- Se- •
rapior^fe dillingua dans l'art des décorations^;
PJiae,aprè5 en avoir parléiur ce .tonjajoucey .
y
p E r
qu'il ne pouvoir peindre la figure : c'efl une
chofe route ordinaire. A la relèrve de Jean-
Paul Panini , qui a fu allier plufieurs par-
ties de b peinture , Bibiena , Servandoni ,
& rous ceux qui les ont précédés, n'ont
jamais lu reprélenter une figure , ni même
l'indiquer en petit fur le plan le plus éloi-
gné. Si Sérapion ne pouvoit faire aucune
figure , Dionyfius au contraire ne favoit
peindre que des figures ; ces partages fe
rencontrent tous les jours : cependant les
Dionyfius feront plus aifément Sérapions ,
que les Séraffions ne feront Dionyfius ; car
vnpei/ure d hiiloire exprimera toujours (qs
penlées : le dellin de la figure conduit à
tour , &. rend tout facile.
Socrate efi peint dans ces deux mots de
Pline , jure omnibus pîacet : cet artilte fut
bienheureux ; il fe trouvoit du gourde tout
le monde. On peur dire qu'il eut un fort
bien diHérenr du divin philofophe dont il
portoir le nom. C'eft au peintre que nous
devons la compofition fuivante , & qu'un
philolophe auroit pu imaginer. Pour expri-
mer un négligent qui fait des chofes inu-
tiles , il peignit un homme allis par terre,
travaillant une narre mangée par un âne ,
à mefure qu'il la terminoit. D'aurres pré-
tendenr que Socrare avoit voulu reprélen-
ter un mariimbécille , donr l'économie four-
nir aux dépenlès de fa femme : quoiqu'il
en foir , le fujet éroir fi bien pe':nt , qu'il
palla en proverbe : Ocnus fpartum torquens
qiiod afellus arradit.
Tiiéomnefie , conremporain d'Afclépio-
dore 6c d'Anllide , & un peu plus ancien
qu'Apelie, reçut de Mnafon , le prince de
fon temps le plus curieux en peinture , cent
mines , c'efi-à-dire , près de 8000 livres de
notre monnoie , pour chaque figure de héros
qu'il avoir repréfenrée ; & s'il y en avoir
douze , pour répondre aux douze divinirés
d'Afclépiodore , comme il y a, beaucoup
d'apparence , cet ouvrage lui fut payé en-
viron 96000 livres.
Timagoras de Chalcide floriflbit dans
la quarre-vingt-deuxieme olympiade. Il dif-
pura le prix de la peinture contre Panée ,
dans les jeux pythiens , le vainquit , & com-
pofa liir fa vidoire un poëme qu'on avoit
encore du temps de Pline.
Timanthe étoit natif de Sycionc , ou ,
P E I iiy
félon d'autres , de Cythné. Ctt artlfte é
renommé avoit en partage le génie de l'in-
vention , ce don précieux de la nature qui
caradérifè les talens lupérieurs , & que le
travail le plus opiniâtre , ni toutes les re{^
fources de l'art , ne peuvent donner. C'eft Tii
manthe qui eft l'auteur de ce fameux tableau
du facrifice d'Iphigénie , que tant d'écrivains
ont célébré , & que les grands maîtres ont
regardé comme un chef-d'œuvre de l'art*
Perfonne n'ignore que pour mieux donner
à comprendre l'excès de la douleur du père
de la vidime , il imagina de le reprélenter
la tête voilée , laiflant aux fpedateurs à juger
de ce oui (e paflbit au fond du cœur d' Aga-
memnon. Velavit ejus caput , dit Pline , &
Jibi cuique animo dédit œfiimandurn. Tout
le monde lait encore combien cette idée a
été hcureulcment employée dans le Ger-
manicus de Pouiïin. Les grands hommes,
& iur-tout [çs peintres , parlent tous , pour
ainli dire , le même langage , & le tableau
de Timanthe ne fubfiltoit plus quand le
Pouflin fit le fien.
j hne , Up. XXX r , ch. x , en carac-
térilànt les divers mérites des peintres
grecs , dit au fujet de Timanthe , que dans
ies ouvrages on découvroit plus de chofes
qu'il n'en prononçoit ; qu'étant grand par
fon art , il étoit encore plus grand par îoa
génie ; & que s'il repréfento t un héros , il
employoit tout ce que la peinture avoit de
force. Plutarque parle avec de grands éloges
d'un tableau que ce peintre avoit fait ,
du combat d'Aratus contre les Etoliens ;
ce n'eft pas, dit Plutarque, un tableau,
c'efi la chofe même que l'on voir : il efl
fingulier que Pline ait oubHé d'en faire
mention , car il n'a pas manqué de nous
raconter d'autres détails fur Timanthe ,
comme fa dilpute contre Parrhafius , qui
fe pafïâ à Samos , & où ce dernier tut
vaincu. Cette même hifioirc, dont j'ai déjà
parlé , fe trouve dans Athénée. Mais Pline
a loué Timanthe en des termes qui difent
tout : Anem ipfam complexus viros pin-
gendi y il pratiqua l'art dans tout fon
entier pour peindre les hommes. Nous
avons eu quelques modernes qui n'ont ja-
mais pu rendre la délicateffe & les grâces
que la nature a répandues dans les femmes.
Timomaque , natif de Bizance , vivoit du
Pa
11^ PEI
temps de Jules-Céfar. II mit au jour , en-
tr'autres produâions , un Ajax & une Mé-
dée , que le conquérant des Gaules plaça
dans le temple de Vénus , & qu'il acheta qua-
tre-vingts talens, c'efl-à-dire, au-delà de feize
mille quatre cents louis. Timomaque n'avoit
pas mis la dernière main à fa Médée , &
c'étoit néanmoins ce qui la faifoit encore
plus eflimer , au rapport de Pline , qui ne
peut s'empêcher d'admirer ce caprice du
goût des hommes. La pitié cntre-t-elle dans
ce l'entiment ? fe fait-elle un devoir de ché-
rir les choies à caufe de l'infortune qu'elles
ont eue de perdre leur auteur avant que
d'avoir reçu leur perfedion de fa main ? Cela
peut être ; mais il arrive auffi quelquefois
qu'on fe perfuade, avec raifon, que de grands
maîtres altèrent l'excellence de leurs ou-
vrages par le trop grand fini doat ils font
idolâtres.
Quoi qu'il en {bit , le morceau de pein-
ture dont il s'agit étoit admirable par l'ex-
preflîon , genre particulier qui caradérifoit
Timomaque ; car c'eft par-là qu'Aufone ,
dans fa tradudion de quelques épigrammes
de l'anthologie fur ce fujct ^ vante princi-
palement ce magnifique tableau , où la fille
d'Oéms , fi fameufe par fes écrits , étoit
peinte dans l'inflant q,u'elle levoit le poignard
fur fes enfans. On voit , dit le pocie , la rage
& la corapaffion mêlées enfemble fur fon
vifage ; à travers la fureur qui va commettre
un meurtre abominable, on apperçoit encore
dts reftes de la tendrefle maternelle.,
Immanem exhaujit rerum in divtrfa. la"
horem ,
Pingeret ajfecfum matris in amhiguum ,
jra fubeft lacrymis y miferatio non caret
ira ;
Alterutrum videat , ut fit. in atterutro.
Cependant cette Médée , fi louée par
les auteurs grecs & latins, fi bien payée
par Jules-Céfar , n'étoitpas le chef-d!œuvre
du célèbre artifie de BHance : l'on n'eûi-
moit pas moins fon Iphigénie & fon Orefie,
& l'on metîoit fa Gorgone au - delîus de
toutes fes compofitions.
Zeuxis étoic natif d'Héraclée , foit d'Hé-
raclée en Macédoine , ou d'Héraclée près
de Crotone en Italie , car les avis font par-
tagés ; il florifloit 400 ans avant Jefus-Chrilî,
P E I
vers la quatre-vingt-quinzième olympiade.
Il fut le rival de Timanthe , de Parrhafius,
& d' Apollodore , dont il avoit été le dif-
ciple ; mais il porta à un plus haut degré que
fon maître la pratique du coloris & du clair-
obfcur : ces parties eflentielles , que Pline
nomme la porte de Part , & qui en font
proprement la magie , firent rechercher les.
ouvrages de Zeuxis avec empreflement ; ce
qui mit bientôt ce célèbre artiste dans une
telle opulence , qu'il ne vendoit plus {es
tableaux , parce que , difoit-il , aucun prix
n'étoit capable de les payer ; difcours qu'il,
devoit laitier tenir à fes admirateurs:
Dans le nombre de fes produdions pit-
torefques , tous les auteurs s'étendent prin-
cipalement fur «elle de fes raifins , & du
rideau de Parrhafius. Ce n'eft point cepen-
dant dans ces fortes de chofes que confiiîe
le fublirae. & la perfedion^ de l'art ; de
femblables tromperies arrivent tous les jours
dans nos peintures modernes, qu'on ne vante
pas davantage par cette feule raifon. Des
oifeàux fe iont tués contre le ciel de là
peripedivedeRuel, en voulant pafler outre,
fans que cela foit beaucoup entré "dans Ik
louange de cette perfpedive. Un tableau
de M. le Brun, fur le- devant duquel étoit
un grand chardon bien repréfenté , trompa
un ane qui paflbit , & qui , fi on ne l'eût
e.npê.ché , auroit mangé le chardon-; je dis-,
avec M. Perrault ri: ange ^ parce que le chan--
don étant nouvellement fait , l'âne auroit ^
intaiUiblement léché toute la peinture avec *
fa langue. Quelquefois nos cuifiniers ont
porté la main fur des perdrix & fur des cha-
pons naïvem>ent reprélentés , pour les mettre
à la broche; on en a ri, & le tableau ell
demeuré à la cuifine.
Mais des tableaux beaucoup plus impor-
tans de Zeuxis itoient , par exemple , fon
Hélerie , qu'on ne voyoit d'abord qu'avec
de 1 argent , d'où vint que les railleurs nom-
mèrent ce portrait , Hélène la counifanne.
On ne fait point fi cette Hélène de Zeuxis
étoit la même qui étoit à Rome du temps
de Phne , ou celle que les Crotoniates le
chargèrent de repréfenter pour mettre dans
le ternple de Junon. Quoi qu'il en foit , A
peignit fon Hélène d'après nature fur leS
cinq plus belles filles de la ville , en réunit-
fant tes charmes & les grâces particulières de
ï> E I
chacune, pour en former la plus belle pcr-
fonhe du monde , que fon pinceau rendit
à ravir.
,' On vantoit encore extrêmement fon Her-
cule dans le berceau , étranglant des dra-
gons à la vue de fa mère épouvantée. Il
prifbit lui-même linguliérement fon lutteur
ou fon athlète , dont il s'appIaudilToit com-
me d'un chef-d'œuvre inimitable. Il y a de
t'appar'ence qu'il eftimoit auffi beaucoup fon
Athalante , pùifqu'il la donna aux Agri-
gentins ; qu'il n'ertimoit pas moins fon
Pan , dont il fît préfent à Archelaiis , roi
de Macédoine , dans le temps qu'il em-
ployoit fon pinceau pour rembellilTement
du palais de ce monarque. Je nç dirai rien
de fon Centaure femelle ; il a été décrit
par Lucien.
Zeuxis ne fe piquoit point d'achever
promptement fes ouvrages ; & comme quel-
qu'un lui reprochoit fa lenteur , il répondit ,
« qu'à la vérité il étoit long-temps à pein-
» dre, mais qu'il peignoitaufli pour lon§-
?? temps. ' •
Pline parle de fà Pénélope , in quâ
pinxijfe mores videtur : on ne peut donner
une idéfe plus délicate de fon efprit & de
fon pinceau ; car il ne faut pas regarder
ce trait comme une métaphore fembla-
blc à celle où le même auteur, pour ex-
primer les peintures des vaiffeaux , & faire
entendre les dangers de la navigation , dit
fi noblement, pericula expingimus-^ cette
belle exprefïîon , mores pinxijje videtur ,
doit- être prife ici pour une véritable. défini-
tion. Raphaël , parmi les modernes , a iem-
blablement peint les moeurs, & a fu plus
d'une fois les exprimer. On fait quelle réu-
nion de grandeur , de fimplicité & de no-
blelfe cet illufîre moderne a mife dans les
fêtes des vierges , mores pinxit. On peut
encore peut-être mieux comparer Léonard
de Vinci à Zeuxis , à caufe du terminé
auquel il s'appliqupiîi
Pline ajoute , en fînilTant le portrait dé
Zeuxis , deprehenditur tamen Zeuxis gran-
dhr in capitibus nrticulifqiie : ces mots , de-
prehenditur tamen y indiquent-ils un repro-
che de faire des têtes & fes attachemens trop
lorts ? ou le mot de grandior, qui fiiit ,
marque-t-il un éloge ? & Pline veut-il dire
que Zeuxis faifoit ces parties d'un, grand
> El 117
caradere , d'autant qu'il le loue de travail-
ler avec foin, & d'après la nature? car il
ajoute , alioqui tantus diligentiâ. Je ne
décide point l'explication de cette phraie
latine.
Verrius Flaccus , cité par Fefrus , rap-
porte que le dernier tableau de Zeuxis fut
le portrait d'une vieille , qui le fit tant rire ,
qu'il en mourut ; mais 11 le fait étoit vrai ,
comment auroir-il échappé à tous les autres
auteurs ? Je fupprime ici beaucoup de cho-
ies fur ce grand maître en peinture , parcs
qu'on les trouve dans Junius , &. dans la via
de Zeuxis , de Parrhafius , d'Apelle & de
Protogene , donnée en italien par Carlo-
Dati , & imprimée à Florence en 1667 ,
in- 12. '
Enfin , pour compléter cet article , je ne
dois pas taire quelques femmes qui ont
exercé la peinture dans la Grèce ;- telles
font Timarete , fille de Micon , & qui a
excellé ; Irène , fille & élevé de Gratinus ;
Calypfo , Alciflhene , Ariilarete qui s'étoît
formée dans fon art fous fon père Néar-
chus ; Lala de Cizique, perpétua virgo ;
épithete finguliere pour ce temps , fi elle ne
veut pas dire tout fimplement qu'elle ne
fut point mariée. Cette fille exerça la pein-
ture à Rome, félon M. Varron , cité par
Pline ; non-feulement elle peignit , mais
elle fit des ouvrages cejîro in ebore ; ce que
M. de Caylus traduit généralement , en di-
fant qu'elle grava fur l'ivoire : elle fit Iç
portrait de beaucoup de femmes , , & le fien
même dans le miroir , nec ullius in piclarâ ^
velociormanusfuit.VQr(onnt «'eut le pin-
ceau auffi léger, ou bien , ne montra une
auffi grande légèreté d'outil , pour m'expri-
mer -dans la langue des artiftcs. Pline fait
encore mention d'une Olympias.. i
Plufieurs de ces femmes ont fait de bong
élevés , & laiffé de grands ouvrages. Je ne
puis oppofer , avec M. de Caylus , à ces
femmes illufires, qu'une feule moderne ; non
que les derniers fiecles n'en aient produit
qui pourroient trouver ici leur place ; ^ÊÊki
la célèbre Rofalba Carieri a .fait des cho-
{qs fi-reraplies dç cette charis qu'Apelle
s'étoit accordée , qu'on peut la comparer ,
à divers égards," aux femmes Peintres à^l'à
Grèce. Les fujcts qu'elle a faits n'ont ce-
pendant jamais été fort étendus , car elle
ir8 P E î
inn travaillé qu'en mignature & en paflel.
{Le Chevalitr de Jaucourt.)
Peintres Romai \s , ( Peint, ant. )
Pline ne compte de Peintres romains que
les iuivans, rangés ici dans l'ordre chro-
nologique. Fabius, (urnomme Piclor y &
qui etoit d. l'iliultre famille des Fabius ;
Pacuvius , Sopolis , Dionyiius , Phinlcus ,
Arellius , Ludius qui fîuriiîoir ious Au-
jguile; Quinrus-Pedius , Anriièius-Labeo,
AmuiiusjTripilius , Cornelius-Pinus , Ac-
cius-Pnfcùs: nous indfquerons leurs carac-
tères & leurs ouvrages dans le même ordre
que nous venon:5 de fuivre au mot PEIN-
TURE des Romains.
Peintre de batailles , {Peint, mod. )
On nomme ainii le Peintre qui s'adonne
particulièrement à cette iorte d'ouvrage. Il
Faut que dans une compoiition de ce genre ,
il paroilTe beaucoup de feu & d'adion dans
les figures & dans les chevaux ; c'elf pour-
quoi on y doit préférer une manière forte
éi vigoureufe , des touches libres, un goût
îicurté , à un travail fini , à un pinceau dé-
licat , à un deflin trop terminé. Voici les
Peintres célèbres en ce genre.
Caftelli {Valérie) , né à Gènes en 1625 ,
mort dans la même ville en 1659 , montra
de bonne heure Ton inclination à peindre
des batailles , & eut un grand fuccès en ce
genre.
Courtois {Jacques) , furnoramé le Bour-
guignon ^ né à S. Hippolyte en 1621 ,
mort à Rome en 1676, fuivit pendant trois
ans une armée , en delïîna les campemens ,
les fîeges , les marches & les combats dont il
étoit témoin. Michel- Ange ayant vu de Tes
tableaux de bataille , publia par-tout lès
talens. Il règne dans lès ouvrages beawcoup
ide feu , & lès compofitions font loutenucs
|)ar le coloris.
Michel-Ange des batailles reçut ce fur-
îiom de fbn habileté finguliere à repréfen
«er CCS fortes de fujets , dans lefquels il
jmettoit une imagination viv-c , une grande
dHjj^fTè de main , & beaucoup de force.
Un a gravé quelques-unes de (es batailles
dans le ftrada fàe nome , ou il mourut en
Parocel ( Jofeph ) y élevé de Bourgui-
gnon , a excellé à reprélcnter des batailles ,
jfai/aj^ poïJt de génie ^ fan$ avoir jamais4.
P E î
été dans des camps ni fuivi des armées."
Cependant il a mis dans Tes tableaux ua
n)ouveraent & un fracas prodigieux. Il a
peint avic la dernière vérité la fureur du
foldat. Aucuti Peintre y luivant fon expref-
fion , n'a fu mieux tuer Ion homme. Son
fi\s{Charle.\) , mort en 1752 , briiloitaulS
diins le geiire de Ion père.
Primatice ( Le ) , difciple de Jules Ro-
main , a fait avec fuccès , fur les defllns de
fon maître, des batailles de duc en bas-
relief; c'étoit le temps où l'on commençoit
feulement à quitter en France la manière
gothique & barbare.
Rofa {Saluator) ,■ néANaplesen kSiç ,
fit des tableaux d'hiitoirc peu eihmés , mais
réuflit à peindre des combats & des figures
de lokiats , dont il faiiilîoit admirablement
l'air & la contenance.
Van HucktembuTg y né à Harlem , efl
connu par dix tableaux qui reprclentent dix
batailles célèbres du prince Eugène : 1°.
celle deZanta , contre les Turcs , en 1697 ;
2°. celle de Chiari , en Italie , contre les deux
couronnes , en 1701 ; 3**. celle de Luzara ,
en 1702 ; 4°. celle de Hochfledt , en 1704 ;
5*. celle de Caifano en Italie , contre le duc
de Vendôme, en 1705 ; 6°. celle de Turin,
en 1706 ; 7®. celle d'Oudenarde , en 1708 ;
8°.celledeMalplaquet , en 1709; 9°. celle
de Peterwaradin en Hongrie , contre les
Turcs , en 1716 ; 10°. enfin , celle de Bel-
grade , en 171 7.
Van-dér-Peld ( Guillaume) , avoit un
talent particulier pour reprélenter des vues
& des combats de mer. On rapporte que
l'amour pour fon art l'engagea à s'embar-
quer avec l'Amiral Ruyter , & que ànns
le feu du combat , il defiinpit tranquille-
ment à l'écart Tadion qui fe pafToit fous ïcs
yeux ; mais fon fils Guillaume le jeune l'a
encore furpalfé par (es talens en ce genre.
Ce fils mourut à Londres en 1707 , corriblé
des bienfaits de la nation : les tableaux lont
portés à un très-haut prix.
Van-der-Mulen { Antoine-François ) ^
a pris pour lujets ordinaires de {\& tableaux
àe^ chaiïès , des fieges , àes combat .s , âts
marches ou des campemens d'armées ; ils
font l'ornement de Marly & Acs autres roai-
ibns royales.
Verfchuur [Henri) y né à Gorcum ea
PET
1^17, mort en 1690 , avoit un go\it io^
minant pour repréfentcr des batailies. Il
fuivit l'arfnée des Etats en 1672, .pour pein-
dre les divers campemens , les marches ,
les combats , les retraites. Né avec un
génie vif & facile , il a mis dans Tes ta-
bleaux tout le feu que requiert ce genre de
compolition.
Vroom {Henri Corneille) , né à Harlem
en 156^, avoit un rare génie pour repré-
fenter des batailies navales. L'Angleterre
& les princes d'Orange l'occupèrent à pein-
dre les vidoires que ces deux puilfances
avoient remportées fur mer contre les Efpa-
gnols. Enfin , on exécuta de très-belles tapii-
lèries d'après les ouvrages de cet artifîe.
Peintre de fleurs Ù de fruits, {Peint.)
Gn appelle ainïi les artilles qui fe font
attachés particulièrement à ce goût de
peinture ; c'efl un genre qui veut être traité
d'une manière fupérieure. Il requiert un
choix élégant dans les fleurs & dans les
fruits , l'art de les groupper & de les alTor-
dr,.une touche légère, un coloris frais,
Brillant , & fur-tout une parfaite imitation
de la belle nature. Entre les artifles qui
fe font diftingués dans l'art de peindre les
fleurs & les fruits , on nomme Van-Huy-
fum, Mignon, de Heera, Nuzzy , Mon-
noyer & Fontenay. J'ai parlé des trois pre-
miers à l'arr/Wé' Ecole , je ne- dirai ici
qu'un mot ài< trois autres.
Mario Nu^i y plus connu fous le nom
de Mario di Fiori , né à Penna dans le
royaume de Naples , mort à Rome en 1673 ,
peignit les fleurs &. les fruits avec cette
vérité qui charme & féduit les fens; aufli
Smith en a-rt-il gravé plufieurspots d'après
lui.
Mbnnoyer {Jean-Baptifte) y né à Lille
en 1635 , mort à Londres en ^è<^^ y a peint
àQs tableaux de fleurs qui font précieux
par la fraîcheur j l'éclat & la vérité qui y
brillent.
Fontenay {J^an-Bàptifle Slain dé ) , né
»Caencaié54, mort en 171') > ^^oit un
talent ém'.nent à rei.;réfenter àc's fleurs &
àts fruits , .l'js groupper avec art , & varier
l'efprit de fa compolition. Les infedes pa-
r-oiffcr-t vivre «lan s fes -tablenux ; les -fleurs
s'y perdent lien cfj leur beauté , . les fruirs
det ieur- ftaitiuur. Oa croit voir ' découler
F El tif
la rofée des tiges , & on elî térité d'y porter"
la main. ( D. J. )
Peintre , Marchand , f. m. {Commu-
nauté. ) Les maîtres Peintres compofent à
Paris une communauté , dont le commerce
comprend tout ce qui fe peut faire en pein-
ture & en fculpture , foit doré, foie ar-
genté r foit cuivré , en détrempe & à l'huile. -
Leurs ouvrages de dorure , s'ils font ordi-
naires ^ Ibnt dorés d'un or qu'on appelle o^
pâle ; & il l'on veut qu'ils foient propres ,
on y emploie de l'or jaune. Les ouvrages
argentés s'argentent , les uns en blanc , &
les autres en jaune. Les ouvrages cuivrés
font ceux où Ton ne fe fert que d'or faux ,^
c'efl-à-dire , de cuivre battu en feuille &
mis en œuvre comme l'or fin.
PEINTURE, f. f. {Hiftoiredes heauof
Arts. ) c'efi un art qui , par des lignes &
des couleurs, repréfenre, fui* une iurface
égale & unie , tous les objets vifibles.
L'imagination s'eft bien exercée pour
trouver l'origine de la peinture ; c'eff là-
deffus que les poètes nous ont fait les contes
les plus agréables. Si vous les en croyez yf
ce fut une bergère qui , la première , pour*
conferver le portrait de fon amant', con-'
duifit avec fa houlette une ligne fur l'ombre-
que le vifage du jeune homme faifoit fur ur»^
mur» "L^peinture y difent-ils ,
La brillante peinture eflfllle de
i r amour :
C^efllui qui-le premier yinCpirant-
une amante y
Aux rayons de Phébus guidant-
fa main tremblante y -.
Crayonna fur unmurrorrtbYe de-
fon amant., *
Les diverfes couleurs y . le riche'"
1 ajjbrtiment y .
j liart d'an im er la toile Ù de trom- -
per Vabfence y. '
■] Ainji que d'autres arts y -lui doi*-
\ vent la naijfance. ■
Ce îontlàdes'apologues ir/'cntés pour l'ex--
plication de cet^e véricé , que les objets,»
m^ys fous 'les yeux de Thomme-, femblent-'
l'inviter' à l'imitation -; &- la- nature elle--
mêpne , qui, par J y moyen ces jours" &>-
des ombres , peint -toutes choies, foit d ins-'
les eaux , . foitrii^ les corps dontla tui-fa^e^
Jio P E i
eft polie , apprit aux hommes a (àtlsfaire
leurs goûts par imitation.
Quoi qu'il en foit , on doit placer \apein-
ture parmi les chofcs purement agréables ,
puilque cet art n'ayant aucun rapport avec
ce qu'on appelle précifément les nécejjltù
de la vie y e tout entier pour le plâilir àts
yeux & de l'efprit. La Poéfie , fille du plai-
iir , n'a femblablement pour but que les
plaifirs mêmes. Si , dans la fuite des temps ,
la vertu , pour faire fur les hommes une
imprcffion plus vive , a emprunté les char-
mes de l'une & de l'autre , ainfi que la Ju-
non d'Homère emprunta la ceinture de Vé-
nus pour paroître plus aimable aux yeux
de Jupiter; fi la vertu a entrepris d'enno-
blir par-lA , & de relever le mérite de la
poélie & de la peinture , c'efl un bienfait
que ces deux arts tiennent d'elle , & qui
dans le fond leur efî abiolument étranger :
Ce n'efî point le befoin qui leur a donné
naifîânce ; elles ne lui doivent point leur
origine.
Ce font deux fœurs dont les intentions
font les mêmes : les moyens qu'elles em-
ploient pour parvenir à leurs fins , fontfem-
blables , & ne diffèrent que par l'objet : fi
l'une, par les yeux , fe fait un chemin pour
aller toucher l'eiprit , l'autre peint immé-
diatement à Pefprit ; mais la peinture faifit
l'ame par le fecours des fens ; & c'efl peut-
être dans le fond le plus iûr moyen de l'at-
tacher. Elle trompe nos yeux par cette magie
qui nous tait jouir de la préfence des objets
trop éloignés , ou qui ne font plus. Son
attrait frappe & attire tout le monde , les
ignorans , les connoifîèurs & les artifies
mêmes. Elle ne permet à perfonne de pafler
indifféremment par un Heu où fera quelque
excellent tableau , fans être comme furpris ,
fans s'arrêter , & fans jouir quelque temps
du pkifir de la furprifc. La peinture nous
afFede'par le beau choix, par la variété,
par la nouveauté des chofes qu'elle nous
préfente ; par l'hifloire & par la fable , dont
elle nous rafraîchit la mémoire ; par les in-
ventions ingénieuCès , 6c par fes allégories ,
dont nous nous faffons un plaifir de trou-
ver le fens , & de critiquer l'obfcurité.
C'eft un des avantages de la peinture ,
que les hommes , pour être de grands pein-
tres , n'ont guère befoia pour fe produire
P E ï
] du bon plaifir de la fortune ; cette reïné
du monde ne peut que rarement les pri-
ver des fecours nécefîaires pour manîfefter
! leurs talens. Tout devient palettes & pin-
ceaux entre les mains d'un jeune homme
doué du génie de la peinture. Il fe fait con-
noître aux autres pour ce qu'il eft , quand
lui-même ne le fait pas encore. Ajoutez
que l'art de la peinture n'eft pas .moins
propre à attirer autant de- confidération à
ceux qui y excellent , qu'aucun des autres
arts qui font faits pour flatter les fens.
Il y a dans la peinture des avantages,
que les objets mêmes qu'elle imite font
bien éloignés de procurer. Des monftres
& àts hommes morts ou mourans , que
nous n'oferions regarder , ou que nous ne
verrions qu'avec horreur, nous les voyons
avec plaifir imités dans les ouvrages des
peintres ; mieux ils font imités , plus nous
les regardons avidement. Le malTacre des
Innocens a du laifï'er des idées bien funeftes
dans l'imagination de ceux qui virent réel-
lement \qs foldats effrénés égorger les en-
fans dans le fein des mères fanglantes. Le
tableau de le Brun , où nous voyons l'imita-
tion de cet événement tragique , nous émeut
& nous attendrit ; mais il ne InilTe dans notre
efprit aucune idée importune de quelque
durée. Nous lavons que le peintre ne nous
afflige qu'autant que nous le voulons , &
que notre douleur , qui n'efl que fupcrfi-
cielle , difparoîtra prefque avec le tableau :
au lieu que nous ne ferions pas maîtres ni
de la vivacité , ni de la durée de nos fen-
timens , fi nous avions été frappés par les
objets mêmes. C'efl: en vertu du pouvoir
qu'il tient de la nature , que l'objet réel
agit fur nous. Voilà d'où procède le plai-
fir que la peinture fait à tous les hommes.
Voilà pourquoi nous regardons avec con-
tentement àts peintures y dont le mérite con-
fiée à mettre fous nos yeux Ôlqs aventu-
res fi funeftes , qu'elles nous auroient fait
horreur fi nous les avions vues véritable-
ment. '■ ,
Ceux qui ont gouverné les peuples dans
tous les temps , ont toujours fait ufage des
peintures & des flatues , pour leur mieux
infpirer les fentimens qu'iIs,vouloient leur
donner , foit en religion , foit en politique.
Quintilien a vu quelquefois les accufateurs
faire
P E I
faire expofer dans le tribunal un tableau
où le crime dont ils pourfuivoient la ven-
geance étoit xepréfenté , afin d'exciter en-
core plus efficacement l'indignation des Ju-
ges contre le coupable. S. Grégoire de Na-
zianze rapporte Thifloire d'une courtifane ,
qui , dans un lieu où elle n'étoit pas venue
pour faire des réflexions féricufes , jeta les
yeux par hazard fur le portrait de Palémon ,
philolopiflj^meux par fon changement de
vie , lequel tenoit du miracle ; & qu'elle
rentra en elle-même à la vue de ce por-
trait. Les peintures d'un autre genre ne font
pas moins capables , par l'amorce d'un fpec-
tacle agréable aux yeux , de corrompre le
cœur & d'allumer de malheureufes pafllons.
Mais les peintures en bien & en mal
font une impreffion plus forte fur les hom-
mes , dans les contrées où communément
ils ont le fentiment très-vif, telles que lont
les régions de l'Europe les plus voJiines du
loleil , & les côtes de l'Ahe & de l'Afri-
que qui font face à ces régions. Qu'on fe
iouvienne de la défenfe que les tables de la
loi font aux Juifs , de peindre & de tailler
des figures humaines : elles failoient trop
d'impreffion fur un peuple enclin , par fon
caradere , à fe paflionner pour tous les
objets capables de l'émouvoir.
Il paroît même que le pouvoir de la pein-
ture eft plus grand fur les hommes que celui
de la poéfie , parce que la peinture agit fur
nous par le moyen du fens de la vue . lequel
a généralement plus d'empire fur l'ame , que
les autres fens , & parce que c'eftla nature
elle-même qu'elle met fous nos yeux. Les
anciens prétendoient que leurs divinités
avoient été mieux fervies par les peintres
que par les poètes.
Au refte , il ell facile de comprendre
comment les imitations que la peinture nous
préfente , font capables de nous émouvoir ,
quand on fait réflexion qu'une coquille ,
une médaille , où le temps n'a laiffé que
àes phantômes de lettres & de figures , ex-
citent des paffions inquiettes , le defir de
les voir & l'envie de les pofl*éder. Une
grande palfion , allumée par le plus petit
objet , eft un événement ordinaire. Rien
n'ell forprenant dans nos ^ifioiTs qu'une
longue durée , dit M. l'Abbé Dubos.
Après m'être étendu fur les charmes de
Tome XXV,
PEJ 12,
là peinture , je voudrois pouvoir découvrir
l'origine de cet art, en marquer les pro-
grès & \es révolutions ; mais tous les écrits
où les anciens avoient traité cette partie
hiilorique, font perdus : nous n'avons , pout
nous confoler de cette perte , que les ouvra-
ges de Pline, qu'il faut lire en entier, &
dont par conféquent nous n'entreprenons
point de faire ici l'extrait. C'efl aflez de
remarquer avec lui , que la recherche qui
concerne les comracncemens de la peinture»
n'otiTre que des incertitudes.
Les Egyptiens, dit-il, afîurent que cet art
a pris nailfance chez eux fix mille ans avant
que de pafler dans la Grèce ; oflentation
manifeflement frivole. Il ne contefl:e point
à l'Egypte d'avoir poffédé les Peintres les
plus anciens ; il reconnoiflbit même le Ly-
dien Gygès pour le premier inventeur de la
peinture égyptienne , foit qu'il n'en refiât
plus de fon temps aucun monument ,
foit que les ouvrages y méritaflent peu dé-
tention , parce que la politique des Egyp-
tiens avoit toujours entretenu la peinture-,
félon Platon , dans le même état de mé-
diocrité , fans aucune altération &c fans au-
cun progrès : mais les Grecs la portèrent
au plus haut point de grandeur &: de per-
fcdion. De la Grèce elle paffa chez les
Romains , fans y produire cependant des
artifles du premier ordre. Elle s'éteignit
avec l'Empire , & ne reparut dignement en
Europe , que fous le fiecle de Jules II &
de Léon X.
Cette dernière révolution «produit la di(^
tindion de la peinture antique & de la pein-
ture moderne. La première fe fubdivilè en
peinture greque & romaine. La féconde z
formé diverfes écoles , qui ont chacune leur
mérite & leur caradere particuHcr. Si donc
vous ktes curieux de fuivre l'hiftoire com-
plète de la peinture , vqye'{ PEINTURE
antique, PEINTRES Grecs & PEINTURE
des Grecs , PEINTURE des romains ,
Peinture moderne. Ecoles, ùc.
Nous avons puifé nos recherches dans
un grand nombre d'ouvrages , pour traiter
tous ces articles avec foin , & c'efl bien
notre faute fi nous n'avons pas réuffi. ( Le
chevalier DE JaucOURT.)
Peinture ANTiQUE,(/ri/?. des Ans;)
c'efl celle qui d'Egypte pafili en Grèce , ^
lit p. E ï
i3e là Grèce à Rome , où elle fut en grande
répuration fous les premiers empereurs ,
julqu'à ce qu'enfin le luxe & les guerres
ayant diffipé l'empire Romain, elle s'étei-
■gnit , & ne reparut en Italie que quand Ci-
mabué , vers ie milieu du treizième fiecle ,
retira d'entre les mains de quelques- grecs les
déplorables rcftes de ce bel art.
Quoique l'Egypte ait été le berceau de
la peinture , elle n'a produit aucun chef-
d'œuvre en "^c genre. Pline n'en cite au-
cun , & Pérronne écrit que les Egyptiens
ne formèrent que de mauvais Peintres. Il
ajoute même , qu'ils avoient nui beaucoup
à cet art , en inventant des règles propres
à en rendre l'apprentifïâge^ moins long &
la pratique moins pénible.
Parmi les morceaux qui nous refler^t de
la peinture antigue.y. on remarque , i°. à
Rome, la noce delà vigne Aldobrandine,
& les figurines de la p^yramide de Cefôus ;
il n'y a point de curieux qui du moins n'en
ait vu des eftampes. En fécond lieu ^ les
peintures qui font au palais Barberin, dans
Rome, & qui furent trouvées dans des
grottes fouterraincs , lorfqa'on jeta les fon-
demens de ce palais. Ges peintures fonf le
payfage , ou le nymphée , dont Lucas Hol-
iîenius a. publié l'èftarape, avec une expli-
cation qu'il avoit faite de ce tableau ; I3
venus reflaurée , par Carle-Maratte , &
une figure de Rome qui tient une vidoire.
Les connoiiTeurs qui ne favent pasl'hiftoire
de ces deux frefques , prennent lune pour
être de Raphaël, & l'autre pour être du
Correge. 3°. Onvoit.encore.au palais. Far-
nefé un morceau de peinture antique , trou-
vée dans la vigne de l'empereur Adrien , à,
Tivoli, & un relîe de plafond dans le jardin
d'un particulier , auprès de S. Grégoire.
4". On a auffi trouvé plufieurs autres pein-
tures antiques dans la vigne Farnefe lijr le
mont Palatin , dans l'endroit qu'occupait
autrefois le l^alais des empereurs. Le roi
des deux Sicilcs., aujourd'hui roi d'Efpa^,
gne , lésa fait tranfporter à Naplcs.: elles
n'ont point encore été gravées. 5°. On îi
trouvé, en T-7')2. , en fouillant les ruines
d'Herculanum , une riche eolleûion-, de
peintures antiques , qui doivent former un
tréfor unique en ce genre.. Kqj^ei HeR-
CULANUM.
5®. Enfin , plufieurs particuHers ontdarîs
leurs cabinets quelques morceaux de pein-»
ture antrque. Le doifteur Mcad , M. iç
Marquis Capponi , M. leGardinal:Mallimi,.
M. Grozat & autres., poirddoie.nt p.lulieurs,
de ces morceaux..
Quant à ce qui.refte dans Içs. thermes
de Titus , il. n'y a plus que des peintures
à derni-ellacées. Il ejlf vrai .Q||g||dant que
depuis deux fiecles , on en <lHPiterré un,
grand nombre en Italie ,, & en E(f)agne
même ; mais la plupart de ces peintures lènt^
péries ,^ & il ne nous en eil demeuré que.
les dellms.y ou : des eftampes. . Voye\ les ,
ouvrages curieux fur cette matière , tels que ■
Icpitture amiche. délie grotte di Bocca -y pac,
M. de la.ChaulTe ; les ouvrages deBartoli ,^
deBellori, du P. Montfaucon , & autres...
Les peintures du tombeau des Nafons, qu'on
déterra près de Poutemole en 1674. > "s..
fubCUent déjà plus ; les peintures même...
qu'on déterra il y a environ foixante-quinze.
ans, à la vigne. Gorfini , bâtiç lur.le Ja-i-
nicule , font détruites.,
• Oa connoît .aifement par ce détail abrégé ,. ,
-qu'on ne peut, fans témérité , entreprendra,-
un parallèle de lapeinture antique, avec la.,
peinture moderne, fur la foi des fragmens,
de la. peinture ançique , qui nç fubfifient
plus qu'en images , du moins parla vé-.
tuile. D'ailleurs , ce qui nous refle , & ca.
qui éîoit peint à Rome fur les murailles^
n'a été fait que long-temps après la mort,:
des Peintres, célèbres de la Grèce. . Or , il.,
paroît par, les. écrits des .anciens , que les.
Peintres qui ont travaillé, à Rome fous^,
Augufte, & fous fes premiers fuccefleurs^,^
étoiçnt très-inférieurs au célèbre Apelle, &,*
à fes illuflres contemporains. Pline., qui;
cort)pofoit;fon.hifloire fous Vefj?afien,, &
quand -les arts avoient atteint déjà le plusj.
haurpoint.de perfedion où ils foient par-,
venus fous les. em.pereurs , ne cite point
pariTii les tableaux qu'il conipte pour une.
àe^ plus grands orneraens de la capitale de,
l'univei's, au.cun tableau qui donne lieu de.
croire avoir été fait du temps, âits .Gélàrs.,^
On ne fauroit donc afleoir fur des frag-
mens d.e la peinture antique qui nous ref-,
tent ,& f«r de^'débris de tableaux faits dans
Rome fous les empereurs , aucun jugement,,
certain concernant le degré de perfeâ;ioii
P E I
'oô lès grecs & les anciens rotiiaîns pouf-
TOient avoir porté ce bel art. On ne fau-
roit même décider , par ces fragmens , du
degré de perfedion où la peinture pouvoit
être lorfqu'ils furent faits ; quel rang tenoit
entre les Peintres de fon temps , l'artifte
qui les 'fit , ni en quel endroit étoit fon
ouvrage , & s'il paffoit pour un ouvrage
dtcellent en fon genre.
il icroit téméraire de décider la queftion
de la prééminence de la peinture antique
fur ce que nos tableaux ne font point ces
effets prodigieux que les tableaux des an-
ciens Peintres ont faits quelquefois , fuivant
les apparences. Les récits des écrivains qui
nous racontent ces effets , font exagérés ,
& nous ne favons pas même ce qu'il en
faudroit rabattre pour les réduire à l'exade
vérité. Nous ignorons quelle part la nou-
veauté de l'art de la peinture peut avoir
eue dans l'impreffion qu'on veut que cer-
tains tableaux aient faite for les fpedateurs.
Les f remiers tableaux , quoique greffiers ,
ont dû paroître des ouvrages divins. L'ad"
iniration pour un art naiflant , fait tomber
aifément dans l'exagération ceux qui par-
lent <le ces produdions ; & la tradition , en
recueillant ces récits outrés , aime encore
* quelquefois à les rendre plus merveilleux
qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans
ks écrivains anciens xies chofes impoffibles ,
données pour vraies , & des cliofcs ordi-
naires traitées de prodiges. Savons - nous
d'ailleurs quel effet auroient produit fur des
hommes auffi fènfïbles &: aufli difpofés à Ce
paiîîonner , que l'étoient les compatriotes
des anciens Peinrres de la Grèce , plufieurs
tableaux de Raphaël , de Rubens , & d'An-
nibal Carrache ?
Enfin , nous ne fàvons pas même quelle
comparaifon on pouvoit faire autrefois
entre les fragmens de peinture antique qui
nous refîent , & les beaux tableaux des
Peintres de la Grèce qui ne fublifletît plus.
Les injures du temps , & les ravages des
« hommes , plus cruels que le temps même ,
nous ont dérobé les moyens de prononcer
d'une façon décifive fur la peinture des grecs»
Il efl probable que leurs Peintres réunif-
foient dans leurs ouvrages les beautés que
l'on admire dans leurs Sculpteurs ; cepen-
dant on n*accorde communément aux Pein-
P E I ti3
trts grecs que le defîîn & les expreîïions ,
& on leur ôte la fcience de la perfpeftive ,
de la compofition & du coloris. On fonde
ce lentiment fur les bas-reliefs antiques , &:
fur quelques peintures anciennes qui ont été
trouvées aux environs de Rome , & à Rome
même dans des voûtes fout-^rraines des pa-
lais de Mécène , de Tirus , de Trajan &
des Antonins. Il eflà obferver que ces pein-
tures , dont il n'y en a guère que huit qui
fe fcient confervées en entier , & dont quel-
ques-unes ne font qu'en mofaïques , ne
viennent point des auteurs grecs.
TurbuU , auteur Anglois , a fait ua
traité fur la peinture des anciens , en un poL
//7-/0/. imprimé en 1740 ; il a orné fon ou-
vrage de plufieurs de ces morceaux qui ont
été deffinés par Caraillo Paderini , & gravés
par Mynde , & qui font le feul mérite d'un
livre magrîifique , dont on a fujet de regret-
ter le papier mal employé. Parmi les eftam-
pes de cet ouvrage , il y en a deux dont les
originaux étoient dans le cabinet de feu M.
Richard Mead, célèbre médecin de Londres.
Les écrivains modernes qui ont traité de
la peinture antique y nous rendent plus
fàvans , fans nous rendre plus capables de
juger la quefîion de la fiipériorité <àes Pein-
tres de l'antiquité lur les Peintres modernes.
Ces écrivains fe. font contentés de ramafïèe
les -pairages des auteurs anciens qui par-
lent de la peinture , & de les commenter
en Philologues , fans les expliquer par
l'examen de ce que nos Peintres font tous
les jours , & même fans appliquer ces paf^
fages aux morceaux de la peinrure anti-
que qui fubliffent encore. Ainli , pour fe
former une idée auffi diflinde de la peinture
antique qu'il foit poffiible deTavoir , il fau-
droit confidérer féparément ce que nous
pouvons favoir de certain fur la compofi-
tion , fur l'expreffion & fur le coloris àç9
Peintres de l'antiquité. • '
' A l'égard de la compofition pittorefque,'
il faut avouer que dans les monùmens qui
nous refient, les Peintres anciens ne pa-
roiffentpas fupérieurs à Raphaël, à Rubens,
à Paul Véronefc & à M. le Brun ; mais il ne
faut pas dire la même chofe de l'excellence
des anciens dans la compofition poétique ,
comme ils étoient grands dcffinateui^, ils
avoient toutes fortes de facilités pour j
1 24 P E ï
réufiîr , & nous ne pouvons douter qu'Us
n'y aient excellé. Les tableaux d'Ariftide
parloient aux yeux. Les auteurs qui nous
en parlent avec tant de goût & de fentiment,
ne pouvoient pas fe tromper en jugeant de
l'expreffion dans les tableaux ; c'ell par-là
qu'Aufone loue £i bien la Médée de Timo-
niaque. On fait avec quelle alîèûion Pline
vante le tableau du facrifice d'Iphigénie.
On connoît la belle defcription du tableau
d'iEtion , qui reprcfentoit le mariage d'A-
lexandre & de Roxane , le tableau de Zcu-
xis repréfentant la famille d'un centaure , &
tant d'autres qui prouvent que cette partie de
Fart étoit portée au plus haut point de pcr-
feclion par les Peintres de l'antiquité. Voye\
Peintres anciens.
II fuffit de voir l'Antinous , la Vénus de
Médicis , & plufieurs autres monumens
femblables , pour être convaincu que les
«Hicicns favoient du moins auffi bien que
nous defîlner élégamment & corredement.
Leurs Peintres avoient mille occafions que
les nôtres ne peuvent avoir , d'étudier le
nu ; & les exercices qui étoient alors en
ufage pour dénouer & pour fortifier les
corps , les dévoient rendre mieux confor-
mes qu'ils ne le font aujourd'hui.
Comme le temps a éteint les couleurs ,
& confondu les nuances dans les fragmens
qui nous refient de la peinture antique foire
au pinceau , nous ne faurions juger à quel
point les Peintres de l'antiquité ont excellé
dans le coloris , ni s'ils ont furpafle les
grands maîtres de l'école Lombarde dans
cette aimable partie de la peinture. Il y a
plus, nous ignorons 11 la noce de la vigne
Aldobrandine & les autres morceaux font
d'un grand coldrifte , ou d'un artifle mé-
diocre de ce temps-là. Ce qu'on peut dire
de certain fur leur exécution , c'eft qu'elle
cfl très-hardie. Ces morceaux paroiffent
l'ouvrage d'artifles auffi maîtres de leur
pinceau , que Rubens & Paul Véronefe
l'étoient du leur. Les touches de la noce
Aldobrandine , qui font très-heurtées , &
qui paroiflént même groffieres quand elles
font vues de près , font un efïèt merveilleux
quand on regarde ce tableau à la diftancc de
vingt pas. C'étoit fans doute de cette diflance
qu'il étoit vu fur le mur où le Peintre l'avoit
fait. Voye\ NoCE ALDOBRANDINE.
P E I
Il femble que les récits de Pline , & ceux
de plufieurs Auteurs anciens , doivent nous
convaincre que les Grecs & les Romains
excelloient dans le coloris : mais avant que
de fe laiflèr perfuader , il eft bon de faire la
réflexion , que les hommes parlent ordinaire-
ment du coloris par comparaiibn à ce qu'ils
peuvent avoir vu. On ne fauroitdonc déci-
der notre quefiion fur des récit?. Il faudroit ,
pour la juger fans réplique , avoir des pièces
de com.paraifon , & elles nous manquent.
Pour ce qui concerne le clair-obfcur , &
la difiribution enchantereffe des lumières &
des ombres ^ ce que Pline & les autres écri-
vains de l'antiquité en difent , eftfipofitif,
leurs récits font fi bien circonlknciés & fi.
vraifémblables , qu'on ne fauroit difconve-
nir que les anciens n'égalaflent, du moins
dans cette partie de l'art, les plus grands
Peintres modernes. Les paflagcs de ces Au-
teurs , que nous ne comprenions pas bien
quand les Peintres modernes ignoroient en-
core quels prefiiges on peut faire avac le
fecours de cette magie, ne font plus fi diffi-
ciles à entendre , depuis que Rubens , Ces
élevés , Polidore de Caravage & d'autres
Peintres les ont bien mieux expliqués , les
pinceaux à la main , que les commentateurs
les plus érudits ne le pouvoient faire dans
des livres.
Il paroît réfulter de cette difcuffion , que
les anciens avoient pouffé la partie du del-
fin , du clair-obfcur, de l'exprefilon & de
la compofifion poétique , du moins auffi loin
que les modernes les plus habiles peuvent
l'avoir fait. Il paroît encore que nous ne
faurions juger de leur coloris ; mais que nous
connoifîbns fuffifamment par leurs ouvra-
ges , fuppofé que nous ayons les meilleurs ,
que les anciens n'ont pas réuffi dans la com-
pofition pitforefque auffi bien que Raphaël ,
Rubens , Paul Véronefe & quelques autres
Peintres modernes.
Les anciens ont très- bien connu la perf^
pedive & la projedion des ombres ; cepen-
dant plufieurs modernes femblent tâcher •
de rabaiiîèr les lumières des anciens en ce
genre , ou du moins de rabattre de leur gloi-
re , à proportion de ce qu'ils ont bien voulu
en accorder à leurs Statuaires : mais ce ju-
gement n'eft pas équitable ; il faut confidé-
rer qu'il nous refle très-peu de peinture»
P E I
anciennes , & celles-là mêmes ne font pas
de la première beauté , ni des grands maî-
tres de l'art. La fortune peut avoir contri-
bué autant que le temps à ce défaire ; car ,
ditCicéron, quoique l'injure des ans, les
outrages du fort & la vétuflé fafîênt touc
périr , ces caufes néanmoins font bien da-
vantage & plutôt funeiles à la peinture , qu'à
la fculpture : il arrive même fouvent que
dans cette perte commune , ce qu'il y a de
meilleur diiparoît , &c ce qu'il y a de plus
imparfait refte. Les hommes de notre lie-
clé, continue-t-il, enchantés à la vue des
peintures nouvelles, ne font attention qu'à
ce qui frappe leurs yeux , & penfent bien
moins favorablement de ce qu'ils ne voient
pas , parce que leur imagination n'çn eft
point réveillée.
J'ajoute qu'il convient encore de difîin-
guer ici ; car il efl'fûr qu'il faut avoii» une au-
tre idée des peintures greques , que de celles
des Latins. Rome ne cultiva les arts qu'après
bien des fiecles, & leurs Artiftes en pein-
ture ne fijrent jamais comparés aux Anifles
de la Grèce.
Mais quant à Ceux-ci , le témoignage des
anciens, & même le peu d'ouvrages qui
nous reftent d'eux , lailfent peu de chofes
à defirer fur la perfeâion de leur art en ce
genre. Enfin , les Auteurs s'accordent tous
à nous en donner des exemples qui ne peu-
vent convenir qu'à des Peintres du premier
ordre. Apelle , difent-ils , étoit diflinguépar
la délicatefle & la grâce infinie de fon pin-
ceau ; quelques-uns comme Afclépiodore ,
l'emportoient fur h\ par la difpofition des
figures & l'harmonie généralf du tableau :
Apelle cependant les effaçoit tous. Proto-
gcne , Pamphile, Mélanthius , Antiphile,
Mnon ont tous été célèbres ; le premier par
ion exaditude , le fécond & le troifieme
par leur compofition , le quatrième par fa
facilité , & le cinquième par fa belle imagi-
nation. Mais pourquoi nous arrêter à ces
détails , puifque l'hifloire que nous avons
donnée des Peintres Grecs , n'efl qu'une
preuve répétée de cette vérité. Voye^ donc
Peintres Grecs S'Peinture^^j'
Grecs. ( Le chevalier de JaUCOURT. )
Peinture t/fj Grecs {Peint, antique-.)
c'eft le genre de peinture le plus admira-
ble de l'antiquité.
PE I 125
Après avoir fciit en gériéral une efpece
de parallèle de la peinture antique avec la
moderne , il importe de confidérer en par-
ticulier celle des Grecs ; puifqu'elle feule
mérite principalement nos regards. Je iàis
que fon origine n'offre qu'incertitude : in-
certitude pour le heu ; les uns vouloient
qu'elle eût commencé à Sycione , les autres
chez les Corinthiens : incertitude pour le
nom des inventeurs ; on noramoit ou Phi-
loclés d'Egypte , ou Cléanthe de Corinthe;
incertitude lùr l'opération primitive qu'ils
employèrent, & qui fervit de préparation
à la véritable découverte de Part.
On difoit à la véri^ que ce début fut le
contour d'une figure humaine, tracée autour
de l'ombre d'un corps opaque ; mais quand
on n'a rien à dire de mieux circonftancié
fur un fait de cette nature, qui fe perd dans
l'obfcurité des temps , c'eft fe fonder Tur
des conjedures , plutôt que fur des témoi-
gnages authentiques. On ne pouvoit pour-
tant mieux faire dans l'hifloire inconnue de
l'origine d'un art , que de partir d'une hy-
pothefe aflez vraifemblable , ou du moins
accréditée.
A la déhnéarion du fimple contour, fùc-
céda une autre peinture linéaire plus par-
faite , qui dillingua par le deffin , & fans
aucune couleur , les traits du vifage renfer-
més dans l'intérieur du contour. Elle eut
pour inventeur Ardicès de Corinthe , &
Téléphane de Sicyone. Ces deux auteurs
des portraits deffinés , furent les premiers
qui exercèrent l'art de repréfentcr la figure
fur une furface égale & unie. En effet , la
méthode du contour extérieur ne marquant
pas les traits du vifage , & ne rendant point
la perfonne reconnoilTable , ne repréfentoit
point la figure. Les deux artifies que nous ■
venons de nommer , furent aulll les pre-
miers qui écrivirent fur leurs ouvrages le
nom de la perfonne repréfentée. La pré-
caution auroit été fort inutile dans la pre-
mière méthode, qui ne repréfentant point
la figure , n'auroit excité , par l'addition du
nom , ni la curiofité de la pofiériré , ni celle
des étrangers , ni finalement celle de per-
fonne. Tels étoient les ufages préliminaires
de la peinture greque avant la guerre de
Troye.
Dans la fuite , les Grecs employèrent la
ja^ ï> E I ^
peinture proprement dite , la peinture co-
loriée ; & il paroît , au rapport de Pline ,
qu'elle n'étoit point encore connue dans le
temps de la guerre de Troye. Cette opinion ,
qu'on ne trouve combattue par aucun an-
cien auteur, efl d'un très-grand poids; elle
n'étoit pas feulement appuyée fur le filence
d'Homère, puifque nous voyons en général
les anciens écrivains admettre dans les temps
héroïques plufieurs faits hiiloriques , dont
lepoëte n'avoit jamais fait mention. Le té-
moignage de ceux qui nous ont tranfmis
celui - ci , doit donc avoir toute la force
d'une preuve' politive, malgré les efforts-
qu'ont fait quelques favans modernes pour
tâcher de la réfuter.
Après qu'on eut inventé en Grèce la
•peinture coloriée , plus recherchée que l'au-
tre dans les opérations ; elle fut appellée
peinture monochrome , parce qu'on n'y em-
ploya d'ahord qu'une feule couleur dans
chaque ouvrage , à moins que nous ne don-
nions le nom de féconde couleur à celle du
fond fur lequel l'on travailloit. L'auteur de
cette méthode , l'inventeur de la peinture '
proprement dite, fut Cléophante de Co-
rinthe : il débuta par colorier les traits du
vifage avec de la terre cuite & broyée ;
ainlî la couleur rouge, comme la plus ap-
prochante de la carnation , fut la première
en ufage. Les autres peintres monochromes ,
& peut-être Cléophante lui-même , variè-
rent de temps en temps dans le choix de
la couleur des figures , différente de la cou-
leur du fond. Peut-être auffi qu'ils mirent
quelquefois la même couleur pour le fond
& pour les figures ; on peut le prélumer par
l'exemple de quelques-uns de nos camayeux,
pourvu qu'on n'admette point dans {qs leurs
l'ufage du clair-obfcur ,, dont la découverte
accompagna l'introduéfion de la peinture
pioîychrome , ou de la pluraUt^ des cou-
leurs.
Ce fut Bularchus , contemporain du roi
Candaule , qui le premier introduifit l'ufage
de plufieurs couleurs dans un feul ouvrage
de peinture. Au moyen de la plurahté de ces
couleurs , l'art , ,jufque-là trop uniforme , fe
diverfifia, & inventa dans la fuite les lu-
mières & les ombres. Panaemus peignit la
bataille de Marathon , avec la figure reflem-
hlante des principaux chefs des deux armées.
PEÏ
Peu après Panxmus , parut Polygnote de
Thafos, qui le premier donna des drape-
ries légères à {qs figures de femmes , &
qui quitta quelquefois le pinceau pour pein-
dre en encauftiqiie. Damophile & Gorga-
luB enrichirent d'ornemens de plallique l'ex-'
térieur du temple de Cérès à Rome. Enfin -,
à la qiKirante-neuvieme olympiade , Apol-
lodore 4'Athenes ouvrit une nouvelle car-
rière , & donna nailïîmce au beau fiecle de
la peinture.
Il fut fuivi par Zeuxis , Parrhafius , Ti-
manthe & Eupompe , qui tous ont été (es
contemporains. On vit enluite paroître
Paufias , Pamphile de Macédome , Euphra-
nor , Caladès , JEûon , Antidotus , Arifii-
de , j\fclépiodore , Nicomachus , Melsn-
thius , Antiphile , Nicias , Nicophane ,
Apelle & Prorogene , tous excellens ar-
tiltes , qui fè font illuffrés à jamais, dans
l'efpace d'un -fiecle , en diffé^ens genres
d'ouvrages.
On peut partager avec Pline les peintu-
res de la Grèce en un certain nombre de
clafîês. La première préfente les plus an-
ciens, qui ne font pas les plus habiles , &
qui finillent à Polygnote , vers le temps de
la guerre du Péloponefe.
La féconde claiîe renferme les artiftes
qui ont fnit le beau fiecle de k peinture
depuis la fin de la guerre du Péloponeiè ,
jufqu'après la mort d'Alexandre-le- Grand.
Il ne faut cependant mettre dans cette liffe
que ceux qui exerçoient alors leurs pin-
ceaux fur de grands fujets & dans de grands
tableaux.
La troifieiflfe clafTe contient ceux qui fe
font diff ingués par le pinceau, mais dans
de petits tableaux , ou fur de petits fu'jets.
La quatrième claiTe efl compofée de ceux.
qui avoient pratiqué la frefque , peinture
qu'on applique fur l'enduit d'une muraille.
Parmi ces Peintres , dit Pline , il n'y en a
point qui fe foient fait un grand nom. Ils
n'embellifToient ni murailles , dont forne--
ment n'auroit été que pour le maître du
logis , ni maifons fiables & permanentes ,
qu'on ne pouvoit pas fauver de l'incendie.
Piclorque rei communis terrarum erat , trait
bien flatteur pour l'art & pour les artiffes.
Un Peintre appartenoit à l'univers entier.
Ces grands-hommes deflinoient toytes les
P E I
produélîons de leur art à pouvoir pafTer de
viilc en ville.
. La cinquième clafle comprend les plus
célèbres Peintres encauftiques , c'eft-à-dire,
ceux, qui employoient le poinçon & non le
pinceau.
La fixierae clalTe eu réfervce pour les
Peintres encauiliques ou autres , comme
Ctéfilochus , qui le plaifoient à des ouvra-
ges de peinture infolentê.
Enfin , la dernier£ clafTc offre à. notre mé-
moire les femmes célèbres , qui ont réufC
c;hez eux dans la peinture. Ils ne croyoient
pas que l'ignorance , la parelTe & les amu-
lem.ens purement frivoles , dufTent être, le
partage de la moitié du genre humain..
Tous ces artifîes fe formèrent dans les
écoles de peinture que les Grecs avoient
établies , & auxquelles ils avoient donné
des noms fixes comme à leurs prdres d'àr^
chitedure. Leur peinture ri'avoit- d'abord
eu que deux diflinâion.s , Théliadique &
rafiatjque ,. ou l'attique & l'ionique , car
on les trouve l'une &, l'aut/'e. fous ces deux
noms ; mais.Eupompus ,. qui éroit de Sir-
cyone , fe rendit fi recomraandablc par'fon
talent, que l'on ajouta la .ficyonienne par
rapport à lui. Si Plinerapporte ce fait tout
fimplemcnt , fans l'accompagner d'aucun
détail , c'efl; qu!on .doit préfumerque les
écoles ou les différentes manières s'étant
multipliées dans la Grèce , on abandonna ce
projet , & l'on ne parla plus , comme l'on
fait aujourd'hui , . qae.,des rnaîtres en par-
ticulier & de laurs élevés..
On peut. cependaiK comparer ces >pre-
naiers jîoms à ceux que. nous donnons en
général, &, qui nous fervent de, points de
diflin^tion.. T£lle^ font, les écoles de ..Flo-
rence, , de. Rome. , dePolog.ne, de Venile,
de France , de Flandre ou. d'Allemagne.
L'étendue ou .l'éloignement de ces pays a
exigé ^perpétué j'ufage de ces diffindions.
La ,Grece , plus . refferrée & plus réunie ,
n'a pas eu befoin. de.les continuer; .mais
elle forma . des artifîes en tout genre , qui
n'ignorerentrien de tqut cç,qu<;nQus,fav,ons
en peinture.
Les grandes compofitions, héroïques , .&;
que nous appelions l'hiftoire , le,s portraits ,
les fujets bas , les payfages , les décorations,
ks arabefques , ornemens faotaiJiques 6:.
p- E r lî^
travaillés fur des fonds d'une feule couleur ;*
les fleurs , les animaux , la miniature , les-
camayeux , les marbres copiés , les toiles
peintes ; voilà la lilfe des opérations des
Grecs du côté des genres de peinture. Il
me femble que nous ne peignons en au-
cun autre genre , & que nous n'avons au-
cun autre objet. Nous ne pouvons donc
nous vanter d'avoir déplus ,. que la peinture
en émail , encore je ne voudrois pas afîu-
rer qu'elle fût inconnue aux anciens ; mais-
ce qui nous appartient fans contredit, c'efl-
l'exécution des grands plafonds & des cou-
poles^ Les.Grecs ni les Romains ne paroi(~-
(ent pas avoir connu ce genre d'ornement, ,
ou du moins avoir pratiqué la perfpedive-;
jufqu'au point nécelfaire pour rendre ce.S;
décorations complètes : les modernes peu-
vent , au contraire , préfenter un très-grand.;
nombre, de. ce§ chefs-d'œuvre de l'efprit &.
de l'art. , *
On gardoit dans l'antiquité , comme on ;
garde aujourd'hui , les études & les premiè-
res penfées des artifîes , toujours pleines-,
d'un feu proportionné au talent de leur au~-
teur ', fouvent au-deflus. des ouvrages ter- -
minés , & toujours plus piquans : ces pre-
miers tnùts, plus ou moins arrêtés ^ font
plus ou moins effentiels pour la peinture , ,
que les idées jetées fur le papier ne le. font
pour , tous , les autres genres d'ouvrages.
Comme -aujourd'hui , on fuivoit avecplaifir •
les opérations de l'efprit d'un artifle ; on fè
rendoit. c%npte des raifons qui, l'avoient
engagé à faire .ces changemens en terminant, :
{on ouvrage : enfin, comme aujourd'hui,.
on cherchoit à en. profiter ; les hommes de.
mérite pour s'en nourrir ou.s'en échaufîèr ; .
& les hommes médiocres , pour les copier
fervilement. Mais .il efl temps de pafîèr à.
la peinture des Romains en particulier, ( Le.j
chevalier de Ja uc o ur t, } ,
; P^I'NTURE des Romnias, {peintuman,-^ .
dque.. ) A l'expiration du beau fiecle de la .
peinture greque, .lequel, avoit commencé,
par A.pollodore , .en l'an 404. avant Jefus-r
Chrifl, on voit en 304, pour la premierCr-
fois^un jeune Romain prendre le pinceau.- .
«On a. fait aufli ..de bonne-heure , dit
?) Pline , honneur à la peinture chez lea
« Romains; car une branche de l'illuflre
7) famille dès Fabius en a tiré le furaoni^
ii8 P E I
« de P'iclor ^ & le premier qui le porta ,
» peignit le temple de la déefle Salus, en
« l'an de Rome 450 : l'ouvrage a l'ubliflé
« jufqu'à notre temps , que le temple a été
?> brûlé fous l'empire de Claude.» Il y a
dans ces paroles une finefTe & une exacti-
tude finguliere : on y fent une différence
entre ce que Pline dit , & ce qu'il voudroit
pouvoir dire. Il voudroit pouvoir avancer ,
que l'art avoit été pratiqué fort ancienne-
ment à Rome par è^fts citoyens ; & en hif-
torien exàd, il joint à l'exprelîion de bonne-
heure la détermination de l'époque, qui ne
va pas à 400 ans d'antiquité. Il voudroit
pouvoir ajouter que l'exercice de la peinture
y fut dès-lors en honneur , & il dit unique-
ment qu'on y fît honneur à la peinture :
enfin , il voudroit pouvoir vanter la beauté
àts ouvrages de Fabius ; & tout l'éloge qu'il
en fait , c'efl qu'ils s'étoient coiifervés juf-
qu'au règne de Claude.
Le feul ouvrage de peinture que l'au-
teur nous falîe remarquer à Rome , dans le
fîecle qui fuivit l'époque de Fabius Pidor ,
<it^ un tableau que Valérius MefTala fit
faire de fa viftoire de Sicile en l'an 264 ,
& qu'il expofa fur un côté de la curie Hof-
tilia. Le filence de Pline fur le nom du
Peintre , nous fait aflcz comprendre que
1 artifte étoit Grec , les Romains étendant
déjà pour lors leur domination fur le canton
d'Italie appelle la grande Grèce y & fur la
Sicile pareillement peuplée de Grecs.
L'exemple de Valérius MefTala fut fuivi
dans la fuite par Lucius Scipion , qui après
avoir défait en Aiîe le roi Antiochus , étala
dans Rome le tableau de fa vidoire , en l'an*
190 avant Jefus-Chrifl.
L'année fui vante 189, Fulvius Nobilior
afîîégea & prit Ambracie , où Pirrhus avoit
autrefois rafTemblé plufîeurs rares produc-
tions diQS arts cultivés dans la Grèce. Le con-
ful Romain , dit Pline , ne laifîà que les
©uvrages en plaflique de Zcuxis , & tranf-
porta les mufes à Rome : c'étoient neuf
ftatues , où chaque mufe en particulier étoit
repréfentée avec Çt& attributs. Tite-Live dit
aufîî , que Fulvius enleva d' Ambracie les
ilatues de bronze & de marbre , & les ta-
bleaux ; mais il paroît que les tableaux ne
furent "pas tranfportés à Rome , ou qu'ils
n'y furent pas livrés à la curiofité du public ,
P E I
' pulfque Pline ne marque qu'enfuîte l'épo-
que du premier tableau étranger qu'on ait
étalé dans la ville. Les Romains n'étoient
point encore curieux de peinture , comme
ils l'étoient de fculpture : les ftatues des
mufes apportées d'Ambracie , furent repré-
fentées chacune dans des médailles particu-
lières , qu'on trouve expliquées tort ingé-
nieufement dans Vaillant.
Vers l'an 180 , Caïus Terentius Lucanus ,
fi c'efè, comme l'a cru Vaillant , le frère
de Publius , maître du poète Térence , fut
le premier qui fit peindre à Rome des com-
bats de gladiateurs.
Paul Emile , deilrufteur du royaume de
Macédoine en 168 , emmena d'Athènes à
Rome Métrodore , qui étoit en même temps
philofophe & Peintre. Il ne vouloit ua
Peintre que pour le faire travailler aux déco-
rations de fon triomphe.
Vers l'an 154 , Pacuvius , neveu mater-
nel d'Ennius , cultivoit à Rome & la poé-
fie & la peinture. Entre Fabius Pidor &
lui , dans un elpace d'environ 150 ans ,
Pline n'a point de Peintre Romain à nous
produire : il dit que les pièces de théâtre
de Pacuvius donnèrent plus de confidéra-
tion à la profeflion de Peintre , & que ce-
pendant après lui , elle ne fut guère exer-
cée à Rome par • d'honnêtes gens. Qu'on
juge enfuite fi l'écrivain a prétendu nous
laiffer une grande idée des Peintres Ro-
mains !
En l'an 147, Hoflilius Mancinus, qui, dans
une tentative fur Carthage , étoit le pre-
mier entré jufques dans la ville , expofa dans
Rome le tableau de la fituatlon de la place,
& de l'ordre des attaques. L'année fuivante,
Mummius , defirudeur de Corinthe , fit
tranfporter à Rome le premier tableau étran-
ger qu'on y ait expofé en public ; c'étoit
un Bacchus d'Ariflide le Thébain, dont le
roi Attalus donnoit fix cents mille féfîercesf,
cent dix-fept mille cinq cents livres ; mais
le général Romain rompit le marché , dans
la perfùalion qu'un tableau de ce prix ren-
fermoit à^s vertus fecretes. La fomme of-
ferte par Attalus ne paroîtra pas exorbi-
tante , fi l'on confidere qu'il acheta , dans
une autre occafion , un tableau du même
Ariflide cent talens , quatre cents foixante-
dix- mille livres ; &> ce dernier fait étant
rapporté
P E I
rapporté par Pline en deux diiFérens en-
droits , nous ne devons point y foupçon-
ner de Terreur dans les chiffres , comme il
ne nous arrive que trop fouvent de fup-
pofer des fautes de copiftes , & même des
fautes d'ignorance dans les hiftoriens de
l'antiquité , quand ce qu'ils atterteut n'ell
pas conforme à nos idées & à nos ufages j
vrai moyen d'anéantir toute l'ancienne hiC-
toire.
La conduite de Mummius fait voir que
les romains n'avoient point encore de ion
temps le goût de la peinture ^ quoiqu'ils
euifent celui de la fculpture depuis la fon-
dation de leur ville. Pour un tableau que
ce général rapporta d'Achaïe , il en tira un
fi grand nombre de ftatues , qu'elles rem-
plirent 5 fuivant l'exprefîion de Pline , la
ville entière de Rome. Nous vQiyons aulîî
que dans la Grèce , le nombre des fculpteurs
& des ouvrages de fculpture l'a de tout
temps emporté fur le nombre des peintres
& des ouvrages Aq peinture ; c'eft, comme
J'a remarqué M. le comte de Caylus , que
ces deux peuples jaloux de s'éternifcr , pré-
féroient \qs monumens plus durables à
ceux qui l'étoient moins.
Cependant peu après l'expédition de
Mummius , les romains commencèrent à fê
familiarifer davantage avec un art qui leur
paroiiToit comme étranger. On vit à Rome
pendant la jeunelle de Varron , environ l'an
ICO avant J. C. Lala de Cyzique, fille qui
vivoit dans le célibat & dans l'exercice de la
peinture j on y voyoit dans ce temps - là
même un Sopolis & un Dionyfius , dont les
tableaux remplirent peu à peu tous l^s cabi-
nets.
En l'an 99, Claudius Pulcher étant Edile,
fit peindre le premier la fcene pour une
célébration des jeux publics^ & il eft à croire
qu'il y employa le peintre Sérapion , Pline
ajoutant Ique le talent de cet artifte fë bor-
noit à des décorations de fcene , & qu'un
feul de {qs tableaux couvroit quelquefois , au
temps de Varron , tous les vieux piliers du
forum. Sylla , quelque temps après , fit
peindredans fa maifon deplaifance de Tuf-
culum , qui paffa depuis à Ciceron , un évé-
nement de la vie bien flatteur ^ c'étoit la
circonftance où , commandant l'armée l'an
89 fous les murs de Noie , en qualité de
TomeXXF. ^
P E I l^^
' lieutenant , dans la guerre des Marfès , il
reçut la couronne obiidionale.
Les LucuIIus firent venir à Rome un grand
nombre de liatues , dans le temps apparem-
ment de leur édilité , en 79 ^ & l'ainé des
deux frères , le célèbre Lucius Lucullus ,
étoit alors abfent : on ne peut donc mieux
placer qu'en cette occaûmi l'achat qu'il fit ,
félon Pline , dans Athènes , aux fêtes de
Bacchus , de la copie d'un tableau de Pau-
fias , pour la foinme de deux talens ( neuf
mille quatre cents livres)^ difproportion tou-
jours vifible dans le nombre des ouvrages
de peinture & de fculpture. Lucullus ramafîa
dans la fuite une grande quantité des uns
& des autres ^ & Plutarque le blâme de
ce goût pour les ouvrages de l'art , autant
qu'il le loue du foin qu'il avoit de faire des
colIedHons de livres. La façon de penfèr
de Plutarque ne doit pas nous furprendre ;
elle a des exemiples dans tous les fiecle's qui
ont connu les arts & les lettres ^ elle en
a parmi nous , parce qu'il n'appartient qu'à
un très-petit nombre de favans de reffem-
bler à Pline , & de n'avoir point de goût
exclufif.
Il nous marque un progrès dans la curio-
fité des particuliers & du public pour la
peinture , vers l'an 75 , en difant que l'ora-
teur Hortenfius , après avoir acheté les Ar-
gonautes de Cydias cent quarante-quatre
mille fefterces ( vingt huit mille cent dix
livres ) , fit bâtir dans fa maifon de Tulculuni
une chapelle , exprès pour ce tableau , &que
le forum étoit déjà garni de divers ouvrages
àe peinture , dans le temps où Craffus , avant
de parvenir aux grandes magiftratures , fe
diftinguoit dans le barreau.
Pour l'année 70, on trouve une apparence
de contrariété entre la chronologie de Cice-
ron & celle de Pline , fur lâge de Timo-
machus" de Bifànce , peintre encauftique.
Ciceron écrivoit en cette année-là fon qua-
trième difcours contre Verres : il y parle de
quelques tableaux, parmi un grand nombre
d'ouvra?es de fculpture enlevés à la Sicile ,
& transportés à Rome par l'avide Préteur,
« Que ièroit-ce , dit-il à l'occafion de ces
w tableaux , fi l'on enlevoit aux habitans ^
w de Cos leur Vénus , à ceux d'Ephefe leur
» Alexandre, à ceux de Cyzique leur Ajax
M ou leur Médée ? » Cet Ajax & cette
R
ijo PEI
Médée font vifîblement l'Ajax & la Médée
que Jules-Céfar acheta depuis à Cyzique.
Or , félon Pline , la Médée étoit demeurée
imparfaite par la mort de Timomachus ,
antérieure à l'an 70 ^ & , félon le même
Ecrivain , Timomachus fut contemporain
de Ce far , dictateur en l'an 49. Telle eft
la difficulté , qui difparoîtra , il l'on veut
confidérer que Timomachus a pu mourir
vers Tan 6ç) , environ vingt ans avant la
dictature de Céfir , & avoir été contempo-
rain de Céfar, mais contemporain plus an-
cien, L'expreiîion de Pline , Ccvfaris dicla-
ioris œtate^ fignifîe donc dans le temps de
Céfîir , celui qui fut dictateur , & non pas
dans le temps que Céfar étoit di(fiateur.
Il faut fouvent faire ces fortes d'attentions
dans la chronologie de Pline , où le titre des
magiftratures déiigne quelquefois l'époque
des événemens , & quelquefois la feule dif-
tiuifFion des perfonnes d'un même nom , que
des leèteurs pourroient confondre. Le titre
de diclateur , qu'il donne par-tout à Céfar ,
eft de cette dernière efpece j mais il y a d'au-
tres exemples où , par les titres de préteur ^
êCEdile , ou à'Imperator , il indique habile-
ment les dates que fa méthode élégante &
précife ne lui permettoit pas de fpécifier plus
particulièrement.
Le préteur Marcius Junius ( c'étoit l'an
6j ) fit placer dans le temple d'Apollon , à
la folemnité des jeux Apollinaires , un ta-
bleau d'Ariftide le Thébain. Un peintre
ignorant , qu'il avoit chargé immédiatement
avant le jour de la fête de nettoyer le ta-
bleau 5 en effaça toute la beauté.
Dans le même temps , Philifcus s'acquit
de l'honneur à Rome par un fîmple tableau ,
dans lequel il repréfentoit tout l'attelier d'un
peintre , avec un petit garçon qui fouffloit le
feu.
Le* Ediles Varron & Muréna ( c'étoit l'an
<jo ) firent tranfporter àRomeypourl'embel-
liffement du comice, des enduits à& peinture
à frefque , qu'on enleva de deflus des mu-
r.ailles de brique à Lacédémone , & qu'on
çnchâffafoigneufemcnt dans des quadres de
bois , à caufe de l'excellence des peintures :
ouvrage admirable par lui-même , ajoute
Pline. Il le fut bien plus encore par la cir-
conftance du tranfport.
Pendant l'édÀiité de Scgiirus , en l'an 58 ^
PEI
on vît des magnificences qui nous paroî-
troient incroyables fans l'autorité de Pline ,
& incompréhenfibles fans les explications
de M. le comte de Caylus fur les jeux de
Curion , qui fuivirent d'aifez près ceux de
Scaurus. Pour ne parler que de la peinture,
Scaurus fit venir de Sicyone , où l'art & les
artiftes avoient fixé depuis long-iemps leur
principal {ejour, tous les tableaux qui pou-
voient appartenir au public , & que les habi-
tans vendirent pour acquitter leurs dettes de
la ville.
Les faélions qui régnoient dès-lors dans
Rome, & qui renverièrent bientôt la ré-,
publique , engagèrent Varron & Atticus à
lè livrer totalement à leur goût pour la lit-
térature & pour les beaux arts. Atticus , le
fidèle ami de Cicéron , donna un volume avec
les portrait defiinés de plufieurs illuftres per-
fonnages , & Varron diftribua dans tous les
endroits de l'empire romain un recueil de
fept cents figures, pareillement deiîînées avec
le nom de ceux qu'elles reprélëntoient. Le
même Varron atteftoit l'emprefléraent du
peuple romain pour d'anciens reftes àepein- -
tures. Quand on voulut réparer le temple
de Cérès , que Démophile & Gorgafus
avoient autrefois orné d'ouvrages de pein-
ture & de plaftique , on détacha des murs
les peintures à frefque , & on eut foin de
les encadrer j on difperfa aufil les figures de
plaftique.
Jules-Céfar, parvenu à la di6tature l'an
49 , augmenta de beaucoup l'attention 6c
l'admiration des Romains pour la peinture ^
en dédiant l'Ajax & la Médée de Timo«
machus à l'entrée du temple de Vénus Gé-
nitrix : ces deux tableaux lui coûtèrent 80
taîens , (376 mille liv. ) En l'année 44 ,
qui fut celle de la mort de Céfar , Lucius,
Munacius Planeurs ayant reçu le titre d'/z/z-,
perator , expofa au capitole le tableau de
Nicomachus , où étoit repréfentée l'image
de la viâoire , conduifant un quadrige au
milieu des airs. Obfèrvons que dans tous ces
récits qui regardent Rome , ce font des
peintres grecs qu'on y voit paroître : l'auteur
nomme cependant pour ces temps-ci Arel-
lius peintre romain , qu'il place peu avant le
règne d'Augufte. Arrêtons-nous donc fur ce-
peintre de Rome.
Plijie nous donne fon portrait eâ ce»
P E I
mots : Romae ceîeber fuit Ardlius , nifi fla-
gitio infigni corrupijftt arum , femper ali-
cujus faminae amore fiagrans^ & ob id deas
pingens , fed dikclarum imagine , lib.
XXXr , c. lo. îl fair9it toujours les déeP
fes femblables aux courtifaues , dont il
étoit amoureux. On fait que Flora étoit fi
Jbelle,que Cécilius Métellus la fit peindre,
afin de confacrer fon portrait dans le tem-
ple de Caftor & Pollux.
On a remarqué que ce ne fut ni la pre-
mière ni la dernière fois , que le portrait
d'une courtifane reçut un pareil honneur.
La Vénus fortant des eaux , étoit , ou le
portrait de Campafpe , maîtrelTe d'Alexan-
dre-le-Grand , félon Pline , ou bien celui
de la courtifane Phryné , félon Athénée ,
/. XIU. Augufte le confacra dans le temple
de Jules-Céfar. Les parties inférieures en
ctoient gâtées , & perfonne ne fut capable
de les rétablir ^ le temps acheva de ruiner
le refle : alors on fit faire une autre Vénus
par Dorotiiée , & on la fubftitua à celle
d'Apelle. Pendant que Phryné fut jeune ,
elle fèrvit d'original à ceux qui peignoieni
la décffe des amours. La Vénus de Gnide
fut encore tirée fur le modèle d'iine courti-
fane que Praxitèle aimoit éperdument. Arel-
lius n'eft donc pas le feul peintre ancien
qui peignit les déeffes d'après quelques-unes
de fes maîtrefles.
Le chriftianifme n'eft pas exempt de cette
pratique ^ nous avons plus d'une Vierge
peinte par les modernes d'après leurs pro-
pres amantes. M. Spon , dans fes mifcel-
lan. antiq. érudit. p. i^ ■, rapporte l'expli-
cation d'une médaille de l'empereur Julien ,
fur laquelle on voit d'un côté Sérapis , qui
reftemble parfaitement à Julien , & de l'au-
tre la figure d'un Hermanubis. Il n'étoit
point rare de voir des ftatues d'hommes
toutes femblables à celles de quelques dieux.
La flatterie ou la vanité ont fouvent pro-
duit cette idée.
Juftin martyr dit , en fe moquant des
païens , qu'ils adoroient les maîtreffes de
leurs peintres & les mignons de leurs fculp-
teurs : mais n'a-t-on pas tort de rendre les
païens refponfables des traits d'un Zeuxis
ou d'un Lyfippe ? Ceux qui , parmi les
chrétiens , vénèrent les images de faint
Charles Borromée , ne vénèrent qu'un
P E I 131
portrait fait à plaifir, Se un capn'ce d'un
maître de l'art , qui a peint fort beau un
fàint qui ne l'étoit guère. Il faut fe refou-
dre à fouffrir cette forte de licence des
artiftes, parce qu'elle n'a rien de blâmable,
& fe repofèr fur eux de la figure & de
l'air des objets de la dévotion. Un peintre
de Rome fit le tableau de la Vierge fur le
portrait d'une fœur du pape Alexandre VI ^
qui étoit plus belle que vertueufe. Nous né
connoilfons les dieux par le vifage que lèlon
qu'il a plu aux peintres & aux Iculpteurs ,
difoit Ciceron des dieux de fbn temps ,
/ib. I y de natur. Deor.
Nous ne femmes pas auflî difficiles au-
jourd'hui , dit M. de Caylus , que Pline
l'étoit ; contens que la beauté Ibit bien
rendue , il nous importe peu d'après quelle
perfonne elle eft deffinée. Nous defirons
feulement de l'inconftance à nos peintres,
pour jouir d'une certaine variété dans les
beautés qu'ils ont à repréfenter , & nous
ne faifons de reproches qu'à ceux qui nous
ont donné trop fouvent les mêmes têtes ,
comme a fait Paul Véronefe entre plufieurs
autres. Je reviens à Augufte.
Ce fut fùr-tout cet empereur qui orna
les temples de Rome & les places publi-
ques , de ce que les anciens peintres de la
Grèce avoient fait de plus rare & de plus
précieux. Pline , qui , de concert avec les
autres écrivains , nous affure le fait ea
général , défigne en particulier quelques-
uns de ces ouvrages confàcrés au public par
Augufte j & nous devons attribuer aux
foins du même prince , l'expofition de plu-
fieurs autres tableaux , que l'hiftorien re-
marque dans Rome , fans dire à qui l'on en
avoit l'obligation : le grand nombre fait
que nous ne parlerons ni des uns , ni des
autres.
Agrippa , gendre d' Augufte , iè diftin-
guoit par le même goût , & Pline aflute ,
qb'on avoit encore de lui un difcours ma-
gnifique, & tout-à-fait digne du rang qui!
tenoit de premier citoyen , fur le parti
qu'on devroit prendre de gratifier le public
de tout ce qu'il y avoit de tableaux ^& de
ftatues dans les maifons particulières de
Rome : ce n'eft pourtant pas nous faire voir
dans cet amateur des ovivx^gQS àe peinture ,
un homme attentif à leur confervation , que
R z
i3t P E I
d'ajouter qu'il en confia quelques-uns dans
les étuves des bains qui portoient fon nom ,
ni nous donner une grande idée de fa dé
penfè en tableaux , que de nous dire pour
toute particularité dans ce genre, qu'il acheta
un Ajax & une Vénus , à Cyzique , 3000
deniers (2350 livres) : quelle différence de
prix entre l'Ajax & la Vénus d' Agrippa , &
TAjax & la Médée de Jules- Céfar , tous
achetés dans la même ville !
Pline parle ici de Ludius , qui vivoit
^us le règne d'Augufte ; il ne faut pas le
Confondre avec celui qui avoit orné de
peintures un ancien temple de Junon dans
Ja ville d'Ardée , déjà détruite avant la fon-
dation de Rome. Ce Ludius moderne ré-
"tablit à Rome , du temps d'Augufte , l'ufage
de la peinture à frefque. Divi Augufii cetate
Zudius primus inftituit amœnijfimam parie-
tum picluram. Il repréfenta le premier , fur
\t% murailles , des ouvrages d'architefture
& àt^ payfages j ce qui prouve la connoif-
fance de la perfpedive & celle de l'emploi
du verd \ car fans ces deux choies, quelle
idée pourroit-on fe faire de ces fortes de
tableaux ? On ignoroit avant Ludius l'amé-
nité des fujets dans les peintures à frefque \
on ne les avoit guère employées qu'à des
orncmens de temples , ou à des fujets no-
*bles & férieux , & même les grands artiftes
de la Grèce n'avoient jamais donné dans
ce genre de peinture.
Augufte approuva le parti qu'on prit d'ap-
pliquer à la peinture leiqeune Quintus Pé-
dius , d'une des premières familles de Rome.
Plme femble d'abord en vouloir tirer quel-
que avantage en faveur de la profeflion j ce-
pendant il ajoute en même temps , avec fon
exactitude & fa fidélité ordinaires , une cir-
conftance qui affoiblit totalement cette
idée '■) c'eft que le jeune Pédius étoit muet
de naiffance. Il convient aufli qu'Antiftius
Labéo , qui avoit rempli des charges con-
£dérables dans l'état , & qui avoit refufé
le conft]lat qu'Augufte lui offroit , fe donna
un ridicule , en s'attachant à faire de petits
" tableaux , & en fe piquant d'y réufîir. En
un mot , l'on animoit , l'on eftimoit les ou-
vrages de l'art , & l'on méprifoit ceux qui
en faifoient leur occupation , ou même leur
amufement. Il n'y a pas long-temps que
l'oa eu ufoit de mênie dans ce royaume
P £ I
pour toutes les études &: les connoiflânces r
je doute que les grands foient bien reve-
nus de ce préjugé.
La mort d'Augufte fut bientôt iuivie de
la décadence des arts : cependant Pline
parle d'un grand-prêtre de Cybele , ou-
vrage de Parrhafius , & tableau favori de
Tibère, eftimé foixante mille fefterces (onze
mille fept cents cinquante livres ) , que ce
prince tenoit enfermé dans fa charribre à
coucher \ & d'un tableau chéri d'Augufte ,
un Hyacinthe , qu'il avoit apporté d'Alexan-
drie , & que Tibère conlacra dans le tem-
pie du même Augufte. Pline naquit au mi-
lieu du règne de Tibère , l'an 25 de Jefus-
Chrift , & tout ce qu'il ajoute fur la pein-
ture & ftjr les peintres pour fon temps , fe
réduit aux remarques fuivantes.
Aux deux anciennes manières , dit-il ,
de travailler l'encauftique , on en a ajouté
une troifieme , qui eft de fe fervir du pin-
ceau pour appliquer les cires qu'on fait
fondre à la chaleur du feu -, comme ces
peintures réfiftoient à l'ardeur du foleil ,
& à Ta falure des eaux de la mer , on les
fit fervir à l'ornement des vaiileaux de
guerre \ on s'en fert même déjà , remarque-
t-il , pour les vaiftcaux de charge. Ces or-
nemens étoient en dehors des bâtimens ,
fuivant la force du terme latin expingimus^
Il nous donne une étrange idée du goût
des fuccefleurs de Tibère pour la peinture..
L'empereur Caïus voulut enlever du tem-
ple de Lanuvium , à caufè de leur nudité,
les figures d'Atalante & d'Hélène , peintes
par l'ancien Ludius \ & il l'auroit fait , {i
la nature de l'enduit altéré par la trop
grande vétufté , ne fe fut oppofée à l'exé-
cution du projet.
L'empereur Claude crut fignaler fon bon
goût , & donner un grand air de dignité à
deux tableaux d'Apelle , confacrés au pu-
blic par Augufte , d'y faire eft^acer la tête
d'Alexandre le Grand , & d'y faire fubfti-
tuer la tête d'Augufte lui-même. Pline fe
plaint encore , ibit de pareils changemens
dans des têtes de ftatues , changemens qui
tiennent à la barbarie , foit de la peinture
des mofaïques de marbre , mifes à la place
des tableaux, 8c inventées fous le même
règne de Claude j environ l'an $0 de Jefiis-
Chrifi»
P E I
Le règne de Néron , fuccefleur de Clau-
•de, donna, vers i'aii 64 , Tépoque des mar-
bres incruftés les uns dans les autres ^ &
l'auteur s'en plaint également , comme d'un
ufage qui portoit préjudice au goût de la
peinture j & traite enfin d'extravagance
réiervée à fon fiecle , la folie de Néron , qui
iè fit peindre de la hauteur de cent vingt
pies romains. La toile dont les peintres ne
s'étoient pas encore avifés de faire ufage ,
fût employée alors pour la première fois ,
parce que le métal ou même le bois, n'au-
roient jamais pu fe façonner pour un pa-
reil tableau : il faut donc rapporter auiîî à
l'an 64 de Jefus-Chriff , l'époque de \3. pein-
ture- fur toile. Voye^ ce mot.
Amulius, peintre romain, parizt fous le
règne de cet empereur. Il travailloit feule-
ment quelques heures de la joiirnée, &
.toujours avec une gravité affeôée , ne
• quittant jamais la toge , quoique guindé fur
des échafauds. Ses peintures étoisnt con-
;fintes dans le palais de Néron comme
dans une prifon, fuivant l'expreflion de
Pline , qui a voulu marquer pàr-là les in-
convéniens de la frefque.
Le même Pline admire la tête d'une Mi-
nerve que peignit le même artifte j cette
tête regardoit toujours celui qui la regar-
. doit : fpeclantem fpeâans quâcumque adfpi-
- ceretur. Cependant ce jeu d'optique ne tient
^point au mérite perfonnel , &: fuppoiè (bu-
ïement dans le peintre une connoilfance de
cette partie de la perfpeiîtive. On montre
en Italie plulieurs têtes dans le goût de celle
d'Amulius. Cet artifte n'étoit mort que de-
puis peu , lorfque Pline écrivoit. '
La mémoire du peintre Turpilius , che-
valier romain &: vénitien de naiffance ,
étoit pareillement récente j il avoit embelli
Vérone de Ïqs ouvrages de peinture. On
peut les croire auflî beaux qu'on le voudra ;,
on fait du moins qu'il avoit appris {on art
dans la Grèce. Piine , lib, XXXF , cap. vj ,
dit qu'avant lui on n'avoit jamais vu de pein-
tres gauchers , & il paroît admirer cette
particularité \ mais l'habitude fait tout pour
le choix des mains , & il ne faut pas une
grande philofophie pour faire cette ré-
flexion. D'ailleurs, cette habitude entre pour
beaucoup moins qu'on ne l'imagine dans un
-art que l'efprit feui conduit, ôcquidoune
p E I ,33
fans peine le fsns de la touche , en indi-
quant celui de la hachure , & qui produit
enfin Vies équivalens pour concourir à i'cx-
prelTion générale & particulière.
Depuis Turpilius on a vu des peintres
gauchers parmi les modernes ^ on en a vu
également des deux mains. Jouvenet, atta-
qué d'une paralyfie fur le bras droit quel-
ques années avant fa mort, a fait de la main
gauche fon tableau de la Vijitation qu'on
voit à Notre Dame , & qui eft un des plus
beaux qui foient fortis de fès mains. Ce fait
eft plus étonnant que celui du chevalier
Turpilius, puifque Jouvenet avoit contrafté
toute fa vie une autre habitude j & l'on n'en
a fait mention à Paris que pour ne pas
oublier cette petite fingularité de la vie d'un
grand artifte. Pline finit l'article de Tur-
pilius en remarquant , que jufqu'à lui on
ne trouve point de citoyen de quelque con-
fidération , qui depuis Pacuvius eût exercé
l'art de la peinture.
Il nomme enfin , fous le règne de Vefpa-
fien , vers l'an 70 de Jefus-Chrift, deux
peintres à frefque , tous deux romains ,
Cornélius Pinus & Accius Prifcus. Fort peu
de temps après , il compofa , fous le même
règne , fon immenfe recueil d'hiftoire na-
turelle. Il venoit de l'achever lorfqu'il en
fit la dédicace à Titus , conful pour la
fixieme fois , en l'an 78 de Jefus-Chrift.
L'année fuivante fut celle où Titus monta
fur le trône , au mois de mars , & Pline
mourut au commencement de Novembre
fuivant. Cet illuftre écrivain avoit donc
compofé immédiatement auparavant fon
grand ouvrage , avec la digreftîon fur la
peinture , morceau des plus précieux de
l'antiquité.
On fait que Pline entre en m.atiere par
des plaintes ameres contre fon fiecle , fur
Ja décadence d'un art qu'il trouve infini-
ment recommandable , par l'avantage qu'il
a de conferver la mémoire des morts , &
d'exciter l'émulation des vivans. Il fait
l'éloge des tableaux comme monumens du
mérite & de la vertu , il étend cet éloge
aux autres ouvrages qui avoient la même
deftination ; aux figures de cire que les Ro-
mains confèrvoient dans leur famille j aux
ftatues dont ils ornoient les bibliothèques ^
iiux portraits defliaés , que Varou OC
134 P E I
Pollion mirent en iifao'e ^ enfin, aux bou-
cliers où étoient repréièntés les peribnnages
illuftres de l'ancienne Rome.
Après avoir pris les Romains du côté de
l'honneur & de la vertu , il cherche à pi-
quer leur curiofité , en leur indiquant l'an-
tiquité de l'art , & en s'arrêtant au récit
de quelques peintures plus anciennes que la
fondation de Rome. Il nomme les différen-
tes villes où on les voyoit , & il diftingue
le mérite de ces ouvrages d'avec l'abus
qu'en vouloit faire la lubricité d'un empe-
reur , tenté d'en tiret deux de leur place ,
à caufè de quelques nudités.
Aux motifs d'une curiofité louable , Pline
joint les motifs d'émulation puifés dans le
fein même de la ville de Rome : ilpropofe,
par une gradation fuivie , l'exemple des ci-
toyens qui s'étoient autrefois appliqués à
l'exercice de la peinture. L'exemple des
héros de la nation qui avoient étalé dans
Rome les tableaux de leurs vidèoires j
l'exemple des généraux & des empereurs
■qui , après avoir tran(porté dans la capitale
une quantité prodigieufe de tableaux étran-
gers , en avoient orné \q% portiques des
temples & les places publiques.
Son éloquence & fon efprit nous char-
ment par des traits de feu & par des ima-
ges enchanterefi'es , qu'on ne trouve en au-
cun autre auteur , ni fi fréquentes , ni d'une
il grande beauté \ enfin , par une énergie
de ftyîe qui lui eft particulière. C'eft ainfi
que , pour donner une idée d'un tableau où
Apelle avoit repréfentu un, héros nu , il
déclare que c'étoit un défi fait à la nature.
Il dit de deux hoplitites , ouvrages de Par-
rhafius : » Celui qui court , on le voit fijer :
)) celui qui met les armes bas , on le fènt
')) haleter. Apelle , dit- il ailleurs, peignit
» ce qui eft impofîible à peindre ^ le bruit
M du tonnerre &c la lueur des éclairs «. En
matière de ftyîe , comme en matière de
peinture , les favantes exagérations font
quelquefois nécefiàires ^ & ce principe
doit être gravé dans l'efprit d'un peintre ,
s'il veut parvenir à l'intelligence de ce que
Pline a écrit , & de ce qu' Apelle avoit
exécuté.
Il eft donc vraifemblable que perfonue
ne s'avifera jamais de traiter Pline en qua-
' lité d'hiftorieu des peintres , ou d'enthou-
PE I
fiafte fans connoiflance de caufè , ou de
déclamateur qui joue l'homme pafiïonné ,
ou d'écrivain infidèle & frivole. Les qua-
lifications diamétralement op'pofées font
préciiement celles qui caraûérilbnt ce grand
homme |, heure ufement pour fa gloire ^ heu-
reufement pour celle des arts , dont il a été
lepanégyrifte ;, heureufement , enfin , pour
l'intérêt de la littérature & des fcieuQes ,
dont il a été le dépofitaire.
Voilà ce que j'avois à dire fur Pline &
fur \a peinture des Romains ; c'eft un pré-
cis de deux beaux mémoires donnés par
M. de Caylus & par M. de la Nauze , dans
le recueil de littérature , tom. XXV, ( Le
'chevalier DE Jaucourt.)
Peinture moderne, {beaux Arts.)
L'art de la peinture^ dit M. l'abbé Dubos ,
après avoir été long- temps eufèveli en Occi-
dent fous les ruifies de l'empire romani ,
le réfugia foible & languiffant chez les Orien-
taux , &: renaquit enfin dans le treizième
fiecle , vers l'an 12,40 , à Florence , fous
le pinceau de Cimabué. Cependant on ne
peignit qu'àfrefque & à détrempe, jufqu'au
quatorzième fiecle , que Jean de Bruges
trouva le lëcret de peindre à l'huile. Il ar-
riva pour lors que plufieurs peintres fe ren-
dirent illuftres dans les deux fiecles fui-
vans ^ mais aucun ne fe rendit excellent.
Les ouvrages de ces peintres , fi vantés dans
leur temps , ont eu le fort des poéfies de
Ronfard ^ on ne les cherche plus.
En 1450 la peinture étoit encore grof^
fiere en Italie , où depuis près de deux
cents ans on ne ceftbit de la cultiver. On
defiinoit fcrupiileufement la nature fans
l'ennoblir j on finiffoit les têtes avec tant
de foin , qu'on pouvoit compter les poils
de la barbe & des cheveux j les draperies
étoient de couleurs très- brillantes & re-
hauflées d'or. La main des arîiftes avoit
bien acquis quelque capacité ^ mais ces
artiftes n'avoient pas encore le moindre
feu , la moindre étincelle de génie. Les
beautés qu'on tire du nu dans les corps
repréfentés en aâion , n'avoient point été
imaginées de perfonne ^ on n'avoit point
fait encore aucune découverte dans le clair-
obfcur , ni dans la perfpeâ:ive aérienne ,
non plus que dans l'élégance des contours
& dans lebegu jetdes draperies. Les peintres
P E I
fhvoîent arranger les fiq^ures d'un tableau ,
fans favoir les difporer fiayant les re.^les de
la compofition pittorcfque , aujourd'hui fi
connues. Avant Raphaël & Tes contetr.po-
rains , le martyre d'un faint ne touchoit au-
cun des fpeâateurs. Les allirtans que le pein-
tre introduifoit à cette aéiion traî^ique , u'é
toient là que pour remplir Tefpace fie la
toile , que le làint & les bourreaux laiiToient
vuide.
A la fin du quin2ieme fiecle , la pein-
ture , qui s'acheminoit vers la perfection à
pas fi tardifs , que ià progreffion étoit im-
perceptible , y marcha tout- à-coup à pas
de géant. La /^f/'/z/z/re, encore gothique, com-
mença les ornemens de plufieurs édifices,
dont les derniers embelliffemens font les
chers d'œuvrede Raphaël &de iks contem-
porains.
Le prodige qui arrivoit à Rome arrivoiî
en même temps à Veni/è, à Florence , &
dans d'autres villes d'Italie. Il y fortoit de
defibus terre , pour ainfi dire , des hom-
mes illuftres à jamais dans leurs p/ofef-
fîons , & qui tous valoieut mieux que les
maîtres qui les avoient enfeignés j des hom-
mes fans précurfeurs , & qui étoient le«
élevés de leur propre génie. Venifc fè vit
riche tout- à-coup en peintres excellens, fans
que la république eût fondé de nouvelles
académies , ni propofé aux peintres de nou-
veaux prix. Les influences heureufès qui fe
répandoient alors fur h\ peinture , furent cher-
cher, au commencement du feizieme fiecle ,
le Correge dans fbn village , pour en faire
un grand peintre d'un caradere particu-
lier.
Toutes les écoles qui Ce formoient aîloient
au beau par des routes différentes. Leurs
manières ne fè reffembloient pas , quoi-
qu'elles fulTent fi bonnes , qu'on feroit fâché
que chaque école n'eût pas fiiivi la fienne.
Le Nord reçut aufîi quelques rayons de cette
influence. Albert Durer , Holbein , &
Lucas de Leyde , peignirent infiniment
mieux qu'on ne l'avoit encore fait dans leur
pays.
Cependant , dans le même climat o:i la
nature avoit produit libéralement , & fans
fècours extraordinaire , les peintres fameux
du fiecle de Léon X , les récompenfès , les
foiiis de l'académie de S, Luc ^ établie
PEi ny
par Grégoire XIII & Sixte V ; l'attention
des fouverains j enfin , tous les efforts des
caufes morales n'ont pu donner une pofté-
rite à ces grands artiltes nés fans ancê-
tres. L'école de Venife & celle de Flo-
rence dégénérèrent & s'anéantirent en 60
ou 80 ans. Il eu vrai auehpeinrure fe main-
tint à Ronvj en fplendeur durant un plus
grand nombre d'années. Au milieu du fiecle
dernier , on y voyoit même de grands maî-
tres : mais ces grands maîtres étoient jdes
étrangers , tels que lePouflîn , les élevés des
Carraches , qui vinrent faire valoir à Rome
les talens de l'école de Boulogne , & quel-
ques autres.
Le Poufiin , en trente années de travail
afTidu dans un attelier placé au milieu de
Rome , ne forma point d'élève qui fe foit
acquis de nom dans lu peinture^ quoique ce
grand artifle fût aufTi capable d'enfeigner
fbn art , qu'aucun maître qui jamais l'ait
profeflë. Dans la même ville , mais en d'au-
tres temps , Raphaël , mort auffi jeune que
l'étoient (es élevés , avoit formé , dans le
cours de dix ou douze années , une école de
cinq ou fix peintres , dont les ouvrages
font toujours une partie de la gloire de
Rome.
Enfin, toutes les écoles d'Italie, celles
de Venife , de Rome , de Parme & de Bou-
logne , où les artifles liipérieurs fe multipliè-
rent fi facilement & fi promptement , en
font aujourd'hui dénuées. Le lingulier eft ,
que ce fut dans des temps de profpérité que
toutes ces écoles s'appauvrirent de bons fu-
jets , & qu'elles tombèrent en décadence :
comme leur midi, ajoute ici l'abbé Dubos,
s'étoit trouvé fort près de leur levant , leur
couchant ne fe trouva point bien éloigné de
leur midi.
La peinture qui avoit commencé à naî-
tre en Flandre fous le pinceau de Jean
de Bruges , y refèa dans un état de mé-
diocrité jufqu'au temps de Rubens, qui, fur
la fin du feizieme fiecle, en releva la gloire
par fes talens & par [es ouvrages. Alors la
ville d'Anvers devint FAthenes du pays au-
delà des monts ^ mais {on éclat fut de
courte durée. Si Rubens laifla des élevés ,
comme Vandick , Jordans , Difpenbeck ,
' Yaa-Tulden , cjui fout houueur à fà. répi»t
13^ P E î
tation , ces élevés font morts fans difciples
qui les aient remplacés. L'école fie Rubens
a eu le fort des autres école ^ je veux dire ,
qu'elle eft tombée quand tout paroifToit
concourir à la foutenir. Mile en peut être
regardé comme fon dernier peintre.
Il fembloit que \^ peinture^ qui a pafTé
en France plus tard qu'ailleurs , vouloit y
fixer un empire plus'durable : il eft vrai qu'il
ne tint pas à François I«. de la faire fleu-
rir dans le bon temps j il s'en déclara le
protecteur. On fait avec quelle générofité
il payoit les tableaux qu'il commandoit à
Raphaël : fes libéralités attirèrent des pein-
tres étrangers dans fon royauir.e : il combla
de faveurs , & l'on peut dire d'amitié ,
le Rono & André del Sarto ^ il reçut les
derniers foupirs de Léonard de Vinci. Mais
tous ces grands maîtres moururent fans élè-
ves , du moins dignes d'eux. C'eft propre-
ment fous Louis XIV , que la peinture
commença de paroître dans ce royaume,
avec le Pouiïin. La France a eu fous fon
règne des peintres excellens en tout genre ,
quoique ce ne ibit pas dans cette profufion
qui fait une des richeffes de l'Italie. Cepen-
dant , fans nous arrêter à un le Sueur , qui
neut d'autres maîtres que lui-même j à un
k Brun , qui égala les Italiens dans le def-
fin & dans la compofition^ à un le Moine ,
qui ne leur eft guère inférieur ;, j'ai nommé
dans un des volumes de ce dictionnaire
près de vingt peintres François , qui ont
laifle des morceaux fî dignes de recherche ,
que les étrangers commencent à nous les
enlever.
Je n'allègue point , en faveur de la pein-
ture Françoifè , les académies établies par
Colbert pour l'encouragement de cet art.
Le génie de la nation , fes richefles , les
immenfès collections de tableaux d'Italie
amafles par Louis XIV , par M. le Duc
d'Oi-léans , & par des particuliers , ont
favorifé plus que les académies le goût de
cet art dans le royaume. D'ailleurs , ces
fantômes depafTions , fi je puis parler ainfi,
que \a peinture fait exciter , en nous émou-
vant par les imitations qu'elle nous pré-
fente, fatisfont merveilleufement à ce genre
de luxe , à notre défœuvrement , à notre
ennui , & au befoin où nous fommes
d'être occupés par le ipedacle des beaux
P E I
arts. Mais enfin , notre décadence à tant
d'égards , prévue il y a plus de foixante any
par M. de Fontenelle , ne commence-t-elle-
pas à fe vérifier fiir la peinture ?
Le bon temps de celle des Hollandois-
eft aufli paffé ^ encore faut il convenir que*
quoique leur peinture foit admirable , par
le beau fini , la propreté , le moelleux &:
la parfaite intelligence du clair-obfcur , ce-
pendant elle ne s'eft jamais élevée dans
l'hiftoire , & n'a jamais réu/Pi dans ces deux
parties de l'ordonnance d'un tableau , que
nous appelions cnmpofition poétique & com"
po/ition pittorefque.
Depuis deux fiecles les Anglois aiment
hi peinture autant & phis qu'aucune autre
nation , fi Ton en, excepte l'Italienne. On
fait avec quelle magnificence ils récompen-
fènt les peintres étrangers qui s etabliffent
chez eux , & quel prix ils mettent aux
beaux ouvrages de peinture. Cependant
leur territoire n'a point produit de peintres
d'un ordre fupérieur , tandis que leurs poè-
tes tiennent un rang fi diftingué parmi ceux
des autres peuples. On voit à Londres ,
dans l'hôpital des enfans trouvés , des ta-
bleaux d'hiftoire faits par MM. Hayman ,
Hogarth . Wills , Highmore , qui prou-
vent feulemient que ces divers artiftes
poflédoient les qualités propres à faire les
grands peintres , mais non pas qu'ils fuf-
fent de cette clafle. Il n'eft guère pofiîble
qu'il y ait en Angleterre des peintres d'hit
toire vraiment habiles , parce qu'ils y man-
quent d'émulation : leur religion ne fait
chez eux aucun ufage des fecours de la
peinture pour infpirer la dévotion \ leurs
églifes n'y font décorées d'aucuns tableaux j
tandis que , par une raifon contraire , ils
réuftiffent parfaitement dans le payfage &
les marines. Enfin , 1^% peintres Anglois
ont un obftacle à furmonter , qui arrête
les progrès de leurs talens \ ce font ces
gens dont la profefllon eft da vendre des
tableaux , & qui ne pouvant faire com-
merce des tableaux àQ% pemtres vivans de la
nation , prennent le parti de les décrier ,
& trouvent en cela l'approbation du pays
même.
A l'égard de la peinture àés, habitans
du Nord , on fait alfez ce qu'il en faut
penfer. Il paroît que cet art ne s'eft pas
approché
P E I
approché du pôle plus près que la hauteur
de la Hollande. Je dois eacore moins m'ar-
rêter iur la peinture Chinoife ; elle n'ofFre
qu'un certain goût d'imitation lèrvile , où
l'on ne trouve ni génie , ni deilin , ni in-
vention , ni corredion.
Après ce que nous venons d'expofer fur
l'état actuel & les viciilitudes que \z pein-
ture a elfuyées chez les divers peuples de
l'Europe depuis la renaiflance des arts ,
il efl clair«que tous les lîecles & que tous
\^ pays ne lont point également fertiles
en beaux ouvrages de ce genre, & qu'ils le
font plus ou moins en divers temps. Il y
a des liecles où les arts languiflent ; il en
eft d'autres où ils donnent des fleurs &
à'ts fruits en abondance. Làpeinture né-
ton point la même dans .les deux iiecles
qui précédèrent le fiecle de Léon X , que
dans le liecle de ce Pontile. Cette fupé-
riorité de certains liecles liir les autres ell
fi connue , &c le lent fi bien par les gens
d'elpritdans le même fiecle où ils vivent,
qu'il elt inutile de le prouver. Les anna-
les du genre humain iront mention de trois
fiecles , dont les produdions en peinture
ont été admirées par tous les fiecles lui-
vans. Ces fiecles heureux font celui de
Philippe & d'Alexandre-le-Grand , celui
de Jules Céfar & d'Augufle , & celui
de Jules II & de Léon X. Ce font ces
trois fiecles qui ont formé ladiftindion de
la peinture moderne , dont je viens de don-
ner l'hiffoire , d'avec la peinture antique ,
dont je tâcherai de décrire le mérite & le
caraâere dans l'article fuivant.
Perfbnne n'ignore qu'il y a plufieurs for-
tes de peintures en ufage ; favoir , à détrem-
pe , en émail , à frefque , à huile , en mi-
niature , à la mofaïque , au pallel , fur le
verre , (ur la porcelaine ^ une peinture
Aîixte , des camayeux , &c. Voye\ chacun
de ces mots.
On a aufîi eflayé de tracer des pein-
tures fur du marbre blanc , avec des tein-
tures particulières & propres à le pénétrer.
On fait encore àts peintures avec des laines
& des foies , qui font des broderies en ta-
piflcrie , travaillées à l'aiguille ou au méfier.
Ne peut-on pas mettre parmi les différentes
efpeces de peintures , celle qui fe fait fur
des étoffes de foie blanche , ou fur des toiles
Tome XXr.
P E I 137
de coton blanc , en y employant feulement
des teintures qui pénètrent ces étoffés &
ces toiles ? En un mot , l'induilrie des hom-
mes a trouvé le lecret de rt-préfenter les
images vifibles par divers moyens, fur quan-
tité de corps très-diiîérens , verre , pierre ,
terre , plâtre , cuivre rouge , bois , to^e ,
&c. On n'a point craint de multiplier les
merveilles d'un art enchanteur , & de les
répéter à la vue de toutes fortes de ma-»
nieres. On a connu que plus on étendroit
les preffiges de fa magie, plus cette variété
frapperoit nos fens avec plaifir ; & de tel-
les conjedures font rarement trompées.
Enfin, un moderne, le Sr.Picaut, a trou- ■
vé le fecret de tranfporrer fur une nouvelle
toile les ouvrages de peinture qui dépé-
rifîènt Iur une veille toile ou fur du bois.
Les preuves qu'a donné cet homme in-
dufirieux de cette'découverte , ne permet-
tent pas de dquter du fait. Le fameux ta-
bleau qui repréfente S. Michel foudroyant
\çs Anges rebelles , étoit peint fur le bois.
Ce tableau que Raphaël peignit en i)^^,
pour François premier , a été tranlporté
fur toile dans fa beauté , en 1752- , parle
fieur Picaut ; & le 18 odobre de la mê-
me année , il a été expofé aux yeux du pu-
blic dans le palais de Luxembourg , à Paris.
En conféquence , l'académie de peinture
ayant jug.é que le fieur Picaut avoit exé-
cuté (on opération avec un grand fuccès ,
lui a donné des témoignages authentiques
de (on approbation. Je voudrois bien ofer
ajourer , que cette découverte peut afTurer à
la poftérite la confervation des ouvrages des
peintres célèbres , & les garantir de l'ou-
trage des temps. Article de M. le chepalier
DE JauCOURT.
Peinture arabesje^ue ancienne,
{Peint, anc.) C'elf une peinture qui con-
filfoit à repréfenter à frelque , fur les murail-
les , des figures de caprice , ou des compo-
fitions d'architedure , pour férvir d'orne-
ment & de décoration.
Il y a quelques morceaux de cette pein'-
ture dans des tombeaux, auprès deNaples';
mais c'elf peu de chofe , en comparailon de
ce qu'on peut voir de ce genre dans les
deflîns recueillis par Pietro Santo. Bar-
foli j Jean d'Udine , Raphaël & quelques-
. uns de fes élevés , pnt imité ces anciennes
13» P E I
grotefques , & on les a gravées d'après les
ëtudes qu'ils en avoient faites.
Ces ornemens fantaftiques inventés avec
génie , paroifTent à bien des gens n'exiger
que peu ou point de parties de la perfpec-
tive , puifque les figures feules , enlacées &
liéesHt àcs ornemens légers & délicats, font
ordinairement peintes fur le fond de la mu-
raille , ou fur une couleur qui la fuppofe.
Cependant il y a plufieurs de ces grotef-
ques où l'on voit des compofitions d'archi-
tedure , dans lefquelles il entre par confé-
quent des colonnes , des entablemens &
d'autres membres d'architedure: toutes ces
parties tendent à un point de vue , donné
avec autant d'exaditude que pourroit faire
le peintre le plus au fait de la perfpedive ;
ainfi l'on doit en conclure que, fi dans des
(iijets où le défordre femble permis, les
anciens ont été fi réguliers obfervateurs de
la perfpedive , on ne peut faas injurtice leur
refufer la même connoiflance & la même
attention dans des ouvrages plus réfléchis.
Les peintures arabefques ont été mifes
€n ufage par les anciens , pour couvrir à
peu de frais , & cependant avec goût , des
murailles nu-es , telles qu'on les voyoit dans
l'intérieur de leurs maifons ; car leurs lo-
gemens particuliers ne nous laiiîêntpasune
grande idée de leurs ameublemens. Pline
cite à peine ces meubles dans la. defcrip-
tion de its maifons ; preuve qu'ils ne mé-
ritoient pas une grande confidération. Les
Romains faifoient conliller la magnificence
de leurs meubles dans des ornemens plus
folides , & confidérablement plus coûteux
que nos étoffes & nos tapifîèries. Leurs lits
defefiins , leurs vafes , leurs coupes, leurs
buffets , leurs planchers , étoient d'un prix
beaucoup plus considérable que tout ce que
nous employons aujourd'hui. Les maifons
particulières des grecs étoient encore moins
riches à la ville & à la campagne , en ce
que nous entendons par le terme de meuble^
que celles des romains. La décoration àts
édifices publics étoit le feul objet des foins
& de la dépenfe des grecs , & cet objet
étoit plus noble que le nôtre. Mém. de Vac.
des infcr.
Pour ce qui regarde la peinture arahef-
qut moderne , voye'{ GROTESQUES,
{Beaux Ans,) {D,J,)
P E I
Peinture a détrempe , {Peint.)
Voyei GUACHE.
Peinture a huile , {Peint, mod.}
Dans le treizième fiecle de l'ère chrétien-
ne , la peinture fut rétablie , & ce fut au
commencement du quatorzième qu'un fla-
mand nommé Jean de Bruges , employa
des couleurs détrempées dans des huiles.
Avant cette découverte , les grands ou-
vrages fe faifoient en mofaïque , ou à frel-
que , ou en dérrempc. La mofaïque , com-
me on (ait , eft formée par des pierres de
différentes couleurs , rapportées artifiement
les unes à côté des autres , & qui toutes
enfemble concourent à produire un effet
général. On peint à frefque fur des enduits
tout frais de mortier , & où les couleurs
s'imbibent; détrenppant les couleurs dans la
gomme , on peut les employer par-tout , &
c'eff ce qu'on appelle peindre en détrempe.
La peinture d huile a de grands avan-»
tages fur toutes les autres manières. La
mofaïque demande beaucoup de travail ,
& elle efl difficilement exade. La frefque
ne peut être retouchée ; & fi le premier
trait n'efl point de la dernière jufîefTe , (i
le premier coup de pinceau ne donne pas
la nuance exade , il faut faire regratter l'en-
duit , & recommencer , jufqu'à ce qu'enfin
on ait achevé l'ouvrage, fans avoir com-
mis la moindre crreur.Cette exaditude, qu'il
faut trouver du premier coup, efl d'autant
plus difficile , que. les couleurs ne confèr-
vent point les nuances qu'elles ont lorf^
qu'on les emploie ; elles changent à me-
liire que le mortier feche , & il faut les
avoir employées du premier coup de pin-
ceau , non pas comme elles font , mais
comme elles doivent refter. La peinture à
détrempe , outre ce dernier inconvénient
de la peinture à frefque , n'a point de lo-
lidité, & ne permet point d'unir les couleur^
par des nuances vraies & délicates.
Mais la peinture à huile donne la fa-
cilité à l'artifie de retoucher fon tableait
auffi fouvent qu'il le veut. Sur une pre-
mière ébauche dont les traits ou les nuan-
ces ne lui paroifTent pas convenables , il
emploie une féconde couleur différente de
la première , & qui rtnd avec plus de vé-
rité l'effet qu'il en attend ; dans cette ma-
nière , Tartifle a encore l'avantage d'ea»-r
P E I
ployer les couleurs à-peu-près comme elles
doivent refter. Les ouvrages à l'huile ne
font point néceflites d'être toujours à une
même place , comme l'efl: la frefque fur
la toile , fur le bois & fur les'raétaux :
ceux à l'huile peuvent être tranfportés par-
tout ; mais ils fe confervent moins que
la trefque , & n'ont qu'un feul point de vue.
Cependant , quoique l'huile donne une
très-grande facilité de pinceau , & qu'elle
rende le travail plus agréable qu'aucun au-
tre corps le pourroit faire , les anciens , peu
fenfibles au moment préfent , travailloient
toujours pour la pollérité. Or , il eu conf
tant que l'huile nous a fait perdre l'avan-
tage de la confervarion. Ce n'ell pas tout,
elle altère nos couleurs , & les fait jaunir
par la lèule imprellion de l'air. Les tein-
tes poufl'ent fouvent avec inégalité , les
ombres noirciffent.; enfin , nos couleurs
& nos imprelfions s'écaillent , & les pein-
tures anciennes étoietit , ce me femble ,
à l'abri de tous ces inconvéniens. Nous
pratiquons l'huile depuis un temps afiez con-
lidérable pour en connoître les eiFets , &
pour avancer que l'on ne verra aucune de
nos peintures , préparées de cette façon ,
dans huit cents ans ; au contraire , Pline
a pu voir celles qui fubfiiloient dans les
ruines d'Ardée , & nous voyons encore
aujourd'hui des refies d'une beaucoup plus
grande ancienneté dans quelques endroits
de ritahe,&même jufquesdans l'Egypte;
auffi ce font des peintures à frefque.
Le pJ-fiel a de grandes beautés , il efî
fait avec des craies de différentes couleurs ;
mais le ieul mouvement de l'air le détruit ,
& on ne peut le conferver qu'en le cou-
vrant d'une glace. Derrière les glaces , on
y peint aufli à huile. (Z). /.)
Peinture chinoise , (Peint.) c'efl
une forte de />^//2ri/r^ que les Chinois font
fur des éventails ou fur la porcelaine , où
ils repré'èntent des fleurs , des îi-nimaux ,
des payfa^es , des figures , &c. avec des
couleurs fines & brillantes. Le feul mérite
de leur peinture eu une certaine pro-
preté & un certain goût d'imitation fer-
vile ; mais où l'on ne remarque ni génie ,
ni deflin , ni invention , ni corrtrdion.
Peinture des Mexicains fur le bois ;
{Peinture d'Amérique.) ©n ne i^ra peut-
PEI rj^
' être pas fâché de voir ici la manière donc
les Indiens du Mexique fe fervent des
couleurs pour peindre fur le bois , & pour
travailler les cabinets & autres meubles de
cette efpece : voici le fecret de cette
peinture.
On prépare la couleur dont on veut
faire le fond , & on en paffe plufieurs cou-
ches fur tout l'ouvrage ; ce qui forme une
croûte afîez épaiflê , que l'on adoucit &
qu'on égale le plus qu'il efl poffible. Pen-
dant que la peinture eft encore fraîche ,
on prend un poinçon ou une baguette
de bois , le plus dur qu'on peut trouver ,
avec quoi l'on deffine les figures que l'on
veut peindre ; on fe fert de l'autre bout
du poinçon ou de la baguette , qui efl ap-
plati en forme de fpatule , pour racler
la couleur renfermée dans le contour de
la figure : dans ce vuide , on met une au-
tre couleur telle que la figure le deman-
de ; & s'il y en doit entrer de différen-
tes, on remplit d'abord tout l'efpacc de
cells qui doit dominer ; puis on dégarnit
la place que doivent occuper \cs autres
couleurs , & on les applique les unes après
les autres , comme on avoit fait la pre-
mière , jufqu'à ce que tout l'ouvrage foit
achevé.
Pour conferver l'éclat des couIei;rs &
leur donner le luffre, ils ont differens ver-
nis compofés d'huiles tirées de divers fruits.
Dans la province des Yucatan , le ver-
nis le plus ordinaire efl une huile faite avec
certains vers qui viennent fur les arbres
du pays ; ils font de couleur rougeatre , &
prefque de la grandeur des vers à foie. Les
Indiens les prennent, les font' bouillir dans
un chaudron plein d'eau , & ramafient
dans uii autre pot la graifle qui monte
au-deflus de l'eau : cette graiiTe efi le ver-
nis même. Il devient dur en fe figeant ;
mais pour l'employer , il n'y a qu'a le
faire chauffer : la peinture fur laquelle on
a palîe le vernis , conterve cette même
odeur durant quelque temps ; mais en l'ex-
pofant à l'air pendant quelques jours , l'o-
deur fe diffipe entièrement. Ce font aufiî
les huiles de ce vernis, qui font que les
'ouvrages ainfi verniifés peuvent fe laver
fans être endommagés. Delà vient qu'on
a fait, avec le bois ainfi peint & vernllfé,
S 2
i4<5 P E I
quantité de vailTcaux pour l'ufage ordi-
naire. {D. J.)
Peinture pastorale ,{Pe^nt.mod.)
c'eft ainii qu'on nomme celle qui s'exerce
fur les amufemens de la campagne , les
bergeries , les marchés , les animaux. Ce
goût efl rufceptible de toutes les beautés
dont le génie du peintre eft capable pour
imiter la belle nature ; & elle plaît à tout
le monde. Le Caftiglione (Benedi^i), né à
Gênes , & mort à Manroueen 1670, âgé de
54 ans , efl un des artiftes du dernier fiecle
qui a le mieux réufli en ce genre. La dé-
licarefîe de fa touche , l'élégance de fon
defîln , la beauté de (on coloris , & fon
intelligence du clair-obfcur , ont rendu Tes
tableaux précieux. (D. /.)
Peinture des toiles j{Peint anc)
l:^ous^mox\s2M]o\xrà^\ï\\\teintures des toiles\
mais je me fers du mot de Pline , qui jSnit
le chap. xj de fon XXXV^ , livre , par
nous apprendre la façon dont les Egyp-
tiens peignoicnt des toiles , ou faiibient des
toiles peintes. Rapportons d'abord le paf-
fàge en latin , qui efl fort curieux.
PinguiH & vefies in yEgypto interpauca
mirabili génère , candida vêla poftquam
attrii/ere illinentes non coloribus y fed co-
lore m for b end bus medicamentis. Hoc cum
fecêre non apparet in velis ,* fed in cor-
tinam pigmenti ferventis merfa y poJLmo-
mentum extrahuntur picla. Mirumque cum
fit unus in cortina colos , ex illo alius
atque alius fit in vefle y accipientis medica-
menti qualitate mutatus. Nec pofiea ablui
potefi\ ira cortina non dubiè confufura
colores y fi picios acciperet y digerit ex
uno y pingitque dum coquit. Et adufiœ
vefies firmiores fiunt y quam fi non ure-
rentur. Voici la tradudion.
» Dans le nombre des arts merveilleux
?j que l'on pratique en Egypte , on peint
9J des toiles blanches qui fervent à faire
j> des habits , non en les couvrant avec
» des couleurs, mais en appliquant des mor-
?j 4^05 qui , lorfqu'ils font appliqués , ne
7) paroiiîènt point fur l'étofïè ; mais ces
« toiles plongées dans une chaudière de
?> teinture bouillante, font retirées un inf-
» tant après coloriées. Ce qu'il y a d'é-
w tonnant , c'eft que quoiqu'il n'y ait qu'une
n couleur , l'étoffe en reçoit de diffcren-
P E I
» tt^ , félon la qualité des mordans , &
» les couleurs ne peuvent enfuite être em-
yy portées par le lavage. Ainli une liqueur
»} qui n'étoit propre qu'à confondra \cs
fi couleurs , fi la toile eût été peinte avant
» que d'être plongée , les fait naître toutes
>j d'une feule ; elle fe difîribue , elle ptint
» la^toile en la cuifant , pour alnfi dire ;
7î & les couleurs de ces étoffes teintes à
yy chaud , font plus folides que fi elles
j> étoient teintes à froid.
Cette pratique pour exécuter la teinture
des toiles , eff en ufage dans l'Europe &
en Orient. Il eu à préfumer que l'Lide «
tiré originairement ce fecret de l'Egypte ,
qui y après avoir été le centre des arts &
des fciences , la reffource de l'Afie & de
l'Europe , par la fertilité de fon terroir ,
le climat le plus heureux par la falubrité de
l'air , un monde par la multitude des na-
turels du pays , & par l'aiîîuence desétran-
gers , n'eff plus aujourd'hui qu'un£ terre
erapeilée, & une retraite de brigands , pour
avoir perdu de vue les arts & les fcien-
ces , qui faifoient fon bonheur & fa gloire :
exemple palpable , qui fufîiroit feul pour
confondre un odieux paradoxe avancé de
nos jours, s'il méritoit d'être férieufement
réfuté. La Chine connoît aufli la prati-
que de teindre les toiles , où nous l'avons
trouvée établie dans le temps de fa décou-
verte. Plus on approfondit les arts, du
moins quant à la peinture , & plus on
obferve que les anciens n'ignoroient pref-
que rien de ce qus nous favons , & de ce
que nous pratiquons. Mémoire des Infcr.
tom. XXK {D. J.)
Peinture sur verre, {Peint. modJ)
Cette peinture eu toute moderne, & les
François prétendent que ce fut d'un pein-'
tre de Marfeille , qui travailloit à Rome
fous Jules II , que les Laliens l'apprirent.
On en faifoit autrefois beaucoup d'ufage
dans les vitraux des églifes & des palai»;
mais cette peinture eiï aujourd'hui telle-
ment négligée , qu'on trouve très-peu de
peintres qui en aient connoiffance. Elle
confifle dans une couleur tranfparente ,
qu'on applique fur le verre blanc ; car elle
doit faire feulement fon effet quand le
verre eft expofé au jour. Il faut que les
couleurs qu'o» y emploie foient de nar
P E î
ture à fe fondre fur le verre > qu'on met
au feu quand il eft peint ; & c'efl un art
de connoître l'effet que ces couleurs feront
quand elle» feront fondues , puift^u'il y en
a que le feu fait changer confidérablement.
Lorfque cette peinture éroit en règne , on
fabriquoit dans les fourneaux des verres de
différentes couleurs , dont on compofoitdes
draperies , & qu'on tailloir fuivant leurs
contours, pour les mettre en œuvre avec
le plomb. Le principal corps de prefque
toutes ces couleurs , eft un verre afîez ten-
dre , qu'on appelle rocaille , qui fe fait avec
du fablon blanc , calciné plufieurs fois , &
jeté dans l'eau , auquel on mêle enfuice
du falpêrre pour fervir de fondant.
On a au fil trouvé le fecret de peindre à
l'huile fur le verre, avec des couleurs rranf-
parentes, comme font la laque, l'émail , le
verd-de-gris , & des huiles ou vernis co-
lorés , qu'on couche uniment pour fervir
de fond : quand elles font feches , on y
met des ombres ; & pour les clairs , on peut
les emporter par hachures , avec une plume
raillée exprès. Ces couleurs à huile iLr le
verre fe confervent long-temps , pourvu
que le côté du verre où efî appliquée la
couleur , ne fbit pas expofé au fokil.
{D.J.)
Peinture , (Archnecl.) Cet arc con-
tribue dans les bâtimens, i^. à la légè-
reté , en les failant paroître plus exhaufTés
& plus vafles par la perfpedive ; . 2°. à la
décoration , par la variété des objets agréa-
bles répandus à propos , & par le raccor-
dement du faux avec le vrai ; 3°* enfin ,
à, la richelfe , par l'imitation des marbres ,
des métaux , & autres matières précieufes.
La peinture fe difîribue en grands fijjets
allégoriques pour les voûtes , plafonds &
tableaux ^ ou en petits fujets , comme
ornemeas grorefques , fieurs , fruits , &c.
qoi conviennent aux compartimens & pan-
neaux res lambris.
On pratiqu-e dans les bâtimens trois for-
tes de peinture ; la peinture à frefque , la
mofaïque ,^ & la peinture à l'huile. La pre-
mière , qui cft la plus ancienne & la
moins finie , fert pour les dedans des lieux
fpacieux , tels que font les églifes , bafih-
ques , galeries , & même pour les dehors ,
fur les enduits préparés pour la retenir.
P El 141
Cette peinture eft particuliécement propre
pour décorer dçs murs de jardins , par des
vues , des perfpedives , Ùc. La mofaïque ,
quoiqu'elle foit moins en ufage qu'aucune
forte de peinture , efl cependant la plus du-
rable. ^Tn peinture à l'hurle convient au bois
& à la toile , pour orner toutes fortes
d'appartemens. (D. J.)
Peinture double, {Poe'fie, artorat.)
On appelle double peinture , celle qui con-
fifle à préfenter deux images oppofées , qui
jointes enfemble,fe relèvent mutuellement ;
c'efl ainfi que Virgile fait dire à Enée y
lorfqu'il voit Hedor en fonge : " Ce n'é-
jj toit point cet Hector vainqueur de Pa-
» trocle , & chargé des dépouilles d'Achil-
>j le , ni celui qi^ , la flamme à la main ,-
» embrafa la flotte des Grecs ! fa barbe &
?> Çqs cheveux étoient fouillés de fang , &
» fon corps portoir encore les marques de
« toutes les bleflures qu'il reçut fous les
» murs de Troyc.
Hei mihi , qualis erat ! quantiim - mu-
tatus ah illo
Heciore qui redit exuvias indutus
Achillis ,
Vel Danaûm Phrygios Jaculatus pup~.
pibus ignés I
Squallemem ^barbam y & concretos
fanguine crines y
Vu! ne raque ille gerens y quce circum
plurima muras
Accepit patries.
JEnéà. lib. II , v. 274,
Annibal Caro, dans fa traduâion ita-
lienne de l'Enéide , a rendu cet endroit bien
noblement.
Lajfo me ! quale & quanta era mu-
tato
Da quelV Ettor y cke ritorno vef^
tito
Dele fpoglie d'Achille , è rilucente
Del foco y ond'arfe y il grand napite
argolico !
Squallida havea la barba y harredo
il crine y
E rapprefa di fangue : il petto lacera
Di quante unqua ferite al patrio
mura
Hebbe d'imorno.
141 P E I
C'efl encore en ufant d'une double pein-
ture , que Corneille , dans le récit du fonge
de Pauline , lui fait dire , en parlant de
Sévère , Acie I y fcene z :
Il n'étale point couvert de ces trifies
lambeaux
Qu'une ombre défole'e emporte des
tombeaux ,*
IL n^é toit point percé de ces coups pleins
de gloire ,
Qui retranchant fa vie , ajjurent fa
mémoire :
// fembloit triomphant , & tel que fur
fon char ,
Victorieux dans Rome entre notre
Céfar , &c.
Concluons que la double peinture efl
d'un merveilleux effet pour le pathétique ;
mais comme cette adreife eft une des plus
grandes du poëte & de l'orateur , il faut
la fiivoir ménager , l'employer fobrement
&: à propos. {D. J.)
Peinture d'impression, {Peint.)
peinture de diverfes couches de couleurs en
huile ou en détrempe , dont on imprime ,
dans les bâtimens , les ouvrages de menui-
ff rie , de charpenterie , de maçonnerie , &
de ferrurerie ; ou qui font à l'air , ou que
l'on veut embellir, & mettre d'une même
teinte. Les Italiens dilent imprimatura ,
dont quelques-uns de nos peintres ont fait
imprimature y & d'autres imprimures. Le
véritable mot françois ell imprefjloji à
huile , ou imprej/ion à détrempe , iuivant
la liqueur & les ingrédiens qui y entrent.
{D. /.)
PEINTURE , adj. {Peinture;) ce qui
n'eft peint ou enduit que d'une feule cou-
leur , fans deflins ni fans compartimens.
On le dit comme par oppofition à peint ,
qui lignifie une chofe peinte avec art ; ainfi
on dit une galerie bien peinte , lorfque le
peintre l'a ornée de difFérens ouvrages de
peinture ou tableaux ; & une galerie bien
peinturée , quand elle a été imprimée d'une
feule couleur. {D. J.)
PEIPUS , {Géog. mod.) en langue Ru{fe
C\ud-Kow , grand lac aux confins de i'Ef-
thonie , de la Livonie , & de l'Ingrie. Il
reçoit les eaux de diverfes rivières , & fe
^^charge dans la Neva , qui porte ït% eaux
P E K
dans le golfe de Finlande. Ce lac a frenfe
de nos lieues communes de long , tantôt
douze , tantôt quinze de large. En 1701 ,
le Czar Pierre fit conftruire fur ce lac
cent demi-galeres , qui portoient environ
cinquante hommes chacune ; il y entretint
cette flotte pour empêcher les vaiflêaux
Suédois d'inmlter la province de Novogo-
rod , pour être à portée d'entrer fur leurs
eôtes , & en même temps pour former des
matejots.
PÉIRA , {Mufiq. des anc.) la première
partie du nome pyfhien , fuivant Pollux.
Voye\ Pythien, { Mufque des anc.)
{F. B.C.)
PEISKER , {HiJ?. nat.) en latin paci~
lias y ou pifcis fojjlis. Les Allemands le
nommentûuiîifchlammbeijfer y ou mordeur
de vafe y parce qu'on les trouve dans le
limon ou dans la vafe qui e(l au fond de
quelques eaux. C'efl un poiffon qui relfem-
ble à une anguille ou à un ferpent.
PEISO , ( Géog. anc.) lac de la Panno-
nie. Pline , lib. III y c. xxiv , dit qu'if
joignoit la Norique. C'eft aujourd'hui le
lac de Neufidler-Zée, aux confins de la
Hongrie & de l'Autriche.
•PEITS , {Géog. mod) petite ville d'Al-
lemagne , dans la bafïé-Luface , fur la rive
droite de Sprée , à deux lieues au-delfus de
Colbus. Elle a des mines de fer dans fes
•environs.
PEIUxM , {Géog. anc) Strabon , /. XII,
P' 5^7 ■> donne cette place aux Toliflo-
boges , de même que celle de Blucium ;
il ajoute que l'une étoit la réfidence du roi
Déjotarus , & que l'autre étoit dellinée à
garderies tréfors.
PEKELI , {Géog. mod) province de la
Chine , & la première des quinze de ce
vafîe empire. Elle eil au midi de la grande
muraille , & à l'orient d'un bras de mer ;
fa figure cfl un triangle redangle : l'air y
eft très-froid , le terrain flérile & plein de
fable. Peking en ell la capitale. {D. J.)
PEKIA , f m. {Botaa.) nom donné par
Pifon à un arbre des Indes , qui porte un
fruit un peu plus gros qu'une orange ; fon
fucell extrêmement doux & agréable. Laët
parle auiii de cet arbre , mais ni l'un ni l'au-
tre n'en ont donné la defcription.
PEKING, {Géog. mod) ou XunticQ
P E L
& Carobalu dans quelques relations de
voyageurs , grande ville de la Chine , la
capitale de l'empire , & le fiege ordinaire
des empereurs. Nous en parlons par cette
feule raifon ; le Père du Halde vous en
donnera la defcription. On lit dans les let-
tres édifiantes , que cette ville a fix lieues
de tour , de 3600 pas chacune. Ses portes
ont quelque chofe de plus magnifique que
celles de toutes les villes de l'Europe ; elles
font extrêmement élevées , & enferment
une grande cour quarrée , environnée de
murailles , fur lefquelles on a bâti des fal-
lons , tant du côté de la campagne , que
du côté de la ville. Le palais de l'em-
pereur a deux railles d'Italie en longueur,
un en largeur , & fix de tour. Il y tient
plus de trois mille concubines. Longit. fui-
vant les pères Jéfuites , Cafiini & Defpla-
ces, 134"^. 8' ; & fuivantlepereGaubil, 133,
51,45 ; lat. 39 , 54 , Long, orient , fuivant
M. le Monnier, 133, 35 ; lat. 39, 55.
Long, fuivant le père Feuillée , 133 , 55 ;
/ar. 39, 55. {D.J.)
PELACHE , f h {Manufacl. ) efpece
de peluche groffiere , faite de fil & de coton ,
dont les pièces portent dix à onze aunes de
long.
PE-LA-CHU , ou le cirier de la Chine ,
arbre qui porte de la cire , (Hifl. nat. Bot.)
La Chine produit une cire fans comparai-
fon plus belle que la cire d'abeilles ; on la
recueille fur des arbres : aufîi les Européens
qui en ont eu les premières connoiflances ,
i'ont-ils appelléecir<r d'arbres ; mais les Chi-
nois l'appellent pe-la , ou cire blanche ,
parce qu'elle eft blanche de fa nature , &
pour la diflinguer de la cire d'abeilles , qu'ils
ne blanchiiTent pas.
Le pe~la eft produit par le concours
d'une forte d'arbres , & d'une elpece de
petits infedes. Tous les arbres ne font pas
propres à porter du pe-la : les Chinois en
connoiiîènt deux efpeces; l'une, qui tient
de la nature du buiflbn , & qui peut mieux
fupporter que l'autre une grande féchereiïe :
cette efpece fe nomme ka- la- chu y arbre
ièc , qui porte de la cire L'autre efpece eft
plus grande , & devient un plus bel arbre
dans les endroits humides , que dans les
endroits fec;s ; c'eft pour cela qu'on l'ap-
pelle choui-la-chu ^ arbre d'eau qui porte
P E L 143
j de la cire. Je ne pourrois prefqué rien dire
du choui-la-chu que fur le rapport d'autrui ;
mais je connois mieux le kan-la-chu , que
j'ai eu fouvent fous les yeux.
Etant de la nature des buiffons , com-
me j'ai déjà dit , il ié propage de lui-mê-
me , en pouffant des branches fous terre.
De plus , il porte de petits fruits à noyau ,
par le moyen defquels on peut multiplier
très-fort cette efpece d'arbriffeau. Enfin ,
les branches dantées & bien arrofées pren-
nent aifément racine.
Dès que le kan-la chu a deux ou trois
ans , il porte des grappes d'un grand nom-
bre de pentes fleurs blanches & odorifé-
rantes , qui durent épanouies environ un
mois. Tant les feuilles que les grappes de
fleurs & les nouveaux jets , font rangés
de deux en deux dans de longues fuites ;
de forte qu'une branche garnie de Çqs fleurs
& de Çts feuilles , fait un affez beau bou-
quet. Cet arbriffeau eft propre à tapiffer
des murailles jufqu'à la hauteur de dix pies ,
ou à être employé en haies dans la cam-
pagne; il fupporte également le chaud (i)
& le froid , & réuffit faos culture , même
dans un mauvais terrain.
Non-feulement ces arbres ne portent pas
la cire fans être mis en œuvre par une ef-
pece de petits in fedes , mais encore ces
infedes ne fe trouvent pas d'eux-mêmes fur
ces arbres ; il faut les y appliquer : rien au
refte de plus facile & de plutôt fait ; &
quand on en a garni un , c'eft pour toujours.
Au commencement de Thiver , fur les ar-
bres qui ont porté de la cire , on voit croî-
tre de petites tumeurs qui vont toujours en
croifîant , jufqu'à ce qu'elles foient de la
groflxur d'une petite noifette : ce font
autant de nids remplis d'œufs d'infedes
appelles pela-tchong ou la-tchong. Quand
la chaleur du printemps eft parvenue au
point de faire épanouir les fleurs de l'arbre ,
elle fait aufli éclore les petits infedes: c'eft
le temps d'appliquer des nids aux arbres qui
n'en ont pas. On fait àts paquets de paille ;
fur chaque paquet on met fept ou huit
nids; on attache les paquets aux branches
inclinées , préférant celles qui font de la
(i)\\ fait ici autant de froid, & beaucoup pliis
de chaud ^u'cn France.
144 P E L
groiïêur du doigt , & dont l'écof ce tû plus
vive & moins ridée. On place les nids im-
médiatement,ou prefque immédiatement fur
l'écorce. Si rarbrifTegu eft haut de cinq
pies , il peut fupporter un ou deux paquets
pour chacun de fts troncs , & à proportion
s'il eu plus grand ou plus petit. La trop
grande quantité d'infedes pourroit l'épui-
fer en deux ou trois ans.
Ces kan-la-chu ont commencé à avoir
des feuilles vers le milieu d'avril lyS^-: le
2.5 mai , les fleurs d*un de ces arbres , bien
expofées au fbieil , ont commencé à s'ou-
vrir; ce jour-là même, m'étant fait ap-
porter des nids, Je les y appliquai ; jls
étoient fermes de tout côté, à-peu-près ronds,
excepté qu'il y avoit une cannelure fur le
côté , par lequel chacun d'eux tenoit à une
petite branche. Leur enveloppe extérieure
€toit un peu dure , polie , comme vernil-
fee , & de couleur de marron ; elle cou-
vroit uae tunique blanche , mince & molle ,
qui étoit la (tvXt enveloppe intérieure.
Dans chaque nid étoit un nombre prodi-
gieux d'oeufs , fi petits , qu'il en faudroit une
trentaine pour taire la grofieur d'une tête
d'épingle. Ces œuts étoient d'un jaune fon-
cé, & de iajfiguredesœui'sd'oifeaux. Après
que les infedes en font forcis , ils ont en-
core à ie dépouiller d'une tunique blanche.
Ils font d'un jaune plus foncé que les œufs ,
applatis , ovales dans leur contour , lequel
cfl bordé de franges. Je n'ai pas pu difhn-
guer , à la fimple vue , fi ces franges font
des pies.
C'eff le 30 de mai que je me fuis ap-'
perçu qu'ils coramençoient à éclore. A peine
lont-ils lortis de l'œuf , qu'ils courent fur
les branches ; ils vont fe promener fur les
feuilles , ou plutôt y chercher une ouver-
ture pour entrer dans l'arbre. Ilsfe collent
fur la furface de l'arbre , y font un en-
foncement , s'y incorporent , en laifîant au-
dehors une couverture ou un manteau qui
cache leur petit corps.
, Le 6 Juin , beaucoup de ces infedes
n'étoient pas encore montés fur les arbres,
dans un endroit peu expofé au foleil. Ayant
retiré d'un arbre nouvellement planté &
malade un feul nid qui y étoit, j'y ai vu ,
iix jours après., de petits la-tchong encore
en vie, qui n'étoient pas cntréç. Deux
P E L
avoient pénétré dans deux feuilles des moins
languifîantes ; d'autres avoient fait un peu
de chemin par terre , pour chercher meil-
leure fortune fur d'autres arbres ,,auili nou-
vellement plantés. Après que les infècfes
font entrés dans l'arbre , je ne fais ce qu'ils
y font ; mais je crois qu'ils n'entrent point
dans la moelle ni dans le bois , & qu'ils
s'en tiennent à l'écorce ; en un mot , que
ce font àts infeèles intercutaires : on en
trouvera la railon dans ce que je vais
ajouter.
Le 7 juin , le pe~la ou la cire commença
à fe déclarer fur un ka-lan-chu bien expole
au foleil : *fc'étoient des filamens d'une
laine très-fine, qui s'élevoient lur l'écorce
tout autour des infedes. Ils étoient lortis
fans que je m'en fuiîe apperçu; ils étoient
dîvifés en différentes troupes , & fe tou-
choient prefque fur l'écorce , où ils paroif^
foient immobiles. En ayant déplacé quel-
ques-uns avec la pointe d'une aiguille , à
peine le donnerent-ils quelque mouvement
pour reprendre leur première lituation. J'en
vis cependant un courir fur l'écorce. Je
dépouillai plufieurs arbres de leur écorce,
pour chercher àes traces de ces infedes ,
devenus longs d'environ une demi- ligne. Je
i>'en trouvai nulle part fur le bois , qui eft
dur, & d'un tiffu ferré; puis ayant divifé
l'écorce en deux pellicules , j'y remarquai
une empreinte des la-tchong dans les en-
droits où ils étoient attroupés. Cette em-
preinte étoit entre les deux pellicules , af-
fedantplus l'extérieure que l'intérieure. Les
traces des la-tchong avoient pu s'efîàcer
ailleurs , plutôt fur l'écorce que fur le bois.
Peu-à-peu la cire s'élève en duvet , qui
s'épaifSt de plus en plus pendant les cha-
leurs de l'été , & qui couvre de tous côtés
les infèdes , les défendant à la fois du
chaud , de la pluie & des fourmis. Je m'at-
tendois qu'sprès avoir fait fortir de la cire
en un endroit , ils iroient en travailler ail-
leurs ; mais ils n'en ont rien fait : ils n'ont
garni de cire que quelques endroits au-de(-
fus des branches inclinées.
Les Chinois difént , que fî on laiflbit
trop long-temps la cire fur farbre , les in-
fedes ne feroient pas leurs nids. Ils la re-
cueillcnt'après les premières gelées blanches
de feptembre. On la détache avec les doigts
fans
P E L
fans aucune difficulté; enfuite on la purifie
de la manière fuivanre. On mec dans de
l'eau bouillante un vafe plein de riz , qui a
lui-même bouilli cinq ou lix minutes dans
l'eau , & qui efl à demi-fec , parce qu'on
CH a retiré prefque toute l'eau qu'il a pu
laifîêr échapp«r. Dans ce riz ainfi apprêté ,
on enfonce une calotte de porcelaine , l'ou-
verture en haut; & dans cette calotte , on
en met une plus petite , l'ouverture en bas.
La cire brute Ce place fur la furface con-
vexe de la petite calotte , qu'on incline un
peu pour donner iffue à la cire, laquelle
étant fondue par la chaleur , coule toute
purifiée dans le fond de la calotte infé-
rieure , laifTânt en-haut toute fa cralïe.
Cette cire eu très-blanche , luifante , &
a de la tranfparence prefq^ue jufqu'à l'é-
paifleur d'un pouce. Elle eft portée à la
cour pour les ufages de l'empereur &
des plus grands mandarins. L'on en mêle
une once avec une livre d'huile ; ce mé-
lange prend de la confiftance , & forme une-
cire peu inférieure à la cire ordinaire. En-
fin , la cire d'arbre efl employée à guérir
plufieurs maladies. Appliquée fur une plaie ,
elle fait renaître les chairs en peu de temps.
Il y a des Chinois qui , lorfqu'ils ont à par-
ler en public , comme pour défendre leur
caufe devant les mandarins , en mangent
une once , pour prévenir ou guérir les dé-
faillances & palpitations de cœur. Lettres
édifiantes & curieufes des MiJJlonnaires de
la Compagnie de Jefus.
PELADE, f. f. {Lainage.) C'eflle
nom de la laine que les mégiffiers & cha-
moifeurs font tomber , par le moyen de
la chaux , de deflus l«s peaux de moutons
& brebis , provenantes des abattis des
bouchers : on l'appelle aufli pellure , pelis,
4ivalis.
Les laines peWfj font fi inférieures aux
laines de toifon , qu'il n'eft pas permis aux
ouvriers en Sas au métier , d'en employer
dans leurs ouvrages , ainfi qu'il efl porté
par l'article XI de leur règlement du 30
mars , 1760 ; leur ufage plus ordinaire ei\
pour faire les trames de certaines fortes
d'étofïès , celles de toifon étant plus pro-
pres à faire les chaînes.
PELAGE , roi de Léon, ( Hijloire d'Ef-
pagne, ) L'Efpagne entière étoit foumiic
Tome XXV,
P E L 145
aux maures , & ces fiers conquérans ne
croyoient pas qu'il y eût encore des chré-
tiens à combattre ; cependant quelques
Efpagnols , trifles & déplorables refies de
l'empire des Goths , ayant eu le bonheur
d'échapper au glaive des Mahométans ,
s'étoient réfugiés avec le valeureux Pelage ,
parent du dernier roi Rodrigue , & ifïii ,
comme lui , de Recarede , dans les mon-
tagnes des Afluries, où l'aridité du fol, les
finuofités des vallées & les routes difficiles»
fouvent impraticables , des rochers , les met-
foient à l'abri de la pourfuite & de la
fureur des vainqueurs. Le nombre de ces
fugitifs , anciens poflefleurs de l'Efpagne ,
n'étoit que d'environ cinquante mille; &:
ce nombre étoit encore trop confidérable ,
relativement au produit de leurs pofîefïions
aduelles , qui ne s'étendoient que fur quel-
ques rochers incultes , ou dans quelques val-
lées prefque toutes aufîl arides que la cime
de ces rochers. D'ailleurs , fans alliés , fans
provifions , fans argent , fans refTources ,
ils étoient conflernés , abattus , par la ter-
reur que leur donnoit le fouvenir de leurs
concitoyens maffacrés ou captifs. D'abord
ils ne fongerent qu'à pourvoir à leur fureté
& à la confervation de leur liberté; ils
s'occupèrent enfuite de la manière dont ils
pourroient fubfifler & fe perpétuer dans ce
pays , qui ne pouvoit avoir pour eux d'au-
tre agrément , que celui de leur fervir d'a-
f^'le. La forme démocratique peut convenir
à une fociéta d'hommes heureux & établis
dans de riches contrées ; mais il faut né-
cefTairement un chef à une troupe d'hom-
mes vaincus , profcrits , fugitifs , accablés
par les rigueurs du fort , & pourfuivis par
des triomphateurs cruels & implacables,
Aufn les Goths , réfugiés dans les Afluries ,
eurent à peine garanti leur retraite , autant
qu'ils l'avoientpu , de toute invafion , qu'ils
s'occupèrent des moyens de rétablir du
moins le fimulacre de leur ancienne mo-
narchie : ils avoient fuivi dans ces mon-
tagnes Don Pelage , que fa naifîance illuf-
tre , fa valeur plus illuflre encore , fès rare»
qualités & Ces éminentes vertus avoient
rendu fi recomraandable fous le malheureux
règne de Rodrigue fon parent. Ce fut fur
!ui que les Goths jetèrent les yeux ; il«
s'afTemblerent , & l'élurent pour Icui.
14^ P E L
fouverain vers la fin de feptembre 7^^ » Vi-
vant les plus exads hiftoriens. Il ne man-
quoit au nouveau roi que des fujets qui
puflent le leconder, & un royaume capa-
ble de lui offrir quelques reffources ; mais
dénué de tout , Pelage fuppléa , par Ton adi-
vité , fa vigilance, Tes talens, aux fecours
les plus indifpenfables qui lui manquoient ;
& , malgré la contrainte de fa lituation , il
releva, même avec quelque éclat, l'ancienne
çonftitution , & pofa les fondemens d'un
nouvel état , qui devoit devenir dans la
fuite l'une des plus vafles , des plus riches
& des plus refpeétables monarchies de l'Eu^
rope. Alahor , lieutenant du calife en Ef-
pagne , méprifoit trop cette troupe de Goths,
pour prévoir que dans le trifte état où ils
ëtoient réduits , ils penferoient à fe donner
un roi. Alahor étoit alors dans les Gaules ,
& fa furprifefut extrême , lorfqu'il reçut la
nouvelle de cette éleâion ; mais ne croyant
point encore ces foibles refîes à^s anciens
Efpagnols affez formidables , pour qu'il ïm
néceffaire de faire , pour les exterminer ,
des préparatifs bien confidérables y il crut
qu'il fuffiroit d'ordonner à quelqu'un de Ççs
principaux officiers , de punir l'audace de
ces efclaves échappés à fesfcrs. Alchaman ,
chargé de la pourfuite & du châtiment des
Goths , s'avança vers les montagnes des Af-
turies , plus en maître qui va punir , qu'en
général qui marche à une expédition : il
s'engagea inconfidérément dans les rochers,
peuplés & défendus par les Chrétiens. Pe-
lage profita, en capitaine habile, de l'im-
prudence d' Alchaman • il pofta la plus gran-
de partie de (qs fujets ( ils étoient tous fol-
dats ) fur la cime des rochers , avec ordre
de s'y tenir tranquilles , jufqu'à ce qu'il îhi
attaqué lui-même dans le porte qu'il alloit
prendre avec les fiens au-bas de ces mê-
mes rochers , dans la caverne de Sainte
Marie de Cavadonga. Le général Maure ,
précédé de l'Evêque Oppas , fcélérat qui ,
traître à fa patrie & à la religion , avoit
vendu Don Rodrigue fon maître, i^es con-
citoyens & l'Efpagne entière aux Infidèles ;
le ■ " '
gneu
général Maure & Oppas cherchèrent foi-
leufement , de finuoficé en finuofité , la
retraite àts Goths : ils marchèrent d'abord
avec beaucoup de précautions ; mais ne j
voyant ni foldats enneisis , ni habitans dans I
P E L
cts iéÇcYts , ils hâtèrent leur marche , &
arrivèrent enfin près du lieu où ils appri-
rent qu'étoit Pelage avec une petite troupe.
Alchaman , pour épargner le fang de fès
foldats, envoya l'évêque Oppas à Pelage ^
pour lui conieiller de fe rendre , de livrer
tous les fugitifs , & de s'en remettre à la
difcrétion & à la récompenfc que lui don-
neroit Alahor. Indigné des propofition«
du fcélérat Oppas , Pelage rejeta fcs ofïres
avec mépris , lui ordonna de fortir de fa
préfence, & d'aller rapporter à fes maîtres,
que lui & (es lùjets combattroient pour la
liberté & la religion jufqu'au dernier mo-
ment de leur exiftence. Alchaman , qui ne
s'étoit poirit attendu à cette généreufe ré-
ponfe , furieux de la réfifiance qu'on ofoir
lui oppofer , marcha contre Pelage , &
commença l'attaque avec la plus violente
impétuolité; mais refferrés entre les rochers >
les Maures s'embarraffoient plus les uns le»
autres y qu'ils n'incommodoient les GotJis ;
ceux-ci , mieux exercés à combattre fur un-
pareil terrain , foutinrent le choc avec fer-
meté ; & agrelfeurs à leur tour , mirent
les Mahométans en défordre. Pelage , fans
leur donner le temps de fe reconnoître,
s'élança , k la tête des fiens , du fond de
fa caverne fur les Maures , qui , effrayés par
la vigueur de cette nouvelle attaque, pliè-
rent & commencèrent à fe difperler. Alors
ceux d'entre les Goths qui , placés fur la
cime des rochers , n'avoient pas encore pris
part au combat , firent rouler furies Infidèles
des mafïès énormes de pierre , fous lefquel-
les ils relièrent enfevelis. Dès ce moment,
la déroute des ennemis fut générale , com-
plète , & l'on afîùre qu'en très-peu de
temps , \ts Maures perdirent dans cette ac-
tion cent vingt-quatre mille hommes. Al-
chaman fut du nombre des morts , & l'é-
vêque Oppas , fait prifonnier , périt dans
les fupplices. Quelques Hifîoriens contem-
porains , aimant mieux rapporter au ciel &
au dérangement des ioix de la nature , qu'à
la valeur de leurs concitoyens , cette mé-
morable viftoire, ont prétendu que par un
miracle , très-étonnant en effet , les traits
lancés par les Maures retournoient fur eux-
mêmes, & les tuoient. Ce prodige feroit
aflùrément fort extraordinaire; mais il n'y
eut de prodigieux dans cette bataille , que la
PEL
valeur & l'héroïime de Pelage &: de fon
armée ; car du refte , le champ de bataille
ctoir très-défavorable aux Infidèles , qui ne
pouvoient ni y combattre , ni prefque fe
mouvoir : ce qu'il y eut de prodigieux en-
core , fut la conduite de Pelage , qui , rem-
pli d'une noble confiance, infpira Ton au-
dace à ces mêmes Goths, qui vaincus tant
de fois par les Mahométans , triomphèrent
pourtant , fous les ordres de leur fouverain
intrépide , avec tant d'éclat , d'une armée
puilîànte , vicl;orieufe & formidable. Le
peu de Mahométans que la fuite avoit
dérobés à la colère des vainqueurs , gagnè-
rent précipitamment les rives de la Deva ,
où ils commencèrent à fe croire en lûretc ,
lorfque , par un accident fortuit , & plus
miraculeux pour les hifîoriens du huitième ■
(iecle , que les caufes de la défaite des
Maures , une partie de la montagne qui
dominoit cette rive de la Deva , fe déta-
chant tout-à-coup , écrafa & cnfevelit tous
ceux d'entre les Maures envoyés par Ala-
hor à cette rhalheureufe expédition , & qui
n'étoient pas morts , foit dans le feu du
combat , foit dans la retraite des fuyards. La
viâoire de Pelage répandit la confferna-
tion parmi les Infidèles qui , redoutant à
leur tour les armes des Chrétiens , s'éloignè-
rent des rochers des Afluries , qui leur
ctoient devenus fi funefles. Manuza, ren-
fermé dans Gijon avec une nornbreufe
garnifon Mahomctane , effrayé du voifi-
nage des vainqueurs , fe hâta de fbrtir de
la place où il commandoit; & fuivide tous
fèslbldats, il tâchoit de gagner un lieu plus j
fur , lorfque Pelage , averti de fa retraite , ;
marcha à lui , le rencontra , fondit , à la
fête des fiens fur fa troupe > la tailla en
pièces , & par ce fuccès acheva de nettoyer
les Afiuries des Maures , qui dès-lors n'o-
ferent plus en approcher , du moins pen-
dant la vie de ce redoutable guerrier. Leur
crainte & leur éloignement ayant rendu
le calme aux Goths, Pelage confacra ce
temps de tranquillité à l'exécution des pro-
jets vraiment utiles qu'il avoit formés ;
il fit confiruire plufieurs villes , en rétablit
quelques-unes ruinées par les Mahométans ,
fonda & répara plufieurs églifes ; mais ne
voulut , ni entourer aucune ville de mu-
railles , ni permettre la conflrudion d'au-
P E L ,4^
cune forterefTe , afin d'entretenir la valeur
naturelle de les fujets , qu'il croyoit ne pou-
voir que s'amollir 6c fe relâcher par la fé-
curité que leur procureroient des remparts;
& des forts. Ce n'elè cependant point au
génie fèul de Pelage qu'il fiut attribuer lo
bonheur de fon règne & la tranquillité que
lès fujets goûtèrent. Les Afluries jouirent
de la paix , parce que les Mahométans n'a-
voient que des dangers à courir dans ce
pays rude & prefque inaccefïible à de nom-
breufes armées ; parce que la conquête de
ce pays ne leur ofFroit , en dédommagement
des foins , des dépenfes & du fang qu'elle
leur coûteroit, que quelques arides rochers,
quelques hameaux , quelques villages où ils
ne pouvoient efpérer de faire aucun butin.
D'ailleurs , la conquête des Gaules tentoit
plus l'avidité de cette nation. Outre ces
caufes, les foulevemens prefque perpétuels
& les guerres civiles qui divifoient entre
eux les Mahométans , contribuoient autant ,
& plus encore que la valeur de Pelage , à
maintenir & prolonger la paix dans les
Afiuries. Aimé de fes fujets , qu'il rendoit
auffi heureux qu'ils pouvoient l'être dans
leur fituation , Pelage fongea aufîi , même
par attachement pour fon peuple , à affer-
mir l'autorité royale , & à rendre la cou-
ronne héréditaire dans (a famille , feul moyen
de prévenir le défordre & les troubles qui
trop fouvcnt agitent les royaumes éledifs.
Il avoit deux enfans de la reine Gaudiofè
fon époufe , Favila & Ormifinde ; il s'affo-
cia , du confentement de la noblefîè , le
prince Favila, & il donna en mariage la prin-
ceffe Ormifinde à Don Alphonfe , que
bien des hifloriens ont regardé comme le fils
de Pierre , duc de Cantabrie , de la mai-
fon royale de Recarede : mais Alphonfô
avoit des titres encore plus rcfpedables ;
il avoit rendu à l'état les fervices ks plus
iignalés , foit par fa valeur dans les combats,
foit par fes lumières dans le confeil; &
ces ftrvices lui méritèrent , bien plus que le
hazard de fa naiflance , l'honneur de devenir
l'époux d'Ormifinde. Pelage continua en-
core de gouverner avec autant de fageflê
que de fuccès ; & accablé d'années , il mou-
rut le 18 feptembre 7^7, après un règne
illuflre & glorieux de dix-neuf années. Ses
fujets le regrettèrent , & le règne du faible
T z
i4S
P EL
Favila leur fit bientôt fentir encore plus
amèrement , combien étoit irréparable la
perte que la nation avoit faite , de ce ref-
taurateur célèbre de la monarchie des
Goths. Voye^ FavilA. { L. C.)
PEL AGI(E , ( Ge'ogr. anc. ) îles de la mer
Méditerranée , entre la Sicile & l'Afrique.
Ptolomée, lib. IV ^ cap. iij , les met au
nombre de trois ; favoir , Cojjlra y Glau-
conis infula , & Melite. { D. J.)
PÉLAGIE , ( Géogr. anc. ) Pelagia , île
confacrée à Saturne. Avenius , ora Mark,
verf. 2 6'4 , fait entendre qu'elle étoit voi-
fine des colonnes d'Hercule.
PELAGIANISME , héréfie des Péla-
giens. Voye\ V article fuivant.
^ PÉLAGIENS , ( Théolog. ) anciens hé-
rétiques , ainfi nommés de Pelage leur chef,
& fort connus dans l'églife par les écrits
de S. Auguftin.
Pelage, auteur de cette feâe , étoit
Anglois. On prétend que fon nom Anglois
ctoit Morgan y qui fignifie mer , que l'on
a rendu en Grec & en Latin par celui de
Pelage. Il étoit moine, mais on ne fait pas
certainement s'il avoit embraiîe ce genre de
vie en Angleterre ou en Italie. Les Anglois
prétendent qu'il avoit été moine du Monaf-
tere de Banchor , fans décider fi c'étoit de
celui qui cû iitué dans le pays de Galles , ou
d'un autre de même nom qui étoit en
Irlande. On ajoute qu'il pafTa en Orient ,
où il commença à (emer fes erreurs fur la
fin du quatrième fiecle ; d'autres difent qu'il
Vint à Rome , & qu'il y dogmatifa au com-
mencement du cinquième.
On peut rapporter à trois principaux
points les erreurs de Pelage & de Ces difci-
ples. Elles rouloient , i°. fur le péché ori-
ginel ; 2°. fur les forces du libre-arbitre ;
3®. fur la nature , l'exiflence & la néceffité
de la grâce.
Quant au premier article , Pelage enfei-
gnoit, 1°. que nos premiers parens,Adam
& Eve , avoient été créés mortels ; que leur
prévarication n'avoit nui qu'à eux-mêmes ,
& nullement à leur poUéiité. 2°. Que les
enfans qui naifTent font dans le même état
où étoient Adam & Eve avant leur péché.
3". Que ces enfans , quand même ils ne
lèroîent pas baptifés , auroient la vie
éternelle, mais non pas le royaume des
PEL
cieux ; car ils mettoient entre ces deux cho-
fes une diflindion , qu'eux feuls apparem-
ment fe piquoient d'entendre.
Quant au libre-arbitre , ils prétendoient ,
1°. qu'il étoit aufli entier, auffi parfait, & auffi
puiflant dans l'homme , qu'ill'avoitété dans
Adam avant ia chute. 2®. Que par les pro-
pres forces du hbre-arbitre , l'homme pou-
voit parvenir à la plus haute perfedion,
vivre fans pallions déréglées , & même fans
péché. 3°. Julien , un des fedateurs de
Pelage, ajoutoit, que par les feules forces
du libre-arbitre , les Infidèles pouvoient
avoir de véritables vertus qui les rendifîènt
parfaitement bons & juiles , non-feulement
dans l'ordre moral & naturel , mais encore
dans l'ordre furnaturel.
Quant à la grâce , Pelage foutint d'abord,
que les forces naturelles du libre-arbitre
fufîifoient pour remplie tous les comman-
demens de Dieu , vaincre les tentations ;
en un mot , opérer toutes fortes de bonnes
œuvres dans l'ordre du falut. Mais attaqué
de toutes parts , & poufîé vivement par
les Catholiques , il admit d'abord des grâ-
ces extérieures , comme la loi , la prédica-
tion de l'évangile , les exemples de Jefus-
Chrifî. Il alla enfuite jufqu'à reconnoître une
grâce intérieure d'entendement pour les vé-
rités révélées , non qu'il la jugeât abfolu-
ment néceflaire , mais fimplement utile pour
en faciliter la connoiflance. Enfin, il admit
une grâce intérieure de volonté, mais ré-
duite prefqu'à rien , par (es fubtilités & par
celles de {es difciples ; car il foutenoit que
cette grâce n'étoit néceflaire que pour ache-
ver les bonnes œuvres , & non pour les
commencer ; qu'elle n'étoit pas abfolument
néceflaire pour opérer le bien , mais pour
en faciliter l'opération ; & enfin , que cette
grâce n'étoit point gratuite , puifque Dieu
ne la conféroit aux hommes qu'en confi-
dération de leurs mérites , & à titre de juf--
rice. Or, félon eux, ces mérites étoient
purement humains, produits par les feules-
forces de la nature. S. Augufi. lib. de Gert,
Pelag. degrat. Ê? Ub. arbitr. degrat. Chrijh
& contr. Julian. Tournély y Trait, de lu
Grâce y tom. ly difput. i y art. j.
On voit que ce fyflême tend à anéantir
la néceffité de la grâce. Pelage eut pour
principaux difciples Céleftius & Julien ,
P E L
'ivêques cI'Èclane en Sicile. Condamné en
Afrique & en Orient par divers Conciles ,
il trompa le pape Zozime par une feinte
profelïlon de foi ; mais ce pontife mieux
inftruit par les évêques d'Afrique , condamna
Pelage & Céleftius dans un concile tenu à
Rome en 418: leurs erreurs furent profcri-
tcs de toutes parts , tant par la puiflance ec-
cléfiaftique , que par l'autorité féculiere. On
tint fur cette matière vingt-quatre Conci-
les , en dix-neuf ans ; & les empereurs
Honorius , Confiance & Valentinien , ayant
appuyé par leurs loix les décifions de l'é-
glife , le pélagianifme parut écrafé ; mais il
reparut en partie dans la fuite , fous le nom
de Je'mi-pe'lagianifme. Voyez SÉMI-PÉLA-
GIANISME ^SÉMI-PÉLAGIENS.
Ce fut en combattant ces hérétiques , que
S. Auguflin compofa les divers ouvrages
qui lui ont mérité le titre de Docteur de
la grâce. C'efl auffi contre eux que faint
Prolpcr a fait fon Poëme intitulé , contre
les ingrats ; S. Jérôme , S. Fulgencc &
plufieurs autres pères ont aufli réfuté les
x^clcis icns
PEL AGONIE, {Géo^.anc.) Pelago-
nia y contrée de la Macédoine , dont la
capitale portoit le même nom , félon Tife-
Live , lib. XLV ) c. xxix: il efl vraifem-
blable que cette ville fut ruinée du temps
de la Macédoine , car depuis Tite-Live
aucun écrivain n'en fait mention. Les ha-
bitans de la Pélagonie étoient appelles
Pélagones & Pœones, parce que leur pays
ëtoit quelquefois compris dans la Pœonie.
Cellarius place la Pélagonie au midi du
mont Hémus , entre la Mygdonie & la
Pœonie. {D. J.)
PELAGUS. [Lexic. Ge'ogr.) nom dont
les Grecs ufoient pour défigner la mer , &
que les latins reçurent dans leur langue ;
quoiqu'il iemble , dans fa propre fîgnifica-
tion , vouloir dire la haute mer y Ptolomée
néanmoins donne ce nom à toutes les mers
particulières. Voje:; Mer.
Pclagus efl , dans Paufanias , lib. VIII ^
c. xj , une forêt d'Arcadie , qui faifoit la
borne entre les Martinéens & les Tégéens
PEL AINS, f. f. pi. {Comm. de la Chine.)
Ce font des fatins de la Chine , mais qui
pafîent par les mains des Indiens , de qui
les commis de la compagnie les reçoivent
PEL 145
& les achètent • leur longueur efl de huit
aunes , fur fept leiziemes de largeur.
PELAMYDEoi^ THON D'ARIS-
TOTE, f. f. {Hifi. nat. Iclhiolog.) lima^
ria limofa y poilTon de mer , qui efl fort
refîemblant au maquereau par la forme du
corps , par le nombre & par la pofition des
nageoires , & qui n'en diffère que par la
couleur & par les taches qui font fur le
dos. Voyei^ MAQUEREAU.
'Lzpelamyde a le ventre blanc , & le dos
efl de couleur livide & quelquefois blanc :
il y a fur les côtés du corps des traits
noirs , fort près les uns des autres , qui
s'étendent depuis le dos prefque jufqu'au
ventre. On confond fouvent ce poifTon
avec la bife , qui lui refîèmble à tous égards
par la forme & par la couleur ; il en diffère
en ce qu'il a le corps , en entier , liiTe &
fans écailles ; au lieu que dans la bife , la par-
tie qui fe trouve au-defTous de la nageoire
des ouies efl couverte d'écaillés : les traits
noirs Ats côtés du corps font moins près les
uns des autres dans la bife , que dans la
pelamyde. Voyez BiSE. Rondelet, Hifl.
nat. des poijfjhns , part. 1 , liv. Vlïly
ch. X. Voyez PoiSSON.
PELARD , Bois , ( Comm. de bois. )
Sorte de bois à brûler , dont on a ôté t'écorce
pour faire du tan.
PELARDEAUX , ( Marine, ) voyez
Palardeaux.
P&LARGE, f? f. (iW>'rA.) fille de
Potnéus , qui ayant rétabli à Thebes le culte
des dieux Cabires, mérita qu'après fa mort
on lui décernât les honneurs divins , par or-
dre même de l'oracle de Delphes.
^ PEL ASGICUiM ARGOS, {Géogr. anc. )
c'efl un des noms qui furent donnés à la
ThefTalie. Elle en a fouvent changé , com-
me Pline, lib. IVy c. vij y nous T'apprend.
Celui-là lui appartient lorfqu'elle fut habi-
tée par les Pélafges , peuples del'Argie.
PELASGES , ( Ge'ogr. anc. ) Pelafgi ,
ancien peuple de la Grèce : il habita d'abord
l'Argie , & tiroit fon nom du roi Pélaf^
gus , fils de Jupiter & de Niobé. On peut
lire dans les Mémoires de littérature les
favantes recherches de.M. l'Abbé Geinotz ,
tom. XIV y & tom. XVI y in-4.'' fur
l'origine des P^7a/^<fj' ^ & leurs difî^rentcs
; lïîigratioas ; c'efl afTez pour nous de lesparr
150 P E L
courir d'un œil rapide , d'après Denys d'Ha-
lycarnafle , /^V. /.
Les Pélafges , dit-il , après la fixieme
génération , laifîerent le Péloponefe , &
le tranfporterent dans l'Hémonie , appellée
depuis la Thejfalie. Les chefs de cette
colonie furent Achaeus , Phthius & Pelaf-
gus , fils de Neptune & de LarifTe. Après
avoir chafTé les habitans du pays , ils s'y
établirent & la partagèrent entr'eux , don-
nant à chaque portion le nom d'un de leurs
commandans. C'eft delà que font venus
les noms de Phthiolide , à'Achaïdt & de
Pélafgionde.
Après la cinquième génération dans cette
féconde demeure , les Curetés , les Léle-
ges , & divers autres habitans les chafle-
rcnt: une partie fe lauva dans l'île de Crète,
& une autre partie dans les îles Cyclades :
quelques - uns fè retirèrent fur le monr
Olympe , & dans les pays voifins ; d'autres
dans ia Bxotie , dans la Phocide & dans
l'Eubée ; il y en eut qui paflerent en Afie ,
& qui s'emparèrent d'une partie de la côte
de l'Hellerpont & àts îles voifines , en-
tr'autres de celle de Lesbos : mais la plus
grande partie alla dans le pays des Dodo-,
néens leurs alliés , &y demeurèrent , jufqu'à
ce que , devenant à charge au pays par leur
grand nombre , ils furent confeillés par
Toracle de paflèr en Italie , appellée alors
Sj-turnic. Pour cet effet , ils équipèrent
une flotte , fur laqueMe ils rraverferent la
mer Ionienne ; & étant venu débarquer à
l'embouchure du Pô , ils y laiflérent ceux
d'entr'eux qui n'étoieat pas en état de fup-
porter la fatigue de l'expédition qu'ils mé-
ditoient.
Ceux-ci , avec le temps , bâtirent une
ville , qu'ils nommèrent Spinx , du nom
de l'embouchure du Pô , fur le bord de
laquelle ils avoient pris terre. Ils s'y firent
reipeder de leurs voifins , & eurent pen-
dant lorg-temps l'empire de la mer,: mais
dans la fuite , ces mêmes voifins les ayant
chafles de leur ville , qui fut enfin fubju-
guée par les Romains , cette partie àt^
pélafges qui s'étoient établis à l'embou-
chure du Pô , ceffa d'être connue dans
i'talie. . . , ,
A l'égard de ceux qui avoient péné-
tré dans les terres , ils paflerent les mon-
PE L
tagnes , arrivèrent dans l'Umbrie , voifins
du pays des Aborigènes, & s'y rendirent
maîtres de quelques bourgades. Ils n'y de-
meurèrent néanmoins pas long-temps. L'im-
puifianceoù ils fe virent ce réfifter aux habi-
tans du pays , les obligea de pafièrchcz les
Aborigènes , avec qui ils firent alliance. Ces
derniers les reçurent d'autant plus volon-
tiers chez eux , qu'ils avoient befoin de ce fe-
cours pour réfi/îer aux Sicules qui les inquié-
toient fouvent. -
Cette alliance caufà un grand change-
ment en Italie. Les Pélafges & les Aborigè-
nes fe trouvèrent afl'cz forts pour s'emparer
d'une partie de l'Umbrie & de la ville de
Crotone , dont ils firent une place d'armes;
ils vinrent même à bout de chafîer les Sicu-
les , qu'ils obligèrent de paffer dans l'île
voifine , appellée Skanie , & à laquelle ils
donnèrent leur nom.
Ces premiers progrès àts Pélafges furent
fuivis d'autres encore plus grands. Ils con-
quirent plufieurs villes ; ils en bâtirent de
nouvelles, & devinrent fort puiffans dans
le pays. Mais cette fortune ne tut pas de
longue durée : affligés de diverfes calami-
tés , & fatigués par les guerres continuelles
qu'ils avoient fur les bras , un grand nom-
bre d'en tr'euxrepaffa en Grèce , & fe difperfa
en divers endroits: il n'en refta que très-peu
en Italie , où ils fe maintinrent avec l'aide
des Aborigènes. Une grande partie des villes
que ces peuples avoient poflédécs , furent
envahies par les Tyrrhéniens, qui commen-
cèrent à s'établir alors dans l'Itahe. ( Le
Chev. de Jaucou RT.)
PELASGIE , ( Géogr. anc. ) Pélafgia;
nom qui fut donné pendant long-temps au
Péloponefe. La Tofcane & diverfes autres
contrées que les Pélafges habitèrent, furent
aufli appellées Pélafgie.
PELASGIOTIDE , {Géogr. anc.) P<r-
lagiftis ou Pela/gis , contrée de la Theffa-
lie , dont elle faifoit la quatrième partie ,
félon Strabon , lib. IX, p. 4;^o. Son nom
venoit des Pélafges qui l'avoient habitce.EIIe
s'étcndoit anciennement jufqu'à la mer ; mais
dans la fuite , la partie maritime de cette
contrée fut compri'é fous la IMagnéfie. Les
peuples s'appelloient Pelafgiotce,
PELATES, f. f. pi. {Amiq. greques.)
'TTihATcci j domefliques particuliers chez lest
P E L . ^.^ ^ MI
Athéniens. CVfoient des citoyens libres , T deux fegmens inférieurs AB, AD^ lefqueU
qui , par pauvreté , fe trouvoient forcés de
fervir A gages \ ils n'avoient aucun fufFrage
dans les affaires publiques , faute d'avoir un
bien fùfElant pour les rendre propres à don-
ner leurs voix : mais ils ne refloient fervi-
teurs qu'autant qu'ils le jugeoient à propos ,
& queleurbefoin lerequéroit; car ils étoient
libres de changer de maîtres ; & s'ils ve-
noient à acquérir quelque bien y ils pou-
voient fè relever entièrement de leur état de
fervitude. Potter , Archceol. grœc. tom. ly
P' 57-
PELDRZIMOW, PILGRAM, (G/o^r.)
ville de Bohême , dans le cercle de Bechin ,
jadis appartenante aux archevêques de Pra-
gue , mais aujourd'hui foumife immédiate-
ment à la couronne , à titre de ville royale,
& pofledant elle-même un certain nombre
de villages. (D. G.)
PELE ADES, {Myth:) C'étoient des filles
qui demcuroicnt chez les Dodonéens. Elles
étoient douées du don de "prophétie , au rap-
port de Paufanias , qui cite d'elles ces paro-
les : " Jupiter a été , efl & fera. O grand
n Jupiter! c'eft par ton fecours que la terre
w nous donne fes fruits ; nous la difons notre
» mère à jufle titre. » (-f-)
PELECIN, {.m.pdecinusy {Hifi.nat.
Bot.) genre de plante à fleur papillionacée ;
le piftil s'élève du cahce , & devient dans la
fuite une iilique applatie , compofée de deux
pièces , qui n'a que deux capfules , & qui
renferme Aqs fcmences applaties , & fembla-
bles ordinairement à un petit rein. Tourne-
fort , Injî. rei herb. Voyez PlantE.
PELE , {Géogr. anc.) nom de deux villes
de Theffalie , dont l'une obéiflbit à Euri-
pyle, & l'autre à Achille. Fêle eu encore
une île fur la côte d'Ionie , proche de la
ville de Ciazomene , félon Phne , lib.
XXXII y C,ij.
PELECOÏDE, Ç. m. en Géométrie ^ fe
dit d'une figure en forme de hache.
Telle ei{\^ figure BCDA, PL de Géom.
figure 45 y contenue fous les deux quarts
de cercle renverfés AB y AD, & le demi-
cercle BCD,
L'aire du pélécoïde eft égale au qui.
■/^C, & celui-ci au redangle -E" 5, ce qui
fe voit à l'œil ; car le pélécoïde efl égal au
quarré AC ^ parce qu'il lui manque les
fegmens font égaux aux deux fegmens BC y
CD y que \t pélécoïde a de plus que le quarré
dans fa partie fupéricure ; & le redangle
BFED contient quatre triangles redanglcs ,
comme BAFy dont chacun efl le quart du
quarré BCD A.
On peut trouver encore- d*autres efpa-
ces circulaires quarrables. Voy. LuNULE.
(O)
PELEGRINO , ( Géogr. mod. ) monta-
gne fort haute de la Sicile , dans le val de
Mazzara , fur la côte feptentrionale , près la
ville de Palerme. Son ancien nom efl Erata
ou Eretae y comme écrivent Polybe & Dio-
dore de Sicile.
PELENDONES, {Géogr. anc.) peuples
de l'Efpagne. Pline, lib. III y c. iij y les
comprend fous les Celtiberes , & ajoute , lib..
IV y C. XX y que le fleuve Durius avoit fa
fource chez eux. Ptolomée , lib. II y c. vjy
leur donne trois villes ; favoir , Vifomium^
Angujiobriga & Savia.
Une ancienne infcription rapportée par
Gruter , />. z t i y n. ^y fait mention de ces
peuples , & écrit Pellendones y au lieu que
Pline & Ptolomée difent Pelendones,
Genio loci.
Pellendones,
Areacon.
{D.J.)
PELER , v. a6ï. {Gram.) c'efl ôter la
peau : on pMe un fruit ; une étoffe fe pelé ;
on pelé un arbre , une terre.
PELERIN , f m. {Hïfi. mod.) perfonne
qui voyage ou qui parcourt les pays étran-
gers , pour vifiter les faints lieux , & pour
faire les dévotions aux rehques des Saints.
Voyei Relique , Jubilé , &c.
Ce mot efl formé du Flamand pelegrin y
ou de l'Italien pelegrinoy qui fignifie la mê-
me chofe , & tous ces mots viennent ori-
ginairement du latin peregrinusy étranger ou
voyageur.
On avoit autrefois un goût exceffif pour les
pèlerinages , fur-tout vers le temps des croi-
fades. Voye:{ CROISADES & CROISÉ.
Plufieurs des principaux ordres de Che-
valerie étoient établis en faveur des pèle-
rins qui alloient à la Terre-Sainte , pour
fe mettre à couvert des violences & des
i5t P EL
infultes des Sarrafins & des Arabes , Ç^c,
Tels éroient l'ordre des chevaliers du Tem-
ple ou des Templiers , des Hofpitaliers , des
chevaliers de Malte , Ùc. V. ORDRE , TEM-
PLIER , Malte , ùc
PÈLERIN fe dit auiîi d'un faucon , & c'en
cfi une elpece.
PELERINAGE, {Hifl. mod.) voyage
de deVotion mal entendue : les idées des
hommes ont bien changé fur le mérite des
pèlerinages. Nos rois & nos princes n'en-
treprennent plus des voyages d'outre-mer ,
après avoir chargé la figure de la croix
fur leurs épaules , & reçu de quelque prélat
l'efcarcelle & le bâton de pèlerin. On efl
revenu de cet emprefîement d'aller vifiter
àts lieux lointains , pour y obtenir du qicl
des fecours qu'on peut bien mieux trouver
chez foi , par de bonnes œuvres & une dévo-
tion éclairée. En un mot , les courfès de
cette efpece ne font plus faites que pour
des coureurs de profefllon , àts gueux , qui ,
par fuperflition , par oifiveté , ou par liber-
tinage , vont fe rendre à Notre-Dame de
Lorette , ou à S. Jacques de Compoftelle en
Galice , en demandant l'aumône fur la route.
{D. J.)
PÈLERINAGE DE LA MeCQUE > (i?f-
ligion Mahom.) Tout le monde fait que
les Mahométans en général fe croient obli-
gés par leur Loi , de faire une fois en leur
vie le pèlerinage de la Mecque ; ce n'eft
même qu'une ancienne dévotion qui fe pra-
tiquoit avant Mahomet. Il eft certain que
ce lieu ( le Kabaa de la Mecque ) a
été vilité comme un'temple confacrç par tous
les peuples de cette prefqu'ile Arabique ,
de temps immémorial , c'ell-à-dire , avant
Mahammed , de même qu'après lui. Ils y
venoient de toutes les parties de l'Arabie ,
pour y faire leurs dévotions. Le Kabaa
çtoit plein d'idoles du foleil , de la lune & des
autres planètes. Les pierres même de l'édi-
fice étoient des objets d'idolâtrie ; chaque
tribu des Arabes en avoit tiré une , qu'ils
portoient par-tout où ils s'étendoient , &
qu'ils élevoient en quelque lieu , fe tour-
nant vers elle en faifant leurs prières , ou
la mettant à l'endroit éminent d'un ta-
bernacle qu'ils dreflbient d'après la figure du
JCabaa .
|1 y a beaucoup d'apparence qije Mahant-
P E L
med voyant le zèle univerfel qu'on avoit
pour ce temple , prit le parti de confacrer
le lieu , en changeant les rites du péleri~
nage , de même que le but & l'objet : il
ne fe contenta pas de confirmer la tradi-
tion reçue , que le Kabaa étoic l'oratoire
d'Abraham , fondé par la diredion de Dieu ;
il confirma déplus le /'f'/er/zzage, & lapro-
cefEon autour de la chapelle ; & il enchérit
même fur tout ce qu'on en croyoit déjà , en
difant que Dieu n'exauce les prières de per-
fonne en aucun endroit de l'univers , que
quand elles font faites le vifage tourné vers
cet oratoire.
Les Mahométans font néanmoins aujour-
d'hui partagés fur fa néceffité abfolue : les
Turcs , les petits Tartares & autres , pré-
tendent que le précepte oblige tous ceux qui
peuvent fe foutenir avec un bâton , & qui
ont feulement vaillant une écuelle de bois
pendue à la ceinture ; on va même chez les
Chafay ( une des quatres grandes (t&.tsi du
Mufulmanifme) , jufqu'à enfeigner , que cha-
cun ell: obligé de faire le pèlerinage y n'eût-H
pas un fou vaillant. Les Perfans , au contrai-
re , foutiennent qu'il ne faut pas prendre le
précepte à la lettre , mais avec modifica-
tion ; & que les Immans , qui font les pre-
miers fucceffeurs de Mahammed , ont décla-
ré , que l'obligation du pèlerinage n'eft que
pour ceux qui font en parfaite fanté , qui ont
afTez de bien pour payer leurs dettes , pour
afîurer la dot de leurs femmes , pour donner
à leurs familles la fubiiftance d'une année ,
pour laifler de quoi fe mettre en métier
ou en négoce- au retour , & pour empor-
ter en même temps cinq cents écus en de-
niers pour les frais du voyage : qu'enfin ,
fi l'on n'a pas ces moyens-là , on n'efl
point obhgé au pèlerinage ; que de plus ,
fi on les a , & qu'on n'ait pas la fanté re-
quife , il faut faire \t pèlerinage par procura-
tion. // efl avec le ciel des accçmmoder^
mens... (D. J.)
PELERINE, adj. (Divin.) nom que
les Aftrologues donnent à une planète , lorf-
qu'elle fe trouve dans un figne où elle n'a
point une de Ces dignités cirentielles , ÇfÇf
Voyei Dignité. [G)
PÈLERINE , terme de marchandes de
modes; c'eft un petit ajuftement ancien , qui
étoit fait de chenille , de gafe , çle taffetas ,
ou
P E L
ou de /atin , de toure couleur. Les fem-
mes s'en fervoienc pour couvrir leur cou
ôc leur poitrine , &c il ne dcbordoic poiiit
tout autour fur leurs habillemens j cela
s'attachoit par-devant avec de petits rubans
de foie.
PELETHRONIUM , ( Géogr, anc. )
I**. Montagne de la Theflàlie , au voifinage
du mont Pélion. Lucain Pharfal , Itb. iv ,
y. ^56', parle des cavernes de cette mon-
tagne dans ces vers :
ïllic femiferos Ixionidas centauros
Fat a Phaletroniis nubes effudit in.
antris.
1°. Pelethrcnium eft auflî une ville de
Thelfalie , fur la montagne de même nom.
PELIAS , ( Géogr. anc. ) île fur la cote
de Sicile , aux environs du promontoire
Drepanum. Il eft vraifemblable que c'eft
celle qu^on ncmme préfentement Colomba-
ra , vis-à-vis de Trapani , & près de la côte.
iD.J.)
PELICAN , fub. m. Onocrotale ,
Grand gosier , Goettreuse , Liva-
NE , onocrotalus , five pelicanus , Aid.
Fi. X , fig. 4 , oifeau aquatique de la
grandeur du cygne. M. Perrault, de l'aca-
démie des fciences , a donné la defcription
de deux pélicans morts à la ménagerie de
Verfailles. Ces deux oifeaux différoient par
la couleur j l'un étoit en entier d'un blanc
mêlé d'un peu de rouge , ou couleur de
chair , à l'exception des petites plumes du
bord fupérieur de l'aile , & des premières
grandes plumes extérieures , qui avoient du
noir & du gris brun. L'autre pélican étoit
d'une couleur de chair plus foncée , & les
plumes du bord fupérieur de l'aile n'avoient
point de noir. Les plumes du cou étoient
très-courtes &; fembbbles à du duvet ; celles
du derrière de la tête avoient un peu plus
de longueur que celles du cou. La pièce
fupérieure du bec étoit plate , & prefquc
de la même largeur dans toute fa longueur,
& terminée par une forte d'ongle crochu ,
creux par-defiôus & d'un rouge très-vif;
les côtés du bec , au lieu d'être dentelés
comme ceux du cygne , étoient tranchans ;
le defïous du bec avoir une couleur grife
pâle j le milieu étoit bruii & les bords
Tome XXV.
PEL 153
avoient un peu de rouge mêlé de jaune.
U y avoit fous la pièce inférieure du bec
une poche compofée de deux peaux . l'une
intérieure & l'autre extérieure ; celle .- ci
n'étoit autre cliofe que la peau du cou ,
qui s^étendoit le long de la pièce i: .fi rie ure
du bec ; cette peau , en fe dilatant , for-
moit un grand fac , & elle avoir beaucoup
de petites rides qui relîembloient à du duvet.
Ces deux pélicans n'avoient à chaque pié
que quatre doigts , tous unis enfemble par
une membrane. La longueur de ces oifeaux
étoit de cinq pies , depuis la-pointe du bec
julqu'au bout des ongles, & ils avoient
onze pies d'envergeure : la longueur du bec
étoit d'un pié deux pouces. Le pélican
palïè pour avoir les plus grandes ailes , èc
pour voler plus haut que tous les autres
oifeaux : il le nourrit de poiflôns ; il en
remplit fa poche , enfuite il fe retire fur
quelque montagne. Mémoire pour fervir à
l'Hiftoire naturelk des animaux , par M.
Perrault , tome III , troijîeme partie. Voy.
Oiseau.
P4ucAN , inftrument de chirurgie dont
orÉHJlirt pour arracher les dents. La for-
meordinaire de cet inftrument eft très-
défe6tueu(ê ; notre objet n'étant point de
faire lenumération des inconvéniens qui
s'y trouvent , nous allons nous borner à
la defcription exade de la forme qui paroîr
la plus avanrageufe. On peut divifer cet
inftrument en quatre parties , qui font le
corps , le manche & ce qui en dépend ,
le pivot & la branche. Voye-j^la figure ^ ,
PI. XXV.
Le corps eft d'acier ; c'eft une canule
à jour d'un pouce dix lignes de longueur ,
& qui a plus de cinq lignes de diamètre.
Les cô':és de cette canule , ou efpece de
niche, font deux lam.es d'acier, planes en
dedans , légèrement arrondies en dehors ,
&: qui ont une ligne d'épaiffeur.
De l'extrémité antérieure de cette ca-
nule s'élève une tige , qui a un pouce de
long & trois lignes de diamètre. La tige
eft fendue par fon extrémité ; ce qui laiiîè
deux avances , une fupérieure & Pauirc
inférieure , lefquelles font percées par un
trou , pour contenir une demi- roue ronde-
La face antérieure de cette demi-roue
n'cft point circulaire , comme on a coutu-
V
154 P E L
me de la fabriquer aux pélicans ordinai-
res j la convexité de la roue regarde la
canule , & la fece antérieure eft une cavité
femi-lunaire fuperficielle : elle doit repré-
fenter im arc , dont la corde livrée d'une
corne à Tautre , auroit neuf lignes de lon-
gueur. L'épaiflèur de cette demi-roue eft de
deux lignes deux tiers : il y a un trou dans le
milieu de l'épailTeur de la roue; de forte
que cette dernière s'ajuftant entre les avan-
ces de la tige , elle y eft arrêtée par un clou
à rivure perdue ; ce qui donne un petit
mouvement de charnière à cette pièce
ajoutée.
L'extrémité poftérieure de la canule eft
une efpece de mitte qui porte furie man-
che , & qui eft percée- dans fbn milieu pour
laifler pafler la foie d'une vis.
Le manche eft compofé de deux pièces ,
donc la première eft une double vis , c'êft-
à-dire, quir a deux pas ou deux filets ; fa
matière eft d'acier , & fa longueur eft d'un
pouce fept lignes fur deux lignes , de dia-
mètre ; elle a une foie qui a environ feize
lignes de longueur , & qui eft qjindri-
que Tefpace de deux lignes, afin 4Éi|É|br-
ner facilement dans le trou que nous avons
fait obferver dans la mitte de la canule : le
lefte de la foie eft quatre , pour tenir avec
plus de fermeté dans le manche.
Il efteftentiel d'obferver ici , que la vis
occupe le dedans de la canule , &c qu'elle
y tient par une méchanique toute iîngu-
liere ; car la mitte de la vis étant arrêtée
par la furface antérieure de la mitte de la
canule , elle y eft tellement engagée , qu'elle
n'en peut fortir ; & fon extrémité anté-
rieure, taillée comme un pivot , roule dans
une petite cavité gravée à l'extrémité anté-
rieure de la canule.
La féconde pièce du manche eft d:'iv.oi-
le i fa figure eft celle d'une petite poire ,
& fa longueur eft d'un pouce , fur dix
lignes de diamètre dans l'endroit le plus
krge. Il eft percé dans le milieu de fa lon-
gueur , pour laiflèr pafler la foie quarrée de
la vis 5 qui eft rivée à fa patrie poftérieure
iur une rofette d'argent aflèz folide.
Le vrai pivot qui fè rencontre dans la
machine eft mobile ; & c'eft lui qui avance
ou retire la branche , par un méchanifme
jiiduûrieux» Sa bafe eft une efpece de gié-
P E L
' deftnl exactement quatre , & dont chaque
furface a trois lignes de largeur , & autant
de hauteur.
Ce piédeftal eft comme (budé fur un
rouleau , aufïl d'acier , avec lequel il iàit
corps y &c qui fert comme de borne au
pivot 5 en gliflant fur la furface inférieure
de la canule. Il eft encore percé en écrou ,
pour donner pafl'age à la vis doot nous
avons parlé : de forte qu'en tournant le
manche de gauche à droite > ce piédeftal
s'approche du manche : au contraire , quand,
on tourne le manche de droite à gauche , it
s'en éloigne , &c s'approche de la partie_an-
térieure de la canule ;ce q^ui donije de grands,
avantages à la machine.
Il s'élève de la partie fupérieure du pié-
deftal une tige de la hauteur de fept lignes,
& de deux lignes &c demie de diamètre :•
elle eft cxadlement cylindrique Tefpace de
près de trois lignes j ôc c'eft cette partie
qui eft le pivot autour duquel la branche
tourne : le refte de la tige eft une vis fîmple-,,
c'eft-à-dire , qu'elle n'a qu'un filet.
La branche eft un crochet d'acier , dont-
le corps a environ trois pouces de longueur-;
elle eft plate du côté qu'elle doit toucher.
la canule > arrondie de L'autre , & percée-
par un trou , afin de loger la tige cylin-
drique ou le pivot autour duquel elle tour--
ne^ Cette branche eft tenue ferme dans,
cet endroit , par Iç moyen d'un écrou en
forme de rofette , qui s'engage dans les
pas de la vis iimple que j'ai décrite à la tige.
Cette branche eft ordinairement djoite ,
& la force du léyier en eft\plus grande j,
il eft néanmoins, à propos d'avoir des bran--
ches coudées pour l'extr-aâiion des dernie-
r^es dents , & même d'en avoir deux dif-
féremment contournées , pour s'en fervir
aux deux côtés, de la mâchoire. L'extré^.
mité antérieure de ces branches eft un cro>-
chet d'environ cinq lignes , terminé par
deux petites dents garnies en dedans d'iné-
galités tranfverfales pour-mieux s'appliquer
contre la dent qu'on veut arracher: il faut
que ce crochet foit bien trempé.
Cet inftru ment eft un des meilleurs dont
on puiflè Ce fervir pour l'extradlion des
dents. On le prend avec la main droite ,
fi la dent qu'on veut arracher eft à droite >.
&. de la main gauche , fi la dent eft à gaur.
PEL
the. On tourne le manche pour avan-
cer la branche plus ou moins , fuivant que
la dent eft plus ou moins dans le fond de
la bouche. On fait afleoir le malade par
terre ou fur un couHîn , ôc dans un en-
droit où le -jour éclaire bien. Le chirur-
gien derrière le malade , lui fait appuyer
la partie poftérieure de la tête fur fes cuif-
fas , qui font un peu approchées Tune de
Tautrc : puis le malade ayant la bouche
ouverte , le chirurgien porte le crochet de
Tinftrument contre la dent qu'il veut arra-
cher , du côté qui regarde la langue, ob-
fervant d'avancer les dents du crochet en-
tre la gencive & la dent , autant qu'il eft
polTible ; ce qui fe fait facilement. Lorf-
que la couronne eft ufée par la carie , où
qu'elle a été caflée par les tentatives qu'on
a faites pour arracher la dent , on doit
^voir la précaution de féparer la gencive
du collet de la dent ; ce qui s'appelle dé-
chavjfer. Voyez Dechaussoir.
Le crochet ainfi pofé , le chirurgien
doit tenir le pélican de manière qu'il em-
brafle fon manche & prefque toute la ca-
nule avec les quatre doigts ; le pan doit
être appuyé fur la branche , en s^'alongeant
prefque fur la tête du crochet. On appro-
che alors la cavité femi-lunaire de la demi-
roue , fur les deux dents voifines de celle
qu'on veut arracher : on peut garnir la roue
avec le coin d'un mouchoir où d'une fèr-
victte fine.
L'inftrument en place , comme on vient
de le dire , il ne s'agit plus que de donner
le tour de main pour arracher la dent. Ce
tour de main confifte à tirer l'inftrument
en dehors , en foulageant autant qu'on
peut la demi-roue qui appuie fur les dents
faines , & fort près de la gencive. On ob-
ferve que les dents du crochet portent
feulement fur la dent qu'on arrache , &
on culbute la dent , en faifant que l'inftru-
ment décrive une hgne oblique avec la
dent , en élevant un peu le poignet , fi c'eft
à la mâchoire inférieure , & en l'abaiftànt ,
fi c'eft à la rnâchoire fupérieure. Si l'on
tiroit horizontalement , on n'arracheroit pas
la dent d'un feul coup fans éclater beau-
coup la mâchoire ; dans ce cas y quand on
s'eft apperçuquela dent s'eft un peu penchée
en dehors , il ne faut pas faire d'efforts avec
le pélican : on peut achever de tirer la dent
avec les doigts , on avec un davier.
On pince enfuite la gencive avec deux
doigts , pour refterrer l'alvéole , & on fait
gargarifer [la bouche avec de l'eau tiède &
un peu de vinaigre. {Y)
PÉLICAN , ( Chimie. ) vaiflèau de verre \
qui fervoit autrefois , en chimie , pour les
digertions & pour les circulations des li-
queurs : on les y faifoit entrer par un bec
ou cou étroit , qu'on bouchoit enfuite her-
métiquement ; la figure du vai fléau étoit di-
verfifiée , tantôt ronde , tantôt longue. Or\.
emploie maintenant en fa place les vaifleaux
de rencontre , qui font deux matras , dont
le cou de l'un entre dans celui de l'autre.
(i>.7.)
PÉLICAN , ( Artillerie ) On a donné
ce nom à une pièce d'artillerie , qui eft
un quart de coulcvrine , portant fix livres
de boulet.
PÉLICAN , 1. m. ( termt de btafon , )
oifeau qui paroît de profil fur fon aite ,
les ailes étendues comme s'il prenoit l'effor ^
fe becquetant la poitrine pour nourrir fes
petits , au nombre de trois.
Les gouttes de fang qui (emblent (brtir
de fa poitrine , quand elles font d'un autre
émail que l'oileau , font nommées fa piété.
Le pélican eft le fymbole de la tendrelîc
des pères & mères pour leurs enfans , &
de l'amour du prince pour fes peuples.
Vivefay de la Salle, à Ponteau- de-
Mer , en Normandie j d'a:^ur au pélican
d'or.^i G, D. L. T. )
PÉLÏGNES , LES ( Géogr. anc. ) peu-
ples d'Italie» Strabon , lib. v , dit que le
Sa^rus les féparoit des Maruccini. Ils eu-
rent la gloire d'avoir Ovide pour compa-
triote , comme il le dit lui-même , amort
Eleg. xr , lib. iij.
Mantua Virgilio gaudet , Verona Catulto ,
Pelignae dicar gloria gentis ego,
C'étoit un peuple du pays Latin , voi-
fin des Marfes , dans la quatrième région
d'Italie , &; dont la capitale étoit Sulmo ,
patrie d'Ovide , aujourd'hui Sul-Emona.
Les Pélignes , autrefois compris fous
le nom de Samnites , habitoient donc
dans la contrée de l'Italie , qui fait au-
V i
15^ P E L
jourd'hui partie de PAbru^e méridiona-
le , au royaume de Naples , du coté de
la ville de Salmona , entre la Pefcara &
le Sangre.
PÉLING , f. m. ( Comm. de la Chine. )
^tofFe de foie qui Te fabrique à la Chine.
Il y en a de blanche j de couleur , d'unie ,
d'ouvrée , de fimple , de demi-double &
de triple. Entre un grand nombre d'*étof-
fes qui fê font à la Chine , la plupart de
celles que les Hollandois apportent en Eu-
rope , font dtspélings , parce qu'ils y trou-
vent un plus grand profit. Les pélings en-
trent au (H dans les aflôrtimens pour le né-
goce du Japon.
PÉLION , ( Geogr. anc.) i°. Felîuson
Pelios , montagne de la Theflalie , dans la
partie orientale de la Magnéiîe. Elle s'éten-
doit le long de la péninfule qui formoit
le golfe Pélafgique. Dicéarque , qui eut la
commiiîion de mefurer les montagnes de
la Grèce , eftime que le Pélion eft la plus
haute de toutes. Il lui donne dix ftades de
hauteur ; Pline dit iijo pas , ce qui eft la
même chofe , c'çft- à-dire , un tiers de mille
d'Allemagne.
Les Poètes ont feint que le mont Pé-
lion fut mis fur le mont OlTa parles Géans>
lorfqu'ils voulurent efcalader le' ciel \ c'eft
ce que décrit Virgile dans ces vers des géor-
giques , Vb. I , v. %Si .
Ter funt conati imponere Pelio Ojfam ,
Scilicet 5 atque Ojfœ frondofum mvol-
vere Olympum.
£t Horace, lib. III y Od. ir.
Fratrefque tendentes cpaco
Pelion impofuîjfe Olympo.,
Ondifoit q^ue lesGéans, aulïi-bien que
les Centaures , avoient leur demeure dans
cette montagne. Son nom moderne eft Pe~
iras , félon Tzetzès ^ Chiliad. G ,n.^.
2°. Pelion , Pelium ou Pellium , eft une
ville des Daflaretes , dont Tire-Live ,
Ub. XXX , c. xi, dit qu'elle étoit avanta-
geufement fituée pour faire, des courfe.s dans
j^ Macédoine. ( D. J. ).
PELISSE , f. f . ( terme de Fourreur. )
On. appelle pdi^zs des. rohei de chambre
P E L
fourrées, faites à-peu-près comme tes v'e(^
tes de deflhs que portent les Turcs. Oa
nomme peljfons des efpeces de jupons de
fourrures , dont les femmes fe fervent pour
les garantir du froid.
Pelisse , ( terme de marchandes de mo-
des ; ) c'eft un grand mantelet , qui eft fait
comme les mantelets ordinaires qui fert aux
mêmes ufageis j mais qtii eft beaucoup plus
long , & qui defcend aux femmes jufqu a
la moitié du corps. Les deux devants font
coupés & entaillés en long ,. pour pafîer les
bras. Cet ajuftement eft fait des mêmes
étoffes que les mantelets ordinaires j ils font
aulTi garnis de dentelle ou; d'hermine , &
ont un cabochon.
Il y a auiTi des dcmi-pelijjes qui ne font:
pas tout-à-fait û. longues , mais qui font
faites de même..
PELKIS , ( Géogr. mod. ) M. le comte
de Mariigli écrit ainfi , & M. de Lille
Belckis j bourg de la Hongrie , &; près du
Danube , au deflbus de Salankemen , &:au
deftiis de Belgrade. Ce bourg eft connu
par la victoire que le prince Eugène de
Savoie y remporta fur les Turcs, en 165)7;.
{D.J.)
PELLA , ( Gêogr. anc. ) 1°. ville de
delà le Jourdain. Pline Ub. V , c. xviij ,
la met dans la Décapole, & la loue pour
fes belles eaux. Elle étoit du royaume'
d'Agrippa , entre Jabès & Gerafa. Elle;
devint dans la fuite des temps une des Epif--
copales de la féconde Paleftine.
2°. Pella , ville de la Theflàlic y feloft
Etienne le géographe , qui en met une
autre dans PAchaïe , & une troillemedans.
l'Ethiopie.
3'*. Pella.. La plus fameufo des villes de^
ce nom , eft celle de la Macédoine , qui
devint capitale de ce royaume , après que
celle d'Edeflè eut ceflé de l'être. Pella étoit
fituée à rio ftades de la mer, aux con-
fins de l-'Emathie : Tite-Live, /. XL IV y.
c. ult. en décrit fort exadbement la fitua-
tion. Elle eft , dit-il f. fur une élévation en-
tourée de marais , & défendue par une:
fortercffe ; enforte que , pour l'aiTiéger , oiii
ne trouvoit d'accès d'aucun côté. On ne:
pouvôit y entrer ni en fortir , que. par urt
leul pont , qu'il étoit aifé de garder avec;
très-geu de monde La livierc qui couloit
P EL
entre la ville & la foruerefTe , fe nommoit
Lydias.
Le même Hillorien , Ub. zi , c. xUj ,
nomme Pella , vêtus Regia Macedonum ,
parce qu'elle avoit toujours été la demeure-
des rois de Macédoine depuis Philippe ,
filsd'Amyntasoufqu'à Perfée. Pline, //i-. IV,
cap. X , lui donne le titre de Cofonie Ro-
maine; ôc en effet , nous avons une médail-
le d'Augufte où elle porte ce même titre.
On y lit cette infcription : Col. lui. Aug.
Pdle. c'eil-à-dire , colonia Julia Augufia
Telia. Dans la fuite , elle déchut beaucoup
de fa première fplendeur , puifque Lucien
rapporte , que de Ton temps fes habitans
étoient pauvres , & en petit nombre. Pré-
fèntement on nomme ce lieu Palatijia ,
comime qui diroit \ts petits palah.
Mais elle fera toujours célèbre dans
Thiftoire, par la nailTance de Philippe, vain-
queur de la Grèce, & d'Alexandre ion fils ,
vainqueur de l'Afie : //// Pelloeo qui domuit
Porum. A beaucoup d'efprit, & à de gran-
des qualités , Philippe joignoit des foibles ,
des vices honteux , & de grands défauts.
Jaloux du méritegie fes Généraux , il affec-
toitde les mortifier, quand ils fe lignaloient
par de belles adions. Arcadion avoit conçu
contre lui tant de haine que pour ne le
point voir , il s'étoit exilé volontairement.
Un jour Philippe l'ayant rencontré à Del-
phes : " Jufqu'à quand , lui dit-il , av^z-
» vous réfolu de courir le monde?» Arcadion
lui répondit par une parodie d'un vers
d'Homère : " Jufqu'à ce que j'ai trou-
»> vé un lieu où l'on ne connoUlè point
» Philippe. " Le vers d'Homère eft ,
v> Jufqu'à ce que vous foyez arrivé chez des
w peuples qui ne connoifTent point la mer.
Cette faillie naïve & plailanre , à laquelle
le prince ne s'attendoit point , le fit rire :
il invita Arcadion à foupcr , &: depuis ils
furent toujours amis.
Un jour une femme s'avifa de lui deman-
der juftice , lorfqu'il fortoir d'un repas ; il la
Xugea,& la condamna. Elle répondit de fens-
froidî J'en appelle. Comment, dit Philippe,
de votre roi ? & à qui ? A Philippe, à
ieuii , repliqua-t-elle. La manière dont il
leçut cette réponfe ferait hoimeur au toi ,
P EL 157
le plus fobre. Il examina l'affaire de nou-
veau , reconnut l'injuftice de fon jugement,
& fe condamna à le réparer.
Il faut mettre entre fes foibles fa fênfî-
bilité pour l'adulation j il ne fut jamais s^n
garantir : il récompenfa d'un royaume les
flatteries de Thraddée. Théopompe avoic
écrit l'hiftoire de ce Prince , dont il ne nous
refre que quelques fragmens. On fait qu'a-
près un règne de vingt-quatre ans, il fut
adaffiné par Paufanias , au milieu de deux
Alexandres , l'un fon gendre , & l*autrefon
fils.
Celui-ci découvrit , dès fa première jeu-
neffe , tout ce qu'il feroit un jour. Parvenu
au trône de fes ancêtres à l'âge de dix-huit
à vingt ans , il détrompa les gens qui ne le
connoiflbientpas , & Démoflhene même ,
qui le traitoit d'enfant. Cet enfant lui ré-
pondit, : " J'ai atteint Tadolefcence dans
» mon pafTage par la Tl>elîàlie , d'où je
» me propote en peu de jours d'arriver
» homme fait devant les murailles d'Athc-
" nés. » Ce fut bien autre chofe dans la
fuite , quand , au milieu de fès conquêtes
rapides , il conftruifît Alexandrie & Scan-
deron , rétablit Samaïkande , bâtit des villes
jufques dans les Indes , établit des colonies
au-delà de l'Oxus , envoya dans la Grèce
les obfervations de Babylone, &; changea
le commerce de l'Afie , de l'Europe & de
l'Afrique, dont Alexandrie devint le ma-
gafin général. ( Le Chevalier de Jau-
COURT.)
PELLACONTA, {Géog.anc.) fleuve
de la Méfopotamie ; félon Pline , lib. VJ^
cap. xxvj , ce fleuve fe jetoit dans l'Eu-
phrate , prefque cinq cents flades au defTus
de Séleucie.
PELLACOPAS, {Géog. anc.) c'étoit
un des lits de l'Euphrate , ou un caaat
creufé de mains d'homme , & qui n'avoit
point de fource. Arrien , de exped. Alex^
Ub. VII y n°. 22 , en donne une ample
defcriprion.
PELLŒtUS ,Pagus , ( Géog. anc. ) Alé-^
xandre , félon Pline, //3. VI, cap. xxvi/„
donna ce nom au canton ou étoit fîtuée
la ville d'Alexandrie , qu'il bâtit à l'embou-
chure du Tigre , & qui fut depuis nomme
Chara:ir, ( D. J. )
PELLAGEi f- m^iTuriJ^rud..)^ tO. un
^15» PEL
droit iîngulîer , appartenant aux feigiieurs
•qui ont des terres de ports le long de la
Seine , dans les bailliages de Mante & de
Meulan; il confifte à percevoir quelques
deniers fur chaque muid de vin chargé ou
déchargé en leurs ports. Voye^^ le Gloilaire
du droit François , au mot pellage , & ci-
devant le mot Pall AGE. {A)
PELLANE ( Géog. anc. ) PeUana ,
ville de la Laconie. Paufanias , lib. III ,
cap. xxj, dit qu'il y avoit deux chofes re-
marquables dans cette ville; fa voir , le tem-
ple d'Efculape , & la fontaine Pellana. On
rapporte , ajoute-t-il, qu'une fille étant allée
pour y puifer de l'eau , & y étant tombée ,
on trouva fon voile dans une autre fontaine
appellée Lancea.
PELLE , f. f. {Injir. d'ouvriers^ c'eft un
inftrument de bois , propre à divers arti-
fans & ouvriers. Celle qui fert aux bou-
langers &c pâtiiïiers, pour enfourner leur
pain & pâtifleries , a le manche plat & très-
long , afin de pouvoir atteindre au fond du
four. Sa palette, qu'on nomme auÇiÀpeiiaire,
cft large ou étroite , fuivant les pièces de
four , ou les pains qu'on y veut placer ;
mais toujours très-mince &c très-plate , afin
qu'ils puiiTent couler fur l'âtre avec plus de
facilité. Les pelles les plus étroites des pâ-
tifliers & des Boulangers , fe i-iomment des
pellerons.
La pelle des maçons , paveurs , jardiniers
& autres tels artifans & manouvricrs , a le
manche rond ôc la palette un peu creufée
en dedans , Ôc eft convexe en dehors pour
la facilité du fervice.
La pelle des Gagne-deniers mefureurs de
charbon , que delà on nomme Garçons de
la pelle , a la palette très-large & prefque
quarrée ; le manche , qui eft rond &c allez
court , n'y eft pas attaché tout droit comme
aux autres pelles , mais forme avec elle une
efpece d'angle irrégulier ; le manche par le
bout & la palette tout-autour font ferrés.
Savary. ( D. 7. )
Pelle, ( Ujlenfile de ménage ; ) cet
uftenfile de ménage fait partie de ce qu'on
appelle \tfeu d'une cheminée? elle eft de
fer , en forme de palette quarrée , plus ou
moins large , fuivanc l'ufage , avec un long
manche , aufïî de fer , pour la tenir.
Quand les feux qui fervent dans les che-
PEL
rtiînées des plus beaux appartemefts ont
des ornemens d'argent ou de cuivre doré ,
la pelle a aufïî le fien de l'un ou de l'au-
tre métal , qu'y mettent les Orfèvres , s'ils
font d'argent ; & les Fondeurs & Doreurs
fur métal , s'ils font de cuivre.
Les pelles de fer communes fo font par
des Serruriers de province , & fe vendent
à Paris par les clincaillers. Les pelles po-
lies & d'un ouvrage achevé , fe fabriquent
par les maîtres de la ville. {D. J.)
Pelle , ( UJlenfile de Boulanger , ) dont
ils fe fervent pour mettre le pain au four ;
il y en a de longues & de rondes j pour
les pains longs & les ronds.
Pelle à tirer la Braife , en terme de
Boulanger , eft un inftrument de tôle, large
& haut de bords , excepté du côté deftiné
à recevoir la braife , qui n'en a point. Elle
eft ainii nommée de rufage qu'on en fait
pour retirer la braife du four.
PELLEN(EUS-MoNs , ( Géogr. anc. )
nom d'une montagne de l'île de Chios, &
d'une autre montagne de la Carie.
PELLENÉ , f. f. {Mythol. ) nom que les
habitans de Pellene en i^chaïe donnèrent
à Diane, qu'ils honoroient particulièrement.
Plutarque dit que , lorlque l'on portoit la
ftatue de Diane Pelléné en procelïîon , fou
vifage devenoit fi terrible , que perfonne
n'oloit la regarder; & que le prêtre qui
la fervoit ayant porté la ftatue dans l'Ionie y
tous ceux qui la virent devinrent infenfés.
Mais Plutarque avoit trop d'efprit pour
donner quelque créance à ce conte ridicule.
{D.J.)
PELLENE ou Pelline , ( Géogr. anc. )
ville du Péloponefe , fituée dans l'Achaïe.
Elle étoit célèbre par la fabrique de certai-
nes robes ( p(^^A/va>v lœnarum ) fi chaudes ,
que Pindare les appelle un doux remède
contre les vents froids , •X'^^Cf*'' ivJiixvov
(fâffAAKcav etlpScv. Les laines de cette ville
étoient fi eftimées, dit Poilus, qu'on en
faifoit des robes que l'on propofoit pour
prix dans divers jeux publics. Cette ville
étoit à foixantc ftades du golfe de Corin-
the. Un difciple d'Ariftote , nommé Dicéar-
que , natif de Meftene , Mathématicien ,
Hiftorien & philofophe , en avoit décrit
le gouvernement , conjointement avec
celui d'Atnenes 6c de Corinthe. (!>./.)
P E L
PellenÉ , ( Géog. anc. ) ancienne ville
des Spartiates , appellée aujourd'hui Ma-
cropoulo. C'étoit proche cette ville que
Ton avoit conftruit Paqueduc de Sparte , fur
«ne hauteur , près du fleuve Eurotas , &
dont on voit encore des reftes. L'eau cou-
loir à fl^ur de terre dans des canaux , juf-
qu'au vallon , diftant de Sparte d'environ
une lieue , où fe trouve un torrent au-delTus
duquel l'aqueduc s'élève en arcades de pier-
res détaille, plus hautes &: plus larges que
celles des deux aqueducs d'Athènes. Les
arcades joignent enlemble deux éminences,
d'où les eaux entroienc autrefois dans une
galerie fourcrrainc , pour fe rendre enfuite
près de la ville , dans un réfervoir qui eft
aujourd'hui à découvert j ce réfervoir forme
une vafte pièce quarrée , pavée de petits
cailloux , qui étoient joints avec un ciment
aulU dur que le caillou même. Du réfervoir
l'eau paflbit dans la ville , &: entroit dans
un autre aqueduc compofé de cent petites
arcades voifines : celui-là prenoit Ç^s eaux
à deux lieues & demie , dans deax canaux
de trois pies de large, fur un pié de pro-
fondeur , qui fe rempli llbient par des fai-
gnées qu'on avoit faites.au krwjfeiis & au
tifoa. Mém. des Infcript. tom. XV. { D. J.)
PELLERON , f. m. ( Injîrument de Bou-
langer , ) pelle longue ôc étroite , dont les
pâtiiïiers ôc boulangers fe fervent j, ceux-ci
pour enfourner leurs petits pains , 6c les
autres pour mettre au four leurs petits
pâtés j tartelettes , darioles ôc. autres, légè-
res pièces de pâtiflcrie.
PELLETERIE, f.. f^ (Commerce de
peaux. ) Le mot pelleterie fignifie toutes for-
tes de peaux garnies de poil, deftinées à
faire des fourrures , telles que font les peaux
de martres, d'hermines, de caftors , de
loutres , de tigres , de petits-gris-, de foui-
nes 5 d'ours &ourçons, de. loups, de pu-
tois , de chiens , de chats , de renards^de
lièvres , de. lapins ,, d^agneaux 5i aaSIes
fèmblables.
Les plus belles ôc lés plus précis*,,^ pel-
leteries viennent des pays froids , particu-
lièrement delà Laponie, de Mofc^vie, de
Suéde , de Danemarck ôc de Canada :
celles des pays chauds leur font inférieu-
res ; aufïî les appelle-t-on ordinairement
p^elleferies communes, .
P E L i55r
On nomme pelleteries ornes ou non appe-
lées , celles qui n'ont encore reçu aucune fa-
çon ni apprêt , ôc qui font telles qu'ellçs ont
été levées de delTus le corps des animaux.
Ce qu'on appelle fauvagine , c'eft autre
choie que de la pelleterie crue ou non ap-
prêtée , provenante de la dépouille de plu-
lieurs animaux fauvagesqui peuvent fe trou-
ver en France.
La pelleterie apprêtée ou ouvrée , eft
celle qui a pafife par la main de l'ouvrier >
qui l'a façonnée & mife eu état d'être em-
ployée en fourrure.
Les plus grolîes pelleteries (è préparent
5c:y apprêtent par les mégillîers, ôc les plus
fines par les marchands pelletiers; mais ce.
font les derniers qui les mettent en œuvre,
Savary.{D.J.)
PELLETIER , f. m. ( Art méchanique. )
Marchand qui acheté , vend , prépare &
apprête toutes fortes de peaux garnies de
leur poil, ôc qui les emploie aux différens.
ouvjages de fourrures.
Les Pelletiers de Paris font appelles dans
leursftatuts 5 maîtres marchands Pelletiers,
Haubaniers , Fourreurs , , Pelletiers , parce
qu'ils font commerce de pelleteries ; Hau-
baniers ,.à caufe d'un droit qu'ils payoienc
anciennement aa roi , pour avoir la faculté
de lortir leurs marchandifes dans les foires, ,
halles ôc marchés de Paris , ce droit, s'ap-
pelloit hauban. Enfin , Fourreurs , parce
que ce font eux qui fourrent ou garnirent
de peaux en poil les juftaucorps , robes,
manteaux, ùc. ôc qu'ils font des aumuces,,
manchons- & autres fortes de fourrures.
Le corps de Pelletiers eft régi par fîx
maîtres-gardes , trois anciens ôc trois nou-
veaux : le premier des anciens eft appelle
le Gr^/2if- Gûr^e ;. il eft regardé comme le
chef.de la communauté, ôc c'eft lui qui
préfidedans les aflemblées. Le dernier des
nouveaux, eft chargé du détail des affaires ;
il fait Ja recette.&U dépenfe , & rend fes
comptes par-devant les maîtres ôc gardes ,
au bureau de la pelleterie.
Tous les ans , le famedi de Pô»5Have du S.
Sacrement , on élit , à la pluralité des voix,
deux maîtres & gardes , un ancien & un
nouveau , à la place du premier dés anciens,
ôc du plus ancien des nouveaux qui fortent.
.décharge,
i6o PEL
Les ftatuts du corps de la pelleterie onr
été donnés par Henri III, en ijSy; con-
firmés ôc augmentés en 1618 par Louis
XIII , de depuis par Louis XIV , en 1648.
Suivant ces ftatuts , perfonne ne peut
être admis dans le corps , s'il n'a fait quatre
ans d'apprentilî'age , lervi les maîtres en
qualité de compagnon pendant quatre autres
années , ôc fait chef-d'œuvre.
Il n'eft pas permis aux maîtres d'avoir
plus d'un apprenti à la fois j ôc il ne doit
être ni marié "ni étranger.
Il eft défendu aux Pelletiers , 1°. de
prendre aucuns compagnons à leur fervice ,
s'ils n'ont un certificat en bonne forme des
derniers maîtres qu'ils ont fervis.
2*^. De mêler de la marcKandife vieille
avec de la nouvelle.
3°. De fourrer des manchons pour les
Merciers.
4°. De travailler &c fourrer pour les
Fripiers.
5*. De faire le courtage de la marchan-
dife de pelleterie & de fourrure.
6°. Enfin , de s'afîbcier avec des mar-
chands forains , ou autres qui. ne font pas
de leur corps,
PELLICULE , f. m. ( Gramm, ) c'eft
une tunique mince & déliée , ou le fragment
d'une membrane ou peau. Voye:;^ Mem-
brane.
Ce mot eft un diminutif de pellis , peau.
L'épiderme ou cuticule eft une cuticule
qui couvre le derme ou la peau, yoye:^
Cuticule.
Les foupapes des veines & des artères ,
font des pellicules infenfibles , qui s'ouvrent
& fe ferment pour la circulation du fang.
Foje;(_ Soupape.
Quand on fait évaporer une diftolution
chimique à une chaleur douce , jufqu'à ce
qu'il fe forme en delTus une peau ou une
tunique mince , on l'appelle évaporation à
pellicule , dans laquelle on ne laiiTc préci-
fément de liqueur qu'autant qu'il en faut
pour tenir les fcls en fufion. Voye:^
Évaporation.
Pellicule , ( Conchyl. ) en Latin cortex.
Ce mot , en Conchyliologie , eft fouvent
pris pour l'épiderme i c'eft le drap marin , la
fur-peau d'une coquille , laquelle s^'ufe dans
le roulis de la mer , quand le poiftbn eft •!
P E L
' mort. On l'ôte auiïi des coquilles , en les
polilTant , pour jouir de toute leur beauté;
PELLISSIER , f. m. ( Peaujferie; ) c'eft
celui qui^ fait & qui vend des pelijfes ou
des peliftbns. On le dit- aufTi de ceux qui
préparent les peaux.
PELODES , ( Gécgr. anc. ) mot grec ,
qui fignifie vafeux. On l'a donné à quel-
ques golfes , à caufe que leur fond étoic
plein devafe. Ainfi Pdcdesj dans Ptolo-
mée, /. III, c. iij ^ eft le nom d'un golfe
fur la côte de la Suhane ; c'eft auffi dans
Strabon , /. VU , p, ^2.4 , Icnom d'un port
de l'Epire. (£>./.)
PELOIR , ( terme de Mégijfier ; ) c'eft un
petit bâton dont ces ouvriers fe fervent
pour faire tomber la laine de dcflus les
peaux de mouton. Ces peaux ayant pafte
à la chaux , la laine n'y tient prefque plus ;
& pour la faire tomber entiérem.ent , on
les étale fur le chevalet , & on frotte un
peu rudement le côté de la laine avec un
petit bâton rond , de la longueur d'environ
un pié & d'un pouce de diamètre : cette
opération fait tomber la laine fur le champ.
PÉLOPIDES, LES , f. m. ( HiJÎ.
greque ; ) c'eft le nom que les Grecs don-
nèrent à la malheureufe famille de Pélops :
Sava Pelopis domus , dit Horace. On fait
les tragiques fcenes que cette famille a four-
nies fans cefle au théâtre : la guerre de
Thebes , les noms de Tantale , de Thiefte ,
d'Atrée , d'Agamemnon, d'Égifte, de Cli-
temneftre & d'Orefte , retracent à refpric
les plus fanglantcs cataftrophes. {D. J.)
PÉLOPIES , f. f. p. ( Antiq. greques. )
TîAO'Trita , fête que célébroient les Eléens
en l'honneur de Pélops , pour lequel ils
avoient plus de vénération que pour aucun
autre héros. Vous trouverez toutes les céré-
monies de cette fête décrites dans Potter.
Pau(anias nous apprend , qu'Hercule fut le
pjjMaier qui facrina à Pélops un bélier noir,
c^mne on faifoit aux divinités infernales.
Da^^kfuite , les magiftrats d'ÉHde fuivi-
ren^^nême exemple , en ouvrant leurs
pélopi§s par un fcmblable fàcrifice. Pot-
ter , AHkhceoL grcec. l. II, c. xx yjom. /, />.
4Z^.
PELOPIS, {Géogr. anc.) Paufanias. /.
// , tr. xxxiv , dit qu'on donnoit ce nom à
de petites iles de Péloponefe , vis-à-vis de
Mcihana ,
P EL
Melhana , & que ces îles étoient au nom-
bre de fept.
PÉLOPONESE, Pcloponefus,
CGéog. anc.J aujourd'hui la Morée; c'eft
une grande prefqu'île qui faifoit la partie
méridionale de la Grèce, & qui étoit jointe
à la leprentrionale par l'ifthmc deCorinthe.
Quoique le Péloponefe ne fût qu'une pé-
ninfule, Denis le Periégete , vers 403 ,
ne laiiïe pas de lui donner le nom d'//g,
parce qu'elle ne tient à la terre ferme que
par une ifthme large feulement de quelques
ftades. Pline , /. /A^, c. iv. Strabon, /. //,
p. <^j , & Pomponius Mêla , /. //, c, iij,
difent que le contour du Pcloponcf& a la
figure d'une feuille de platane.
Ce pays n'eut pas toujours le même
nom ; il fut appelle Appia , fous le règne
d'Appius; Pelafgia , fous celui de Pelaf-
gus ; Argos , fous celui d'Argus ; & enfin
Péloponefe , fous Pélops.
Le Péloponefe a été divifé par les an-
ciens fuivantle nombre de fes peuples Si'
de (es villes , ce qui a beaucoup varié , les
peuples ayant changé, & les villes n'ayant
pas toujours été les mêmes. Ptolomée, /.
///, c. XV j , y comprend même la Corin-
thie&claSicyonie; mais Pomponius Mêla,
/. J/, c. iij^ partage cette péninfule feu-
lement en fix contrées principales, qui font
l'Argol'de , la Laconie , la Meflenie, l'É-
lide , l'Achaïe propre &; l'Arcadie.
L'Argolidc ou l'Argie étoit bornée du
côté de l'orient par le golfe Argolique ;
vers l'occident , par l'Arcadie ; au midi ,
parla Laconie; & au feptentrion , par le
golfe Saronique. Argos étoit la principale
ville de cette province.
La Laconie étoit bornée au midi par le
golfe MefTéniaque & le golfe Laconique;
à l'orient , par le golfe Argohque ; au fep-
tentrion , par l'Argie; à l'occident, par
l'Arcadie & la Mefîénie. Sparte en étoit la
citadelle &: la capitale.
La MeiTénie étoit lituée dans la partie
méridionale , entre la Laconie à l'orient ,
& l'Eiide à l'occident. Elle avoit l'Arca-
die au feptentrion , & s'étendoit vers le
midi , entre le golfe Mefféniaque & le
golfe Cypariflien. Meffene en étoit la ville
principale.
L'Eiide avoit pour confins, au nord,
Tome XXV,
P E L 16^1
TAchaïe propre , au levant l'Arcadie , au
midi la Meflenie , & au couchant la mer
Ionienne. La capitale fe nommoit Êlide,
L'Achaïe propre avoit pour bornes le
golfe de Corinthe du côté du feptentrion,
la mer Ionienne à l'occident , l'Eiide 6c
l'Arcadie au midi , &: la Sicyonie ver*
l'orient. Patras en étoit la capitale.
L'Arcadie étoiten pleine terre, éloignée
du bord de la mer, 6c avoit au levant
l'Argie &c la Laconie, au couchant l'E-
iide , au feptentrion l'Achaïe propre , au
midi la Meflenie. Elle avoit pour capitale
Mégalopolis.
La Corinthie, qui s'étendoit dans la
partie feptentrionale Aw Péloponefe ^con-
finoit au couchant avec la Sicyonie , aw
midi & à l'orient avec l'Argie, & étoit fé-
parée de la grande Achaïe par le golfe &c
l'ifthme de Corinthe,& par le golfe Saro-
nique.
La Sicyonie, la plus reflerrée de ces
provinces , tiroit fon nom de fa ville capi-
tale, appellée Sicyone , & avoir pour limi-
tes à l'orient la Corinthie, au couchant
l'Achaïe propre , au feptentrion le golfe de
Corinthe, & l'Arcadie du côté du midi.
Le Péloponefe eft aujourd'hui connu
fous le nom de Morée : on la divife pré-
fentement en quatre parties ; favoir , le
duché de Clarence,qui comprend l'Achaïe^
la Sicyonie & la Corinthie; le Belvédère >
autrefois l'Eiide 8>c la Meflenie; la Saca-
nie , autrefois le pays d'Argos ; &cla Tza-
conie, qui comprend l'Arcadie & la Laco-
nie des anciens : cette dernière partie eft
auflî nommée le bras de Maina. Ses prin-
cipales villes font Coron, Clarence, Argos,
Belvédère , autrefois Élis ; Maina , Leuc"
trum; Leontari, Mégalopolis ; Coranto ou
Corto , Corinthus; Militra , S parla; Pa-
tras , Napoli de Romanie , &c.
Mahomet II, empereur des Turcs, con-
quit \t' Péloponefe dans le quinzième fie-
cle , fur les princes Démétrius' & Thoma?,
frères de l'empereur Conftantin Dracoiês,
5c fouverain de ce pays. Les Turcs en
font toujours les maîtres, mais tout eft
miférable fous leur domination.
On donna, dans l'hifloire de l'ancienne
Grèce , le nom de guerre du Péloponefe a
celle que Us peuples de ce- te prefqu'île
nj2 P E L
enrreprirent contre les Athéniens. Cette
guerre célèbre dura (iepuis la deuxième
année de la 87". olympiade , 43 1 ans
-avant J. C. jufqu'à la 94e. o'ympiade , qui
éft l'an 404 avant Jefus-Chrift , que la
ville d'Athènes fut prife. ( Le Chevalier
DE JaucOURT.)
PELORDE, voyei Palourde.
PÉLORIES , (. f. pi. (Antiq, greq. )
fête célèbre chez tes Theiïaliens , afTez
femblable aux faturnales de Rome. Un
certain Pélorus étant venule premier aver-
tir Pélafgus , que par le moyen d'une ou-
verture dans la vallée de Tempe , les eaux
qui inondoient le pays s'étoient écoulées,
ce prince en conçut tant de plaifir , qu'il
régala magnifiquement Pélorus, &: voiJut
même le fervir à table; 6>c à cette occafion,
il inftitua une fête, où l'on faifoit des ban-
quets publics en faveur des étrangers, &
des efclaves mêmes, qui étoient fervis par
leurs maîtres. Porter, Archœol. grczc. l. Il,
c.xx^ tom. J, p. 42S. ÇD.J.)
VELOKUS , (Géogr. anc.)Pelorum,
Peloris & Pelorias; promontoire qui for-
me la partie la plus orientale de la Sicile du
côté du noid, & qui défend en quelque
manière le paiî'age du phare de Meffine.
Agathamere fixe à onze ftades le trajet de
ce promontoire en Italie. Les Grecs &:les
Latins lui ont donné le même nom de
Pélore. Denis le Periégete , v. 472 , dit
que le promontoire Peloris regarde TAu-
fonie ; & Polybe, /. /, c. xlïj^ qui écrit
Pelorias , dit que c'eft le promontoire fep-
tentrional. Ovide _, Silius , Italicus , Si di-
vers autres auteurs , parlent de ce pro-
montoire. Le premier dit , Mctamorph,
L Vlll.v.yxG:
At arcion
jEquoris expertem fpeclat boreanque
Pelorus.
Et Silius Italicus , l. XIV ^ V y^i
Celfus arenofo tollit fe mole Pelorus.
Servius fait une remarque fur ces vers
de Virgile, AUneïd. l. ///, v. 410-411.
Aftubi digreffum Jïculœ, te admoyerit or ce
Ventus ; 6c augufii rare/cent claujira
Pelori,
P E t
Il dît que , félon Salufte , le promontoire
Pelorus fut ainfi nommé , d'un Pilote
qu'Annibal tua , croyant qu'il le trahiffoir.
J'ai pourtant lu , ajoute-t-il, que ce pro-
montoire avoir le nom de Pelorus avant
cette époque. Quoi qu'il en foit, on affure
qu'Annibal répara fon honneur , en fai-
fant élever au bord de la mer une ftatue 9
qu'il nomma Pélore ^ du nom de ce mal-
heureux Pilote. On l'appelle aujourd'hui
Cabo délia torre di Faro^ à caufe de la
tour du phare de Mefhne , fituée à l'ex-
trémité de ce promontoire, fur une lon-
gue pointe aflfez baffe. (D. J.)
PELOTAGE, LAINE, (Lainage^)
la laine pelotage de Vigogne; c'eft la troi-
fieme forte des laines de Vigogne. Oa
VappeWe pelotage, parce qu'elle vient d'E{^
pagne en pelotes.
PELOTE DE MER, (iTifi, nat. de U
mer:) par nos auteurs , pila marina ; em
Ang'ois , the fea-ball ; nom d'une fubf-
tance très-commune , qu'on trouve fur la
rivage de la mer : cette fubftance eft ordi-
nairement en forme de balle oblongue ,
arrondie ou fphérique, groffe comme le
poing, quelquefois plus, quelquefois moins,
lanugineufe, de couleur obfcure , compo-
fée d'une multitude de petites fibrei irrégu-
lièrement amoncelée^ & pelotonées.
Les naturaliftes ne font point d'accord
fur l'origine de ces fortes àe pelotes ; ce
qu'il y a de certain, c'eft qu'elles fontcom-
pofées de fubftances fibreufes de plantes.
Enfin , Klein a prefque démontré qu'elles
font formées des fibres & des feuilles de
l'algue marine dont on fait le verre , alga
marina vitriariorum; ces fibres chevelues
étant tombées dans la mer , y font bat-
tues enfemble , raffemblées & amoncelées
par les vagues en pelotes oblongues, ova-
les & arrondies. Voye^ Kleinius , de
tuhulis marinis. (D. J. )
Pelote , f. f. terme générique de corn'-
mer ce i maffe que l'on fait en forme de
boule de diverfes chofes ; une pelote de
fil , de laine , de foie , de coton.
Pelote, f. f. meuble de toilette \ ce
font plufieurs petites recoupes de drap
enveloppées d'un morceau de velours , ou
d'au treétoflFe bien proprement coufue , &C
de différentes formes , qu'on pôle fur U
? EL
toilette d'une femme , pour y mettre les
épingles dont onfe (ert quand on la coëfte
ou qu'on l'habille , ou dont elle fe lèrt
elle-même.
On noriime encore pelote un petit cof-
fret , dans lequel les femmes ferrent leurs
boucles , leurs bagues & autres chofes de
toilette.
Pelote a feu. On appelle ainfi , m
terme d^ artificiers , unepelotedont on le
fert la nuit pour éclairer les folTés & les
autres endroits d'une place affiégée. Elle
fe fait comme il fuit.
Prenez une partie de poix réfine , trois
parties de foufre , une livre de falpêtre &C
une livre de groffe poudre; faites fondre
& incorporer le tout enfemble avec des
ctoupes, & faites-en des pelotes.
Pelote , terrm fie Chandelier. Les
chandeliers appellent pelotes de coton, les
écheveaux de coton qu'ils ont dévidés pour
faire la mèche de leur chandelle. Outre les
petites pelotes de coton dévidé , les chan-
deliers en compofent d'autres très-grofTes,
du poids de vingt à trente livres, & da-
vantage, qu'ils nommQXW. pelotes d'étalage.
Celles-ci font faites d'écheveaux entiers ,
qu'on tourne ainfi en forme fphérique pour
les mieux conferver. On les pend ordinai-
rement au plancher des boutiques ; ce qui
leur a fait donner le nom de pelotes d*éta-
lage.CD.J.J
Pelotes , {Fonderie. ) Les Fondeurs
de petits ouvrages nomment ainfi le cui-
vre en feuilles qu'ils ont préparé pour met-
tre à la fonte.
On réduit le cuivre en pelotes, afin de
le mettre plus commodément dans le creu-
fet avec la cuiller du fourneau , qui delà
cft appellée cuiller aux pelotes.
On nomme auffi mortier ^ maillet aux
pelotes^ ceux de ces outils qu'on emploie
à cet ufage dans les atteliers des fondeurs.
La préparation des pelotes eft ordinai-
lement le premier ouvrage des apprentis.
Pelotes , (Maréchal.) C'eft une mar-
que blanche qui vient au front des chevaux;
on l'appelle aucrement étoile. Les mar-
chands de chevaux, maquignons & autres,
qui fe mêlent du commerce des chevaux ,
mettent les pelotes au nombre des mar-
ques qui dénotent un bon cheval.
P E L i6y
Pelotes , terme de Paum'.er; ce (oiA.
les balles pour jouera la paume, avant
qu'elles foient couvertes de drap; on les
appelle aufli des pelotons.
Les paumiers doivent , fuivant leurs
ftatuts , avoir foin que les pelo'es foieiit
bien rondes , & faites de morceaux ou
rognures de drap , avec une bande de
toile , & ferrées bien fort avec de la
ficelle. L'inftrument dont on fe fert pour
faire les pelotes , eft une efpece de billot,
qu'on appelle chèvre.
Les maîtres paumiers prennent la qua-
lité de maîf-e-; paumiers-raquetiers , fai-
feurs de pelotes. Voye^ Paumier.
Pelotes, fv^o/^r/V^J On nomme ainfi,
dans le commerce des foies, les foies grè-
ges & non-ouvrées , qui viennent ordi-
nairement de Mefiine & d'Italie , & qui
font pliées , ou plutôt roulées en grofles
pelores. ( D. J.)
Pelote , terme de Tailleurs ; c'eft une
bande de lifiere roulée fur elle-même, ÔC
coufue dans cet état.On s'en fert pour dé-
vider le fil , la foie & !e poil de chèvre.
Pelote , {Verrerie \ ) c'eft J dans les
fours à verre , une efpece de petit établi
de terre, couvert de braife éteinte, fur
lequel on fait, pendant quelque temps ,
repofer le plat de verre au fortir du grand
ouvreau , avant de le mettre dans les ar-
ches du four à recuire. CD. J.)
PELOTER , v. n./'eu de paume ; c'eft
jouer fans s'affujettir à aucune autre règle
de ce jeu, finon d'attendre la balle & de
la renvoyer. Les balles perdues, foit à la
grille , foit au trou , foit aux filets , font
perdues pour ceux qui les perdent.
Peloter, fe dit encore de certaines
fubftances qui s'amaflent en petit tas , ainfi
que la neige qui fe pelote.
Peloter, v. n. terme de Pécheur \
c'eft jeter de petites pelotes de mangeaille
aux poifibns , pour les amorcer avant que
de pêcher.
PELOTON , r. m. terme de Couturic'
re ; petite pelote de foie , de laine , de fil ,
de coton, ik autres matières filées, dévi-
dées en rond.
On nomme auflî peloton une efpece de
petit couffinet moins gros que la pelote,
qu on remplit ordinairement de ion , 6(
X 1
1^4 P E L
qu'on couvre de ferge, d'étoffe ou de ve-
Ipurs , pour y mettre des épingles.
Peloton , ou plote , terme de Pau-
mier; balle à jouer à la paume. On le dit
ordinairement de celles qui ne font pas
encore couvertes , & qui ne font encore
qu'en corde.
Peloton , ( Fabrique de tabac. ) On
forme de gros pelotons , ou groflfes pelo-
tes de tabac : comme c'eft au fortir du
filage qu'il fait fon plus grand déchet , &
qu'il en fait moins tant qu'il refte en pe-
lotons , on a couTUîne de l'y laifTer le plus
long-temps qu'il eft poffible ; après qu'il
a été en pelotons, on le roule ; ce qui s'ap-
pelle le mettre en rôles. CD. J.)
Peloton, en terme de guerre^ eft un
petit corps quarré de 40 à 50 hommes ,
qu'on tire d'un bataillon d'infanterie , &
qu'on place entre des efcadrons de cava-
lerie pour les foutenir, ou que l'on met
en embufcade dans àcs paffages étroits
& des défilés, qui ne pourroient contenir
un bataillon ou un régiment entier.
Ce mot eft formé, par corruption , du
vieux mot françois peloton , qui fignifie un
tas ou un paquet de fil roulé.
Les grenadiers font généralement ran-
gés en peloton à côté des bataillons. P^oy.
Bataillon. Chambers.
■ On donne auffi le nom de pelotons à
de petits corps d'infanterie , qu'on em-
ploie à couvrir les angles des bataillons
quarrés & triangulaires. Le peloton a tou-
jours moins de cent hommes.
L'ordonnance du 6 mai 17')') donne le
nom de peloton à deux compagnies cou-
plées ou jointes enfemble. J^oyei^ Feu
militaire & Évolutions. {Q)
PELOUSE, f. f. (Jardin.) Voye^
Tapis de gazon.
PELTA, f. f. (Littèrat.) tIat»; c'étoit
un bouclier contourné , qui étoit particu-
lier aux amazones. Dans une médaille
greque de grand bronze, frappée dans Tin-
t^rvalle du règne de Septime Severe à
celui de Galien, on voit d'un côté une ama-
zonne ayant au bras gauche cette forte de
bouclier. On remarque au-deffous un bout
de draperie, une efpece de petite ferviette,
qui aidoit apparemment à tenir le bouclier
plus ferme , & qui pouvoit encore fervir
P E L
à d'autres ufages ; tel paroît le pelta quW
donne aux amazonnes furies médailles, On
s'en fervoit à la guerre, comme on !e voit
dans Virgile ; &: il faut bien que fa forme
n'ait pas toujours été la même ; car félon
Xenophon , il étoit de la figure d'une
feuille de lierre; félon Pline , d'une feuille
de figuier d'Inde; & félon Servius , de la
lune demi-pleine. CD. J.)
PELTtE, (Géogr. anc. ) ville de la
grande Phrygie, dont parle Strabon, lib,
XII , pag. 377. Ptolomée, lib. r, cap.
ij ^ & Xenophon, lib. I : on l'appelle
préfentement ^elti ^ félon Leunclavius.
PELTARI A, (Botan.) genre de plante
crucifère, dont la fleur eft fuivie d'une
filicule comprimée, arrondie & fanséchan-
crure , & qui ne s'ouvre pas. Linn. gen,
pi. tetrad./ilicul. On n'en connoît qu'une
efpece , qui eft le thlafpimontanum de
Clufius , Se qui fe trouve dans les monta-
gnes d'Autriche. {D)
PELTE , (Art rnilit. Arme.) La pelte
étoit un petit bouclier rond & couvert de
cuir , qu'îphicrate fubftitua chez les Athé-
niens aux grands boucliers dont ils fe fer-
voient auparavant, à l'exemple des autres
Grecs, &avec lefquels ils ne fe remuoient
qu'avec peine ; ce qui étoit leur faute. L'u-
tilité des grands boucliers étoit trop vifi-
ble pour qu'on en abolît l'ufage. L'inven-
tion d'Iphicrate ne fut adoptée qu'en partie
dans le refte de la Grèce; & dès-lors on
appella /?e/izrA2/7?«/2r armé., ou firapîenient
oplites , les fantaftins qui conferverent
l'ancien bouclier, & l'on donna aux autres
le nom de Peltari , tiré du nouveau bou-
clier dont ils fe fervoienr. (V.)
PELUCHE , ou PLUCKE , f. f. {Fa^
brique , J étoffe veloutée du côté de l'en-
droit , compofée d'une trame d'un fimple
fil de laine , & d'une double chaîne , donc
l'une eft de laine , de fil retors à deux fils^
& l'autre de fil de poil de chèvre.
La peluche fe fabrique de même que les
velours & les pannes , fur un métier à trois
marches. Deux àes marches féparent &
font baifter la chaîne de laine , & la troi-
fieme fait lever la chaîne de poil ; alors
l'ouvrier lance ou jette la trame , & la fait
pafter avec la navette entre les deux chaî-..
lies de poil & de laine, mettant enfuite une
P E L
broche de léton fous celle de poil , fur la-
quelle il la coupe avec un inftrument def-
tiné à cet ufage , que l'on appelle com-
mimément couteati\ ce qu'il fait en con-
duifant le couteau fur la broche , qui eft
un peu cavée dans toute fa longueur ; &
c'eft ce qui rend la furface de la pluclie
veloutée..
Quelques-uns prétendent que l'invention
de la pluche eft venue d'Angleterre ; d'au-
tres veulent qu'elle ait été tirée de Hollan-
de, particulièrement de Harlem. Quoi qu'il
en foit, il eft certain que ce n'^ft guère que
vers l'année 1690, qu'on a commencé
d'en fabriquer en France. (D. /,)
Peluche, f. f. (Soicric.J C'eft une forte
d'étoffe toute de foie , dont le côté de l'en-
droit eft couvert d'un poil un peu long;
cette efpece de peluche fe manufadure
fur un métier à trois marches , ainfi que les
autres peluches, les velours & les pannes.
Sa chaîne &c fon poil doit être d'organ-
{\n filé & tordu au mouUn , fa trame de
pure & fine foie, & la largeur d'onze vingt-
quatrièmes d'aune.
Il fe fabrique encore une autre efpece
de peluche, toute de foie, qui a du poil
des deux côtés , dont l'un , qui eft celui
de l'endroit , eft court &c d'une couleur ;
& l'autre , qui eft du côté de l'envers , eft
plus long & d'une autre couleur : cette
dernière forte de peluche eft extraordi-
naire, & de très-peu d'ufage. CD. J.)
Peluche , urme dejleurifli ; la pelu-
che eft cette touffe de feuilles menues &:
déliées , qu'on voit dans quelques fleurs ,
comme dans les anémones doubles , dont
elles font la principale beauté. CD. J.)
PELURE, f. f. {Gramm.) eft la peau
de certains légumes ou fruits : on dit la
pelure de l'oignon , la pelure de la pomme
& de la poire ; la peau du raiftn, & l'écorce
du citron.
PELUS, (Géogr. anc.) nom, i^. d'une
île voifine de celle de Chio ; 2°. d'une
montagne de la Tofcane; 3°. d'un tor-
rent de la Sicile. {D, J.)
PÉLUSE, ÇGéog. anc.) Ptlufïum^
ville d'Egypte , à l'embouchure du bras le
plus oriental du nil,& le plus voifin de la Pa-
leftine ; c'eft la même ville que Damiette :
on la nommoit autrement Abarlm UTj-
P E L i(îj
phon ; ou , comme difoient les Hébreux ,
Python. Les Egyptiens l'appelloient Se'
thron , & la région Séthroïte ; d'où vient
que Pline dit: Quajuxtà Pelufiume/?re-
^io, nomcn habet Bubaftitem , Sethroni-
tem , Tanilem.
Pélufe étoit comme la clé de l'Egypte
du côté de la Phénicie & de la Judée,
Ezéchiel , ck. xxx , v.iS & iG ^ en parle
fous le nom de Sin^ & il l'appelle la force
de. C Egypte. , ou Le. rempart de C Egypte,
L'hébreu j^/z , qui fignifie de La houe ^ re-
vient fort bien au grec pelu/lum, qui dérive
depeLos , & qui a la même fignification.
Strabon, Lib. XVII .^pag. 8oz , dit que
la ville de Ptlujium étoit environnée du
lac qu'on appelloit Barathra , &: de quel-
ques marais. Il la place à vingt ftades de
la mer, & il donne à izs murailles un égal
nombre de ftades de circuit. Elle eft mife
dans l'auguftamnique par Ammien Marcel-
lin, qui veut qu'elle ait été bâtie par Pelée;
ce qu'il y a de plus fur , c'eft qu'elle fut
fouvent afliégée ôcprife , quoique difficile-
ment. On s'attaquoiî d'autant plus à cette
place , qu'elle donnoit à ceux qui en étoient
les maîtres , l'entrée libre dans l'Egypte.
L'embouchure la plus orientale du Nil pre-
noit fon nom dans cette ville. Lucain dit :
Dividui pars maxima NiLi
In vada decurrit Pe[nCia.i fepti mus amnls,
Claude Ptolomée , mathématicien célè-
bre , étoit de Pelîifium ; mais il fit fon fe-
jour à Alexandrie , il vivoit dans le fé-
cond fiecle. Les ouvrages qu'il a laiftés
lui ont acquis une très-grande réputation ;
la géographie fur - tout lui doit beaucoup :
{q.% œuvres ont paru à Amfterdam en l'an
161 8, in-fol.
Ifidore , le plus favant & le plus célèbre
des difciples de S. Chryfoftôme, fut fur-
nommé Ifidore de Pélufe , parce qu'il fe
retira dans la folitude au voifinage de cette
ville, las des tracafteries de (qs confrères.
Il vivoit au commencement du cinquième
fiecle , & mourut en 440. Ses œuvres, oii
l'on trouve des points importans de dif-
cipline eccléfiaftique très-bien traités^ ont
été imprimés plufieurs fois; mais la meil-
leure édition eft celle de Paris, de 1638,
in-fol, en grec & en latin» Les lettres d,«
i€6
P E L
cet auteur refpirent la candeur 5^ l'ërudî- '
tion r elles font courtes &bien écrites : en
voici un trait curieux fur les eccléfiai^iques
de Ton temps. « Pourquoi, dit-il, lib.IV^
» epift. J7, vous étonnez-vous de ce que ^
» fe mettant en fureur par un violent
M amour de domination, ils feignent d'a-
M voir des différends entre eux fur des
» dogmes qui font au deffus de leur porrée
» & de leurs expreiîîons ? » Quoi ! déjà
dans le cinquivUie fiecle, des prélats accu-
fés par Kîdore de feindre par efprit de do-
mination , & de feindre fur des dogmes
elfentiels à la foi! Ce font là des traits
hiftoriques qu'il ne fau*^ point oublier.
Peiufïum étoit auffi le nomd*un port
de la ThelTalie. (D.J.)
PELYSS , (Géogr. mod.) Pdyjfa ou
Piffen^ petite ville de la baffe Hongrie ,
capitale d'un comté de même nom , p'-ès du
Danube , à trois lieues fud-eft de Grau ,
cinq nord de Bude. Long. j6^, 3.6 ; lut.
47, 2(^.
PELYX, fiVfz//^. //z/. dts anc.) Sui-
vant Poilux , \t pdyx hdix. un inftrument
à cordes ou de percuffion; car il dit que
c'étoit un des inftrumens des chanteurs ,
& il eft clair qu'un chanteur ne peut s'ac-
compagner d'un inftrument à vent. (F.
D, C.J
PEMBA, {Géogr. mod.) iMle de la
mer des Indes , proche de la côte orientale
d'Afrique, vis-à-vis de la baie de S. Ra-
phaël , fur la côte du Méhnde. Elle eft fi-
tuée à 4^. 50'. de latitude méridionale,
fous les 56'^. 30'. de longitude, vers l'o-
rient méridional de la ville de Monbaza :
l'île de Pcmha a le titre de royaume.
2°. Pcmha .^ petite province d'Afrique,
au royaume de Congo, dont la capitale
fe nornme Ban\a : c'eft la réfidence du
gouverneur général. Long, mérid. 7, 28.
PEMBRÔKE, (Géogr. mod. J ville
d'Angleterre , au pays de Galles, capitale
de Pembroke-Shire , avec titre de comté.
Elle a deux paroiiTes , eft fortifiée d'un
château , & eft fîtuée fur une pointe du
port de Milfort, 3195 milles de Londres :
elle envoie deux députés au parlement.
Long. /2 , 43 ; lat. 61 , 48.
C'eft dans le château de cette ville que
naquit Henri Vli, roi d'Angleterre^ dont
P E M
on peut lire la vie écrite par Racon^
La bataille de Bofworth, en 1485 , mit
Çin aux défoiations dont la rofé rouge & la
rofe blanche avoient rempli l'Angle -erre.
Le trône, touiour5<2nfanglancé & renver-
fe ,fnt enfin ferme & tranquille, fienri VI£
ayant fu vamcre, fut gouverner; fon règne,
qui fut de 2.4 ans , ôsf prefque toujours pai-
fibie , humanifa les mœurs de la nation. Les
parlcmens , qu'il afTembla & qu'il ménagea,
firent de fagesloix : le commerce, qui avoit
commencé à fleurir fous le grand Edouard
m, ruiné pendant les guerres civiles ,
commença à ié rétablir. Henri VII eût été
fage, s'il n'eût éfé qu'économe; mais uns
léfine honteufe & des rapineries fifcales ,
ternirent fa gloire : il tenoit un regître fecret
de tout ce que lui valoienr les confifcations.
Son hiftorien nous a laiffé un trait fort
fingulier de fon avarice. Le comte d'Ox-
ford étoit , de tous les feigneurs de fon
royaume , celui en qui il avoit le plus de
coi.fiance, & qui lui avoit rendu les plus
grands fervices. Un jour le roi étant allé
le voir dans fa maifon de campagne, il
le reçut avec toute la fplendeur dont il
put s'avifer. Quand le roi fut prêt à partir,
il vir en haie un grand nombre de gens de
livrée magnifiquement vêtus : le comte
avoit peut-êtte oublié que plufieurs aftes
du parlement défendoient de donner des
livrées à d'autres qu'à des domeftiques en
fervice , mais le roi n'en avoit point perdu
la mémoire. Lorfqu'il apperçut ce grand
nombre de gens portant la même livrée :
» Milord , dit-il au comte, j'avois beau-
» coup oui parler de votre magnificence,
» mais el'e furpafie extrêmement ce qu'on
» m en avoit dit ; tous ces gens- là , que je
» vois en haie , font apparemment vos do-
» mefliques ordinaires.? >> Le comte, qui
ne comprit pas le but du roi , répondit en
fouriant, « qu'il n*avoit pas à fa livrée lîn
» fi grand nombre de gens. Par ma foi ,
n Mylord, répondit le roi brufquement,
» je vous remercie de votre bonne chère ,
» mais je ne foufFrirai point que fous mes
» propres yeux on viole ainfi mes loix. »
Il en coûta quinze cents marcs au comte
d'Oxford pour cette contravention. (Z?./.)
PEMBROKE-SHIRE, (Géog. mod.)
province d'Angleterre, à l'occident de celle
P E M
de Caermarthen, dans le diocefe de Sitjirt-
David. Eile eft très-fertile , fur-tout à l'el),
& la mer l'environne prefque de toutes
parts. Cette province a 95 milles de tour,
& contient environ 420 mille arpens , 45
paroiiïes , & 9 villes de marché. Il faut
remarquer entre fes produftions celle de
fon chau<Tage , appelle culm , qui n'eft
autre chofe que la pouffiere du charbon de
terre. On pétrit cette pouffiere avec un tiers
de boue , & elle fait un très-bon feu d'une
grande utilité , parce que c'eft le meilleur
de tous les chauffages pour brûler de la
chaux , & pour fécher l'orge dont on fait,
de la bière. Mais le plus grand avantage de
cette pjovince eft le port de Milford, Mi/-
ford-aifcn , qui femble l'emporter fur tous
\.^^ ports de l'Europe , pour fa largeur , &
la fureté qu'y trouvent les vaifleaux : il y
a feize criques, cinq baies, treize rades,
& doit par cette raifon être mis au nom-
bre des raretés du pays.
PEMPHINGODES,adj. {Lcxic. Médi-
cm.J -îrifzipiyy^iiPAç- •zjupiToj , fièvres diftin-
guées par des flatuofîrés & des enflures,
dans lefquelles on éprouve des vents qui
fe font fentir au touclier ; ce tenue Grec
a été employé par Hippocrate, & expli-
qué fort diverfement par Galien.
PEMESEY, CGéogr. /;zo<i Jaujourd'hui
Pcvinfcy ^ port affez fréquenté dans le
comté de Suffex. La chronique faxonne
en parle fous les années 1046, 1052, 1087;
il avoir été donné près de cent ans aupara-
vant à l'abbaye de Saint- Denis en France
par le duc Bertold avec Chicefter, Haftmgs
& les faiinesqui en dépendoient. Il eft fur
la cote méridionale de l'Angleterre , &
prefque vis-à-vis de l'embouchure de la
Candie en Ponthieu; ce n'eft plus qu'un
bourg , avec un petit havre ; mais ce havre
eft célèbre, parce que c'eft celui où Guil-
laume-le-Conquérant fit fa defcentepour
la conquête de l'Angleterre. {D. /.)
PEN , f. m. {Géogr.J fui vaut Candem,
fîgnifie originairement une haute monta-
gns , qui fut ainfi appellée parmi les an-
ciens Bretons , & même parmi les Gau-
lois, & c'eft de-là que l'on appelle Apen-
nins, cette haute &: longue chaîne de
montagnes qui partagent l'Italie dans toute
fa longueur. Vojei MoNTAGNE,
PEN 167
PENA-GARCIAjCG^'ogr. mod.)petïte
ville de Portugal , dans la province de
Beira. Philippe V la prit en 1704; mais
il fut obligé de fe retirer à l'approche âes
alliés. Elle eft fur les confins de l'Eftra-
madure Efpagnole , à fix lieues du fud-
eft d'Idanhaveiha. Long. 11 , 43 ; lat,
39,30. (D. J.)
PENAL, adj. {Jurifp.) eft ce quia rap-
port à quelque peine, comme une claufe
pénale , une loi pénale. Voy. Code PÉ-
NAL , & aux mots CLAUSE & LoL (AJ
PÉNAL, f. m. Ç Mefure de grains.])
efpece de mefure de grains , différente fui-
vant les lieux où elle eft d'ufage.En Fran-
che-Comté, le pénal eft femblable auboif-
feaude Paris ; à Gray, les huit pénaux font
quinze boifîeaux à Paris, ce qui eft égal à
l'ânée de Lyon -, enforte que le pénal eft à-
peu-près le double du boiffeau de Paris. A
Bourbonne le pénal de froment pefe 72 liv.
poids de marc ; de méteil 70 , de feigle 68,
&f d'avoine 58 liv. on s'y fert aufli du
bichet. Savary. (Z). /.)
PÉNATES , DIEUX, {Mythologie &
Littérat.) Les dieux pénates étoient regar-
dés ordmairement comme les dieux de la
patrie ; félon quelques-uns , ce font Jupi-
ter, Junon &c Minerve; félon d'autres,
ce font les dieux des Samothraces, qui
étoient appelles divi potes^ dieux puiftans,
ou cabires , qui eft la même chofe ; car ,
cabir , en Phénicien ou Syriaque , fignifie
puijfant, & ces dieux font Cé^ès, Profer-
pine. Minerve &: Pluton ; quelques-uns y
ajoutent Elizulape & Bacchus.
Les Grecs ont rendu le mot pénates par
UctrpcoaufyPatriens; Tivi8?jjvt, Généthliens'^
KTH'tcvf , Ctéjiens; Uaxnji , My chiens ; &
EfK/oyç-, Herciens; mots qui fignifient tous
la même chofe. Virgile décrit ces pénates
Herciens dans ces vers du livre II de
l'Enéide :
j^dibus în mediis medioque jub mhe~
ris axe
Ingens ara fuit , jitxtaque veterrimct
laiirus
Incunibens am , atque umhrd corn-
plexa pénates.
» Au milieu du palais, dans un endroit
» découvert , étoit un grand autel, tout
i<^8
P E N
» auprès un vieux laurier ,, qui de Ton
» ombre couvroit l'autel & les dieux
» pénates.
Denis d'Halicarn affe nous peint les dieux
pénates apportés de Troye , tels qu'on les
voyoit dans un vieux temple à Rome, près
du marché : C'étoit , dit-il , deux jeunes
hommes affis, tenant chacun une lance
d'un ouvrage fort antique, & avec cette
infcription, denates pour pénates: les an-
ciens , continue-t-il , qui n'avoient pas l'u-
fage de la !ettreP,re fervoient de la lettre/5.
Cicéron diftingue trois ofdres de dieux
pénates, ceux d'une nation, ceux d'une
ville , & ceux d'une maifon : en ce dernier
fens, les dieux pénates ne differoient pas
beaucoup des dieux lares,; c'étoient les
dieux protefteurs du logis : on leur donna
le nom de pénates , continue le même
Cicéron, du mot pe nu , parce qu'ils veil-
lent à ce qu'il y a de plus fecret dans le
domeftique ; ou , fi l'on aime mieux , parce
qu'on les mettoit dans l'endroit le plus re-
tiré de la maifon : In penitijjimd œdium
parte. Suétone raconte, que dans le palais
d'Augufte il y avoit un grand appartement
pour les dieux pénates, c'eft-à-dire , pour
les dieux lares ; un jeune palmier étant né
devant la maifon de l'empereur, il le fit
apporter dans la cour des dieux pénates ,
avec ordre qu'on eût grand foin de là
culture. Mais il faut finir par un fait bien
plus important.
Il étoit d'abord défendu à Rome d'ho-
norer chez foi des divinités dont la reli-
gion dominante n'admettoit pas le culte.
Dans la fuite, les Romains plus éclairés
fur les moyens d'agrandir l'état , y fouf-
frirent non-feulement l'introdu(5lion des
dieux particuliers , mais l'autoriferenr par
le gouvernement politique ; puifqu'une loi
des douze Tables enjoignoit de célébrer
les facrifices des dieux pénates , Se de les
continuer fans interruption dans chaque
famille, fuivant que les chefs de ces mêmes
familles l'avoient prei'crit. {D, J.)
PENAUTIER, (Géogr. mod.) petite
ville de France, dans le haut Languedoc ,
fur la rivière de Frefquel, à deux lieues de
Carcaflonne.
PENCER LA FOSSE, terme de Tan-
neur j c'eft retirer le tan de la foffe , afin
P E N
y d'y remettre du tan nouveau , pour y re-
placer encore les cuirs.
Pencer les plains, terme de Tarî"
neur , qui fignifie ôter les cuirs du plain ,
& y remettre de nouvelle chaux,
PENCHANT , INCLINATION ,
(fynon.) ces deux termes font relatifs au
goût naturel ou acquis , qu'on a pour quel-
que objet.
L'inclination dit quelque chofe de moins
que le penchant. La première nous porte
vers un objet, 8>c l'autre nous y entraîne,
11 femble auffi que Vinclination doive beau-
coup à l'édixation , &: que le penchant
tienne plus du tempérament.
Le choix des compagnies eft effentiel
pour les jeunes gens , parce qu'à cet âge
on prend aifémént les inclinations de ceux
qu'on fréquente. La nature a mis dans
l'homme un penchant infurmontable vers
le plaifir ; il le cherche même au moment
qu'il croit fe faire violence.
On donne ordinairement à Vinclination
un objet honnête ; mais on fuppofe celui
du penchant plus fenfuel , & quelquefois
même honteux. Ainfi, l'on dit qu'un hom-
me a de V inclination pour les arts & pour
les fciences , & qu'il a du penchant à la
débauche & au libertinage. Girard.(D.J.J
PENCHER,v.aa. &neut.((?r^/7z/77.)
il fe dit de tout corps qui s'écarte de la
fituation verticale, & même horizontale.
Cette tour penche de ce côté. La balance
penche en ma faveur. Il penche à la clé-
mence. Ainfi il fe prend , comme on voit ,
au fimple & au figuré.
PENDANT, f. m. {Hifl. anc. & mod.)
anneau d'oreille , c'eft un ornement de
quelque matière précieufe que portent les
femmes. On le fufpend à l'oreille par wxv
trou pratiqué à cet effet. Les pendans d'o'
reilles font fort fouvent enrichis de dia-
mans , de perles & autres pierres précieu-
ks. Voye^ Dl AMANT , PeRLE , &c.
Il y a îong-tems que \t^ pendant d^ oreilles
ont été du goût de l'un & de l'autre fexc
Les Grecs &: les Romains fe fervoient des
perles &c des pierres les plus précieufes pour
parer leurs oreilles , avec cette différence
remarquée par Ifidore , Uv. XV III de Jes
origines, ch. xxxj , que les jeunes filles
avoient un pendant à chaque orçille , 6t.
les
P E N
les jeunes garçons n'en avoient qu'à une j
feulement.
Les Grecs nommoient les ptndans cfc
reilles , K^tuctçnfif ^ Jes Latins , inaures ou
jlalagmia. Une fervante demande à Me-
iiajcme , acl, III ^ fc.i^. de lui donner de-
quoi acheter des boucles & des pendans
d'onilles.
Amabo , mi Mencscme , inaureis da
mihi
Faciendas pondo duum nummum lla-
lagrnia.
Juvenal nous apprend auflî , dans fa Satyre
VI , que les Romains nommoient encore
tlenchi les pendans S oreilles :
"Nil non permittit mulier tibi , turpe
putat nil
Cum vir ides gemmas colla circumdedit ,
& cum
^Auribus extenjîs magnos commifit
elenchos.
Les Grecs avoient plufieurs noms difFé-
rens pour exprimer les pendans d'oreilles.
P E N 169
Subflringitque comam gemmis , fi» colla
monili
Circuit , & baccis onerat candentibus
aures,
. Séneque n'avoit donc pas grand toit de
dire , qu'il conuoillbit des femmes qui por-
toient deux & trois patrimoines au bout
de chaque oreille : Video uniones , dit-il ,
non fingulos (ingulis auribus comparatos ,
jam enim exercitatx aures oneri ferendo
funt ; junguntur interfe , 6» infuper al il
binis fuper ponuntur : non fatis mulieri-
bus infania viros fubjecerat , niji bina &
terna patrimonia auribus fingulis pepen-
diffent.
On fait , par le témoignage de Pline ,
qu'Antonia , femme de Drufus , ne le con-
tentoit pas de porter elle- même des pendans
d'oreilles magnifiques , mais qu'elle en mit
de lèmblables à une lamproie dont elle
faifoit fes délices.
Les pendans des femmes Européennes
ne font rien en comparaifon de ceux que
portent les Indiens , tant hommes que fem-
Hefychius & Julius Pollux en ont remar- 1 mes , qui ont la mode de s'allonger les
que quelques-uns. Quant à la forme , à la 1 oreilles, & d'en augmenter le trou , en y
matière , au poids & à l'ouvrage , il n'y a | mettant des pendans grands comme ties
point eu de règle certaine \ chacun a fuivi
Ion génie , fes forces & fa vanité j & le luxe
n'a pas été moins dans cette efpece d'orne-
ment , que dans tout ce que l'ambition &
la volupté ont pu inventer pour fatisfaire
l'orgueil des hommes. Nous apprenons mêm.e
de quelques infcriptions rapportées par
Gruter , qu'il y avoit des femmes & des
faucieres , & garnis de pierreries.
Peyrard dit que la reine de Callicut & les
autres dames de fa cour ont des oreilles ,
qui , par le moyen de ces owiemens , leur
de^fcendent jufqu'aux mamelles , & même
plus bas : le préjugé du pays eft , que
les plus longues font d'une grande beauté.
Elles y font des trous alfez larges pour y
filles qui n'avoient d'autre emploi que d'or- ApalFer le poing. Il n'eft pas permis aux Mon-
ner les oreilles des femmes , comme nous
avons des coëifeufès.
Les pendans d'oreilles étoient du nombre
des chofes dont les mères ornoient leurs
filles , pour paroître devant celui qui devoit
être leur mari. Ce foin eft bien dépeint par
Claudien , fous un des confulats d'Houorius.
At velut ojjîciis trepidantibus orq
puelLv ,
Spe propiore thori mater folertior ornât
Adveniente proco , vejiefque & fingula
comit
Sape manu^ viridique angujiat jafpide
peclus ;
Tome XXV,
COIS , qui font les gens du peuple , de les
avoir aulTi longues que les Najres , qui font
les nobles : celles des premiers ne doivent
pas paifer la longeur de trois doigts. Aux
Indes occidentales , Chriftophe Colomb
nomma une certaine côte Orega , à caulè
qu'il y trouva des peuples qui faifoient dans
leurs oreilles des trous alfez grands pour
y pafler un œuf. Voye^ Oreille.
Ils fe font auffi percer les narines & les
lèvres , pour y fulpendre des pendans ; ce
qui eft pratiqué par les Mexiquains & par
d'autres nations. Voyei Nez.
, Pendant , terme de Blafon , qui fe dit
des parties qui pendent au lambel , au
170
P E N
P E N
nombre de deux , trois , quatre , cinq , &c. I entre les croupes de la montagne , d'où Tor-
que l'on fpécifie en blalbnnant.
Les pendans irritent les gouttes des tri-
glyphes de la frife dorique.
De S. Jean , fcigneur dudit lieu , en Bre-
tagne , d'argent à la fafce vivrée d'azur , au.
lambel de quatre pendans de même.
La Verne , en Bourgogne , de gueules
au lambel d'argent de deux pendans. Sa
lîtuation naturelle eft d'être près du chef.
Il y en a de trois , de quatre , de cinq , de
fix & de fept pendans.
Pendant , f. m. (Stéréotomie) ; c'eft un
petit vouflbir de voûtes gothiques fans
coupe , fait à l'équerre.
Pendant ou Flame, voyei Flame.
Pendant , f. m. ( terme de Cànturier. )
Les deux pendans du baudrier ou du cein-
turon font les parties qui pendent au-bas du
baudrier , & au travers dcfquels on palFe
l'épée.
Pendant fe dit auflî de la partie d'une
boîte de montre , à laquelle on attache la
chaîne ou le cordon. 11 eft compofé d'un pe-
tit bouton qu'on rive à la boîte , & d'un
anneau qui tient à ce bouton , par le
moyen d*une vis , ou d'une goupille qui
paffe à travers l'un & l'autre.
Pendant , ( Soierie. ) On appelle /'^/î-
Jans du cajjîn , les tenons qui foutiennent
les planches des arcades. Voye^ Arcades
& Cassin. •
PENDELI , ( Géogr. anc, & mod, )
montagne de l'Attique, dans le voifinage
d'Athènes, qu'on voit delà au nord-eft.
Au pié de cette montagne ei\ un monaf-
tere du même nom , l'un des plus cclebres^e poire , montée
de toute la Grèce. Il eft compofé de plus
de cent Caloyers , & d'un grand nombre
d'autres perfonnes qui ont là des revenus
affez conlidérables. Ils paient tous les ans ,
de carach ou de tribut , fix mille livres de
miel , pour la mofquée que la Sultane, mère
de l'empereur Mahomet IV , a fait bâtir à
Conftantinople ^ ils font obligés d'en four-
nir encore autant , à raifon de cinq piaf-
tres le quintal. Ils ont rarement moins
de cinq mille effaims d'abeilles , outre des
terres labourables & des troupeaux de bre-
, dans fa defcription d'A-
a montagne de S. George
tent plufieurs ruifleaux , qui fe rendent dans
des réfèrvoirs pour confêrver du poiffon ,
& pour faire tourner les moulins. Ces ca-
loyers font ombragés de diverfes fortes d'ar-
bres , pour modérer la chaleur de l'été , &
pour ie fournir de bois pendant l'hiver , qui
eft aflez vif en ce lieu-là , parce que le haut
de la montagne eft couvert de neige. Ils
ont une bibliothèque , qui confifte en un
grand nombre de volumes des pères Grecs.
La montagne eft un rocher entier de
marbre blanc , & ainfi on ne doute point
que ce ne foit la montagne Pentelîcus ,
dont Paufanias vante fi fouvent le marbre-
A une lieue & demie de Pendeli , il y a
un village appelle Céfifia : Hérode Atticus
y avoit une maifon de plaifance. Ce vil-
lage eft fitué fur un ruiffeau qui vient du
mont Pendeli , & qui tombe dans le Ce-
phife. On y découvre quelques anciennes
murailles de marbre , proche d'une mofquée.
La Guilletiere
thenes , a pris
( Agios Georgios ) pour le mont Penthé-
lique , où eft le monaftere de Medeli , &
il a pris le mont Penthélique pour l'Anchef^
mus 5 mais il eft certain que la montagne fi-
tuée à deux lieues d'Athènes , où eft le mo-
naftere de Medeli, eft le mont Penthélique y
car c'eft à une demi-lieue au defTus du cou-
vent , que fè trouvent les carrières d'où l'on
a autrefois tiré le marbre pour les temples
d'Athènes. { D. J.)
PENDELOQUE , f. f. en terme de met-
teur en œuvre.) eft une pièce taillée en forme
fur de l'or ou de l'ar-
gent 5 qui joue au moindre mouvement.
Les pendeloques fe placent ordinairement au
bas d'une croix , des boucles d'oreilles , êr.
On donne le nom de pendeloque à la
pierre même , lorfqu'elle a la forme de poire.
PENDENTIF , f. m. ( Arckit. ) c'eft
une portion de voûte , entre les arcs d'un
dôme , qu'on nomme aufîî fourche ou pa-
nache , & qu'on taille en fculpture ; tels
font les pendentifs du Val - de - Grâce , 8c
ceux de S. Louis des invalides , à Paris ,
bis , avec de grands vignobles & quantité
d'oliviers. La fituation de ce monaftere eft
fort agréable pendant l'été , à cauiè qu'il eft
où l'on a repréfenté les quatre évangéliftes.
On peint encore les pendentifs , & ils en
paroiftent alors plus légers, comme on le
remarque à la plupart de ceux des dômes
P E N
de Rome , & particulièrement à ceux de S.
Charles a//i Catinari , ^ de S. André délia
Valle , qui font du Dominiquain.
Pendentif de moderne , c'efi la portion
d'une voûte g-othique entre les formerets ,
avec doubleaux , ogives , liernes & tierce-
rons.
Pendentif di Valence^ efpece de voûte en
manière de cul-de-four , rachetée par four-
che. II y a de ces pendentifs aux charniers
neufs des SS. Innocens. On les appelle de
Valence , parce que le premier a été fait à
Valence en Dauphiné , où on le voit en-
core , dans un cimetière , porté fur quatr^
colonnes , & où il couvre une fépuiture. Da-
viler. {D,J.)
PENDER, £ m. (Hif. mod.) doaeur
parmi Ïqs gentils Indiens , mais ce terme
cft fur-tout aiFed:é à ceux des Brachmanes.
PENDEKACHI , {^Géogr. mod.) autre-
ment nommé Eregri , petite ville de Grèce
dans la Romanie , avec un archevêque fuf-
fragant de Conftantinople. Elle eft bâtie
fur \qs ruines de l'ancienne ville d'HéracIée ,
une des plus belles de l'Orient , ii même on
en juge par lés ruines , & par les vieilles
murailles conftruites de gros quartiers de
pierre , qui font encore iiir le bord de la
iner- Penderachi eft près de la mer , à 20
lieues fud-oueft de Conftantinople. Long.
45 , 23 ^ lat. 40 , 57.
PENDEURS, PENDOURS, f. m. {Mar.)
ï^^pendeur eft un bout de corde moyenne-
ment longue , à laquelle tient une poulie
pour paifer la manœuvre. Les provençaux
<àïknt pendour j & ce mot eft reçu ailleurs
auifi bien que celui de pendeur.
Pendeurs de balanciers , ce font ceux qui
font paftes à la tête des grands mâts & des
mâts de mifaine , qui pendent fur les hunes ,
& où font palîëes \qs balancines.
Pendeurs d'écoutes de civadieres , pen-
deurs de bras ; ce font ceux qui fout frappés
au bout des vergues , & où les bras font
preflés.
Pendeurs de caliornes ; ils fervent à tenir
les poulies de caliorne des deux mâts ^ ils
font frappés & paftes comme ceux des ba-
lancines.
Pendeurs de palan , ce font ceux qui
tiennent les poulies où font paifés les palans
des deux mâts.
P E N 171
PENDILLON , f. m. (Horlog.) c'eft une
verge rivée avec la tige de l'échappement ,
pour communiquer le mouvement au pen-
dule , & le maintenir en vibration j cette
pièce eft auftî cippelléefourc/tette : ce qui lui
a fait donner ces deux noms , c'eft que le
pendillon porte une broche qui entre dans
une ouverture faite au plat de la verge du
pendule 5 & on l'appelle /owrcAe//^ , parce
qu'elle tient lieu de broche , dans laquelle
paffe la verge du pendule.
PENDRE , v. a. (Gr^zmm.) attacher quel-
que choie en haut , par fa partie fupérieurc.
On pend les cloches ; l'évêque porte une
croix pendue à fou cou. Il fignifîe auffi traî-
ner: pendre , defcendre trop bas. Il y a long-
temps que votre cotillon pend. Prndre fe dit
aufti du fupplice de la potence. On pend £qu.
épée au croc.
^ PENDRE , {Hiji. nat. Botan.) plante de
l'île de Madagalcar. Elle a la feuille pi-
quante \ fès fleurs font blanches & très-
aromatiques. Les femmes les laiflent trem-
per dans l'huile , pour en frotter leurs che-
veux.
PENDULE, f. m. {Méchan.) eft un corps
pefànt , fuipendu de manière à pouvoir faire
des vibrations , en allant & venant autour
d'un point fixe, par la force de la peianteur,
V. Vibration.
La pefànteur eft l'unique caufe des vibra-
tions du pendule. Si le corps étoit abfo-
lument libre , & abandonné à lui-même ,
il defcendroit vers la terre , par la force d©
fa gravité , autant qu'il lui feroit pofTible \
mais étant attaché par un fîl , il ne peut
obéir qu'en partie à l'effort de fa gravité ,
& il cft contraint de décrire un are de
cercle.
Les vibrations*, c'eft-à-dire, les defccntes
& les remontées alternatives du pendule y
s'appellent auffi ofcillations. V. OSCILLA-
TION.
Le point autour duquel le pendule fait
les vibrations, ^^ -a-pp^Wi centre de fufp en-
Jion ou de mouvement. Voyez CENTRE. Une
ligne droite , qui paffe par le centre paral-
lèlement à l'horizon apparent , & perpendi-
culairement au plan dans lequel le pendule
ofeille , eft appelle axe d'ofcilLation, Voyez
Axe.
' Galilée fut le premier qui iin^ina de
'i7t . . P E N .
fuipendre un corps grave à un fil, & de
inefurer le temps dans les obfcrvations ai-
tronomiques, &dans les expériences d«phy-
fîque , par fes vibrations ^ à cet égard , on
peut le regarder comme l'inventeur despen-
du/es. Mais ce fut M. Huyghens qui le fit
fèrvir le premier à la conftruélion des hor-
loges. Avant ce philofophe , les mefures du
temps étoient très-fautives ou très-péni-
bles 'j mais les horloges qu'il conftruifit
avec des pendules , donnent une mefiire du
temps infiniment plus exacte que celle qu'on
peut tirer du cours du foleil ^ car le loleil
ne marque que le temps relatif ou apparent ,
& non le temps vrai, Foyei Equation du
TEMPS.
Les vibrations d'un pendule font toutes
fenfiblement ifochrones , c'eft- à-dire, qu'el-
les fe font dans des efpaces du temps fenfi-
blement égaux. V, Isochrone.
C'eft ce qui fait que \e pendule eft le plus
exaâ: chronomètre , ou i'inftrument le plus
parfait pour la mefure du temps. F. Temps
é» Chronomètre.
C'eft pour cela aufll qu'on propofè les
différentes longueurs du pendule , comme
une mefure & invariable & univerfelle des
longueurs , pour \ts contrées^Sc les fieclesles
plus éloignés. V. Mesure.
Ainfi , ayant une fois trouvé un pendule
dont une vibration eft précifément égale
à une féconde de temps , prife fiir le mou-
vement moyen du foleil , fi le pié horaire
(ainfi que M. Huyghens appelle la troi-
fieme partie de fon pendule à fécondes )
comparé au pié qui fert , par exemple ,
d'étalon en Angleterre, eft comme 392 à
360 ^ il fera aifé , par le calcul, de réduire
à fes piés' toutes les autre%mefures.du mon-
de , les longueurs des pendules , comptées
du point de fufpenfion jufqu'au centre de
la boule , étant les unes aux autres comme
les quarrés des temps pendant lefquels fc
font les différentes ofcillations : éiles font
donc réciproquement comme \ts quarrés
des membres, d'ofciilations qui fe font
dans le même temps. C'eft fur ce principe
que M. Monton , chanoine de Lyon , a
compofé un traité de menfura pojleris tranf-
mùtenda.
Peut-être même feroît-il à fouhaiter que
'toutei les nations vouluffent s'accorder à
P E N
avoir une mefure commune , qui fêroît ^
par exemple , celle du pendule à fécondes :
par-là , on éviteroit l'embarras & la diffi-
culté de réduire les unes aux autres les me-
fures des différentes nations 5 & fi les an-
ciens avoient fuivi cette méthode , on con-
noîtroit plus exadlement qu'on ne fait au-
jourd'hui , les diverfes mefures dont ils fê
fcrvoient.
Cependant quelques favans croient que
cette méthode a des inconvéniens. Selon
eux , pour réuffir à la rendre univerfelle ,
il faudroit que la pefanteur fût la même
à tous les points de la fiirface de la terre.
En effet , la pefanteur étant la feule caufê
de l'ofcillation du pendule , & cette caufè
étant fuppofée refter la même , il eft cer-
tain que la longueur du pendule qui bat les
fécondes , devroit être invariable , puifque
la durée des vibrations dépend de cette lon-
gueur , & de la force avec laquelle les corps
tombent vers la terre. Par conféquent , la
mefure qui en réfulte feroit univerfelle pour
tous les pays & pour tous les- temps \ car
nous n'avons aucune obfervation qui noua
porte à croire que l'adiion de la gravité foit
différente dans les mêmes lieux , en différens
temps. "
Mais des obfervation^ ineouteftables ont
fait connoître , que l'aftion de la pefanteur
eft différente dans différens climats , & qu'il
faut toujours alonger le pendule vers le pôle,.
& le raccourcir vers l'équateur : ainli on
ne fauroit efpérer de mefure univerfelle que
pour les pays fitués dans une même lati-
tude.
Comme la longueur du pendule qui bat
les fécondes à Paris , a été déterminée avec
beaucoup d'exaâiitude , on pourroit y rap-
porter toutes les autres longueurs. Pour
rendre la mefure univerfelle , il faudroit
avoir , par l'expérience , des tables des diffé-
rences des longueurs du pendule qui bat-
troit les fécondes dans les différentes lati-.
tudes ^ mais il n'eft nullement aifé de dé-
terminer ces longueurs par l'expérience, avec
la précifion néceflàire pour en bien con-
noiire les différences , qui dépendent quel-
quefois de moins que d'un quart de ligne^
Pour connoître fa quantité de Faâian de
la pefanteur dans un certain lieu , iJ ne fuffit
pas d'avoir un^ horloge à peaduk j ^ui batte
P E N
les fécondes avec juileffe dans ce lieu ^ car
ce n'eft pas la ieule peianteur qui meut le
pendule d'une horloge , mais l'avion du rei-
ibrt ^ & en général , tout l'aflèmblage de la
machine agit fur lui , & fe mêle à l'adion
de la gravité pour le mouvement. Il n'eft
queftion que de trouver la quantité de l'ac-
tion de la feule pefanteur \ & pour y par-
venir , on fe fèrt d'un corps grave fufpendu
à un fil , lequel étant tiré de fou point de
repos, fait les ofcillations dans de petits
©rcs de cercle , par la feule ad ion de la
pefanteur. Afin de favoir combien ce /«^/z-
duh fait d'ofcillations dans un temips donné,
on fe ièrt d'une horloge s. pendule bien ré-
glée pour le temps moyen , & l'on corfpte
le nombre d'ofcillations que \q pendule d'ex-
périence , c'ell- à-dire, celui liir qui la pe-
fanteur agit, a fait pendant que le pen-
dule de l'horloge a battu un certain nom-
bre de fécondes. Les quarrés du nombre
àcs ofcillations que le pendule de l'horloge
& \e pendule d'expérience font en un temps
égal , donnent le rapport entre la longueur
du pendule d'expérience , & celle du pen-
dule fimpîe , qui feroit fes ofcillations par
la feule force de la pefanteur , & qui feroit
ifochrone au pendule compoie de l'hor-
loge , & qui par conféquent battroit les fe-
t:ondes dans la latitude oii l'on fait l'expé-
rience , & cette longueur eft celle du pen-
dule que l'on cherche. M. Formey.
Voilà un précis de ce que quelques fa-
vans ont penfé fur cette mefure nniverfelle
tirée àw pendule : on pourroit y répondre ,
qu'à la vérité la longueur du pendule neil
pas exactement la même dans tous les lieux
de la terre ; mais outre que la différence
en efl aiîez petite , on ne peut disconvenir ,
comme ils l'avouent eux-mêmes , que la
longueur du pendule ne demeure toujours
la même dans un mêmie endroit ^ ainli les
mefures d'un pays ne feroient au moins fu-
jettes à aucune variation , &on auroit tou-
jours un moyen de les comparer aux me-
fures d'un autre pays avec exadtitude^ ôc
avec précifion. On peut voir fur ce fujet
les réflexions de M. de la Condamine , dans
les Mémoires de t Académie , année'i-AJ.
M. Huyghens détermine la longueur du
pendule qui bat les. fécondes à troiS pies
troix pouces &, trois dixièmes d'uu pouce
P E N 173
d'Angleterre , fui vaut la rédudion de M.
Moor. A Paris , MM. Varin , Deshayes &
de Glos , ont trouvé la longueur du pen-
dule à fécondes de 440 lignes | j M. Go-
din de 440 lignes ^ \ M. Picard de 440 & 4 ;
& il trouva la mémiCL dans l'île de Heune ,
à Lyon , à Bayontie & à Sette. M. de
► Mairan ayant répété l'expérience en 1735 ,
aveqpbeaucoup de foin , l'a trouvée de 440
lignes ^l , qui ne diffère de la longueur de
M. Picard que de ^V de ligne. Ainfi on
peut s'en tenir à l'une ou à l'autre de ces
mefîjres , pour la longueur exacte du pen-
dule à fécondes à Paris. Remarquez que
les longueurs des pendules fè mefurent
ordinairem.ent du centre de mouvement ,
jufqu'au centre de la boule ou du corps
qui ofcille.
Sturm.ius nous apprend , que Riccioli fut
le premier qui oblèrva l'ifochronifme des
pendules , propriété fi admirable , & qu'il
en fit ufage pour la mefure du tenips :
après lui, Ticho , Langrenus, Werdelin,
Merfene , Kircher & d'autres , ont trouvé
la même chofe ^ rhais Huyghens , comme
nous l'avons déjà dit , &{x Je premier qui
ait appliqué le pendule aux horloges. Voyei^
Horloge.
Il y a aies pendules fimples & compofes.
Le pendule fim.ple confifle en un fèul
poids , tel que A , confidéré comme un
point j & en une ligne droite inflexible,
comme C A , regardée comme fi elle
n'avoit aucune pefanteur , & fufpendue au
centre C , autour duquel elle peut aifém.ent
tourner. PI. Méckaniques , fig, ^ô,
ht pendule compofé confifèeen phifieurs
poids , fixés de manière à conferver la m.ême
difiance , tant les uns des autres, que du
centre autour duquel ils fout leurs vibra-
tions. Voy, Composé & Oscillation.
Théorie du mouvement des pendules. 1®.
Un pendule élevé en B , retomibera par
l'arc de cercle B A, &^ s'élèvera encore , en
décrivant un arc A D de mém.e grandeur ,
jufqu'au point Z), aulîi haut que le premier,
delà il retombera en ^ , & fe relèvera juf-
qu'en B , &L continuera ainfi perpétuelle-
ment de monter & de defcendre.
Car fuppofbns que HI fbit une ligne
horizontale 3 & que B D lui foit parallèle i
174 P E N
fi le corps A , que l'on confidere ici comme
un point , eft élevé en B,, la ligne de direc-
tion B H , étant une perpendiculaire tirée
du centre de pefanteur B Cm la ligne hori-
2ontàle H I , tombe hors du point C, &
par conféquent l'adion de la pefanteur
n'eft point détruite par la réfiftance de la
verge B C , comme elle l'eft lorfque la
verge cft dans une lituation verticale^ A :
le corps ne fauroit donc refter en B ; il
faut qu'il defcende. Fby^{ Descente.
Mais ne pouvant , à caufe du fil qui le
retient , tomber perpendiculairement par
B H ^ il fera forcé de décrire l'arc B A :
de plus , quaiid il arrive en A , il tend à
s'émouvoir fuivant la tangente A I , avec
la vîtelfe qu'il a acquife en tombant le long
de l'arc B A ^ &(. cette vî telle eft égale à
celle qu'il auroit acquife en tombant de
la hauteur B H ou F A ; ^ coiimie le corps
ne peut fe mouvoir fuivant A I , à caufe du
fd qui le retient , il eft obligé de fe mou-
voir fur l'^rc A D.Or y en montant le long
de cet arc , la pefanteur lui ôte à chaque
inftant autant de degrés de vîtefle qu'elle
lui en avoit donnés lorfqu'il defcendoit
le long de l'arc BA; d'où il s'enfuit que
lorfqu'il fera arrivé en Z) , il aura perdu ,
par l'aftion fucceflive 8c répétée de la pe-
fanteur , toute la vîtelfe qu'il avoit au point
A : donc quand il fera arrivé en Z) , il cef^
fera de monter , & redefcendra par l'arc
D A y pour remonter jufqu'en B ; Se ainfî
de fiiite. f^oyei Accélération & Pe-
santeur.
Ce théorème eft confirmé par l'expé-
rience dans un nombre fini d'ofcillations :
mais fi on les fuppofoit continuées à l'in-
fini 5 on appercevroit enfin quelque diffé-
rence '<, car la réfiftance de l'air, & le frot-
tement autour du centre C, détruira une
partie de la force acquife en tombant : ainfi,
le corps ne remontera pas précifcment au
même point.
C'eft pourquoi la hauteur à laquelle le
pendule remonte diminuant confidérablc-
ment , les ofcillations celferont enfin , &
le pendaie demeurera en repos dans la
direâion perpendiculaire à l'horizon, qui
eft fa dire<ftion naturelle. On fait cepen-
dant abftraftion de la réfiftance de l'air &
du frottement que le pendule éprouve à fon
P E N
point de fufpenfion , lorfqu'on traite de»
ofcillations des pendules , parce qu'on ne
les confidere que dans un temps très-court j
& que dans un petit efpace de temps ces
deux obftacles ne font pas un effet fenfible
fur le pendule. Ainfi les vibrations du
même pendule , dans les petits arcs de cer-
cles inégaux , s'achèvent dans des temps
fenfiblement égaux , quoiqu'ils ne le foient
pas géométriquement , & que divers in-
convéniens puillent \qs augmenter ou les
diminuer. ^
Les ofcillations , dans de plus grands arcs ,
/è font toujours dans un temps un peu plus
long ^ & ces petites différences , qui font
très-peu de chofe, dans un temps très-court
& dans de très-petits arcs , deviennent {^a-
fibles lorfqu'elles font accumulées dans un
temps plus confidérable , ou que les arcs
diftérent fenfiblement. Or , mille accidens ,
foit du froid , foit du chaud , foit de quel-
ques faletés qui peuvent fe glilièr entre les
roues de l'horloge , peuvent faire que les
arcs décrits par le même pendule ne foient
pas toujours égaux , & par conféquent les
temps marqués par l'aiguille de l'horloge ,
dont les vibrations du pendule font la me-
fure , fèroient un peu plus courts ou plus
longs. L'expérience s'eft trouvée conforme
à ce raifonnement ^ car M. Derham ayant
fait ofciller dans la machine pneumatique
un pendule ^ qui faifoit fes vibrations dans
un cercle , il trouva que lorfque l'air étoit
pompé de la machine , les arcs que fon
pendule décrivoit étoient d'un cinquième
de pouce plus grands de chaque côté que
dans l'air , & que fès olcillations étoient
plus lentes de deux fécondes par heure. Les
vibrations du pendule étoient plus lentes
de fîx fécondes par heure dans l'air , lorf-
qu'on ajuftoit le pendule de façon que les
arcs qu'il décrivoit fulfent augmentés de
cette même quantité d'un cinquième de
pouce de chaque côté , Tranf. phiL n°,
294 \ car l'air retarde d'autant plus le mou-
vement des pendules , que les arcs qu'ils
décrivent font plus grands : le pendule par-
court de plus grands arcs dans le vuide,
par la même raifon qui fait que les corps
y tombent plus vite , c'eft-à-dire, parce
que la réfiftance de l'air n'a pas lieu dans
ce vuide. £nfin,M. Derham remarque, que
P E N
Us arcs décrits par fon pendule étoient un
peu plus grands , lorfqu'il avoit nouvelle-
inent nettoyé le mouvement qui le faifoit
aller.
C'eft pour remédier à Tinégalité du mou-
vement des pendules , que M. Huyghens
imagina de faire ofciller les pendules dans
des arcs de cycloïde , au lieu de leur faire
décrire des arcs de cercle. F'oyei RÉSIS-
TANCE & Frottement.
2°. Si le pendule fimple eft fufpendu
entre deux demi - cycloïdes CB &l CD
( PL Méchan. fig. 37 , ) dont les cercles gé-
nérateurs aient leur diamètre égal à la moi-
tié de la longueur du fil C^ , de manière
que le fil , en ofcillant , s'applique ou fe roule
autour des demi-cycloïdes ^ toutes les ofcil-
lations , quelle que foit la différence ou l'iné-
galité de leur grandeur , feront ifochrones ,
c'eft-à-dire , fe feront en des temps égaux.
Car puifque le fil du pendule C £" eft
roulé autour de la demi-cycloide B C , le
centre de pefanteur de lu boule E , que
l'on y confidere comme un point , décrira ,
par fon développement , une cycloïde
SEAD, comme on le démontre par la
théorie de cette courbe : or , toutes les
afcenfions & defcentes dans un cycloïde
font ifochrones , ou fe font en temps
égaux j c'eft pourquoi les ofcillationsdu/jc/i-
dule font auffi ifochrones. V. CiCLOÏDE.
Imaginons préfentement , qu'avec la lon-
gueur du pendule CA on décrit un cer-
cle du centre C ; il eft certain qu'une por-
tion très-petite de la cycloïde , proche le
fbmmet A , eft pre/que décrite par le même
mouvement ; car fi le fil C J^ ne décrit
qu'une très-petite portion de la cycloïde,
comme y^ Z , il ne s'enveloppera autour des
cycloïdes C É ,CD, que par une petite par-
tie de (on extrémité vers C , & les points
A L feront fenfiblement à la même dif-
tance du point C ; c'eft pourquoi un petit
arc de cercle fe confondra prelque entière-
ment a\:c le cycloïde.
Ainfi , dans les petits arcs de cercle , les
ofcillations des pendules feront fenfiblement
ifochrones , quoiqu'inégales entr'elles , &
le rapport au temps de la defcente per-
pendiculaire par la moitié de la longueur du
pendule , eft le même que celui de la circon-
féreuce d'un cercle à fon diamètre , comme
P E N 175
M. Huyghens l'a démontré pour la cycloïde.
D'où il fuit , que plus les pendules qui
ofcillent dans des arcs de cercle font longs ,
plus les ofcillations font ifochrones , ce qui
s'accorde avec l'expérience ^ car dans deux
grands pendules d'égale longueur , mais qui
ofcillent dans des arcs inégaux , pourvu
néanmoins que l'un de ces arcs ne foit pas
trop grand , à peine appercevra-t-on quel-
que inégalité ou différence dans le nombre
de cent ofcillations.
D'où il fuit encore , que l'on a une mé-
thode de déterminer l'efpace que parcourt ,
en un temps donné , un corps pefant qui
tombe perpendiculairement ; car ayant le
rapport du temps d'une ofcillation au temps
de la chute par la moitié de la longueur du
pendule , on a le temps de la chute par
la moitié de la longueur du pendule : d'où
Ton peut détruire l'efpace qui fera parcouru
dans tout autre temps donné quelconque.
C'eft au célèbre M. Huyghens que nous
fommes redevables de toute la théorie des
pendules qui ofcillent entre deux demi-
cycloïdes , tant par rapport à la théorie,
qu'à la pratique : il la publia d'abord dans
fon korologium ofcillatorium , five demonf-
trationes de motu pendulorum , &e.,
Depuis ce temps, on a démontré, en
beaucoup de manières différe,ntes, tout ce
qui regarde le mouvement des pendules ;
& le célèbre M. Newton nous a donné ,
dans fos principes , une belle théorie fur ce
fiijet , dans laquelle il a étendu aux épicy-
cloïdes les propriétés que M. Huyghens
avoit démontrées de la cycloïde.
3°. L'aâ:ion de la pefanteur eft moindre
dans les parties de la terre où les ofcillations
du mêm.e pendule font plus lentes , & elle
eft plus grande où elles font plus promptes 5
car le temps d'une ofcillation , dans la
cycloïde , eft au temps de la defcente per-
pendiculaire par le diamètre du cercle géné-
rateur , comme la circonférence du cercle
eft au diamètre. Par conféquent , fi les
ofcillations du même pendule font plus
lentes , la defcente perpendiculaire des
corps pefans eft aufli plus lente , c'eft-à-
dire , que le mouvement eft moins accé-
léré , ou que la force de la pefanteur eft
moindre j & réciproquement.
Aiufi , comme Ton trouve par expérience
1^6 P E N
que les ofcillations du même pendule font
plus lentes près de l'équateur que dans les
endroits moins éloignés du pôle , la force de
la pefanteur eft moindre vers l'équateur que
vers \qs pôles j & delà on a conclu , que la
figure de la terre n'eft pas précifémeut une
iphere, mais un fphéroïde. f^oje^ Figure
DE LA TERRE.
Auflî M'. Richer trouva , par une expé-
rience faite en l'île de Cayenne , vers le
quatrième degré de latitude , qu'un pen-
dule qui bat les fécondes à Paris , devoit être
raccourci d'une ligne & un quart , pour ré-
duire fes vibrations au temps d'une ièconde.
M. Deshayes , dans un voyage qu'il fit
en Amérique , confirma l'obfervation de M.
Richer \ mais il ajoute , que la diminution
établie par cet auteur paroît trop petite.
M. Couplet le jeune , à fon retour d'un
voyage au Bréfîl & eu Portugal , fè réunit
à M. Desjiayes , quant à la néceflîté de
raccourcir le pendule vers l'équateur , plus
que n'avoit fait M. Richer. Il obferva , que
même à Lisbonne , le pendule à fécondes
doit être de deux lignes \ plus court qu'à
Paris ^ ce qui eft une plus grande diminu-
tion que celle de Cayenne , telle que M.
Richer l'a déterminée , quoique Cayeiîne ait
24 d^l^rés moins de latitude que Lisbonne.
Mais les obfervations de M. Couplet n'ont
point paru afTez exactes à M. Newcon ,
pour qu'on pût s'y fier : Crajfioribus , dit-il ,
hujus obfervationibus minus fidendum eji.
Prop. XX. liv. 111 de fes principes.
D'autres auteurs ont prétendu , que la
diminution du pendule ne fe faifoit point
régulièrement : Mefîîeurs Picard & de la
Hire ont trouva la longueur du pendule à
fécondes exadlement la même a Rayonne ,
à Paris , & à Vranibourg en Danemarck ;,
quoique la première ville foit à 43 degrés
2 de latitude , & la dernière à 53^^. 3'.
C'eft pourquoi M. de la Hire préfume que
la diminution n'eft qu'apparente ^ que la
verge de fer avec laquelle M. Richer me-
fùra fon pendule , peut s'être alongée par
les grandes chaleurs de l'île de Cayenne ^
& qu'ainfi , en approchant de la ligne , le
pendule ne devoit pas promptement être
raccourci , abftra6iion faite de la chaleur.
Mais , en premier lieu , on pourroit répon-
dre , que fuivant la table donnée par M.
P E N
Newton , de la longueur du pendule aux
différentes latitudes , la différence des lon-
gueurs du pendule à 43 degrés & demi , &
à 3 5 degrés , eft alfez petite pour avoir été
difficile à appercevoir ; car cette différence '
n'eft que d'environ 4ô de ligne : à plus
forte raifon , la différence à Rayonne &: à
Paris , fera-t-elle encore plus infenfible. A
l'égard de l'obfervation de M. de la Hire ,
fur l'accroiftëm.ent des verges du pendule
par le froid , & leur dilatation par la cha-
leur , M. Newton répond , que dans l'expé-
rience que M. de la Hire rapporte , la cha-
leur de la verge étoit plus grande que celle
du corps humain , parce que les métaux
s "échauffent beaucoup au foleil , au lieu
que la verge d'un pendule n'eft jamais ex-
pofée à la chaleur directe du foleil ^ & ne
reçoit jamais un degré de chaleur égal à ce-
lui du corps humain \ d'où il conclut , qu'une
verge de pendule longue d'environ trois
pies , peut être , à la vérité , un peu plus
longue en été qi^n hiver , & à l'équateur
que dans nos climats , fi on a égard à la
chaleur ^ mais que fon alongement ne doit
pas être aifez grand pour produire toute
la différence que Ton obferve dans la lon-
gueur du pendule. M. Newton ajoute qu'on
ne peut point attribuer non plus cette dif-
férence aux erreurs des aftronomes Fran-
çois \ car quoique leurs obfervations ue
s'accordent pas parfaitement entr'elles , ce-
pendant la différence en eft Çi petite , qu'elle
peut être négligée : en comparant entr'elles
ces différentes obfervations', M. Newton
croit qu'on peut prendre deux lignes pour
la quantité dont le pendule à fécondes doit
être augmenté fous l'équateur.
M. de Maupertuis , à la fin de Ion Traité
de la paralaxe de la lune , nous a donné
un précis des principales opérations qui
ont été faites pour la mefure du pendule ,
dans les différens endroits de la terre , par
les plus habiles obfervateurs , & il y joint
les obièrvations qui ont été faites par lui-
même , & par meftîeurs Clairaut , Camus ,
le Morînier , Ç/c. à Pello , pour y déter-
miner la longueur au pendule. Il déduit
enfuite de ces obfervations , les rapports
de la pefanteur en différens lieux , dont il a
formé une table : il trouva , par exemple ,
qu'un poids de 1 00000 livres à Paris , pefè-
roit
P E H
roit à Pello 100137 1. & à Londres lôooi'S.
Voy. Figure de la terre. Voy. auffi
les ouvrages de Meilleurs Bouguer , la
Condamine y Bofcowich y ^c fur cet im-
portant fujet.
4°. Si deux pendules font leurs vibrations
dans des arcs femblables , le temps de leurs
ofcillations font en raifon ibus-doublée de
kurs longueurs.
D'où il fuit que les longueurs des pendu^
les qui font leurs vibrations dans des arcs
femblables , font en railbn doublée des
temps que durent les ofcillations.
5*. Les nombres des ofcillations ifochro-
nes faites dans le même temps par deux
pendules , font réciproquement comme les
temps employés aux différentes vibrations.
Ainlî , les longueurs des pendules qui
font leurs vibrations dans de petits arcs
{èmblables , font en raifon doublée récipro-
que âts nombres d'ofci Hâtions faites dans
k même temps.
,6°. Les longueurs des pendules flifpen-
dus entre deux cycloïdcs , font en raifon
doublée des temps pendant lefquels fe font
ks différentes ofcillations.
D'où il fuit qu'elles font en raifon dou-
blée réciproque des nombres d'ofcillations
faites dans le même temps ; & que les
temps des ofcillations faites en différentes
cycloïdes , font en raifon fous-doublée des
longueurs despendules.
7°. Pour trouver la longueur d'un pen-
dule y qui fafîe un certain nombre de vibra-
tions en un temps donné quelconque.
Suppofons que l'on demande ÇO vibra-
tions dans le temps d'une minute , & que
Fon demande la longueur de la verge , en
comptant du point de fufpenfion jufqu'au
centre d'ofcillation ou de la boule qui eft
au bout ; c'efl une règle confiante que les
longueurs des pendules font l'une à l'autre
réciproquement comme les quarrés de leurs
vibrations. Maintenant, fuppofons qu'ui
pendule iÇecondts , c'eft-à-dire , qui fait 6c
vibrations dans une minute , eft de 39 pouce>
& T^ ; dites donc , lequarré de 50 , qui efl
de 2Ç.OO , efl au quarré de 60 , qui eft dt
3600, comme 39 îV eft A la longueur di
pendule cherché , que l'on trouvera de 56
pouces i*.
Tome XXV^
P E N "177
"Remarque pratique. Puifque le produit
des termes moyens de la proportion fera tou-
jours 14I1200, c'eft-à dire , 3600 X 39
ïV , il n'y a feulement qu'à divifer ce nom-
bre par le quarré du nombre des vibrations
affigné , & le quotient donnera la longueur
d'un pendule , qui fera précifément autant
de vibrations dans une minute.
8*. La longueur d'un pendule étant con-
nue , trouver le nombre de vibrations qu'il
fera dans un temps donné.
Cette queftion eft l'inverfe de la première.
Dites, la longueur donnée 56 y\ eft à la
longueur du pendule à fécondes , qui fert
de modèle , c'eft-à-dire ici , eft à 39 tô »
comme le quarré dts vibrations de ce der-
nier pendule dans un temps donné ; par
exemple , une minute eft au quarré des
vibrations cherchées ; c'efl-à-dire , 56 ^^ ,
39 î5 : : 3^^^ > 2,500 , & la racine quarréc
de 2500 ou 50 , fera le nombre des vibra-
tions que l'on demande.
Mais dans la pratique , il faut agir ici
comme dans le premier problême : vous
n'aurez feulement qu'à divifer 141 1200 par
la longueur , vous aurez le quarré du nom-
bre des vibrations ; de même que l'on di-
vife ce nombre par le quarré des vibrations,
pour trouver la longueur.
Sur ces principes , M. Derham a conf-
truit une table des vibrations des pendules
des différentes longueurs dans l'elpace d'une
minute.
Longueur da
1 '
Longueur du
1
petidule en
Vibratîonî en
pendule en
V ibration en
pouces.
une minute.
poucet.
u ne minute.
I.
hs- 7.
30.
6%. 6.
1.
26J. 6.
59. 2.
68.0.
4.
5-
187. 8.
168. 0.
40.
59- S-
6.
i;3- }•
yo.
;3. ï-
7.
142. 0.
60.
48. y.
8,
132. 8.
70.
44- 9.
9-
lis- i.
8g.
41. 0.
10.
118. 8.
90.
59. ^'
20.
84. 0.
100.
i7'S'
178 P E N
Remarquez que ces loix du mouvement
des pendules ne s'obfervcront pas à la ri-
gueur , à moins que le fil qui loutient la
boule n'ait aucun poids , & que la pefan-
teur de tout le poids ne foit réuni en un feul
point.
Cq{\. pourquoi il faut fe fervir , dans la
pratique , d'un fil très-fin , & d'une petite
boule , mais d'une matière fort pefante ;
fans cela , le pendule y de fimple qu'on le
fuppofe , deviendroit compofé , & ce feroit
prefque la même chofe que fi difïerens poids
çtoient appliqués à difFérens endroits de la
xnême verge inflexible.
L'ufage des pendules y pour mefurer le
temps dans les obfervetions agronomiques ,
& dans les occafions où l'on a befoin d'un
grand degré de pfécifion , eft trop évident
pour qu'il foit bôfoin d'en parler ici.
On peut régler la longueur du. pendule
avant fon application , & la faire poijr
battre un temps demandé , par exemple ,
les l'econdes , les demi-fècondes , &c. par
Van. 4 ; ou bien , on peut la prendre à
volonté , & déterminer enfuite les temps
des vibrations fuivant Van. 8.
Quant à l'ufage des pendules , pour la
Kiefure yes difiances inacceffiblçs fort éloi-
gnées pjf r le moyen du fon , Poye\ SoN ,
Çhambers , JVolf r &c. ( O)
Méthode générale pour trouver le mou-
vement d'un pendule. Soit a le rayon du
cercle que décrit le pendule , ou la longueur
du pendule-, 3, l'abfcilTe totale qui répond
à l'arc du centre / en prenant cette abfcifle
depuis le point le plus bas; af, l'abfciffe
d'une portion quelconque de cet arc ; p , la
pefanteur ; w , la vitefle en un point quelcon-
qu€ ; on aura uu = z p (3 — oc). Voye\
hs articles F9RCE ACCÉLÉJLATRICE 6"
Plan iNCLINÉ.Et le temps employéàpar-
^ourir un arc. quelconque infiniment petit ^
mCiX -fldX I
- — — _ V — — - — ■
fera«/2fl«-*« '^lax-xx ^2. p.^ b - x'
Or , lorfque l'arc defcendu n'a pas beaucoup
d'amplitude , oç çfl petit par rapport à a ;
& on peut, au lieu de ^
2a X —XX
ou
A , écrire j— x \7F^'^ :7^=^)
^Q. { Vo^e\ Binôme j Approxima-
P E N
TioN & Exposant); de manière qu«
l'élément du temps fera à - peu - près
^-Lp^y^ ra^ hx-7i 4aSlT'aVT^71c) y
&c. quantité qui étant intégrée par les
règles connues , donnera à-peu-près le
temps d'une demi-vibration du pendule. On
peut même , lorfque l'arc defcendu eft
fort petit , négliger entièrement le terme
+ xdx
if — ./T ) & âîors , le temps de h
laV 2.aV bx- xx^ ' '^
defcente du pendule fera fenfiblement le"
même que celui de la defcente dans une
cycloïdc qui auroit le rayon ofculateur à
fon fommet égal au rayon du pendule.
On voit auflî que le temps de la defcente
par un arc de cercle, eft en général un
peu plus grand que celui de la defcente
par un tel arc de cycloïde : de plus , il eft
aifé de comparer le temps d'une vibration
avec le temps de la defcente verticale d'un
corps le long d'un efpace quelconque A;
car la vitefle , à la fin de cet efpàce , eft
vTTÂ > & l'élément du temps efl .^^
dont l'intégrale efl — i-^i Or , le temps de k
^ p
demi-vibration eft égal à l'intégrale de
-adx -dx a
. ou de
^xa.^fxpSlb:
n.
^^la.'^xpy
c'eft-à-dire , ( en nommant c la circonfé-
e a
rence du rayon a ) a 7^ ^ \J ^ a^f—-' Donc
Zp
les deux temps font entre eux comme
—~ à ï^TÂ. D'où il efl aifé de tirer les
théorèmes fur les T^e/z^w^^J".
Dans ces théorèmes on fait abfîra&'on
de la réfiftance de l'air ; cependant il eft boa
d'y avoir égard , & plufieurs géomètres s'y
font appliqués. V'oye:^ les Mém. de Péter s-^
bourg y tom. III Ù V. Voyez auflî moa
Ejjaifur la réfifiance des fluides , an. xcv j^
xcvy Ù fuiv. (O)
Calcul des nombres fignifie , en Méehckm
nique & parmi les Horlogers , l'art de cal-s
culer le nombre des roues & des pignon»
d'une machine , pourleurfairefaii-eun nom-
bre de révolutions donné dans un temp«
P E N
donné. On ne peut parvenir à cela , qu'en
modérant la vitefle des roues par un pen-
dule ou balancier dont les vibrations (oient
ifochrones. Repréfentez - vous un rouage
de pendule , la roue de rencontre, la roue
de champ , la grande roue , laquelle doit
faira^un tour en une heure ; le mouvement
lui eu communiqué par une roue adofîee à
une poulie , que le poids fait tourner en
tirant en en-bas : cette roue engrené dans
un pignon fixe au centre ou fur la même
tige que la grande roue , qui doit faire
un tour en une heure. Cette roue engrené
de même dans le pignon fixe fur la tige
de la roue de champ ; cette dernière en-
grené dans le pignon de la roue de ren-
contre , dont la viteflê efl modérée par les
vibrations du pendule , qui ne laifle paffer
qu'une dent de la roue de rencontre à cha-
que vibration au pendule ; mais comme cha-
que dent de la roue de rencontre, dans
une révolution entière , frappe deux fois
contre les palettes du pendule y il fuit que
le nombre de vibrations , pendant un tour
de la roue de rencontre , efl: double de
celui des dents de cette roue ; ainfi , li les
vibrations du pendule durent chacune une
féconde , & que la roue de rencontre ait
IÇ dents, le temps de fa*révolution fera
de 30" ou une demi -minute. Si on fup-
pofe que le pignon de la roue de rencen-
tre ait fix ailes ou dents , & que la roue
de champ qui le mené en ait 24. , il efl ma-
nifefte, vu que les dents du pignon ne
pafîent qu'une à une dans celles de la roue ,
qu'il faudra , avant que la roue de champ
ait fait un tour , que le pignon en ait fait
quatre , puifque le nombre de (es dents ell
coHtenu quatre fois dans le nombre vingt-
quatre de la roue. Mais on a obfervé que
la roue de rencontre , & par conféquent le
pignon qui eu fixé par la même tige , em-
ploie 30" à faire une révolution : par con-
féquent , la roue de champ doit employer
quatre fois plus de temps à faire i>ne révo-
lution entière ; 30' x 4 = 120" = 2' ;
ainfi le temps de la révolution eu de deux
minutes.
Préfentement , fi on fuppofe que le pi-
gnon fixé fur la roue de champ ait fix ailes ,
& que la roue à longue tige ait 60 dents, il
faudra que le pisaonfaiTcdk tours, ^v^t
P E N ~ 17^
que la roue en ait fait un ; mais le 4)ignon
fixé fur la tige de la roue de champ em-
ploie le même temps qu'elle à faire une ré-
volution , & le temps efl de 2' : la roue
de champ en emploiera donc dix fois da-
vantage , c'eft-à-dire , 20' ou 1200" ou
vibrations du pendule. Ainfi l'on voit que
le temps qu'elle met à faire une révolution ,
n'efl que le tiers de 3600" ou d'une heure ,
qu'elle devoit employer à la faire. Les
nombres fuppofés font donc moindres que
les vrais , puifqu'ils ne fatisfont pas au pro-
blême propofé ; ainfi on fent qu'il efl né-
cefTaire d'avoir une méthode iure de trouver
les nombres convenables.
Il faut d'abord connoîrre le nombre des
vibrations du pendule que l'on veut em-
ployer pendant le temps qu'une roue quel-
conque doit faire une révolution. Voye\â
r article pendule y la manière de déterminer
le nombre des vibrations par cette règle ,
que le quarré de ce nombre , dans un temps
donné , efl en ralfon inverfè de la longueur
du pendule. Divifez le nombre par deux ,
& vous aurez le produit de tous les expo-
fans : on appelle les expo/ans y les nom-
bres qui marquent combien de fois une roue
contient en nombre de dentures le pignoa
qui engrené dans cette roue. Ainfi , fi on a
une roue de foixante dents , & un pignon
de fix qui y engrené , l'e xpofant fera 10 , qui
marque que le pignon doit faire dix tours
pour un de la roue. On écrit les pignons
au deflus des roues , & l'expoiàn^ entre
deux , en cette forte :
^ = Pignons,
io = Expofans,
60 = Roues.
Lorfqu'il y a plufieurs pignons & roues,'
on les écrit à la file les uns des autres ,
en féparant les expofans par le figne X
( multiplie par) dont un des côtés reprc-
fente la tige , fur laquelle efl un pignon &
une roue , qui , ne compofant qu'une pièce ,
font leur révolution en temps égaux. Exem-
ple :
0778
A2.Xi^X6X5 X7I, &C, .
15 42 35 60 B
'j 2., 13, 6, 5, 7Î, font des expofàa3l
Z 2.
i8o P E N ^
ou les quotiens des roues divifés par leurs
pignons : 7 , 7 , 8 , les pignons : 1 5 , 42. ,
35, 60 , les roues qui engrènent dans les
pignons placés au defTus. Les X marquent ,
comme il a été dit , que le pignon 7 & la
roue 1 5 font fur une même tige , ainfi que
le fécond pignon 7 & la roue 42 ; de même
le pignon 8 eft fur la tige de la roue 35.
Théorème. Le produit des expofans dou-
blé efl égal au nombre àes vibrations du
pendule , pendant une révolution de la der-
nière roue.
Dc'monfiration. La roue de rencontre
15, ainfi. qu'il a été expliqué ci-defîus , ne
lailfe pafîêr qu'une dent à chaque vibra-
tion du pendule : mais comme chaque dent
paiîè deux fois fous les palettes du pendule ,
le nombre des vibrations , pendant une ré-
volution de la roue de rencontre, eft le
double du nombre de dents de cette roue ;
ainfi on doit compter '^o vibrations ou 2
X 1 5 : mais le pignon 7 , fixé fur la tige de
la roue de rencontre , fait fa révolution
en même temps que la roue fait la fienne ;
& il faut qu'il falîe fix révolutions , pour
que la roue 42 en tafîe une. Le nombre
de vibrations pendant une révolution de
cette féconde roue 42 , fera donc fextuple
de celui du pignon 7 , qui emploie B X I
à faire la révolution ; ainfi la roue 42 em-
ploiera 2 X 1 5 X 6 vibrations à faire une
révolution entière. Le fécond pignon 7 fixé
fur la tige de cette roue, emploiera autant
' de temps qu'elle à faire une révolution :
mais il faut cinq révolutions de ce pignon
pour un tour de la roue 3'); ainfi le nom-
bre de vibrations pendant un tour de cette
dernière roue , fera (2X15 X6) X ^
vibrations : le pignon 8 emploiera le même
temps , & la roue 60 ^ j \ fois davantage ,
puifqu'il faut que le pignon 8 falTe 7 \ tours ,
pour que la roue 60 en fade un : ainfi le
nombre des vibrations pendant une révo-
lution de cette dernière roue , fera ( 2 X
1 5 X 6 X O X 7 î , ce qui eft le produit de
tous les expofans multipliés par 2. C^efi ce
qu^ il fallait démontrer.
Dans un rouage , on place ordinairement
les plus petits pignons vers l'échappement ,
& les plus gros vers le moteur : on place de
même les roues plus chargées de dentures ;
ce qui fait que les plus grands expofans fe
P E N
trouvent vers l'échappement : aind , dans
l'exemple précédent , les roues 35 & 42
devroient changer de place , pour que les
expofans allaflent en décroiflant de A vers
B en cette forte :
G 5 7 9
^2Xi5XioX8X7X
10 56 63
Ce qui fait un rouage qui peut être employé
avec avantage pour toutes les parties. On
met le nombre de vibrations ou produit des
expofans à la fin , féparé feulement par le
figne = en cette forte ;
5 7 9
2X15 X 10 X 8 X 7=i58oo.
15 50 5(5 63
Ce qui exprime le nombre de vibrations
pendant une révolution entière de la der-
nière roue 63.
Lors donc que l'on fe propofe de conf»
truire un rouage, il faut connoîrre le nom-
bre de vibrations du pendule qu'on veut
appliquer au rouage pendant le temps que
l'on veut qu'une roue emploie à faire là
révolution. Suppofons que le temps foit
"une heure , & que le pendule batte les
fécondes , c'eft-à-dire , que chaque vibra-
tion foit de k durée d'une féconde , une
heure en contient 3600; ainfi pendant la
révolution de la roue , qui fera un tour en
une heure , le pendule fera 3600 vibrations ,
& le nombre 3600 eft le double du produit
de tous les expofans 2 x r x j- x f des roues
& des pignons qu'il faut connoître. Divifez
le nombre 3<5oo par 2 , il vient 1800 , qui eft
le produit des trois grandeurs inconnues r,
s ) t y mais que l'on fait devoir aller en dé-
croilfant de r à ^ ; & que Texpofant r , qui
repréfenre le rochet de la roue de rencontre,
peut être double du triple de l'expofant s y
qui ne doit fùrpafler le troifieme t que d'une
unité au plus.
Pour trouver les trois inconnues , on
fuppofe une valeur à la première r, & cette
valeur eft un nombre commode pour ètrt
un rochet , & eft toujours un nombre im-
pair pour une roue de rencontre. Suppo-
sant que r£=:3o, on le dégage facilement
de l'équation 1800= rjf, & on a pour
la valeur j ^ , j r = ' * 3 » = 60. Préfentement^
P E N
pulfque s & t font égaux ou prefque égaux ,
en lùppofant t = s ^ on aura l'équation
j j = 6o;donc s = i'6o : alnii il faut extraire
la racine quarrée de 60 ; mais comme elle
n'eft pas exade , on prend pour expofant
la racine du quarré le plus prochain , foit
en deffus ou en deflbus , & on divife le
produit s i = 60 par cette racine , & le
quotient eft l'autre expofant , & le plus
grand efl: celui que l'on met le premier :
ainfi dans l'exemple 64 eft le quarré le plus
prochain de 60 ; fa racine eft 8 : on divife
60 par 8 , il vient jt pour l'autre expofant.
On lej difpofera tous en cette forte :
2 X 30 X 8 X 7t = 3^00.
Préfentement il faut trouver les pignons
& les roues , ce qui n'eft point difficile.
Pour 7^ on prendra 8 pour pignon , &
pour roue huit fois l'expofant 7Î , ce qui
fait 60. Pour l'expofant 8 , on prendra un
pignon 7 , & la roue fera 56. La troifieme
roue , qui eft le rochet , efl toujours égaie
au premier expofant :.
17 8
a X 30 X 8 X 7t = 3.'^oQ
30 56 60
On doit obferver , 1°. lorfque l'expofant cft
un mixte , que le pignon doit toujours être
le dénominateur de la fradion du mixte , ou
un multiple de ce dénominateur, s'il eft
trop petit pour être un pignon : 2°. que
s'il y avoif trois expofans , s t u y non com-
pris le rochet ou la, roue de rencontre , on
devroit extraire la racine cubique de leur
produit : cette racine cubique ou celle du
cube le plus prochain , fera un dey expo-
fans. (D)
Pendule à équation à fécondes concentri-
ques , marquant les mois & quantièmes
des mois y les années bijjextilcs , & qui
va trei\e mois ^ans être montée y par M.
Ferdinand Beiithoud.
La fufpenfion de ce pendule eft à relTort;
Féchappement eft celui de Grahara , ren-
verfé , difpofé pour faire àécùre 9Xi pendule
d'aufli petits arcs que l'on veut.
Le rouage du mouvement ejft compofé
d une roue de plas que les pendules à quinze
jours, La première roue du- mouvement
P E N i5i
engrené dans un pignon qui fait un tour
en trois jours ; la tige de ce pignoîi ports
trois palettes ou dents , qui engrènent lue-
ceflîvement dans la roue annuelle, fendue
fur 366 dents à rochet , & maintenue par un
fautoir. Cette roue porte , comme celle de
la montre , ( voye\ MONTRE } une ellipfe,
qui agit fur un râteau , dont le mouvement
alternatif fe tranfmet au cadran à'' équation ,
par le moyen d'un pignon placé fur le canon
du cadran concentrique à celui des heures
& minutes du temps moyen. La conltruc-
tion de cette pendule étant abfolument fem-
blable à celle de la montre , je pafTe à.:ià.
conftrudion d'année biifextile.
Les années communes & biflextilès "(ont
marquées par la révolution d'un petit ca-
dran , tel que celui de la pendule que j'ai
décrite. Ce cadran reçoit fon^mouvemenc
de la roue annuelle de 366 dents , fendues :
i\ rochet , & maintenues, par un fautoir..
Des chevilles pofées fur cette roue agiffenc
fur l'étoile de huit jours , & déterminent
les politions de ce petit cadran-, divife en:
quatre années.
Pour que la. roue annuelle marque exac-
tement les jours du mois , il faut que , pen-
dant trois années confccutives , les dents
de cette roue, qui répondent au 29 février
& I'^^. mars , pafîént le même jour , tan-
dis qu'à l'année brffextile , ces deux mêmes
dents païTeat en deux jours. Venons actuel-
lement au raoyenque j'ai employé. L^ne àes
chevilles- de la roue annuelle , qui répond
au premier janvier, fait tourner l'étoile de
huit rayons d'un huitième de fa révolution,
& fait indiquer au cadran -qui porte l'étoile ,
la première , fécondé , troifieme année, ou
l'année bifîèxtile : une autre cheville, qui
répond au 28 février , fait encore tourner
cette étoile d'un autre huitième. La palette
qui fait mouvoir la roue annuelle ayant,
tait pafîcr la dent qui répond au 29 février,,
le rayon de l'étoile qui fe trouve aduellé-
raent en adion avec le valet., ell parvenu?
à l'angle de ce valet , lequel achevé de
faire parcourir un efpace à l'étoile , dont
un rayon' vient pofer fur une troifieme-
cheville que porte la roue annuelle ; ce qui,
oblige celle-ci de fe mouvoir de la quan-
tité d'une dent , qui répond au premier
mars ; ainfi- k dent qui fait fafTer ks
i82 P E N
palette , & celle que le valet & l'étoile ont
obligé de fe mouvoir , font les deux dents
qui palTent en un feul jour ; ce qui donne
les années communes , qui fe fuccedent trois
fois de fuite ; & comme la quatrième doit
avoir un jour de plus , le rayon de l'étoile
qui y engrené cÛ entaillé , de forte qu'il
n'a point d'adion fur la cheville du premier
mars : ainfi les deux dents du 29 février &
du premier mars paflênt en deux jours.
Je fais marcher cette pendule pendant
treize mois , avec deux poids égaux de dix
livres , qui agiiîent alternativement fur le
rouage , & ne defcendent que de 15 pouces.
J'ai réduit la chute à celte quantité , pour
éviter les incon"éniensqui rélLiltent de l'ap-
proche des poids contre la lentille qui par-
" court de très-petits arcs.
Le cylindre où s'enveloppe la corde qui
porte le poids , ell un mois à taire fa révo-
lution ; fon diamètre eft d'environ deux
pouces; enforte que pour l'J pouces de
chute d'un poids moufle , il fait fix tours î.
Pour doubler le temps , j'ai fixé au milieu
de la boîte , au haut , une poulie où pafTe la
corde du mouvement, laquelle paiîe encore
par une poulie mobile du fécond poids ; le
bout de cette corde eft enfin fixé au côté
de la boîte , oppofé à celui par où defcend
la corde depuis le cylindre : cette même
corde porte donc deux poids à-peu-près
d'égale pefanteur , à cela près que le fécond
doit être plus pefant de la quantité qu'il
faut pour vaincre le trottement des pivots
des poulies. Lorfque le premier poids def-
cend de quinze pouces , la corde qui mené
le mouvement fe développe de trente pouces.
Ce poids étant arrêté fur une planche qui
l'y oblige , le fécond commence à defcendre,
jufqu'à ce que defcendu au même point,
il ait développé la corde d'une même quan-
tité. Ce développement de 60 pouces répond
/ à treize révolutions du cylindre , qui font
mouvoir la pendule pendant treize mois.
De r exécution des pendules à équation.
La difficulté de l'exécution de ces fortes
de machines dépend en partie de la conf-
truclion que l'on a adoptée ; en général ,
la plus grande difficulté naît de la courbe.
C'eft aufli à la façon de la tailler que je
m'airêterai ; Icis autres parties font des en-
P E N
grenages. Or , pour exécuter le moindre
ouvrage d'horlogerie , il faut favoir faire
des engrenages , de même que des ajufte-
mens , avec intelligence ; ainfi , je puis
me difpenfer d'entrer dans les détails où
m'entraîneroient ces difiïrens objets : d'ail-
leurs , ceux qui n'ont qu'une foible connoif-
fance de l'engrenage , doivent recourir à
VarticlQ Engrenage. Voyez ENGRENAGE
& l'explication qui précède la planche.
Pour tailler une courbe ou eUipfe , il
faut commencer par remonter la cadrature
d'équation ; former des repairs , fi c'eft une
conftrudioii qui en exige ; attacher le ca-
dran ; mettre la roue annuelle en place ,
ainfi que i'ellipfe , & le levier qui doit
appuyer deffus ; percer un trou à ce levier:
ce trou doit d'abord fervir , 1°. à tracer la
courbe ; 2^. à porter une fraife ou lime
circulaire , dont je parlerai bientôt ; & enfin,
il doit porter un cylindre , pour appuyer fur
i'ellipfe lorfqu'elle eft finie. Le trou doit
être percé de forte que , dans les diiiérens
points où I'ellipfe le poufle , il faffc à-peu-
près une tangente de cette courbe.
Il faut , après que cela eft ainfi difpofé,
mettre en place les aiguilles du temps vrai
& moyen , & fixer cette dernière à foixante
minutes précifes.
Alors , faifant mouvoir celle du temps
vrai , & par (on moyen le levier ou râteau ,
on mettra la roue annuelle au premier jan-
vier ; par exemple , il faut voir dans une
table adéquation , foit celle de la con-
noifTance des temps , qui a pour titre , table
du temps moyen au midi vrai y ou autres,
la quantité dont le folcil avance ou retarde
le premier janvier , par rapport au temps
moyen ; & conduifant l'aiguille du temps
vrai au nombre des minutes & fécondes
indiquées , prendre le foret avec lequel on
a percé le trou du levier ou râteau , &
marquer un point lur la plaque qui doit
former la courbe. Cette opération faite , il
faut faire palTer cinq diviiions de la roue
annuelle qui répondent à cinq jours ; ce qui
par conféqucnt donnera le cinq janvier : on
verra dans la table ^équation dudit jour ,
& l'on conduira l'aiguille du temps vrai k
la quantité que marque la table ; & comme
au premier janvier on marquera un
point fur la plaque , ainfi de cinq jouïs
P E N
en cinq jours on fera de même , JLifqu'à
ce que la révolution annuelle foit achevée.
Les points marqués par le foret détermine-
ront donc la figure de la courbe ; il ne
s'agira plus que de la tailler : lorlque l'on
aura percé un trou à chaque point marqué ,
on pourra , avçc une petite fcie , couper
cette courbe , en ne faiiant qu'effleurer les
trous , & réfervant pour les emporter à
la faire avec une lime.
Une courbe taillée avec les foins que je
viens d'indiquer , pourroit être aflez jufte ;
cependant , pour y donner un plus grand
degré de perfedion , il faut l'égahfer avec
une fraife ou lime circulaire d'environ trois
lignes de diamètre : cette fraife porte deux
pivots , dont un roule dans le trou qui
a fervi à marquer la courbe , & l'autre eu
porté par un petit pont attaché fur le râteau.
La fraife mife dans cette loge porte un
cuivrot ou poulie , dans laquelle on fait
palTer une corde d'archet , par le moyen
duquel faifant tourner la fraife , on em-
porte la matière qu'il y a de trop à certaine
partie de La courbe. Pour cet ettét , on verra
la table d'équation : voyez EQUATION ,
& de quelle quantité l'aiguille du temps
vrai diffère du nombre des minutes & fé-
condes données pour tel jour : mais il
faut obferver , avant de rien limer à la
courbe , que le diamètre de la fraife , que
j'ai fuppofé de trois lignes , éloigne par
confcquent d'une ligne & demie le râteau
de la courbe , de plus qu'il ne l'étoit lorf-
qu'il a fervi à la tracer ; ce qui changera
néceffairement la fituation de l'aiguille du
temps vrai : ainfi , pour faire reprendre à
cette aiguille la place que détermine la
table d'équation , il faudroit emporter tout
autour de la courbe la grandeur du rayon
de la fraife , qui ièroit un ouvrage inu-
tile , pénible , & qui rendroit la courbe
plus petite qu'elle ne doit être. Pour parer
cette difficulté , je fais le levier de deux
pièces ; celle qui agit & pofe fur la courbe ,
peut fe mouvoir féparéraent de l'autre par-
tie du râteau ; de forte qu'on éloigne &
approche de la partie qui touche la courbe ,
jufqu'à ce qu'appuyant fur cetts courbe au
point où elle tÛ trop enfoncée , l'aiguille
marque Vequation répondante audit jour.
Alors , ayant £xé enfetnble les deux parties
PEN 183
du râteau , on emportera d'abord de cinq
jours toutes les parties de la courbe où il
y a trop de matière , & on limera les in-
tervalles lorfque l'on aura fait la révolution.
Enfin , on peut après cela y toucher ùk
chaque jour , & l'égaler jufqu'à ce que
l'aiguille marque exactement l'équation : il
ne iera plus qucflion que de lubflitU'jr , en
place de la fraife , un rouleau de même
diamètre pour tourner dans les mênaes trous,
lequel appuiera fur l'ellipfe.
Pour tailler une courbe avec beaucoup
de précilîon , il ne fuffit pas de divifer , par
la limple vue , chaque divilion des minutes
du cadran , en des parties que l'on fuppofe
être de trente fécondes, de 15^ de 10,
de 5 > ^<^. il faut de plus les divifer en effet
avec un compas , de forte que chaque divi?»
fion de minutes foit divifée en douze autrrjs
parties, plus ou moins, fuivantlaprécilicaii
que l'on voudra donner à fa courbe.
Cadrature d'équation , confiruite p tar
M. Dauthiau.
Les (ècondes font concentriques. La tige
du rochet pafîè à travers le pont fixé fcr la
platine des piliers. Ce pont porte le&. deux
: roues du temps vrai & moyen , & cdle du
cadran. La roue du temps moyen eft menée
par le pignon qui porte la tige de !^ r®ue qui
engrené dans le rochet d'échappé m^ait.
La roue du mouvement tait fà révolu-
tion en une heure. Sa tige paiïê la cadra-
ture, & porte quarrément un canon fur
lequel ell rivée une roue de champ , qui
fait mouvoir le pignon , dont l'axe efl pa-
rallèle au plan de la platiae. Ce pignon eft
pofé & tourne entre deux petits paîirs fixés
fur une roue d'un nombrt de dents à volonté.
Cette roue engrené dans un râteau , dont
un bout appuie fur rellipfc : la pofition de
ce râteau dépend de celle de la roue an-
nuelle , que l'on peut faire concentsiquô
au cadran , on qu'on peut également
placer hors du. centre.
La roue annuelle excentrique au cacJran
efl cependarit préférable , non-feulement
parce qu'elle évite des frottemens, mais
encore pour la facilité de tailler la courbe.
Cependant la difpofition des boîtes, ou la
confiruâion d'une pièce , ne permet gas.
toujours 4^ ^^ placer de cette Ibrtc»
i84 P E N
Le pignon engrené dans une foue de
champ de même nombre que celle qui fait
mouvoir le pignon ; elle eiï d'un diamètre
plus périt , pour que le pignon qui eit mené
ait la grofleur requife pour taire mouvoir
lui-même. Koyq ENGRENAGE , & ladef-
cription de la machine à engrenage à la
tèiQ de la planche.
La roue de champ pourroit ne former
qu'une feule roue avec celle qui engrené
dans la roue du temps vrai : mais fi cela
étoit , en tournant l'aiguille des minutes du
temps vrai , celle des heures refleroit im-
mobile ; ce qui feroit un défaut d'autant
plus grand , que par celle da temps moyen
on ne peut taire tourner ni l'une ni l'autre
aiguille du temps vrai ; ainfi il taudroit
Jes faire tourner léparément l'une de l'autre ,
fSc faire des divifions de quarts pour l'aiguille
des heures, correfpondantes à celles des
minutes. V'ojei l'article Pendule a
SECONDES , & la defcription de la pen-
dule de M. Julien le Roi.
Pendule de M. Rivaz à deux cadrans & à
deux aiguilles.
Cette pendule a deux cadrans, dont un,
qui eft excentrique, fert pour taire marquer
par une aiguille le temps vrai , &c l'autre les
heures & minutes du temps moyen.
La tige de la roue des minutes porte un
{Mgnon mis fous la roue de chauflee, &
a roue de chauflee eft portée par la tige
qui porte le pignon , centre du grand ca-
dran ou du temps moyen. Une tétme tour-
née fur le trou même du pivot du pignon ,
roule dans un trou fait à la platine ; ainli
la pièce placée fur la platine, & mobile
RU centre du pignon , fe meut circulaire-
ment liir le centre. Le pivot du pignon
traverfe un pont ; il eft de longueur fulhiante
pour porter faiguille du temps vrai. Un
levier appuie fur la courbe portée par la
roue annuelle que fait mouvoir le pignon ;
ce levier fe m,eut fuivant les difFérens dia-
mètres de la courbe.
Les deux pignons font d'égal nombre
&: du même diamètre ; mais celui qui mène
«Il plus gros que l'autre. L'un de ces pignons
fera un demi-tour pafTé pour répondre à
k variation apparente du foleil : & l'on voit
que c'^fl la courbe qui détermine la quantité
P E N
de Ton mouvement , ainti qu'à toutes les
conftruûions de cadrature d'équation.
Le nombre des dents de la roue paroît
d'abord alfez arbitraire ; cependant c'cft de
la nature de l'engrenage de cette roue avec
les pignons , que dépend en partie le balo-
tage de l'aiguille du temps vrai. Les pignons,
pour cet etfet, doivent être au moins de
douze , & faire douze tours pendant que la
roue en fait un.
Cadrature d'équation à heures & minutes
du temps h-rai , par M. RiVAZ.
La courbe , en faifant monter & des-
cendre le levier , fait néceflairement mon-
ter & defcendre la plaque de cuivre qui
pofe fur la platine du mouvement ; cette
plaque a une entaille formée par une por-
tion de cercle , dont le centre ell celui
d'une des roues. Une vis à affiette tient à
la platine , & donne la liberté à la plaque
de cuivre de fe mouvoir. Sur cette plaque
ell attaché le pont , par le moyen de deux
vis. Le pont & la plaque forment une cage,
dans laquelle fe meuvent la roue du cadran
& le pignon , l'un & l'autre ayant un centre
commun.
Ce que nous avons dit en faifant la det^
cription àts autres pendules , fuppléera aux
autres détails que nous omettons dans la
deicription de celle-ci : inutiles pour ceux
qui ne connoiflent point l'art , ils feraient
iuperflus pour ceux qui l'ont étudié.
On pourroit peut-être croire que la pefan-
teur du cadran doit caufer une réfiftance
qui exigera que le mouvement ait un refïbrt
plus fort , ou un poids plus pefant ; mais
fi l'on fait attention à la lenteur du mou-
vement de l'ellipfe & au peu d'efpace par-
couru , robjedion fera réduite à rien.
Pendule à équation de M. JuLIEN LE Roi.
La roue fait fa révolution en 3^5 jours.
Sur cette roue font gravés les mois de
l'année & les quantièmes des mois , qui
paroifîent par une ouverture faite au cadran
à l'endroit de 6 heures. Cette roue eft con-
centrique au cadran , & mue par le mou-
vement dont la première roue porte quarré-
ment , du côté de la cadrature , un pignon de
quinze dents , qui fait , ainfi que la roue , un
tour en dix heures, & engrené dans la roue de
champ
P E N
champ de trente dents. Elle efi: rivée
fur la pièce qui porte itne vis fans fin ,
/impie , laquelle engrené dans la roue de
trente dents. La tige de cette roue paflTe
à travers la plaque , & porte quarrément le
pignon ; ce pignon eft de quinze dents ; il en-
grené dans la roue annuelle de deux cents
dix-neuf dents. Le prolongement du quatre
du pignon pafTe au travers du cadran : il
fert à faire tourner le pignon féparément
de la roue ; il tourne à frottement fur cette
tige j par le moyen d'un relîbrt qui preflè
la roue contre Tailierte de ce pignon.
Les fécondes font concentriques au cadran.
La tige du rochet des^ fécondes porte un
pignon de douze dents , lequel pafîe au
travers d'une pièce qui a le même centre
de mouvement que le rochet. Cette pièce
fe meut fur un pont , pour faire une
demi- révolution qui produit la variation de
l'aiî^iille du temps vrai. La roue de quatre-
vingt-dix dents engrené dans le pignon
fixé fur la tige du rochet des fécondes :
cette roue eft portée par la pièce qui a le
même centre de mouvement que le rochet ,
& par un petit pont attaché à cette pièce.
La roue de quatre-vingt-dix dents porte
un pignon ^de douze dents , qui engrené
dans la roue du temps vrai qui a quatre-
vingt-feize dents. Cette dernière porte à
frorrement la roue fixée fur le canon qui
porte l'aiguille du temps vrai ; enforte qu'on
peut faire tourner cette roue indépendam-
ment de la roue du temps vrai : cette
première roue engrené dans celle de ren-
voi. Ces deux roues font de même nora-
brel La roue de renvoi porte un pignon
qui fait mouvoir la roue du cadran : ainfi
en faifant tourner l'aiguille du temps vrai ,
celle du cadran fe meut aufîî ; mais celle
du temps moyen refte immobile ; & en
la faifant tourner , elle ne faft pas' mou-
voir celle d^ temps vrai ; ce qui a obligé
de. faire graver fur la roue annuelle la dif-
férence du temps vrai au ternps moyen ,
pour tous les jours de l'année , afin de
remettre les aiguilles à l'équation'lo'rfque
la pendule a été arrêtée. La roue qui fait
mouvoir celle du cadran porte quatre
chevilles , qui fervent à lever la détente
de la fdn ne rie qui fojine les ht;ur?;s ^ les,
quârtJdu ternps vrai. -'.-./..a.*. *-w. ^
Tome XXV.
P E N li^
La tige de la troifieme roue de mouve-
ment porte un pignon de neuf dents, qui
fait mouvoir la roue du temps moyen de
foixante & douze dents. Le coq porte une
broche qui paflè a travers la fauiïè pla-
que ; cette broche eft conduite par une
fourchette , qui porte celle des roues qui
engrené fur le râteau , lequel appuie liVr
Pellipfe ou courbe. Les ditFérens diamètres
de l'ellipfe font avancer ou retarder Paiguille
du temps vrai , ce qui fe fait par le mouve-
ment que le râteau imprimée au chaffis. Ce
chalîis entraîne avec lui la roue qui engrené
dans celle du temps vrai. Le plus petit
rayon de la courbe répond au 1 1 Fé-
vrier , temps oij le foleil retarde de 14 44" ;
&c le plus grand au premier Novembre ;
où , au contraire , il avance de 1 6' 9". La
fomme de ces deux excès du temps vrai
fur le moyen , donne l'efpace que doic
parcourir la roue du temps vrai , fans que
celle du temps moyen (e meuve.
Pendule a équation , préfentée en îJ^Z i
l'Académie des Sciences par Ferdinand
Berthoud. Cette pendule marque aujji
tannée bijjextile ; ce qui évite de retou-''
cher aux quantièmes.
La roue de barillet de (bnnerie engre-
né dans un pignon qui fait un tour en 14
heures. La tige de ce pignon patle à la
cadrature , & porte quarrcment uneafïiette.
Sur le prolongement de cette tige eft ajufre
un cylindre , qui porte une dent partagée
en deux parties , dont Pune , plus taillante
que l'autre , peut monter & defcendre fur
cette tige , dont la partie qui pafié à travers
le cylindre eft ronde.
Dans les années de 3(^5 jours , la partie
la moins faillante de la dent fiit palîèr
364 dents de la roue annuelle , & les deux:
dents de cette roue , qui reftent encore, font
prifa par la' partie la plus faillante de la
dent; enforte que les 366 délits de la roud
annuelle font prifes en 36; fois , qui ré-
pondent à autant de jours.
Une étoile , divifée en huit parties , eft;
mue par deux chevilles , que porte la roue
annuelle , dont une fait pafTer une dent de,
Pétoile le 3^ décembre',, a minui; , .& l'au-
tre*'le' 25? FeVfier / à7â iiîeme^heure. Cette*^
Aa
lU P E N
étoile porte une plaque , qui pafîè entre la,
roue annuelle & le cadran , où eft gravé
première , féconde , troifieme année , & an-
née biirextile , lefquelles paroiflènc alterna-
tivement à travers une ouverture faite pour
eet effet au cadran.
Cette méthode de marquer les années
biflextiles , ôc de faire mouvoir la roue an-
nuelle , quoique plus (impie que celle qu'on
avoir fuivie , ne m'ayant point farisfait , j'ai
cherché depuis un nouveau moyen , qui
étant plus (impie , conferve toute la (oli-
dité poITibiC ; ce que je compte avoir trou-
vé , comme on peut le voir dans une pen-
dule à équation où je Tai appliquée. La
comparaifbn de ces deux conftruélions m'a
perfuadé , que Ton ne parvient pas fùrement
à faire des machines limples j fans avoir vu
ou paflé par les compofées.
La roue du temps moyen engrené à l'or-
dinaire, dans celle de renvoi , dont le pignon
engrené dans celle du cadran. Sur cette
roue eft attachée une partie de cuivre , qui
porte un petit pont qui fait une efpece
de cage pour Péroile fendue en 20 parties.
Cette étoile porte un pignon à lanterne
de quatre dentsî , qui engrené dans la
roue du temps vrai : c'eft en faifant tour-
ner l'étoile de Pun ou de l'autre côté , qu'on
fait avancer ou retarder la roue du temps
vrai , fans que celle du temps moyen fe
meuve. Le levier mobile fert à produire
cette variation. Une partie de ce levier
porte deux chevilles j celle de la partie fu-
périeure fert à faire retarder l'aiguille du
temps vrai , de l'autre la fait avancer. Ce
font les diftcrentes parries de la pièce , tail-
lée en limaçon , qui déterminent la quantité
de dents qu'une des chevilles doit faire
pafler , ôc dans quel fens elle doit le faire :
ces pas de limaçons font déterminés par
l'équation du jour.
Le levier peut fè mouvoir , non feulement
£n tournant lur fês pivots , mais encore
ipontcr & baifler fuivant leur longueur.
L'ailiette de ce levier repofe fur une pièce
qui a mie entaille , laquelle fe préfente , à
chaque 24 heures , à 11 heures du foir, &
kii permet de s'y enfoncer : alors le levier
préfente l'une ou l'autre de fes chevilles à
î'étoile , <jui , emportée par la roue des mi- ,
P EN
nutes du temps moyen , rencontre une des
chevilles du levier , laquelle s'engage entre
les roues de l'étoile , & la fiit tourner plus
ou moins , fuivant que la cheville fe pré-
fente loin ou près du centre ; c'eft cette
quantité qui rcpréfcnte l'équation diurne.
A minuit , l'entaille dans laquelle l'afTiette
étoit dcfcendue , continuant à fe mouvoir ,
fait remonter le levier par un plan incliné
fiit à l'entaille. Le levier refte élevé jufqu'à
onze heures du foir ; ce qui empêche les
chevilles qu'il porte de s'engager , pendant
tout ce temps , dans les dents de l'étoile ,
quoique l'étoile fafl'e la même révolution , •
Se foit toujours emportée par la roue des
minutes.
La pièce que porte cette» roue eft pour
faire équilibre , non- feulement avec l'étoile
ik fà petite cage , mais encore avec l*ai-
guille des minutes du temps moyen ; l'ai-
guille du temps vrai eft d'équilibre par elle-
même.
J'ai fait graver fur la roue annuelle , dans
une partie au-defl'ous de celle des mois
& de leurs quantièmes , la différence du
temps vrai au temps moyen , afin que fi 011
laifïbit la pendule arrêtée , on la puiliè remet-
tre à Véquatfoa fans le fecours d'aune table r
il n'y a que les cas particuliers qui obligent
de retoucher à cette équation , puifqu'en
feifant tourner l'aiguille des minutes du
temps moyen , celles du temps vrai & du
cadran tournent aufïi.
Je joins ici une table particulière , que j'ai
drefïée pour tailler la courbe : elle fert à
déterminer l'efpace qui doit être compris
depuis chaque pas de limaçon jufqu'à l'au-
tre ; & pour ne rien laifler à defirer , & évi-
ter rembarras où pourroient fe jeter ceux
qui voudroient exécuter ces lortes de pen-
dules , je jnarquerai les moyens que j'ai
mis en ufage pour pluiieurs de ces ouvra-
ges , que j^ai exécutés fur ce principe avec
beaucoup de facilité. J*aurois du remettre
ce qui regarde l'exécution pour la fin deccr
article , que je terminerai par la partie
de l'exécution j mais comme fes moyens:
d'opérer pour cette Gonftru<5tion-ci luî
font particuliers , & ne peuvent fervir
à d'autres , il m'a paru plus naturel de les
placer immédiatement après la defcription.
PEN
Au moyen d'une vis , je puis rendre le
kvier immobile au point que je veux. Je
fixe d'abord le levier , enforce que ni l'une
ni l'autre cheville ne puiflfent s'engager dans
l'étoile i & là , je trace fur le plan un trait ,
qui (bit fin ik près du levier , qui me fert de
règle. Je marque zéro fur ce trait , qui me
fèrvira pour tracer les parties de la courbe ,
où , d'un jour à l'autre , l'équation n'eft ni
augmentée ni diminuée. Je fais changer le
levier de pofition , ôc le place de force que
la cheville fupérieure puifle s'engager , pour
faire tourner une dent de l'étoile , ce qui
répond à cinq fécondes , de marque i fur ce
trait ; & continuant les mêmes opérations ,
en marquant fuccelTivement une dent , z, 3
&c. jufqu'à ce que le levier s'engage aflez
avant dans l'étoile pour faire changer fîx
dents , lefquelles feront 50 fécondes , qui
cft la plus grande quantité dont le foleil
varie en 14 heures i fur ce coté je marque ,
retarde , afin de me (buvenir que c'eft pour
faire retarder l'aiguille du temps vrai. En-
fuite , je fais palier mon levier de l'autre
côté du trait de zéro , & je marque quatre
traits , avec les foins que j'avois pris pour
les autres ; c'eft-à-dire , que l*un réponde
à l'enfoncement qu'exige U cheville infé-
rieure pour faire tourner l'étoile d'une dent ,
& enfuite de 1 , 3 , jufqu'à 4, qui feront 10
fecondcs , & marquer de ce côté , avance.
Ceci détermine donc tous les enfoncemens
des pas de limaçon -, il n'eft plus queftion
que de leur longueur , qui efl: marquée dans
la table ci-après.
La roue annuelle , l'ellipfe & le levier
étant ainfi en place , je fixe le levier fur le
trait du zéro , &: fais tourner la roue an-
nuelle , & la mets au 18 de Mai ; & par
un trou percé au levier , je marque un point
fur la courbe : il faut enfuite faire paffer
une dent de la roue annuelle , ce qui don-
nera le 19 Mai , & mettre le levier fur le
trait I , côté du retard ; marquer un point
fur la courbe avec le foret ; enfuite faire
palier la roue annuelle au 50 Mai : marquer
encore un point , &: fuivre ainfi la table ,
jufqu'à ce que la révolution annuelle (oit
faite. Enfin , percer des trous fins pour tous
les points marqués , & tirer des traits de
compas pour tous les trous qui fe trou-
vent à la mêiae diAance du centre.
P E N 1S7
Tahle pour tracer la courbe de la Vendule
ci-d^ffus , calculée pour les années bif-
fextiles & communes.
Du 1 1 Mai , le levier fera fur o ju(^
qu'au 1 8 dudit mois j du 1 9 , une dent
[du cozé retarde , jufqu'au 30 ; du 5 i
IMai , z dents jufqu'au 1 1 Juin ; du 1 z
dudit, 3 dents ju (qu'au 18; du 19 ,
Il dents jufqu'au 15 i du 14, 3 dents
fjufqu'au 28 ; du 29 dudit , 2 dents
jufqu'au 1 2 Juillet ; du 13 dudit , une
dent julqu'au 22 j du 23 , o juiqu'aa
30.
rs
Du 31 Juillet, une dent du côté <ivtf/i-
ce , jufqu'au 7 Août ; du 8 dudit , 2
[dents julqu'au 17 j du 18 dudit , $
dents jufqu'au 28 , du 29 Août , 4
dents jufqu'au 4 Octobre ; du y dud.
, 3 dentï j ufqu'au 1 5 ; du i (> , 2 dents
jufqu'au 23 ; du 24 dud. une dent juf-
qu'au 30 ; du 3 1 Octobre , o jufqu'au
^5 Novembre.
Du 6 Novembre , une dent du côte
du retard , jufqu'au 11 , du 12 , 2
dents jufqu'au 17 ; du 18 , 3 dents
ijufqu'au 21; du 23 , 4 dents juiqu'aa
30; du r Décembre , y dents jufqu'au.
Il ; du 12 , 6 dents jufqu'au 3 Jan-
ivier ; dii 4 dud. 5 dents jufqu'au 12 y
[du 13 dud. 4 dents jufqu'au 21 ; du
22 , 3 dents jufqu'au 27 ; du 28 Jan-
vier , deux dents jufqu'au i Février ;
du 2 dud. une dent jufqu'au 8 ; du 9 ,
o jufqu'au 14 Février.
Du I y Février , une dent du côté
avance , julqu'au 21 ; du 22 , 2 dents
^ ■ jufqu'au I Mars ; du 2 , 3 dents jul-
.^ qu'au 16 ; du. ij y 4. dents jufqu'au 27 ;
a (^ du 28 , 3 dents jufqu'au i Avril ; du 2
dud. 4 dents jufqu'au 8 ; du 9 Avril ,
3 dents jufqu'au 22 ; du 25 , 2 dents
jufqu'au 29 ; du 30 , une dent jufqu'à*
II Mai ; du 12 , o jufqu'au 18.
Des Pendules a heures & minutes du foleil ,
lefquelles ne marquent point le temps
moyen de celle du Père Alexandre.
La roue amuielle fait fa révolution e»
f
/
V
X&8.
P E N
365 jours, 5 heures , 48 minutes ,58 fécon-
des il de féconde.
Je dois joindre ici les nombres des roues
8c pignons que le Père Alexandre a em-
ployés pour cette révolution annuelle af-
ironomique. Les voici pour tout le rouage ,
comme il Ta donné.
Rochet 50 , pignon 88.
Roue moyenne 60.
Pignon 10.
Roucdes minutes ou d'une heure 80.
La roue de douze heures 96.
Pignon 7.
Roue fuivante 50.
Pignon 7.
Roue pénultième 6cf.
Pignon 8.
Dernière roue annuelle 8 3 .
Cette révolution aftronomique eft fort
cx'aéle , & eft fans contredit une des meil-
leures que Ton ait employées. Ceux qui
voudront faire mouvoir différentes plarje-
tés , doivent confuker le Père Alexandre
pour les calculs. M. Camus , dans fon
Traité de Méchanique jîatique , trcifianc
Partie , a donné les calculs de différens
jourges ; il y a joint celui d'une révolu-
tion annuelle , qui ne diffère de la révolu-
tion annuelle m.oyenne du ioleil, que d'une
féconde 14 tierces. En voici les nombres.
Une roue de ii heures porte un pignon 4 ,
qui engrené dans une roue de 25 i celle-ci
porte une pignon 7 , qui engrené dans une
roue de 69 ; celle-ci porte un pignon 7 ,
qui fait mouvoir la roue annuelle de 83 ,
qui fait la révolution en 3 65 jours , 5 heures ,
48 minutes , 48 fécondes , 46 tierces : une
révolution de la lune termine ce qu^il a écrit
du calcul àts planètes.
La roue aqnuelle du Pcre Alexandre
porte une ellipfe , fur laquelle appuie un
Jevier, qui porte le pendule fufpendu par
un reffort qui paffe bien jufte dans une
fente d^un coq , fait comme ceux des pen-
dules à fécondes ordinaires j le reflbrt peut
monter & defcendrè dans cette fente : c'ck
le coq qui donne le centre d'ofcillation du
pendule ; ce coq eft fixé fur la cage du
mouvement. Pour produire les variations
apparentes du foleil , le Père Alexandre
^t allonger & ralei;itir le pendule > efet
P E N
quî eft produit par l'ellipfe , ^ont ics dia-
mètres font donnés en raifon de l'alonge-"
ment ou raccourciflem.ent qu'exige le pen-
dule pour faire avancer ou recarder de telle
quantité en Z4 heures : il eft entré là-deflus
dans des détails fort étendus , qu'on peut
voir dans ion Livre , pag. 147. Sa théo-
rie a fans doute le mérite de la fimpliciré /
mais pour l'approuver , il ne faut pas faire
attention aux inconvéniens que la pratique
entraîne ; une feule erreur détruit tout Pédi-
fice i l'erreur la moins fenfible que puifîe
avoir la courbe , produira une variation
fenfible aux aiguilles j car je luppofe que
le pendule foit trop court , par Pinégaliié de
l'ellipfc , de la douzième parcie d'une ligne ,
le pendule avancera de 12 fécondes en 14
heures , ê'c. Toutes les vibrations qu'elle.
fera pendant ce temps , fc feront en moins
de temps qu'elles ne devroient ; & cette
erreur , multipliée par leurs nom.bres , don-
nera les li fécondes pour un point feule-
ment , & chaque jour même difficulté ; &
d'ailleurs , cette méthode n'eft pas prati-
cable avec les pendules pefans , tels qu'on
les fait aujourd'hui , éc dont les propriétés
ont été bien démontr'ées de nos jours par
M. de Rivaz : & enfin , je ne fens pas trop
l'avantage d'un pendule qui divife lé temps
en des parties inégales feulement : il écoit
cependant à propcs de donner une idée de
cette conftruàion , pour l'intelligence de
tout ce qui a rapport à l'équation ; & de
plus , je fuis perluadé que la connoiflcnce
de toutes forces de méchanifmes aide beau-
coup à d'autres couftru6tions , pour pro-
duire certains effets , quoiqu'ils n'aient ce-
pendant pns de relations apparentes avec ce
qui en a fiit naître la première idée \ ainfi il
n'y a rien à négliger de ce qui regarde les arts
méchaniques : il faut cependant toujours fup-
po(er de l'intelligence dans celui qui en a fait
une nouvelle application à d'autres objets.
Defcription d'un moyen particulier de faire
une révolution annuelle ajlronomiqiie ; dé
marquer les quantièmes du mois , les mois
de l'année , & les années hijfextiles , par
M. Amirauld , Horloger à Paris,
Cette pièce eft exécutée dès 1734 ; &
quoique le méchanifme en foit allez ingé-
nieux poui avoir mérité d^ctre .préfenté à
P E N
Paca^émîe-, l'auteur ne l'a pas jugé à pto-
pos , & cela par un fentimcnt de modeftie ,
qui ne peut que lui faire honneur i car de
nos jours on cherche à fe faire payer de
la moindre production , par des éloges que
l'on n'a pas toujours mérités : quoi qu'il en
foit , il a bien voulu me confier cette pièce ,
ik je crois faire un préfent au public, en
rinierant dans le dépôt des connoiflances
humaines. Je penié cependant que louvrage
trop compliqué pourroit être réduit à une
moins grande quantité de pièces i mais rien
n'eft à négliger en fait d'arts , fur-tout lorf-
que la compoiition annonce du génie & un
homme qui pofl'ede fon objet.
La roue annuelle fait fa révolution en
565 jours dans les années communes , & en
366 dans les années bifTextiles.
Cette roue annuelle fait mouvoir un petit
rouage qui lui eft particulier , Se qui efc
compofé de trois roufs Se du volant. Elles
font placées dans une petite cage formée par
la platine des piliers & par une autre pièce ;
la tige du pignoiî d'une de ces roues pafTe
à travers cette pièce , & porte quarrément
un pignon de quatre dents. Ce pignon
engrené dans le cercle où font gravés les
quantièmes du m.ois , 5c lui fait faire une
révolution en 3 1 jours. La roue dont nous
venons de parler fait un tour chaque jour,
lorfque les doubles détentes ont donné la
liberté à la cheville que porte cette roue de
fe dégager & de faire cette révolution. Ces
détentes font le même effet que celles d'une
(bnnerie ; Tune des détentes eft portée par
le quatre d'une tige qui pafle à travers les
platines. La partie de la tige qui palfe à tra-
vers l'autre platine , porte quarrément un
levier , qui eft mu par une roue de la fonnerie
qui fait un tour en 24 heures ; elle porte une
cheville qui fait agir les détentes & dégage
les chevilles de la roue.
Sur la platine des piliers, au-defïbus de
la roue annuelle , eft fixé un barillet , dans
lequel agit un rellort qui fait tourner la
roue annuelle , au moyen d'un enclique-
tage qu'elle porte , & fur lequel agir un
rocher qui porte l'arbre du .barillet , dont le
quarré va jufqu'au cadran, & fert à re-
monter ce petit rouage tous les quatre ans
feulement. On peut envifager ce rouage
comme une efpece de fonnerie , donc la
PEN iS^
plaque efl: la roue de compte , qui fait faire
372 tours à la roue , qui répondent à tous
les jours , & font tous les mois de 5 1 jours.
On conçoit que cette roue n'étant déga-
gée qu'une fois chaque jour , à ne fuivre
que ce méchanifme la roue annuelle feroit
une révolution en 371 jours. L'effet de la
plaque eft donc pour faire paftèr le nom-
bre des jours dont la roue annuelle eft com-
pofée pour chaque mois , lefquels font tous
de 31 , comme je viens de le dire , ôc qui
excède celui dont tel mois eft compofé ;,
enforte que fî c'eft un mois de 28 jours ,
la roue fera quatre tours en un feul jour ,
par le moyen de la partie faillante de la
roue de compte , qui fait refter la détente
levée juiqu''à ce que k roue ait fait quatre
révolutions, & ainfi des autres : mais la roue
annuelle emporte avec elle , en tournant , la
roue de 40. Celle-ci engrené dans un pignon
à lanterne , fixé fur la plaque j la roue de 40
fait donc un tour en quatre ans. Elle porte
une plaque ; cette plaque a une entaille , où
le levier entre tous les quatre ans une fois.-
Ce levier eft porté par la roue annuelle ; il
lertpour les années biflextilcs; c'eft-à-dire,
il fait que la roue de compte préfente une
partie faillante moins large, & qui par con-
iequent ne fait pafter que trois jours , au lieu
de quatre qu'il en doit paflér dans les années
communes de 36; jours , pui.^que Pon a dit
que la roue annuelle eft calculée pour faire
une révolution en 372 jours ; enforte que
chaque mois feroit de 3 1 jours. Le mois de
février de l'année commune eft donc com-
pofé de quatre jours de trop.
La partie faillante de la roue de compte
a une largeur qui tient la détente levée
jufqu'à ce que la roue ait fait trois tours.
Une partie du levier eft mife contre la par-
tie faillante de la roue de compte , qui ré-
pond au mois de février , & la rend plus
large d'une quantité qui répond à un jour :
ainii ces deux parties tiennent levées les dé-
tentes , & permettent à la roue de faire
quatre tours , qui répondent à quatre jours..
Le levier refte dans cette pofîtion pendant
trois années ; & à la quatrième , qui eft
la bilTcxtile , il entre dans l'entaille de la
plaque , & diminue pour lors la largeur
de Ta dent Taillante Se de la roue de compte j
de forte que la roue ne fait que trois tours ,
190 P E N
pendant que la détente refte levée ; ainfi ,
îe mois de février eft compofé par-là de 19
jours : le cercle du mois marque auilî , par
ce moyen , les quantièmes du mois exade-
ment. Le levier porte un bras , à l'extré-
mité duquel il y a un pié de biche. Le bras
du levier fert à faire clianger , à chacun de
fcs mouvemens , une dent de 1 étoile de fept
rayons , laquelle porte un chaperon où iont
gravés les jours de la femaine.
La roue annuelle porte douze chevilles ,
dont chacune fert , & efl: placée à propos
pour faire palier une dent de l'étoile , aulFi
de 12 rayons. Cette étoile porte un lima-
çon de I i pas , fur lefquels appuie un bras
du levier. Ce levier monte ôc defcend fui-
vant qu'il y eft obligé par le limaçon ; il fert
à marquer les mois de l'année , qui font
gravés , 8c paroilTent alternativement à tra-
vers l'ouverture faite pour cet effet à la
plaque ou cadran. Une étoile porte une
cheville qui fait mouvoir le levier mobile
& brifé , qui fait tourner lui-même l'écoile
de huit rayons. Cette étoile porte un Hma-
çon de quatre pas différens , lefquels font
répétés diamétralement deux fois ; ce qui
fait huit pas. Elle refte huit ans à faire un
tour : elle pourroit même n'en refter que
quatre , puifque fon ufagc efl: pour marquer
les années bidextiles ; mais M. Amirauld
Ta fait , afin que le levier ne fût pas obligé
de faire un trop grand chemin pour fure
paffer une dent de l''étoile , qui ne feroit
pour lors que de quatre. Les pas du limaçon
font monter & defcendre le levier , & mar-
quer les années communes & bilfextiles , qui
paroiflent comme ceux des mois , au travers
de la plaque. Chacune des étoiles eft main-
tenue par un fautoir.
On peut fixer fur la roue annuelle une
ellipfe , 6c faire fervir par ce moyen le
mouvement annuel à marquer l'équation.
C'eft, en l'envifageant aulîi , fous ce point
de vue , que j'ai cru devoir faire connoître
ce méch.mifme ingénieux. Ferdinand
Serthoud.
Pendule , RIciprocation du. On
appelle ainîi un petit mouvement , prefque
intenfîble , de libration ou d'ofcillation que
doit avoir , fuivant quelques philofophes ,
un long pendule attaché fixement à un plan-
cher , &; qu'on y laifï'c en repos.
P E N
' Il eft certain que le centre de gravitl"
de la terre change continuellement de place ,
ne fùt-cc que par le mouvement du flux
& reflux. Voyci^ Flux et Reflux. Or ce
mouvement , dans le centre de gravité , doit
produire uns altération dans la direétion &
le mouvement des graves. Refte à favoir il
cette altération eft fenfîble. Pour cela , il
faut fulpendre à un plancher un long pen-
dule , ôc voir û ce pendule eft dans un parfait
repos. Un gentilhomme de Dauphins , nom-
mé Calîgnon de Peirins , ami de Gaflèndi ,
ayant fait cette expérience fur un pendule
de trente pies , prétendit y avoir obfervé du
mouvement ; ce qui occafîona entre les
favans une difpute , dont on peur voir le
détail dans THiftoire de l'académie , de
1741 ; depuis ce temps , d'autres favans
ont entrepris de répéter la même expé-
rience , éc ont trouvé des réfultats diffé-
rens , les uns tenant j^ur le balancement ,
les autres le niant. Enfin , M. Bouguer ,
dans les Mémoires de l' Académie , de ij£^,
a traité cezic matière avec beaucoup de
foin ; & il en réfulte que la réciprocation
du pendule , lorlqu^'il y en a , tient à une
cauCe prochaine bc irréguliere , &: ne peut
être mife au rang des phénomènes géné-
raux qui dépendent du fyftême du monde,
(O)
Pendule, {Phyfique.) On trouve dans
le Journal des beaux Ans , de juin 1769 ,
& décembre 1771 , des expériences fur le
pendule , que deux phylîcicns difent avoir
faites dans les Alpes , Se deiquelles il pa-
roît réfulter, que la pefànteur efl plus grande
au fbmmer qu'au pié de ces montagnes. Par
les informations qui ont été faites , il paroît
que ces expériences font fuppofées. Cepen-
dant , en admettant même les faits avancés
par ces deux phyficiens , je fuis bien éloigné
d'adopter les conféquences précipitées qu'on
en tire contre la figure de la terre & contre
le fyftême de la gravitation. J'ai lu à l'Aca-
démie des Sciences une mémoire très-court ,
imprimé dans le fïxieme volume de mes
Opufcules Mathématiques , & dans lequel
j''ai fait voir , que li on fuppofeune chaîne
de montagnes défigure quelconque , & dont
l'*étendue foit beaucoup plus grande que leur
hauteur , la pefanteur fera la même au fom*
net 6c au pié de ces montagnes y il leur
P E N
dcnfité moyenne eft feulement d'un tiers
plus grande que la denfité moyenne du globe
terrellre. J'entends ici en général , par den-
fité moyenne d'un corps , celle d'une malIè
homogène , .qui , ayant même volume &
même figure que le corps , exerceroit la
même attraction. A l'égard des expériences
rapportées , qui donnent environ 28' d'ac-
célération 5 en deux miois , à un pendule
placé dans les Alpes à mille toifes d'éléva-
tion , je les explique aifément , en fuppo-
fant que la denlité moyenne de ces mon-
tagnes foit à la denlité moyenne du globe
terreftre , à peu près comme huit à trois 5
6i comme la diipolition intérieure des cou-
ches de la terre peut très-bien être telle , que
fa denfité moyenne foit moindre que fa den-
lité à la furface , on voit qu'il eft très-pofïible
que la denfité des Alpes foit à la denfité de
la terre , au pié de ces montagnes , en rap-
port beaucoup moindre que de huit à trois.
Au refte , les obfcrvations de l'auteur ,
en les fuppofant vraies , ne font pas géné-
rales pour toutes les montagnes ; car M.
Bouguer a trouvé que la pelanteur , à Pi-
chincha dans les Cordelières , étoit plus
petite qu'à Quito , & à Quito qu'au bord
de la mer. Or Pichincha eft élevé au-defl'us
du niveau de la mer de deux mille quatre
cents trente-quatre toifes, & Quito de mille
quatre cents foixantc-fix. (O)
Pendule fimple , ( AJîr. ) Pour faire une
table des longueurs du pendule fur toute
la furfàce de la terre , qui foit aflujettie à
toutes les obfervations que Pon a , il faut
commencer , 1°. par réduire au niveau de
la mer toutes les obfervations ; i°. trouver
par chacune de ces oblervations Palonge-
ment total fous le pôle , en employant la
proportion des quarrés des finus , des latitu-
des , & le pendule équatorial de 56 pouces
7 lignes il ; 3°. prendre un milieu entre
tous les alongemens polaires ainfi trouvés ;
4°. faire la table entière pour toutes les
latitudes , fur cet alongement moyen , par :
la proportion ordinaire ; 5**. f^ire à coté
de toutes les latitudes où il y a des obfer-
vations du pendule , la différence entre le
calcul & l'obfervation ; 6°. diftribuer ces
différences proportionnellcmcnr dans les
autres loombres intermédiaires de la table où
Ton manque 4^ob(èrYadons^ Ou trouve \
P E N i^f
une table du pendule dans le III* livre de
Newton , une dans les Tranfaclions philo-
fophiques de 1734 , par M. Bradley , &
une dans M. de Maupertuis , {figure de la
terre ) ; mais elles ne font établies que fur
la iimple théorie. J'ai calculé la table fui-
vante fur les obfervations pour M. Tru-
daine , qui avoit formé , en ij66 , le pro*
jet d'établir dans le royaume une mefurc
univerfelle , tirée de la longueur du pen-
dule , ôc je l'ai afllijettie par approximation
aux obfervations faites au Pérou , au cap
de Bonne-Efpérance , à Paris &c en Lapo*
nie ; ce qui étoit néceffaire , à caufe des pe-
tites inégalités que la fituation des lieux ,
&c peut-être l'inégale denfité de la terre ,
produifent dans les obfervations.
Latitudes.
Alongement.
Longueur ahfclue.
O^egrés,
S
10
0 03
0 09
3 .SPouCylig.^ j ccmie.
56 7 24
3^ 7 30
15
20
^5
0 19 .
0 33
1 JO
36 7 40
3<î 7 54
36 7 71
30
35
40
0 6^
0 89
1 10
36 7 90
3(J 8 10
36 8 31
45
46
47
1 30
I 34
1 3S
36 8 51
36 8 ss
36 8 S9
48
45>
50
I 41
I 4(>
I 5ï
36 8 63
36 8 67
3.6 8 7^
51
52.
5S
I 55
1 G^
36 8 76
36 8 79
16 8 5?o
60
65
70
1 87
2 02
2 1$
36 5? oS
36 9 13
36 9 36
75
80
85
90
1 27
z 36
2 42
1 44
36 5^ 48
3^ 9 57
y^ 9 ^3
3^ 9 6f
15X1 P E N
La manière de déterminer exactement ,
8c jufqu^à un cinquantième de ligne , la
longueur du pendule (impie , a été donnée
avec un très- grand détail dans les Mém. de
l'Académie , pour 1735. On trouvera dans
le livre de M. Bouguer , fur la figure de la
terre , le détail des corredtions qu'il faut
faire à la longueur ôbiervée , pour tenir
compte des effets de la chaleur , de la ré-
fiftance de Tair , du diamètre de la boule
dont on fe fert , de la trop grande étendue
des arcs décrits par le pendule , & de la
force centrifuge qui rend le pendule à fé-
condes plus long qu'il ne feroit , ii la terre
étoit immobile. Voye^^ aulÏÏ à ce fujet le
Traité d'horlogerie de M. Lepaute.
M. Deiiile , qui avoit fait faire en Angle-
terre un inftrumenr très-commode pour ces
fortes d'expériences j en a fait préfent à PA-
cadémie des Sciences , qui ie conferve dans
fon cabinet de phyfique. M. de la Conda-
mine y a dépolé de même un pendule in-
variable j qui a fervi à faire des expériences
en Afrique , en Amérique & en Laponie ,
comme on peut le voir dans mon AJîrono-
mie. Ce pendule invariable eft actuellement
aux terres auftrales , oij M. Merfais & M.
Dageîet font chargés de fiire les mêmes
expériences. 0\\ trouvera dans le Traité
d'horlogerie de M. Lepatite , une table fort
étendue des longueurs du pendule , & qui
donnent des nombres quelconques de vibra-
tions. Cette table a été calculée par Ma-
dame Lepaute. ( M, de la Lande.)
Pendule, ( f. ( Horlogerie. ) efpece
d^horloge à pendule , exécutée en général
avec plus de précifîon que les horloges de
. cette efpece , bc qui n'en diffère efléntielle-
ment que par la difpofition de fes par-ties ,
fur-tout de la cage , qui reflemble fort à
celle des montres.
Dans le temps où l'on commença à
appliquer le pendule aux horloges , les pre-
mières dans lefquelles on employa ce nou-
veau régulateur , furent probablement ap-
pellées d'abord horloges à pendule , enfuite
lîmplem.ent pendules ; & comme ces hor-
loges n'étoient que d'une grandeur mé-
diocre j & faites avec plus de précifîon que
les autres , il eft arrivé delà , que malgré
que dans toutes les horloges on ait iubfti-
tué daiis la fuite le pendule au balancier ,
P EN
ii n'y a eu que celles d'une certaine gran*
deur , dont nous venons de parler , aux-
quelles on ait donné le nom de pendu-
les , les autres ayant conferve celui à' hor-
loges , comme horloge de clocher , de cham-
bre ^ &c.
On diftingue les pendules , en général ,
en pendules à poids & pendules à reilbrt.
Dans les premières , font toutes les pen-
dules à grandes vibrations , à équation , ùc.
Dans les fécondes , font toutes celles d'une
certaine grandeur , qui ont pour principe
de mouvement un reffort , comme celles
qui fe mettent fur un pié , fur une tablé ,
qui fe plaquent contre un mur , ùc. telles
ibnt font ordinairement \qs pendules à quinze
jours i à fonnerie j les pendules à quarts ,
les pendules à trente heures , les pendules
à répétition , les pendules à trois parties,
c'eft-à-dire , celles qui répètent Pheure lorf-
que l'on tire le cordon , & qui fonnent en
même temj)s l'heure & les quarts d'elles-
mêmes. Enfin , celles à quatre parties , qui,
outre les propriétés de ces dernières , ont
encore celle d'être à réveil. Il y a encore
des pendules à carillon & des pendules a.
remontoir , qui font en quelque façon à
poids &c à refîbrt, la force motrice originale
étant un refibrt employé à faire former la
fonnerie , & en même temps à remonter
un poids qui fait aller le mouvement. VoyeT^
Remontoir.
Pendule d'equation , ( Horlogerie. )
efpece de pendule co»ftruite de façon qu'elle
marque &c llieurc du temps vrai , & celle
du temps moyen 5 au moyen de quoi, la
différence entre ces deux efpeces d'heures ,
indique l'équation du foleil. Quoiqu'on ait
commencé de très-bonne heure à faire des
horloges curieufes qui marquoient les mou-
vemens des planètes , ùc. cependant leur
mouvement étoit trop irrégulier , pour qu'on
pensât à leur faire marquer les équations
du foleil , ces horloges avançant ou retar-
dant fbuvent d'une demi-heure en très-peu
de temps , tandis que l'équation du foleil
n'eft que de feize minutes daîis Teipace de
trois mois. Mais dès que Ton eut appliqué
le pendule aux horloges , le mouvement
de ces horloges , ou plutôt de cts pendules ,
en devint 11 jûffe par rapport à celui
dés' horloges ofdiifaires, 'qu'on' s'apperçut*
bientôt
' P E N
bientôt que pour les bien régler , il fal-
loit avoir égard à l'équation du foleil ; ce
qui fit apparemment naître l'idée des pen-
dules adéquation. \3vvt des premières dont
on ait connoifTance, eft celle qui fe trouva
dans le cabinet du roi d'Efpagne , en 1699 ,
dont parle M. Sully dans la Règle artifi-
cielle du temps. Cette pendule marquoit
l'équation du foleil, au moyen de deux
aiguilles , dont l'une indiquoit le temps
vrai , & l'autre le temps moyen ; & c'eft
de cette façon qu'on les a faites en Angle-
terre. Le même M. Sulîy propofe dans le
même livre , de faire une pendule , non pas
d'équation , mais dont l'inégalité des vibra-
tions du pendule répondroit à l'ine'galité
des jours, &c. idée qui étoit aufîi venue
au R. P. D. Alexandre, Bénédiftin, dès
1699, ce qu'il prouve parle certificat de
l'Académie royale des Sciences , qu'il
rapporte : ce Père, dans fon Traité des
Horloges , s'efforce de prouver la beauté
de cette invention; mais pour peu qu'on
entende l'horlogerie , on verra combien
elle eft ridicule , & que les pendules ne
font pas déjà trop précifes , pour ajouter
de nouvelles fources d'erreur dans l'allon-
gement &: le raccourciffement périodique
du pendule; ainfi il eft inutile de parler de
cette efpece Ae pendules , qui ne font réel-
lement pas des pendules d'équation.
Pendule en tant qu^ appliqué aux hor-
loges. L'invention des horloges à pendu-
le^ qu'on appelle (nwg\Qmtni pendules y e{\.
due à l'induflrie heureufe du fiecle pafte :
Huyghens & Galilée s'en difputent l'hon-
neur. Le premier , qui a fait un volume
confidérable fur ce fujet, déclare qu'on n'a
exécuté cette efpece d'horloge qu'en 1657,
& qu'on n'en a imprimé la defcription qu'en
1658. Becker, dans fa Nova dimetiendi
temporis theoria^ fe déclare vivement pour
Galilée , & rapporte ( à la vérité de la
féconde main) toute l'hiftoire de cette in-
vention, ajoutant qu'un nommé Thejïler ,
horloger du père du grand-duc de Tof-
cane , qui vivoit de fon temps , avoit fait
la première pendule à Florence , fous la
direftion de Galilée , Galileo , & qu'il en
avoit envoyé un modèle en Hollande.
L'académie del Cimentodit expreffément,
que l'application du pendule diumonwQment
Tome XXV,
PEN 1^3
des horloges avoit été d'abord propofée par
Galilée , & que c'étoit fon fils Vincenzo
Galilei qui l'avoit mis le premier en prati-
que , en 1649.
Quel qu'ait été l'auteur de cette inven-
tion, au moins eft-il certain qu'elle n'a
re^u fa perfection que de Huyghens , le-
quel fait remarquer avec foin , que fi Gali-
lée en a eu quelque idée, au moins ne l'a-t-
il pas portée à fa maturité.
C'eft en 1662 que M. Fromentil , Hol-
landoi», a fait en Angleterre la première
pendule.
Le pendule en tant qu'appliqué à l'hor-
loge , eft compofé d'une verge d'acier ,
fufpendue à un point fixe, de façon qu'elle
puifî^e fe mouvoir librement autour de
lui ; & d'un corps grave , auquel on donne
la forme lenticulaire , afin de diminuer
la réfiftance que l'air apporte à fon mou^
vement.
Ce qui rend le pendule fi fupérieur aux
autres régulateurs , c'eft que perdant fort
peu de fon mouvement, il eft entretenu
en vibration par une force très-foible à fon
égard , & dont par conféquent les inégali-
tés influent bien moins fur fa juftefie.
Si l'on met en vibration, dans le même
temps , un pendule & un balancier joint à
fon reffort, l'expérience fait voir qu'au
bout de 90 fécondes , le dernier aura perdu
tout fon mouvement, au lieu que l'autre
le confervera pendant dix heures & plus,
Ainfi les reftitutions du mouvement fur
le pendule , font à celles qu'exige le balan-
cier , aidé du refîbrt, à-peu-près comme
un à 400.
Plusieurs caufes concourent à cette fu-
périorité du pendule fur le balancier : les
particules du reffort éprouvant un frotte-
ment les unes fur les autres, quand il -re-
prend fa première figure , la force qu'il de-
vroit communiquer au balancier en eft d'au-
tant plus diminuée; mais ce qui contribue
encore plus à la perfeâiion au pendule , c'eft;
la fufpenfion. Voye^ Suspension.
L'expérience a montré qu'un long pen"
dule donne plus de régularité qu'un court,
en parcourant les mêmes efpaces; en voici
les raifons.
1°. Sa lentille defcendant par un plan
moins incliné , peut être beaucoup plus
Bb
154 P E N
pefante , parce que fon mouvement eft
moins difficile à reftituer, & parce qu'il
s'en perd une moindre quantité ; le nom-
bre des ofcillations dans un temps quelcon-
que, n'étant pas û confidérable , & l'air
n'étant pointfrappé avec autant de rapidité
dans chacune d'elles.
2^. Pour des folides de figures fembla-
bles, les furfaces. n'étant point comme les
maffes , mais comme les quarrés de leurs
racines cubiques , les réfiftances de l'air de-
viennent d'autant moins puiflantes»fur les
lentilles fort pefantes.
3^. Ces vibrations plus lentes rendent
le rouage plus fimple, plus conftammentle
même, & moins fujetà l'ufure. On remar-
que que dans les pendu/es à fécondes, par
exemple , les trous des pivots ne s'ufent
prefque jamais.
4°. Par toutes les raifons précédentes,
la force motriced'un XowgpenduU peut être
beaucoup moins confidérable à l'égard du
poids vibrant; & les inégalités de cette force
influent beaucoup moins fur la jufteffe des
vibrations. Enfin , les longs pendules peu-
vent décrire des arcs beaucoup plus petits ,
qui, comme il efl: démontré, article Cy-
CLOÏDE , approchent davantage Aqs arcs
cycloïdaux. Voye:[ E£ai d'' horlogerie de
M. Berthoud. Tome II, & la defcription
des Arts , imprimée à Neuchâtel.
Pendule à iS jours ^ à rejjort & à fon-
neric. Il fuffit de voir la difpoiîtion des roues
du mouvement, pour comprendre de quelle
manière elles agiffent les unes fur les au-
tres ; la feule différence effentielle entre cet-
te pendule & X?, pendule à fécondes , c'efl:
qu'au lieu de la poulie , il y a ici un boulet
denté à fa circonférence.
Pendules à quarts. Les hommes étant
toujours portés à imiter, ce n'eft qu'avec
effort qu'ils fortent des routes ordinaires.
Ainfi, la fonnerie des heures dans les pre-
mières horloges ayant été faite avec un roua-
ge particulier ; quand on voulut leur faire
lonner les quarts , on n'imagina rien de
mieux que de faire aufli un rouage pour la
jfonnerie des quarrs , quoique ce fût em-
ployer beaucoup d'ouvrage àproduire peu
d'effet ; ce qui efi dire(5^ement contraire à
la fairie méchanique, qui veut que la com-
plication des machines fait toujours propor-
P E N
tionnelle à celle des effets qu'elles produî-
fent. Plufieurs horlogers fentant ce défaut
à^s pendules à quarts^ ont voulu y remé-
dier , en les faifant fonner l'heure & les
quarts parun feul rouage ; mais jufqu'à pré-
fentil y en a peu qui aient réuffi, Xqmvs pendu-
les pour la plupart étant fort compliquées : il
n'y a guère que quelques habiles horlogers
& mon père qui en aient fait avec cette
fimplicité , qui eft , fi cela fe peut dire , la
véritable élégance dans les machines.
Repréfentez-vous la difpofitiondes roua-
ges du mouvement, de la fonnerie des heu-
res , & de celle àts quarts d'une pendule
à quarts ordinaire, le mouvement ne dif-
férant enrien effentiellement de la. pendule
à quinze jours. Quant au nombre des roues
du mouvement, les voici ;
Barillet, 84-1 4
2* roue , . . . 84-7
3e roue, 78-6
roue de champ, . . . 66-6
roue de rencontre, .... 33-2
I verge des pa-
lettes.
pendule , . . . ,
Par ces nombres , on voit que la troî-
fieme roue , ou la roue à longue tige , fai-
fant un tour par heure , le nombre des vi-
brations du pendule , dans le même temps ,
fera de 9438 ; & par conféquent, que la lon-
gueur de ce pendule fera de cinq pouces
trois lignes , ou à-peu-prè.s , un pendule
de cette longueur donnant par heure 9450
vibrations. Or, par les nombres des pre-
miers mobiles, il efî clait que la roue à
longue tige fait foixante-douze tours pour
un du barillet ; & le reffort failant fix tours
dans le barillet, il s'enfuit q^ue le refiort»
P E N
avant d'être au bas, en fera faire à cette roue
'^}i , qui équivaudront à autant d'heures ;
& ce nombre étant divifé par 24, donnera
le nombre de jours que la ptnduU mar-
chera avant que d'être au-bas. Quant aux
nombres des roues de la fonnerie , ils fonr
les mêmes que ceux dont il eft parlé à X ar-
ticle Sonnerie : ainfi nous y renvoyons.
La fonnerie des heures n'en diffère pas
effentiellement non plus , fi ce n'eft 1°. que
cettejs^n^/^/? fonnant la demie par lesquarts,
un tour du chapçron , au lieu d'équivaloir à
90 coups de marteau , n'équivaut qu'à 78,
nombre des heures qiCunependuà doit fon-
ner en ii heures; & 1°. que le détentil-
lon, au lieu d'être levé par la roue des mi-
nutes toutes les heures , l'eft par un cha-
peron qui appartient aux quarts : de forte
que l'heure ne peut fonner qu'après les
quarts , & qu'il n'eft point néceflaire que
ce détentillon ait une partie telle que celui
d'une pendule à fonnerie ordinaire , pour
faire le délai, parce qu'ici la fonnerie des
heures eft dirigée par celle des quarts; &
que dès que ceux-ci font fonnés , il faut
que l'heure parte. Quanta la fonnerie des
quarts , voici comme elle s'exécute. La roue
des minutes porte quatre chevilles, qui lè-
vent alternativement le détentillon des
quarts , pour faire détendre la fonnerie des
quarts comme à l'ordinaire; celle-ci étant
libre , fdnne de la manière fuivante. Une
roue porte un nombre de chevilles égal aux
coups de marteau que les quarts doivent
frapper pendant une heure , c'eft-à-dire ,
dix; & comme ces dix coups doivent être
frappés alternativement par deux marteaux,
dont l'un doit toujours partir le premier , fix
de ces chevilles font d'un côté de la roue &
quatre de l'autre , & non toutes d'un même
côté ; ces chevilles lèvent alternativement
une double bafcule pour les deux marteaux.
La fonnerie des quarts ayant été mife en
liberté, \3i pendule fonne un certain nom-
bre de quarts qui font déterminés , de mê-
me que dans la fonnerie des heures , par
une roue de compte qui entre à quarré fur
l'axe de la roue de chevilles , & qui eft
diviiée en quatre parties ,1,2,3,4, pour
un quart , deuX quarts , &c. lorsque l'ai-
guille des minutes eft fur le midi , dans
i'inftant que les quatre quarts font fonnés , 1
P E N Î95
la cheville du chaperon leva le détentillon
de la fonnerie des heures , au moyen de
quoi l'heure fonne. On conçoit bien que
le nombre des tours de la roue de chevilles
de la fonnerie des quarts , par rapport à ceux
de fon barillet, font déterminés de façon,
que {\ la pendule va 18 jours, par exem- ^
pie , cette roue fera autant de tours qu'il
y a d'heures dans cet intervalle de temps ;
c'eft ce qu'on verra facilement parles nom-
bres de cette fonnerie. On concevra de
même , que comme la fonnerie des heures
ne frappe que 78 coups en 12 heures , la
roue de chevilles de cette fonnerie fera
par tour du chaperon un nombre de tours ,
qui , multiplié par celui de (qs chevilles , fera
encore égal à 78. Foye;^ là-deflus V article
Sonnerie.
Nombre des roues de cette pendule. Mou-
pemeiLt,
Barillet, 84-14
le roue , . . 77-7
(
3e roue , . . . . 72-6
roue de champ, . . 60-5
roue derencontre, . . 3 1-2
pendule, ....
Sonnerie des heures.
Barillet, 84-14
verge des palet-
tes.
le roue,.".. 78-8
- 8 chevilles.
roue de chevilles, 56-7
Bb2
m
ic^6 P E N
roue d'étoquiau , ... 56-6
roue du volant, , . . . . '48-6 pignon du vo-
lant.
Sonnerie des quarts.
Barillet, 84-14
1^ roue
72-8
10 chevilles,
rouedechevilîes,6o-6
roue d'étoquiau, . . . <^6-6
roue du volant ,,..,, 48-6 pignon du vo-
lant.
/^av^;[ RÉPÉTITION, Ç Pendule à JYioK-
LOGERiE , Montre, &c.*
Pendule , ( Pfiyfiq. génér.J Entre les
découvertes iur le pendule , les Anglois at-
tribuent à M. Chriftophe "Wren, un des
plus illuftres Architectes de Ton fiecle , les
.fuivantes. Ils prétendent qu'il a trouvé le
premier, que \q pendule, dans un tour &: re-
tour , fe meut inégalement en des temps
égaux , félon une ligne de linus ; qu'il pour-
roit fe mouvoir d'une manière circulaire ou
elliptique , & que ces vibranons auroient
les mêmes périodes que celles qui font al-
ternatives ; que par la jondion de plulieurs
pendules , qui dépendroient les uns des au-
tres , on pourroit repréfenter les mouve-
mensdes planètes, ou d'autres plus embar-
raffés encore ; ce qui n'empêcheroit pas ces
pendules de faire fans confu{ion,de même
que les planètes, trois ou quatre mouve-
mens difFérens , en agiflant fur le même
corps en divers périodes : enfin , qu'on
pourroit trouver .une mefure univerfelle
pour l'ufage ordinaire, par le moyen du
pendule, (^D.J. )
PENDULIER , f. m. ( fforlog. ) nom
que les horlogers donnent à celui qiji fait
des pendules»
P E N
PÊNE o« PENNE, {Géog, mod.J pe-
tite ville de France , dans le LanguedoeP|
près ,de l'Aveyron , avec un château ruiné,
PENE, ( Géog, mod.J rivière d'Alle-
magne ; elle a fa iource dans le duché de
Meckelbourg , & fe décharge dans la mer
Bahique, vis-à-vis de l'ile de Ruden.
CD J.J
PÊNES, (^ Marine -yj ce font des bou-
chons de laine , que le calfateur attache à
un manche , appelle le bdton à vadel , &
dont il fe fert à braire le vaiffeau. ( QJ
PÊNE , ( Rubanier,) eft le refte de la
pièce que l'on emploie jufqu'au plus près
des liffes qu'il eft poûîble , au moyen de la
corde à encorder, dont on a parlé à l'ar-
ticle Corde à encorder; ce pêne devenant
inutile, parce qu'il eft trop court, n'eft plus
propre à ce métier : il fert aux religieufes ,
qui en font mille petits ouvrages de dé-
votion.
Pene, f. m. C Serrurerie ; ) c'eft dans
une ferrure le morceau de fer que la clé
fait aller & venir, en tournant fur elle-
même, & qui ferme la porte : pêne Vient de
penuluSy verrou.
Le pêne en bord a lieu aux ferrures de
coffre ; il pafle le long du bord de la fer-
rure : lorfque le couvercle du coffre eft
fermé, l'aubron entre dans le bord de la
ferrure ; & le pêne dans l'aubron , lorfqu'on
tourne la clé.
Le pêne à demi-tour ou à relTort a lieu
dans une ferrure, où il eft toujours repoulTé
par un refl^ort qui le tient fermé ; il n'y a
que l'aélion de la clé ou la preflion d'un
bouton qui le tienne ouvert.
Le /'^/ze dormant eft celui qui ne va que
par le moyen de la clé, & qui refte dans
la place où elle l'a conduit.
Le yP<;/ie fourchu ei^ le même que le pêne
dormant , excepté qu'il a la tête fendue, &c
qu'il forme àeux pênes en apparence , en fe
montrant au bord de la ferrure par deux
ouvertures.
Le pêne à pignon eft celui qui eft mu par
un pignon ; ce pignon peut chafTer un grand
nombre de pênes à la fois , comme on voit
à certains coffres-forts.
PENÉE, ( Géog. anc.J Peneus : i °. ficti-
ve de la Theffalie , au travers de laquelle il
, couloit , félon Strabon, iiy, IX, Pompo-
P E N
ni us Mêla, liv. II, chap, iij ^ dit qu'il fé-
paroit la Theffalie de la Phtiotide; & Pro-
lomée, liv. III, chap. v//', veut qu'il fé-
parât la Theffalie de la Pélafgiotide :
mais ces deux géographes entendent feule-
ment parler de la Theffahe propre, que
Strabon appelle ThcJJaHotidc.
Ce fleuve avoit fa fource dans le mont
Pindus ; il couloit d'orient en occident , en
ferpentant; &: après s'être accru des eaux de
diverfes rivières, il fe rendoit dans la vallée
de Tempe , pour aller enfuite fe jeter dans
le golfe Thermaïque, entre le mont Olympe
&: le mont OITa.
Le Pénée eft célèbre chez les poètes ; cela
vient du grand nombre de lauriers qui
étoient fur fes bords : on y en voit encore
aujourd'hui une belle quantité. Il a perdu
fon ancien nom ; on l'appelle préfentement
la Salamhria. Elle n'eft guère plus groffe
que le bras de la Seine, qui paffe à Paris de-
vant le quai des Auguftins; mais {^% eaux
font plus claires , & pour le moins auffi
agréables à boire.
2®. Pensas eft encore une rivière du Pé-
loponefe, dans l'Elide. Elle avoit fon em-
bouchure fur la côte occidentale , entre la
ville Cyliene & le promontoire Clielonata,
félon Strabon , liv. f^III^p. 338. Thevet
& Niger prétendent que le nom moderne
de cette rivière eft Igliaco.
3*^. Peneus , fleuve delà Sicile.
4^. Strabon , //V. //, pag. 531, dît que
ce nom fut donné à TAraxe, fleuve de
l'Arménie , à caufe de la reffemblance
qu'il avoir avec le Pénée de Theffalie.
CD.JJ
PENELOPE, (My th. J fille d'Icarius ,
frère de Tyndare, roi de Sparte, fut re-
cherchée en mariage , à caufe de fa beauté ,
par plufieurs princes de la Grèce. Son père ,
pour éviter les querelles qui auroient pu
arriver entre les prétendans , les 'obligea à
en difputer la poffeflion dans des jeux qu'il
leur fit célébrer. Uly ffe fut vainqueur , &c la
princeffe lui fut accordée. Apollodore
prétend qu'Ulyffe obtint Pénélope de fon
père, par la faveur de Tyndare , à qui le
roi d'Itaque avoit donné un bon confeil fur
le mariage d'Hélène. ('Foye^ HÉLÈNE }.
Icarius voulut retenir à Sparte fon gendre
6c fa fille ; mais Ulyffe , peu après fon ma-
P E N 197
riage, reprit le chemin d'Ithaque , fuivi de
fa nouvelle époufe.
Ces deux époux s'aimèrent tendrement ,
de forte qu'Ulyffe fit tout ce qu'il put pour
éviter d'aller au fiege de Troye : mais its
rufes furent inutiles ; il fut contraint de fe
féparer de fa chère Pénélope , en lui laif-
fant un gage de fon amour. Il fut vingt ans
fans la revoir; & pendant une fi longue
abfence , elle lui garda une fidélité à l'é-
preuve de toutes les follicitations. Sa beauté
attira à Ithaque un grand nombre de fou-
pirans, qui vouloient lui perfuader que fon
mari avoit péri devant Troye, & qu'elle
pouvoir fe remarier. Selon Homère , le
nombre de {ts, pourfuivanS montoit à plus
de cent , fuivant le compte qu'en fait Télé-
maque à Ulyffe : « Il y en a cinquante-deux
» de Dulichium, dit-il, qui ont avec eux
» fix officiers de cuifine ; de Sauios , vingt-
>♦ quatre ; vingt de Zacynthe , & douze
» d'Ithaque. Un d'entre eux lui faifoit en-
» core ce beau compliment : Si tous Us
» peuples du pays d Argos avoient le hon-
» heur de vous voir , fage Pénélope , vous
» verriez dans votre palais un bien plus
» grand nombre de pourfuivans; car il n^y
» a point de femme qui vous jbit compa-
» rable , ni en beauté , ni en /âge Je , ni
» dans toutes les qualités de Vefprit. » Pé-
nélope{\iixo\x\Q)Vxs éluder leurs pourfuites,
& les amufer par de nouvelles rufes. La
première, qu'un dieu avoit infpirée, dit
Homère , pour la fecourir , fut de s'attacher
à faire fur le métier un grand voile , en dé-
clarant aux pourfuivans, que fon nouvel
hymen ne pouvoit avoirlieu qu'après avoir
achevé ce voile qu'elle deftinoit pour en-
velopper le corps de fon beau-pereLaërte ,
quand il viendroit à mourir. Ainfi elle les
entretint pendant trois ans durant , fans
que fa toile s'achevât jamais , à caufe qu'elle
défaifoit la nuit ce qu'elle avoit fait le jour;
d'où eft venu le proverbe , la toile de Pe-
nélope, dont on fe fert en parlant (}iûs ou-
vrages qui ne s'achèvent jamais.
Ulyffe avoit dit à Pénélope , en partant ,
que s'il ne revenoit pas du fiege de Troye ,
quand fon fils feroit en état de gouverner,
elle devoit lui rendre ks états & ion pa-
lais , & fe choifir à elle-même un nouvel
époux, Vingt années s'étoient déjà écoulées
198 P E N
depuis rabfence d'Uiyffe , & Pénélope
étoit preffée, par ks parêns mêmes , de Te
remarier ; enfin , ne pouvant plu5 différer,
élie propofeaux pourfuivans, par l'infpira-
don de Minerve, l'exercice de tirer la
bague avec l'arc , & promet d'époufer celui
qui tendra le premier l'arc d'Uiyffe , & qui
fera paffer le premier fa flèche dans plufieurs
bagues difporées de fuite. Les princes ac-
ceptent la propofition de la reine : plufieurs
eflaient de tendre l'arc , mais fans aucun
fuccès. Ulyffe feul , qui venoit d'arriver ,
déguifé en pauvre , en vient à bout , & fe
fert de ce même arc pour tuer tous les
pourfuivans. Quand on vint dire à Pénélope
que fon époux étoit de retour , elle ne vou-
lut pas le croire ; elle le reçut même très-
froidement, au premier abord, craignant
qu'on ne voulût la furprendre par des appa-
rences trompeufes : mais après qu'elle fe
fut affurée , par des preuves non équivo-
ques , que c'étoit réellement Ulyffe, elle fe
livra aux plus grands tranfports de joie &
d'amour.
On regarde communément Pénélope
comme le modèle le plus parfait de la fidé-
lité conjugale; cependant fa vertu n'a pas
laiffé d'être expofée à la médifance. La
tradition des Arcadiens inx Pénélope ^ ne
s'accorde pas, dit Paufanias , avec lespoë-
tes de la Thefprotie : ceux-ci veulent qu'a-
près le retour d'Uiyffe Pénélope lui donna
une fille , qui eut nom Polyportke ; mais les
Mantinéens prétendent qu'accufée par fon
mari d'avoir mis elle-même le défordre
dans famaifon , elle en fut chaffée; qu'elle
ie retira premièrement à Sparte , & qu'en-
fuite elle vint à Mantinée , où elle finit les
jours. On a dit aufïi qu'avanj depoufer
Ulyffe , Mercure , métamorphoie en bouc ,
avoir furpris Pénélope , tandis qu'elle gar-
doit les troupeaux de fon père , & l'avoit
rendue mère de Pan. Mais je croirois ,avec
quelques mythologues , qu'il faut diftinguer
la reine d'Ithaque de la nymphe Pénélope ,
mère de Pan. *
La première des héroïdes d'Ovide eft
de Pénélope à Ulyffe. Le poète fuppofe
que Pénélope voyant tous les Grecs de
retour de Troye , & n'ayant aucune nou-
velle de fon époux, charge tous ceux qui
yDïjt fiir mer d'une lettre à Ulyffe., pareille
P E N
I à celle-ci, dans laquelle font exprimés, avec
beaucoup d'art & de délicateflé , ies foins
I empreffés &C la tendre impatience d'une
' femme qui aime ardemment fon époux.
Nous avons une affez beiie tra':^éd!eTran-
çoife de Pénélope , donnée par feu M. l'ab-
bé Geneft, en 1684, q^'ieft remplie de très-
beaux fenfimens de vertu, (-f-j
PÉNESTES , f. m. pL { Hijl. Greq. )
Ce qu'étoient les Ilotes à Lacédémone ,
le.'; Péneftes l'étoient en Theffalie ; on les
traitoit avec la même dureté , & cette
barbarie fut aufficaufe qu'ils fe révoltèrent
très-fou vent. L'humanité des Athéniens
eut fa récompenfe ; leurs efclaves les fervi-
renr toujours fort utilement en plus d'une
rencontre , comme à la bataille de Mara-
thon , dans la guerre d'Égine 6i au combat
d'Aeinuie. fZ?. /. J
PÉNÈTRABILITÉ, f. L {Gramm. )
ce feroît une qualité en conféquence de la-
quelle un même efpace occupé tout entier
par un corps , pourroit encore en recevoir
un autre. On fent la contradidfion de cette
hypothefe. Les corps font perméables à
d'autres corps , mais ils font impénétrables
les uns aux autres.
PÉNÈXRALE, f. m. (Antiq, rom.)
lieu où étoient les ftatues des dieux do-
meftiques; il fe prend dans Horace pour
toute la maifon, comme le mot pénates.
Ce poëte appelle le palais à^ h\\o\AQ faufta
penetralia , comme le palais d'un dieu,
(D. J.)
PÉNÉTRATION ,{A.(^ Gram. ) c'eft
la facilité dans l'efprit de faifir , fans fatigue
& avec promptitude, les chofes les plus dif-
ficiles , & de découvrir les rapports les plus
déliés & les vérités les plus cachées. Le tra- .
vail opiniâtre fupplée quelquefois à \2. péné-
tration ; on a de la pénétration dans un
genre , & l'on eft obtus dans un autre. La
pénétration s'accroît par l'application ôcpar
l'exercice ; mais elle eft naturelle , & on
ne l'acquiert point quand on ne l'a pas.
PÉNÉTRER , v. aa. (Gram.J terme
relatif à l'aftion d'un corps qui s'infinue
avec peine dans l'intérieur d'un autre. On
dit \'h.\xrn\à^\\.é pénètre tout. C'eft une forêt
toufue , au fond de laquelle il eft difficile de
pénétrer. Onne pénètre point dans ces con-
trées fjns péril. Il q^ pénétré de cette vérité ;
P EN
\\e^ pénétre Aq douleur : il a pénétré d^ns les
ténèbres de la philofophie platonicienne; il
ne faut pas qu'un miniftre Te laiffe facile-
ment pénétrer. D'où l'on voit qu'il fe
prend au (impie &: au figuré.
PENGOUIN , Pinguin , Oie de Ma-
gellan; Pinguin Batavorum,feu an-
fer Magellanicus Cliijîi. 'Willugh. Oifeau
de la grandeur d'une oie , auquel on a
donné le nom de pinguîn , parce qu'il eft
très-gras. La face fupérieure de cet oifeau
eft noire, & l'inférieure a une couleur blan-
che ; le cou eft couvert de plumes noires ,
qui forment une forte de collier. Les ailes
font courtes, & redemblentà des nageoi-
res ; les plumes de la face inférieure ont une
couleur noire ; elles font courtes, étroites,
roides , & fort ferrées lesHines contre les
autres ; celles de la face fupérieure font
blanches , plus courtes & plus roides que
celles du deifous de l'aile ; il y aauffi quel-
ques plumes noires mêlées parmi les plu-
mes blanches. Le bec eft plus fort que celui
du cormoran, mais cependant moins élevé.
Les pies font noirs , applatis , & femblables
pour la forme à ceux de l'oie , mais plus
petits : la queue eft très-courte. Cet oifeau
quitte rarement la haute mer ; il ne vient
fur terre que dans le temps de l'incubation.
Il fe nourrit de poifTons , & fa chair n'a pas
un goût défagréable. Willughbi , Omit.
Voyez Oiseau.
PÉNIBLE, adj. ÇGramm. ) qui fe fait
avec peine. On croit que l'algèbre eft une
éxnât pénible. La route que nous avons à
faire en ce monde eft courte , mais il y a des
hommes pour qui elle aura été bien péni-
ble. La connoiflance des langues fuppofe
un exercice de la mémoire, loirg ^pénible.
Un plaifir qui n'a rien àt pénible ,eft com-
munément iniipide.
PÉNICHE , C Géogr. mod.) ville forte
de Portugd dans l'Eftramadure , au nord
du Tdge , avec k.\x\ port &: une citadelle , à
quatre lieues de Lisbonne. Long. 8 ^ ^o
lat. T^C) ., i5.
PÉNICK , (Gé?fgr. mod. ) petite ville
d'Allemagne , clatis le cercle di la haute
Sdxe , au marquifat de MUhie, Elle eft fur
la Mu de , à trois heues eft d'Altenbourg.
Long, -^o , 40 ; lat. So , S4.
PENIDE, o« SUCRE jS OKGE -yen p-har-
P E N JS9
macie , c'eft une préparation de fucre que
l'on compofe , en la faifant bouillir avec
une décoction d'orge , jufqu'à ce qu'elle de-
vienne caftante ou fragile , après quoi on
la verfe fur un marbre enduit d'huile d'a-^
mandes douces, & on la pétrit avec les
mains comme la pâte ; &c pendant qu'elle
eft encore chaude, on la tire en petits
bâtons retors comme des cordes. V'oye:^
Sucre.
Les pénides font bons contre les rhu-
mes, pour modérer ou adoucir l'acrimonie
des humeurs , provoquer l'expeftoration ,
&c.
M. de Quinci faifoit ufage de pénides
avec un mélange d'empois , le tout mis
en bols , au lieu a une efpece de fucre
PÉNIE , f. f . ( Mythol. ) la déeft'e de^
la pauvreté. Platon raconte que les dieux
donnant un jour un grand feftin , le dieu
des richefles , qui avoit un peu trop bu ,
s'étant endormi à la porte de la falle, Pé-
nie , qui étoit venue là peur recueillir les
reftes du repas , l'acofta , lui plut , & en
eut im enfant, qui fut l'amour. Cette fable-
allégorique veut peut-être dire, que l'a-
mour unit quelquefois les deux extrêmes.
(D.J.J
PENIL , f. m. {Anatom.) partie anté-
rieure de l'os barré qui eft autour des par-
ties naturelles , & qui fe couvre de poil ;
la marque de la puberté , tant aux mâles
qu'aux femelles.
Penil ou Pénis, terme d''Anatomie ,
qui fe dit d'une partie du corps humain ,
que l'on appelle auflli la verge .^^^ caufe de fa
forme ; ou encore , par excelknce , le rnemy
brt ou membre viril ^ à caufe que c'eft un
des principaux organes de la génération
dans i'efpece mâle. Voye\ nos pi. d'anale
& leur explication. Voyez au^i les articl,
GÉNÉRATION,S£MENCE,ERECTJON.y
Male, Femelle, Testicule , érc.
Il eft attaché à la partie iiiféi leure de l 'os
ptbis , & à la partie iVipérieure de l'os
iichion» Son corps corf,fte en deux, corps
caverneux &; celui de i'uretre.
Les corps caverneux du /^t;?//, appelles
ai ffi corps nerveux ^Jpengieux , &c. font
anachés , de part &. d'autre , à la branche
de l'os pubis & à celle de l'os ifi:hioii > ôc
100 P E N
delà vont en augmentant en groffeur &
en épaiiïeur , jufqu'à ce qu'ils rencontrent
le corps caverneux de Turetre , où ils fe
joignent , en lailTant fout le long de leur
étendue un interftice ou un canal , pour fon
pafîage ; ils continuent ainiî d'aller enfem-
ble, liés l'un à l'autre par un corps mem-
braneux appelle fcpeum. Les fibres de cette
cloifon laiffent , d'efpace en efpace , un petit
écartement entr'elles , par où les deux corps
caverneux communiquent enfemble ; elle
devient très-mince , & va toujours en
diminuant vers les exrémités arrondies ,
dans lerquelles ces corps fe terminent au
ghnd. rojei CoRPS CAVERNEUX &
Gland. ^
Le corps caverneux de l'urètre renferme
l'urètre ou le paffage urinaire. Sa forme ,
contraire à celle des autres corps caverneux,
eft plus large aux deux extrémités , & plus
petite dans le milieu. M. Cowper appelle
le Ifulhe de furetre , cette partie enfermée
entre les deux origines des corps caver-
neux du penil : fon autre extrémité
dilatée forme le corps que l'on appelle le
gland. Voyez Uretrej, &:c.
Lejjenil reçoit des artères des branches
iliaques internes , &: des artères ombili-
cales ; & ces artères fe divifant enfin en un
nombre infini de branches , il vient autant
de veines de leurs extrémités capillaires.
Dans les canaux de ces veines , il y a des
ouvertures qui correfpondent à autant de
cellules , lefquelles communiquant entre
elle^ , fe déchargent dans des canaux vei-
neux plus confiidérables , & coulent fur la
furface fupérieure du penil : quelques-uns
d'eux s'uniffent aux veines du prépuce ;
d'autres compofent un gros tronc, appelle
veine du penil , lequel rampe fur le dos du
penil jufqu'aux proftates , fe divife en
deux , & entre ^dans l'iliaque interne des
deux côtés,
- Le penil reçoit fes nerfs d'un tronc com-
pofé de la réunion de la troiiieme paire de
nerfs de Vos facrum , & d'une branche du
grand nerf fciatique ; ces nerfs viennent
gagner les corps caverneux , s'épanouiffent
fur leur furface fupérieure , d'où ils fe dif-
tribuent à toutes les parties du penil.
Les canaux lymphatiques du penil font
fort nombreux iur fa furface , qui eft fous
P E N
la peau ; ils fe déchargent dans leç glandes
inguinales. f^oye{ Semence & Urine.
Le penil z deux paires de mufcles , avec
un mufc'.e impair; ce dernier s'appelle /'^c-
céUrateur de l'urine. Sa partie fupérieure ,
qui couvre le bulbe , fert à comprimer les
veines qui y paffent : il vient du corps ca-
verneux de l'urètre , & empêche , par ce
moyen, le reflux du fang , dans le temps de
réreftion; & par des contrarions répé-
tées , il chaffe le fang du bulbe vers le gland.
Son alongement fert à comprimer le canal
de l'urètre , & à forcer la fortie de la fe-
mence , ou de l'urine qui y eft contenue.
f^. Accélérateur.
La première paire de mufcles fe nomme
les èrecleurs du penil : leur aélion foutient
& tire \e penil\'i:r% les os pubis; &f moyen-
nant le fecours du ligament fufpenfoir de
la verge , la veine du penil s'applique au
ligament tranfverfe des os pubis. Ainfi le
fang refluant ne pouvant aller par cette
route , il eft nécefîaire que les corps caver-
neux fediftendent. V^oye^ ÉRECTEUR &
Collatéral.
La dernière paire des mufcles font les
tranfverfes dw penil ^ qui varient dans diffé-
rens fujets , &: qui manquent quelquefois ;
ils fervent à dilater la partie du corps caver-
neux de l'urètre , à laquelle ils font atta-
chés. V. TraNS VERS EUR.
he penil a aufli trois glandes , qui entêté
d'abord découvertes par M. Cowper : elles
fe déchargent toutes dans l'urètre , & à
caufe de la ténacité de la liqueur dont
elles font la fecrétion , on les appelle
glandes muqueufes. Voyez Glandes
MUQUEUSES.
Toutl'affemblagedu penil e^ enveloppé
d'une membrane cellulaire d'une tifture ad-
mirable, qui eft encore recouverte d'une
tunique nerveufe fort ferrée, & celle-ci l'eft
d'une cuticule & d'une peau. La duplica-
ture de la peau fur le gland fait le prépuce.
VoyeT[ Prépuce.
Il eft attaché à la partie inférieure du
gland par un ligament appelle le frein ;
voyez Frein : par un autre ligament nom-
mé le fpjpenfoir ^ il tient aux os pubis;
voyeT^^ Ligament, he penil fert à l'éva-
cuation de la femence & de l'urine. A la
vérité , M. Drake, en ccnfidérant ia ftruc-
ture >
P EN
ture , penfe qu'originairement il n'a été
deftiné qu'à l'évacuation de la femence ,
& que la conduite de l'urine n'efl; point
ce que la nature a envifagé dans le mécha-
nifme de cette partie. Voyei Semence &
Urine.
Il ajoute un autre ulage ; celui de provo-
quer l'amour , & de porter à la propagation
de l'efpece. Efïèdivement , fans un pareil
inftrument , la femence des animaux les
plus parfaits ne feroit point portée au lieu
où fe fait la prolification : ajoutez à cela ,
que l'état alternatif d'éredion & de dé-
tention efl abfolument néceflfairc ; le pre-
mier , afin que cette partie pût s'acquitter de
fes fondions ; & le fécond , pour la mettre
en fureté.
Sans une éredion , il efl impoffible de
lancer & de loger la femence à l'endroit que
la nature lui a defiiné ; & il cette éredion
étoit perpétuelle ou confiante , il feroit en
quelque forte impoffible de la garantir d'in-
jures ; fans parier de la perte du defir , qui
feroit une fuite de l'éredion confiante. V.
Priapisme.
La caufe de l'éredion du penil vient du
làng , qui diflend ou qui dilate les corps
caverneux , ainfi qu'il efl évident par plu-
fieurs expériences , entr'autres par celle où
on lia la verge d'un chien en coït , & dans
laquelle on ne trouva que du fang. C'efl
pourquoi , dans le corps des criminels qu'on
îailTe iùfpendus long-temps après leur mort ,
la verge parvient à l'état d'éredion , à caufe
du fang qui tombe aux parties inférieures ,
^ qui s'y arrête.
Le corps caverneux de l'urètre efl tendu
par les mufcles accéiéfateurs qui em-
braffent les veines de fon bulbe. Voye:^
Erection.
Article nouveau fur le Penil , par M.
de Halle r.
Le plus grand nombre des animaux efl
pourvu d'une partie faillanre, qui caradé-
rife le mn'e; les quadrupèdes l'ont en gé-
néral telle que l'homme : elle efl plus pe-
tite & moins fenfible dans les oifeaux. On
la reconnoît cependant daRS les grandes
efpeces , comme dans l'autruche , le cafuar,
le cygne , l'oie. Dans les quadrupèdes à
Tome XXV,
P E N îoi
fang froid , il efl ou fimpic ou double. Il
y en a deux , & prefque quatre , dans les
ferpens , chaque verge y étant divifée
comme en deux branches. Les poifîbns à
fang chaud ont une verge comme les qua-
drupèdes. On n'efl pas également d'accord
fur les poifîbns à fang froid. On a cepen-
dant des témoins qui prétendent l'avoir vue
dans le xiphia , le hufon , & même dans le
faumon. Les infèdes en font affez géné-
ralement pourvus , même les plus petits ,
tels que le ciron & la puce ; il me paroît
cependant que ce penil n'efl fait que pour
fentir , & qu'il n'efl pas percé pour répan-
dre la liqueur fécondante.
Dans la clafTe des vers , les efcargots ,
les vers ronds , les fangfues , le lièvre ma-
rin , & plufieurs autres efpeces , ont un
penil , & même deux.
Dans les animaux un peu compofés , la
place de cet organe efl conflamment au-de-
vant de l'anus. Dans les animaux plus fim-
ples & dans les infedes , cette place varie.
Le limaçon-ti le penil au cou , la demoi-
felle à la poitrine , l'araignée dans un des
bras ou dans une antenne.
Plufieurs infedes ont dans le voifinage
du penil des crocs , par lefquels ils s'atta-
chent à la femelle. Le limaçon a , outre
le pénis , une efpece de flèche , avec laquelle
il pique l'animal dont il veut jouir.
La marque caradériflique du mâle efl
compofee , dans l'homme , du penil & du
gland ; le penil efl compofë de deux
corps caverneux.
Ces corps , égaux & femblables entr'^eux,
font formés par un tiffu cellulaire , extrê-
mement ferré , & qui forme un fac d'une
fermeté confidérable , malgré laquelle il cedc
quelquefois à l'impulfion du fang artériel ,
& foufïre une efpece d'anévrifme.
L'extrémité poflérieure de chaque corps
caverneux efl éloignée de celle de l'autre
côté ; elle efl rétrecie à fon commence-
ment , & attachée par un tiflii cellulaire
très-dur , & prefque ligamenteux , à la
branche montante de l'os ifchium , inté-
rieurement , & à l'os pubis à fon union avec
rifchion.
De cette origine , les corps caverneux fè
portent en-dedans & en-devant ; ils fe rap-
prochent & s'uniflènt plus antérieuremcat
Ce
201 P E N
que le bulbe de l'urètre : ils enferment alors
l'urètre , & lui font attachés par une cel-
Juloiité. Dcs-lors , le pénis efl formé de trois
corps caverneux ; de ceux du pénis & de
celui de l'urètre, qui eflreçu entre les pre-
miers dans un léger fillon de leur partie
fupérieure. Leur figure efl cylindrique , maig^
applatie : ils le terminent en demi-cône ,
& finiifent dans le gland même , ou plus
bas que le gland , par une pointe obtufe.
L'intérieur de ces corps caverneux efl
creufé ; mais la cavité eft remplie d'une in-
finité défibres & de lames, qui partent de
la furface intérieure de l'enveloppe , & for-
ment une fubflance fpongieufe & cellu-
leufe. Toutes les cellules en font impar-
faites & ouvertes de tous curés y & une li-
queur quelconque avance fans peine , du
commencement du corps caverneux jufqu'au
gland. Pvemplis par une liqueur , cqs corps
fe gonflent extrêmement , s'alongent & dur-
cilfent. Il n'efl pas difficile d'imiter dans le
cadavre un changement pour lequel la na-
ture les a formés.
Pour donner plus de force aux corps ca-
verneux , ils font traverfés par un grand
nombre de filets prefque tendineux , très-
fermes , qui traverfent leur cavité , & qui
vont d'une paroi à l'autre.
Toute la longueur du corps caverneux
droit , efl collée au corps caverneux gau-
che ; mais les facs n'y font pas formés.
Des lames luifantes & très- fortes defccn-
dent de la partie fupérieure de chaque fac ,
vont en fe rétrecifîant & en laifTant àes
intervalles toujours plus larges , & fe tcr-
. minent à la partie la plus bafle du fac. Les
communications font plus nombreufes &
plus ouvertes à la partie antérieure du corps
caverneux : à la partie poflérieure , la paroi
mitoyenne eff prefque complète.
Chaque corps caverneux a un mufcle
particulier , auquel on a donné le nom d'f-
recleur : il ne mérite pas ce nom ; il éloigne
plutôt le corpis caverneux de l'os pubis , &
rend par conféquent le paiTage du fàng
plus libre par la veine du pénis. Pour faire
Ja fondion d'éreâeur , ces mufcles de-
vroient relever le />e/2ij , & le preÏÏèr contre
l'os pubis ; mais il n'y a aucun inftru-
nient propre à produire ce mouvement;
L'éredeur ainii nommé èft attaché à
P E N
l'ifchion , plus intérieurement que le corp»
caverneux , par des fibres tendineufes. Il
remonte en-dedans &» en-devant ; il atteint
la face pofiérieure de ce corps , & s'attache
à fon enveloppe. Ce muiclc paroît donner
au pénis la diredion la plus propre à porter
au fond du vagin la liqueur fécondante , en
lui faifant faire un angle demi-droit avec
l'os pubis. Il peut aufll raccourcir le corps
caverneux , & en augmenter la tenfion^,
quand il eff aduellement dilaté par le
fàng.
Le ligament du pénis fe trouve dans les
animaux. C'efl un tiffu cellulaire ferme, &:
d'une figure à-peu-près triangulaire , qui
defcend de la fj^ncliondrofe du pubis , fe
rétrécit en arrière , & s'attache à l'union
des deux corps caverneux , en fe confon-
dant avec la cellulofité dont il eil enve-
loppé.
Cette cellulofité recouvre les facs des
corps caverneux , elle fe continue avec eux ;
mais elle efl plus lâche & plus dilatable :
on peut la gonfler , & l'air paflé d'elle à
la cellulofité du fcrotum & du fému?. Elle
fe gonfle très-confidérablement quand on
y pouffe l'air. La peau le recouvre.
Ruyfch a fait deux tégumens de cette
cellulofité ; il fépare une membrane conti»
nue & denfe , qui recouvre plus immédia-
tement les corps caverneux , une véritable
cellulofité placée fous la peau. Cette flruc-
rure paroît avoir lieu dans les grands qua-
drupèdes : dans les hommes , les degrés de
laxité paffent imperceptiblement & pai»
nuances , de l'état d'une membrane ferrée à
celui d'une cellulofité cotoneufe. Albinus
a relevé cette erreur de Ruyfch.
La peau qui couvre le pénis , efl tendue
& délicate; elle efl attachée , comme dans
le reffe du corps humain , à la furface exté-
rieure des corps caverneux , par cette même
cellulofité dont nous venons de donner la
defcription.
La partie de la peau qui devroit recou-
vrir le gland , abandonne le pénis dans le
petit vallon qui marque la naiffance du
gland : elle recouvre le gland d'un côté , en
changeant de ftrud ure ; mais de Fautre ,
elle ié partage en le couvrant fans s'y arta- .
-cher , revient fur elle-même , & fait une
lame flottante double , avec une duplica^-
P E NT
ture cellulaire , comme dans les pauplereff.
Le commencement du prépuce eft atta-
ché par un pli cutané double , à la ceilu-
lofiré qui entoure i'uretre; c'ell le frein , plus
lêrré dans les enfans , & li court quelque-
fois , qu'il empêche le gland de Te décou-
vrir.
La féconde partie principale du pénis
eft le gland , plus court & plus arrondi dans
l'efpece humaine » que dans les animaux.
L'orifice de l'urètre ell placé inférieurement
fous le commencement du gland : à chaque
côté de cet orifice, ell une petite éminence ;
c'eft l'origine du gland , qui fe replie enfuite
contre le pénis , qui recouvre & le corps
caverneux de l'urètre & ceux du pénis ,
quand ils fe prolongent dans le gland , &
qui , après s'être un peu applati , fe ter-
mine par une éminence prefque parabo-
lique , fous laquelle eft placé le folTé que
nous venons de nommer.
La partie fuperficielle de ce gland eft for-
mée par l'épiderme très-fine , mais très-vi-
iible ; par un corps réticulaire fort pulpeux
& fort déhcat , & par la peau pareillement
très-tendre , très-molle , & partagée en
floccons afïez mal diftingués par des fentes:
ces floccons paroifïent être des mamelons ;
du moins le fentiment en e(l-il très-exquis ,
& fur-tout à la partie inférieure du gland ,
à celle que nous avons appellée les deux
éminences. Sous cette peau , il y a une
cellulofité courte , fine & fans graifle.
On ne peut pas démontrer dans tous \qs
fujets , les glandes qui féparent la pommade
qui s'amalle fous le prépuce ; elles font
Cependant vifibles quelquefois. Ce font de
très-petites glandes ièbacées , afïèz fermes,
placées dans réminence parabolique du gland
& dans la petite fofTe ; il y en a plufieurs
rangs. On en a vu les orifices dans la go-
norrhée , qui leur ell particulière.
L'urefre compofe , avec Ion corps caver-
neux, la troifieme partie principale de la
verge.
Le canal commence à l'embouchure de
la veffie , & finir naturellement à la partie
inférieure du gland. Il n'eft cependant pas
rare de voir que le gland eft ians canal ,
& que l'urètre s'ouvre Hu-deifus de fa bafê.
Ce défaut eft fort commun dans le genre
des moutons, & dans celui des boucs : il
P E N Î03
n*eft pas rare dans l'homme , & cVft à cette
ftrudure vicieufe qu'il faut rapporter une
grande partie Ats prétendus hermaphrodites.
Dans les grands oifeaux & dans le cafuar ^
le pénis n'eft pas percé , & l'urètre s'ouvr&
à part.
L'urètre defcend en fortant de la veffie ;
il paflê horizontalement par la proftate , &;
fon ifthme eft dans la même diredion : il
fort de deiîous la fymphyfe des os du pu^-
bis ; le bulbe l'embraflè , il remonte , il ar-
rive à la partie la plus fupérieure de la iym-^
phyfe : dès-lors , fa direction eft variable ,
il defcend dans l'état ordinaire de l'homme ,
& continue de fe porter en-haut dans Yi-
reélion.
Cylindrique en général , l'urètre a trois
élargilTèmens particuliers. Il eil plus large
à fa fortie de la veffie , plus étroit dans 1»
proftate ; plus large dans cette glande même,
plus étroit dans l'ifthme ; plus large dan»
le bulbe , cylindrique dans le pénis ; u«
peu plus large fur le gland , & un peu
plus étroit à l'orifice.
Sa fubftance eft continue , d'un c^ih , à l»
tunique nerveufe de la veffie ; & de l'autre,
à la peau : cette peau amené avec elle l'é-
piderme. L'urètre devient plus fpongieux
dans fa furface extérieure ; c'eft dans fon.
épaifteur fongueufe que font placés les finus.
Il n'eft pas mufculeux ; mais ^oxx fentiment
eft exquis , & fur-tout à la bafe du gland.
C'eft à cette place que l'âme rapporte les
douleurs , dont la caufe eft au commence-
ment de l'urètre & à la veflie même.
Toute la longueur de l'urètre eft pleine
de finus muqueux , creufés dans la fubftance
fpongieufe , & ouverts dans la cavité par
des orifices obliquement tronqués. Ces finus
commencent à la place où les glandes con-
glomérées ne tourniflent plus de Hqueur,
pour enduire la membrane fenfible de l'u-
rètre ; c'eft à un pouce plus antérieurement
que le bulbe. Une traînée de finus fe con-
tinue depuis cette place jufqu'à i'c^ificc
de l'urètre , par le miheu de fa convexité fu-
périeure. J'en ai compté jufqu'à douze. Ces
linus font fouvent à double : un finus qui
remonte s'unit avec un finus qui defcend ;
ils ont un orifice commun. Il n'eft pas rare'
que ces finus jettent des branches.
l D'autres fmus , mais plus petits , fool
-Cci :;
ao4 P E N
placés , & dans cette ligne & à fês côtés ,
plus inférieurement ; j'en ai compté jufqu'à
cinquante. C'eft le général , car pour le
nombre , la grandeur & la direétion de ces
Jfinus , tout cela varie , & ne fauroit être ré-
duit à aucune règle. Leur diredion efl tantôt
contre le gland , & tantôt contre la veflîe.
Le dernier finus efl conflamment très-
grand , très-comporé , & fept ou dix linus
s'y réunifient dans une feule foflê.
Je n'ai jamais vu de glandes s'ouvrir
dans les finus , & je ne crois pas qu'ils
commeniquent entr'eux.
Ces fmus tournifTent une mucofîté , qui
défend la peau de l'urètre de l'âcreté de
l'urine : ce font eux , & fur-tout les plus
voifins du gland , qui fourniffent la matière
de la gonorrhée , du moins dans les cas les
plus communs & les plus firaples. Quand
on irrite l'urètre par des injeâions acres , ils
fournifîènt , au lieu de glaire , une liqueur
jaunâtre , prefque fans gluant , & qui pa-
roît brûler l'urètre.
Le corps caverneux de i'uretre commence
par le bulbe qui efl placé au - devant de
riflhme ; place étroite , dans laquelle l'u-
rètre efl à découvert entre la proflate & le
bulbe. On a donné ce nom au commen-
cement du corps caverneux de l'urètre à
caufe de fa figure. Il commence par une
groffeur confidérable , terminée en cul-de-
iàc contre l'anus , & légèrement partagée
par un fillon ; ce bulbe efl couvert par l'ac-
célérateur. L'urètre efl placé au-defTous de
lui , à fon commencement ; mais il s'élève
bientôt des deux côtés , embraffe l'urètre
& l'entoure entièrement. Il efl vrai que fa
partie fupérieure manque quelquefois. C'efl
cette enveloppe fpongieufe qu'on appelle
le corps caverneux de l'urètre.
Arrivé au gland , il fe replie fur lui-
même , s'clevc & forme le gland , ou feul ,
ou avec la fin antérieure des corps caver-
neux du penil. Le gland s'amincit en re-
venant en arrière ; fa figure efl un peu pa-
rabolique , & fe termine par un bord renflé,
qui efl féparé du penil par une foffe.
J'ai vu cependant le corps caverneux de
furetre finir en cul-de-fac , & être féparé
du gland par une cloifon membraneufe :
je trouve même cette cloifon dans tous les
?tujets j mais çlle efl ordinairement impar-
P E N
faite , & le corps caverneux de Tufctre com-
munique avec celui du gland.
Le corps caverneux de l'urètre & celui
du gland , font formés par des lames qui
fortent de la peau de l'urètre , &; qui lailTent
entr'elles des efpaces vuides ; une enveloppe
membraneufe le termine du côté dupenil.
Malgré ces lames , il y a une continuation
de cavité non-interrompue depuis le buJbe
jufqu'au gland. En général , le corps caver-
neux de l'urètre efl plus tendre & moins
ferme que ceux du penil , avec lefquels {es
cellules ne communiquent point.
L'urètre a des mufcles pour le dilater &
pour le comprimer. L'accélérateur efl une
gaine mufculaire y qui enveloppe le bulbe
par defîbus & par les côtés. Ses fibres for-
ment une future dans le milieu de la face
inférieure , en fe croifant. Elles s'attachent
au bulbe même , & au tendon commun des
tranfverfaux.
L'accélérateur reçoit du fpliinder de l'a-
nus trois paquets de fibres , & deux dts
autres mufcles tranfverfaux. Les premiers
s'attachent à la future même du bulbe &
de l'accélérateur : les deux autres font plus
gros & plus extérieurs ; ils font recouverts
par les tranfverfaux , & fe continuent avec
l'accélérateur. C'efl la principale origine de
ce mufcle.
Un paquet confidérable de fibres du tranf^
verfai antérieur fe mêle avec le premier
paquet du fphinder , & s'unit avec lui à
fon infèrtion au bulbe. Il fert également
d'origine à l'accélérateur, & quelquefois
c'efl lui feul qui s'y attache , fans fe mêler
au fphinder. Un autre paquet du tranfver-
fal finit dans la ligne blanche même du
bulbe.
Les fibres de l'accélérateur fè terminent
en deux queues , qui s'attachent à la partie
fupérieure & intérieure du bulbe du côté
du pubis y & à l'enveloppe des corps ca-
verneux dupenil y & avant leur réunion
après elle.
L'accélérateur , en fè contradant , trouve
dans le fphinder de l'anus un point fixe.
Son adion fe réunit à comprimer le bulbe ,
& à pouffer svec force ce qui peut y être
enfermé , l'urine avec la femence. Dans
fon adion , on fent évidemment la coor-
ttnàtoà, du fpbindcr*
%
P E N
L'accélérateur ferre les groflTes artères &
les veines de l'urètre.
Le tranfverfal de l'urètre n'eft pas aflez
connu encore ; la difficulté de fon empla-
cement en rend la préparation difficile. Je
lui connois deux ou même trois origines ,
qui routes font attachées à la branche de
l'ifchion , qui remonte depuis la tubérofité
à l'enveloppe du mulble éredeur , & à la
branche deicendante du pubis.
Le paquet poftérieur n'a rien de commun
avec l'urètre ; il Te mêle avec le fphinfter &
fait l'office de lévateur ; il embrafle l'orifice
de l'intëflin.
La partie moyenne & antérieure appar-
tient à l'urètre. Le paquet de fibres l'e plus
pofiérieur fait , avec le même mufcle de
l'autre côté , un mufcle digaftrique au de-
vant du bulbe , comme je viens de le dire.
Il paroît dilater l'urètre. Le troifieme forme ,
comme je l'ai dit pareillement , en partie
l'accélérateur. Le mufcle entier fecoue le
bulbe , & le retire en arrière.
Un fécond tranfverfal eft large ; mais il
eft difficile d'en démontrer l'étendue. Son
origine eftau-delTus du précédent ; il s'atta-
che à Tifthrae devant le bulbe ; il la dilate.
Je fuis moins (ùr du comprelfeur de la
proftate d'Albinus, qui doit être placé plus
haut que le tranfverfal , & s'attacher à la
face interne du pubis y entre le bas de la
fynchondrofe & le grand trou ovale : il
va en arrière & embraffe la profiate , qu'il
comprime auffi bien que l'orifice de l'urètre.
Seroit-ce peut-être la partie élargie du fé-
cond tranfverfal?
Les vaifTeaux du penil font nombreux.
Ils naiffent généralement <ies artères & des
veines hypogaftriques.
L'artère obturatrice donne aflez fouvent
une branche , qui fort du baffin fous l'os
pubis j & fe joint à l'artère dorfale du
penii.
L'hémorrhoïdienne moyenne donne des
branches à l'entonnoir de la vefTie , & au
commencement de l'urerre.
La véficale inférieure fait fur la proftate
un réfeau , avec fa compagne , de l'autre
côté ; & de ce réfeau part une artère iims
paire , qui fort du balÈn fous la fynchon-
drofe du pubis ^ & va fè joindre , comme
la précédente , à l'artère dorfale du peniU [
P E N îoç
M. Winflov a cru que cette dorfale naît
confiamment de la plus inférieure des véfi-
cales. Je l'ai vu en tirer fon origine , mais
cela eu rare.
L'artère honteufe , après s'être contour-
née autour du mufcle coccygien , entre
dans un vallon placé entre la tubérofité de
l'ifchion & l'anus ; elle y eu recouverte
d'une membrane , qui la prefTe contre le
mufcle obturateur interne , & atteint à la
fin le, mufcle tranfverfal de l'urètre : elle
donne alors une branche au mufcle , au
bulbe de l'urètre & à Téredeur , &: fe par-
tage.
Sa branche fuperficielîe , que j'ai nommée
[^ artère du périnée , donne quelques bran-
ches au bulbe , à l'accélérateur , àl'éredeur,
& devient la principale artère du fcrotum :
elle s'anaftomofe avec les branches qui de
l'artère du pénis vont au fcrotum.
La branche profonde efl l'artère du
pénis : elle eft couverte , dans la fituation
dans laquelle on a coutume de la prér
parer, du tranfverfal; elle defcend entre
l'accélérateur & l'éredeur, & enfuite entre
l'éredeur & le corps caverneux du penil ,*
elle pafîe fous la fynchondrofe du pubis y
après avoir donné de groflés branchés au
corps caverneux de i'uretre : ces branches
fe tont un paflage entre les fibres de l'accé-
lérateur. Une de ces branches perce du bulbe
de l'urètre à fon corps caverneux, & de là
à celui du penil ^ avec l'artère profonde
d'où elle communique.
D'autres branches plus petites fe portent
à l'accélérateur , au corps caverneux du
penil y &c à l'éredeur.
Arrivée à ce terme antérieur de la fyn-
chondrofe , cette artère fe partage encore
une fois.
Dans le plus grand nombre de fujets,
l'une de ces divifions eu l'artère dorfale du
pénis y qui reçoit des branches de l'obtu-
ratrice & de la véficale. Ces branches font
ordinairement petites : il y a cependant
des fujets dans lelquels elles font plus gran-
des que l'artère qui provient de la hon-
teufe.
Cette artère dorfale rampe parallèlement
avec fa compagne fur le dos du penil ; elle
donne des branches aux corps caverneux ,
au prépuce , & le contourne dans le petit
10^ P E N
vallon cf-eufé à la bafe du gland , pour fe
terminer au corps caverneux de ce gland :
elle communique près du gland , avec (à
compagne , & donne des branches au
fcrotum.
L'autre branche de cette divifion eft l'ar-
tère profonde du pénis y ou la caverneufe :
elle communique par une grotîe branche,
avec fa compagne , à la racine du pénis ;
elle s'enfonce dans le corps caverneiDC par
un tronc ou par deux troncs , & paife par
fes cellules jufqu'au commencement du
gland ; elle donne des branches nombreu-
iès aux corps caverneux du pénis , & à
celui de l'urètre. Ca liqueur qu'on poulîe
dans cette artère , gonfle avec facihté les
corps caverneux.
Les veines font à-peu-près faites de même ,
mais plus nombreufes, fouvent plus cuta-
nées & plus abondantes en réfeaux : elles
ont des valvules. Il y a (ur la face anté-
rieure de la velue & fur (qs deux côtés , des
réfeaux de cette efpece „ formés par des
veines confidérables : il en réfulte un tronc ,
qui eiè la veine dorfale du pénis.
La veine honteufe , compagne de l'ar-
tère , après avoir donné , comme l'artère ,
des branches au bulbe , à l'accélérateur , à
l'éredeur , forme avec les réfeaux que je
viens de nommer , la veine dorfale du jDf/z/j;
cette veine efî fans paire ; elle a pour bran-
che.la veine du prépuce, qui communique
avec le corps caverneux de l'urètre , & fon
tronc fe confume au gland. Elle a quantité
de valvules qui dirigent la diredion du fang
contre le tronc , & fuivent les loix de la
circulation. Il y a une veine profonde ou
caverneufe à\A pénis y compagne de l'attere.
Les veines cutanées du pénis communiquent
avec le corps caverneux de l'urètre , & avec
le fcrotum.
Il y a des vaifleaux lymphatiques au
pénis.
Les nerfs de cet organe font des plus
confidérables; aulG efl-il deftiné à fentir
avec plus de vivacité qu'aucune autre partie
du corps humain. Le frottement y excite
des convulfions , quinenailîentdans aucune
partie du corps humain par une caufe auflî
légère.
Les nerfs dorfaux du pénis proviennent
du grand ifchiadique ; ils accompagnent
P EN
l'artère honteufe, & donnent à-peu-près
les mêmes branches ; ils font fuperficiels
au pénis : de trois grofîès branches , deux
font plus courtes ; la troifieme arrive au
gland.
L'adion du pénis eft de celles que la pu-
deur obfige de cacher ; mais la phyliolo-
gie ne connoît pas ces réferves. La nature
efi: toujours férieufe : l'organe dont nous
venons de parler dî celui du plus important
de tous fes ouvrages , de la propagation àts
efpeces.
Le pénis a dû être fans tenfion dans
l'état naturel. L'homme ert deltiné à mille
devoirs incompatibles avec la tenfion. Il
devoit acquérir , avec facilité , une érec-
tion , fans laquelle la génération devien-
droit impoflible. La volupté , voix per-
fuafive de la nature , ne naît que dans
l'éreûion : fans elle , la liqueur fécondante
n'auroit pu être portée à la feule place à
laquelle elle fatisfait au but de la lagelïè qui
dirige tout.
Cette éredion fe fait {ans doute par l'ac-
cumulation du fang dans les trois corps
caverneux , dans ceux du pénis au com-^
mencement de l'éredion , & dans celui
de l'urètre au moment néceflaire pour la
fécondation.
On a coupé à des animaux l'organe géné-
rateur, dans le moment même où il alloît
s'acquitter de fa fondion ; les corps caver-
neux fe font trouvés remplis de fang. On
imite l'éredion dans le cadavre , en remplif^
fant CCS lacs fpongieux ou par les artères ,
ou immédiatement.
Pour les remplir , il faut que le fang s'y
porte avec plus de vîteflè par \ts artères ,
& qu'il en revienne avec moins de faci-
lité par les veines. C'efl une véritable in-
flammation.
Les caufes éloignées de l'éredion fe ré-
duifent généralement à des flimulus. Le plus
naturel, c'efl l'abondance de la hqueur fé-
minale : cette caufe eft vifible dans les oi-
feaux ; le phénomène n'a rien d'obfcur dan j
l'homme même. Le befoin eft la grande
loi de la nature ; la liqueur féminale , accu-
mulée , difpofée à s'acquitter de fa deftina-
tion , excite elle-même l'organe par lequel
elle^ doit remplir les vues de la nature.
L'ufage trop fréquent de l'î^mour cpuije
«
P E N
cette liqueur; il enlevé en même temps
la principale caufe naturelle de l'éredion :
elle feroit inutile , dès qu'elle ne peut plus
lervir à féconder l'autre iexe.
L'imagination , le fouvenir du plaifir ,
toute aflbciation d'idées qui en rappelle
les charmes , trava-iiient puiflitmment à l'é-
redion ; elle feule termine toute la fonc-
tion naturelle de la génération dans le
fonge.
L'odeur des parties génitales de la femelle
du même genre agit puifîîirament chez
tous les animaux , & toute irritation des
parties génitales fait le même effet ; la
fVidion du gland & des deux petites colli-
nes qui accompagnent l'orifice de l'urètre ;
l'irritation de l'urine retenue pendant le
fomraeil; la préfence d'une matière acre
dans l'urètre ; le frottement des parties voi-
fines ; les cantharides ; les commencemens
des petits ulcères des fmus muqueux ;
des remèdes purgatifs ; des lavemens Ifi-
raulans.
Toute convulfion violente dans le fyûè-
me nerveux, a produit l'éredion & l'émif-
fion même ; l'épilepfie , l'acUon de différens
poifons.
Il paroît que toutes ces caufes irritantes
agifl'ent à-peu-près comme dans toute autre
partie du corps humain. Le fang fe porte
avec force à toute partie enflammée ; elle
fe gonfle , devient rouge & chaude , & fon
fentime||||jefl: augmenté à l'extrême. Dans
l'éredion , les mêmes phénomènes fe font
appercevoir.
Il n'efl pas aifé d'expliquer cette puif-
fance locale des nerfs fur les artères ,
mais c'elf un fait qui ne fàuroit être rais en
doute.
Si le fang veineux revenoit du pénis aux
troncs veineux , avec la même vîtefîe avec
laquelle il arrive par les artères , les corps
caverneux ne fe gonfleroient janiais ; en
vain y viendroit-il dix fois plus de fang ,
s'il en revenoit dix fois plus qu'auparavant.
On a donc cru , depuis un fiecle , que
dans l'éredion , le retour du fang veineux
devoit être retardé pendant que le courant
du fang des artères efl accéléré.
On he le pénis ^ on en lie même feu-
lement les veines d'iris un animal vivant ;
les corps caverneux fe gonflent , & jufqu'à
P E K 107
la gangrené , dans le premier de ces cas. Si
la ligature des veines feules ne produit
qu'une érediort molle , ctù que ces veines
communiquent de tout côté avec les veines
cutanées voifines , & qu'aucune ligature
ne peut empêcher le pénis de fe décharger
d'une partie de fang. On a ouvert la veiné
du pénis dans le priapi{me , & toute cette
incommode éredion a difparu. Ces der-
nières expériences paroiffent prouver qu'ef-
fedivement le retardement du retour du
fang par les veines a quelque part à l'érec-
tion , & que l'accélération du fang artériel
ne la produit pas feule.
On a cru faire un pas de plus : on a
cru que les mulcles éredeurs comprimoient
la veine dorfale du pénis j que l'accéléra-
teur pouvoit gêner le retour du fang , en
ferrant les grolfes veines du corps caver-
neux de l'urètre. L'éredeur certainement
efl incapable de comprimer la veine : l'ac-
célérateur paroît faire quelque chofe de plus ,
& on pourroit peut-être répondre à une
objedion. ElTedivement, l'accélérateur ne»
peut pas comprimer également ; mais il
efl avéré que l'irritation nerveufe -produit
une éredion , & une éredion caufée par
la congeffion du fang , jàns aucun mufcle
vifible qui puifîè comprimer les veines.
Telle efl l'éredion du mamelon du fcin ,
caufée par la fridion : l'épanchement du
lang dans une cellulofifé fous la peau , qui
fe fait dans le coq d'Inde , a de l'analogie
avec cette adion.
Quel que foit le méchanifme de la nature*
pour retarder le retour du fang veineux ,
ce méchanifme fe fait apparemment par le'
miniffere des nerfs ; ce font eux , dont la
fenfibilité portée à l'extrême produit l'érec-'
tion. Après un certain âge , la vivacité de
leur fentimenteff aifoiblie , les mêmes caufes
Simulantes n'en produKènt plus. Dès que
l'irritation nerveufe ceffe , dès qu'une autre
idée déplace celle de la volupté , les organes
retombent dans leur état naturel. .
L'éredion n'efl certainement pas une
adion de la volonté , qui ne fauroit , ni
la produire , ni l'empêcher immédiate-
ment. C'eff un de ces mouveméns qui
réfultent du méchanifine du corps ani-
mal , mis en jeu par des caufes propor-^
tionnées.
2o8 P E N
Cette éreâion n'eft pas une aâion bien
violente; elle peut durer un temps con-
fidérable fans caufer. d'accident ; elle n'ôre
pas les forces ; elle eft l'ouvrage de la fan té
la plus parfaite : mais elle n'accomplit pas
les defTeins de la nature ; c'cfl l'émiffion de
la liqueur fécondante que demande la fa-
gefTe qui gouverne le monde, & cette
emifllon ne devient pofiible que par des
efforts bien violens.
L'urètre eft également le paflage de l'u-
rine; mais , pour en décharger l'animal,
la contradion de la tunique mufculeufe
de la veffie fufBt en général : les premiers
commencemens de l'émiflîon font l'ou-
vrage des mufclesdu bas-ventre & du dia-
phragme , & les dernières gouttes font ex-
pulfées par l'accélérateur.
Il faut beaucoup plus d'efforts pour pouf-
ier la liqueur fécondante dans l'organe def-
tiné pour la recevoir. Dans l'état naturel ,
cette éjiiflîon ne fe fair qu'après Téredion
la plus parfaite , après la diftenfion fur-tout
des corps caverneux , du gland & de l'urètre.
C'eft une maladie que cette cmiiïion (ans
éredion^
Pour la produire , il faut que la liqueur
fécondante forte des vélicules féminales
& des cellules voifmes du canal aétérent ,
& qu'elle foit pouflee dans l'urètre. La
convulfion de tous les mufcles voifins con-
court pour produire cet effet. Le fphinder
. de l'anus fe ferme ; il prête un point d'ap-
pui au lévateur , qui relevé la proftate & la
vuide. Le mufcle particulier de cette glande,
que je ne connois pas lans cette définition ,
concourt fans doute au même effet.
C'eft peut-être une adion. nerve.jfe fim-
ple , qui redreffe les petits canaux féminaires
qui traverfent la proftate. Leur extrémité
fait , dans leur état ordinaire , un angle
avec la partie fupérieure des mêmes canaux.
Cet angle s'efface apparemment dans l'émif^
flon , & le canal excrétoire devient droit ,
comme les vaifîeaux ladiferes le deviennent
dans la fuccion.
Depuis le petit vallon de l'urètre .qui
reçoit le fperme , la liqueur eft exprimée
principalement par l'adion alternative de
l'accélérateur , & par celle d'une partie
des tranfverfaux. Cette adion eft d'une
grande violence ; elle doit faire fortir la
P E N
liqueur fécondante par l'urètre comprima :
les forces qui expriment l'urine ne fuffifent
pas pour cet effet ; au contraire , l'urine eft
retenue pendant tout le temps que la liqueur
fécondante fort de fon canal.
La convulfion avec laquelle s'achève cette
émiflion , eft accompagnée de palpitation ,
de chaleur , d'une relpiration laboricufe ;
ellelaiffe après elle un grand affoibliffement.
Ce n'eft cependant pas l'adion nerveufè
qui brife les forces de l'animal ; je dis l'ani-
mal , les inledes eux-mêmes ne furvivent
que de peu d'heures à la fécondation de la
femelle ; c'eft plutôt la perte de la liqueur
fécondante qui fait la foibleffe ; elle eft la
même , quand cette liqueur fe perd (ans
éredion & fans la convulfion qui accompa-
gne l'émiffion naturelle.
PENING ou PENNING , ( Comm. )
le denier de Hollande. Il vaut un cinquième
de plus que ne valoit le denier tournois de
France.
PENINSULA , ( Ge'og. anc. ) Pline,
lip. IV y chap. xpiij y donne ce nom à la
partie de la Gaule lyonnoife , qui s'étend
vers l'occident & avance dans l'océan. Il lui
donne 625 milles de circuit, en commen-
çant à compter aux confins des Ofifmii ,
dont le pays fe^terminoit à-peu-près dans
l'endroit où eft aujourd'hui la ville de Saint-
Malo. Pline ajoute que l'ifthme de cette
peninfule avoit 125 milles de largeur.
PENINSULE, f.f. c'eft, en (j^graph.
une portion ou une étendue de terre jointe
au continent par un col étroit , tout le refte
étant environné d'eau. Voy. IsTHME.
Ce ipot eft compofédes mots \zùnspene
& infula y c'eft-à-dire , prefqu'ik ; tel eft
le Péloponefe ou la Morée , tels font aufli
l'Italie , la Jutlande , &C.
On a aufïï appelle la Cherfoncfe penin-'
fuie. Voyei CherSONESE.
On voit que la mer , attaquant continuel-
lement les terres , & les rongeant , les con-
trées maritimes qui doivent fouffrir le plus ,
s'altérer , & même difparoître à la longue ,
font les peninfules y dont la petite portion
de terre qui les unit au continent , fe rompt
à la longue. La peninfule doit finir par
former une île.
PENISCOLA, {Géogr. mod.) ouPe-
nofcola ^ ville d'Efpagnc au royaume de
Valence ,
P E N
Valence , vers le bord de la mer , au nord
d'Oropefa , & fur une pointe de terre fort éle-
vée. Long. 13,6; lat. 39 , 15. ( D. 7. )
PÉNITENCE , f. f. ( Théologie , ) prlfc
pour l'exercice de h pénitence ^ peut être
définie une punition volontaire ou impo-
léepar une autorité légitime , pour l'expia-
tion des fautes qu'une perfonne a commifes.
Voye:^ PUNITION.
Les Théologiens Catholiques confiderent
la pénitence tous deux ditférens rapports ,
ou comme vertu , ou comme Sacrement,
A ne confidérer la pénitence que comme
vertu , on la définit une détefîation fincere
des péchés qu'on a commis , jointe à une
ferme réfolution de n'y plus retomber , &
de les expier par des œuvres pénibles &
humiliantes': l'Ecriture & les Pères donnent
des idées exades de toutes ces conditions.
La pénitence , confidérée comme vertu , a
été de tout temps abiolument néceflaire , &
l'efl encore aujourd'hui , pour rentrer en
grâce avec Dieu.
Ils définiflent lapénitence ,envifagée com-
me Sacrement , un Sacrement de la Loi nou-
velle , inftitué par Notre-Seigneur Jefus-
Chrifi- pour remettre les péchés commis
après le Baptême : c'eft pourquoi les Pères
l'ont appellée une féconde planche , qui
fauve du naufrage de la mort (pirituelle ceux
qui ont perdu l'innocence baptifmalé :
Se Clin da pofl naufragium tabula ejî pceni-
tentia. Hyeronim. in cap. iij. If ai ce.
L'inftitution du Sacrement de pénitence
fuppofe trois chofes ; 1°. que Jefus-Chriil
a donné à fon Eglife le pouvoir de remet-
tre \qs péchés commis après le baptême : or,
c'efl ce qu'on voit expreflement dans S.
Jean ^c.ocx , f. zi y zz ^ Ê? 2.5 , & ce
qui eft attefté par toute la tradition. 2°.
Que ce pouvoir dont l'Eglife eu revêtue , eft
une autorité vraiment judiciaire , qui influe
réellement dans la réraiflion des péchés
commis après le baptême , & non fimple-
raent déclarative que ces péchés font rerais ,
comme il paroît par S. Matthieu , chap. xij ,
"5^. 1$ y & par la pratique confiante de,
l'Eglife depuis fon établiflement. 3°. Que
l'Eglife n'exerce judiciairement ce pouvoir
qu'en fe fervant de quelque figne fenfible
qui en manifelk l'ufage , & qui en dénote
l'effet ; ce qui exige une accufation de fa
Tome XXy,
P E N 109
part du coupable, & uneabfolutiondela part
du Minifirc qui exerce cette fondion au nom
de Jefus-Chrift.
Les Théologiens font partagés fur ce
qui conflitue la matière du Sacrement de
pénitence : le plus grand nombre penfe
qu'elle confifte dans les trois ades du pé-
nitent , la contrition , la confeflîon & la
latisfadion: d'autres foutiennent que l'im-
pofirion des mains du Prêtre fait la matière
de ce Sacrement. Quant à la forme , on en
peut diflinguer de trois fortes ; l'une indica-
tive , ego te abfoh'oà peccatis tuis^ in nomi'
ne Patris , &c. c'efl celle qui efl en ufage de- -
puis le treizième fiecle dans l'Eglife Latine ,
qui employolt auparavant la forme dépréca-
tive : l'autre , déprécatlve ou conçue en for-
me de prières , telle que celle qui eft en ufage
chez les Grecs , & qui commence par ces
termes : Domine Jefu Chrifie ,fili Dei vivi ,
relaxa y remitte , condona peccata , ^c. Et
enfin , une impérative , comme abfolratur ,
&c. On convient que ces trois formules font
également bonnes.
Le concile de Trente , feclion ? 4 > ^^
pcenit. Can. zo , a décidé que les Prêtres ,
& par conféqirent les Evêques , font les
feuls Miniflres du Sacrement de pénitence :
mais outre la puilîance d'ordre qu'ils reçoi-
vent dans leur ordination ; il leur faut en-
core une puifTance de jurifdidion ou ordi-
naire , comme à titre de Curé , ou de jurif-
didion déléguée , telle que l'approbation
de l'Evêque ; fans quoi ils ne peuvent ni
licitement ni validement abfoudre , excepté
dans les cas de néceffité.
Pénitence feditaufli particulièrement de
la peine que le Confeffeur impofe pour là
iàtisfadion des péchés dont il abfout. V^oycT^
Absolution, Confj;ssion.
Pénitence , chez les Chrétiens , efî
une peine impoiée après la confefïion des
péchés ; elle étoit fecrcte ou publique ,
félon que l'Evêque ou les Prêtres par lui
commis le jugeoient à propos pour l'édi-
fication des Chrétiens ; plufieurs faifoient
pénitence publique , fans que l'on fût pour
quels péchés ils la faifoient ; d'autres fai-
foeint pénitence en fecret , même pour de
grands crimes , lorfque la pénitence publi-
que auroit caufé trop de fcandale , ou les
auroit expofés au danger- Le temps des
Dd
zio P E N
pénitences étoit plus ou moins long , félon
les ditfércns ufages des Eglifes , & nous
voyons encore une grande diverlité entre
les Canons pénitenciaux qui nous refient ;
mais les plus anciens font d'ordinaire les
plus (ëveres. S. Bafiie marque deux ans
pour le larcin , fept pour la fornication ,
onze pour !e parjure , quinze pour l'adul-
tère , vingt pour l'homicide , & toute la
vie pour l'apoUafie. Ceux à qui il étoit pref-
crit de faire pénitence publique , s'adrel-
foient à l'Archiprêtre ou autre Prêtre péni-
tencier , qin prenoit leur nom par écrit ;
puis le premier jour de carême , ils fe pré-
fentoient à la porte de l'Eglife en habits
pauvres , iales & déchirés ; car tels étoient
chez les anciens les habits de deuil : étant
entrés dans l'Eglife , ils recevoient des
mains du Prélat des cendres fur la tête ,
& des ciliées pour s'en couvrir ; puis on
les mettoit hors de l'Eglife , dont les porr
tes étoient aulîi - tôt fermées devant eux.
Les pénitens deraeuroient d'ordinaire en-
fermés , & pafToient ce temps à pleurer & à
gémir , excepté les jours de fêtes , auxquels
ils venoient fe prefenter à la porte de
l'Eglife , fans y entrer : quelque temps après
on les y admettoit , pour entendre les lec-
tures & les fermons , à la charge d'en for-
tir avant les prières : au bout d'un certain
temps , ils étoient admis à prier avec les
fidèles , mais proflernés contre terre ; &
enfin , on leur permettoit de prier debout ,
jufqu'à l'oiFertoire qu'ils fortoient : ainfi il y
«voit quatre ordres de pénitens , les pleu-
rans y les auditeurs , les profiernés y Ù les
connitans ou ceux qui prioientdeboiit.
Tout le temps de la pénitence étoit di-
vifé en quatre parties , par rapport à ces
quatre états : par exemple , celui qui avoit
tué volontairement étoit quatre ans entre
hspleurans , c'efl-à-dire , qu'il fe trouvoit
à la porte de l'Eglife aux heures de la prière ,
& demeuroit dehors revêtu d'un cilice ,
ayant de la cendre fur la tête , & le poil
non rafé ; en cet état , .il fc recommandoit
aux prières des fidèles qui entroient dans
l'Eghfe: les cinq années fuivantes il étoil^
' au rang des auditeurs , & entroit dans
l'Eglife pour y entendre les inftrudions ;
après cela il étoit du nombre des profiernés
pendant fept ans , & enfin ii paflbit.
P E N
au rang des connitans y priant debout y
jufqu'à ce que les vingt ans étant accom-
plis , il étoit aumis à la participation de
rEuchariftie : ce temps étoit fouvent abrégé
par les Evêques , loriqu'ils s'appercevoient
que les pénitens méritoient quelque in*-
dulgence ; que fi le pénitent mouroit pen-
dant le cours de la pénitence , & avant que
de l'avoir accomplie , on avoit bonne opi-
nion de ion lalut , & l'on oflTroit pour lui
le faint Sacrifice. Lorfque les pénitens
éioient admis à la réconciliation > ils fc
prélentoicnt à la porte de l'Eglife y où le
Prélat les taifoit entrer & leur donnoit fab-
f)lution folemncUe : alors ils fe faifoient
faire le poil ; & quittoient leurs habits de
pénitens pour vivre comme les autres fidè-
les. Cette rigueur étoit fagement inflituée ,
parce que, dit S. Auguftin», fi l'homme
revenoit promptement dans fon premier état ,
il regarderoit comme un jeu la chute du
péché.
Dans les deux premiers fiecles de l'Eglife ,
le temps de cent pénitence ni la manière n'é-
toient pas réglés ; mais dans le troifieme ,
on fixa la manière de vivre des pénitens
& le temps de leur pénitence. Ils étoient
féparés de la communion des fidèles , pri-
vés de la participation , & même de la vue
des faints myfleres , obligés de pratiquer
diverfes aufiérités , jufqu'à ce qu'ils reçurent
l'abfolution. La rigueur de cette pénitence
a été fi grande en quelques Eglifes , que
pour les crimes d'idolâtrie , d'homicide &
d'adultère , on lailToit les pécheurs enpéni^
tence pendant le refle de leur vie , & qu'on
ne leur accordoit pas même l'ablblution à
la mort. On fe relâcha à l'égard des der-
niers ; mais pour les apoftats^ cette lévérité
a duré plus long-temps. Ce point fut
réfolu du temps de Saint Cyprien , à
Rome & à Carthage y mais on n' accor-
doit l'abfolution , à la mort , qu'à ceux qui
l'avoient demandée étant en fanté ; & fi
par hazard le pénitent revenoit de fa ma-
ladie, il étoit oK'igé d'accomplir la péni-
tence. Mais jufqu'au fixieme fiecle , quand
les pécheurs , après avoir fait pénitence ,
retomboient dans des crimes , ils n'étoient
plus reçus au bénéfice de l'abfolution , &
demeuroient en pénitence féparés de la com-
munion de l'Eglife, qui laifïbit leur, falut
P E N
entre les mains de Dieu ; non que l*on en
défefpérât , dit S. Auguflin , mais pour main-
tenir la rigueur de la difcipline : Non defpe-
rationc venix faâum efl , fed rigore difci-
plince.
Au refte , les degrés de cette pénitence
ne furent entièrement réglés que dans le
quatrième fiecle , & n'ont été exadement
obfervés que dans l'Eglife Greque. Les
Clercs , dans les quatorze premiers fiecles ,
étoient fournis à la pénitence comme les
autres : dans les fuivans , ils étoient feule-
ment dépofés de leur ordre , & réduits au
rang des laïcs , quand ils tomboient dans
éts crimes pour lefquels les laïcs étoient mis
en pénitence. Vers la fin du cinquième fiecle ,
il s'introduifit une pénitence mitoyenne en-
tre la publique & le fecrete , laquelle fe fai-
foitpour certains crimes commis dans les
Monafleres ou dans d'autres lieux , en pré-
fence de quelques perfonnes pieufes. Enfin ,
vers le feptieme fiecle , la pénitence publi-
que pour les péchés occultes , cefîa tout-à-
fait. Théodore , Archevêque de Cantor-
bery , efl regardé comme le premier auteur
de la pénitence fecrete pour les péchés
fecrets en Occident. Vers la fin du huitième
fiecle , on introduifit le rachat , ou plutôt
la commutation des pénitences impofées ,
que l'on changeoit en quelques bonnes œu-
vres , comme en aumônes , en prières , en
pèlerinages. Dans le douzième fiecle , on
imagina celle de racheter le temps de la
pénitence canonique avec une fomme d'ar-
gent , qui étoit appliquée au bâtiment d'une
Eglife, & quelquefois à des ouvrages pour la
€ommodité publique : cette pratique fut d'a-
bord nommée relaxation ou relâchement y &
depuis indulgence. Voy. INDULGENCE.
Dans le huitième fiecle , les hommes
s'étant tout-à-fait éloignés de la pénitence
canonique > les Prêtres fe virent contraints
à les y exhorter pour les péchés fecrets
& ordinaires ; car pour les péchés publics
& énormes , on impofoit encore des péni-
tences très-rigoureu fes. Dans les quator-
zième & quinzième fiecles , on commença à
ordonner des pénitences fort légères pour
des péchés très-griefs; ce qui a donné lieu
à la réformation faite à ce fujet par le
Concile de Trente , qui enjoint aux Con-
fcfTeurs de proportionner la rigueur des pé--
P E M lîi
nitences à l'énormitc des cas , & veut que
\a.pénitence publique foit rétablie à l'égard
des pécheurs publics. Tertull. de pœnit.
S. Cypr. epift. & tract, de lapjis. Laubef-
pine , obferv. Morin de pxnit. Godteau p
Hifloire de VEglife , liv. IV. Fleury .
mœurs des Chrét. n. xxv.
Pénitence , dans le Droit Canon An-'
^ois , fe dit d'une punition eccléfiaftique ,
que l'on inflige particulièrement pour caufe
de fornication. Voye:{ FORNICATION.
Voici ce que les Canons prefcrivent à
cet égard. Celui qui a commis le péché de
fornication , doit fe tenir , pendant quelques
jours de dimanche , dans le porche ou le
veflibule de l'Eglife , la tête & les pies
nus , enveloppé dans un drap blanc , avec
une baguette blanche en main , fe lamen-
tant & fuppliant tout le monde de prier
Dieu pour lui. Il doit enfuite entrer dans
l'Eglife , s'y proflerner & baifer la terre ;
& enfin y placé au milieu de l'Eglife fur un
endroit élevé , il doit déclarer l'impureté de
fbn crime, fcandaleux aux yeux des hommes j
& déteftable aux yeux de Dieu.
Si le crime n'efl pas de notoriété publi-
que , les Canons permettent de commuer
la peine » à la requête de la partie , en une
amende pécuniaire au profit des pauvres.
Pénitence , chez les Juifs , nommée
thejourtha , nom qui fignifie changement
ou converjion. La véritable pénitence doit
être , félon eux , conçue par l'amour de
Dieu , & fuivie de bonnes œuvres. Ils fai-
foient une confefïîon le jour des expia-
tions , ou quelque temps auparavant. lU
impofoient àts pénitences réglées pour les
péchés , & ils ont chez eux des péniten-
ciers qui marquent les peines qu'il faut im-»
pofer aux pécheurs ^ lorfqu'ils viennent
confefîer leurs péchés. Cette confeffion efl
d'obligation parmi eux ; on la trouve
dans les cérémonies du facrifice pour le
péché : celui qui l'ofîroit confefîbit fbn
péché , & en chargeoit la vidime. Ils recoa-
noifToient un lieu defliné à la purification
des âmes après la mort ; on offroit dés
facrifices pour elles : maintenant ils fe con-
tentent de fimples prières. Ainfi , parmi les
péchés, ils en diftinguent de deux fortes;
les uns qui fe pardonnent dans l'autre vie,
les autres qui font irrémiffibles. Jofèpb
Dd ^
212 P E N
nous apprend que les Pharifîensavoientune
opinion particulière là-defTus. Ils enfei-
gnoient que les âmes des gens de bien , au
ibrrird'un corps, entroient dans un autre ,
mais que celles des méchans alloient d'abord
dans l'enfer. Hérode le Tétrarque , pré-
venu de ce fentiment , croyoit que l'ame
de S. Jean , qu'il avoir fait mourir , eMÏt
paflee dans la perfonne de Jefus-Chrifî. Le
P. Morin , de pcenitendâ , le P. Lamy de
l'Oratoire , introduction â V Écriture-Sainte.
Voyez Expiation , Résurrection,
PENITENCERIE , f. f. {Jurifpr. ) efl
de deux fortes ; la Pénitencerie de Rome ,
Caméra pœnitentiaria , eft l'Office , Tribu-
nal ou Confeil de la Cour de Rome , dans
lequel s'examinent & fe délivrent les bulles ,
brefs ou grâces , & difpenfes fecretes qui
regardent les fautes cachées , & par rap-
port au tor intérieur cfe la confcience , foit
pour l'abfolution des cas réfervés au Pape ,
îbit pour les cenlures , foit pour lever \ç.s
cmpêchemens de mariages contradés fans
difpenfe.
Les expéditions de la Pénitencerie , fe
font au nom du Pape ; elles font fcellées en
cire rouge , & s'envoient cachetées à un Doc-
teur en Théologie , approuvé par l'Evêque
pour entendre les confeffions , mais fans en
défigner aucun fpécialement , foit par fon
nom , foit par fon emploi.
Le grand Pénitencier de Rome , au nom
duquel le bref efl expédié , enjoint auCon-
fefîêur d'abfoudre du cas exprimé , après
avoir entendu la confeffion facramentelle
de celui qui a obtenu le bref , en cas que
k crime ou l'empêchement du mariage (bit
fecrer. Il efl enlliite ordonné au ConfefTeur
de déchirer le bref aufli-tot après la con-
feffion , fous peine d'excommunication ,
fans qu'ii lui foit permis de le rendre à la
partie.
Les abfolutions obtenues & les difpenfes
accordées en vertu des lettres de la Péni-
tencerie , ne peuvent Jamais fèrvir dans le
for extérieur ; ce qui doit fur-tout s'obfer-
ver en France , où les tribunaux , tant
eccléfiaftiques que féculiers , ne reconnoil-
iènt point ce qui dX émané de \à Péni-
tencerie.
En France , la Pénitencerie eft le béné-
P E N
fîce ou le titre de cehii qui efl grand Péni-
tencier de l'I-Lvêque ; c'efl-à-dire , qui a le
pouvoir d'abfoudre des cas réfervés.
—La Pénitencerie eft ordinairement une
àQs dignités des Eglifès cathédrales. Voye:^
les Loix ecclefiajiiques y voyez PÉNITEN-
CIER. {A)
PENITENCIER , f. m. ( Jurifprud. )
qu'on appelioit auili autrefois Pénancier ,
Piatorum exhedra , efl un Eccléfiaftique qui
exerce l'office de la Pénitencerie.
On donnoit au commencement le titre de
Pénitenciers à tous les Prêtres qui étoient
établis par l'Evêque pour ouir les confeilions.
Anaflafe le Bibliothécaire dit , que le Pape
Simpliciuschoifit quelques-uns des Prêtres
de l'Eglife Romaine pour préiider aux péni-
tences : les autres Evêques firent la même
chofe , chacun dans leur Eghfe.
A mefure que la diflindiori des ParoifTes
fut établie , les fidèles alloient à confcfîe à
leur propre Pafteur.
Il n'y avoir que les Prêtres qui fe confef-
foient à l'Evêque , &. les laïcs qui avoient
commis quelqu'un des cas dont l'Evêque
s'éîoit réfervé l'abfolution.
Mais bientôt les Evêques établirent dans
leur cathédrale un Pénitencier en titre pour
\ts cas réfervés ; & pour difîinguer ces Pé-
nitenciers des Confeffeurs ordinaires , aux-
quels on donnoit auffi anciennement le titre
de Pénitenciers y on les furnomma grands
Pénitenciers ; ils font auffi nommés ror^/Z/e
de VEvêque. ♦
L'infVitution des grands Pénitenciers efl
fort ancienne. Quelques-uns la font remon-
ter jufqu'au temps du Pape Corneille , qui
fiégeoit en 25 1. Gomez tient que cet office ne
fut établi à Ronse que par Benoît II , qui
parvint au Pontificat en 684.
Il efl fait mention àts Pénitenciers dans
les Conciles d'Y'ork en 1194, de Londres
en 1137, & d'Arles en 1260. Les Péni-
tenciers y font appelles les ConfeJJeurs gé-
néraux du Diocefe.
Le quatrième Concile de Latran , tenu
en 1215, fous Innocent III, ordonne aux
Evêques d'établir des Pénitenciers , tant
dans leur cathédrale , que dans les Eglifss
collégiales de leur Diocefe , pour les foula-
ger dans la confeffion des cas réfervés.
Peu après , les Evêc^ues fe déchargèrent
/
P E M
entièrement Je cette fondion fur leur grand
Pénitencier.
Le Concile d'Arles, dont nous avons déjà
parlé , ordonne aux Evêques d'envoyer
dans les campagnes , au temps de carême ,
des Prôrres Pénitenciers pour abfoudre des
cas réièrvés ,' & que ces Prêtres feront tenus
de renvoyer aux Curés pour les cas ordi-
naires. Un Evéque d'Amiens , qui tonda
dans Ion Eglife la Fénitencerie en 1218,
excepta les Curés , les Barons & les autres
Grands du Diocefe , de ceux qui pourront
être confeflfés par le Pénitencier.
A Rome , le Pape a Ton grand Péniten-
cier , qui eft ordinairement un Cardinal.
Ce grand Pénnencier préUde au tribunal
de la Pénitencerie , dans lequel s'accordent
les abfolutions pour les fautes cachées , &
des difpenfes pour des chofes qui regardent
la confcience ; il a fous lui un Régent de la
Pénitencerie , & vingt-quatre Procureurs ou
défenfeurs de la facrée pénitence ; il eft
aufli le chef de plufieurs autres Prêtres P/-
nitenciers établis dans les Egliles patriarcha-
les de Rome, qui le viennent conlulter fur
les cas difficiles.
Enfin , le grand Pénitencier elî le Vi-
caire de l'Evêque ,,pour les cas réfervés. Il
eft ordinairement établi en dignité dans la
cathédrale , ou plutôt de perfonnat ; car le
grand Pénitencier n'a point de jurifdiclion ,
ni dans le chœur , ni en-dehors , ni dans
le diocefe. Il a fous lui un ou plufteurs
fous-Pénitenciers ; mais ceux-ci ne l'ont pas
en titre de dignité ni de bénéfice , ils n'ont
qu'une fimple commiilion vi^rbale du grand
Pénitencier ,- laquelle eft révocable ad'
niitum.
La fondion de Pénitencier a toujours
été regardée comme fi importante , que le
Concile de Trepte , & plufieurs Conciles
provinciaux du royaume, ont ordonné que
la première prébende vacante feroit aflTec-
tée au Pénitencier , & que cette place fe-
roit remplie par un perionnage doué de
toutes \qs qualités néceffaires , & qui foit
Dodeur, ou Licencié en Théologie ou en
Droit Canon , âgé de quarante ans , ou
le plus idoine que l'on pourra trouver.
Ce Décret du Concile de Trente a été
renouvelle par l'afiemblée de Meîun en
^579 j P'^^r les Conciles de Bordeaux & de
P E N 113
Tours en 1^83 , par ceux de Bourges en
1584 ,d'Aixen 1585 , de Bordeaux en 1624,
& par le premier Concile de Milan fous S.
Charles.
L'ufage du royaume eft , que dans les
Egljfes où la Pénitencerie eft un titre de
Bénéfice, il faut être gradué en Théologie
ou en Droit Canon pour la pofféder ,
quand même ce bénéfice n'auroit pas titre de
dignité.
Le Pénitencier eft obligé à réfidence ;
c'eft pourquoi il ne peut pofféder en même
temps un Bénéfice-Cure ; auifi le Concile
de Trente veut-il qu'il foit tenu préfent au
chœur quand il vaquera à fon rainiftere , &
fi on l'en privoit, il y auroitabus.
La fondion d'Orficial & celle de Pro-
moteur font incompatibles avec celle àe Pé-
nitencier.
Le Concordat comprend la Pénitencerie
dans les Bénéfices qu'il aflujettit à l'expeda-
tive des Gradués.
Mais , liiivant l'Ordonnance de 1606 ,
les dignités des Eglifes cathédrales en font
exceptées , & conféquemment la Péniten-
cerie dans les Eglifes où elle eft érigée en
dignité.
Un Eccléfiaftique peut être pourvu de
la Pénitencerie par réfignation en faveur ,
ou par d'autres voies qui en rendent la col-
lation nécefîaire. Voy. les Conciles du Père
Labbe ; les Loixecclejîafiiques d'Héncoun ;
Fevret , Traité de l'abus ; les Mémoires du
Clergé, 6? Pénitencerie. {A)
PENITENS , ( Théologie. ) nom de
quelques dévots qui ont formé des Confré-
ries , principalement en Italie , &. qui fotK
profefîion de faire une pénitence pubhque ,
en allant en proceffion dans les rues cou-
verts d'une efpcce de fac , & fe donnant la
difcipline.
On dit que cette coutume fut établie à
Péroné , en 1260, par les prédications pa-
thétiques d'un Hermite qui excitoit les
peuples à la pénitence : elle fe répandit
enfuite en d'autres pays , & particulière-
ment en Hongrie , où elle dégénéra en
abus , & produifit la fede des Flagellans.
Voje\ Flagellans.
En retranchant les fuperftitions qui s'é-
toient mêlées à cet ulage , on a permis
d'établir des confréries de Pénitens ea
214 P E N
divers lieux d'Italie. Le P. MablUon , dans
fon voyage , dit en avoir vu une à Turin.
Il y a en Italie des Pe'nitens blancs , auffi-
bien qu'à Lyon &: à Avignon. Dans d'autres
villes du Languedoc & du Dauphiné , on
trouve des Pe'nitens bleus & des Pe'nitens
noirs. Ceux-ci affiflent les criminels à la
mort , & leur donnent la fépulrure.
Le Roi Henri III ayant vu la procef-
fîon des Pe'nitens blancs à Avignon , voulut
y erre agrégé , & en établit depuis une
femblable dans l'Eglife dis Auguftins , fous
!e titre de V Annonciation de Notre-Dame ,
dans laquelle entrèrent la plupart des Prin-
ces & àts Grands de fa Cour. Ce Prince
afljf|-oit aux procelîîons de cette Confrérie ,
fans Gardes , vêtu d'un long habit blanc de
toile d'Hollande , en forme de lac , ayant
deux trous à l'endroit des yeux , avec deux
longues manches & un capuchon fort pointu.
A cet habit étoit attaché une difcipline de
lin , pour marquer i'état pénitent , & une
croix de fatin blanc fur un fond de velours
tanné. On peut voir dans les Mémoires
de l'Etoile l'effet que produifoient ces dé-
votions.
Pénitens , ( Théolog. ) eft auffi le nom
qu on a donné à plufieurs Communautés
©u Congrégations de perfonnes de l'un ou
l'autre fexe , qui ayant précédemment vécu
dans la débauche & le libertinage , fe font
retires dans ces maifons , pour y expier parla
pénitence les défordres de leur vie pafTée. On
a auffi donné ce nom aux perfonnes qui fe
dévouent à la converfion des débauchés &
des femmes de mauvaife vie.
Tel efl en particulier l'Ordre de la péni-
tence de fainte Magdeleine , établi vers
l'an 12-72, par un bourgeois de Marfeille ,
nommé Bernard , qui travailla avec zèle à
la converfion des courtlfanes de cette ville.
Il fut fécondé dans cette bonne œuvre par
plufieurs autres perfonnes , & leur fociété
fut enfin érigée en Ordre religieux par le
Pape Nicolas III , fous la règle de faint
Auguftin.
On ajoute qu'ils formèrent auffi un Ordre
religieux de femmes converties , auxquelles
«s donnèrent la mênie règle.
La Congrégation dts Pe'nitens de la
Magdelaine à Paris , doit fon origine aux
prédications du Pcrc Jean TifTeran , Cor- i
P E N
délier de Paris , qui ayant converti par fès
fermons plufieurs femmes publiques , établit
cet inftitut pour y retirer celles qui, à leur
exemple , voudroient mener une vie plus
exemplaire. Ce fut vers l'an 12.94, que
Charles VIII leur donna l'hôtel de Bohai-
nss ; & en 1500 , Louis y Duc d'Orléans,
qui régna fous le nom de Louis XII , leur
donna fon hôtel d'Orléans , où elles demeu-
rèrent jufqu'en 1 57-^9 1^^ 1^ Reine Cathe-
rine de Médicis les plaça ailleurs. Dès l'an
1497 » Simon , Evêque de Paris , leur avoit
dreiïc des Statuts & donné la règle de S.
Auguflin.
Une des conditions pour entrer dans
cette Communauté étoit autrefois d'avoir
vécu dans le défordre , & l'on n'y rece-
voit point de femmes au-de0ùs de trente-
cinq ans. Mais depuis la réforme qu'on y a
établie , en 1^16 , on n'y reçoit plus que
des filles , qui portent toujours néanmoins le
nom de Pénitentes,
Il y a auffi à Séville , en Efpagne , une^
Congrégation de Pénitentes , du nom de
Je/us ; ce font des femmes qui ont mené
une vie licencieufe. Elles furent fondées
en 1550 , fous la règle de S. Augufiin.
Leur Monaflere eft divifé en trois quar-
tiers ; un pour les Religieufes profelTes ,
un pour les novices , & un troifieme pour
celles qui font en corredion.Lorfque celles-
ci donnent des marques d'un repentir fin-
cere , on les fait pafferau quartier des novi-
ces , & fi elles ne s'y conduifent pas bien ,
on les renvoie à la corredion.
hçs Pénitentes d'Orviete font une Con-
grégation de Religieufes inflituée par An-
toine Simonulli , Gentilhomme de cette ville.
Le monaftere qu'il bâtit fiit d'abord deffiné
à recevoir de pauvres filles abandonnées
par leurs parens ^ & en danger de perdre
leur vertu. En 1^60 , on l'érigea en mai-
Ibn propre à recevoir des filles , qui ayant
mené une vie fcandaleufe, auroient formé
une bonne réfolution de renoncer au mon-
de , & de fe confàcrer à Dieu par des
vœux folemnels. Leur règle eft celle des
Carmélites.
Ces religieufes ont ceci de particulier >
qu'elles ne font point de noviciat. Tout ce
qu'on exige d'elles , c'cft de continuer pen-
dant quelques; mois à porter dans le Mo-r
P E N
naftere l'habit féculler , après quoi on les
admet à faire des vœux.
Pénitens Indiens, ( Hifl. mod.
fuperfi. ) Rien n'eft plus étonnant que ce
que les voyageurs nous rapportent -des
auftérités & des rigueurs que quelques Bra-
mines ou Prêtres de l'Indollan excercent fur
eux-mêmes. Les vies des premiers folitai-
res & anachorètes de l'Egiife chrétienne
ne nous oftrent rien de fi frappant que les
pénitences que s'impofent ces taaatiques i Jo-
lâtres , que l'on nomme Jouais ou Jagiiis.
Ils forment plufieurs fedes, quidifterent les
unes des autres , non pour la dodrine , mais
pour le genre de vie qu'elles cmbralfentdans
la vue de plaire à la divinité.
Les Vanapraftes vivent avec leurs fem-
mes & leurs enfans dans les déferts & les
forêts ; ils ne fe nourrifTent que de plantes ,
& des fruits que la terre donne fans qu'il
foit befoin de la cultiver. Quelques-uns d'en-
tr'cux poufîent le fcrupule jufqu'à ne point
arracher des racines de la terre , de peur
de déloger quelque amequi pourroit y être
pafTée.
Les SanjaJJî ou Sanias renoncent à tous
les plailirs du monde. Ils s'interdifent le
mariage ; ne prennent de la nourriture
qu'une fois le jour ; ils ne fc fervent que
de vailTeaux de terre. Ils font obligés de ne
vivre que d'aumônes j fans cependant qu'il
leur foit permis de toucher de l'argent. Ces
Pénitens n'ont point de demeure fixe ; ils
ne peuvent demeurer plus d'une nuit dans
un même endroit. Ils portent un habit
rouge & un bâton. Ils ont fix ennemis à
combatre ; la concupilcence , la colère ,
l'avarice , l'orgueil , l'amour du monde , &
le defir de la vengeance , pour s'élever à
ia contemplation des chofes divines. Les
SanJaJ/l (ont delà tribu des Bramines. Ceux
de la tribu des Kutterys ou nobles , fe
nomment Ferma amfa ; ceux de la
tribu des Soudras ou du petit peuple , fe
nomment Joguis : ces derniers font moins
réglés.
Les Avadomas font encore plus aufle-
res que les SanjaJJî. Ils quittent tout ,
femmes , enfans & leurs biens. Ils vont
tout nus ; cependant quelques-uns cou-
vrent leur nudité avec une pièce d'é-
toffe. Ils fc frottent le corps ^vec de la
P E N 2IJ
fienre de vache. Pour demander à manger ,
ils ne font que tendre la main , fans pro-
férer une parole ; d'autres attendent qu'on
vienne leur apporter des alimens pour fe
nourrir. Ces Pénitens pratiquent quelque-
fois des macérations incroyables , comme
de garder pendant long-temps la même
pofture. Les uns tiendront pendant plu-
fieurs jours les deux bras élevés ; les autres
fe font fufpendre par les pies au-deflus d'un
feu qui rend une fumée épailîe ; d'autres
fe tiennent immobiles , & font comme en'
extafe, fans paroître s'appercevoir de ce
qui fe paflc autour d'eux: en un mot, il
n'y a fortes d'auftérités & de rigueurs que
ces Pénitens n'exercent fur eux. Ils n'en
ont d'autre récompenlè que la vénératbn
qu'ont pour eux les Indiens idolâtres. Les
femmes poufTent la leur jufqu'à leur baifcr
dévotement les parties que la pudeur ne per-
met point dénommer.
PENITENTIEL , adj. qui appartient à
la pénitence. Les fept "^Çe^wmespénitemiaux j
les Canons pénitentiaux.
PENITENTIEL, ( T/iéolog. ) pénitentiale,
livre eccléfiaftique en ufage chez les Catho-
liques. C'efl un recueil de Canons qui or-
donnent le temps & la manière de la péni-
tence qu'il falîcit impofer régulièrement pour
chaque péché , & les formulaires des prières
dont on devoit fe fervir pour recevoir ceux
qui entroient en pénitence ^ & pour ré-
concilier les Pénitens par une abfolution
folemnelle.
Les principaux ouvrages de ce genre font
le pénitentiel de Théodore , Archevêque
de Cantorbery ; celui du vénérable Bede ,
Prêtre Anglois , que quelques-uns attribuent
à Ecbert , Archevêque d'York , contem-
porain de Bede ; celui de Raban Maur ,
Archevêque de Mayence , & le péniten-
tiel romain. Ces livres , introduits depuis la
feptieme fiecle pour maintenir la difcipline
de la pénitence en vigueur , devinrent très-
communs ; & la liberté que chacun fe don-
na d'en faire , & d'y inférer des pénitences
arbitraires , contribuèrent à y introduire le
relâchement : auffi y en eut - il plufieurs de
cette dernière efpece condamnés dans le
Concile de Paris , fous Louis le Débonnaire ,
& dans divers autres Conciles. Morin., de
panU*
11^ P EN
PENKRIDGE , ( G/cgr.) ville d'An-
gleterre , dans la province de Stafford" ,
lùr la petite rivière de Penk. Elle eft fameufe
dans le royaume par l'es foires de chevaux ,
& finguliérement de chevaux de felle.
(D.G.)
PENN ACHES ou PANACHES » f. m.
( Art Milit. ) ce font des bouquets de plumes
en toufîè , qu'on portoit autrefois au haut du
cafque.
La mode dcspennaches a toujours duré
dans les armées pour les Princes & pour les
Officiers , jufqu'à l'abolition des armures de
fer. Les plumets que les Offici'crs mettent à
leur chapeau font une efpece de diminutif des
jpennaches. ( Q )
PENNADE , r. f. (Lang./ranp.) vieux
mot qu'on trouve dans Nicot , & qui paroît
à-peu-pr^fynonyme à ruade; les Italiens
difênt , qu'à la bataille de Fornoue le che-
val du Roi Charles VIII fe déchargea A
ruades & pennades des ennemis qui le pref-
foient , & qu'il étoit perdu fans cela. M.
le Duchst , dans fes notes fur Rabelais ,
liv. I y ch. <r; , dit quç pennader ^ dans le
langage du Languedoc , c'eft donner du
pié. Voici les termes de Rabelais ; " Afin
»? que Gargantua fût toute fa vie bon che-
» vaucheur , on lui fit un beau grand
n cheval de bois , qu'il faifoit pennader ,
9i fauter , voltiger , ruer & danfer tout en-
9) femble. » {D. J.)
PENNAGE , f. m. terme de Fauconne-
rie. On appelle pennage tout ce qui cou-
vre le corps de l'oifeau de proie. Pennage
blond , roux , noir , baglé , fleuri , turtu-
rin , cendré , &c. félon les diverfes couleurs
que les oifeaux portent en leur robe. L'oi-
ièau a quatre fortes de pennages ; i°. le
dupet , qui eit , comme la chemife de l'oifeau ,
proche fa chair ; 2°. la plume menue , qui
couvre tout fon corps ; 3®. les vanneaux qui
font les grandes plumes de la Jointure des
ailes ; 4°. les pennes ^ qui s'étendent jufqu'à
la penne du bout de l'aile , qu'on appelle
cerceau. (D. J. )
PENNE , f. f. ( Marine. ) c'eftie point
ou le coin d'en-haut des voiles latines ou à
tiers point. On dit dans une galère , faire
la penne y pour dire joindre la longueur de
fon antenne à la longueur de ion arbre ;
ce qui fait que la penns de la voile répond
PEN
au bâton de l'étendard ; Se cela fait une
élévation , où l'on fait monter un moulTe
quand on veut faire quelque découverte ,
comme le gabier monte au haut du mât pour
faire le quart.
Pennes , f. f. pi. ( Lainage &fil , ) Çin-
xrtmtnt paines y pefnes , peinnes ; ce font
les bouts de laine ou de fil qui reftent atta-
chés aux enfubles , lorfque l'étoffe ou la toile
efl levée de defîùs le métier. Les pennes de
fil fervent à enfiler les chandelles en livres.
l^ts pennes dtizmt fe hachent & fe paflent
au tamis , pour faire la tapifîêrie de ten-
ture. {D.J.)
Penne ou Pannes , terme de Faucon'
nerie ; on nomme ainfi les longues plumes
des ailes , pennce decuftatœ ; celles de la
queue s'appellent Z'a/ri:. l.es pennes croifées
font une marque de la bonté de l'oifeau.
Toutes les pennes des ailes ontleuris noms ,
une y deux , trois , quatre , cinq , les ra-
meaux & le cerceau ; les pennes du balai
pareillement , le milieu , la deux , la trois ,
6'c. Les oifeaux ont douze pennes à la
queue.
PENNES ou Pênes ( les ) , Geograph.
Pennœ , ancien village à use lieue de la
Méditerranée , trois de Marfeille , quatre
d'Aix, où Cybele étoit honorée , comme
le preuve un bas-relief en marbre qu'on voit
encore fur la porte de l'Eglife paroiffiale,
avec cette infcription :
Matri Deûm magnas ideœ
Palatina: ejufque M. Religionis
AdPanonianas . . Januarius . .
Le Marquis de Pênes a fait faire , à
grands frais , une belle fontaine , avec cette
inlcription :
Utilitati communia
An. D.zySj L. N. Vento Miles ^
Marchio des Pênes ,
Patrice procurât, pro nob, ord.
Addicfus dirupit petram Ù
Fluxerum aquœ.
Le Sieur Gombert , Curé , aflure que ce
Marquis eft plus le père que le Seigneur de
fes vaffaux. lia fait auffi ce diflique;
Plebsfitiens^gemebundadiu , nuncdeftne
quœftus :
Prcebet arnica novi dexteraMoJis aguam.
Ce
P E N
Ce bon Curé travaille depuis qumïîe ans
à un fiidionnaire chorographique , hiflori-
que «& littéraire de la Provence. Ce projet
patriotique mérite de l'encouragement pour
l'exécution. On nous affure aufli que M.
Papon , Oratorien à Marfeille , travaille à
une Hiftoire de Provence. Ses talens con-
nus font efpérer un bon ouvrage. (C)
PENNINUS, {Mytholog.) divinité gau-
loife , autrefois honorée chez les habitans
des Alpes pennines ; on repréfentoit ce
dieu fous la figure d'un jeune homme nu,
qui n'avoit qu'un œil au milieu du front ,
& on lui donnoit l'épithete de Deus opti-
mus , maximus. (D. J.)
PENNOCRUCIUM ,^ ( Geogr. anc. )
ville d'Angleterre , que l'itinéraire d'An-
tonin met entre Uxacona & Etocetum ,
à douze milles de l'une & de l'autre de
CQs places ; c'efl aujourd'hui le bourg de
Pengridge dans le Stafford-Shire , environ
aune lieue de StafFord , du .côté du midi.
{D.J.)
PENNON , f. m. {An miUt.) efpece
de bannière ou d'étendard , à longue queue
ou en pointe , que portoit autretois à la
guerre un gentilhomme qui y alloit avec
içs valTaux pour fervir fous les Cheva-
liers bannerets , ou qui avoient droit de
porter la bannière. Le pennon étoit en
quelque forte le guidon du Chevalier ban-
neret. Le pennon difFcroit principalement
de la bannière , en ce que celle-ci étoit quar-
rée & que \e pennon fe terminoit en pointe ;
mais pour faire du pennon une bannière ,
il ne s'agifl'oit que de lui couper la pointe ;
& c'efl ce que l'on faifoit lorique le gen-
tilhomme étoit autorilé à porter bannière.
Voye^ BannERET. (0
Pennon , on appelle , en terme deBla-
fon , pennon généalogique , un écu rempli
de diverfes alliances des maifons dont un
gentilhomme eft defcendu. Il doit com-
prendre les armes du père & de la mère ,
de l'aïeul & de l'aïeule , du bifaïeul &
de la bifaïeule, & fert à faire fes preuves
de noblefle.
Pennon de Vêlez , {Géogr. mod.)
forteref΀ d'Afrique , dans un écueil de la
méditerranée , près de 'la ville de Vêlez.
Elle fut bâtie en 1508, par Dom Pedre
de Navarre ; les Maures la prirentea 152,^;
Tome XXl^.
P E N 217
les Ëfpaghols la reprirent d'aflaut en 166 a. ,
& depuis ce temps elle leur efl demeurée.
Long, zj, zo ; li2t.^£y z^. {D.J.)
PENNY, f. m. (Afc/2/20/f.) petite mon-
noie d'argent , & la plus petite de celles
qui fè frappent de ce métal en Angleterre :
elle vaut fix/'f-i/2>'j- ou deniers flerlings. La
pièce de douze pennys s' appelle fchelling.
^PENO-ABSOU, f. m. {Baan.exot.)
c'eil un arbre de l'Amérique , dont parle
beaucoup Thevet ; il a l'écorce odorante ;
fes feuilles reflemblent à celles du pour-
pier ; mais elles ibnt plus épailTes , plus
charnues , & toujours vertes. Son fruit eft
de la grolîèur d'un orange ; il contient fix
ou dix noix faites comme nos amandes ,
mais plus larges , & un petit noyau dont
on tire de Thuile pour Papphquer fur les
plaies ; cependant le fruit efl un vrai poifon.
PENCE A , f. f. (Hiff. nat. Botan)genrt
de plante à fleur monopétale , anomale &
découpée profondément en plufieurs par-*^
ties ; la pièce fupérieure & celle d'en-bas
font en forme de cuiller , les autres pie-
ces rcflèmblent à un cœur ; le piffil fort
du calice , & devient dans la fuit^ un fruit
arrondi , applati & divifé en deux loges ,
qui renferment une femence reflêmblante à
une lentille. Plumier , Novaplant. Amert
gen. Vevez Plante.
PENOMBRE, f. f. en Aflwnomle y
lignifie cette ombre faible qu'on obferve
dans les éclipfes avant l'oblcurcifTement
total , & avant la lumière totale. Ce mot
vient des mots latins pâinè y prefque, &
umbra y omhre. Voye^ Ombre.
'La. pénombre efl principalement fenlîble
dans les éclipfes de lune , car on voit
cette planète s'obfcurcir par degrés à
mefure qu'elle avance vers-Li partie la plus
épaifîe de l'ombre de la terre ; au contrai-
re , il n'y a point , à proprement parler »
de pénombre dans les éclipfes de fbleil;
car les parties du foleil qui fe cachent à
nos yeux , fe cachent & s'obfcurciflènt
tout d'un coup & fans dégradation. Cepen-
dant on peut dire que les endroits de la terre
où une éclipfe de foleil n'efl pas totale , ont
la pénombre , parce qu'ils font en effet dans
l'ombre par rapport à la partie du foleil qui
leur efl cachée.
La pénombre vient de la grandeur du
Ee
ai8 P E N
Cirque in foleil ; car fi cet afîre n^^toîr
qu'un point lumineux , il n'y auroit qu'une
ombre parfaire (ans pénombre ; mais comme
le foleil a un diamètre d'une certaine gran-
deur , il arrive que dans les éclipfes , certains
endroits reçcîivent la lumière d'une partie
de Ton dilque , fans èuQ éclairés par le
difque entier.
Ainii , fuppofons que S foir le foleil ,
{PI. aflronom.fig. ^y) que T foit la lune ,
& que l'ombre de cette dernière planète
foit projetée fur un plan ; l'ombre vraie &
propre de la lune T , favoir G H y fera
environnée d'une ombre imparfaite ou pé-
nombre/^/ôc GE y dont chaque portion
eft éclairée par quelque partie du difque
du foleil.
Le degré de lumière ou d'obfcurité efî
différent dans les différentes parties de la
pénombre , félon que ces parties font éclai-
rées par une partie plus ou moins grande
du foleil. Ainfi , de Z en /^ , & de £" en G ,
la lumière diminue continuellement ; &
dans les confins G&^, la pénombre fe
perd & fe confond avec l'ombre même ,
comme elle fe confond avec la lumière
parfaite dans les confins E & L.
Il doit y avoir de la pénombre dans tou-
tes les éclipfes , foit de foleil ,,foit de lune,
foit d'autres planètes , premières ou fecon-
daires : mais l'effet de la pénombre efl prin-
cipalement remarquable dans les éclipfes de
foleil , pour les raifons que nous allons
rapporter.
Dans les éclipfes de lune , la terre efl à
la vérité entourée par la pénombre; mais
la pénombre ne nous efl fenfible que pro-
che de l'ombre totale.
La raifon de cela efl , que la pénombre
cfl fort foible à une diflance confidéra-
ble de l'ombre ; & comme la lune n'a pas
par elle-même une lumière auffi vive à
Beaucoup près que celle du foleil, la dimi-
nution que fon entrée dans la pénombre
caufe à fa lumière , ne devient fenfible que
quand la pénombre commence à être forte.
Âuffi , rien n'efl-il plus difficile que de
déterminer dans les éclipfes le moment où
la lune entre dans la pénombre , ce mo-
ment devant être nécefîàireraent incertain ,
i& par conféquent différent pour chaque
^àahxssxmr,. L'eiièt de la pénombre , dans.
P E N
les éclîpfes de lune, efî fî,peu confidéra-
ble , que la lune n'efl point ctniéz éclip-
iée toutes les fois qu'elle tombe dans la
pénombre. Une autre difficulté qui empê-
che de reconnojtre l'inflanr de l'entrée dans
la pénombre , c'eft que la face de la lune ,
même lorlqu'elle eft entrée tout-à-fait dans
l'ombre , n'efl pas entièrement obfcurcie ,
& efl couverte d'une lumière rougeatre qui
empêche de la perdre entiérem.ent de vue.
Mais un Aflronome qui feroit placé fur
la lune dans le temps d'une éclipfe de lune ,
verroit alors le foleil éclipfé , & com-
menceroit à voir une petite partie de fon.
dilque couverte fîrôt qu'il entreroit dans
la pénombre :. ainfi il détermineroit beau-
coup plus exactement l'inflant de l'entrée
de la lune dans la pénombre , que ne pour-
roit faire un obfervateur placé lur la terre.
Ainfi , l'œil placé en /ou en i^ , verroit
feulement le demi-diaraetre du foleil , le
reffe étant caché parla lune. Si l'œil avan^
çoit de / vers H ,, il verroit continuelle-
ment une moindre partie du foleil , julqu'à
ce qu'enfin arrivé dans l'ombre parfaite , ii
cefîeroit toralemcnt de voir cet aflre..
C'efl pour une femblable raifon que nous
avons des éclipfes de foleil , quoique l'om-
bre de la lune ne touche pas la terre ,,
pourvu que la pénombre feulement l'atrei-
gne ; & e'efî delà que vient la différence
que Ton obfcrve dans \q5 éclipfes de foleil ,.
félon que la partie cachée par la pénom-
bre eft plus ou moins grande, au heu que
les éclipfes de lune paroiffent les mêmcs-
dans tous les endroits où elles font vifibies.
Quand l'ombre totale parvient jufqu'à
la terre , on dit alors que l'éclipfe du foleil
efl totale ou centrale ; quand il n'y a que-
la pénombre qui touche à la terre , Péclipfe
efl partiale.. Fby^:^ ECLIPSE.
La pénombre s'étend à l'infini en lon-
gueur , parce qu'à chaque point du dia-
mètre du foleil, il répand un efpace infini
en longueur, & qui eft privé de la lumière
de ce point, mais non delà lumière de tous
les autres. Les deux extrémités outranchans
de la pénombre, font formés pardeux rayons
rires des deux extrémités du diamètre de la.
t^rrt , & qui font divergens :.par conféquenr
la pénombre augmente continuellement eji.
largeur ,,& efl. aufli infinie en ce fens. Tout
P E N
cet efpace infini efl la pénomtre , Ci on en
excepte le triangle d'ombre qu'elle ren-
ferme.
Cet efpace a la figure d'un trapefe, dont
un des côtés efl le diamètre de la terre ; le
côté oppofé , parallèle au diamètre de la
terre , eil une ligne infinie , c'eft-à-dire , la
largeur de la pénombre projetée à l'infini , &
les deux autres côtés font deux rayons tirés
des extrémités du diamètre de la terre , aux
extrémités du diamètre du foleil , & qui
avant que d'arriver au foleil , fe croifent en
un certain point , où ils font un angle égal
au diamètre apparent du foleil ; cet angle
peut être appelle angle de la pénombre.
La pénombre efl d'autant plus grande
que cet angle , c'efi-à-dire , que le diamè-
tre apparent de l'aftre efi plus grand , la
planète demeurant la même ; & fi le dia-
mètre de la planète augmente , l'aftre
demeurant le même , la pénombre aug-
mente.
M. de la Hire a examiné les difFérens
degrés d'obfcurité de la pénombre , & les
^ repréfentés géométriquement par les or-
données d'une courbe , qui font entr'elles
tomme les parties du difque du foleil qui
|||j^^lairent un corps placé dans la pénombre.
Voilà pour aipfi dire l'abrégé de la théo-
rie géométrique de la pénombre ; cette
théorie peut s'appliquer non-feulement aux
planètes éclairées du foleil , mais à tout
corps opaque éclairé par un lumineux.
Au refle , il efè bon de remarquer que
l'expérience difîere ici de la théorie à
beaucoup d'égards : les ombres d'un corps
&: leur pénombre , telles qu'on les obferve ,
ne fuivent point les loix qu'elles paroîtroient
devoir fuivre , en confidérant la chofe ma-
thématiquement. M. Maraldi , dans les
Mémoires de V Académie de / 72, j , nous
a donné un recueil d'expériences fur ce fujet,
& un détail des bizarreries fingulieres , aux-
quelles l'ombre & la pénombre des corps
font fujettes. On trouvera à Van. OmbRE .
un précis de ces expériences. (O)
PENORCON , {Luth) efpece de pan-
dore dont on le fervoit au XVII fiecle.
Le corps du penorcon eft plus large que
celui de la pandore , de même que le man-
che , qui Fell afîez pour porter neuf rangs
de cordes , ou dix-huit cordes accordées
P E N 11^
deux à deux à l'uniffon. Le penorcon efî
un peu plus court que la pandore. (F*
D.C.)
_ PENRITH, [Géogr. mod) ou Panrethy
ville à marché d'Angleterre , dans le Comté
de Cumberland , près de la rivière d'Eden ,
qui la fépare du Weftmorland. Elle envoie
deux députés au Parlement , & efl à 2141
milles S. O. de Londres. Long, i z p ^o ;
ladt. 50 j z o. {D. /.)
PENSÉE, f f (Métaphyfiq.) opération,
perception y fenfation , confcience ^ idée ,
notion , femblent être tous des termes
fynonymes , du moins à des efprits fuper-
ficiels & pai-effeux, qui les emploient indif-
féremment dans leur façon de s'expliquer ;
mais comme il n'y a point de mots abfo-
lument fynonymes , & qu'ils ne le font
tout au plus que par la reffemblance que
produit en eux l'idée générale qui leur efl
commune à tous , je vais exadement mar-
quer leur différence délicate , c'efl-à-dire ,
la manière dont chacun diverfifie une idée
principale, par l'idée accefîoire qui luiconf^
titue un caradere propre & fingulier. Cette
idée principale que tous ces mots dont je
viens de parler énoncent , efl la penfée ;
& \qs idées acceffoires qui les diflinguent
tous , enforte qu'ils ne font point parfai-
tement fynonymes , en font les diverfes
nuances. On peut donc regarder le mot
penfée comme celui qui exprime toutes les
opérations de rame.Ainfi,j'appellerai/7e/z//(î
tout ce que l'ame éprouve , foit par des
impreffions étrangères , foit par l'ufage
qu'elle fait de fa réilexion. Opération , la,
penfée entant qu'elle efl propre à produire
quelque changement dans l'ame , & par ce-
moyen à l'éclairer & à la guider» Percep-^
tion y l'imprefiion qui fé produit en nous,
à la prélence des objets. Senfation , cette
même impreiîion , entant qu'elle vient par:
les lens. Confcience y la connoiffance qu'on,
en prend. Idée , la connoiffance qu'on eii:
prend comme image. 'Notion y toute idée
qui efl notre propre ouvrage. On ne peut,
prendre indiâTéremment f un pour l'autre ,
qu'autant qu'on n'a befoin que de l'idée prin-
cipale qu'ils lignifient. On peut appeller les.
idées limples indifféremment perceptions
ou idées ; mais on ne doit pas les appeller
notions , parce qu'elles ne font pas i'ou-.
Ee 2
îio P E N
vrage de l'efprit. On ne doit pas dire la
notion du blanc y mais la perception du
hlanc. Les notions à leur tour peuvent être
coniidcrées comme images ; on peut par
conféquentleur donner le nom à^ idées ^m-êi\5
^zvadàs (Zt\u\ aie perceptions : ce feroit faire
entendre qu'elles ne font pas notre ouvrage.
On peut dire la notion de la hardiejje ,
& non la perception de la hardiej/e ; ou ,
û l'on veut faire ufage de ce terme , il
faut dire, les perceptions qui compofent la
notion de la hardiejfe.
Une ehofe qu'il faut encore remarquer
fur les mots à^idée & de notion , c'efl que
le premier fignifiant une perception confl-
dérée comme image , & le fécond une
idée que l'efprit a lui-même formée , les
idées & les notions ne peuvent appartenir
qu'aux êtres qui font capables de réflexion.
Quant aux bêtes , fi tant eft qu'elles pen-
fent & qu'elles ne foient point de purs
automates , elles n'ont que des fcnfations
& des perceptions ; & ce qui n'efî: pour
elles qu'une perception , dévient idée à notre
ëgard y par la réflexion que nous faifons que
cette perception repréfente quelque chofe.
J/'oye^ tous ces mots chacun d fon article.
Pensée, Sentiment, Opinion ,
( Synon. Gram. ) Ils font tous les trois
d'uîàge lorfqu'il ne s'agit que de la fimple
énonciation de fes idées : en ce fens , le
fentiment eft le plus certain; c'efl: une
croyance qu'on a par des raifons ou (bli-
<îes , ou apparentes. U opinion efl: la plus
douteufe ; c'efl un jugement qu'on fait avec
«quelque tondement. La perîfée efl moins
fixe & moins aflurée , elle jrent de la con-
jéâuîe. On dit rejeter & -foutenir wn fen-
timent , attaquer & défendre une opinion y
cicfapprouver & juflifier une penfe'e.
Le mot de fentiment efl plus propre en
fait de goût ; c'efl un fentiment général
qu'Homère efl un excellent Poëte. Le mot
^''opinion convient mieux en fait defcience :
Vopinion commune efl que le foleil efl au
centre du rtïonde. Le mot de penfe'e fe dit
plus particulièrement , lorfqu'il s'agit de
juger des événeraens èts chofes ou des
aâions àts homm.es ; la penfe'e de quel-
ques politiques efl, que le Mofcovite trou-
veroit mieux fes vrais avantages du côté
^ l'Afie que de l'Europe^
P E N
Les fentimens font un peu foumîs à
l'influence du cœur ; il n'eft pas rare de
les voir conformes à ceux des perfonnes
qu'on aime. Les opinions doivent beau-
coup à la prévention ; il efl d'ordinaire aux
écoliers de tenir celles de leurs maîtres. Les
penfées tiennent aflez de l'imagination ; on
en a fouvent de chimériques. Synonymes
françois. {D. /.)
Pensée , {Art orat. ) La penfe'e en
général efl la reprélentation de quelque
chofe dans l'efprit , & l'expreflion efl la
repréfentation dé la penfe'e par la parole.
hes penfées doivent être confidérées dans
l'art oratoire comme ayant deux fortes de
qualités : les unes font appellées logiques ,
parce que c'efl la raifon & le bon fens qui
les exigent ; les autres font des qualités de
goût , parce que c'efl le goût qui en dé-
cide. Celles-là font la fubflance du difcours ,
celles-ci en fontraffaifonnement.
La première qualité logique eiTentielIe
de la penfée , c'efl qu'elle foit vraie , c'efl-
à-dire , qu'elle repréfente la chofe telle
qu'elle efl. A cette première qualité tient
la jufleflc. Une penfée parfaitement vraie ,
efl jufle. Cependant l'ufage met quelque
diflérence entre la vérité & la juflefle dft ^«1^
la penfée : la vérité lignifie plus précisé-
ment la conformité de la penfée avec l'ob-
jet ; la juflefle marque plus expreflement
l'étendue. \.^ penfée ei\. àonc vraie quand
elle" repréfente l'objet ; & elle efl jufle ,
quand elle n'a ni plus , ni moins d'éten-
due que lui.
La leconde qualité efl la clarté. Peut-
être même efl-ce la première ; car une
penfée qui n'eft pas claire n'efl pas pro-
prement -une penfée. La clarté çonfifle dans
la vue nette & diflinéte de l'objet qu'on fe
repréfente , & qu'on voit fans nuage , fans
oblcuriré : c'efl ce qui rend la penfée
nette. On le voit féparé de tous les autres
objets qui l'environnent : c'efl ce qui la rend
diflinde. ,
La première chofe qu'on doit faire^j quand
il s'agit de rendre une penfée y efl donc de
la bien reconnoître ; de la démêler d'avec
tout ce qui n'efl point elle ; d'en faifir les
contours & les parties. C'efl à quoi fe
réduifent les qualités logiques àts penfées ; •
mais pour plaire , ce n'eit pas alîêz d'êtr*
P EN
fans défaut , il faut avoir des grâces; &
c'efl le goût qui les donne. Ainfi tout ce
que les penfées peuvent avoir d'agrément
dans un difcours , vient de leur choix &
de leur arrangement. Toutes les règles de
l'élocution fe réduifent à ces deux points ,
choiiir & arranger. Etendons ces idées
d'après l'auteur des principes de la Lirré-
rdture ; on en trouvera les détails infîradifs.
Dès qu'un fujet quelconque efl propofé
à l'efprit , la face fous laquelle il s'annonce
produit fur le champ quelques idées, Si
l'on en confidere une autre face , ce font
encore d'autres idées ; on pénètre dans l'in-
térieur ; ce font toujours de nouveaux biejas.
Chaque mouvement de l'efprit fait éclore
de nouveaux germes : voilà la terre cou-
verte d'une riche moiffon. Mais dans cette
foule de productions , tout n'eil pas le
bon grain.
Il y a de ces penfées qui ne font que
êits lueurs faufles , qui n'ont rien de réel ,
fur quoi elles s'appuient. Il y en a d'inu-
propofe de rendre
aulïi claires que l'eau , & auffi infîpides. Il
y en a de baifes , qui font au-defTous de
la dignité du iLijet. Il y en a de gigantel-
ques qui font au-defîus : toutes produâions
qui doivent être mifes au rebut.
Parmi celles qui doivent être employées ,
s'offrent d'abord les penfées communes ,
qui fe préfentent à tout homme de fens
droit , & qui paroiflTcnt naître du fujet fans
nul efîort. C'eft la couleur foncière , Je
tifîu de l'étoffe. Enfuite viennent les pen-
fées qui portent en loi quelque agrément ,
comme la vivacité , la force , la richefîè ,
la hardieffe , le gracieux y la fineffe , la
nobleflé , èv. car nous ne prétendons pas
faire ici l'énumération complète dt tou-
tes les efpeces de penfées qui ont de l'a-
grément.
La penfée vive efl -celle qui repréfente
fon objet clairement , & en peu de traits.
Elle frappe l'efprit par fa clarté , & le
frappe vite par fa brièveté. C'eff un trait
de lumière. Si les idées arrivent lentement,
& par une longue fuite de lignes , la fè-
couffe momentanée ne peut avoir lieu. Ainfi
quand on dit à Médée : Que vous refle
PEN 211
moi : voilà l'éclair. Il en efl de même du
mot d'Horace , qu^il mourut.
La penfée forte n'a pas le même éclat
que la penfée vive , mais elle s'imprime
plus profondément dans l'efprit ; elle y
trace l'objet avec des couleurs foncées ;
elle s'y grave en caraderes ineffaçables.
M, Boffuet admire les pyramides des Rois
d'Egypte , ces édifices faits pour braver la
mort & le temps ; & par tin retour de
fcntiment , il obferve que ce font des
tombeaux : cette penfée efî forte. La beauté
s'envole avec la jeunejfe ; l'idée du vol
peint fortement la rapidité de la fuite.
La penfée hardie a des traits & des
couleurs extraordinaires , quiparoiflènt for-
tir de la règle. Quand Defpréaux ofa écrire :
le chagrin monte en croupe & galope avec
lui , il eut befoin d'être raffuré par des
exemples , & par l'approbation de fesamis.
Qu'on fe repréfente le chagrin affis der-
rière le cavalier , la métaphore efl hardie ;
mais qu'on foutienne la penfée en faifant
ur quoi elles s appuient, il y en a
tiles , qui n'ont nul trait à l'objet qu'on fe galoper ce perfonnage allégorique , c'étoit
e. Il y en a de triviales * s'expofer à la cenibre.
l-il contre tant d'ennemis ? Elle répond , I fes coups.
On fent afîez ce que c'efl que la pen-
fée brillante ; fon éclat vient le plus fou-
vent du choc des idées :
Qu* à fon gré déformais la Fortune me
joue y
On me verra dormir au branle de fa
rouei
« Les fccoufîês de la fortune renverfènt
w \qs Empires les plus affermis , & elles
» ne font que bercer le Philolophe »>
XJidée riche efl celle qui prélènte à-Ia-
fois , non-feulement l'objet , mais la ma-
nière d'être de l'objet , mais d'autres objets
voifins , pour faire , par la réunion àts
idées , une plus grande imprefiîon. Prends
ta foudre : le feul mot foudre nous peint
un dieu irrité , qui va attaquer fon ennemi
& le réduire en poudre.
Et la fcene franfoife efi en proie à
Pradon.
Quel homme que ce Pradon » ou pIutAt
quel animal féroce , qui déchire impitoya-
blement la fcene françoife ! elle expire Ibus
22i P E N
1.9. peu f£e fine ne repréfente l'objet qu'en
partie , pour laifTer le refle à deviner. On
en voit l'exemple dans cette épigramrae de
M. de Maucroix.
Ami y je vois beaucoup de bien
% Dans le parti qu'on me propofe ;
Mais toutefois ne prejfons rien :
Prendre femme efl étrange chofe ,
On doit y penfer mûrement.
Gens fages , en qui je méfie ,
M'ont dit que c' efl fait prudemment
Que d'y penfer toute fa vie.
Quelquefois elle repréfente un objet pour
un autre objet. Celui qu'on veut préfenter
fe cache derrière l'autre : comme quand
on offre l'idée d'un livre chez l'épicier.
La penfe'e poétique , efl celle qui n'efl
d'ufage que dans la Poéfie , parce qu'en
profe elle auroit trop d'éclat & trop d'ap-
pareil.
La penfée naïve fort d'elle-même du
fujet , & vient fe préfenter à l'efprit fans
être demandée.
Un boucher moribond voyant fa femme
en pleurs ,
Lui dit : ma femme ) fi je meurs )
Comme en notre métier un homme tfl
néceffaire ,
Jacques , notre garçon , feroit bien ton
affaire ;
C'efi un fort bon enfant , fage y &
que ru connois ;
Epoufe-le , crois-moi ^ tu ne faurois
mieux faire.
Hélas y dit-elle ^ fy fongeois.
Il y a des penfées qui fè caraâérifènt
par la nature même de l'objet. On les ap-
pelle penfées nobles , grandes , fubli-mes ,
gracieufes , trifles , Ùc. félon que leur
objet efl noble , grand , S'c.
Il y a encore une autre efpece de pen-
fées , qui en porte le nom par excellence ,
fans être défignée par aucune quaHté qui
leur foit propre. Ce font ordinairement des
réflexions de l'auteur même , enchâfTées
avec art dans le flijet qu'il traite. Quelque-
fois c'efl une maxime de morale , de po-
litique : Rien ne touche les peuples comme
P E N
la bonté i d'autres fois c'efl une image vîve.
Trois guerriers (les Horaces) portoient en
eux tout le courage des Romains.
A toutes ces efpeces de penfées répon-
dent autant de fortes d'expreflions. De
même qu'il y a des penfées communes , &
des penfées accompagnées d'agrément , il
y a aufli des termes propres & fans agré-
ment marqué , & àts termes empruntés ,
qui ont la plupart un caradere de vivacité ,
deritheffe , ÇiC. pour repréfenter les pen-
fées qui font dans le même genre ; car
l'exprefiion , pour être jufle , doit être
ordinairement dans le même goût que la
penfée.
Je dis ordinairement , parce qu'il peut
fe faire qu'il y ait dans l'exprefiion un ca-
radere qui ne fe trouve point dans la pen--
fée. Par exemple , Texpreffion peut être
fine , fans que la penfée le foit. Quand
Hyppolite dit en parlant d' Aricie : Si je la.
hdiffois y je ne lafuiroispas : la penfée
n'efl pas fine , mais l'exprefiion l'efl , parce
Qu'elle n'exprime \n penfée qu'à demi. De
même l'expreffion peut être hardie, fans que
la penfée le foit , & la penfée peut l'être
fans l'exprefiion : il en efl de même de la
noblefîe , & de prefque toutes les autres
qualités.
Ce qui produit entr'elles cette différence »
efl la diverfité des règles de la nature ,
& de celles de l'art en ce point. Il feroit
naturel que l'exprefiion eût le même ca-
radere que la penfée , mais l'art a fès rai-
fons pour en ufer autrement. Quelquefois
par la- force de l'exprefiion , on donne du
corps à une idée foible ; quelquefois par
la douceur de l'une on tem.pere la dureté
de l'autre : un récit efl long , on l'abrège
par la richefïè des exprefllons : un objet
efl vil , on le couvre , on l'habille de ma-
nière à le rendre décent : il en efl ainfi
des autres cas.
Enfin , fi quelqu'un me demandoit quel
efl le choix qu'on doit faire des penfées
dans l'élocution , je lui répondrois que c'efl
tout enfemble le génie & le goût qui peu-
vent l'en inflruire. L'un lui fuggérera \qs
htWts penfées j l'autre les placera dans leur
ordre ; parce que le goût & le jugement
n'adoptent que ce qui peut prendre la teinte
du fujet , & faire un même corps- avec le
P E N
ïcfîe. T^t Chevalier DE Jaucourt.
Pensée , {Critiq. facrée .) Ce terme ne
îignifie pas toujours la fimple opération de
refprit qui penfe ; l'Ecriture l'emploie quel-
quefois pour un deflein , un projet , une
entreprilè. In illâ die peribunt omnes co-
gitationes eorum y Pf. cxlv. 4 , leur mort
clans ce jour même rompra tous leurs pro-
jets. Neme ai enere potefi cogitationes iju.sj
Job. xxiij y 13 i perfonne ne peut em-
pêcher les defleins de Dieu. Ce mot veut
dire encore le loin qu'on a de quelqu'un.
Cogi ratio illorum apud AltiJJlmiim ; Sap.
r. t6 f le Très-Haut a loin d^s jufles.
Il fe prend pour doute , fcrupule. Quidco-
gitationes afcendunt in corda veflra ,* Luc y
xxiv y z8. Enfin , il fe prend pour rai-
fonnement : Ei'anuerunt in cogitationibus
fuis y dit faint Paul aux Romains , ; , xxj y
en parlant des Philofophes Païens. Ils fe
font égarés dans leurs vains raifonnemens ,
c'eft-r.-dire , qu'ils ont été entraînés à l'ido-
lâtrie par de faux raifonnemens ; car idole
dans les Septante eft appellée fJtctTahv , &
fàint Paul dit kuctT'AiàSivAy (Z). .7.)
Pensée , en Peinture y ell une légère
efquilîe de ce qui s'efl préfenté à l'imagi-
nation , fur un fujet qu'on le propole d'exé-
cuter. Ce terme diffère de celui d'efquijje y
en ce que la penfe'e n'eft jamais une chofè
digérée , au lieu qu'une efquifle , quoique
projet d'ouvrage , ne diffère quelquefois de
la perfection de l'ouvrage même , que parce
qu'elle eli en plus petit volume ; penfée
n'a pas la même lignification que croquis.
On dit , j'ai fait un croquis de la penfée
de tel , mais on ne dit point y j'^i fait une
penfée de \a penfée de tel.
\ Pensée, herba Trinitatis y { Jardi-
nage , ) eft une petite fleur qui, comme
la violette , a trois couleurs. Ses tiges
rampantes , garnies de feuilles prcfque ron-
des , fe partagent en rameaux qui produi-
fent des fleurs compofées de cinq feuilles ,
Icfquelles portent un calice partagé en cinq
parties de trois couleurs blanches ou jaunes ,
purpurines, & bleues. Il vient après ces
fleurs une coque qui renferme des femen^-
ces qu'on feme fur couche. On les trans-
plante dans des plates-bandes le long àts
rerralTes , & on en forme les malïls & les
coquilles des grands parterres. Sa culture.
PEN 223
clî des plus ordinaires : elle fleurit au prin-
temps.
Pensée , couleur de , ( Teinture , )
efpece de violet tirant fur le pourpre.
PENSER, SONGER, RÊVER,
( Gramm. & Synon. ) Voye^ Particle
Pensée. On penfe tranquillement & avec
ordre pour connoître fon objet; on Jonge
avec plus d'inquiétude & fans fuite , pour
parvetiir à ce qu'on fouhaite ; on rêve d'une
manière abflraite & profonde , pour s'occu-
per agréablement. Le Poète dramatique
penfe à l'arrangement de fa pièce. L'hom-
me , embarralTé d'alFaires , fonge aux expé-
diens pour en fortir. L'amant Iblitaire rh'e
à fès amours. Girard. (D. J.)
PENSHURST , ( Géogr. mod. ) petit
bourg d'Angleterre , dans la province de
Kent ; mais ce bourg a été bien illullré le
29 Novembre 1554 par la naillancc de
Sidney ( Philippe ) profond politique ,
Philofophefage,& grand homme de guerre.
Favori d'Eliiabeth , il fut couronné des
myrtes des amans , du laurier des guer-
riers , & de la palme des Poètes.
Il fe trouva à Paris le 24 Août 1572 ,
jour du maffacre de la faint Barthélemi , &
cette horrible boucherie lui rendit odieufe
la religion romaine. En 1579» ^^ préfenta
à la reine Elifabeth un mémoire plein de
force contre Ion mariage avec le Duc
d'Anjou ; & ce mémoire a été imprimé
dans la Cabala..
En 1582, cette Princelîe le fit Cheva- •
lier. En 15^5 > il forma avec François
Drake le projet d'enlever l'Amérique aux
Efpagnols ; mais quelque bien concertée
& dirigée à tous égards que fut cette en-
treprife , on en tira plus de profit que de
gloire. La reine elle-même , par tendrelïè
pour Sidney , mit oblbcle à fon embarque-
ment , & le nomma gouverneur de Flel-
fingue.
Le Chevalier "Robert Naunton afllireque
le bruit de fon grand mérite le mit ilr
les rangs pour la couronne de Pologne ,
mais que la Reine ne voulut point l'ap-
puyer , pour ne pas perdre le premier hom-
me de fon temps. Il fut blefle à mort au
combat de Zutphen , le 22 Septembre 1 586,
& fon corps^ fut enterré à Londres dan:;
la cathédrale' de. faint Paul. Le Chevalier
114 P E N
Grévil lord Brookés a fait fa vie , dont ]c.
ne tirerai qu'un feul trait.
Il y rapporte que le Chevalier Sidney
ayant eu la cuiiTe caflee d'un coup de
moufquet , le cheval qu'il montoit tout en
fureur l'obligea à quitter le champ de
bataille , mais qu'il ne laifla pas de fe
tenir defîus , comme fur le brancard le plus
convenable pour porter un homme de guer-
re à Ton tombeau. Dans cet état il pafTa
auprès du refle de l'armée que Ton oncle
commandoit , & la perte du fang l'ayant
altéré, il demanda à boire ; on lui en donna
fur le champ ; mais comme il portoit la
bouteille à la bouche , il vit un pauvre
foldat qui avoit eu le même fort que lui ,
& qui regardoit la bouteille avec avidité :
le chevalier qui s'en apperçut , lui remit
la bouteille avant que d'en boire lui-mê-
me , en lui difant , " bois le premier , tu
» en as plus befoin que moi ; »> & enfuite
il fit raifon à ce foldat. « Aimez ma mé-
» moire , dit-il à fon frère immédiatement
» avant que de mourir , chérifTez mes amis,
» & contemplez en ma perfonne ce que
yy c'efl que le monde avec toutes Cqs vanités.
Son Roman Philofophique intitule YAr-
çadie j a été imprimé très-fouvent à Lon-
dres , & traduit dans toutes les langues.
Le but de l'auteur , dans les caraderes &
les fidions de ce Roman ingénieux , a été
de rendre fenfibles par des exemples les
préceptes arides de la philofophie. Par rap-
port aux fujets , il a dépeint les diverfes
lïtuations de faveur & de difgrace , de prof-
périté &: d'adverlité , en un mot, tout ce
qui entre dans le cours de la vie privée ,
foit en bien , foit en mal. Outre fon ^r-
cadie , il a fait d'autres ouvrages poétiques,
mais qui n'ont pas eu le même iùccès. Il
avoit traduit lespfeaumes en vers Anglois ,
& ce manufcrit fe trouvoit dans la biblio-
thèque de la Comtefle de Pembroke fa
fœur. {D. J.)
PENSION, ff. {Jurifprud.) fignifie
en général une certaine rétribution qui fe
paie en retour de quelque chofe que l'on
a reçu.
On entend quelquefois par le terme de
penjîons , les cens & fervis dus au Seigneur
parle tenancier, quelquefois les fermages dus
par l'emphytéotç ou fermier au propriétaire.
P E N
Le terme de penfjon fe prend auflî poiTf
le falaire que l'on paie à quelqu'un pour
fa nourriture , entretien , éducation , &
autres preflations.
On appelle auffi perron , ce qui efî
donné ou légué à quelqu'un pour fa fub-
fifîance.
Penjïon viagère , eft celle qui eft donnée
à quelqu'un fa vie durant feulement.
On peut , en certains cas , réferver une
penfion fur un bénéfice. Voye\ VanicU
fuivant. {A)
Pension ecclésiastique, ou fur
un bénéfice , eft une portion des fruits &
du revenu d'un bénéfice , affignée par l'au-
torité du Pape , & pour caufe légitime »
à un autre que le titulaire du bénéfice.
On peut rélèrver à titre de penfion
une certaine quantité de fruits en nature 9
comme tant de feptiers de grain , tant de
muids de vin ; mais cette portion ne doit
pas être affignée par quotité , comme du
tiers ou du quart ; ce ièrolt une efpece de
fedion du bénéfice , laquelle efl: prohibée
par les canons. La penfion doit être d'une
certaine forame d'argent , ou d'une cer-
taine quantité de fruits; & en l'un &
l'autre cas , elle ne doit pas excéder le
tiers des revenus.
Il faut même que la penfion payée , il
refte encore au titulaire la fomme de 300
livres , franche de toute charge , fans com-
prendre dans ces 300 livres , le cafuel &
le creux de l'Eglife , qui appartiennent au
curé , ni les diftributions manuelles , fi c'efl
un canonicat. Telles font les dilpofitions
de l'Edit du mois de Juin 1671.
L'ulàge des penfions eccléfiafiiques efl
fort ancien , puifque dans le concile de
Chalcédoine , tenu en 4') i , Maxime , Evê-
que d'Antioche , pria l'afTemblée d'affigner
à Domnus fon prédéceffeur , une certaine
portion des revenus de fon Eglife pour fa
fubfiflance ; la fixation en fut laifTée à
Maxime.
L'Evêque d'Ephefe fut aufïî obligé de
payer chaque année , deux cents écus d'or
à deux Eveques auxquels il avoit été fub-
rogé.
Mais pendant long-temps , les penfions
ne s'accordèrent que difficilement , & pour
des çonfidérations fort importantes.
Pqwç
P E N
Pour pouvoir pofTéder une penjîon fur
un bénénce , il faut être au moins clerc,
tonfuré , & avoir Vâg€ de fept ans.
Les laïcs ne peuvent jouir de telles pen-
fions \ on excepte néanmoins les cheva-
liers de faint Lazare , iefquels quoique laïcs ,
& même mariés , peuvent pofieder des
f enflons eccUfiaJiiques , mcme jufqu'à la
valeur de 500 ducats , de la chambre
apoftolique y mais ils perdent ce privilège ,
lor(qu*ils convolent en troifiemes noces.
Le concile d*Aix tenu en ijSj" , déclare
fimonisques routes penfions fur bénéfices ,
lorfqu'elîes ne font pas autorifécs par le
pape , lequel peut feul créer des penfions.
Les fignatures de cour de Rome , pour
la création ou Tcxtinétion d'une penjion ,
& les procurations pour y confentir, doi-
vent être indnuées dans trois mois au greffe
des infinuations eccléfiaftiqucs du diôcefe
où les bénéfices font fitués.
Les Evêques ni leurs grands-vicaires ,
n'ont pas le pouvoir de créer des penfions.
L'Evêque de Tournay a cependant été
maintenu dans le droit de poiîeinon de
créer àcs penfions réelles fur les cures &
autres bénéfices de fon diocefe , pourvu
qu'il y ait jufte caufe de le faire.
Les caufes légitimes admifes en France
pour la création des /je/z/io/z^ font,
i®. Pour que le réhgnant ne fbuffrepas
un préjudice notable.
z°. Pour le bien de la paix , c'eft-à-
dire , dans le cas d'un bénéfice en litige ,
mais il faut que ce foit fans fraude.
3°. Dans le cas de permutation , pour
compenfer l'inégalité des bénéfices.
4°. Lorfqu'on donne un coadjuteur à un
bénéficier infirme.
Il y a néanmoins une autre efpcce de
penfion , que l'on appelle penfion fans caufe ,
pour la validité de laquelle il faut obtenir
d'abord un brevet du roi , & le faire en-
régiflrer du confentement du Bénéficier fur
lequel la penfion eft allignée ; enfuite fe
pourvoir à Rome , pour y fiire admettre
la penfion , en payant le droit de compo-
nende.
Les bénéfices qui font à la collation du
roi , ne peuvent être chargés de penfions ,
jfi ce n'efl en vertu d'un brevet du roi , ou
autres lettres émanées de lui.
Tome XXK
PEN 125
Anciennement lorfque le roi pendant la
régale , admettoit une réfignation en faveur
faite entre fes mains, fouslaréferve d'une
penfion , on n'avoit pas befoin de fe pour-
voir à Rome , pour faire autorifer c|;ttepe/z-
fion : mais le garde des fceaux du Vair in-
troduifitPufage de renvoyer à Rome , pour
fiire créer & autorifer la penfion. Le pape
n'admet point la penfion , à moins que l'on
ne fafle une nouvelle réfignation entre (es
mains ; mais pour ne pas préjudicier à la
provifion du roi , on met dans la procu-
ration ad refignandum , que c'eft à l'effet
de faire créer la penfion en cour de Rome ;
& néanmoins U penfion a lieu du jour du
brevet du roi , lorfque cela efl ainfî porté
par le brevet.
On ne peut créer une penfion au profit
d'un tiers , qui n'a aucun droit au béné-
fice , fî ce n'eft du confentement du roi ;
ce qui ne fe pratique ordinairement que fur
des bénéfices confifloriaux , & quand la
penfion eft créée dans un temps poftérieur ;
à l'admifïion de la nomination ; en ce cas ,
il faut payer à la chambre apoftolique un
droit de componendc.
En France on peut , du confentement
du roi , & de l'autorité du pape , réfèr-
ver au lieu de penfion fur les bénéfices
confifloriaux , la collation des bénéfices qui
en dépendent.
En réfervant une penfion , on ne peut
pas flipulcr qu'elle ceffera d'être payée lorf^
que le réfignant aura fait avoir au rcfigna-
taire un bénéfice de valeur égale à la pen^
fion.
Le collateur ni le patron , ne peuvent
pas fe réferver une penfion fur le bénéfice
qu'ils donnent.
Il n'eft pas permis non plus de réfer-
ver une penfion fur un bénéfice dont on
fe démet pour caufe d'incompatibilité, fur-
tout lorfque le bénéfice que l'on garde eft
fuffifant pour la fubfiflance du titulaire.
Une;, penfion ne peut être permutée con-
tre un bénéfice ; ôc en cas de permuta-
tion d'un bénéfice contre un autre , on ne
peut rélèrver de penfion que fur le béné-
nce qui fe permute.
Les deux permutans ne peuvent pas
créer une penfion , dont la joui{ïance ne doit
commencer qu'au profit du furvivant.
Ff
#
11^ P E N
Mais quand le bénéfice eft déjà chargé
d'une penjîon tdle qu'il la peut fupporter ,
le ré lignant peut fe réferver une penjîon àe
même valeur , à condition qu'elle ne fera
payable qu'après l'extindion de la pre-
mière.
Un bénéfice peut être chargé d'une dou-
ble penjîon , pourvu que les deux penjions
jointes enfemble n'excèdent pas le tiers du
revenu , non compris le cafuel Se les au-
tres obventions.
Il y auroit fubreption , Ci l'on n'expri-
moit pas la première pf^yio/z dont le béné-
fice eft chargé , ou lî celui qui a déjà
une penjîon fur un autre bénéfice , ne le
déclaroit pas.
Lorfque celui qui a une penjîon fur un
prieuré dépendant d'une abbaye , eft; en-
liiite pourvu de cette abbaye , il ne con-
ferve plus la p.njîon qu'il avoir.
On ne peut pas rélerver de penjîon fur
une command crie de l'ordre de Malte ou
de celui de faint Lazare , parce que ces
commanderics ne font pas des bénéfices.
Il en eft de même des hôpitaux , à moins
qu'ils ne foicnt érigés en titre de bénéfice.
Les bénéfices en patronage laïc ne peu-
vent pas non plus être grevés de penfon ,
fî ce n'eft du confentement du patron laïc ;
&c Cl c'eft un patronage mixte , & que le
bénéfice vienne à vaquer dans le tour du
patron laïc , la penfion demeure éteinte.
Les penfions ne peuvent pas être tranf-
férées d'une perfonne à une autre , même
du confentement des parties intérelTées.
Le pape ne peut pas admettre la ré-
iîgnation & rejeter la penfion j car l^axie
ne fe divife pas..
On peut inférer dans le refcrit de Rome ,
que la penjicn fera payée franche & quitte
de décimes , de de toutes les autres charges
ordinaires , à l'exception du don gratuit , à
la contributîbn duquel on ne peut déroger
par aucune claufe ; mais les curés qui ont
îéfigné fous penjîon après quinze ^innées
de (érvice , ou même plutôt à caufe de
quelque notable infirmité , font ordinaire-
ment déchargés des décimes , par les con-
trats paftes entre le roi & le clergé 5 &
même en général tous pendonnaires ne
font point taxés pour les décimes ordinai-
iiç§ ^ anciennes j mais on les fait contri-
P E N
buer aux dons gratuits à proportion de leurs
penjîcns.
On peut donner une caution pour le
paiement de la penjîon ; cependant au
grand-confeil on n'admet point les ftipu-
lations des cautions.
Qviand la penjîon excède le tiers des re-
venus du bénéfice , elle eft réductible ad
legitimum mcdum. Le gfand-confeil ex-
cepte les penjîcns ré(ervées fur les béné-
fices qui font à la nomination du roi , lef-
quelles, fuivant la jurifprudence de ce tri-
bunal , ne font réductibles qu'au cas feu-
lement où il ne refteroit pas au titulaire
de quoi foutenir la dignité de fes fonctions.
Le réfignataire d'un bénéfice fimple à
charge de penjîon, Se celui quilui fuccede
par réfignation , en faveur ou permutation ,
ne peuvent pas demander la rédud:ion de
la penfion ; mais le pourvu per obitum ,
le peut faire ; Se même fi c'eft une cure
ou autre bénéfice à. réfidence , le réfigna-
taire lui-même peut demander la réduc-
tion de la penfon au tiers ; ou quand elle
n'excéderoit pas le tiers , il peut encore
la faire réduire , s'il ne lui refte pas 300
livres , les charges payées.
Les penfions font auffi fu jettes à dimi-
nution , pour les mêm.e« caufes pour lef-
quelles on accorde une diminution au fer-
mier ; mais cette diminution momentanée
cefie quand la caufe a ceflc.
Dans le cas d'union du bénéfice , la
penfion qui eft créée , n'eft pas réduc-
tible.
La minorité du bénéficier qui s'eft chargé
de payer la penfion , n'eft pas un moyen
de reftitution.
Enfin , quelque exceflîveque Coiilz pen-
fion , cela ne rend pas la réfi'gnation nulle.
Une penfion ne peut être vendue 5 il y
auroit fimonie.
Il n'eft pas permis de ftipuler que le
réfignant rentrera dans fon bénéfice , faute
de paiement de \ipenfi.on. Cependant, à
défaut du paiement , le réfignant peut ufer
du regrès, qu'en appelle regrh de droit ;
Se pour cet effet , il doit obtenir fentence.
Quand le regrcs n'eft pas admJs , on,
adjuge quelquefois une penfion alimentaire
au rcfignsnt , m.ais différente de c.el^p qui
avait été ftijulée.
P E N
Les penjions s'éreigncMC par la mort du
penfionnaire , ou par fbn mariage , par (à
profeiïlon religieufe , & par les autres cau-
ies qui font vaquer le binéface de plein
droit , enfin , par le rachir de la penjion j
ce qui ne fe peut faire qu'eit veftu d'un
concordat autorifë par le pape, f'oyei^
Gigas , de penjion. eccléjiajî. quxfi. 8. Pin-
fbn , de penf, RcbufFe , fur le concordat ;
Chopin , de facr. polit. Fevret , hs loix
eccléjîajîiques j Fuet , Drapier , & les
mets BÉNÉFICE , Regrés , Résigna-
tion. (A)
Pension , ( Lktérat. ) l'ufage des (bu-
verains d'accorder des récompenfes pour
des fervices importans , ou même fans au-
cun fervice , eft fort ancien dans le monde,
il n'y a que la manière de gratifier qui
ait varié. Les rois d'Orient , au lieu de
penjîons , donnoient des villes &: des pro-
vinces qui dévoient tout fournir pour l'en-
tretien de ceux qui en étoient gratifiés.
Les tributs même que les rois exigeoient
des villes Se des provinces , avoient cha-
cun leur deftination particulière. Une telle
province payoit tant pour le vin , une
autre tant pour la viande ; celle-là tant
pour les menus plaifirs , & celle-ci tant
pour la garde-robe. Dans les provinces
deftinées à fournir la garde - robe d'une
femme , l'une étoit pour fa ceinture , l'au-
tre pour fon voile , l'autre pour des ha-
bits } & chacune de ces provinces por-
toit le nom des parures qu'elle fournif-
fbit. Artaxercès donna à Thémiftocle Mag-
néfie fur le Méandre , pour (on pain. Thu-
cydide prétend que ce capitaine grec en ti-
roit cinquante talens , c'eft-à-dire au moins
cinquante mille écus. Lampfaque , le plus
beau vignoble d'Afie , étoit pour fon vin ;
& Myonte , fi fertile en pâturages & en
poillbn , lui fut donnée pour fa table. Mais
une chofe remarquable , c'eft que du temps
de Plutarque , les dcfcendans de Thémii-
tocle jouiflbient encore par la faveur du
roi de Perfe , des prérogatives accordées
à Thémiftocle même , il y avoit près de
fix cents ans. (£)./.)
PENSIONNAIRE , f. m. {Hifi^. mod. )
le dit d'*une perfonne quia une penfion , un
appointcment , ou une fomme annuelle ,
payable fa vie durant à titre de reconnoif-
P E M
i?
/ànce , mi/e fur Pétat d'un prince ou d\ine
compagnie , fur les biei>sd'un p'uticuiier ,
ou autres (èmblabîes ,^<i/.
Dan? l'églifè romaine /'il eft fort ordi-
naire de mectre/des penfions fur des béné-
fices : on les accordoit autrefois avec la
plus grande facilité, fous pretfcxte d'infir-
mités , de pauvreté, ùc. îvlais depuis le
douzième fiecle , ces prétextes avoient été
portés fi loin , que les titulaires des bé-
néfices étoient un peu plus que des fermiers.
Cela détermina les puiflluices fpirituelles à
fixer les caufes & le nombre des penfions.
Il n'y a prélenrement que le pape qui puifiè
créer des penfions ; elles ne doivent jamais
excéder le tiers du revenu , étant arrêté
qu'il doit toujours en refter les deux tiers au
titulaire.
La penfion une fois établie , fubfifte pen-
dant toute la vie du penjîonnaire , quoique
le bénéfice pafie à un autre : faute de payer
la penfion pendant plufieurs années , le ré-
fignant peut demander à rentrer dans le bé-
néfice. La penfion fe perd par les mêmes
voies que le bénéfice , par le mariage- , par
l'irrégularité , par le crime j mais elle peut
être rachetée par une fomme d'argent ,
pourvu qu'elle ne ferve pas de titre clérical
au psnfionnaire , 6c qu'elle ait été créée de
bonne foi fans aucune paction fimoniaque.
Fleury , injîitut. au droit eccléjiajîique ,
tome I,
Penjîonnaire , eft audî un nom que l'on
donne au premier miniftre des états de la
province d'Hollande. J^oye^ États.
Le penfionnaire eft préfident dans les
afïèmblées des états de cette province ; il
propofe les matières fur lefquelles ou doit
délibérer j il recueille les voix , forme Se
prononce les réfolutions ou décifions des
états , ouvre les lettres , confère avec les
miniftres étrangers , &c.
Il eft chargé d'avoir l'infjJeéiion des fi-
nances , de maintenir ou de défendre les
droits de la province , de foutenir l'auto-
rité des états , & d'avoir l'œil à l'obferva-
tion des loix , &c. pour le bien ou la prof-
périté de l'état. Il aftifte à l'afiemblée des
conseillers députés de la province , il re-
préfente la ibuveraineté en l'abfence des
états ; & il eft un député perpétuel des
états généraux des Provinces - unies. Sa
® Ff 2
2i8 P E N
commlffion n'eft que pour cinq ans : après
quoi , on délibère s'il fera renouvelle ou
non. Il n'y a point d'exemple , à la vérité ,
qu'il ait été révoqué ; la mort eft la feule
caufe qui met un terme aux fon6tions im-
portantes de ce miîiiftre : on l'appelloit au-
trefois avocat de la province. Le titre de
penfionnaire ne lui fut donné que du temps
que Barnevclt fut élevé à cette charge. Gro-
tius Pappelle en latin Adfejfor juris-perims ;
Mercula, advocatus gencralis ; Matihaeus ,
profefleur en Leyde , conjîliarius penjlo-
narius > qui eft la qualité que les états lui
donnent dans les ades publics.
Penfionnaire , fe dit aulTî du premier
miniftre de la régence de chaque ville dans
la province de Hollande. V. PROViNfcH.
Sa charge coniifte à donner fon avis fur
les matières qui ont rapport -au gouverne-
ment , foit de la ville en particulier , oude
Tétat en général ; de dans les aflemblees des
états des provinces , il parle en faveur de
fà ville en particulier.
Néanmoins la fondion de ces penfion-
naires n eft pas égale par-tout. Dans quel-
ques villes ils donnent feulement leurs avis ,
& ils ne fe trouvent jamais aux aftemblées
des magiftrats , à moins qu'ils n'y foient
expreifément appelles j dans d'autres , ils s'y
trouvent toujours ; & dans d'autres , ils font
même des propofitions de la part des bour-
guemeftres , ^i rirent leurs concluions. On
les appelle pcnfionnaîres , à cau(e qu'ils
reçoivent des appointemens ou une penfion.
Gentilshommes penfionnaîres , c'eft un€
compagnie de gentilshommes , dont la
charge confifte à garder le roi dans fa pro-
pre maifon i c'eft dans cette vue , qu'ils font
cxpeAans dans la chambre de préfence.
Henri VII eft le premier qui les ait mis
fur pié ; ils font quarante : chacun d'eux eft
obligé d'entretenir trois chevaux qui portent
en croupe , & un valet qui doit être armé j
de forte qu'à proprement parler, ilscompo-
fent un corps-de-gardc ; c'eft pourquoi ils
doivent paftèr en revue devant leurs propres
officiers j mais le toi les difpenfe ordinaire-
ment de ce devoir , auquel ils fe font obligés
par ferment. Leurs Officiers font un capi-
taine 5 un lieutenant , un enfeigne , & un
clerc de contrôle •-, leurs*armes ordinaires
ibm la Uaclve d'aimes doiée , avec laquelle
P E N
ils accompagnent le roi , quand il va à la
chapelle royale , ou lorfqu'il en revient. Ils
le reçoivent dans la chambre de préfence ,
ou quand il fort de (on appartement privé ,
de même que dans toutes les grandes folem-
nités. Leur penfion eft de cewt livres fterlings
par an.
PENSILVANIE , ( Géog. mod.) pro-
vince de l'Amérique feptcntrionale , bor-
née au nord par le pays des Iroquois i à l'O-
rient par le nouveau Jerfey j au midi par le
Mariland, & à l'Occident par le pays des
Oniaionrkes , ou fi vous voulez , par le Ca-
nada. Elle s'étend depuis le quarantième
jusqu'au quarante-deuzieme degré de lati-
tude ; & la largeur eft à- peu-près égale ,.
fe trouvant comprife entre le 2.94*^. 50 &
le 3©!^. de long,
Charles II , roi d'Angleterre , gratifia de
cette province en 1 68 1 , Guillaume Pen de la
feéîe des Quakers , homme d'un rare mé«
rite 5 & qui a donné ion nom à cette pro-
vince. L'air y eft doux & pur. Le terroir y
eft généralement bon. Il produit des fruits
de toute cfpece , du froment , de l'orge >.
de l'avoine , du feigle , des pois , des fè-
ves , toutes fortes de racines , du gibier , ùc^
Les oifeaux domeftiques font les coqs
d'Inde , les faifans , les pigeons , les per-
drix j &c. On y trouve auffi beaucoup d'oi-
feaux {àiivages , comme cygnes , oies grifes.
& blanches , canards & autres. La terre e(È
arroice de diverlcs fources & de rivières ,
qui abondent en poifibn , comme eftur»
geons, alofcs , anguilles , fi^c.
Les Anglois occupent dans cette pro-
vince fix contrées qu'ils nomment Chejîer,.
Buckingham , Newcajïle , Kentfiiffex y
& Philadelphie , qui eft la capitale. L'inté-
rieur du pays eft habité par quelques na-
tions d'Indiens , qu'on dit être au nombre
d'environ fix mille âmes > ce font ces gens-
là que l'illuftre Pen a gagnés par fes bien-
faits. Ces Indiens font grands , bien propor-
tionnés , hofpitaliers , èc d'une probité qui
leur eft aulîi naturelle que la bravoure chez:
les Spartiates , & M. Pen eft un fécond Ly-
Gurgue : ** Quoiqu'il ait eu la paix pour objet,^
j, comme Lycurgue a eu la guerre , ils;
yy fe reffemblent dans la voie finguliere où ils
,, ont mis leur peuple , dans l'afcendant
„ qu'ils ont eu fur de? homoies libres > daiîs.
P E N
»> les préjugés qu'ils ont vaincus , dans les '
w paffions qu'ils ont foumifes. » (£)./.)
PENSUM , r. m. ( Littérat. ) Penfum
étoit proprement une certaine quantité de
laine qu on donnoit chaque jour aux fileufes
pour leur tâche j on la pefoit, &:k'eft delà
qu'on l'a nommée pp/z/îym , môrqu'on ade-
puis étendu fur ce qui eftimpofé comme un
travail réglé & ordinaire.
PENTACHORDE , f. m. ( Mufiquedes
anciens ^XyxQ compoféede cinqcordes, dont
PoUux attribue l'invention aux Scythes. On
avoit fur cet inftrument la confonnance de
la quinte , outre celle de la tierce & de la
quarte que donnoit déjà la rétracorde. Il eft
dit du muficien Phrynis , que de fa lyre à
cinq cordes il tiroit douze fortes d'harmo-
nies : ce qui ne peut s'entendre que de douze
chants ou modulations différentes , & nul-
lement de douze accords , puifqu'il eft ma-
nifefte que cinq cordes n'en peuvent former
que quatre , la deuxième , la tierce / la
quarte & la quinte, d'où l'on peut tirer une
preuve que ce mot harmonie , le prend
prefque toujours parmi les Grecs pour la
iimple modulation , le fimple chant, {a)
PENTACLE, f. m. {Magie.) c'eft le
nom que la magie des Exorci'ines donne à
un fceau imprimé ou fur du parchemin vierge
fait de peau de bouc , ou fur quelque métal,
or., argent, cuivre , étain , plomb , (jc. On
nepeut faire aucune opération magique pour
exorcifer les efprits , fins avoir ce fceau qui
contient les noms de Dieu. Lepentacle fefait
en renfermant un triangle dans deux cercles :
on lit dans ce triangle ces trois mots ; fcr-
matio , reÇormatio , transformatio. A côté
du triangle eft le mot agla , qui eft très-puif-
fànt pour arrêter la malice des efprits. Il fiur
que la peau fur laquelle on applique le fceau
foit exorcifée & bénite. On exorcife aulTi
l'encre & la plume , dont on fe fert pour
écrire les mots dont on vient déparier. Après
cela on encenfe le pentack ; on l'enferme
trois jours & trois nuits dans un vafe bien
net ; enfin , on le met dans un linge ou dans
un livre que l'on parfume & que l'on exor-
(/») Mufonius au chap. 7 defon ita'néDe luxu Grœcor. rapporte que les cordes le cet inftrument
étoient des lanières de peaa de bœuf, & qu'on les pinçoit avec la corne du pié d'une chèvre, en
■guife de pleâlrum. (F. D. C. )
On entendoit encore pu pentachorde, an-ordre ou fy'ftême formé de.cinqfons ;C*eft eu ce dernier
-feas ^c ia quinte ou diapirne, s'appelk)i«-quelqaefois-^»/«ribârrfe. /S^
P £ N lis
elfe. Voilà les fadaifes qu'on lit dans le livre
intitulé Encheiridion Leonis Papoe , ou-
vrage miférable , qui n'a fervi qu'à gâter da-
vantage les efprits crédules & portés à la fu-
perftition. (!>./.)
PENTACOSIOMEDIMNES , f. m. pi.
( Hift. anc. ) nom donné à la première clafle
des habiians d'Athènes , compofée des ci-
toyens qui avoient de revenu annuel cinq
cents medimes ou mefi.ires , tant en grains
qu'en chofes liquides. Commefls étoient les
plus opulens , c'étoit d'entr'eux qu'on tiroit
les premiers magiftrats , félon la difpofition
des loix de Solon.
PENTACROSTICHES , fubft. m. pî.
( Litîérat. ) vers dii^ofés de manière qu'on y
trouve toujours cinq acroftiches de même
nom en cinqdivifîonsde chaque vers. Voy,
Acrostiche.
PENTADÉCAGONE, f. m. ( Géom.)
FÉ>je:(^ QUINDECAGONE.
PENTADACTYLUS , ( Géog. anc. )
montagne d'Egypte proche du golfe arabi-
que , félon Pline , /. VI ^ ch. xxix. Prolo-
mée , /. IV, c. v , qui en fait aufli mention,
la place près de Bérénice. On lui avoit donné
le nom de Pentadaclylus , à caufe qu''ellc
s'élevcit en cinq pointes ou fommets.
PENTAGI ou PENTAGIOI , ( Géog.
mod. ) ville ruinée dans la Livadie , à l'entrée
du golfe de Salone. M. Spon , voyage de
Grèce , tom. II, p. z&, croit que c'eiî l'an-
cienne ville CEanthéa , que Pauianias, l. X ,
ch. ^5, place dans le golfe CriffcEUS , entre
Amphiflà ôc Naupa6bus. Il remarque uni-
quement qu'il y avoit un temple confacré à
Venus , de un autre confacré à Diane , dans
une forêt épaiflé plantée de cyprès êc de pins.
Les fondemens de la ville paroifîént fur une
prefqu'île , qui eft prefqu'environné de
deux petites baies. Vers le milieu il y a une
égiife greque , où l'on voit îepiédeftal d^une
ftatue , .avec la dédicace à Jupiter reftau-
rateur , par Auxuntius Novatus. /. O.
M. refiitutori Auruntius Novatus. P,
{D.J.)
PENTAGLOTTE , Lî.{ Gram. ) Dio-
ijo P BN
tionnaire fait en cinq IsLngues.Lz penîaglotle
de Jean Juftiniani.
-PENTAGONE, ù m. en Géométrie ,
figure qui a cinq côtés & cinq angles. Voy.
Figure.
Ce mor eft compofé de TgvTê , cinq , &c
'}ovna. , an[:;le. Foje;[PoLiGONE.
Si les cinq côtés ibnt égaux , & que les
angles le foient aulïî , la ngure s'appelle un
pentagone régulier ( tel que la jtg. 47.
Géom. ) la*piupart des citadelles (ont des
• Tentagcnss réguliers, Fo^ci^Citadelle.
La propriété la plus conlîdérable d^un
Fentagone eft qu'un de Tes côtés , par exem-
ple D E , t^ égal en puillàiice aux côtés
d'un angle & d'un décagone infcrit dans le
même cercle A B CD E , c'eft-à-dire , que
le quarré du coïé D E eu. égal à la fomme
des quarrés des côtés D a èc D b. Voyei^
EXAGONE Ù DÉCAGONE.
La furface du dodécaèdre , qui eft le qua-
trième corps régulier , eft compoféede douze
pentagones. Voye:^ DodÉcaedre. Cham-
btrs. {E)
Le côté du décagone étant trouvé ( art.
DÉCAGONE ) on peut trouver aifément le
côté d\i pentagone , puifqu'il n'y a qu'à dou-
bler l'angle ou centre du décagone, &c pren-
dre la corde de l'arc qui foutient cet angle.
On peut aulïi le trouver , mais moins com-
modément, parla proportion^ ci-de(îus, en
cherchant l'^hypothénufe d'un triangle rec-
tangle dont le rayon & le côté du décagone
foient les deux côtés. Voye:^ Hypothe-
NUSE.
PENTAMETRE , f. m. ( Littérat. ) dans
la poéfîe greque & latine , forte de vers com-
pofé de cinq pies ou mefures. Voye^ Pié &
Vers.
Ce mot vient du grec 'nîm , cinq , &
fj.iTg6v y mefure.
Les deux premiers pies d'un vers penta-
mètre peuvent être dactyles ou fppndées ,
félon la volonté du poëte ; le troifîeme eft
toujours un fpondée , ôc les deux derniers
font anapeftes. On le fcande ordinairement
. en laiflant unecéfure longue après le fécond
& le quatrième pié , enforte que ces deux
céfures forment comme le cinquième. On le
j oint ordinairement aux vers hexamètres dans
les élégies , les épîtres , les épigrammes , &
■autres petites pièces. Il n'y a point de pièce
P E M
compofée de vers pentamètres feuîs. Ployer
Hexamètre.
PENTAPARTE , f. m. ( Méchaniq. )
machine à cinq poulies , dont trois font à
la partie fupérieure , & deux à la partie infé-
rieure.
PENTAPHÎLOIDE ou potentille.
( Bot. Jard. ) en latin pentaphilloïdes ou
potentilla , en anglois cinquefoiL
Caractère générique.
Le calice eft d'une feule feuille légère-
ment découpée en dix fegmens dont il s'en
trouve alternativem.ent un plus petit îk. re-
courbé : cinq pétales attachés dans Tinté-
rieur du calice forment la fleur d'où fore
une toufte de douze étamines en forme d'a-
lêne terminée par des fommets figurés en
croiflans : ces étamines environnent un em-
bryon fituéau centre delà fleur: il eft com-
pofé de plufîeurs germes raflèmblés en tête ;
chacun eft furmonté d'un ftyle très-délié at-
taché à foncôté & couronné par un ftigmate
obtus. L'enfemble de ces germes devient une
petite fphei-e où font attachées & grouppées
nombre de très-petites femences arrondies, &
qui eft renfermée dans le calice qui eft per-
manent. Elle diffère de la quinte-feuille, en ce
que fes feuilles ne font pas rangées en main
ouverte à l'extrémité du même pédicule.
Ejpeces.
1. Pontentille ou pentaphilloîde à feuilles
empennées à tige boifèufe.
Potentilla foliis pinnaiis , caule fruâi-
cofo. Hort. Cliff.
Shrubby cinqucfoil.
2. Potentille à feuilles empennées dente-
lées , à tige rampante.
Potentilla foliis pinnatis ferratis , cault
repente. Flor. Lapp.
Potentilla With Winged faw'd leaves
and a crcepingjlalk.
j.Potentilleï feuilles empennées alternes,
à cinq feuilles ovales crénelées , à tige droite.
Potentilla foliis pinnatis alternis , foliolis
quinis ovatisy crenatis, caulê^reclo, Hort, Cliff.
Potentilla with alternate ivinged lea-'
ves , &c.
4î Potentille à feuilles digitécs , lancéo-
P E N
lées , dentées , un peu velues de deux côtés
à ti^e droite.
Potenîilla foliis digitatis , lanceolatr
fcrratis , utrinque fubpilofis y caule erecic.
Linn. Sp. pi.
Potenîilla witfinger piaped leaves , Scc.
y. Pctentille à cinq feuilles en forme dt
coins , découpées velues par deiïous , à
tige droite.
Potentillafoliis quinatis cuneiformibus ,
incifvs ifubtus tomentojis , caule ereclo. Linn.
Sp. pi.
Potentilla with wedge-shapcd Icbes te
îhe leaves , &c.
6. Potentille à feuilles digitées , dont les
bouts font dentés à tiges très-grêles & traî-
nantes , à réceptacles velus.
Potentilla foUis digitatis , apice conni'
vénti-ferratis , caulihus fili-formibus pro-
cumbentibus , receptacuUs hirfutis. Hort.
cnjf.
Potentilla with very Jlender triling
jiûlks.
7. Poîentille à feuillies en treffie , à tige
rameufe & droite , dent les pédicules s'élè-
vent au-dellus des joirits.
Potenîilla foliis ternatis , caule ramofo
ereclo , pedunculis fuprà gernicula enatis.
Hcrt. Upfnl
Potentilla with leaves growing by
îhrees , 5cc.
; %. Potentille^ feuilles en treffle , à folio-
les ovales , à crans obtus ^ à tige rameufe ,
à longs pédicules.
Potentilla foliis ternatis , foliolis ovatis ,
obtufe crenatis , caule rafnofo 3 pedunculis
longioribus. Mill.
Potentilla with leaves growing by
threef obîufely crenateed ^ &Ci
9. Potentille à feuilles , à fept & à cinq
folioles empennés & velus , à tige droite &c
rameufe.
Pofenîilla foliis feptenis quinatifque ,
foliolis p nnatO'incifis pilofis , caule ereclo
ramofo. Mill.
Potentilla with fei'en and five leaves
whofe lobe , are cmwinged , hairy , &c.
10. Potentille à fept & à cinq folioles
lancéolés , à dentures empennées , velues
des deux côtés , à tige druite &: à pétales
cordiformes.
Potentilla foliis feptenis quinatifque. ,
PE N
^3^
foliolis lanceolaîis , pennato-d^ntatis , utrin'
lue pilofis , caule ereclo corymbofo , ptta-
lis cordatis. Mill.
Potentilla with feven and five leaves
whofe lobes are fpear shaped ^ &c. Voyer
Plante , argentine.
L'efpecen°. i. eft un arbrifleau qui s e-
eve environ à quatre pies fur plufieurs tiges
'Oibles & finueufes : ces tiges (ont cou-
N'crtes d'une écorce dontPépidermeefI: tou-
jours gercé , & le renouvelle annuellement :
les bourgeons font garnis de feuilles à cinq
lobes , dont les trois fupérieurs fe réunifient
à leur bafe. Ces lobes font étroits & entiers.
Les feuilles font foutenues par un pédicule
délié qui fort d'une membrane feche& très-
mince , de couleur de noifette. Les fleurs
naiflent au bout des bourgeons en bouquets,
mais elles s'épanouiffent les unes après les
autres. Miller dit qu'elles parolfTent en juil-
let; dansnos jardins elles fe montrent dès
la fin de mai , mais elles fe fuccedent long-
temps. Elles font allez grandes & forment
comme des rofes. Leur jaune brillant eft
d'un effet d'autant plusagréable qu'il reflôrc
mieux fur le fond du feuillage dont le verd
eft d'un ton bleuâtre obfcur : cet arbufteeft
un des premiers qui pouflent au printemps.
Il convient donc d'en mettre fur les devants
des bofquets d avril. Ses fleurs lui afîîgnent
une place dans ceux de juin & d'été; on en
fait des très-jolies haies. Ce joli arbuftie le
multiplie aifémient de marcottes &z par les
furgeons qu'il pouffe de fon pie. Il aime unç
terre fraîche & un peu d'ombre. Il croît de
lui-même au nord d'Angleterre , ôc dans
quelques autres parties feptentrionales de
l'Europe , aux terres humides &c maréca-
geufès.
La féconde efpece efl commune en An-
gleterre , en Allemagne & au nord de la
France. Elle pafîe pour aflringente Se vul-
néraire. Son abondance eft une marque cer-
taine de la fcérilité du fol.
La troifîeme croît naturellement fur les.
Alpes & fur quelques montagnes de la Ger-
maiiie. Elle aime l'ombre & l'humidité.
Uefpece n°. 4. eft indigène du midi de la
France & de l'Itahe : les fleurs font blan-
ches: c'eft une plante bifannuelle.
La Potentille , n°. 5 . fe trouve fur les Alpes.
iSc autres lieux rudes de l'Euiope. La rociuc
231 ; PEN
eft épaifle&cliirnue , les tiges rougcâcres ,
les fleurs jaunes. Sa plante eft vivace.
La fixieme efpece eft indigène de P Autri-
che. Elle eft vivace : Tes fleurs blanches font
grouppées iur des pédicules longs & déliés
qui nailîent immédiatement de la racine.
On la multiplie en automne par Tes coulans
comme les fraifiers. Elle aime un fol frais
& les lieux ombragés.
La feptieme habite les Alpes : c'eft une
plante bifannuelle ; les fleurs font blanches
& naiflènt des joints des tiges.
L^potentilk, n°. 8. eft aufli bifannuelle :
elle diffère de la précédente par fes fleurs qui
font plus larges, & le ton de fon vcrd qui
eft plusobfcur.
La neuvième efpece croît d'elle-même en
Italie & en Sicile : c'eft une plante bilan-
iiuelle. Ses fleurs font jaunes , fes tiges pur-
purines & velues s'élèvent à près de deux
pies.
Enfin U dixième efpece eft naturelle du
midi de la France & de l'Italie : c'eft une
plante bifannuelle. Les fleurs font d'un
jaune pâle & naiflènt au bout des tiges qui
s'élèvent à près de deux pies: elle fleurit en
juillet. Il y a encore bien des efpeces de ce
genre dont le détail nous auroit conduits trop
loin. Voy.Xts Species plantarum deLinneus.
( M. le Baron de TscHOUDI. )
PENTAPOLE , f. L en Géographie ;
c'eft proprement Se en général un pays où
il y a cinq villes.
Ce nom a été donné à plufieurs contrées,
particulièrement à la vallée où étoient les
cinq villes infâmes j qui furent détruites par
une pluie de feu d<. de pierre du temps
d'Abraham. On croit communément que
ce paysétoit l'endroit où eft à-préfent le lac
Afphaltite ou la mgr Morte. Sanfon le place
dans le voifinage de ce lac , mais fans en
apporter aucune preuve. D'Herbelot l'ap-
pelle h pentapnle des iodomites.
La plus célèbre pentapole étoit la penta-
pole cirénaïque ou la pentapole d'Egypte ,
dont les cinq villes étoient Bérénice , Arfl-
Boé , Ptolémaïs , Cyrene & Apolîonia.
Chez les anciens géographes &Hiftoriens
il eft fait aulTi mention de la pentapole de
Lybie, que l'on appelle aujourd'hui m^firata^
de la pentapole d'Italie , & de la pentapole
de l'Alie mineure. Charniers. { E)
P E N
Pentapole , ( Géog. anc. ) en grec
'^'tV'TA'îruhi^, Ce nom qui veut dire cinq villes^
a été donné à plufieurs contrées où il y
avoir un pareil nombre de villes principales.
1°. Pentapole étoit une contrée de l'Afîe
mineure. Hérodote, /. /, n°. 1 44, dit qu'elle
étoit habitée par lesDoriens , & qu'elle avoit
auparavant été appellée Hexapole. x°. C'étoit
une contrée de la PhrygiePacatiane. 5°. C'é-
toit une contrée de l'Egypte , dont une des
cinq villes , félon le concile de Chalcédoine ,
s'appelloit Ticelia. 4°. C'étoit enfin une
ville de l'Inde au-delà du Gange. Ptolomée,
liv. VII y ch. ij , la place dans le golfe du
Gange , au-delà de l'embouchure de ce
fleuve appellée citra Deorum.
Pentapole du Jourdain, la ^ ( Géog,
anc. ) l'Ecriture-Sainte , fap. x. 6. donne
ce nom à cinq villes de la Paleftine \ fivoir ,
Sodome , Gomorrhe , Adama , Séboïm ,
Segor. Ces cinq villes étoient condamiiées
à périr entièrement , mais Loih obtint la
confervation de Segor, autrement appel-
lée Bala. Sodome , Gomorrhe , Adama ,
& Séboïm furent confumées par le feu du
ciel ; & en la place or elles étoient fituées ,
fe forma le lac Afphaltite , ou lac de So-
dome (D.J.)
Pentapole de Lybie , fo , ( Géog.
anc. ) contrée d^'Afrique dans la Cyxénaïque.
Elle fut nommée Pentapole , à caufe de fes
cinq villes principales dont Pline, /. V, ch.
V , nousaconfervélesnoms.LaCyrénaïque,
dit-il, ou la. Pentapole y eft principalement
célèbre par fes cinq villes qui font Bérénice,
Ariinoé , Ptolémaïde , Apollonie & Cy-
rene.
Pentapole des Philistins , la ,
( Géog. anc. ) contrée de la Paleftine , ôC
proprement le pays des PhiUftins. Ces peu-
ples avoient plufieurs bourgades depuis
Joppé jusqu'aux confins de l'Egypte , foit
fur le bord de la mer , foit dans les terres :
mais il y en avoir cinq principales , qui
avoient entr'elles une alliance réciproque, 8c
formoient comme une efpece de républi-
que. Les cinq villes qui donnèrent le nom
de Pentapole à ce pays , font Azot > Gaza ,
Afcalon , Gath & Accaton.
PENTAPOLITAIN , adj. qui eft d'une
pentapole. La Doârrtne de Papellius , qui
commença à iè répandre à Ptolémaïde dans
la
P E N
îa pentapole d'Egypte , s'appelle pentapo-
iitaine.
PENTAPROST ADE , f. f. (mjf. anc.)
nom colkâ: f des dignités des cinq premiers
officiers 'le l'emnire grec.
PENTASTICHE , ou PENTASTî-
QUE , C t. enFcejie ; c'efl une fcrophe ou
diviiion d'un poifme , compose ds cinq vers.
Voyei Strophe ou Stamce.
Ce mot eiî formé du grec ^îvtî , cinq ;,
& de f/'/of , l'ers.
PENTASTYLE , ou PENTASTI-
QUE , f. m. en terme d'Architecture , fe dit
d'un ouvrage où il y a cinq rangs de colonnes
à la face de devant. Voye^ CoLONNE.
Tel fut le portique commencé par l'em-
pereur Gallien , & qui devoit aller depuis la
porte Flaminiene jufqu'au mont Milvius ,
c'eft-'A-dire , depuis le Porto del popolo juf-
qu'au Porte-mole.
PENTATEUQUE , f. m. ( Théoîog. ) !
compofé de Trr;Ê , cinq , & de -nv/ja , inf-
trument, volume. C'eft le nom que les Grecs,
& «près eux les Chrétiens , ont donné aux
-cinq livres de Moïie, qui font au commen-
cement de l'ancien teflament ; lavoir , la ge-
nefe , l'exode , le lévitique , les nombres ,
& le deutéronome , auxquels les Juifs don-
noient par excellence le nom de Loi ; parce
que la partie la plus eiTèntielle de ces livres
contenoit la loi que Moïfe reçut de Dieu fur
le mont Sinaï.
Une pofTeffion immémoriale , & des rai-
fons détaillées par les plus habiles commen-
tateurs de l'écriture , prouvent que Moïfe
éfl l'auteur du Pentateuque. Nous ne nous
arrêterons ici qu'aux raifons de quelques
nouveaux critiques , tels que M. Simon &
M. Leclerc , qui ont contellé cet ouvrage à
Moïfe. On trouve , difent-ils , dans \c Pen-
tateuque y plufieurs choies qui ne convien-
nent point au temps & au caradere de ce lé-
jgilîareur. L'auteur, rzz//;2. xijy parle très-avan-
tageulement de Moïfe : d'ailleurs il parle tou-
jours en troifieme perfonne ; le Seigneur
parla à Moïfe & lui dit , &<:. Moïfe parla à
Pharaon , ùc. Quelle apparence que Moïfe
eût fait lui-même fon éloge , & n'eût pas
parlé en première perfonne ; 2.^. le récit delà
mort de Moïfe , qui ié trouve à la fin des
nombres , n'eft certainement pas de ce légif-
1 aietJr , non plus que le détail de fes funérail-
Tome XXV.
P E N i33
\zi , &: la comparaifon qu on y voit enti-c
lui & les prophètes {es fucccffeurs ; 3°. on
remarque dans le texte du Pentateuque quel-
ques endroits défedueux , par exemple ,
Exode xij. 8, on voit que Moïfe parle à Pha-
raon , ians que l'auteur marque le com.men-
cement de fon dilcours. Le Pentateuque fa-
maritain l'a fjppléé , ce IJu'il fait encore eh
beaucoup d'autres cnâvoïts : enfin on voit
dans le Pentateuque des traits qui ne peuvent
guère convenir à un homme comme Moïfe,
né & élevé dans l'Egypte , comme ce qu'il
dit du Paradis terreltre , des fleuves qui
l'arrofoient & qui en fortoient , des villes de
Babylone , d'Araf , de Refen , de Chalamé ,
de l'or du Phifon , du bdellium , & de la
pierre de Sohem que l'on trou voit en ces
pays-là. Ces particularités , li curieufement
recueillies , femblent , dit-on , prouver que
l'auteur du Pentateuque étoit de-delà l'Eu-
phrate : ajoutez ce qu'il dit de l'arche de
Noé 5 de fa confîrudion , du lieu où elle
s'arrêta , du bois dont elle fut bâtie , du bi-
tume de Babylone , Ùc. Ces dernières remar-
ques ont fait croire à quelques-uns , que le
lévite envoyé par AfTaradon aux Cuthéens
établis dans la Samarie , pourroit bien avoir
compofé le Pentateuque , & que les Juifs
auroient pu le recevoir , avec quelques lé-
gères différences , de la main des Samari-
tains : d'autres fe font imaginé que le Penta'
teuque , en l'état où nous l'avions , n'étoit
que l'abrégé d'un plus grand ouvrage , com-
pofé par àçis écrivains publics , chargés de
cette tondion chez les Juifs.
Dom Calraet , qui fè propofè cts objec-
tions dans fon didionnaire de la Bible , y ré-
pond par trois réflexions générales ; i*. que
pour débouter Moïfe de lapofTelîiôn où il efl
depuis tant de fieclcs de pafîèr pour l'au-
teur du Pentateuque y poflbflion appuyée du
témoignage de la fynagogue & de l'églife ,
des écrivains facrés de l'ancien & du nou-
veau feflame'nt , de Jefus-Chrifl &: des
Apôtres , il faut certainement des preuves
fans réplique & des démonflrations : or il eft
évident que les objedions propofces font
fort au-deffous même des preuves folides ;
car 2**. les additions , les tranfpofitions , les
omiiîions, les confufions qu'on lui reproche,
& qu'on veut biennepascontefler , ne déci-
dent pas que Moïfe ne foit pas l'auteur dU
134 P E N
livre , elles prouvent feulement que l'on y
a retouché quelque chofe , (oit en ajoutant ,
fbit en diminuant. Dieu a permis que les li-
vres (acres ne ioient pas exempts de ces for-
tes d'altérations qui viennent de la main des
copiiles , ou qui (ont une (uite de la longueur
desdecles. Si une légère addition ou quelque
changement fait au ecxte d'un auteur , luffi-
loit pour lui ôter fon ouvrage , quel écrivain
feroit (ûr de demeurer en po(re(îîon du fien
pendant un fiecle ? ^°. Les fyflêmes de M.
Leclerc & de M. Simon font dénués de
vraifemblance. Ces écrivains publics ne doi-
vent leur exiilence qu'à l'imagination de M.
Simon. Le prêtre ou le lévite envoyé par
AfTaradon aux Cuthéens ne peut être l'au-
• teur d'un livre cité dans plulieurs ouvrages
qui pa(rent conftaramcntpour être antérieurs
au temps de ce lévite. La loi a toujours été
pratiquée depuis Moï(e julqu'à la captivité ;
elle étoit donc écrite : on en mit un exem-
plaire dans l'arche & il fut trouvé (ous Jolias:
enfin les Juifs & les Samaritains avoient trop
d'éloignement les uns pour les autres pour
le communiquer leurs écrits facrés : d'ail-
leurs on verra ci-de(îbus lequel du Pentateu-
que hébreu ou du Pentateuque famaritain e(l
une copie de l'autre. Diclioiin. de la. Bible ^
tome III , lewe P. pa^. i6i& i6z.
Mais l'aveu qu'on fait que les additions
reprochées au Pentateucjue font d'Eidras ,
qui après la captivité retoucha & mit en
ordre les livres faints , donnent matière à
une autre objedion des incrédules : car ,
difcnt-ils, Il Ei'dras a ainfi travaillé furies
livres faints , quelle preuve a-t-on qu'il ne
les ait pas notablement altérés , ou même
totalement fuppofés ?
Abbadie répond à cette difficulté , i°.
que les pfeaumes, les prophètes, les livres
de Salomon rapportent une infinité de traits
comme Moïfe , & par conféquent que le
Pentateuque fubfifioit avant tous ces au-
teurs : 2**. qu'Efdras n'a eu nul intérêt , (bit
perfonnel , foit politique , de changer la
forme des livres faints : 3"' <5u'il ne l'a pas
fait à f égard de ceux de Moïfe , parce que fa
phrafe & fa manière d'écrire e(l toute diffé-
rente de celle de Moïfe ; & que d'ailleurs
s'il en avoit été ainfi , il leur auroit donné
une meilleure forme , félon Spinofa même ,
i|ui accufe les livres de Moïfe d'être mal
P E N
écrits & mal digérés : on peut voir ces té-
ponfes étendues dans Abbadie , traité de la
vérité de la religion chrétienne y tom. Ip
fecl. 5 , chap. xij & xiij.
On diflingue deux Pentateuques , ou plu-
tôt deux fameules éditions du Pentateitque y
quife font long-temps diiputé la préférence ,
tant par rapport à l'ancienneté que par rap-
port au caradere : celui des Juifs appelle le
Pentateuque judaïque ou hébreu y écrit en
caradere chaldéen ou afly-rien ; & celui des
Samaritains , écrit en caradere (amaritain ou
phénicien : on (outientque l'un & l'autre cil
l'ancien Pentateuque hébraïque. A confidé-
rcr le texte en général , ils font alTez confor-
mes l'un à l'autre , puifqu'ils contiennent les
paffages dont nous avons parlé ci-delfus y.
attribués aux copilfes , quoique le iamaritain
en contienne un ou deux qui ne fc rencon-
trent point dans l'hébreu ; le premier eff ua
pafîage qui le trouve dans le deutéronorae ,
xxvij. 4. où il elf commandé de bâtir ua
autel & d'offrir àzs facrifices fur le mont
Ebal , ou plutôt fur le mont Gariz^im ; ce
qui e(t une interpolation manifefte , faite,
pour autorifc;- le culte des Samaritains , &
montrer qu'il ne le cédoit point en antiquité,
au culte qu'on rendoit à Dieu dans le temple
de Jérufalem. Voye^ SAMARITAINS.
Cependant M. Whiilon déclare qu'il ne
voit pas la raifon d'accufer de corruption
fur ce point \q Pentateuque famaritain , que
ce reproche tombe plutôt fur le Pentateuque
hébreu , & il fbutient très-(érieu(ement que
le premier efl une copie très-fidele des livres
de Moïfe , qui vient originairement de la fé-
paration àts dix tribus , du temps de Jéro-
boam : mais le contraire efl: évident par les
additions qu'on attribue à Efdras , qui vivoit
plufieurs fiecles après Jéroboam.
Mais la difiTérence la plus fenfibîe efl dans
les lettres ou caraèleres. Le Pentateuque hé-
breu étant en caradere chaldéen ou aflyrien ,
& le famaritain en ancien caradere phéni-
cien ; il fembleroit par-là que ce dernier efl
plus ancien que le premier ; mais M. Pri-
deaux penfe que le Pentateuque des Samari-
tains n'efl qu'une copie tirée en d'autres ca-
raderes , fur l'exemplaire compofé ou réparé
par Ëfdras ; 1°. parce que toutes les interpré-
tations de l'édition d'Efdras s'y trouvent; 2*.
par l'inattention que l'on a eue d'y mettte àos
P E N
lettres (èmblables à celles de l'alphabet hé-
breu, qui n'ont rien de commun avec les
lettres de l'alphabet faraaritain , variations
qui ne font venues que de ce qu'on a trans-
crit le Pentateiique de l'hébreu vulgaire en
famnritain , & non du làmaritain en hébreu.
Ajoutez à cela que Mrs. Simon , Alix &
plufieurs autres (avans , prétendent que le
caraâere chaldéen ou aflyrien a toujours été
en ufage parmi les Juifs , & que le famaritain
ou ancien caraâere phénicien n'avoit jamais
été ulité parmi eux avant la captivité , de
quelque manière que ce fût , ni dans les li-
vres, ni fur les médailles.
Uflcrius penfe que le Pentateuque famari-
tain a été corrompu par un certain Dofitée ,
dont parle Origene , & M. Dupin croit que
c'ell l'ouvrage de quelque famaritain moder-
ne qui l'a compilé de divers ex; mplaires des
Juifs répandus dans la Palefhne & dans la
Babylonie , auflibicn que dans la verfion des
fepranre , parce qu'il efl qu Iquefois confor-
me à l'hébreu & quelquefois au grec : mais il
s'en éloigne auflifort iouvent. Le texte fama-
ritain avoit été inconnu depuis le temps d'O-
rigenc & de S. Jérôme , qui en avoient quel-
quefois tait mention. D'ans les derniers fiecles
on en rapporta quelques exemplaires d'O-
rient, & le père Morin en fit imprimer un en
163 1 , qu'on trouve dans la Polyglotte de le
Jai , & plus correâ dans celle de Valton. La
comparaifon qu'on en a faite avec le texte
hébreu , a fait penfer à plufieurs favans qu'il
étoit plus pur & plus ancien que celui-ci :
de ce nombre font le père Morin & M. Si-
mon. Le commun des théologiens penfe que
le Pentateuque famaritain & celui des" Juifs
ne font qu'un feul & même ouvrage , écrit
en la même langue , mais en caraâeres dit-
férens ; & que les diverfités qui fe rencon-
trent entre ces deux textes, ne viennent que
de l'inadvertence ou de la négligence des
copiftes , ou de l'afFedation des Samaritains
qui y ontglifle certaines chofes conformes à
leurs intérêts & à leurs prétentions \ que ces
additions y ont été faites après coup, & que
originairement ces deux exemplaires étoient
entièrement conformes : fuivant cela il faut
dire que le Pentateuque des Juifs cfl préfé-
rable à celui des Samaritains , comme étant
exempt àts altérations qui fe rencontrenr
dans ce dernier. Calmet, Diâ. de la Bible ,
PEN ïjy
tom. III) lettre S , au mot Samaritain,
pag. 454 , disert, furie Pentateuque.
Nous terminerons cet article par le récit
de ce que pratiquent les Juifs dans la ledure
du Pentateuque. Us font obligés de le lire
tout entier chaque année , & le divifent en
paragraphes ou fedions, qu'ils diftinguent en
grandes & petites.Les grandes comprennent
ce qu'on a accoutumé de lire dans une fe-
maine. Il y en a cinquante-quatre , parce que
dans les années intercalaires des Juifs il y a
ce nombre de femaines. Les petites ferions
font divers endroits qui regardent certaines
matières. Les Juifs appellent quelques-unes
de ces fèdions , fbitgrandes , foit petites jfeC'
tions ouvertes. Celles-là commencent par un
commencement de ligne : Il c'eft une grande
fcâion , on y marque trois fois la lettre phéy
au lieu que les petites n'ont qu'une lettre ;
& ils nomment ks Autres fec^ions fermées ,
elles commencent par le miUeu d'une ligne.
Si elles font grandes , ont y met trois fa-
mech y ou un feu! fi elles font petites. Ces
fedions font appellées du premier mot par
lequel elles commencent : ainli la première
de toutes s'appelle berefchit , qui cft le com-
mencement de la genefe. Chaque grande
ledion fe fubdivifc en fept parties , parce
qu'elles font lues par autant de différentes
perfonnes. C'e/l un prêtre qui commence ,
enfuite un lévite ; & dans le choix des au-
tres leâeurs , on a égard à la dignité ou à la
condition des gens. Ap||6 le texte de Moïfe
ils lifent auffi un paragraphe de la paraphrafe
d'Onkelos. On a fait une femblable divifion
des livres prophétiques dont on joint la lec-
ture à ceux de Moiïè. Le perc Lami , dont
nous empruntons ceci , penfe que cette di-
vifion e{\ très-ancienne chez les Juifs , &
qu'elle a donné lieu à celle que l'églife a faite
des livres fàints , dans les ledures diftribuées
qu'on en fait dans fes offices. Quoi qu'il en
(bit , elle a lieu parmi les Juifs , qui marquent
exaâement ces feclions , tant du Pentateu-
que que des hvres prophétiques , dans leurs
bibles & dans leurs calendriers. Lami de l'O-
ratoire , întroduct. à V Ecriture f aime.
PENTATHLE , f. m. {Jeux des Grecs
& des Rom. ) nom des cinq exercices qui
compofoient les jeux publics de la Grèce,
& enfuite de l'Italie : ces combats font ren—
fermés dans ce vers grec.
Gg i
1^6 P E N
AKyct j ToJlatKUisv f JlîcrKoy y kitavra, , TraK î^
<f le faut , la courfe , le palet , le Javelot &
j> h lutte. » On coiironnoit les athlètes q' i
^.voient \ a'ncu de (iilte dans ces fortes de
combats ; il n'y avoit qu'un feul prix pour
ces cinq exercices.
L'amufement du peuple , naturellement
avide de Ipedacles, n'ell pas l'unique but
Que les anciens fe foient propofé dans l'inf-
^itution des divers exercices qui compofoient
\ts jeux publics de la Grèce & de l'Italie. Ils
ont eu principalement en vue d'endurcir les
çprpsau travail , & en leur procurant par-là
«ne fanté plus vigoureufe , de les rendre plus
propres au pénible métier des armes ; c'efl à
quoi tendoit ordinairement toute leur gym-
naftique , & les hommes y trouvoient des
i^eflburces merveilleufès pour l'accroifle-
ment de leurs forces & de leur agilité : ces
deux qualités s'y perfedion noient plus ou
moins , fuivant le choix des exercices. Il y en
a^yoit quelques-uns par Tulage defquels le
corps entier devenoit ou plus robulle ou plus
ipuple. La lutte y par exemple^ & le pan-
crace produifoient le premier effet; la danfe
4c la paiilme produifoient le fécond. Il y
en avoit d'autres qui n'opéroient que fur
certaines parties ; c'eft ainfi que les jambes
acquéroient à la courfe une plus grande
légèreté ; que le pugilat augmentoit la vi-
g^ueur & la fouplelfe àts bras; mais nul
exercice peut-être ne les fortilioit plus effi-
cacement que celuitBb difque. V. DiSQUE.
(D.J.)
PENTATONON , f. m.^étoit, dans
Tancienne Mufique , le nom d'un intervalle
que nous appelions ^u]ourà^\\u\Jixte fuper-
fiue. Voyei SiXTE. Il eil compofé de
quatre tons , d'un femi-ton majeur , & d'un
femi-ton mineur , d'où lui efl venu le nom
àt pentatonon , qui Tignifie cinq tons.
' PENTAUREA ,^ ( Hijl mt. ) nom
d'une pierre fabuleufe , inventée par Ap-
pollonius de Thyane , qui avoit la faculté
^'attirer toutes les autres- pierres , comme
ifàimant attire le fer.
"^ PENTE , f f terme relatifs la fituation
Bprizontale ; tout ce qui s'écarte de cette fi-
tajation , enlbrte qu'une àts parties du plan
nefte dans la ligne horizontale , & l'autre def-
ccnde aiirdeflbus , ell en pente. Un corps
P E M
mis flïr une furface en pente defcend de
lui-même. Ce terme fe prend au fimple 6c
au figuré; la peine de cette colline efl
douce ; la pente naturelle au vice trt rapi-
de : nous avons tous une pente à la gour-
mandife , ath vol & au menfonge.
Pente , {Architeâure.) inclinaifon peu
fènfible , qu'on tait ordinairement pour fa-
ciliter l'écoulement des eaux; elle elî réglée
à tant de lignes par toile , pour le pavé &
les terres , pour les canaux àts aqueducs ,.
pour les conduites , & pour les chenaux &:
gouttières des combles.
On appelle contie-peme , dans le canal;
d'un aqueduc , ou d'un ruifleau de rue , l'in-
terruption d'un niveau de pente y caufée paç
malfaçon ou parl'afibiblifîement du terrain y
enforte que les eaux n'ayant pas leur cours,
libre, s'étendent ou relient dormantes.
Pente de cliênau y plâtre de couverture
conduit engkcis , fous la longueur d'un che-
neau , de part & d'autre , depuis Ion haut.
Pente de comble y c'ell l'inclinaifon des
côtés d'un comble , qui le rend plus ou-
moins roidc fur la hauteur par rapport à
fa bafe. {D. J.) _ *
Pente , bande qui entoure le ciel d'un
dais ou d'un lit fur le haut des rideaux ; on
donne le même nom aux bandes d'étofîè:
qu'on attache fur les bords des tablettes
d'une bibliothèque^
Fe N T E , tabac mis â la , ( Fabrique de
tabac. ) pendu parla queue, fur des cordes
ou fur des perches , après que les feuilles ont
été enficelees ; dans les lieux où l'on fabri-
que du tabac , on a de grands altrelJers cou-
verts çoux mettre les tabacs à la pente :.
c'ell là qu'ils fechcnt & qu'ifs prennent cou-
leur. Il ne faut pas croire néanmoins qu'on
les taffc lécher afïêz pour les tnettre en
poudre ; on le contente de leur lailTer éva-
porer leur plus grrnde humidité , & les faire
amortir ou mortifier fulïifamment pour pou-
voir être filés , à-pcu-près comme on file le
chanvre, & enluite être mis en rÔles ou-
rouleaux. Saraiy. ( D. J. )
PENTECOMAilQUE , f m. {Ififi,
anc. ) en général un gouverneur de cinq^
bourg.T.
PENTECONTACORDE, ( Luth. )
nom que Fabio Colonna , noble napolitain ,
de l'iliullre famille des Colonnes ,, a^oÏA
P E N
Sonné à un inflrument à cordes qu'il atoit
fait conflruire. Cet inflrument s'appelloit
Pente conta corde , parce qu'il avoit cin-
quante cordes inégales ; l'auteur l'avoit
encore nommé Samhucj. Uncea , parce qu'il
étoit un Acidemico linceo ; chaque ton y
étoit divifé en quatre parties , pour pouvoir
moduler dans les trois genres , le diatonique,
le chromatique & l'enharmonique. Fsbio
Golonna doit avoir fait un traité fur cet inl-
irument Tous le titre délia fambuca Uncea ,
ou deW infiritmento mujico perfetco , im-
primé en 1718 in-^^.
Meriènne à la Prop. z j du liv. VI de
fes Harmoniques ^ nous parle du mono-
corde de Fabio Colon na , par le moyen du-
quel chaque ton étoit divifé en cinq parties
prefque égales , dont trois faiioient un fèmi- <
ton majeur , & deux un femi-ton mineur;
c'efl ce qui me fait foupçonner qu'il y a une
faute dans l'ouvrage dont j'ai tiré la defcrip-
tion du Pente conta corde , & que dans cet
inflrument auiîi le ton étoit divifé en cinq,
& non en quatre parties. Au refle Mer-
fenne dit au même endroit que cette in-
venrion n'appartient pas à Fabio Colonna ,
qui avouoit lui-même la tenir d'un autre:
il ajoute que dès l'an 15 37 ^^ avoit com-
mencé à fabriquer en Italie un archi-cym-
halum , où chaque ton devoit être divifé
en cinq parties. ( F. D. C. )
PENTECO^TAIN , f. m. Livre ecclé-
liafliquc des Grecs qui contenoit leur office
depuis Pîîque julqu'à la Pentecôte.
PENTECOSTALES, f. f. pi. ( ThéoL)
étoient autrefois en Angleterre des ofîrandes
pieufes qu« les paroiliiens faifoient à leurs
curés à la itxt de la Pentecôte , & que
les éghies ou paroilfes inférieures faiioient
auili quelquefois dans le même temps à
l'Egii è mère principale. V. OFFRANDE
eu Qblation.
Ces of&andes s'appelloient aufîî deniers
^pentecoflaux , & on les diviloit en quatre
parties, dont l'une éroi pour le curé, la
féconde pour les pauvres , la troifieme
pour les réparations de l'éghlè , & la qua-
trième pour l'évêque du diocefe.
PENTECOfE, f. f.(rA/o%..) Çkt
îohin elle qu'on célèbre dans l'églife chré-
tienne le cinquantième jour après Pâque ,
!> E N 257
fur les Apôtres , rapportée dans les A3es ,
chap. xj , V. i Ù fuiv.
Ce mot vient du grec -nvriKoroç , quin-
quagefimus , cinquantième , parce que la
Pentecôte fe célèbre cinquante jours après
Pâque.
Dans la primitive Eglife , la Pentecôte
finiffoit le temps Pafchal ou le temps de
Pâque ; & Tertullien & S. Jérôme remar-
quent , que durant tout ce temps on cé-
lébroit l'office debout , & qu'il n'étoit pas
permis de jeûner , &c.
Les Juifs ont aufli ane îtte appellée
Pentecôte , qu'ils folemnifent cinquante^
jours après Pâque , en mémoire de ce que
cinquante jours après leur fortie d'Egypte y
Dieu donna à leurs pères la loi fur le
mont Sinaï par le miniflere de Moïfe. Ils
la nomment la fête des femaines , parce
qu'on la célèbre à la fin des fept femaines
qui fuivent Pâque ; ou le jour des pré~-
mices y parce qu'on y offi'oit les prémices
du froment , dont la moifTon comraençoif
alors, félon quelques-uns, & félon d'au-
tres , s'achevoit. Ces prémices confifloient
en deux pains levés , de deux affarons de
farine , ou de trois pintes de farine cha-
en, mémoire de la deicente du Saini^Sfgrit 1 JuiJ} , part. XII y clu iv,-
cun , non par chaque famille , mais ai^
nom de toute la nation , comme l'infinue
Jofeph , Antiq. liv. III y chap. x. Onj
immoloit aufli difFérentes vidimes , comme'
deux veaux & un bélier en holocaufle j.
fept agneaux en hoflies pacifiques , & uq
bo'ic pour le péché. Num. xxxiij , 2.7.
Les Juifs modernes célèbrent la Pente-^
cote pendant^ deux jours qui font gardés^
comme les fêtes de laque, c'efî-à-dire ,.
qu'on s'abflient de tout travail , & qu'ont
ne traite d'aucune affaire , excepte qu'on";
peut toucher au feu & apprêter à manger.
Ils tiennent par tradition que la loi a été-
donnée ce jour-là fur le mont Sinaï ; c'eft
pourquoi ils ont coutume d'orner la fyna--
gogue & les autres lieux où l'on fait la.
fedure de la loi , & même leurs maifons ,.
avec des rofes , des couronnes de fleurs-
& de fefîons , pour reprefenter , difent-ils,,*
la verdure dont le mont Sinaï étoit revêtu*
dans cette faifon.- Le foir du fécond jour'
de la fête on fait Vabdala. Voyez AbdalA?-
ou Habdala. Léon de Moden.'C4k&msd£-€>
138 P E N
Buxtorf ajoute à ces pratiques quelques
autres cérémonies particulières & propres
aux Juifs d'Allemagne ; comme de taire
un gâteau fort épais , compofé de fept cou-
ches de pâte, qu'ils appellent ^/zai', &,
lelon eux , ces lept épailîèurs de pâte re-
préfentent les fept cieux que Dieu fut obligé
de remonter depuis le fommet -<le cette
montagne jufqu'au ciel des cieux où il tait
la demeure. Buxtorf, Imag. Jud. apud Cal-
met 5 Diciionn. de la Bible , tom. III ,
lettre P , au mot Pentecôte.
PENTECOULORE , f. m. ( H^. &
Marine anc. ) bâtiment à cinquante rames.
PENTE Lie UM MARMOR, {Hifl.
ijat. ) nom donné par les anciens à un
marbre ftatuaire d'un beau blanc , &
çn malTes fort grandes.
PENTES YRINGUE , f. f . ( Litterat. )
machine de bois à cinq trous, où l'on en-
«avoit chez les Grecs les jambes , les bras
& la tête des criminels , afin qu'ils ne
puffent fe remuer. Ariftote , lii-\ III j
c/i. X y en parlant d'un orateur célèbre ,
nommé Peuiippe , qui quoique paralytique,
tachoit de brouiller l'état , ajoute : Il eft
étrange que cet homme , arrêté par une
maladie pire que \a pemefyringue , ait l'ef-
prit 11 remuant. Cette métaphore agréable
en grec , perd fa grâce dans notre langue ,
parce que des figures qui repréfentent des
images ne touchent point les perfonnes à
qui ces images font inconnues. (D.J.)
PENTEXOCHE , ( Hiji. nat. ) nom
donné à une pierre femblable à une nèfle.
PENTHEMIMERIS , dans la poéfie
greque & latine , c'efi une partie d'un vers
compoléede deux pies & d'une Ij-ilabe lon-
gue , comme:
Nos patrl \ ce fi.\ nés , &c.
Ce mot eft grec , '7nviiy.iuift< , & formé
de T5VTS , cinq , de wmtvç , moitié y & de
//êfoc , partie , c'eft-à-dire , cinq demi-
mefures , chaque pré , dans la poéfie gre-
que , étant compofé de deux demi-mefures,
<fe la fyllabe longue en formant une. Voy.
Césure.
PENTHESE , f. f. ( ffifl. eccléf. ) on
a donné ce nom dans î'Eglife d'Orient à
la fête de la Purification , qui fe célèbre
le a- février.
P E N
PENTHIEVRE , ( Géogr.mod. ) ancien
Comté dans la Bretagne , érigé en Duché-
Pairie par Charles IX , l'an 1 569 , en fa-
veur de SébatHen de Luxembourg. Cette
Pairie appartient aujourd'hui à M. le duc
de Penthievre , & comprend les terres de
Guincamp, Moncontour, la Roche-Emard,
Lambale , Lanizu & Jugon.
PENTHORUM , f. m. ( Botan. ) genre
de plante dont voici les caraderes , lèlon
LinniEus. Le calice cft très-petit , durable ,
& compofé d'une feule feuille divifée dans
les bords en cinq fegmens ; il n'y a point
de fleurs ; les étamines ibnt dix filets foyeux,
deux fois aufll longs que le calice , & per-
manens ; les bofl'ettes des étamines font
arrondies & tombent très-promptement ;
l'embryon du pillil eft diviié en cinq par-
ties , & (e termine en cinq Hyles , qui ibnt
coniques , droits , obtus , & de la longueur
des étamines ; le fruit eiî une capfule con-
tenant cinq loges ; les graines ibnt noni-
breufes , petites & applaties. {D. J.)
PENTICAPÉE, ( Ge'ogr^ anc.) ville
qui , fuivant Strabon & d'autres , étolt la
capitale du Bofphore Clmmérien , & le
léjour ordinaire de fes rois. Dans une mé-
daille de Pœrifade , au revers qui repré-
fente Pallas , on trouve à la partie infé-
rieure du fiege de cette divinité le mono-
gramme, ou le commencement du nom
de Penticape'e. Ce monogramme efl fin-
gulier , le n renferme l'A , & le renferme
de manière qu'il forme le N qui devroit
le fuivre ; au-defius , paroît un trait qui
ajoute à la première fyllabe le T qui com-
mence Ja féconde , & diftinguc ainfi le nom
de Penticape'e de celui des anciens Pano-
mitains qui l'abrégeoient quelquefois fur
leurs médailles par un monogramme tout
femblable , mais compofé des trois pre-
mières lettres feulement. Le trident placé au-
defîbus du monogramme de Penticape'e ,
exprime la fituation de cette ville fur les
bords de fon détroit , à-peu-près comme
dans nos cartes & plans géographiques un
peu étendus , nous marquons le cours des
rivières par des flèches couchées. { D. J.)
PENTIERE , f. f. (ChaJTe. ) efpece de
grand filet fait de mailles quarrées & à
lofanges. On prend à lapentiere les becaflès
& autres oifeaux de paflâge.
P E N
PENTLAND-FIRTH, {Géog. mod.)
en latin mare Picticum. C'eil cette partie
de la mer leptentrionale , qui eft entre le
comté de Cathnef dans le nord d'Ecofle ,
& les Orcades , & qui a 24 milles de
large. La marée y efl fi forte, que dans
deux heures de temps les petits bâtimens la
traverfent.
On dit que ce détroit tire Ton nom du
naufrage qu'y fit la flotte des Pides , après
avoir *été repouflee par les hal)itans du
comté de Cadmet d'un côté , & par ceux
des Orcades de l'autre. Leurs vailTeaux fu-
rent engloutis par les tournans d'eau pro-
duits par les concours des marées oppolées
qui viennent de l'Océan Calédonien & de
la mer d'Allemagne , & des grands rochers
de ces îles qui fe trouvent en cet endroit.
Chaque pointe de rocher fait une nouvelle
marée ; & ces marées agilîent enfemblc
avec tant de violence > même quand le
temps efl calme , qu'on diroit que les va-
gues vont fe joindre aux nuées , & toute
la mer en elt couverte d'écume. Mais rien
n efl plus épouvantable qu-e lorlque , dans
une tempête , les veaux maiins font mis
en pièces contre les rochers.
Il y a deux temps où l'on peut tra^^er-
fer ce détroit fans danger ; favoir , dans
le temps du refiux & dans celui de la haute
marée , quoiqu'alors il y ait àçs tournoie-
mens d'eau darvgereux pour les petits vaif^
liaux ; mais les mariniers les connoifîenry
& font fi bien expérimentés , qu'ils \es évi-
tent, ou paflènr pardefTus avec beaucoup
d'adreffe. {D. J.)
PENFURE, nf. {Serritr.) morceau
de fer plat replié en rond par un bout ,
pour recevoir le mameloa d'un gond , &
qui attaché fur le bord d'une porte ou d'un
contrevent , fert aie faire mouvoir ,. à l'ou-
vrir , ou à le fermer.
Penture flamande y c'efl une penture
faite de deux barres de fer fbudées l'une
contre l'autre & repliées en rond , pour
faire pafîêr le gond. Après qu'elles font
foudées , on \qs ouvre , on les fépare l'une
de l'autre autant que la porte a d'épailTeur ,
& on les courbe enfuite quarrément pour
les faire joindre des deux côtés contre la
porte. On met quelquefois des feuillages
fur ces iijftes de penture^
P E N 139
Penture de gouremaUy (Marine.)
Voyez Ferrure de goupemail.
Penture de /abords , Voyez Fer-
rure.
Penture à gonds , { Marine. ) ce
font des bandes de fer , ou des plaques
qu'on cloue en quelque endroit pour y
faire entrer un gond (ur lequel elles fe meu-
vent comme fur un pivot , pour s'ouvrir
& fe fermer. [Z )
PEiNULA , f. f. ( Litterat. ) efpece de
manteau des Romains , long , étroit , &'
qui n'étoit ouvert que par le haut. On Is
vêtoit en pafTant la tète par cette ouver-
ture, & on ne le prenoit que pour fe'
garantir de la pluie & du froid ; c'étoic
proprement un manteau de campagne ,
quoiqu'on le portât auill en ville dans
les grands froids. Horace parle du penula
dans Ton épître à.Bullatius-, Ep.xj , lii;!,.
il lui dit :
Incolumi Rhodes- y & Alitylene pulchrai
facit, quod
Penula folfiitio^
T) Si votre efprit , mon cher Bullatias ,.
w étoit dégagé des- pafiîons qui le tourmen-
>^ tent ,. vous ne- trouveriez pas plus de^
yy plaifir à demeurer à Rhodes ou à Mi-
» tylene ,. toutes charmantes que font ces-
yy villes, qu'à porter un gros manteau au
yT mois de* juin. »•
Spartien remarque qu'Adrien faifant la
fonâion de tribun du peuple ,- eut un heu-
reux préfage de la continuation de cette
dignité dans fa perfonne par la perte qu'il
ftt de fbn manteau appelle peiiula , que les
tribuns portoient dans le temps de pluie-
ou de neige ^ & dont les empereurs ne fe-
fcrvoient jamais. 7ribunus plebis faclus efl
candide & quadrato^ & iterum cojf. in
que magiflratu ad perpetuam tribunitiam
poîeftatem , omenjibifacium ajjirit y quoS
penulfts amiferit y quibus mi tribuni ple~
bis pluvix tempore folebant ; imperatores.
amem nunquam. {D. J.)
PENULTIEME ,. adj. ( Gramm. } dans
un ordre de chofes , c'efi celle qui. occupe
la place d'avant la dernière. La pénultième
leçon. Le pénultième de fà clafîè.
PEON/. na. {Poefle greq.) c'eft-à-dire.
140 P E O P E P
pie. Les anciens comptoient quatre fortes ! même nom. Elle produifoit d'excellent vin &:
de pies qui s'appelloient péons. On leur ? de très-bonnes olives. Pline, lip.XlV^
donna ce nom parce qu'on les employoit ; chap. vij , dit que le médecin ApoUodore
particulièrement dans les hymnes d'Apol- j confeillant le roi Ptolomée ^ touchant le
Ion , qu'on nommoit Pcean. Le premier i. vin qu'il devoit boire , préi'éra celui de Pé-
ft compofé d'une longue & xyo\s \ parethus. Ov'xàt , Métam. l. Vil , v.^'/O^
brèves , comme colligere ; le fécond eft
compofé d'une brève , une longue & deux
brèves, comme rejohere ^ le troifieme eft
compofé de deux longues , une brève & une
longue, comme communicant i & le qua-
trième ell compofé de trois brèves & une
longue , comme t^meritas.
PEONE, {Jardinage.) Voyez PI-
VOINES.
PEONIEN EPIBATE, rythme,
( Mufique anc. ) le rythme pconien épibate
étoit compofé , 1°. d'un frapé , ou d'une
longue; 2,*^. d'un levé ^ ou d'une autre
longue ; 3°. d'un double /ra/?^'^ ou de deux
longues ; 4°' ti'un l^^^' > ou d'une cinquième
longue. (-1-I--1-1)
PEONIQUE , rythme , ( Miiftq. anc. )
étoit un des trois rythmes de la mufique
vocale des anciens ; les deux autres ctoient
le rythme dadylique , & le rythme ïam-
bique.
On rapportoit au rythme pionïque non-
feulement les quatre péons , mais auiîi tous
les autres pies, dont la mefurc fe battoit
à deux temps inégaux, fuivant la propor-
tion de 3 à Z , ou de 2, à 3
Piutarque nomme le rythme pe'onique
dans la proportion feiquilatere ou de 3 à 2 ,
compofé d'une longue & de trois brèves ;
& comme cette longue dans cet afTem-
blage peut occuper quatre places diffé-
rentes , cela forme autant de pies diffé-
rens appelles péons .-1,2,3,4, parce
qu'ils étoient finguliérement ufités dans ces
hymnes d'ApoFlon, qu'on novc\md\t pccans.
Voyez Rythme ù Pcean.
PEOTE , f. f ( Marine. ) c'eft une
cfpece Àt chaloupe très-légère qui efî en
ufage parmi les Vénitiens. Comme* cette
. forte de petit vaiffeau va d'une très-grande
vîtelfe , ils s'en fervent quand ils veulent
envoyer des avis en diligence.
PEPARETHE , ( Géogr. anc. ) Pepa-
rethus , île de la mer Egée fur la côte de
la Macédoine, félon Ptolomée, liv. IJI^
chap. xiij , qui y place une ville de
tau reloge des olives de cette île :
■^^ gy'^^os y nitidœque ferax Peparethos
OLlVtX.
Des géographes modernes appellent cette
lie Lernene , Saraquino , & Opida.
Dioclès né dans l'île de Péparethe , efl
le premier des Grecs qui ait écrit de l'ori-
gine de Rome- Il vivoit avant la féconde
guerre de Carthage ; car Piutarque in Ro~
mido , nous apprend que cet auteur avoit
été copié en piuiieurs endroits par Trabius
Piclor.
Je dois obferver en pafTant que les Grecs
ont eu plufieurs écrivains du nom de
Dioclès. C'elt Dioclès de Rhodes qui
étoit auteur d'une hifîoire d'Etolie' ; le
même , ou un autre Dioclès avoit fait une
hiftoire de Perfe. Diogene Laerce fe (ère
très-fouvent des vies des philofophes écrites
par un Dioclès , qui eft , félon les appa-
rences , différent de ceux dont on vient
de parler. On doit encore diliingucr entre
les hommes de ce nom , deux Dioclès de
Caryfle , l'un médecin , qui vécut dans
un temps peu éloigné d'Hippocrate , dont
il égala prefque la réputation , fi l'on en
croit Pline > qui le cite fouvent ; l'autre
Dioclès de Caryfte , étoit un rhéteur du
temps d'Augulle , de qui Séneque fait men-
tion dans (a première controverfe. Dioclès
d'Athènes eft un_pcëte comique fouvenc
cité par Athénée. Dioclès d'Elée eft un
muficien qui ne nous eH: connu que par
Suidas. ( D. J. )
PEPASME , f m. terme de Médecine ,
qui fignifie l'adion de digérer & de mûrir
les humeurs morbifiques. V^qye\ MATU-
RATION , Digestion, ùc.
PEPASTIQUE oK PhPTlQUE, adj*.
terme de Médecine , c'eft le nom qu'on
donne à une forte de médicament , dont
la confiftance eft fembl^ble à celle d'un
emplâtre, & qui a la propriété de guérir
les humeurs vicieulès & corronrç»ues , en
les
P E P
les dirpofant à la fuppuration. Vqyei MU-
RISSANT & Digestif.
Ce mot , ainfi que le mot pepafme ,
eu i'orraé du mot grec '^n-^ra.mv , digérer ou
mûrir.
Les beurres, les racines de mauve ou
fleurs de lis , les oignons & les feuilles de
l'oxylapathura pafîent pour de bons pepaf-
iiqiies ou maturadfs.
PEPERIN , f. m. ( Architecl, ) forte de
pierre grifè & ruftique , dont on fe lèrt à
Rome pour bârir.
PEPHNON , {Géogr. anc.) ville de la
Laconie , félon Etienne le géographe. Pau-
fanias , liv. III , chap. ocxi-j , qui en fait
une ville maritime , la met à vingt flades'de
Thalami , & ajoute qu'il y avoit au-devant
une petite île fort femblable à un rocher ,
& qui s'appelloit de même nom. Je m'é-
tonne que Paufanias ait donné le nom d'i/f
à un miférable petit rocher , dont le fom-
met n'a pas plus d'étendue que ce qu'il
y a de terre-plein au haut de Montmar-
tre ; mais le pays natal de Caflor & de
Pollux méritoit d'être ennobli , & voilà
pourquoi Paufanias en parle magnifique-
ment. [D. J.)
PEPIE , f. f. maladie qui attaque la vo-
laille ; elle confille en une petite peau ou
tunique blanche & déliée , qui leur vient
au bout de la langue , & qui les empêche
de le nouiiir.
Cette maladie vient ordinairement faute
d'eau , ou d'avoir bu de l'eau bourbeufe ,
ou mangé des alimens fales ; on la guérit
en arrachant la petite peau avec les doigts ,
& en frottant la langue avec du fel.
Les faucons en particulier font fort fujets
a cette maladie , elle leur vient fur-tout
<i'avoir mangé de la chair puante ou cor-
rompue. J^oyei Faucon.
PEPIN , f. m. {Hifi. nat. Bot.) graine
<îc certains arbres que l'on nomme parti-
culièrement arbres fruitiers à pépin ; com-
me le poirier , le pommier , le coignaffier,
& le cormier. On donne auffi le nom de
pépin aux graines de quelques autres ar-
bres & arbrilîêaux , comme l'oranger , la
vigne , le grofciUier, l'épine-vinette , quoi-
qu'il n'y ait entre les femences de ces der-
niers arbres & celles des premiers , ni
analogie , ni reffemblance : mais l'ufage a
Tome XXV,
P E P t4i
] prévalu. Comme on s'eft fort attaché de
tout temps à fèmer les pépins des arbres
fruitiers pour leur multiplication , on a
donné le nom de pépinière aux terrains
qui fervoient à femer les pépins. Sur la
culture des différentes fortes de pépins ,
voyez l'article des arbres qui les produi-
fent & le mot PEPINIERE.
PEPIN LandEIN on le Vieux ,
[Hift. de France.) Maire du palais d'Auf-
trafie.
Pepin d'HerisTAL, prince ou duc
d'Aultrafîe.
Pépin le Bref , roi de France , pre-
mier roi de la féconde race , & le vingt-
deuxième depuis la fondation de la Mo-
narchie.
Ces trois princes fe font rendus fameux ;
mais celui dont la vie jette un plus grand
éclat , & qui mérite plus d'être développée ,
eft fans contredit le troifieme , que fa pe-
tite taille fit (iirnommer le Bref\ & que
la force de fon génie eût dû faire furnom-
mer le Grand. Ce fut un tyran bien habile ;
il précipita du trône des rois dont l'ori-
gine fe perdoit dans l'antiquité la plus re-
culée, & que les françois avoient révérée
d'abord comme célefte. Ce n'eft pas le feul
trait qui attefle fes talens : on doit fur-
tout l'admirer , parce que n'ayant eu qu'une
puifîânce ufurpée , il parvint à faire per-
dre l'idée de Ion ufurpation , & à nelaifler
voir que le titre de roi , contre lequel la
poilérité n'a point réclamé. Les exploits
des premiers Mérovingiens , le nombre &
l'éclat de leurs vidoires , l'étendue de leurs
conquêtes , l'amour & le refped des fran-
çois pour les defcendans du célèbre , du
grand Clovis , ne furent pas capables d'ar-
rêter l'ufurpateur. Mais avant que d'entrer
dans les détails de fà vie , & de fcruter
les deffeins de fà pohtique, on ne fauroit
le dilpenfèr de faire connoîrre quels furent
Ces aïeux. Les hifloriens s'accordent à dire
que Charles Martel , fon père , étoit arriere-
petit-fils de Pepin. le Vieux Se d'Arnou ;
le premier fut maire du palais fous Dago-
bert premier, & le fecoad fut gouverneur
de la perfonne de ce prince. Si nous en
croyons les écrivains du temps , Pepin
& Arnou , pofïederent dans le plus émi-
nent degré , tous les talens que leurs
îV- P ^ ^
places cxigeoient ; ils exaltent fùr-tout leur
fidélité. La conduite de Dagobert premier,
tant qu'il fut fous leur tutelle , & en quel-
que Ibrte fous leur empire, jette quelques
Ruages fur ce tableau. Les comraencemens
du règne de ce prince , ofïrent peu d'ac-
tions louables; on en découvre au con-
traire plufieurs qui font dignes de la plus
févera "cenfure : on doit blâmer fur-tout (à
conduite envers Clotaire fécond , fon père ,
qui lui donna le royaume d'Auflrafie; il
fi'en eut pas plutôt reçu le fceptre, qu'il
k menaça d'une guerre par rapport à quel-
ques comtés que Clotaire s'étoit- réfervés.
Dagobert étoit dans un âge trop tendi-e ,
il étoit trop defpotiquement gouverné pour
que l'on puifle s'en prendre diredement à.
lui, mais à Pépin, Ce- m-iniftre doit en-
core être regardé , comme l'un des prin-
cipaux auteurs de la divifion qui s'intro-
duifit dans la monarchie. La France, de-
puis Clovis , n'avoit formé qu'unfeul em-
pire , qui fe partageoit en plufieurs royau-
mes , lorfque le. roi laiiToit pluiieurs en-
fans: ainfi on la vit divifée en quatre par-
ties fous les fils de Clovis , & fous ceux
de Clotaire premier ; mais lorfqu'ûn royau»
me venoit à vaquer , il- étoit partagé ;
il fe confon doit dans les trois autres. Sous
ia vie de Pépin ^ il n'en fut pas de même.
Clotaire fécond ,^pi'ès la défaite & h
mort des rois de Bourgogne & d'Auftra-
fie , fes coufins , dont il fut le vainqueur
& l'ex-terminateur., v-oulut enfin réunir ces
deux royaumes ; Içs maires qui , par cette
réunion, dévoient être fupprimés , s'y op-
poférent-, ils empêchèrent même qu'on n'en,
féparât quelque partie ; ils fe comportèrent
moins en lieutenans. du monarque , qu'en
régens. du. royaume. Clotaire ne fe décida
à mettre Dagobert fur. le trjône d'Auilra-
iîe , que parce qiie fon autorité y. étoit
prefque entièrement méconnue. Ilferoitce-.
pendant injufte d'accufer Pépin de cette
révolution , il ne fit^ que la fou tenir ;Ra~
don , fonprédécelTeur^, l'avoitcommencéc:
mais il étoit d'autant plus. blâmable dans la.
guerre qu'il fufcita à Clotaire ^ qu'il étoit.
redevable de fon élévation à ce prince ;
c'étoit Clotaire qui l'avoit- fait- maire du
palais. Il paroît que Dagobert lui-même,
Ic&dûu.taU'ambitioudç ce minière, aulïirtôt
F E P
que fon âge lui permit de l'apprécier ; on
ne voit pas qu'il l'ait employé dans les
négociations importantes : il le deftitua
même de k mairie d'Aufirafie , lorfqu'il
confia les rênes de cet état à> Sigebert fe-
cand, fon fils : il le mortifia au point de-
lui donner un luccefleur, lui vivant. Tous
les hilloricns rendent- hommage au génie
fupérieur de Pépin , & leur témoignage
Uniterme en ce point, accufe fa "fidélité..
Si Dagobert l'eût cru, incapable d'abufer
des droits de ù charge , ne l'auroit-il pas
mis auprès de la perfonne de fon fils? De-
quelle utilité n'étoieat pas les confeils d'un
miniUre qui avoit déj-i l'expérience de deux
règnes ? Pépin , écarté de la mairie , cher»
cha tous les moyens d'y rentrer ; il en-
tretint des intelligences dans l'Auflrafie ^
s'y fit des créatures; il s'attacha fur-tout
Cunibert , évêque de Cologne, prélat qui
pouv-oit donner à fon parti la plus haute
confidé-ration. On fait quel étoit alors l'af-
cendant des évêques fur l'efprit des peu-
ples.. La conduite de Pepin^ après la mort
de Dagobert , naontre bien qu'il avoit re-
gardé , comme un exil , fon fejour à la cou?
de ce prince; il quitta la Neuftrie , où il
ne pouvoit- plus- figurer qu'en fubalterne,
La mairie de ce royaume &le gouvernement
de,la,perf9nnede,Clçvis-.feGond, fils puîné
de Dagobert, avoient été conférés àEga:
nouvelle preuve qu'on le regar<ècit comme
un ef^it dangereux qu'il falloit éloigner
des affaires. Son entrée en Auflrafie-, avoit
tout l'éclat & toute la pompe d'un triom-
phe; il étoit accompagnée d'une multitude
de feigneurs. de fes amis, que Dagobert
avoit retenus auprès de fa perfonne , par
les mêmes motifs d'inquiétude que l'am-
bition, de Dagobert avoit fait naître. Cu-
nibert,, cet évêque. qu'il s'étoit attaché ,
brigua pour, lui le fuSrage des. grands ,
qui n'avoienç. point- entièrement perdu le
ibuvenir des carefîes que fa main pohti-
que leur avoit anciennement prodiguées :
enpeu.de- temps, il fe trouva armé de
toute l'autorité ; Adalgife lui céda fa place.
Ce mot c/(c/a dont -nous ufons d'après la
plupart des hifioriens., nous- paroît peu
convenable au fujet ; quelque orageux que
foit le miniftere , on ne le quitte point
lâns. regret; il a des attraits qui nous ^
p E I>
atfaclient malgré nous ; l'ambitieux iufte
pour le conferver par rapport à lui-même ,
le fage pour aiTurer les deflinées des peu-
ples, & en mériter le fufFrage. Pépin ,
placé pour la féconde fois à la tête du
royaume d'Auih-afic , fe lia avec Ega , fon
collègue en Neuftrie-; au moins leur plan
lèmble trop conforme pour n'avoir point
été concerté : ils ne voyoient pcrfonne au-
delTus d'eux ; ils étoient les tuteurs , ils
étoient les maîtres de deux rois enfans ;
Sigebert fécond avoit à peine huit ans ,
Clovis fécond n'en avoit pas cinq accom-
plis ; ils n'omirent rien pour s'attirer toute
la confîdération : ils ouvrirent les tréfors
publics , ils les verfercnt avec profufion ;
& fous prétexte de réparer les ufurpations,
les violences , les opprefGons véritablis ou
liippofées du dernier règne , ils parvinrent
à rendre odieufe la mémoire de Dagobert.
Ce n'efl pas qu'on les blâme d'avoir fait
ces refîitutions , c'efldans les rois un de-
voir indifpenfable & facré d'être jufles ; &
fi Dagobert s'étoit écarté de ce principe ,
il étoit de la gloire de fes fucceffeurs de
réparer le mal que l'abus d-e ces princi-
pes pou voit avoir occafioné; on ne blâme
que la conduite trop flatreufe de fes mi-
nières. Pipin & Ega firent clairement con-
noître , qu'ils avoient moins en vue les
profpérités de l'état > que leur bien parti-
culier. En fîétrifîant la mémoire du feu
roi , ils attachoient fur le trône la haine
qu'ils excitoient contre lui , & on ne peut
douter que ce n'ait été une des caufes de
la chute de la première race. On refpeda
encore la perfonne du roi , mais moins
par amour que par une ancienne habitude.
On commença à haïr la royauté ; on aima
la mairie , on la regarda comme un frein
qui devoit arrêter la marche des rois , &
Ton fe plut à la voir armée du fouverain
pouvoir. Pepljsi mourut dans la troifieme
année de fon nouveau minifîere , adoré
des grands qu'il avoit fu flatter , & du peu-
ple , envers qui il s'étoit montré jufte.
Grlmoalde , fon fils , héritier de (ts fen-
timens , adopta le même plan , & le dé-
ploya avec trop de vivacité. Une loi d'état
avouée par une fage politique ne permettoit
pas à un fils de pofTéder les grandes char-
ges , lorfque fon père les avoit polTédées.
P E P 143
Othon, jeune feigneur Auflralîen, briguoit
la mairie; & invoquoit cette loi pour éloi-
gner Grimoalde , qui , voyant que ce jeune
feigneur alloit lui être préféré , termina la
difpute , & le fît afrafliner^Ce fut par ce
crime que cet ambitieux s'approcha de Si-
gebert ; il changea bientôt les fcntimens de
ce jeune monarque , dont le règne avoit
été marqué par d'heureux préfages' ; au lieu
de développer en lui \q% talens d un roi ,
il le plongea dans l'excès de la dévotion:
c'étoit alors la fureur des fondations reli-
sieufes ; Sigebert ne put échapper à la con-
tagion ; Grimoalde eut foin de lui fourni?
l'argent que cqs fortes de dépenfes exigent.
Ce miniiîre fè rendoit très-cher à cer-
taines perfonnes , qui aimoient moins le
monarque , que la main qui le dirigeoit.
Sigebert rcgardoit comme un homme très-
précieux , un minifîre qui ruinoit fon tré-
fcr aux dépens du public. On prétend que
Sigebert , pénétré de reconnoifîance , adopta
pour héritier , par fon teftament , Childe-
bert , fils du minifîre , qui lui fournifToit
les moyens de faire tant de bonnes œu-
vres. Ce flit fur ce teflament , faux ou véri*
table , qu'après la mort de Sigebert fécond ,
Grimoalde s'appuya pour mettre la cou*
ronne fur la tête de Childebert , fon fils ;
il fit difparoître prefque auffi-tôt Dagobert
fécond , & le relégua en EcofTe. Ce nou-
veau crime étoit néceffaire , le teflament
ne pouvant avoir fon effet qu'au défaut de
poftérité mafculine. Plufieurs chofes favo*
rifoient cette révolution ; les Auftrafiens
ne voyoient plus parmi eux de roi de l'an-
cienne race ; ils ne Vouloient pas foufFrir
que le royaume fût réuni à celui de Neuf*
trie; foit par un motif de gloire na-
tionale , foit que par cette réunion on fup-
primât les grandes charges y que les fei-
gneurs, étoient bien aifes de conferver , elle
ne s'accomplit cependant pas, Childebert
fut détrôné , & Grimoalde fut obligé de
paroître en criminel devant Clovis fécond »
qui le punit de fon attentat. Développons ,
s'il efl pofEble , la caufe de la cataflrophc
de ces ufurpateurs , difons comment il fuc-
comba dans une entreprife qui réufîît à
Pépin le Bref, arriere-petit-fils de fa fœur
Begga : nous en appercevons plufieurs ;
d'abord on doit préfumer que les cris d'Im»
Hh 2
244 P E P
nichilcle contre lui ne furent point impui{-
fans : une reine n'eft jamais fans courti-
ians ou fans amis: heureufes celles qui
ikvenc préférer le petit nombre de ceux-ci
à la tourbe dei autres. Il ei\ bien difficile
d'abufer une mère , rarement on trompe
fa vigilance , fa foUicitudc ; on ne voit pas
qu'Imnichilde ait été dupe deféclipfe de
Dagobert : il efl certain que l'on favoit
en Neuilrie que ce prince exiftoit en EcofTe;
le teilament de Sigebert fécond , paflbit
même pour une fable : le couronnement
de Childebert ne pouvoit donc être regardé
que comme une ufurpation , & les Fran-
çois fe croyoient toujours liés par leur fer-
ment à l'ancienne race ; ils ne croyoient
pas qu'il leur fût permis dans aucun cas
de renoncer à l'obéiffance envers leur roi.
On verra par la conduite de Pépin que
ce préjugé, ou plutôt cette utile vérité ,
fut un des principaux obllacles que ren-
contra fon ambition ; il lui fallut pour le
vaincre faire parler le miniflre d'un dieu.
A ces cauiès , dont quelques-unes fe font
préfcntées à certains écrivains , j'en vais
ajouter une qui me paroît plus puifTante ;
elle efl échappée à tous les hifloriens ,
même à tous les critiques. M. l'abbé de
Mably , ce favant fi plein de notre hif^
Toire , ne l'a point apperçue , ou il a
négligé de nous en faire part. Si Childe-
bert eût été maintenu fur le trône , la
charge de maire auroit été infailliblement
fupprimée ; alors les grands qui commen-
çoient à la regarder comme un bouclier
contre les entreprifes des rois , fe trou-
voient fans défenfeut & fans appui ; ils
allaient trembler fous un prince qui alioit
réunir la royauté & la marne , qu'ils
étoient parvenus à faire regarder comme
deux dignités rivales , & dont l'autorité
de l'une balançoit celle de l'autre. Il n'étoir
nullement à préfùraer que Childebert eût
lailTé fubfifler une charge qui lui avoit fervi
de degré pour monter fur le trône de (^es
maîtres , & les en précipiter. Les grands
ne dévoient pas être tranquilles fur l'am-
birion de Grimoalde : c'étoit par un crime
qu'il avoit acquis la mairie : c'étoit par un
autre crime qu'il avoit placé la couronne
fur la tête de fon fils. L'hifloire ne nous a
point dévoilé fes autres excès ; mais il faut
P E P
croifid que ceux que nous venons d'expofer ne
furent pas les feuls. L'auteur|des obferpa-»
tions fur l'hifioire y écrivain inappréciable ,
mais dont j'ofe ici combattre le fentiment ,
femble louer la modération d'Erchinoalde ou
Archambaut , maire du palais de Neuflrie ,
qui , fuivant lui , eut la générofité de punir
l'ufurpateur , quoiqu'il fût de l'intérêt de
fon ambition de le favorifer , & que fon
fuccès en Auflraiie fat devenu un titre pour
lui en Neuflrie. On voit que cet auteur,
dont je Cens d'ailleurs tout le mérite , re-
garde le fupplice de Grimoalde comme l'ou-
vrage d' Archambaut , fon collègue ; & l'hif-
toire attelle que ce fut celui des grands du
royaume d'Aufîrafie. S'il y contribua , ce
ne fut pas volontairement , mais feulement
parc# qu'il eût été dangereux de ne pas fe
déclarer dans une conjondure auffi impor-
tante: il ne faut pas croire qu'il fut libre
d'ambition : plus fage que fon collègue ,
il attendoit le fuccès pour fe décider. Ses
vues intérefTées ne tardèrent pointàfema-
nifefler : en efî'et , au lieu d'ordonner le re-
tour de Dagobert, il le tint toujours danS;
fon exil , & fe réferva la mairie d'Auflralie ,,
qu'il eût fallu rétablir fi ce prince eût re-
monté fur le trône. On ne m'objedera pas
qu'il fut retenu par Cîovis ; ce monarque ,
toujours occupé de fa dévotion , avoit bien
peu d'influence dans l'état ; rarement il
fortoit de fon oratoire , où il ne s'occupoit
que du foin de décorer quelque rehque.
Mais ce qui achevé de dévoiler ce maire ,
c'ell le mariage qu'il fit contrader à Cîo-
vis ; il lui fit époufer Batilde , une efclave
par qui il s'étoit fait fervir à table : voilà
quelle fut la femme que ce traître ne crai-
gnit pas de faire époufer à fon roi. Ne
connofToit-il pas mieux les convenan es ?
& croira-t-on qu'il agiifoit fans intérêt ?
Quelle reconnoiffance ne devoit-il pas fe
promettre de la part d'un^i^rinceiTe dont
il étoitle créateur? Dagobert II fut cepen-
dant rappelle , non par l'infpiration du
maire , mais par Childeric II , qui lui ren-
dit la couronne de l'Auflrafie. La mairie de
ce royaume fut rétablie , & c'eil ce qui
prouve ou que les rois étoient lans auto-
rité , ou qu'ils étoient abfolument dépour-
vus de poHtique. Cette charge fortit un
^ inilaût de la famille dos F^pm. Mais avant
P E P
de quitter l'article d-' Grimoalde , obfer-
vons un trait qui attefle fon génie ; ce fut
cette attention de donner à Ton fils un nom
que plufieurs rois avoient porté ; ainfi li
la. famille de l'ufurpateur étoit nouvelle,
fon nom ne l'éroit pas. Un nommé Vul-
foade fut fait Maire du palais de Dago-
bert , mais après (a mort, elle paflà à Anfe-
gifile , mari de Begga , fœur de Grimoal-
de : ce nouveau Maire eut un règne bien
court, il périt aflaffiné par un ennemi domes-
tique qu'il avoit fait élever avec un foin
extrême. Pépin , fon fîls , que l'on dif-
tingue par le furnom ^ H enflai ^ vengea
fa mort : il tua l'afTiflm au milieu d'une
foule de complices. Cette intrépidité lui
captivant l'efprit des feigneurs , on lui con-
fia à lui & à Martin fon coufin , le gou-
vernement d'Auilrafie , qu'ils polïéderent
l'un & l'autre conjointement y non-feule-
ment avec le titre de Maire y mais encore
avec celui de prince ou de duc. Les fei-
gneurs leur retufercnt le tiire de roi , lans
doute pour conferver le droit de recourir,
à celui de Neuilrie , s'il leur prenoit envie
de leur impofer des devoirs qu'ils ne ju-
geoient point à propos de remplir. C'eft
ainfi que les feigneurs tenoient dans une
efpece de dépendance les deux princes qu'ils
avoient jugé à propos de fe donner. Pépin
& fon collègue adoptèrent le plan que
*Pepin le Vieux leur avoit tracé : c'étoit
de captiver l'efprit des peuples en aff'edant
l'extérieur àts vertus , & en déployant tout
le fafledes talens.Leurs prédécefleurs étoient
parvenus à avilir la perfonne des rois ,
qui ne (brtoient plus de l'enceinte de leur
palais , & à faire redouter la royauté ; ils
femerent de nouveaux germes de diicorde
entre les Neuflriens & les Auftrafiens , dont
ils craignoient toujours la réunion ; ils
avoient bien prévu qu'on leur contelleroit
à la cour de Thierri la qualité de princes: ils
décrièrent les mœurs d'Ebroin , fon Maire ,
qui travaiiloit à raffermir la puiflance des
rois , & qui par conléquent ne devoit point
être aimé. Ils accordèrent aux Auitrafiens
une liberté voiline de la licence , & qui
ne pouvoir manquer d'être enviée de la
part des Neuftriens. Yt^ feigneurs quit-
toient à l'envi la cour de Thierri , où ré-
gnoit une éternelle difcorde. Pépin & Mar-
PEP 24^
tin Te croyant fupérieurs en force , déployè-
rent l'étendard de la guerre , & menacè-
rent la Neuftrie ; ils fe promettoient l'en-
tière conquête d'un royaume qui renfer-
moit dans fon fein le germe d'une chute
prochaine. Cette première guerre ne leur
réulîit cependant pas ; le génie & la valeur
d'Ebroin , Maire du palais de Thierri,
firent échouer leurs brigues , ou du moins
retarda le fruit que les Aufirafiens s'en
étoient promis. Pépin voyoit fes efpéran-
ces prelque détruites ; il avoit perdu une
grande bataille , & fon collègue , afîiégë
dans Laon , avoit été obligé de fe rendre
à Ebroin , qui le punit comme fédirieux.
Thierri, fon vainqueur^ faifoit des prépa-
' ratifs pour entrer en Aufirafie. Défefpérant
de l'arrêter les armes à la main , il fit afîâf-
finer Ebroin par un feigneur nommé Her~
menfroi. L'hiiloire ne i'accufe pas dircéle-
ment d'avoir ordonné ce meurtre , mais il
efl certain qu'il l'autorifa par le favorable
accueil cju'il fit à Hermenfroi , qui fut com-
blé de les bienfaits. Délivré de ce rival ,
auquel il attribuoit le fuccès de la bataille
qu'il avoit perdue, Pépin employa les négo-
ciations dont le feu des guerres avoit retardé
l'adivité : un traité de paix qu'il con-
clut avec Varaton ranima fon efpoir. Les
otages qu'il conl'entit de donner font une
preuve que l'état de fes affaires n'étoit pas
avantageux ; & la paix qu'on lui accordoit
dans un temps où \qs Allemands & tous
les peuples d'au-delà du Rhin fe révol-
toient contre la domination Aufirafienne ,
& où la perte d'une bataille rendoit fa
ruine inévitable, démontre l'intelligence des
feigneurs de Neufi:rie & de Varaton lui-
même avec cet ambitieux. Les fadions con-
tinuoient à la cour de Thierri , & la dé-
chiroient avec fureur. Varaton tint une con-
duite oppofée à celle d'Ebroin ; il vouloic
fe faire aimer , il ne put réuflir à l'être.
Son miniffere pacifique ne put écarter la
haine qui s'attachoit au trône & à t^ÊkcQ
qui l'approchoit : fa modération ne ^^vit
qu'à accélérer la chute de (es maîtres. Sa
mort ouvrit la porte à de nouvelles bri-
gues, fa veuve appuyoit de fon crédit
Bertin , fon gendre. Pépin qui avoit inté-
rêt de l'éloigner , après n'avoir fu le gagner,
appuya fes concurrens & s'apphqua à 1«
ît^ P E P
rendre odieux & méprifable. Les hifloriens
nous ont repréfenté ce Maire fous les plus
odieufes couleurs ; à les enrendre , c'étoit un
homme d'un extérieur ignoble, un général
fans expérience, un foldat fans courage,
un minière dms ame , fans efprit & fans
talens. L'auteur des obfervations fur l'hii-
toire de France , n'a pas craint d'appuyer
plufieurs de Tes réflexions fur ce tableau :
mais il efl clair qu'il n'a point été guidé
par cent critique judicieufe qui relevé le
mérite de les ouvrages. Ne s'eft-il pas ap-
perçu qu'il avoit été fait par des mains in-
fidelles, par des écrivains vendus aux Pépin}
Si l'on en croit les hiftoriens du temps ,
Il l'on en croit , dis-je , ces flatteurs , tous
les miniftres qui s'oppoferent aux entreprilès
des Pépin , ne s'attachèrent qu'à faire le
malheur des peuples , & furent moins fem-
blables à des honjjmes qu'à des monflres ,
tandis que les Pepiji furent des héros , des
faints. Mais l'hifloire détruit la flatterie des
panégyrifles ; elle attefte que cts prétendus
monflres verfcrent leur fang pour raffermir
la puifTance des rois que cts prétendus
faints précipitèrent du trône ; les fujets de
Thierri qui voj'oient que le duc d'Auflra-
Jie récompenfoit avec magnificence tous
ceux qui paflbient à fa cour , exigeoient des
facrifices contirAiels de la part du monar-
que , dont le refus le plus légitime ne
manquoit pas d'être traité d'afFreufe tyran-
nie. Ils s'évadoient fur le plus léger pré-
texte. Pépin dut être embarrafle du nombre
prodigieux de mécontens qui fe rendoient
chaque jour autour d« lui: il eût fallu des
tréfors inépuifables pour afîbuvir la cupidité
de ces transfuges : lorfqu'il crut qu'il étoit
temps de porter les tempêtes en Neuflrie ,
il envoya des députés à Thierri , le fom-
mer de rappeller tous les mécontens, &
de les fatisfaire : & fur fon refus , il lui
déclara qu'il marchoit contre lui pour l'y
contraindre. Il étoit en état de juftifier fcs
me|»ces ; non-feulement fcs troupes étoient
groffies d'une infinité de transfuges , il. y
avoit encore une infinité de traîtres, qui n'c-
toient reftcs dans le camp de Thierri que
pour y porter k ravage avec plus de fuc-
cès : ces perfides avoient donné des otages
à Pépin. Il n'cft donc pas étonnant que
la viftoire fe foit rangée de fon côté : le
' P E P
Maire du palais (Bertier) fut tu^ par des
confpirateurs , quelques jours après la perte
d'une bataille fanglante qui fe donna près
de Leucofao : Thierri qui y avoit allîflé
prit la fuite, & ne s'arrêta que quand il
fut dans Paris. Pépin généreux , parce qu'il
gagnoit à l'être, abandonna à fon armée
les dépouilles des vaincus , & fembla ne
fe réferver que la gloire des fuccès : tous
les prifonniers faits à la journée de Leu-
cofao , furent remis en liberté fur leur
parole. Cette modération affèdée lui con-
cilia tous les cœurs, & la Neuflrie ne lui
oflfî-it qu'une conquête aifée. Paris fut forcé
de le recevoir : il y parut dans l'appareil
d'un triomphateur. Il s'aflljra de la per-
fonne de Thierri , & le fit obferver fans
cependant lui faire aucune violence. Tous
ceux des Neuflriens qui i'étoient réfugiés
à fa cour , furent rétablis dans leurs biens
& leurs dig nités ; les privilèges qu'ils avoient
ambitionnés leur furent accordés ; mais il
lé montra fur-tout très-foigneux de mé-
nager les gens d'églifê. Pépin affedoit de
ne rien entreprendre fans avoir auparavant
pris le confeil des grands qui , en revan-
che , lui accordèrent tout , excepté le titre
de roi. M. de Mably croit que ce fut
par un effet de fa modération , qu'il négli-
gea de le prendre ; mais les François
n'étoient pas encore difiîofés à le donner.
Charles-Martel , qui n'avoit pas moins de
dextérité , & qui avoit bien plus de talens
& de génie , le quêta inutilement ; & quoi
qu'en dilè l'excellent auteur que j'ai déjà
plufieurs fois cité , le titre de Maire de
Neuflrie que prit Pépin après fa vic-
toire-, ne fut point de fon choix, il fut
obligé de s'en contenter. " Pépin , c'efl
»j ainfi que s'exprime M. de Mably , qui
» s'étoit fait une habitude de fa modération,
» ne fentit peut-être pas dans le moment
« qu'il en recueilloit le fruit , tout ce qu'il
•» pouvoit fe promettre de fa vidoire , de
») l'attachement des Auftrafiens , & de la
« reconnoifl^ance inconiidérée des François
>j de Neuflrie & de Bourgogne : peut-être
» auffi jugea-t-il , qu'il étoit égal pour fes
» intérêts , que Thierri fût roi ou moine.
fj L'ambition éclairée fe contente de l'auto-
w rite , & néglige des titres qui la rendent
;> prefque toujours odieufe ou fufpej^e.
P E P
» Pépin laifîâ & Thierri Ton nom , Tes palais
7j & fon oifiveré , & ne prit pour lui que la
j) mairie des deux royaumes qu'il avoir déli-
7> vrés de leur tyran. » L'idée que préfente
ce tableau eft contraire à celui que nous ofï] c
Fhifloire. M. de Mably iembie vouloir
coatefler à Pépin la gloire d'avoir fu pré-
parer les événeirrens , & peu s'en faut qu'il
n'attribue au hazard la conduite de cet hom"
me étonnant. Si Pépin ne condamna pas
Thierri à languir dans l'obfcurité d'un cloî-
tre , c'eft qu'il y voyoit encore trop de
danger, c'efl qu'il, étoit retenu par l'exem-
ple encore récent de Grimoalde , & non
parce qu'il regardoit la couronne avec in-
différence. Un miniftre qui s'étoit fait dé-
férer le titre de prince , & qui ne paroil>
Ébit jamais en public qu'avec le fiîile de
la royauté, ne fera jamais placé au rang
des efprits modérés, Thierri ne doit pas être
confondu parmi les princes oififs , tel que
nous le repréfente l'auteur accrédité que
j'ofe combattre : ce monarque parue tou-
jours à la tête de fes armées. M. de Mably
applaudit encore à la mort de Bertier qu'il
appelle un tyran ; mais étoit-ce un crime
dans ce miniftre de vouloir ramener les
grands fous le joug d'une autorité légitime ,
qu'ils avoient prefque entièrement fecoué ?
Pépin, après avoir confié la garde de
Thierri à un nommé Notberg qui lui étoit
vendu , partit pour fa principauté : fa cour
marquoit bien que toute l'autorité étoit entre
îes mains. Une expédition qu'il fit au-delà du
Rhin, d'où il revint vidorieux , fèrvit en-
core à affermir fa puiffance , & fixa tous \qs
yeux fur lui.. Ce fut- pour tranquiJlifer les
grands , qu'il remit en- vigueur^ les affem-
blées générales dont on avoit prefque perdu
k mémoiro : les grands qui voroient dans
ces alfemblées , ne dévoient pas craindre
l'abus d'autorité ; ils durent regarder la
Mairie avec indifférence > elle ne devoir
pas leur être bien chère, puisqu'elle leur
devenoit fuperflue. Pépin Çq garda cepen-
dant bien de- rendre ces aflemblées . trop
fréquentes ; il voulut les faire defirer : la
première qu'il ordonna fç^ tint fous Clo-
vis III, fantôme de royauté qu-'il n'avoit
pu fe difpenfer de montrer aux- peuples.
Une obfcrvation importante , c'efi: que
P:ephi n'y parut pas j il étoit probabiement ,
P E P 247
retenu par la crainte de fe compronriettre ,
il n'eût pu y occuper que la féconde place ,
& il vouloit infenlibiement ériger en doute
fi la première ne lui étoit pas due : I(^
rôle fervile qu'il fit jouer à Thierri , ainfl
qu'à Clovis II , à Childebert & à Dago-
bert III , fait préfumer qu'il feroif parvenu
à le taire croire. Les grands officiers de
la Couronne devenoient officiers du prince
d'Auflrafie & du Maire de Neuflric. Pépia
avoit un référendaire & de cqs fortes d'in-
tendans appelles domejliques y par rapport
aux.maifons dont on leur confioit le foin^.
On ne peut cependant s'empêcher de faire
une réflexion far la, brièveté du règne de
Thierri & de (qs fuccefîêurs ; depuis la
cataifrophe de ce prince arrivée en 689^
jufqu'au cotironnement de Pépin le brej-\
il ne s'efl. écoulé que 73. ans , & pendant
cet intervalle , on voit fix rois : Pepiix
d'Hériftal en vit dilparoître trois dansl'ef-
pace de vingt-deux ans. Thierri mourus
dans la vigueur de l'âge , un an après fa
défaite; Clovis II , au fortir de l'enfance;..
Childebert III ne parvint point à l'âgs
viril ; \qs hifloriens, dont j'ai fait entrev^oir-
quelle pouvoir être la trempe , ne s'expli-
quent point fur le genre de leur mort ; ils .
difent bien que Pépin Iqs fit foigneufe-
ment obferver , & ne peuvent le juffifier
d'avoir trempé dans plufieurs afîàifinats.
Le miniflere , nous dirions mieux le règne
de Pépin ) n'ofîre plus rien à nos obfèr-
vations , finon qu'il voulut rendre fà prin-
cipauté héréditaire dans fîi famille , & per-
pétuer les . fers dont fes ancêtres , & lui-
même, avoient- chargé les rois de Neuf-
trie. Il defiina la principauté d'Auftrafie à
Drogon fon aine , . &- la mairie de Neuf-
trie & de Bourgogne à Grimoalde fon
cadet ; mais ce qui montre que fa puiffance
étoit fans bornes., c'efl que Grimoalde
étant • mort , iL fit pafîèr la mairie , qui ;
jufqu'alors n'avoit été confiée qu'à dea
hommes mûrs , à Théodoalde, jeune enfanîj
qui avoit à peine fix ans ; ainfi Dagobert'j,.
âgé de douze ans , . eut un miniflre plua
enfant que lui', &-qui devoit le gouver-
ner fous la tutelle de Pleffrudt , veuve
de Pépin. Qyit peut-on imaginer de plus,
humiliant , de plus dégradant pour lat
royauté? cet ade dç.defpotiiinefut lecdeif-
14S P E P
nier de fa vie ; il mourut en 7^4 ^^ ^^
décembre. Son furnom d'Heriftal lui fut
donné d'un château où il lit fon princi-
pal féjour : outre Drogon & Grimoalde
qu'il avoit eus de Fledrude , & dont la
mort avoit précédé la fienne , il lailîoit
plufieurs fils naturels ; Charles , fils d'Al-
paide , & Childebran , dont on ne fait
quelle fut la mère. La veuve Piedrude ,
placée à la tête de la régence , n'omit rien
pour juilifier le choix de fon mari : elle
fit renfermer dans les* priions de Cologne
Charles-Martel , dont le génie lui faifoit
ombrage : elle prit alors les rênes du
royaume d'Auftrafie , au nom de fon
arriere-fils Arnout , fils de Drogon , &
envoya Théodoalde à la tête d'une armée
fe faifir de la mairie de Neuflrie & de
Bourgogne. Les feigneurs , attachés à la
perfonne de Dagobert , crurent que c'étoit
i'inflant favorable de lui rendre une partie
de l'autorité ; ils lui inlpirerent des fenti-
mens dignes de fa naillance & de fon
rang , & le déterminèrent à marcher con-
tre Théodoalde & contre Piedrude. Une
vidoire lui ouvrit les portes de l'Aufira-
fie ; mais Charles-Martel , ayant rompu
les hens où le retenoit fa marâtre , les
lui ferma prefqlis aufli-tôt. L'Auilraiie qui
fupportoit impatiemment le joug d'une
femme , proclama Charles-Martel , dont
les exploits étonnans eflPacerent tous ceux
de fa race. " C'étoit un homme , dit M.
» de Mably , qui avoit toutes les quaUtés
» de l'cfprit dans le degré le plus éminent ;
« fon ambition audacieufe , bruyante &
« fans bornes , ne craignoit aucun péril :
?) auffi dur , aufll inflexible envers fes enne-
» mis , que généreux & prodigue pour fes
» amis , il força tout le monde à recher-
» cher fa protedion : après avoir dépouillé
ji fa belle-mere & fes treres , il regarda
» la mairie que Dagobert avoit conférée à
?) Ramfroi , comme une portion de fon
y) héritage ; il lui fit la guerre , le défit ,
?j & comme fon père , il réunit au titre
» de prince ou de duc d'AulIrafie celui
ji de Maire de Neufirie & de Bourgogne.
» Pépin avoit été un tyran adroit & rufé ,
}} Charles-Martel ne voulut mériter que
» l'amitié de {es foldats , & fe fit craindre
w de tout le refle : il traita les François
P E P
» avec une extrêmb dureté ; il fit plus , il
» les méprifa : ne trouvant par-tout que
» des loix oubliées ou violées , il mit à leur
" place fa volonté. Sûr d'être le maître
>j tant qu'il auroit une armée afiedionnée
»j à fon fervice , il l'enrichit fans fcrupule
» des dépouilles du clergé , qui polîedoit
y> la plus grande partie des .richeifes de
» l'état, & qui fut alors traité comm- les
» Gaulois l'avoient été dans le temps .o la
>9 conquête. Charles-Martel , continue M.
»> de Mably , qui nous paroît avoir parfai-
>j tement vu cet homme célèbre , n'igno-
» roit pas que les Mérovingiens avoient
» d'abord dû leur fortune & enfuite leur
» décadence à leurs bénéfices , il en cré^
>j de nouveaux pour le rendre aufll puiflant
'> qu'eux ; mais il leur donna une forme
y> toute nouvelle , pour empêcher qu'ils ne
»> caufiffent la ruine de fe^ fuccefieurs. Les
y> dons que les fils de Clovis avoient faits
« de quelques portions de leurs domaines,
j> n'étoient que de purs dons , qui n'im-
» pofoient aucuns devoirs particuh^rs , &
y> ne conféroient aucune qualité diltindive :
» ceux qui les recevoient , n'étant obligés
y> qu'à une reconnoiiîance générale & indé-
» terminée , pouvoient aifément n'en avoir
» aucune , tandis que les bienfaiteurs en
» exigeoient une trop grande , & delà
» dévoient naître des plaintes , des repro-
» ches , des haines , des injulîices & des
» révolutions. Les bénéfices de Charles-
yy Martel furent au contraire ce que l'on
» appella depuis àesjîe/s , c'eft-à-dire , des
» dons faits à la charge de rendre au bien-
y» faiteur, conjointement ou féparément, des
» fervices militaires & domefliques ; par
» cette pohtique adroite , le Maire s'acquit
» un empire plus ferme fur (es bénéficiers ,
y> & leurs devoirs défignés les attachèrent
« plus particulièrement au maître : cette
yf dernière expreffionparoîtra peut-être trop
>j dire , c'eft cependant l'exprefïion propre y
» puifque ces nouveaux officiers furent
» appelles du nom de vajfaux , qui figni-
» fioit alors , & qui lignifia encore pen-
>j dant long-temps , des officiers domefli-
» ques. Toujours vidorieux , toujours fur
» de la fidéhté de fon armée , il regarda
w les capitaines qui le fuivoient comme le
7> corps entier de la nation. Il méprifa trop
7i les
P E P ^
w les roÎ5 Dagobert , Ciiilp^ric &c Thierri
>> de Cheiles , dont il avoit fait Tes premiers
» fujets , pour leur envier leur titre. » Cette
dernière phrafe nous î»aroît plus fartueufe
que vraie : Charles pduvoit méprifer la
perfonne des rois qu'il avoit dégradés , mais
non pas leur titre ; s'il ne le demanda pas ,
c'eft qu'il prévoyoit encore des obftacles ,
& qu'il avoit trop d'élévation dans Tame
pour s'expofer à la honte d'un refus. M. de
Mably ne me paroît point avoir faifi cette
furprife où la mort de Thierri jeta les
François : ce dut être un fpeftacle bien fin-
gulier , bien étonnant, de voir tout un peu-
ple trembler devant fon maître , l'admirer,
& lui refufer cependant le titre de roi , que
l'on n'ofoit rendre aux princes du fang
royal. Charles - Martel gouverna avec ce
derpotifme jufqu'à fa mort , qui arriva en
741 : il termina fa vie par une difpofition
qui montre jufqu'où il avoit -élevé fa puif-
fance ; il difpofa de la France comme d'un
ancien patrimoine ; il donna l'Auftrafie à
Carloman fon fils aine , & Pepin-k-Bref^
dont nous allons maintenant nous occuper,
eut la Neuftrie & la Bourgogne ; Grifon ,
fon fils naturel , obtint quelques comtés qui
ne dévoient pas fuffire à fon ambition. Ce
partage fut confirmé par les capitaines de
îes bandes & les officiers de fon palais ; on
ne parla non plus de la race royale que fi
elle eût été entièrement éteinte.
Pépin , à la mort de Charles , fe trouvoit
dans une pofition fort critique , fort embar-
raiïante : redouté des grands & du clergé,
qui avoient à fe plaindre des dédains avec
lefquels on les avoit traités , &: haï du peu-
ple qui étoit toujours attaché à la perfonne
de (qs rois , il n'avoit pour lui que les gens
de guerre. Il fut affez fage pour compren-
dre que fa puiflfance ne feroit jamais bien
affermie , tant qu'elle ne feroit appuyée
que fur la terreur. Il fongea donc à rega-
gner les efprits , que la fierté de fon père
avoit aliénés , &: cacha fous une feinte mo-
dération les fers que fon ambition préparoit.
Quelques gens d'églife, fur-tout, ferépan-
doient en murmures contre le gouverne-
ment de Charles , & faifoient courir les
bruits les plus injurieux à fa mémoire ; ils
profitoient de ^ignorance oii les guerres
avoient plongé les François , & leur fai-
Tome XXV.
P E P 149
foîent adopter les fables tes plus groflieres:
ils publioient que Charles étoit damné,
pour engager Îqs fucceffeurs^ à reftituer
les biens dont ils avoient été dépouillés.
Pépin, au lieu de les punir , feignit d'ajou-
ter foi à leurs contes , trop ridicules pour
croire qu'il en ait été la dupe : il les plaignit,
il les abufa par de vaines promeUes , &
bientôt il en fit les principaux inftrumens
de fes profpérités. L'indocilité des peuples
de la France qui menaçoient de fecouer le
joag , lui fervit de prétexte pour éluder leurs
importunités , & pour conferver aux mili-
taires les bénéfices dont ils étoient en
poiTeflion , & dont il n'auroit pu les priver
fans danger. Pépin ne put cependant fe
difpenfer de faire un roi ; il y fut fur-tout
déterminé par les continuelles révoltes des
tributaires , qui fe prétendoient dégagés de
leurs fermens , fi la race des Mérovingiens
venoit à s'éteindre, ou fi on lui ravifToit
le fceptre. Il étoit moins défavantageux
pour lui de fouffrir pour quelques inftans un
fantôme de royauté fur le trône , que d'ê-
tre obligé de reflferrer fa domination : il
confentit donc au couronnement de Chil-
déric III. Si Carloman fon frère ne recon-
nut pas ce monarque , ce n'eft pas qujil fut
plus hardi que Pépin, ainfi que le fuppofe
M. l'abbé de Mably , mais c'eft que l Auf-
trafie étoit accoutumée à fe paffer de roi :
& qu'il n'en étoit pas de même de la
Neuftrie. Pépin ne tarda pas à s'apperce-
voir combien la pofition de fon frère étoit
plus avantageufe que la fienne ; il fentoit
tous les avantages de la principauté , il
mit tout en œuvre pour l'engager à la lui
céder ; le génie de Carloman , qui étoit
plus propre à ramper dans les détails d'une
adminiftration fubalterne, qu'à régler les
deftinées d'un grand peuple , lui permet-
toit de tout efpérer. Il s'étoit apperçu de
l'imprefîion qu'avoit fait fur l'efprit fie ce
prince le bruit de la damnation de leur père:
il augmerita les terreurs dont il étoit frappé,
& le fortifia tant par lui-même que par des
prélats qu'il eut foin de mettre à (&s côtés ,
dans la pieufe réfoluiion d'entrer dans un
monaftere & d'y expier les égaremens de
Charles- Martel. Pépin cacha au fond de
fon cœur la joie que lui caufoit cette re-
traite j il reçut les adieux de fon frère i *
li
15° P E P .
non fans un grand aîtendrifTemenf , &
s'empara de fes érats avec la plus grande
célérité : il s'apprêtoit à donner au monde
un fpeclacle bien difFérenr. Il ménagea
Drogon , fils de Carloman , auquel il ne
fît aucune part des érats que fon père
avoit pofTédés , & fongea à achever ce
grand ouvrage que Tes aïeux aVoient com-
mencé. Non moins habile dans les combats,
aufïï courageux que Charles, auffi ambi-
tieux , mais moins fier , il étoit difficile de
l'empêcher d'arriver au trône , où les peu-
ples n'avoient pu voir jufqu'alors que les
cendans de Mérouée. Les guerres que lui
luicira Grifon Ton frère , ne fervirent qu'à
augmenter la haute idée que l'on avoit
conçue de fes talens. Grifon étoit fils de
Charles , & ne pouvoir l'oublier : il avoit
déjà fait connoître Ces fentimens dans plu-
lieurs guerres qui avoient donné beaucoup
de peine à fes frères. Sa fierté qui ne lui
permettoit pas de fléchir ; fon efprit re-
muant , inquiet , avoit engagé Pépin à le
reléguer dans la fortereffe de Neufchâtel ;
mais depuis il l'avoit rappelle à fa cour ,
il lui avoit donné plufieurs comtés , &: l'on
peut dire que fi ce jeune prince eût fu fe
confCtnter du fécond rang , rien n'auroit
manqué à fon bonheur. La retraite de Car-
loman lui parut une occafion favorab'e de
recommencer fes intrigues. Il fe plaint de
ce qu'au lieu d'une principauté , on ne lui
donne que des terres qui le font dépendre
d'un maître. Il déclame contre Pépin , qu'il
peint fous les plus odieufes couleurs; &
lorfque fes déclamations lui ont attaché uh
parti , il paffe dans la Germanie , où il
exhorte les peuples à féconder fon reffen-
timent. Les Saxons furent les premiers à
adopter {qs projets de vengeance. Pépin
ne tarda point à entrer en Sa,xe , iPporta
le fer & le feu dans cette province , qu'il
fournit à de nouveaux tributs. Grifon forcé
de tuir, fe retira dans la Bavière , & s'em-
para de ce duché. Odillon , beau-frere de
Pépin , qui en éroit duc, venoit de mou-
rir ; & Taffillon fon fils , qui n 'avoit que
fix ans , n'étoit point en état de défendre
ion pays. Carloman, touché des .défordres
qu'occafionoit la rivalité de fes frères , écri-
vit au pape Zacharie : il le conjuroit de
fcàire fon poflible pour rétablir la paix entre
,. P E P
eux. Zacharie , flatté d'une démarche qui
tendoit à donner une nouvelle confidéra-
tion à fon fiege , envoya des ambafladeurs
à Pépin ^ qui lui parlèrent avec un zèle
vraiment apofliofique. Ces ambaffadeurs
reçurent un favorable accueil ; mais Pépin
ne jugea pas à propos d'interrompre (qs
defleins. Dès que la faifon lui permit d'eh-
trer en campagne, il fe rendit dans la Ba-
vière , qu'il pftcourut moins en ennemi
qu'en triomphateur : il pourfuivit les parti-
fans de Grifon jufqu'à l'Enn , où il les força
de lui rendre hommage , & de reconnoître
pour duc Taflîlon fon neveu. Les princi-
paux furent forcés de le fuivre à Metz ,
moins pour orner fon triomphe , que pour
donner aux peuples un exemple de fa mo-
dération. Pépin , devenu l'arbitre de la
defliinée de fes ennemis , ne fe fervit de
(q^ viéloires que pour les accabler du poids
de fa grandeur ; il leur pardonna à tous ,
donna à Grifon la ville du Mans , avec 12
comtés confidérables. Le peuple, ébloui de
fa gloire , fe répandoit en éloges : ce fut
alors qu'il laiflfa entrevoir le defîr qu'il avoit
de prendre la couronne. Les grands qui
l'avoient fuivi dans fes différentes expédi-
tions , & qui tous avoient admiré fa valeur,
lui laiflToient entrevoir des dîfpofitions favo-
rables , ainfi que les prélats qu'il avoit com-
blés de carefTes , & qui pour la plupart lui
étoient redevables de leurs dignités. Ces
deux ordres, admis aux délibérations pu-
bliques, ne craignoient plus l'abus d'au-
torité , & peu leur importoit que Pépin
régnât fous le titre de duc , de maire, de
prince ou de roi: ils n'étoient plus retenus
que par un fcrupiile de confcience. Les
François étoient perfuadés qu'il n'appar-
tient qu'à Dieu de détrôner les rois , & crai-
gnoient d'attirer fes vengeances fur eux ,
s'ils reupnçoient à la foi qu'ils avoient jurée
à Childéric. Pépin feignit d'applaudir à ce
fcrupule : mais comme il favoit qu'il n'eft
que trop facile d'abufer des efprits déjà
(éduits par leurs penchans , il propofa de
confulter Zacharie , pour qui il avoit té-
moigné les plus grands égards ; & fur leur
confentement, il envoya à^% ambalTadeurs
à Rome, demander fi les Fiançois pou-
voient dégrader leur fouverain légitime >
5i renoncer à fôn obéifiance.
P E P
Burchard , évéque de Versbourg , Sc
Fulrade , tous deux chefs de cette mémo-
rable ambaiTade , propoferent la^ queftion
d'une manière propre à faire connoître quelle
réponfe ils foîliciroient. Après avoir fait un
éloge pompeux fur les belles qualités de
Pépin ^ & une fatyre amere fur la famille
royale, ils demandèrent lequel on devoir
décorer du diadème , ou de celui qui fans
crédit , paré d'un vain titre , vivoit tranquille
auprès de fes foyers , fans s'occuper àQ^
intérêts de la nation; ou de celui qui , fans
cefTe les armes à la main , veilloit pour la
défendre ou pour étendre fa gloire. L'inté-
rêt qui avoit fait propofer ce prétendu pro-
blême , diéla la réponfe. Il y avoit long-
temps que les papes afpiroient au bonheur
de fe faire un état indépendant, des débris
de celui de Conftantinople : l'efpoir de ré-
gner un jour dans la capitale du monde ,
infpira l'oracle. Zacharie répondit que celui-
là devoit être roi qui avoit en main !a puif-
fance. Tel fut le fuprême décret qui préci-
pita Childéric III du trône de fes pères , &
qui éteignit en luil'ilîuftre race de Mérouée :
elle comptoir trois cents cinq ans de règne.
Pépin n'avoit pas reçu la parole du pon-
tife , qu'il avoit ordonné les cérémonies de
Ton inauguration ', Ô4 comme il craignoit
que le peuple, par fon inconftance ordinaire,
n'entreprît de le faire defcendre du trône où
il s'apprêtoit à monter, il voulut rendre fa
perfonne plus refpeftable, en imprimant fur
fa couronne les carafteres auguftes de la
religion. Ce fut par un effet de fa politique
qu'il fe fit facrer. Cette cérémonie, incon-
nue i'jfqu 'alors dans l'inauguration des rois,
étoit empruntée des Juifs. Bertrade, fem-
me de Pépin , fut couronnée pendant la
même céréînonie. Le commencement d«i
règne de Pépin fut fignalé par des viéloi-
res remportées furies Saxons r^lÉités. Ces
peuples , toujours malheureux dans leurs
guerres contre les Auftrafiens, nepouvoient
le réfoudre à leur payer les tributs auxquels
on les avoit fournis : leur indocilité leur
caufa de nouveaux ravages , toutes leurs
provinces furent pillées : réduits à deman-
der la paix , ils ne l'obtinrent qu'en aggra-
vant le fardeau dont ils prétendoient fe
débarraffer. Ils ajoutèrent trois cents che-
veaux à un tribut de cinq cents bœufs auquel
P E P i5r
ils étoient déjà afïujeîtis ; & ce qui augmen-
toit la honte de cette fervitude , ils dévoient
les amener eux-mêmes &: les préfenter dans
l'affemblée du champ de Mars. Cependant
Zacharie ne put recueillir le f uit de l'ora-
cle qu'il avoit rendu. Il s'étoic flatté qu'on
lui donneroit l'Exarcat & la Pentapole ,
que les Lombards venoient de conquérir
fur les Grecs : il mourut fur ces entrefaites.
Etienne II , fon fucceffeur , brûla comme
lui du defir de régner fur ces riches pro-
vinces. Non moins politique que Zacharie,
Etienne commença par s'afiTurer de lapro-
tedion de Pépin, qui feul étoit en état de
le mettre en poiïeflion du pays dont il
ambitionnoit la domination. Il envoya des
députés à la cour du monarque , qui raffura
de fa protection & de fon amitié. Le pon-
tife fe rendit enfuite à la cour d'Adolphe,
roi des Lombards : alors paroiffant animé
d'un zèle légitime pour fon fouverain , il
lui fit les inftances les plus vives , afin de
l'engager à faire la paix avec l'ftnpereur de
Conflantinopîe, & à lui reftituer les terres
qu'il avoit conquifes. Aftolphe devina aifé-
ment le motif du voyage d'Etienne : il
avoit connu les intrigues de fon prédécef-
feur; il fentoit bien , par la nature de (qs
demandes , qu'il n'afpiroit qu'à lui fufciter
un ennemi. Il n'omit rien pour l'engager à
changer de réfolution; il s'offrit même de
lui rendre plufieurs places dont il avoit fait
récemment la conquête ; mais le pontife
étoit affuré de la protection de Pépin, il
fut inflexible. Il paffa les Alpes , §>c vint à
Pontis , dans le Parfois , où la cour alla
le recevoir. Pépin lui témoigna les plus
grands égards , & le pape , en reconnoif-
fance , n'oublia rien pour confacrer l'ufur-
pation de ce prince. Il lui donnS l'abfolu-
tion du parjure dont ils'étoit fouillé en dé-
pofant Childéric, auquel , en fa quahté de
maire du palais de Neuftrie , il avoit fait
ferment d'obéiffance. Pépin , plein de re-
cannoiffance pour tant de fervices , ne de-
mandoit qu'à paffer les Alpes ; mais comme
il ne pouvoit, ou plutôt comme il ne vou-
loit rien entreprendre fans l'agrément des
feigneurs, qu'il eût été très-dangereux de
mécontenter , il convoqua une affemblée à
Querci fur l'Oife , dont la conclufion iv\t
très-contraire aux efpérances d'Etienne : \çs
Il a
iji P E P
leigneurs reprérenterent à. Pe/>ln qu'il ne ^
de voit point quitter Tes états pour aller , fans
profit & fans intérêt , verfer le fang de fes
peuples , fans autre motif que de ruiner un
roi Ton allié , & qui n'avoit rien fait dont
hs François puîTent s'offenfer : ils déclarè-
rent qu'il failoit attendre qu'Etienne eût des
motifs de plaintes plus légitimes , avant
d'entreprendre, la guerre contre les Lom-
bards. Cet avis ayant prévalu, on envoya
des ambaffadeurs à defîein de prévenir tout
prétexte de guerre; mais Pépin avoit choifi
ces ambaffadeurs : ils rendirent la guerre
indifpenfable. Ils exigèrent d'Aftolphe ,
qu'il leur remît l'Exarcat & la Pentapole ,
fur lefquelles il n'avoit aucune apparence
de droit. Ces provinces dépendoient de
l'empire grec : ce n'étoit pas à Pépin ,
mais à l'empereur à les réclamer & à fe
plaindre. Aftolphe confentoit cependant à
faire le facrifice d'une partie de fes droits ,
& propofoit de renoncer à la fouveraineté
de Rome qui dépendoit de Ravenne , capi-
tale de l'Exarcat , & à remettre plufieurs
places qu'il avoit conquifes récemment dans
la Romagne.
Tant de modération de la part du prince
■lombard ne fut pas capable de rétablir le
calme ; on lui envoya de nouveaux ambaf-
fadeurs qui lui expoferent , de la part d'E-
tienne , les motifs fur lefquels il appuyoit
fa réclanation : mais tandis que l'on amu-
foit les Lombards par àes ambafladeurs ,
Pépin difpofoit , en faveur du faint-fiege ,
des terres de leurs conquêtes. La guerre fut
réfolue dans l'afieroblée du champ de Mars ;
on avoir eu le temps de pratiquer les fei-
gneurs , & de leur infpirer des fentimens
conformes à ceux du pontife. Pépin , avant
de paffer en Italie , prit toutes les mefures
qui dévoient affurer le fuccès de fes def-
feins. Le rendez - vous général de l'armée
fut marqué au Val-de-Maurienne. A voir
{qs immenfes préparatifs , il étoit facile de
connoître de quel côté fe rangeroit la vic-
toire : il avoit fous fes enfeignes toutes les
nations qu'enferment l'iflel , l'Elbe , la mer
d'Allemagne , l'Océan , les Pyrénées , la
Méditerranée &: les Alpes ; il lui étoit aifé
d'opprimer un prince qui n'occupoit qu'une
partie de l'Italie. Dès que le roi des Lom-
bards eut reçu des nouvelles de l'approche ,
P E P
des François , il s'avança pour leur fermer
le paffage des Alpes : Pépin s'étant rendu
maître du Pas de Suze , lui envoya des
ambalTadeurs pour l'engager par un dernier
effort à faire l'entier facrifice de fes droits ;
il lui ofFroit deux mille fous d'or de dédom-
magement. Cette propofition étoit peu ca-
pable de féduire un conquérant , plus ambi-:
tieux de gloire que de richeffes: Aftolphe
lui fit un généreux refus , & refta fur la
défenfive , fans le braver & fans le crain-
dre. Mais la fortune qui jamais n'avoit trahi
le monarque françois, le fervit encore dans
cette occafion. Aftolphe fut forcé d'abord
de faire une retraite ; il revint fur fes
pas , mais c'étoit en vain qu'il vouloir
rappeller la viftoire , il fut réduit à fuir;
&c la perte qu'il éprouva dans la première
bataille , ne lui permit pas de reparoître
en campagne.
Pépin , devenu maître des pafTages ^
répand la terreur & l'effroi dans toute la
Lombardie ; il met tout en cendres fur fa
route , & arrive devant Pavie dont il fait
le ftege. Aftolphe craignant de tomber en-
tre fes mains, confentit aux conditions que
l'on daigna lui prefcrire : il donna quarante
otages , & renonça à fes conquêtes par un
ferment folemnel. La paix fembloit être
rétablie &: ne î'étoit pas. Aftolphe ne pou-
voit fe réfoudre aux pénibles conditions
que l'on venoit de lui prefcrire : il profita
de l'abfence de Pépin , & alla alTiéger le
pontife dans Rome. Cependant , avant de
livrer les premiers aflauts , il eflaya de
gagner les h'abitans : il leur envoya ua
héraut leur promettre toutes les bontés
qu'ils pouvoient attendre d'un fouverain
généreux , s'ils vouloient le recevoir & lui
livrer Etienne : mais les Romains qui fe
flattoient de voir un jour dans l'élévation
de leur pteptife , une image de leur an-
cienne Ijplendeur , rejetèrent fa propofi-
tion : ils lui répondirent qu'ils préféroient
la guerre à fes ptomeffes, & fe préparèrent
à foutenir l'afTaut. Pépin fut bientôt inftruit
de ces nouvelles. Etienne lui écrivit les
lettres les plus preffantes , afin de l'en-
gager à repafter les Alpes : il faifoit les
plaintes les plus ameres de ce qu'il étoit
retourné dans (ts états , avant que d'avoir
forcé Aftolphe d'exécuter les loix qu'il lui
P EP
avoit împorées. Pepln affembîà aufli-tôt les
feigneurs , &C leur communiqua fa réfolu-
tion ; le plus grand nombre le preffa de
l'exécuter: il fit aufli-tôt (es préparatifs, &:
prit la route de la Lombardie. Il avoit mis
le pié dans ce royaume , avant qu'Aftol-
phe qui éioit devant Rome , eût pu rame-
ner fon armée , pour couvrir Ton pays. Ce
prince n'eut d'autre reflburce que d'aller
s'enfermer dans Pavie, fa capitale; ce fut
de là qu'il envoya demander grâce à Pepin^
s'offrant à lui livrer toutes les places qui
faifoient le fujet de cette guerre : on pré-
tend qu'il jura de fe foumettre aux loix de
Pcpin , & de regarder foH royaume com-
me ^lef de Ton empire. •
Pépin , fatisfait des foumiffions d'Aftol-
phe , lui laiiTa la vie <S>c la couronne ; mais
les fermens qu'il avoit déjà profanés ne lui
paroifTant point un gage aiïiiré de fa foi ,
il ne repaiïa dans fes états qu'après avoir
vu le traité exécuté, au moins quant à (es
parties les plus importantes : le pape reçut
au(fi-tôt les clefs de pl'jfieurs places ; &
pour en perpétuer la mémoire , le pape
fit graver fur une table cette infcription
dont on voit encore les traces : Ce prince
pieux amontri aux autres princes le chemin
d'enrichir Pcglife , en lui donnant CExar-
cat de Ravenne» Cette libéralité de Pépin
étoit au moins indifcrette; mais fi la politi-
que le blâme d'avoir enrichi un chef déjà
trop redoutable , par fon empire abfolu fur
les confciences , elle le loue de l'autre de
s'être réfervé la fouveraineté des terres de
la conqut3te : ce prince n'en donna que le
domaine utile à Etienne, &; s'y comporta
au furplus comme dans les autres provin-
ces de fa domination ; il donna le gouver-
nement de Ravenne à l'archevêque & aux
tribuns, pour lui en rendre compte à lui-
même. Après avoir donné des marques de
ion autorité dans toutes les autres villes ,
Pépin repritia route de fes états, & emporta
le tiers des tréfors qui étoient dans Pavie ,
pour fe dédommager des frais de la guerre.
P E P 253
avec d'autant plus de confiance , qu'il ne
croyoit pas cette infraftion fuffifante pour
occafioner une rupture avec Pépin , &c
pour déterminer ce prince à pafler une
troifieme fois en Italie : il efpéroit d'ailleurs
qu'Etienne fe contenteroit du facrifice qu'il
avoit été obligé de lui faire. Mais fa mort ,
qu'un accident occafiona , fit tout-à-coup
changer la face des affaires. Didier, aupa-
ravant fon connétable , & alors fon concur-
rent , mit le comble à la joie du pontife ;
ce nouveau monarque , qui fentoit le prix
de l'amitié de la cour de Rome, &: plus
encore de celle de France , au commence-
ment d'un règne , promit de fe refferrer dans
les bornes les plus étroites de la Lombar-
die. Pépin reçut , fur ces entrefaites , des
ambafifadeurs de la part de l'empereur d'o-
rient. Les hifloriens qui font mention de
cette ambaflfade , ne difent pas quel en
étoit le motif; mais on préfume que c'étoit
pour réclamer l'Exarcat & la Pentapole ,
dont on venoit de le dépouiller contre tout
droit & fans aucun prétexte, puifqu'il n'a-
voit fait aucune démarche dont Pépin eût
à fe plaindre : peut-être aufl[i étoit-ce pour
implorer le fecours de ce monarque contre
les Bulgares qui défoloient la Thrace , 6c
menaçoient Conftantinople. Les ambaiïa-
deurs firent à Pépin de très-riches préfens ;
entr'autres curiofités, ils lui donnèrent un
orgue qui étoit d'autant plus précieux , que
c'étoit le premier que l'on eût vu en occi-
dent. Le monarque françois étoit alors au
plus haut degré de gloire oi^i un prince pût
afpirer : maître prefque de toutes les Gau-
les & de la plus belle partie de la Germa-
nie, il avoit vaincu les- Lombards 6si affuré
la couronne de ces peuples fur la tête de
Didier. L'afcendant de fa fortune, & leurs
précédentes défaites , ne purent en impofer
aux Saxons ; ces peuples indomtables le
forcèrent de faire àes préparatifs de guerre.
Mais leur indocilité ne fervit qu'à les expo-
fer à de nouveaux malheurs : Pépin rafa
leyrs principales forterefiTes , les battit en
traité , foupiroient après l'éloignement de
leur vainqueur. Il leur reftoit quelques
places qu'ils s'étoient obligés de rendre par
le traité : Adolphe en éluda la reftitution
fous différens prétextes : il ïo,^ retenoit
Les Lombards, honteux de cet humiliant^ -^ufieurs rencontres ; & après en avoir fait
un affreux carnage près d'un lieu appelle
Sittin f il. les força de recevoir la paix &C
de continuer les tributs auxquels ils étoient
affujettis.
Les Saxons auroient été punis avec plus
254 . P E P
de révérité, û le vainqueur n'eût été rap- '
pelle par les troubles de l'Iralie. Didier
avoit repris les projets d'AftoIphe ; & quoi-
qu'il s'y (ùt engagé par ferment, il refuToit
àp rendre plufîeurs places comprifes dans
le traité de Pavie ; il avoit même com-
mis plusieurs hoftilirés contre le pape.
Après avoir exercé le ravage dans la Pen-
tapole , il avoit chafTé le duc de Bénévent,
& mis le duc de Spolette dans les fers ,
pour les punir l'un & l'autre de leur atta-
chement aux Romains. Paul I, frère d'E-
tienne II , lui avoit fuccédé. Ce nouveau
pontife ne montroit pas moins de zèle pour
les intérêts du faint-fiege : fes clameurs ne
manquèrent pas d'intéreifer Pépin. Didier
ayant tout à redouter de la part de ce
monarque , fe rendit à Rome, où il s'en-
tretint avec Paul fur les moyens de réta-
bilr le calme. Le pape le conjura par tout
ce qu'il y avoit de plus faint , de faire juftice
au faint-liege , & de lui rendre les places
qu'il s'efforçoit de retenir contre la foi des
traités : il le pria de fe reiïbu venir de la
parole qu'il avoit donnée à Pépin , difant
que cette parole devoit être regardée com-
me donnée à faint Pierre lui-même. Didier
y confentit ; mais à cette condition que
Pépin lui rendroit les otages qu' Adolphe
lui avoit livrés. Le pontife, inftruit dans
l'art de tromper, feignit d'être fatisfait de
cette réponfe , & {congédia Didier , après
lui avoir donné des marques de réunion qu'il
croyoit (inceres. Mais ce prince fut à peine
forti de fa préfence , que Paul écrivit à
Pépin pour lui recommander de retenir les
otages , & pour le folliciter d'envoyer une
armée en Italie. Mais comme il 'craignoit
d'éprouver les vengeances de Didier , fi ce
roi parvenoit à découvrir fa perfidie , en
interceptant fes lettres , il en donna d'au-
tres à (qs ambafTadeurs , chargés de les re-
mettre , par lefquelles il priait fon protecteur
de donner la paix aux Zo/rzJ^rJj, l'aflurant
qu'aucun peuple fur la' terre n'étoit plus
digne de fon amitié. Didier ne s'apperçut
de l'artifice du pontife , que quand les am-
bafTadeurs françois lui apportèrent de nou-
velles menaces. Il fentit alors qu'il falloit
obéir , ou fe réfoudre à voir fondre fur la
Lombardie ces tempêtes qu' Aftolphe n'avoit
pu conjurer. Il rendit une partie des villes.
P E P
& s'obligea , par de nouveaux ferment ,
à rendre les autres dans un délai fixé : mais
comme il ne pouvoit fupporter plus long-
temps les hauteurs à^ Pépin .^ il fongea à
augmenter fes forces par des alliance^". Il
entretint des correfpondances fecrettes avec
l'empereur de Conflantinople, &c s'atta-
cha le duc de Bavière, en lui donnant une
de fes filles en mariage. 11 fit cefiTer les
hoftilités des Lombards , & fe rendit à
Rome : il permit au pape d'envoyer des
commififairespour prendre connoifiance de
toutes les places qu'il réclamoit, & pour
fonger au moyen de les reprendre fans
exciter le murmure de ceux auxquels il
en avoit tonfié le gouvernement : mais ,
pour lui prouver que fes intentions étoient
pures , il lui remit à l'inftant tout ce qu'il
lui avoit pris dans les duchés de Spolette
& de Bénévent : il écrivit encore aux
habitans de Naples & de Cayette , de
laiffer au pape la libre jouififance de tout
ce qu'il réclamoit dans leur territoire. Pe^
pin étoit alors occupé contre les Aquitains,
auxquels il faifoit une guerre opiniâtre :
il avoit remporté plufieurs viéloires fur
ces rebelles , fans avoir pu les réduire.
Didier voyoit avec une joie fecrette , que
ces peuples oppofoient une puifiance re-
doutable à fon ennemi ; il fongea à mul-
tiplier les embarras de Pépin , fans cepen-
dant l'attaquer ouvertement. TaffiUon, duc
de Bavière , follicité par Luitperge , fille
du prince lombard , rentra dans {qs états ;
& , fous prétexte d'une maladie , ce duc
refufa de continuer la guerre d'Aquitaine
où il s'étoit fignalé. Mais le génie de Pépin
rompit toutes (as mefures , & le rendit
encore une fois maître de la deftinée de
fes ennemis. Gaifre , duc d'Aquitaine , fut
trahi & tué par fes propres foidats, après
avoir erré en fugitif dans une province où
il avoit commandé en roi. TafTilîon , crai-
gnant que fon oncle ne le punît de fa dé-
ftdion , fut obligé d'imploter la médiation
du pape, qui flatté de fe voir l'arbitre de
fon fort , obtint fa grâce. Le roi des Lom-
bards , fe voyant privé de cet allié , n'ofa
plus fe flatter de pouvoir tirer vengeancç
des humiliations qu'il avoit reçues. Pépin ^
au comble de la gloire , eut encore celle
'de fe voir rechercher par Conftantin
P E P
Copronlme , qui , du fond de l'orient ,
lui envoya des marquer de (on eftime ,
& des ambaffadeurs chargés de lui de-
mander Giftile , fa fille , qu'il vouloir faire
époufer à fon fi!,s , préfomptif héritier de
l'empire. Mais Pépin , foit qu'il fût peu
flatté de l'honneur de cette alliance, foit,
comme il eft plus probable, qu'il craignit
d'indifpofer la cour de Rome , refufa d'y
confentir : il leur répondit qu'il ne pouvoit
donner fa fille à un prince hérétique , parce
qu'ayant pris le faint-fiege fous fa protec-
tion , il avoir fait ferment d'être l'ennemi
de fes ennemis.
Si l'on réfléchit fur la conduite de ce
monarque , & fur le refus qu'il fit efiTuyer
à l'empereur de Conftantinople , on pourra
croire que fon ambition ne fe bornoit pas
au triple diadème qu'il avoir pofé fur fa
tête. Les intérêts de la religion ne le tou-
choient point afifez pour lui faire négliger
les moyens de s'agrandir. La raifon- dont
il venoit d'appuyer fon refus, n'étoit qu'un
prétexte : il étoit en alliance déclarée avec
le calife des Sarrafins; & la croyance de ce
chef des Mahométans n'étoit pas apure-
ment auffi orthodoxe que celle de l'empe-
reur de Conftantinople. Tout nous porte
à penfer qu'il avoir envie de porter le théâ-
tre de la guerre en Thrace , & d'étendre
fes conquêtes jufqu^aux rivages du Pont-
Euxin. Ses complaifances pour le faint-fiege
étoient moins un effet de fon zèle que de
fa politique. Les troubles qui divifoient les
efprits dans la capitale de l'onent , étoient
très - propres à lui en applanir la route.
A la faveur de ces troubles , il auroit con-
quis le trône des Grecs avec plus de fa-
cilité qu'il n'étoit monté fur celui de Cqs
maîtres.
Tels étoient fans doute les projets de
Pépin, au moins ils font conformes à fon
ambition , lorfqu'une maladie le conduifit
au tombeau ; & ce fut dans ce trifte mo-
ment qu'il déploya toute la grandeur de
fon ame. Sa famille l'approche , & témoi-
gne déjà par fa douleur de quels regrets
elle va honorer fa mémoire : lui feul re-
tient fes larmes; & s'il fonge à la mort,
ce n'eft que pour lui dérober quelques
inftans , afin d'aHTurer la tranquillité de fes
peuples. Après avoir placé des gouver- |
P E P 255
neurs & des juges dans toutes les villes
rebelles de l'Aquitaine, il partage fes états
entre fes fils ; & comme il connoiffbit à
Charles, l'ainé de ces princes , de plus
grands talens qu'à Carloman fon frère ,
il lui donne l'Auftrafie , où il étoit plus
à portée de connoître ce qui fe pafToit
au delà des Alpes. Il joint à cet état
l'Aquitaine , où il avoit encore apperçu
quelques femences de révolte. Carloman
eut la Bourgogne & la France , c'eft-à-
dire, la Neufirie. Pépin , après avoir ainfi
réglé le deftin de fes peuples & de (es
enfans , régla les cérémonies de ias funé-
railles : il prefcrivit jufqu'à la manière qu'il
vouloit que fon corps repofât dans le tom-
beau. Il demanda à être inhumé dans
l'attitude d'un pénitent , les mains jointes ,
îa face contre terre : tels furent les der-
niers inftans de Pépin, Heureux à com-
battre , il fut habile à gouverner. Il n'eut
qu'un reproche à fe faire , celui d'avoir
violé fes fermens envers fon fouverain.
Au refte , fon élévation ne fut préparée
ni par des profcriptions, ni âes afi^affinats:
fier & populaire tour -à- tour, il ne dé-
ploya que l'appareil des vengeances , &C
n'en fit jamais reffentir les effets. Les
grands, trop foibles pour ofer être rebel-
les , furent des fujets obéifl^ans ; & l'in-
docilité des princes tributaires , réprimée
par fes armes , eût fait , s'il eût vécu plus
long-temps , fuccéder des jours calmes à
des jours orageux. La France , forcée de
plier fous le joug , refpefta , dans cet
ulbrpateur, un roi citoyen qui, en ren-
dant fes fujets heureux , juftifîa fes titres
pour commander.
La ndbîefiTe , appellée au gouvernement ,
eut tout l'éclat du pouvoir fans en avoir
la réalité ; &C lorfque fes privilèges étoient
les plus multipliés , elle étoir réduire à
la plus entière dépendance : cette dépen-
dance n'avoit cependant rien de fervile.
Pépin avoit l'art d'enchaîner les cœurs ,
&: fart plus grand encore de le cacher.
Le génie de ce prince préhdoit feul aux
délibérations publiques ; & lorîiqu'il paroif-
foit (e dépouiller de fa puiffance , il en
étendoir les limites. Les papes furent com-
blés de biens & d'honneur ; mais il les
leur vendit , en rejetant fur eux la honte
1^6 P E P
du parjure dont il s'étoit fouillé. Enfin ,
ce prince qui , dans un corps petit, ren-
fermoit l'ame d'un héros , tiendroit un
rang plus honorable dans nos annales ,
s'il n'y rempliffoit le vuide qui fe trouve
entre Charles -Martel & Charlemagne ,
qui tous deux ont écliprë fa fplendeur.
Sa mort arriva le 24 feptembre 768 ,
dans la cinquante-cinquième année de fon
âge , la vingt-fixieme depuis la mort de
Charles-Martel , & la dix - feptieme de
fon règne comme roi de France. Ce fut
Pépin qui établit ces intendans appelles
mijfi^ qui furent d'une fi grande utilité
fous la féconde race , &: dont les princi-
pales fon(flions étoient de punir les juges
qui , par leur lenteur , pouvoient opérer
la ruine des familles qui leur demandoient
juftice. [M'Y.)
PEPINIERE , f. f. (Jardin.) C'eft un
terrain deftiné à multiplier , cultiver , 6c
élever des arbres de toutes fortes , jufqu'à
ce qu'ils foient en état d'être placés à
demeure. On y feme les noyaux , les
pépins , les noix , les amandes , & géfié-
ralement toutes les graines qui doivent
fervir à la multiplication des différentes
efpeces d'arbres fruitiers , & des diverfes
fortes d'arbres qui font propres à peupler
les forêts , à planter les pofTeflîons rurales ,
& à embellir les parcs, les jardins, & les
approches des châteaux & maifons de plai-
fance : d'où il fuit que le terrain d'une pé-
pinière doit être diftribué en différentes par-
ties , relativement à la diverfité de culture
&: à la variété des objets qu'on fe propofe
d'y élever.
Après qu'on aura traité de la qualité du
terrain propre à former une pépinière, de
l'expofition qui lui convient , & de l'éten-
due qu'elle doit avoir , on entrera dans
le détail des femés &: des greffes , de la
culture &la tranfplantation, des boutures,
& des branches couchées ; enfin , des
précautions & des foins qu'exige la pre-
mière éducation des arbres pendant leur
jeuneffe.
Le terrain d'une pépinière doit être
de médiocre qualité : fi on la plaçoit dans
un fol bas , humide & gras , il y auroit
autant d'inconvénient que de la mettre
dans une terre fechej légère ôc trop fu-
P E P
' perfici^lle. Loin de confidérer en ceci le
premier progrès des arbres, c'eft la qua-
lité du fol où on fe propofe de les mettre,
qu'il faut avoir principalement en vue.
Si l'on tire les arbres d'un terrain fort
limoneux &: trop fubftantiel , ils auront
à courir les rifques de paffer dans une
terre fort inférieure , ou tout au moins
médiocre, & dans l'un ou l'autre cas ils
languiront , dépériront , ou feront long-
temps à fe remettre du changement.^ S'ils
viennent au contraire d'un mauvais fonds ,
d'un terrain pauvre , ingrat , ou ufé , les
plants font maigres , fecs , & leurs racines
lont foibles , minces & courtes ; ce n'eft
pour ainfi dire que du chevelu. De tels
plants font d'une conftitution languifîante
qu'on ne peut rétablir , ils reprennent
difficilement , & ne font jamais des arbres
vigoureux , quand même on les planteroit
dans un bien meilleur fol. Il faut donc
établir les pépinières dans un terrain d-e
moyenne qualité, qui foit de deux à trois
pies de profondeur, qui ait du corps & de
la fubftance , fans être gras , ni humide ,
qui foit meuble , fertile , 6c en bonne
culture.
' Le levant eft la meilleure expofition
que l'on puiffe choifir pour une pépinière,
& il vaudroit mieux la placer au nord qu'au "
midi , qui eft le plus mauvais afpeft pour
le premier progrès des arbres. La fituation
que l'on doit préférer enfuite, eft celle des
coteaux , pour éviter fur-tout l'humidité
permanente , qui eft l'obftacle le plus con-
traire à la formation des atbres fruitiers ,
des arbres toujours verds , &c.
L'étendue que doit avoir une pépinière
dépend de tant de circonftances , qu'on ne
peut guère la déterminer qu'avec connoif-
fance des arrangemens particuliers, qui en
doivent décider. Cependant en examinant
la portée de chaque objet qui doit y
entrer , on pourra donner une notion
générale , qui fera juger de Tefpace conve-
nable au fervice qu'on en voudra tirer. On
fait communément ce calcul, qu'un arpent
royal contient quarante-huit mille quatre
cents pies quarrés; qu'en mettant les jeunes
plants en ligne de deux pies de diftance ,
6c les plants à un pié l'un de l'autre , un
arpent en contiendra vingt-quatre mille
^ deux
P E P
deux cents. Mais on n'examinera pas
qu'il faut de l'efpace pour les clôtures ,
les allées , les femis , & pour les places
vuides, parce que tout ne peut être rempli ,
attendu que quand on a vuidé un canton ,
il faut le remettre en culture ^ qu'il y a
d'ailleurs -des arbres qui périffent , d'autres
dont la greffe manque , d'autres aulîî qui
font défedlueux j qu'enfin , il faut attendre
plu fleurs années pour greffer les fijjets dont
on veut faire de hautes tiges. Il faut
donc compter que la moitié de l'empla-
cement {je trouvera employée en clôtures ,
en allées , en femis , & autres places
iiécelî'aires au fervice ^ en forte que l'autre
moitié ne pourra contenir qu'environ
douze mille plants , dans la fuppofîtion des
diflances que l'on a dites. Mais comme
il y a toujours des plants qui meurent ,
ou qui font défeâ:ueux , ou qui manquent
à la greffe , c'eft un quart à déduire : ainfî
reihe à neuf mille plants. Et en confidérant
qu'il faut trois ans pour élever un pêcher
«ain . quatre ou cinq ans pour un poirier
nain , & fept à huit ans pour les arbres à
hautes tiges , il en réfulte que la meflire
commune lera de cinq ans pour l'éducation
des neuf mille plants, & que par confé-
•quent une pépinière d'un arpent ne pourra
P E P 257
tranfplantés à demeure , un arpent de pépi-
nière ne pourra guère fournir par an que
mille plants de ces arbres. Ainfî on peut
eflimer que pour faire un établiflème.nt
complet de pépinière où on voiîdroil élever
de toute forte d'arbres , il faudroit fîx
arpens d'emplacement , qui pou rroient four-
nir tous \qs ans dix à douze mille plants ,
fans y comprendre les jeunes plants qu'on
peut tirer àQ% fèmis au delà du fervice de
la pépinière.
Les arbres fruitiers font communément
l'objet principal àQS pépinières : fi on veut
Ce borner à ce point , on pourra divifer le
terrain en fix parties "égales , dont la pre-
mière fera deflinée à j^lacer le femis des
différentes graines qui doivent fervir au
peuplement de la pépinière ; la féconde
place fera aflignée aux pêchers , & aux
abricotiers ^ la troifieme , aux cerifiers ,
& aux pruniers ;, la quatrième , aux poiriers;
la ciraquieme , aux pom.miers '-, & la fixieme,
aux noyers , châtaigniers , &c. mais fî l'on
fe propofe de généralifer l'objet de la
pépinière , en y admettant de tout , il
faudra comprendre dans la fliflribution fix
autres parties égales , dont la première ,
qui deviendra la feptieme , ièrvira à élever
des mûriers blancs ^ dans la huitième , des
ormes , des tilleuls, des marronniers d'inde.
par an. Et en examiinant encore que les
files pour certains arbres font trop ferrées
à deux pies , & que les plants font fbuvent
trop proches à un pié pour avoir de
J'aifàuce , il faut encore déduire un tiers
•du produit de la pépinière , qui n'ira plus
qu'à quinze cents plants. Ce calcul peut
conduire à déterminer que quand on ne
veut élever que des arbres fruitiers , un
quart d'arpent doit fuflire à un particulier
qui a des jardins un peu confîdérables à
entretenir , & qu'il faut trois ou quatre
arpents à un marchand jardinier , qui ne
s'attache qu'à cette partie , & qui pourroit
vendre tons les ans fix mille plants d'arbres
fruitiers. Mais fi l'on veut élever en
même temps dès arbres forefliers , & de
curiofité , il faut augmenter le terrain à
proportion de l'étendue des objets que l'on
veut embralfer y & comme il faut fix à
ièpt ans pour former la plupart des grands
arbres , & les amener au point d'être
Tome XXr,
& des peupliers j dans la neuvième , des
arbres étrangers ^ dans la dixième , des ar-
briiîèaux curieux ^ dans la onzième , des
arbres toujours verds ; & dans la douzième,
des arbres forefliers , parmi lefqueîs la char-
mille fera comprife. J'entrerai dans le détail
de la culture de chacun de ces objets en par-
ticulier , pour éviter les répétitions , & fim-
plifier les idées autant qu'il fera pofîlble de
le faire fans prolixité.il»*
La meilleure expofition , & la terre la
mieux qualifiée , doivent décider l'empla-
cement du femis ; on entend par la meil'
leure expofition , celle qui a fbn afjîed: au
fud-efl , & qui efl défendue par des haies ,
des murs , ou de grands arbres du côté du
nord 3 mais il ne f:iut pas que ces arbres
couvrent le terrain de leurs branches , ni
que leurs racines puiffent s'y étendre , ce
qui feroit un double inconvénient , pire
que le défaut d'abri. La qualification de
la terre coiififie à ce qu'elle foit la plus
Kk
258 P £ P
faine , la plus légère , & la plus meuble de
l'emplacement , dont on emploiera pour le
fèmis une fixieme partie , quand il s'agira
d'une petite pépinière ; &: feulement la dou-
zième partie environ, pour une grande pépi-
nière , attendu que l'on feme la plupart des
graines des grands arbres, dans la place
même où ils doivent être élevés , & qu'il
faut peu de plants pour le renouvellement
de ces fortes d'arbres, qui font long-temps
à fè former.
On peut aufli préferver le canton du fe-
mis , & favorifer fes progrès , en l'environ-
nant d'une paliifade f dont la hauteur fe dé-
termine par l'étendue du femis^ cette palif-
fade doit être formSe , pour le mieux , avec
des arbres toujours verds qui donnent en
tout temps le même abri.
Il fera encore très-à-propos de diftribuer
le terrain du femis en iix parties , dont la
première fervira pour les noyaux des difFé-
rens arbres fruitiers de ce genre ^ la féconde,
pour les pépins des pommiers , &c. la troi-
îieme , pour les graines des arbriffeaux j
la quatrième , pour celle des grands ar-
bres qui lèvent la première année j h cin-
quième , pour les fèmences des arbres qui
ne lèvent que la féconde année ^ & la fixie-
me , pour les arbres toujours verds , qui fè
plairont dans la place la plus mal expofée &
la moins défendue.
Le canton du femis n'exige pas autant
de profondeur de terre que le refte de la
pépinière ; il fuffira de l'avoir fait défoncer
d'un pié & demi : du refle , ce terrain
doit être en bonne culture depuis un an ,
bien nettoyé de pierres , de mauvaifes
herbes , &c, &: il eft à propos , pour la
facilité de la cultuMjju de le diflribuer en
planches de quatre pies de largeur , dont
les fèntiers de féparation donneront au
moins 1 5 pouces d'aifance pour le fervice.
Sur la façon de femer , on peut obferver
que c'eft un mauvais ufage de répandre les
graines à plein champ j cette pratique eft
fujette à un double inconvénient , d'abord
l'impofTibilité de remuer la terre autour'
des jeunes plants épars , & enfîiite la diffi-
culté de démêler 6c enlever les mauvaifes
herbes parmi les bons plants» Il efl donc
bien plus avantageux de femer les graines
eu rangées j il eil inditféreat de les diriger
P E P
fur la longueur ou la largeur des planches,
pourvu qu'on lailfe depuis fix pouces jufqu'à
un pié de diftance entre les rayons , rela-
tivement au plus ou moins de progrès des
arbres pendant les deux ou trois premières
années. Si l'on feme les graines en rayons ,
il faudra donner à ces rayons une profon-
deur proportionnée au volume de la graine j
pour les plus groffes , ou creufera le rayon
de deux à trois pouces ^ pour les moyen-
nes , il fufîîra de faire un fillon , de la
façon qu'on le pratique pour fêmer des
pois ^ & dans ces deux derniers cas , on
recouvre & on nivelé le terrain avec le
râteau. Mais , à l'égard des menues graines ,,
il y faut plus d'attention : le rayon ne doit
avoir qu'un pouce de profondeur ^ & aprèsr
que les graines y feront (èmées , on les re-
couvrira avec le terreau le plus fin & le plus
confommé, que l'on répandra foigneufe-
ment avec la main , en forte que les graines
n'en fbient couvertes que de l'épaiffeur de
demi-pouce j & on fe difpenfera de niveler
le terrain , afin que l'humidité puiffe mieux
fe raffembler & fe conferver autour des
graines.
On peut fèmer en diiïerens temps , &
c'efl une circonflance qui mérite de l'at-
tention. Il y a des graines qui mûrilTent
dès l'été : on pourroit les femer auffi-tôt
après leur maturité , fion.n'avoit à crain-
dre de les voir germer & pointer avant
l'hiver , dont les intempéries en détrut-
roient un grand nombre j il vaut mieux
remettre cette opération à l'automne oit
au printemps. Entre ces deux partis , le
volume de la graine doit décider. La fin
d'odobre & le mois de novembre feront
le temps convenable pour les groffes graines,
& même pour les médiocres , mais il faut
attendre le commencement du printemps
pour toutes les menues graines , fur-tout
celles des arbres réfineux. Il y a cependant
des précautions à pj-endre pour faire atten-
dre les graines , dont la plupart ne fè'
confèrvent qu'en les mettant dans la terre
ou dans du fable , en un endroit fec &
abrité. On ne peut entrer ici dans tout
ce détail , non plus que dans la diflindion
de quelques efpeces d'arbres qui , étant
délicats dans leur jeunellè , demandent à
être abrités pendant les premiers hivers j
P E P
pour s'en inftruire , on pourra recourir à
l'article de chaque arbre en particulier. On
conçoit bien , au furplus , qu'il faut arrofer
les lëmis dans les temps de haie & de
féchereffe , les farder , béquiller , cultiver,
&c. A l'égard du temps & de la force auxquels
les jeunes plants doivent être mis en pépi-
nière , on en parlera dans les différens
2K-ticles qui fui vent.
Les pêchers & les abricotiers , après
le femis , doivent occuper la meilleure
place de la pépinière , & toujours la plus
iàine j ce n'eii que pour la curiofité , que
l'on s'avifè de faire venir ces arbres de
noyau , c'eft-à-dire , pour fe procurer de
nouvelles variétés ^ car il n'y a que cinq
ou fix efpeces de pêchers , dont les noyaux
perpétuent l'efpece. D'ailleurs , ces arbres ,
loriqu'ils font francs , ne durent pas long-
temps j l'ufage eft de les greffer pour les
accélérer , les perfedionner , & les faire
durer. Comme on ne plante pas à beaucoup
près autant d'abricotiers que de pêchers ,
ces premiers ne doivent occuper qu'une
petite partie du quarré deftiné à ces deux
efpeces d'arbres ^ & en général , on ne doit
former que le quart de ces arbres pour le
plein-vent. Les fujets propres à greffer
l'abricotier & le pêcher , font les pruniers
de damas , de cerifette , & de Saint- Julien ,
l'amandier , les plants venus de noyaux
d'abricots &: de pèches ^ il y a des efpeces
d'abricotiers & de pêchers , qui réuflîffent
mieux fur quelques uns de ces fujets , que
fur d'autres. Le terrain fec ou humide ,
dans lequel on fe propofe de placer ces
arbres à demeure , doit auffi fèrvir de
règle pour la qualité des fujets : c'eft fur
toutes ces circonflances qu'il faut le déter-
miner pour le choix du fujet. On plante
ces fujets en files éloignées l'une de l'autre
depuis deux pies jufqu'à trois , félon l'ai-
fànce que l'on peut fe donner : on place
dans ces lignes les plants depuis un pié
jufqu'à deux de diftance. Le mois de
novembre eft le temps le plus propre à faire
cette plantation : on les rabat à lîx ou huit
pouces pour les greffer enfuite en écuffon
au mois d'août de la féconde année. A
l'égard des noyaux de pêches & d'abricots ,
ainfi que les amandes , il vaut mieux les
femçr en place , ôc dans ce cas on pourra
P E P 25^
les greffer la iriême année , le tout pour
former des arbres nains. Quant aux iujets
que l'on veut élever pour le plein- vent ,
il ne faudra les greffer à hauteur de tige
qu'au bout de quatre , cinq , ou fîx ans ,
lorfqu'ils auront pris une force fuffifante.
Tous ces arbres doivent fe tirer de la pépi-
nière après qu'ils ont un an de greffe ; celles
qui ont pouiié trop vigoureulement , font
autant à rejeter que celles qui font trop
foibles ^ on doit préférer à cet égard les
pouffes d'une force médiocre. Il refte à
obferver que les amandes douces à coquille
dure font les micilleures pour former àes
fujets propres à la greffe , & que les aman-
des douces à coquille tendre font bien
moins convenables , parce que les plants
qui en viennent font plus fujets à la
gomme.
Les cerifiers & les pruniers feront placés
enfuite. Les fujets propres à greffer le
cerifier , font le merifier pour élever de
grands arbres , & le cerifier mahaleb , que
Ton nomme canot en Bourgogne, & canout
à Orléans , pour former àts plants d'ua
médiocre volume. On rejette pour fîijet la
cerifè rouge commune , parce qu'elle n'eft
pas de durée , & que fes racines pouffent
des rejetons. On tire ces fujets du femis
au bout de deux ans , pour être plantés
en pépinière , dans les diftanccs expliquées
à l'article précédent ^ & on peut les greffer
dans l'année fuivante en écuffon à œil dor-
mant , foit pour avoir des arbres nains ,
foit pour les laiffer venir à haute tige avec
le temps , mais on peut attendre auffi que
la tige des iiijets foit formée , pour les
greffer alors à la hauteur de fix ou fept
pies. A l'égard du prunier , on le multiplie
également par la greffe fur à^^ fujets de
damas noir , de cerifette ou de Saint-
Julien. On tire auflî ces fujets du femis à
l'âge de deux ans j on les plante & on
les efpace dans le temps & de la façon
qui a été ci-deffus expliquée \ enfuite on les
greffe en écuffon ou en fente , lorfqu'ils
opt pris une groffeur fuffifante.
Le poirier fe multiplie aufîi par la
greffe en fente ou en écuffon , fur franc
ou fur coignafîîer : on nomme francs , les
fujets qui font venus de culture en femant
des pépins de poires, pour les diftinguer
Kk 2
i^o P E P
des poiriers faiivages , que l'on peut tirer
des bois, mais qui ne font pas aufll coni^e-
nables que les fujets francs , parce que ces
fauvageons confervent toujours une âcreté
qui fe communique aux fruits que l'on greffe
defTus. Les fujets francs de poirier feront
tirés du fèmis au même âge , plantés dans
le même temps , réglés à pareille diftance ,
& greffés de la façon qu'on Ta dit pour
les arbres qui précèdent. A l'égard des fîi-
jets de coignafîier , on les élevé de deux
façons : quelquefois on tire des jeunes
plants aux pies d'anciens troncs de coignaf-
fiers , que l'on nomme /tz^t^j , & que l'on
tient en réferve pour ce fèrvice dans un
coin de Icipépiniere ; mais le plus commun
ufage , qui efl aufii la voie la plus courte ,
c'efl de faire des boutures. On les plante
de bonne heure au printemps ,. de la
groffeur d'un petit doigt & d'un pié de
long , en rangées , & à pareille difiaiice que
les plants enracinés , & on les enfonce de
moitié dans la terre. Il faut avoir foin ,
pendant la première année , de ne laiffer
fiibfîller que la plus haute des branches
qui ont pouffé , & de fùpprimer tous les
autres rejetons avant qu'ils aient plus de
deux pouces: on les greffe en écuffon fur
le vieux bois !a féconde année. Les poiriers
greffés fur franc font propres à fonner de
grands arbres à plein-vent 5 car on ne fc
■détermine à les m-ettre en efpalier , que
dans les terrains fecs & légers , parce
^qu'ils font trop long- temps à fe mettre à
fruit. Les poiriers greffés fur coignafîier
conviennent particulièrement pour les ter-
res humides, & pour l'efpalier ^ comme on
plante beaucoup plus de poiriers à ce der-
nier ufagc , que pour le plein- vent , la pé-
pinière doit être fournie de deux tiers de
poiriers greffés fur coignafîier , contre un
tiers des autres. Ce n'efl qu'après deux ou
trois ans de greffe que ces arbres font en
état d'être plantés à demeure.
Il eft aufli d'ufage de multiplier le
pommier par la greffe , en fente ou en
écuiïbn , fur- franc , fur le doucin , ou fur
Té pommier de paradis. On noirwne francs ^
les fijjets élevés de pépins de pomme ,
comme on vient à^ le dire pour le poirier :
& il y a même raifon pour les préférer aux
pommiers Ikuvages , que l'on tire des bois.
P E P
il faudra auffi les conduire & les élever
de la même façon. Le doucin , pour la
hauteur & pour la durée , tient le milieu
entre le pommier franc , & le pommier
de paradis. Les' pommiers greffés fur le
doucin 5 ne font que des arbres d'une
moyenne flature ^ mais ils croiffent vite ,
& donnent promptement de beaux fruits. A
l'égard du pommier de paradis , c'efl un
excellent fujet pour form.er de petits arbres,
qu'on peut même admettre dans les jardins
d'agrément. Le doucin & le paradis vien-
nent aifément de boutures qui fe plantent
comme celles du coignafîier, & fe greffent
aufîl la féconde année fur le vieux bois.
Tous ces arbres ne doivent être tirés de la
/?f/?//z/V/-e qu'après deux ou trois ans de greffe ^^
mais , comjne on prend beaucoup plus de'
plants greffés fur franc que fur d'autres fu-
jets, il faut élever du double plus de ceux-ci-;
que des autres..
Les noyers, châtaigniers, & autres arbres
de ce genre , s'élèvent en femant les grai-
nes dans l'endroit même de la pépinière.
où on veut les élever. Après avoir con^
fervé ces graines dans du fable , en lieu
fèc pendant l'hiver , on les plante de deux
pouces de profondeur , & à quatre d'inter-
valle , dans des lignes de deux ou trois
pies de diftance. Après la féconde année
on élague les jeunes plants , & on enlevé
cewK qui font trop ferrés pour garnir les
places vuides ,. en forte pourtant que tous
les plants fè trouvent au moins à un pié .
de diftance : on continue d'élaguer ces
arbres dans les années fuivantes , mais avec
beaucoup de ménagement , c'eft-à-dire ,
en ne retranchant les branches qu'à mefure
que les arbres prennent de la force ^ cepen-
dant s'il y a fur une tige foible des bran-
ches qui s'élancent trop , on les coupe
au trois ou quatrième œil. Nul autre foin. ,
que d'aider ces arbres à former une tige
droite ^ au bout de cinq ou fix ans ils auront
affez de groffeur & d'élévation pour être
tranfplantés à demeure. ,
Le mûrier blanc eft d'une fi grande
utilité , qu'on ne fauroit trop s'attacher à le
multiplier , à l'élever , & à le répandre dans
tous les pays dont le terrain peut lui
convenir. Sur la culture de cet arbre , oa
pourroit s'en tenir à renvoyer le ledeur au
P E r
ffiôt Mûrier ^ mais l'objet efi affer intéref^
fànt pour ne pas craindre de fe répéter. On
peut élever le mûrier blanc de femence
ou de bouture : par le premier moyen , on
fe procure une grande quantité de plants ,
mais dont les feuilles font de petite qua-
lité 'j au lieu que de l'autre façon , on n'a
pas une fi grande quantité de plants , mais
aufll on les a plus promptement & d'aufli
bonnes feuilles , que celles des arbres dont
on a coupé les branches pour en faire des
boutures. On {ème la graine dans le canton
de la pépinière deftiné au fèmis. Lorfque
lés planches dont on veut fe fervir*|»font
en bon état de culture & bien nimees ,
0n y trace en travers des rayons de fix à
huit pouces de diftance , & d'un pouce de
profondeur , en appuyant le manche du
râteau fur la planche ; on y femera la graine
aufll épais que celle de laitue , & on la
recouvrira avec di terreau de couche bien
confommé , que l'on répandra avec la main
fur les rayons , en forte que les graines ne
ibient recouvertes que d'un demi - pouce
d'épaiifeur , & on lailfera les planches en
cet état , fans les niveler. Il faut une once
de graine pour femer une planche de trente
pies de long fur quatre de largeur. Le
temps le plus convenable pour cette opé-
ration , eft le mois d'avril , du lo au 20 *j
on pourra prendre la précaution de garnir
les planches d'un peu de grande paille ,
pour ne lailîèr pénétrer l'air & le foleil
qu'à demi , & pour empêcher que la terre
ne foit battue par les arroièmens , qu'il
ne faudra faire qu'au befoin, & avec bien
du ménagement. Au bout d'un an , les
jeunes plants les plus forts , & les autres
après deux ans , feront en état d'être mis
en pépinifre y & on les plantera à un pié
de diftance en rangées éloignées de trois
pies ^ au printemps fuivant , on retranchera
toutes les branches latérales \ mais les
autres années- , il ne faudra le* élaguer
qu'à proportion que la principale tige
prendra du foutien & de là force. Si ce-
pendant il y a fur une tige foible des
branches qui s'élancent trop , il faudra les
couper au trois ou quatrième œil. Quand
ces arbres auront quatre ans , ils feront en
état , pour le plus grand nombre , d'être
îraiî^'ÎJïîités à demeure j mais il fera plus
P E P i(Jf
arfé & bien plus court d'élever le mûrier
blanc de bouture , qu'il fera inutile de
greffer, & qu'il faudra planter dans l'endroit
•■nême où l'on (è propofè d'élever ces arbres.
Voyei la façon d'élever ces boutures , au
mot Mûrier. Il n'y a qiîe le mûrier d'Ef-
pagne qui fe multiplie de graine , fans (^'^^
Tes feuilles s'abâtardilfent j à l'égard des'
mûriers communs que l'on élevé de femen-
ce , il n'y en a qu'un petit nombre qui
aient des feuilles de bonne qualité, eir
forte qu'il faut greffer ceux qui font dé-
feâ:ueux à cet égaçd : on peut les greffer
à tout âge en écuflbn à œil dormant, ou
à lifïlet. La meilleure feuille pour les vers
&: pour la foie , eft celle de l'arbre que
l'on nomme la reine bâtarde. Il y a cepen-
dant de l'inconvénient à avoir des mûriers ■
greffés ^ on prétend que tes arbres , à l'âge
de 25 ou 30 ans, nleurent fubitement , ^
quoiqu'ils foient dans un état floriffaiit. -
On s'en plaint beaucoup dans le Languedoc^ -
la Provence , les Cevennes , 6?c. Il y a
donc un gtand avantai^e à élever le mûrier"
blanc de bouture , puifque c'eft la voie la'
plus facile & la plus courte ^ qui donne
de beaux arbres & de longue durée.
L'orme, le tilleul, le marronnier d'Inde, >
le peuplier , ùc, méritent de trouver place -
dans une grande pépinière. On multiplie •
l'orme defèmence, que l'on doit conduire -
de la même manière que celle de mûrier. •
On élevé le tilleul de branches couchées 5 •
il faut avoir pour cet effet , dans un ■
canton de \a pépinière^ des fbuches ou -
mères de tilleuls de l'efpecc' de Hollande , •
dont on couche les rejetons, qui ont d'aifez
bonnes racines -au bout de l'année pour
être plantés en pépinières. On femé fur
place les marrons dînde , comme les noix ^ -
& on les conduit de la même façon. Oa
élevé le peuplier' de boutures de 12 ou
15 pouces de longueur-, que l'on plante
fur place en rangées , & à la diftance
ufitée pour les arires de pareille grandeur j
lé principal foin qu'on doive donner à ces
arbres , c'eft de les redrcflTer & de ne \qs
élaguer qu'avec ménagement , à mefure
qu'ils prennent de la force & du foutien.-
Mais on greffe fur forme comme en
écuifon, foit à la poufîè ou à l'œil dor"-
I maut 5 les efpeces curieufès de ce genre
t(Jt P E P
d'arbre. Comme l'orme ne pointe pas airé-
ment , & qu'il eft fujet à fe garnir d'une
trop grande quantité de menues branches
qui le chifTounent , il faudra les couper
entièrement , après latroilîeme année , à un
pouce de terre : on ne leur laiiFera enfuite
qu^un rejeton , qui s'élèvera promptement
au bout de cinq ou fix ans. La plupart de
tous ces arbres feront en état d'être placés
à demeure , favoir , le peuplier à cinq ans ,
l'orme à lix , le tilleul à fept , & le mar-
ronnier à huit ans.
Les arbres étranger» doivent être élevés
& conduits relativement à la groffeur de
leurs graines. Les plus grofles , comme le
gland , peuvent être femées dans le canton
même de \2i pépinière où l'on fè propofe de
les cultiver ; à l'égard des plus menues &
même des médiocres , il faudra les élever
dans le femis ^ & comme partie de ces
arbres font afTez délicats pour exiger qu'on
les garantiffe des gelées pendant les deux
ou trois premiers hivers , il feroit à propos
de les lèmer dans des terrains ou dans des
caifTes plates , pour les ferrer fous quelque
abri durant la faifon rigoureufe. Ces dif-
férens arbres fe mettent en pépinière , à
mefure qu'ils acquièrent une force fuffifante.
La plupart de ces graines lèvent la pre-
mière année , d'autres ne paroilfent qu'à
la féconde , & quelques unes ne viennent
complètement que la troifîeme ^ il faut que
la patience engage à les foigner & les atten-
dre. Il y a tant de variété dans le progrès
de ces arbres , & dans la façon de les
conduire , qu'il n'eft pas poflîble d'entrer
dans aucun détail à ce fujet.
Les arbriffeaux curieux doivent avoir
leur canton particulier \ ils feroient retar-
dés & fbuvent étouffés par les grands arbres ,
fi on les mettoit avec eux ^ & d'ailleurs ,
on peut ferrer davantage les arbriffeaux ,
tant pour les rangées , que pour la diftance
d'un plant à l'autre. Du refte , on doit
leur appliquer ce qui a été obfervé lùr les
grands arbres.
Les arbres toujours verds doivent né-
ceflairement être placés féparément de
ceux qui quittent leurs feuilles , moins
pour éviter la bigarrure , & faire une
forte d'agrément , que parce que ces arbres
veulent être foigaés diiïëremmeut des
PEP
autres. Les arbres toujours verds deman-
dent rexpofition la plus fraîche , la plus
ombragée , &: la mieux tournée au nord \
néanmoins il faut \qs placer fainement ,
car ils craignent l'humidité fur toutes cho-
fès ; mêmes confeils pour les diftinâtions
à faire fur le femis (\qs graines , fur les
attentions pour les préferver , & fur l'âge
de les tirer du femis j mais il n'en eft pas
de même fur la iaifon propre à les planter
en pépinière. Ces arbres fè conduifent
tout différemment de ceux qui quittent
leurs feuilles ; ceux-ci doivent fè planter
en tUtomne , ou de bonne heure au prin-
temps i la tranfplantation des arbres tou-
jours verds ne fe doit faire au contraire que
dans des faifons douces & afTurées , c'efè-
à-dire , immédiatement avant la fève , dans
le temps de fon repos , & quand elle ceife
d'être en mouvement. Ces circonftances
fe trouvent communément dans le com-
mencement des mois d'avril, de juillet,
& de feptembre ; il faut profiter dans ces
faifons d'un temps fombre & humide ,
pour les changer de place ^ cette opération
ne leur réulTit généralement que pendant
leur première jeunefFe , encore doit - oii,
les planter , le plus qu'il eft poflîble , avec
la motte de terre à leur pié ^ & une pré-
caution encore plus indifpenfâble , c'eft de
les couvrir de paille , & de les arrofer
habituellement, mais modérément , jufqu'à
ce que leur reprife foit affurée. Il fiiit delà
qu'on ne peut les laifTer long - temps en
pépinière , & qu'il faut les mettre à de-
meure le plutôt que l'on peut.
Enfin , les arbres foreftiers feront placés
dans le reftant de la pépinière : on fe
conformera , pour la façon de les élever
& de les conduire , fur la qualité des
graines & fur Ja nature des arbres , rela-
tivement à ce qui vient d'être dit fur les
arbres étrangers.
Il refte à parler de la culture nécefTair»
à la pépinière y. qui confifte fur- tout en trois
labourages par an , qui doivent être faits
très-légérement avec une pioche pointue,
& non avec la bêche , qui endommageroit
les racines des jeunes plants j mais le prin-
cipal objet à cet égard doit être d'empê-
cher les mauvaifes herbes : on peut les
comparer à des infe(^es , qui font d'autaut
P E P
plus voraces , que leur vie eft de courte
durée. Les herbes de toutes fortes inter-
ceptent les petites pluies , les rofées , les
vapeurs , &c. & elles pompent évidemment
les Tues , les fels , & l'humidité de la terre j
en forte qu'on doit regarder l'herbe comme
le fléau des jeunes arbres , & fur-tout des
nouvelles plantations. Un autre foin eflen-
tiel , c'eft l'élaguement qu'exigent les diffé-
rens arbres. La plus forte taille fe doit faire
après les grands froids paffés : on doit
enfuite les vifiter durant la belle faifon ,
pour retrancher , accourcir , & émonder
les branches folles , nuifibles ou fùperflues ,
avec cette attention pourtant , de traiter
les arbres toujours verds avec beaucoup
de réfêrve à cet égard ^ on doit leur laiifer
plus de branches qu'on ne leur en ôte.
Il faut aufli confèrver aux arbrilTeaux fleu-
rilTans leur figure naturelle en buiifon ,
pour les placer dans des bordures ou dans
des bofqiiets , & diriger pour la paliflade
les arbres qui y font deftinés. Enfin ,
la grande attention du jardinier doit fe
porter à llirveiller continuellement les écuf-
fons , qui exigent abfolument des Ibins ha-
bituels.
Obfervations nouvelles fur les pépinières.
Après avoir créé de beaux femis de toutes
les efpeces d'arbres , rien n'importe plus
aip propriétaire qui veut borner fa terre de
files d'arbres , planter ou repeupler des bois,
revêtir les lieux vagues & les côtes arides ,
border les chemins & les ruiffeaux, aligner
des allées, fê ménager des bofquets , difper-
fer des remifes , enrichir fes potagers , fes
vergers , fes murs d'excellens fruits j rien ,
dis-je , n'importe plus au cultivateur qui a
formé ces utiles projets , que d'établir & de
faire foigner fous ks yeux de belles pépi-
nières.
Les arbres foreftiers , les arbres d'ali-
gnement & de décoration , ne réuiïîront
jam.ais parfaitement qu'ils n'aient été élevés
fous la même température & dans un
fonds de terre analogue à celui où l'on
fe propofe de les fixer. Leur repriiè •&
les progrès de leur végétation (èrout bien
plus affurés , loriqu'ils n'auront pas fouifert
un long tranfport , & qu'on pourra les
arracher dans le moment avec toutes les
précautions convenables : d'ailleurs , où le
P E P i€i
cultivateur pourroit-il trouver des arbres
auiîi bien venans , aufli exadfement dreffés,
que ceux qui croiifent fous fes regards at-
tentifs , éclairés , & j'oièrai dire fécon-
dans ?
A ces avantages s'en joignent de plus
grands encore à l'égard des arbres fruitiers.
Rien de plus fâcheux , rien toutefois de plus
commun , que de recevoir des marchands
pépiniériftes une efpece pour une autre ,
ordinairement inférieure en qualité à celle
qu'on leur avoit demandée \ non feulement
le cultivateur tenant le regiftre le plus
exaft des efpeces qu'il a greffées , ne pourra
courir aucun rifque de les confondre , mais
il s'attachera' même à multiplier les meil-
leures ^ il portera l'attention jufqu'à préférer
les individus de ces efpeces qui offrent les
plus beaux fruits j il ne coupera fes greffes
que fur des branches modérées & fécon-
des , attention dont l'oubli fait que les
arbres ne fe mettent que bien tard à fruit ,
&fouvent ne parviennent jamais à beaucoup
rapporter.
Cette négligence eft pourtant très-corn- ■
mune dans \ts pépinières marchandes ; il
y arrive même qu'on y continue de greffer
une rangée de fujets avec des bourgeons
herbacés pris iijr les greffes nouvelles qui
s'y trouvent reprifes çà & là : il n'eft pas
moins familier aux pépiniériftes mercenaires
de greffer fiir de mauvais fauvageons , dont
la fève crue ou indigente dénature les ef-
peces au point de les rendre méconnoiffa-
bles.
Le cultivateur jaloux de perfeâionner les
dons de la nature , unira chaque elpece à la
forte de fiijet qui pourra communiquer à fon
fruit le plus de feveur , de douceur , de vo-
lume & de coloris , ou qui contribuera à le
rendre à fon gré plus tardif ou plus précoce ,
&dont la féconde influence doit faire plutôt
rapporter l'arbre , & plus abondammiCut. V,
le mot Greffe.
En parcourant ks pépinières , il fè plaira
à y préparer pour la taille & le paliffage
les fruitiers nouvellement greffés ^ il y
ébauchera la figure qu'il fe propose de leur
faire prendre quand ils feront placés ^ il
leur ménagera par avance un petit nombre
de boutons à fruit 5 ou du moins quelques-
unes de ces branches fages qui fè difpolènt
:^^4 P E P
à devenir fertiles ^ il pourra leur confèrver
jces branches , malgré la tranfplantation ,
parce qu'il fauras'y prendre de manière à ne
la faire fentir que le moins pofTibîe à ces ar-
bres privilégiés, & il parviendra ainfi à pré-
venir de deux ou trois ans les prémices de
.leur fécondité & la perfe<9:iou de leurs
formes.
Les arbres deftinés à l-ornement, les
^arbriffeaux rameux dont il voudra former
des haies , des lifieres , des paliflades , il
aura commencé dans la pépinière même à
Jes affujcttir au cifeau ^ il y verra épars
des murs , des pilaftres , des obélifques ,
,<ies arcs ^ un jour il y pourra faire enkver
Aes arbres grands & forts dont les touffes
,>déja deffinées vont figurer dans l'inftant ^
,& comme un architeéèe trouve féparéesdans
?{ès valtes atteliers les pièces différentes qui
oloivent feryir à l'exécution de {qs plans , il
.trouvera de même à fà portée tous les mor-
ceaux qu'il n'aura qu'à réunir pour en com-
.pofer un jardin : ou pourra croire , par ion
effet fubit & gracieux , qu'il l'a créé d'un
ièul regard, ou l'on doutera fi un génie bien-
faifant ne l'a pas une nuit fait éclore du
fein de la terre pour eç offrir le fpeftacle à
/on réveil.
Comme ces arbres fruitiers auront été
jélevés dans une terre franche & non fumée ,
•jls feront parfaitement fains j ils feront
par- là même des jets éiionnans , une fois
^qu'ils feront fixés dans les terres choifies
El perfectionnées qu'il leur deftine pour
/lemeiu-ç j leurs progrès feront d'autant plus
/affarés , qu'on aura pu les arracher avec
,des racines belles & longues , parce qu'ils
^(étoient plantés dans la pépinière à une dif-
^ance \qs uns des autres au moins double
jde celle que les pépiniériftes marchands ,
iqu.i ne tirent qu'au plus grand nombre d'in-
dividu^ , ne leur donnant encore qu'à
regret • par la même raifon , ces arbres fe-
ront gros du pié , robuftes , étoffés , &
pleins d'une fève pure Sç féconde : bientôt
ils offriront aux regards du cultivateiu* des
iiruits dont la beauté & le volume tiendront
/]u prodige , & qui en portant à fa boucJie
iine faveur délicieufe , dans /on fang une
;-ofée falutaije , le récompenferont de tou-
|es fes peines , fi l'on peut donner le nom
^f peinçs à de? foins pleins 4? ^'oût &
1» E P
d'efpérance , qui étoient plutôt de vrais
plaifirs : & tous ces biens , qu'ils feront
encore plus doux quand il pourra les com-
muniquer , fur-tout au peuple fi intéreffant
des villages , qui manque .de fruits bons &
fàlubres !
C'eft dans ces mêmes pépinières que
s'élèvent en un petit efpace ces colonies
d'arbres & de buiffons différens , dont il
couvrira bientôt le front des montagnes
& les rives des eaux , qu'il iè propofe de
ranger aux bords des chemins où le voya-
geur va trouver de l'ombre & des fruits,,
& de difperièr fur la furface des campagnes
par-tout utilement ojnées comme un autre
Eden. Quel plaifir d'y voir en mouvement
de tous côtés des bandes d'ouvriers que
ces plantations occuperont fans ceffe , &
de leur rendre , par les récompenfes de
leurs travaux , finou les douceurs de l'âge
d'or , & celles de la communauté des biens,
qui , grâce à de bonnes obfervations , ne
peuvent plus paffer pour des chimères ,
& qui ièroient celles à^s âmes fènfibles ,
du moins quelque équivalent de la proprié-
té , laquelle , à la honte de nos gouverne-
mens , qui font parvenus à ôter à l'homme
focial jusqu'aux reffources de l'homme iàu-
vage , manque totalement aux 4eiix tiers du
peuple , bien plus à plaindre que les efcla-
ves , qu'on traite au moins comme les trou-
peaux !
Tant que les p/pinieres & les plantations
demandent des foins , elles occupent la
bêche & les boyaux de ces pauvres gens .j
les arbres parvenus à une certaine force ,,
il faut élaguer j on les paie avec les bran-
ches abattues. Ce feroit une belle choie
que de leur planter des lieux vagues qui
acheveroient de fournir à leur chauffage j
car alors feulement les peines décernées
contre les voleurs de bois cefferoient d'être
atroces , & commenceroient d'être exac-
tement exécutées : c'efl pour ces malheureux
qu'il importe de voir s'étendre le goût de
planter: leur mieux être eiïle plus touchant
intérêt des occupations rurales. Si je ne
l'avois pas en vue , je ne iàis ij je prendrois
la peine de dire ce que l'expérience m'en a
appris ; & loin d'avoir fait une digreiîîon,
je ne fuis entré que plus avant dans mon
Çiijet,
■ On
P E P
On appelle nourrices ou berceaux , de
petits efpaces de terre partagés àc figurés ,
&C même dans certains cas relevés en plate-
bandes , où Ton élevé à une petite diftance
les uns des autres de très-jeunes fujets qu'on
a tirés des femis dès la féconde & quelque-
fois dès la première année. Plu(icurs efpeces
d'arbres délicats , rares & précieux , doi-
vent palier par cette première éducation ,
avant qu'ils reçoivent la féconde dans les
grandes pépinières ; il en eft même quel-
ques-uns , en particulier ceux qui ne (buf-
frent fans rifques les tranfpîantations que
Jorfqu'ils font encore très-jeunes , qu'on
ne doit tirer de ces premières écoles
que pour les fixer immédiatement dans
leurs demeures. On établit ces petites
pépinières dans un morceau de terre choifi
& bien défendu j mais pour accoutumer
par degrés à la nature commune du fol , les
différentes efpeces le plus (ouvent exoti-
ques , au lieu de relever les planches uni-
quement avec le même mélange de terres
qu'on avoir donné aux femis , on n'ajoute
que moitié de ce mélange à la terre com-
mune j & au lieu que les femis faits dans
des caifïès ou des pots , palïbient les hivers
fous un vitrage , on fe contente de placer
ces berceaux à une expofition chaude ;
tout au plus les couvre-t-on de baguettes
cintrées , habillées de longues pailles , tant
que dure le froid le plus âpre j ainfi les
jeunes arbres fe font peu-à-peu au climat,
dont ils nepourroient fupporter la rigueur ,
fi on les y expofoit tout d'un coup. Voye-{
Alaterne j Cypre^s , Phyllirea , fi'C.
Au bout d'un ou de deux ans , on tire
des berceaux ceux d'entre les petits arbres
qu'on n'y doit pas lailTer jufqu'à leur plan-
tation à demeure , K on les plante dans
les pépinières , en les efpaçant de deux
pies éc demi ou trois pies : là ils le forti-
fient par les cultures , & parviennent en
peu d'années à la taille convenable , pour
être fixés aux lieux oii on les veut : cepen-
dant il eft des cas où il les faut encore
plus forts. Veut-on fe procurer des arbres
d'alignement qui produifent vite leur effet ,
ou qui foient aflèz gros & afïèz élevés
pour en faire des remplacemens , c'efl-à-
dire , pour ne pas déparer par une dif-
proportion choquante , des lignes où ce qui
Tome XXF,
P E P i€^
Irefte d'arbres a déjà beaucoup gagne depuis
la plantation j enfin fe propofe-t-on de
planter des plaines ouvertes & fréquentées ,
où il convient de n'employer que des arbres
capables de réfîfter aux heurts des beftiaux ,
& d'affronter les vents ; dans ces vues y
on tire des pépinières des arbres de quatre
à cinq pouces de tour , pouf les planter
cinq ou fix pies les uns des autres , dans
des lieux particuliers où on les cultive ,
jufqu'à ce qu'ils aient pris huit ou dix
pouces de tour pcr le bas ; &: ces lieux ,
qui ne font pas ordinairement fort étendus ,
s'appellent bâtardieres.
Les pépinières demandent en général de
bien plus grands emplacemens que les
bâtardieres & les berceaux \ on doit fur-
tout en établir de fort confidérables ,
lorfqu'on a delfein de repeupler ou de
créer des bois , & de faire dans fa terre
autant de plantations que la charrue & la
faux peuvent le permettre.
Mais fi votre terre eft d'une grande
étendue , il s'en faudra bien que le fol y
foit par-tout le même ; fes différentes &
principales efpeces s'étendront par cantons ,
& c'cft la première connoiffance qu'il vous
faut acquérir. Etudiez dans chacun la na-
'^ure de la terre , fondez fa profondeur,
découvrez fes couches diverfes , diftinguez
fes parties intégrantes , fâchez ce qu'elle
retient d'eau , comment les rayons folaires
& la gelée agilfent fur elle , ^c. interro-»
gez-la enfuite par la voie de l'expérience >
difperfez dans chacun de ces cantons un
petit nombre d'arbres de chaque cfpece ;
ce feront comme autant d'explorateurs , qui
bientôt vous apprendront, ou par leur végé-
tation brillante , ou par leur afpeft lan-
guiflant , fi ce canton convient ou ne
convient pas à l'établilfement d'une colonie
de leur efpece. Obfervez aufïi quels font
les arbres qui y croifiènt naturellement ,
&: ce qui refte de ceux qu'on y a autrefois
plantés ; ne négligez pas de confulter les
bons livres qui vous diront les arbres qui
fe plaifent dans tels fols , & rappeliez- vous
ceux qu'en voyageant vous avez vu croître
dans des terres femblables.
Muni de ces connoifïànces importantes
& certaines , établifïèz dans chacun de
ces cantons une pépinière, proportionnée à
L 1
1^6^ I>E I>
Çpn érendue , 6^ uniquement peuplée des
çfpeces d'arbres que vous êtes afîuré qui
pourront y réulTir. Sont-ils bientôt en état
4^être plantés à demeure , il convient à
<;e moment de faire une étude plus appro-
fondie du canton : Peipece du fol vous
montrera des variétés , des nuances qu^il
■vous faut connoîrre i la terre , dans Tes
diverfes configurations , y préfente divers
^fpcds : ici coulent , là fe précipitent les
eaux , ailleurs elles demeurent ftagnantes.
\[ n'eft pas une de ces circonftances qui
ne doive iervir à déterminer les efpeces |
d'arbres d'entre celles qui compofent la
pépinière du eantorï , que vous devez planter
de préférence dans chacun de Tes différens
endroits : c.'eft faute d'avoir pris des pré-
cautions femblables , que Pon voit périr ou
languir tant de plantations qui ont prodi-
gieufement coûté.. Mais vous , cultivateur
lage , qiii n'abandonnez pas entièrement
ces opérations importantes
ignorantes & mercenaires , ne méprifèz
4ucun de ces loins ; bientôt vos terres
©ftrironc de toutes parts à vos yeux les
grouppes riants de vos jeunes arbres y des
côtjeaux^ , naguère nus & arides , revêtus de
riches t-ajllis-,. & jufqu^aux marais portant
des boiSsdontvos.eiiîans un jpur, béniflanU
votre mémoire, tirjerx^nt le plus grand parti.
Si l'oiî demandé k préfent quel fonds en
général convient, le mieux aux pépinières ,
la queftion fera bientôt réfolue. Que la
terre y foit. très-fubftantiçlle , ks arbres
qu'on y aura élevés ne s'accoutumeront
que très- dJâÊcile ment aux fols d'une qualité
moindre où l'on voudra les établir , & ne
pourro^ît p^as du tout- s'accommoder des
plus maigres ; mais fi la terre y eft trop
aride , il y a bien plus d*inconvéniens : ce
n'eft qu'avec beaucoup de temps & de
•jjeine qu'on y pourra élever des arbres ;
ils demeureront fluets j. on les verra deve-
nir rachiriques , noueux & mouflus : dans
quelque bon terroir qu'on les plante- en fuite ,
iJs; ne pourront jamais fe rétablir parfai-
tement. Une terre franche , onâueurc , non
fumée ,. plutôt forre que légère , paflàblement
profonde , fraîche fans être huwide , mêlée
même de quelques gravois , en un ipot
une terre moyenne , pr.rticipant égale.-
a?ieiiC>*s'ilfe]3eut, de l'argile. &.(i».r*i£k: 5.
F E ^
qui (ont les deux extrêmes des fortes de-
fols dont le globe eft revêtu , eft celle qu'il
faut préférer pour y établir des pépinières,.
Les arbres qu'on y aura cultivés ne pour-
ront manquer de réuffir dans des terres
de quaUtés femblables , qui font fort com-
munes ; ils feront d'étonnans progrès dahst,
les meilleurs terroirs , & ne laiiîèront pas.
que de croître paiïablement dans les plus
mauvais.
A l'égard des exportions , les plus
chaudes doi\ent être rcfervées aux petites
pépinières d'arbres exotiques qu'on veut
habituer au climat. Pour les grandes ,.
compofées de fruitiers , d'arbres foreftiers
& d'arbres étrangers peu délicats , durs , 6'c.
les afpeâs froids qui endurciflent les écor-
ces, font peut-être préférc;bles , à l'excep-
tion cependant des pépinières àts pêchers.
& abricotiers , où les jeunes greffes périf-
fent fouvent au nord & au midi , & qui
à des mains j paroillént demander le couchant 1 mais
il n'eft point de pépinière qui ne doive,
être exactement défendue contre les bef^
tiaux , & dont le fol n'exige une pïépa-
riition conveiiable.
Après avoir environné votre terrain dc:
foflés au moins larges de fe.pt pies , plantez-
fur le bord, extérieur de la berge deux,
lignes divergentes d'aubepins cioifés en
fautoir : deux perches horizontales liées
avec des harts contre des pieux fichés en
devait d'cfpace en efpace , protégeront,
cette haie , jufqu'à ce qu'elle foit forte &.
armée de toutes fes épines , contre les;
bêtes qui pourroient monter par les taluts..
Dans les terres quT rebutent l'épine blan-.
che , on lui fubftituera différens arbrllfeau».
hériflés ou très-rameux. Il eft des heux;
où l'on pourra fe f^.iTer de foffés : dans> '
ceux où le bois eft à bas pri^ , une palif--
(^àt y ou un clayonnage , un mur (ce la.
où les pierres abondent , formeront même.-
unC' meilleure clôture ; mais les folTcs ont.
un avantage qui n'eft point à négliger.,
Que l'on plante à demeure des fruitiers,
en plein vent , vers les bords intérieurs^,
de la berge , l'amas, de.teire qui fe trouvera-
autour,- de leursr rat:ines: ,. procureia à ces,
arbres la plus, belle, croiflance.
A moins que le- fol ne fe trouve profond.,,
^Gjeu2{i &-. feus. ,^ ii, ftia fQiiY£iJi; xïéç&l^U^
P E^P
^ toujours très-utile de le faire effondrer ;
par cette opération on extirpe les pierres
trop groiïes qui metrroienr obftacle à la
végétation , on enterre 8c Ton difperfe
le^ petites qui la favorifent , en procurant
récoulement aux eaux , & en empêchant
la terre de trop s'affaifTer j les racines
paradtes font arrachées , les infcdies mis
en fuite , leurs logemens renverfés , leurs
chryfalides , leurs larves , leurs oeufs pré-
cipités ; mais , ce qui eft encore plus im-
portant , on prépare aux jeunes arbres une
couche épaifle de terre ameublie que leurs
racines pourront aifémcnt pénétrer. Au
fond de cette couche , elles puiferont les
fucs de la bonne terre qu'elle renferme ,
& qui étoit à la furface. Ce lit profond
de terre meuble conferve toujours , même
par les plus grandes féchereflès , une cer-
taine fraîcheur , au point que nous avons
vu des terres , auparavant feches & arides ,
demeurer pénétrées depuis l'etFondrement
d'une humidité modérée 3c falutaire.
Il faut choilîr , autant qu^on peut , le
mois de mai pour fiire cette opération ;
alors les eaux de l'hiver fe font écoulées j
il règne un air delîéchant qui fait que la
terre fe divife mieux tandis qu'on la remue :
d'ailleurs elle fe trouvera bien reprife , &
aura tout l'afFai fie ment convenable pour
le mois d'oétobre fuivant , temps bon pour
planter , où Fon commencera la plantation
de la pépinière ; & pour ne pas laifler la
terre oifîve , on y mettra des haricots ou
des grains femés par rayons , dont les
cultures réitérées la tiendront dans le meil-
leur état , & empêcheront les mauvaifes
herbes d'y croître. S'il n'a pas été pofîible
de faire effondrer en mars^, on faifira juf-
<iu'au mois de juin une fuite de jours
propres à ce travail ; alors il convient de
différer la plantation de la pépinière jufqu'à
la fin de novembre : mais ii l'on a été
contraint d'attendre jufqu'au mois de fep-
tembre , qui donne encore d'afTez beaux
jours , on ne pourra planter que le prin-
temps fuivant , & il fera même plus lage
d'attendre à la féconde automne. Qu'on
fe garde bien de faire effondrer l'hiver ;
les pluies , fur-tout les neiges , pétrifient
la terre fous la bêche &: fous les pies ,
au point qu'elle demeure toujours com-
P E P 1^7
ça6b & indocile , & les mauvaifes herbes
le multiplient teUement à la furface, qu'on
ne peut les détruire même à force de bras.
Bien plus ; fi le terrain defliné à l'éta-
bliflement d'une pépinière , fe rrortve
couvert de chiendent , Teffondrement leul ,
quoique bien fait ,& dans une faifon cchi-
venable , ne fufïîroit pas pour opérer fon
entière deflrudion : dans ce cas , il eft
nécelîairc de cultiver des patates dans ce
terrain , l'été d'avant le printemps où l'on
fe propofe de fouir. Ce moyen efl le feul
pour fe débarrafler de cette plante fi nui-
fible aux arbres , dont l'opiniâtreté défole
le cultivateur , & qui fe multiplie d'autant
plus, qu'en bêchant on la découpe en plus
petits morceaux.
Lorfque la terre , effondrée & fuffifam-
ment rabaifïée , fera exad;ement applanie
fuivant les pentes naturelles du lieu , &
lorfque le terrain fera bien clos , il fera
temps de fonger à fa diflribution.
Une large porte pour l'entrée des voi-
tures , deux routes pour leurs pafl'ages qui
fe croiferont , & quatre carreaux , divilés
chacun en autant de chemins moins larges
de moitié que les premiers \ ces pièces
moyennes , découpées à leur tour en quatre
par des fentiers , donneront des commo-
dités , établiront de l'ordre , & laiflèront
par-tout circuler l'air au profit des jeunes
élevés. Qu'on plante fur les chemins prin-
cipaux des poiriers & des pommiers en
plein vent , des pruniers & des cerifiers
au bord des chemins de la féconde lar-
geur ; différens fruitiers en quenouilles oa
en buidbns le long des fentiers , y ren-
droient la promenade charmante. Tapiflez
les allées d'une belle herbe , bordez -les
de rofiers , terminez-les par des berceaux ,
vous aurez joint l'agréable à Tutile , comme
la nature les joint toujours ; & qu'efi-ce
qui vous empêchcroit même de tracer vos
pépinières fur un deflïn plus élégant ; par
exemple , de les percer en étoile avec une
ceinture qui en couperoit tous les triangles
circulaircment ?
Lorfque vous aurez tiré des pepini-res
établies, en différens endroits de» votre
terre , ce qu'il falloir d'arbres pour la
planter , il vous fera facile de les convertir
en autant de bois 3 vous n'aurez qu'à choifii
Lïi
2^8 P E P
dans chaque carreau un certain nombre
des plus beaux fujets pour les laifler s'é-
lever ; recoupez les autres fur pie pour
former le taillis j arrachez les plus rameux
ôc les replantez derrière les arbres des
allées en lifîeres foumifes au croiflant ; &
fî ces pépinières , comme nous l'avons
confeillé d'abord , le trouvent établies dans
des terres en friche , couvertes de landes,
ou de peu de valeur pour les grains , vous
aurez créé , par les bois qui leur fuccé-
deront , fans avoir à regretter un meilleur
emploi , des revenus qui deviendront im-
portans , confîdérés dans leur enfemble ,
en même temps que vous aurez embelli
& varié la perfpedbive champêtre , que ces
différentes malles de verdure , élevées
d'efpace en efpace , couperont agréa-
blement.
Le temps de tranfplantcr les jeunes
fujets des femis dans la pépinière , Tâge
qu'ils doivent avoir , les diftances qu^'il
faut leur donner , fe trouvent dans les
articles des efpeces au mot Plantation.
On verra combien ces circonftances dé-
pendent du naturel de chaque arbre , &
que Ton feroit des fautes fans nombre ,
û l'on vouloir fuivre à cet égard une règle
commune. Nous dirons feulement ici qu'il
eft eflentiel de planter les differens genres
de fauvageons fruitiers par petites maflès ,
interrompues par des maffes d'arbres dif-
férens : on greffera tous les individus de
chacune d'une même efpece •, & c'eft un
des principaux moyens de prévenir la con-
fufion.
L'année qui fuît la plantation de \z pépi-
nière y contentez - vous de faire houer
toutes les fois que l'exigera le progrès des
mauvaifes herbes ;la bêche , à moins qu'elle
ne fut maniée avec une extrême dexté-
rité , feroit nuifible au plant nouveau qui
n'eft point affermi ; elle couperoit Ces
racines encore tendres & rares , & le
remertroit dans l'état où il étoit lorfqu'on
Ta confié à la terre , fî même elle n'en
failbit périr une partie. Dès la féconde
année , fans préjudice aux façons à la houe,
deux labours , fa voir, un*en mars^ & l'autre
en novembre , deviendront utiles ; mais
il cciiviendra que le fer des bêches foit
jCQurt , & ^u'if n'approche pas de trop près
PE P
le pie des jeunes arbres. Plus ils prendront
de force , plus avant aufîi il faudra bêcher ;
& alors , loin de craindre d'approcher de
leurs pies , il fera bon de foulever & de
retourner la terre à l'entour : mais il efl
des arbuftes à racines délicates ; il eft des
arbres , comme la plupart des arbres réiî-
ncux , qui ne veulent être que houés ,
& dont la bêche retarderoit infiniment les
progrès , ainii que l'expérience nous l'a
appris. Voye:{_ les mots Pin , Sapin ,
Meleze j ùc.
L'effondrement &; les différentes façons
à donner aux pépinières , fe marchandent
à la perche ou à l'arpent , avec des ma-
nouvriers. Dans la plupart de nos pro-
vinces , ces fortes d'ouvrages ne font qu'à
trop bon compte , par le nombre prodi-
gieux & la mifere extrême de ces hommes ,
auxquels c'eft un faint devoir de pro-
curer du travail , d'en régler le prix fur
leurs bcfoins , & , pour le dire en paflant ,
fur le prix actuel du blé.
De quelque efpece que foit le jeune
plant 5 que la ferpette le refpedte la pre-
mière année * vous pourriez cauper tel
bourgeon qui devoir décider du dévelop-
pement d'une racine. A l'égard des arbres
réfineux , le fer ne doit pas les approcher
tant qu'ils font en pépinière ; mais dès la
féconde année , les fruitiers fauvageons en
attendent quelques fecours .- élaguez- les du
bas dans le mois de juin ; par ce moyen ,
vous donnez plus d'elîbr à la féconde fève qui
va le mettre en mouvement , & dont vous
attendez le fuccès des greffes \ vous pré-
parez un jeu libre à la main , une place
nette aux écuffons 5 & pour la mi- juillet ,
où vous commencerez de les pofer , fcs
bourrelets boifeux auront déjà ferme les
bords des bleffures au m.ois d'avril fuivanr.
Vous grefferez en ente les fujets où l'é-
cufîon aura manqué , à l'exception de ceux
d'entre les premiers , deftinés à porter des
pêches , qui fe trouveront dans le même
cas : vous vous contenterez de les recou-
per à deux ou trois pouces de terre , afin
de leur faire pouffer un jet droit , dont
la vigueur garantira la reprife des écufïbns
que vous y devez inférer au mois de juiliec
de cette ttoifleme année» Foje^ le mQt
GREffZi,
P E P
Ceft ici le lieu d'infifter fur toutes les
précautions à prendre pour ne pas con-
fondre les efpecesi & voici les principales
après celles donc nous avons déjà parlé.
Ne coupez vos greffes que fur des arbres
dont vous avez vu les fruits , & ne portez
à la fois que deux paquets bien étiquetés
defpeces différentes j ne confiez le foin
de grelfer qu'à des mains fûres ; marquez
exaètement fur un regiftre en règle , les
noms des efpeces avec lefquelles vous
aurez greffé telles rangées ou telles maflès ;
ayez foin fur-tout d'y déligner clairement
la place qu'elles occupent dans Pordre de
la pépinière.
Les jets provenus àcs greffes , doivent
être traités luivant leur deftination. Qu'on
veuille en former des buiflbns & des éven-
tails î on les pince au quatrième ou au
fixieme bouton \ des demi-tiges ? on les
coupe la féconde année à quatre pies &
demi de terre : veut-on les élever en plein
vent ? il faut les foutenir dès leur naif-
fance contre des échalas bien droits. Les
premières années on fe contentera de
retailler en chicots les branches irrégu-
lieres ou vagabondes , de recouper par la
moitié les branches latérales trop fortes ,
& de retrancher celles qui affameroient la
flèche , attendant pour déshabiller la tige ,
qu'elle ait pris une grofîeur convenable &
de juftes proportions.
Pour ce qui concerne les arbres foreftiers
& d'alignement , il faut , les premières
années , laifl'er jaillir librement leurs bran-
ches de tous côtés , fe réfoudre à ne les
voir que fous la forme de buiiïbns , en
un mot , les abandonner prefque entière-
ment à la nature. Ayez feulement ibin de
redrefler ceux qui fe tourmentent ou qui
s'inclinent , & qu'ils foient tous furmontés
d'une flèche droite & diftinéte , que vous
guiderez , s'il eft nécefl'aire , le long d'une
baguette liée contre le haut de la tige.
L'année qui précédera leur transplantation ,
vous commencerez feulement à les élaguer
du pié ; ce n'eft qu'au mois de juin d'avant
l'automne où vous devez les arracher ,
que vous dépouillerez le refte de la partie
de leur tige qui doit être nue. Ceft par
ce moyen feul que vous formerez des
2^9
braveront les
carreaux
z égale .
arbres fermes fur leur bafe , qui porteront | s'attachera déformais à établit des pépi-
P E P
fièrement leurs cimes , &
coups de vent.
Rarement les arbres de vos
feront-ils d'une croiflance aflè
pour que vous les puiflez faire arr.':cher
tous à la fois : lors donc que vous aucez
enlevé les plus forts , il faudra les rem-
placer ; mais que ce remplacement |p fe
fafle qu'avec des brins allez gros & grands ,
pour qu'ils ne luivent pas de trop loin .les
progrès des arbres qui demeurent. Pour
cet effet , vous les tirerez d'un femis an-
cien que vous avez éclairci & lai fié fè
fortifier dans cette vue. Afin d'affurer leur
reprife , d'autant plus importante , que s'ils
périfîbient , de nouveaux brins remplacés
pour une féconde fois fe trouveroient trop
arriérés ; plantez- les avec des précautions
particulières , & rapportez même à leur
pié une bonne quantité de terre fubftan-
tielle & graffe.
Soit que vos carreaux aient été dégarnis
fuccçffivement , foit qu'ils aient été vuidés
à la fois 9 fi vous les voulez replanter ,
il eft nécefl'aire d'y rétablir la terre épui-
lée : faites- les labourer de la profondeur
de deux fers de bêche , & les applanifTèz
exadbement } alors vous y ferez .répandre
des engrais : mais le fumier eft celui dont
vous devez le moins vous fervir ; il rend
les arbres trop difficiles fur les alimens ,
& attire les vers qui rongent leurs racines.
Les marnes , les terres des chemins , des
mares , des pâtis , des bords des haies ,
les pailles , les feuilles , les cendres , ^c.
fans avoir les mêmes inconvéniens , feront
fur la végétation des effets à - peu - près
femblables.
Nous venons de voir par une heureufe
fermentation tous les efprits fe porter
avec chaleur vers tous les arts nourriciers
de premier befoin : les plantations n'ont
pas été oubliées , on en a fur-tout beau-
coup parlé , & il n'eft guère de perfonnes
qui , fuivant le torrent de la mode , n'aient
planté au m.oins quelques peupliers d'Italie,
dont la prompte végétation flattoit l'efpric
de jouiffance perfonnelle qui caradiérifè le
fiecle. On eft déjà dégoûté de cet arbre ;
il n'a pu foutenir la réputation prodigieufe
qui l'a devancé , & il faut efpérer qu'on
270 P £ P
nieras d'arbres plus uciles , & alTez divers
dans leurs efpeces &: dans leurs appétits ,
pour s'accommoder de difïerens terrains.
Les pépinières royales doivent encourager
& multiplier les plant.itions ; mais il s'en
faut bien qu'on ait retiré de cet écablil-
fèmenc tous les avantages qu'on étoit en
àfàit d'en attendre. Que font - elles en
effet , qu'un pur objet de fade ? Qu'en
cjre-t-on , que des arbres qui , étalés fur les
cliaufiTées &c les remparts , en peuvent
impofer au voyageur , tandis qu'il trou-
veroit nu l'intérieur de nos terres , s'il
vouloir .y pénétrer ? On y élevé des arbres
de pur agrément , comme tilleuls , maron-
niers d'Inde , platanes , ùc. dont on fait
préfent aux plus imporcans perfonnages ;
ce qu'on y cultive d'arbres utiles eft donné
par milliers aux perfonnes les plus riches ,
èc quelquefois même hors des provinces :
ûinfi le bien va toujours fe déplaçant &
s'entallànt , fans jamais fe diftribuer & fe
répandre.
Je dois dire en deux mots comment les
pépinières royales deviendroient véritable-
ment utiles. Qu'on y cultive uniquement
les arbres dont le bois eft propre aux mé-
tiers & aux arts ; les maronniers francs ,
pour leurs fruits farineux ; les pommiers
6c poiriers à cidre , ceux dont le fruit eft
très-bon à cuire ou fécher ; les pruniers
d'altelîe , de roche-courbon , &c. dont le
fruit féché eft une excellente nourriture
pour le peuple : qu'on diftribue ces arbres
aux communautés des villages dans de juftes
.proportions ; qu'on entretienne & qu'on
inftrui(e dans ces pépinières , devenues
des écoles un peu plus importantes que
celles de deiîîn , un élevé pour chaque
arrondifl'emenr de trois ou quatre villages ;
qu'il en forte avec des marques honorables ,
& aille établir une pépinière commune
dans fon canton , où il profeftera l'art
d'élever , de planter & d'entretenir les
arbres j je vois fortir alors de cet établif-
fement tout le bien qu'on en peut attendre:
je ne m'amuferai pas à le démontrer. Il
eft des chofes qu'il faut fentir , & il eft
inutile de convaincre ceux qu'on ne peut
perfuader ; d'ailleurs , fi je m'érendois
davantage , je ferois peut-être tenté de
m'élever contre l'efprit qui a préfidé à nos
P E P
meilleurs établiftèmens , qui a tourné
tout leur fruit au profit de l'orgueil ,
de l'avidité & de l'opulence , & achevé
de dellécher le peu de canaux qui
alloient encore fuftenter la çlafle aftxeu'
iement nombreuiè des indigens qui re-
crute annuellement celle des pauvres y qui
eft elle .- même recrutée par les ailes des
derniers rangs. ( M. U Baron DE
TSCHOUDI. )
PÉPITES , f. f. ( Hijl. nat. Minéral. )
en efpagnol pépitas. Ce font des malles
d'or vierge , que l'on trouve dans quelques
mines du Chily , du Potofi , & du Pérou ,
mais particulièrement dans les lavaderos ,
ou dans certaines couches de terre de ce
premier royaume. Il eft allez ordinaire
de voir des pépites de 4 , de <j , de 8 ,
& dé 1 0 marcs j les plus groflès dont les
Efpagnols confervent la mémoire , font les
deux qui furent trouvées dans un lavadero
de la province de Guiane , près de Limaj
l'une étoit de 64 marcs , l'autre de 45.
Cette dernière avoir cela de fingulier ,
qu'on y trouvoit de l'or de trois titres
dift^érens ; il y en avoir de 1 1 , de 18 , 6c
de 21 carats. Foye^ Or.
PEPLUS minor , fubft. m. ( Botan.)
efpece de tithymale , nommée par Tour-
nefort , tithymalus arjiuus folio rotundiore
acuminato ; en effet , fes feuilles font
prefque rondes , un peu pointues: fes fleurs
(ont des godets découpés en plufîeurs quar-
tiers ; il leur fuccede , quand elles font
tombées , de petits fruits liflès , relevés
de trois coins ^ & divifés en trois cellules
remplies chacune d'une fèmence oblongue :
fa racine eft menue , fîbrée. Toute la
plante jette du lait quand on la rompt ,
& ce lait eft un fi violent purgatif, qu'on
ne l'emploie qu'extérieurement pour faire
tomber les verrues. {D. J.)
Peplus , f. m. ( Antiq. rom. ) TiTrKot ,
habit de femme ou de déeftè. Manteau
léger , fans manches , brodé ou broché d'or
ou de pourpre , attaché avec des agraffes
fur l'épaule ou fur le bras.
Voilà l'habillement dont on paroic
anciennement les ftatues , ou autres repré-
fentations des dieux & des déefï'es. C'efl
pour cela qu'Homère donne l'épithete
de divin au peplus de Vénus , & dil
PE P
que les grâces Tavoient fait de leurs pro-
pres doigts.
On voie dans les monumens anciens ,
que les pepli s'actachoient par des agrafTes ,
per fibulûs , tantôt lur repaule droite ,
tantôt fur la gauche , quelquefois fur les
deux épaules , ôc fouvent au deOous des
mamelles fur le bras droit ; d où il paroit
qu'Euftathe n'a pas allez confulté les
antiques , quand il prétend que le peplus
couvroit toujours le coté gauche , & que
fes deux ailes , comme il le nomme , du
devant & du derrière , ne s'*attachoient
enfemble que du côté droit.
Le nom de voile fut donne à tous les
pepli confacrés aux divinités céleftes j
témoin ce que dit Virgile du fameux
peplus de Minerve à Athènes , taie dece
vélum folemni in tempore portant ; aufîl
dans Porphyre , le ciel eft appelle /jep/o^ ,
comme le voile des dieux.
Ces pepli n'étoient pas toujours traî-
nans , maisquelquefoisretrouflés, oumême
attachés par des ceintures. -Ils laiflôient
communément une partie du corps nu &:
à découvert , comme chez les Lacédémo-
niens , qui les attachoient par des agrafTes
fur les deux épaules. AulTî quand Homère
dit de Minerve , qu'elle fe développa de fon
peplus pour endotrer le liarnois , ce pocte
par ces paroles nous la repréfente toute
nue ; ce qui n'ctoit pas une choie nou-
velle à cet'ce déefle , puifqu^il en coûta la
vue à Tyréiias.
Après tout , les pepli n'ont pas feulement
éxé donnés aux femmes' &c aux déciles >
mais aufïi aux dieux & aux hommes 5
c'eft cft qu^on peut recueillir des monumens
anciens qui nous relient , indépendamment
du témoignage d'Efchyle , de Théocrite ,
& autres. Dans Sophocle , le manteau
fatal que Déjanire envoie à Hercule , y
ç^ft fouvent appelle du nom de peplos ; &c
Euftathius qui en fait la remarqiae , cite
ejicore à ce fujet Eur^'pide. Eichyle parle
des pepli du roi de Perfe , de Xénaphon,
de ceux de l'arménien- Tigranes. Synéfius,
appelle du nom de peplos , la robe triom-
phale des Romains. Je ne àiïs,ùi:nÂyJipe0os
des époux 6c des époufes.
Du relie , nous lavons que. ces pepli
«loioîl. d'QJtdiiiâirc: blaucs. On. ie5. faifoit.
PEP ^Jl
dans l'orient de byflus , & ils formoient
une étofte très-légère. Il faut encore
ajouter qu'on les faifoit de diverfes cou-
leurs , verficclores ; de forte que dans
Momere , la mère d'Hedor cherche
d'offrir à Minerve celui qui fe trouveroic
être le plus grand & le plus bigarré :
c'eft auiïl ce que fait Hélène à 1 égard
de Tékmaque , dans l'Odylîee, Delà vient
qu'Elchyle déligne un peplus' , par le mot
de lo'utK^A , à caufe de la bigarrure , variis-
liciis tecius ; mais indépendamment de la
couleur, \t peplus étoit d'ordinaire brodé ,
frangé , & tillu d'or , & de pourpre. Tels,
croient fur- tout ces pepli bar bar ici , dont
parle Efchyle , & qu'il repréfente fort dif-
férens de. ceux qui étaient ufitésen Grèce ,
pepli dorici.
Enfin , le mot de p:plus lignifie quel-
quefois un drap miortuaire ; mais alors ils
etoient très-limp!es , & fans bigarrure , du
moins chez les Grecs ; Efchyle , dans fon
Agamemnon , dit que le peplus dont
Patrocle fat enveloppé , étoit limple , fans,
bigarrure j au lieu que quand il parle des.
fuiiérailles d'Hedor , il lui donne un
peplus ou drap mortuaire teint de pour-
pre j ainli qu'il pouvoir convenir à m\
barbare , à l'égard des Grecs. Tous ces faits
font juftifiés par une infinité de palfages;
qu'il eut été trop long de citer ici.
Acéfée , fam^eux brodeur de Patare en
Lycie , fut celui qui fit pour la Pallas des.
Athéniens le voile facré , que les Grecs>
nommoient peplone. C'étoit un homme
admirable en fon genre. Minerve elle-
même avoit donné à fès mains une grâce,
divine. (£>./.)
Peplus de Minerve , ( Litt. ) Life^
ce qu'on a dit au moi Peplits,) j'ajou-
terai feulement que le peplus de Minerve-
étoit une robe blanche fans manche , &
toute brochée d'or , fur laquelle on voyoit
reprélentées les grandes adionsde la déelTe,
de Jupiter , Se des héros. On porroit ce-
peplus dans les procellions des grandes
panathénées , qui fe fiifoient tous les cinq;^
ans ; ou plutôt on tranfportoit ce voile;
, célèbre fur un vaifieau le fong du Cérami-
(que , jufqu'au temple de Cérès , d'où orb
le ramenoit aulîî-tôt , pour le conferveir
dans, la citadelle. Les: dames romaines;
172 P E P
imitèrent Pufage d'Athènes , en offrant
tous les cinq ans en grande pompe une
robe magnifique à Minerve. {D. J.)
PEPO , r. m. ( Hijî. nat. Bot. ) genre
de plante , auquel on a donné le nom de
citrouille , & dont les fleurs (ont campa-
niFormes , ouvertes , & profondément
découpées. Il y a deux fortes de fleurs
fur cette plante : les unes n'ont point
d'embryon , & font ftériles ; les autres
font fécondes , & placées fur un embryon ,
qui devient dans la fuite un fruit oblong
ou rond , charnu , creux dans fon intérieur ,
ôc couvert quelquefois d'une écorce dure ,
& remplie de tubercules. Ce fruit fe divife
fbuvent en trois parties , ôc renferme des
femences applaties , entourées d'une efpece
d'anneau , & attachées à un placenta
fpongieux. Tournefort , injîitut. rei herb.
Voye-^ Plante.
PEPSIE , pepjis , terme de Médecine ,
qui fignifie la coclion ou digejlion des
viandes ou des humeurs du corps. VoycT^
CocTioN ù Digestion. Ce mot eft
grec , -Tri-iif , qui fignifie bouillonnement.
P E P T I Q U E. , terme de Médecine.
Koje:^ PÉpastique.
P E P U Z A , ( Géogr. anc. ) ville de
Phrygie. Elle donna fon nom aux héré-
tiques , appelles Pépu^iens. Ces hérétiques ,
dit faint Epiphane , T/ieref. XL VIII ,
fecl. xiv , avoient une grande vénération
pour un certain lieu de Phrygie , où fut
bâtie autrefois la ville de Pepu^a. Elle
étoit entièrement détruite du temps de
faint Epiphane. La notice d'Hiérocles
attribue cette ville à la Phrygie capa-
tiané , 6c lui donne le dix-huitieme rang.
{D.J.)
PEPUZIENS , f. m. pi. {WJI. eccléf. )
ancienne fedte d'hérétiques , autrement
appelles Phrygiens ou Cataphryges. Voy.
Cataphryges. Ils prirent le nom de
PépuT^ens , parce qu'ils prétendoient que
Jefus-Chrift étoit apparu à une de leurs
prophète flès dans la ville de Pepuza en
Phrygie , qui étoit pour eux la cité fainte.
Ils attribuoient aux femmes les fondions du
facerdoce , & enfeignoient les mêmes
erreurs que les Montaniftes dans le on-
zième fîecle. Fbje:j_ Montanistes.
PEQUÉA , ( Bifi. nat. Bot. ) arbre
P £ Q^
qui fe trouve dans le Brefil , & qui efi: de
deux efpcces : la première produit un
fruit femblible à l'orange , mais dont la
peau eft plus épaifle , &: dont le jus eft
doux comme du miel j la féconde efpece
paflè pour fournir le bois le plus dur , &
incorruptible. Les Portugais le nomment
fétis.
PÉQUIGNY , ( Géog. mod. ) petite
ville , ou , pour mieux dire , bourg de
France , dans la Picardie , fur la rive
gauche de la Somme , à trois lieues au
dçfibus d'Amiens. Il eft remarquable par
lentrevue de Louis XI , roi de France ,
& d'Edouard , roi d'Angleterre , fur un
pont qui fut fait exprès. Long. ig. jj.
lat. 4S. ^8.
Péquigny ( Bernardin de ) , prit , comme
on voit , le nom de cette petite ville , oii
il naquit en 16^2 , & fe fit capucin. Il
mourut à Paris en 1709 , après avoir
donné une expofition latine des Epîtres de
S. Paul , imprimée à Paris , en 1705 , in-fof,
&enfrançois , en 1714. Il fit en françois
un petit abrégé de fon ouvrage , qui eft
eftimé.
Cette ville eft remarquable par un camp
de Céfar fur le fommet d'une éminence
qui commande tous les lieux d'alentour ,
à une petite demi-lieue dé ce bourg. Au
pie , la Somme , • deux grandes prairies à
deux de fes côtés , en face une campagne
fertile , pouvoient fournir ce qui étoit
nécefïàire à un camp. Il étoit de figure
triangulaire, long de 4yotoifes , & large
de 3JO. On fait que Céfar féjourna long-
temps à Amiens , qu'il en fit fà place
d'armes, qu'il y afTcmbla les états de la
Gaule , & qu'il en avoit fait le centre de
routes les légions répandues dans les con-
trées voifines. Il en avoit une chez les
Morins , une autre chez les Nerviews ,
une troifîemc chez les Effuens , une qua-
trième chez les Rémois ; mais il en établit
jufqu'à trois dans le Belgium feul ; pro-
vince qui s'étendoit depuis Arras jufqu'à
Beauvais , Amiens étant au centre. Or où
pouvoit-il en placer une partie plus com-
modément qu'au camp de Péquigny , dit
M. de Fontcnu dans un mémoire lu à
l'académie des infcriptions en 1755 » &
rapporté au tome XV y édiu in-îz, p. tz^ ?
* Le
P E R
Le pont de Péquigny , une des clefs de
TAmiénois & du Vimeux , efl renommé
dans i'hifloire par la fameufe entrevue de
Louis XI avec Edouard IV en 147^ ,
dont Philippe de Coraines nous a laifle
le détail. On a fouvent trouvé fur le
terrain de ce camp des médailles romaines ;
c'eft delà que font venues la plupart des
belles médailles d'or de feu M. Houlon ,
chanoine d'Amiens , grand amateur d'an-
tiques : elles paflerent au cabinet de M. le
préfident de Maifons , & après fâ mort
dans celui de M. Duvau.
Le fonds du camp de Céfar, en terres
labourables , appartient au chapitre de
S. Martin, de Péquigny , fondé en 1066
par Euftache de Péquigny , & par (t^
deux frères Jean & Hubert. Le titre ori-
ginal les appelle Princoniipares. Les biens
de cette ancienne & illufîre maifon étant
tombés dans celle d'Ailli , au xiv^fiecle,
font depuis fondus , fous le règne de
Louis XIII , dans la maifon d'Albert , en
la perfbnne d'Honoré d'Albert , duc de
Chaulnes , maréchal de France , frère du
fameux duc de Luynes.
Les barons de Péquigny , comme vidâ-
mes nés de l'églife d'Amiens , c'eft-à-dire
comme Çqs avoués ou défcnfeurs , ont
voulu relever , depuis plus de mille ans , du
bras de S. Firmin y martyr , & fe font
déclarés vaflaux de l'évêque d'Amiens. (C)
PÉRAGRATION, f. f. {Comput.)
On appelle mois de péragration , ou mois
périodique , le temps que la lune eil à
parcourir tout le zodiaque , & à revenir
au même point d'où elle étoit partie. Ce
temps efl de fept "jours , fept heures , &
43 minutes. Ce mot vient du latin pera-
gratio y qui lignifie aciion de parcourir.
La lune a un autre mois , qu'on appelle
fynodique , ou de conjonction y qui ell de
29 jours & demi ; c'eft le temps qu'elle
eft entre la conjondion avec le foleil ,
jufqu'à ce qu'elle foit revenue à la même
conjondion. ( £>. /. )
PÉRAGU , f. m. {Hifl. nat. Bot. exot.)
arbriflèau du Malabar : fa racine infufée
dans du petit-lait acidulé , eft eftimé pour
la lienterie , la colique , & les tranchées
qui proviennent d'inflammation ; fa poudre
répandue lur les puflules , les delleche ;
Tome XXV^
P E R 173
le (ne des feuilles pris intérieurement ,
chafTe les vers des inteflins. {D. /. )
PERAMBULATION^'^/2f/or//;
( Jurifp. ) fignifie en Angleterre l'arpen-
tage ou la vifite d'une forêt , & de fes
hmites , faite par des officiers de juftice ;
ou par d'autres nommes pour cet efïèt ,
afin de déterminer les bornes de la forêt y
& de fixer ce qui y efl compris , ou ce
qui n'y efl pas compris. Voye-{ PUR-LIEU
& Forêt.
En général , le terme de perambuladon
chez les Anglois , efl fynonyme à ce que
nous appellerions defcente fur les lieux ,
faite à l'eflet d'en déterminer l'étendue ,
& d'en fixer les limites. Et en effet , on
pratique la pérambuhtion en matière de
bornage , aufli-bien qu'en matière de pur-
lieu. Voyei Bornage.
PERCALLE, f. f. {Comm. des Indes.)
Les percalles font des toiles de coton
blanches , plus fines que grofîès , qui vien-
nent des Indes orientales, particuhérement
de Pondichery. Les percalles portent fept
aunes & un quart de long , fur une aune
& un huit de large.
PERCE. Voyei LoCHE.
Perce, f. f. {Luth.) outil dont les
faâeurs de mufettes fe fervent pour per-
forer \ts chalumeaux. Cet inflrument efl
compofé d'une longue tige d'acier cylin-
drique , emmanchée par une de fes extré-
mités dans une poignée , comme une lime ;
à l'autre extrémité efl une mèche femblable
à celle de bedouets. Voy. Bedouet.
PercE-A-MAIN , outil dont les fadeurs
de mufettes fe fervent pour percer \ts trous
qui forment les difFérens toas de cet in(-
trument. Voye^ Part. Perce.
Cet outil ne diffère de la perce , qu'en
ce que fa tige & fa mèche font beaucoup
plus courtes.
PERCE-BOURboN , efl un outil dont
les fadeurs de mufettes fe lèrvent pour
percer les trous des bourdons. C'eft une
efpece de foret emmanché comme une
lime , que l'on appuie contre l'en :roit du
bourdon où l'on veut faire un trou , pen-
dant que la pièce d'ivoire dont le bourdan
efl fait , tourne iur le tour à lunette Foy.
Tour a lunette & Tour entre
DEUX peintes.
Mm
274 P E R
PERCE-FEUILLE, f. f. {ITiJi. nat.
Bot. ) Ce genre de plante eft nommé
hupleuron par Tournefort. Il y en a deux
cipeces principales, la perce-feuille vivace
& la perce-feuille annuellf. La perce-feuille
vii'dce ^ nommée par le vulgaire oreille-
de-liepre y en anglois the hare''s-ear , efl
le bupleuron vulgatiffimum ^ feu folio fub-
rotundo, I. R. H. 309.
Sa racine eil petite, ridée, verdâtre ,
fibrée , d'un goût acre. Elle poulTe une
tige à la hauteur d'un; ou de deux pies ,
grêle , lifle , cannelée , noueufe , vuide
en dedans , rameufe,, de couleur quelque-
fois rcxigcârre ,, d'autrefois verte : fes
feuilles , fur-tout celles de la: tige , font
longuettes , étroites , fimples , nerveufes,,
& rangées alternativement ; lès fleurs
naiflent au fommet de la tige , & des
rameaux en ombelles , de couleur jaune ,
femblables à celles du fenouil-;, chacune
d'elles cil compofée de plufieurs pétales
difpofés en rolè. Quand les fleurs font
tombées , il leur lùccede de« femences
oblongues , alTez fén-iblables à celles du
perfil , cannelées, gfiles, d'un goût acre.
Cette plante croît abondamment aux lieux
montagneux , argileux , le long des haies ,
& parmi les brouflailles ; .elle fleurit en
juillet & août , & fa graine mûrit en
feptembre & odobre. Elle fçrt enméde-.
cine ; fes feuilles paflent pour dérerfives
& defficatives ; fa iemenca eft réputée
difculîive & apéritive.
La perce -feuille, annuelle y Bupleuron
perfoliatum , rotundi''foliU'm , aimuum ,
I. R. H. 310, ne diffère àz^ la précé-.
dente , qu'en ce qu'elle efl annuelle , &
fe multiplie de graine. On lui donne des
vertus affringenres. ( D. /.J
PERCE- MOUSSE , f. f.. {Hifl. nam.
Bot. ) efpece de capillaire , que Tourne-
fort nomme mufcus capillaceus y major y
pediculo Ù capitula craffiorihus y Î.R.H.
5^0. Sa racine elt longue , menue, flbrée.
Ses tiges font hautes de quatre à lix
pouces , garnies àts le bas jufqu'au milieu
des petites feuilles étroites , longuettes &
jaunâtres ; mais du milieu jufqu'au haut ,
ces tiges font nues & unies. Il naît à
leurs fommets une petite tête oblongue ,
pleine de fine pouiliere , qui tombe lorfque
P E R
cette tête penche , & qu'elle s'ouvre â la
manière de plufieurs autres efpeces dé
mouffes \ cette poufliere efl, félon toute
apparence , la graine ipêrae dé la plante,.
{D. J.)
PERCE-NEIGE , f. f. narciffo-leucoium^
{Hifl.Mdt, Bot,) genre de plante à fleur
liliacée-.> compofée de fix pétales , tantôt
égaux & tantôt inégaux ,, & difpofés en,
forme de cloche fuf pendue. Le calice dé
cette fleur dévient dans la fiaite un fruit
arrondi & divifé en trois loges , qui
renferme des femences'deiâ;ip.ême forme,
que le fruit. . Ajoutez aux caraâeres de ce,
genre,. que la racine ef^ bulbeyfe- Tour-.,
nefort, înft. relkçrb,, ^oy. PLANTE.
Perce-neigEj, {Mat. med.) L'oignon^
perce-neige, efl un émétique doux , . dontr
la v^rtu fut découverte par hazard, félon,
robfervation du D. , Michel Valentin ^,
rapportée dans les Èphe'mérides d'Allema^.
.gne y aimc'fi. l'jxj--, pag. 2.56'. .L'obfer--
vateur rapporte qu'une, payfanne ayant -
vendu des oignons, de p€rc<-«e/g-een guife.
de ciboulette , toutes les perfonnes qui >
en mangèrent furent furprilès de vomi!-,
femens , qui: n'eurent ; aucunes fuites itr^
cheufès. ( 3 )
, PERCÉ-OREILLE, OREILLERE ,^
forficula auricularia,- ( Hiji. nat. Infect. ) j
infe^le que- M. Linnasus a mis dans la.^
-claffe des coléoptères. Cet auteur en
difli.ngue deux- efpeces. La première fe..
trouv-e dans les terres enfemerjcées : cet,
infede eil alongé , il a deux longues
antennes,, compofées chacune de treize
OU; q.uat<3rze. anneaux ;; le ccrcelet efî-
applati , tronqué pardèyant, &, arrondi
par derrière; le milieu efl noir, & le -
refl& a une couleur plus pâle. Les élytres
fontrd*un roux- pâle ; les ailes s'étendent
au delà des élytres, & ont â leur extré-^-
miié une tache blanche ovoïde y le ventre
a une. couleur rouffâtre; la queue cH.
fourchue; elle a deux fortes de pointes-
crochues & de fubf^ance de corne, qui
fe touchent par l'extrémité. On a donné
le nom dé perce- oreille & d'oreillere à
cet infede , parce qu'on prétend qu'il
cherche à entrer dans les oreilles des
perfonnes qui s'endorment fur la terre.
Le pcrc^^oreflle de la féconde efpece
P E R
Ce ffouve dans les fumiers ; il eft plus petit
de moitié que le précédent ; il en diffère
principalement en ce qu'il efl d'un brun
châtain , & qu'il n'a que dix anneaux dans
chaque antenne. Linnjei faun. fucc. infeci.
an. 2746. Fby. Insecte.
PERCE-PIERRE, f. f. {Hifi. namr.
Bot. } plante nommée percepier anglorum
par J. B. 3. 74. Ger. Emac. 1594- Raii ,
hifi. I. 209. fynopf. Boerh. Ind. Alt. 2.
93. mais par Tournefort , alchlmilla
montana y mini ma ^ I. R. H. 508. C'eft,
félon lui , une efpece à'alchimilk ou de
pié-de-lion.
C'eft une petite plante bafîè, ordinai-
rement rampante , dont la racine eft
fibreufe , & qui pouflê plufieurs tiges à
la hauteur de la main , rondes , velues , &
revêtues de petites feuilles difpofées alter-
nativement , à l'endroit des nœuds un
peu cotonneufes , & découpées en trois
parties. Il fort de leurs aifTelles de petites
fleurs à étamines , dilpoiees en grappes ;\
cinq pétales ; elles font foutenues par un
calice divife en quatre parties. Quand la
fîeur eft tombée , il lui fuccede de petites
(émences rondes , enfermées feparémcnt
dans des capfules fermées par le calice.
Cette plante croît dans des lieux arides , &
dans les terres en friche : elle palTe pour être
diurétique. { D.J.)
Perce-pierre ouFenouil marin,
( Diet. & Mat. mcd. ) Cette plante a un
.goût vif & aromatique fort agréable , qui
la fait employer à titre d'aflaifonnemcnt ,
flir-touf pour les marinades. Les huîtres
tïiarinées de Dieppe & àt^ côtes voiiines,
doivent en partie à cette plante l'agrément
de leur aftaifonnement. La perce-pierre ,
confite au vinaigre , qu'on apporte à Paris
de Boulogne , efl fort bonne en falade ,
fbit feule , foit employée , comme four-
niture , avec la laitue , & les autres plantes
purement aqueufès. Elle. réveille l'appétit,
aide à la digeftion , (^c.
Cette plante eil fort rarement employée
à titre de remède : cependant on lui attri-
bue les qualités apéritive , diurétique , em-
ménagogue , & même la lythontriptique. Il
eft très-vraifembiable qu'elle poflede en effet
les premières : quant à la dernière , elle
n'en doit évidemment la réputation , comme
P E R 17J
les faxîfrages , qu'à je ne fais quelle in-
duction tirée on ne peut pas plus gratuite-
ment , du fol pierreux où croît naturelle-
ment cette plante. (3)
Perce -PIERRE , f. m. alauda non
criflata , ( Hifi. nat. Icht. ) poiffon de
mer lilTe & Çiihs écailles ; on lui a donné le
nom de perce-pierre y parce qu'il vit dans
des trous de rochers : il diffère de la co-
quillade en ce qu'il n'a point de protubé-
rance fur la tête en forme de crête , ce
qui lui a fait donner le nom à^ alauda non
crifiata. Voye^ CoQUILLADE. Le perce*
pierre a la tête petite & ronde ; les dents de
la mâchoire fupérieure fè trouvent entre
celles de la mâchoire inférieure quand la
bouche efl fermée. Les yeux & l'ouver-
ture de la bouche font petits. Ce poif-
ibn a quatre petites nageoires près des
ouies , deux de chaque côté ; une fur le
dos , qui s'étend prefque depuis la tête jus-
qu'à la queue ; & une autre auprès de i'anus
qui s'étend auliî. jufqu'à la queue. Il vit de
petits poiiîbns-. Sa chair eft molle & de
mauvais goût. Rondelet , Hifi. hat. des
poijfons y part. ly lip. Vl y chap. Voy.
Poisson.
PERCÉ , adj. ( Arch. ) épithete qu'on
donne aux ouvertures qui diflribuent les
jours d'une façade. Ainfi on dit qu*un
pan de bois , un mur de face efl bien
percé y lorfque les vuides (ont bien pro-
portionnés aux folides. On dit aulli qu'une
églife , un veflibule , un falon efl bien
percé y lorfque la lumière y eft répandue
fuffifamment & également. On dit auffi
un percé y pour une ouverture artiflement
pratiquée , qui conduit la vue d'un lieu dans-
un autre. { D. J.)
Percé , en terme de blafon , fe dit
d'une pièce qui efl percée ; & qui fait voir
en elle une elpece de trou.
La forme de ce trou doit s'exprimef
dans le blafon : ainfi. une croix qui a un
trou quarré , ou qui efl percée au centre ,
fe blafonne au quarré percé ; ce qui vaut
mieux que de dire au quartier percé y
comme Leigh s'exprime. On dit en France,
percé en quarré : quand le trou efl rond ,
il faut dire , percé en rond. C'efl ce que
Gibbon nomme en latin perforata y à
cauiè que tous les trous faits avec des.
Mm 2
17^ P E R
perçoirs ou des tarières , font ronds. S^
le trou au centre efl en forme de lofange
on dit , percé en lofange.
Tout ce (\u\ e{{ percé , c'eft-à-dire , le
trou doit toujours être de la couleur du
champ ou dei'écu, parce qu'il efl naturel
que le trou d'une pièce laifle voir ce qui
eft deflbus : ainli quand on voit de ièm-
blables figures au centre d'une croix , qui
ne font pas delà couleur de l'écu , on ne
doit pas fuppofer que la croix Ibit percée y
mais que cette figure eft une autre pièce ;
on doit par conféquent l'exprimer en bla-
fonnant. Voye^ CrOIX , &c.
Bologne en Dauphiné, d'argent à une
patte d'ours en pal , percée en rond de
iix pièces, 3* 2-. i.
De Huchet de Cintré du Breuil, du
diocefe de Saint- Malo , en Bretagne y
d'aT^ur à fjx billettes percées d'argent.
De Bologne d'Alanfon , en Dauphiné ,
d'argent à la patte dours de fable en pal ,
les griffés en haut y cette patte percée de
Jix trous.
Les macles , \çs rufires & les molettes
font percées.
PERCEINTES, PRÉCEINTES,
CEINTES , f. f. {Marine.) Les perceintes
font des rebords, cordons ou pièces de
bois , qui régnent en dehors le long du
bordage d'un navire , & qui fervent à la
liaifon àts tillacs. Voy. CEINTES, PL /_,
fi-g. 2 ; les préceintes cotées 4 , ^fig. 2 ,•
lespréceinteT cotées O.Voy. auj/i FI. IV y
fig. I, 72«. 163, 164, 165 & 166 y les
première, féconde, troifieme & quatrième
perceintes. (Z)
PERCEMENT , f. m. {ArchiteB.) nom
général qu'on donne à toute ouverture
faite après coup pour la baie d'une porte
ou d'une croifée , ou pour quelque autre
fujet. Les percemens ne doivent pas fè faire
dans un mur mitoyen , fans y appeller les
voifins qui y font intérelTés. Sur quoi on
doit confulter les articles zoj Ù Z04- de
la coutume de Paris. Voye\ auffi MuR
MITOYEN. {D. /. )"
Percement, {Hifl. nat. Minéral.)
C'efî ainfi qu'on nomme dans les mines mé-
talliques , une galerie qui part du centre
d'une montagne ou d'une mine que l'on
exploite j &: qui delà va fe terminer en pente
P E R
à la furface de la terre ou dans un vallotî,^
Il fert à écouler les eaux , & l'on a recours
à ce moyen , qui eft fouvent fort coûteux ,
lorfque les eaux font fi abondantes que les
pompes ordinaires ne peuvent point fuffire
à les épuiler. On ne peut point toujours
former un percement ; cela n'efi pratica-
ble que lorfque la mine qu'on exploite efl
au delTus du niveau à^s plaines ou d'une
rivière. Voye\ l'article MiNES.
PERCEPTION , f. f. {Mécaphyfiq. )
La perception y ou l'imprefllon occafionée
dans l'ame par l'adion des fens , efè la
première opération de l'entendement :
l'idée en efï telle , qu'on ne peut l'ac-
quérir par aucun difcours ; la feule réflexion
fur ce que nous éprouvons quand nous
fommes afFeélés de quelque fenfation , peut
la fournir. Les objets agiroient inutilement
fur les fens , & l'ame n'en prendroit
jamais connoifTance , fi elle n'en avoit
pas la perception. Ainfi le premier & le
moindre degré de connoilîànce , c'efl d'ap-
percevoir.
Mais puifque la perception ne vient qu'à
la fuite des irapreffions qui fe font fur les
fens, il efl certain que ce premier degré
de connoifTance doit avoir plus ou moins
d'étendue , félon qu'on efl organilé pour
recevoir plus ou moins de fènlations dif-
férentes. Prenez des créatures qui foient
privées de la vue , d'autres qui le foient
de la vue & de l'ouie , & ainfi fuccefîî-
vement vous aurez bientôt des créatures
qui étant privées de tous les fens , ne rece-
vront aucune connoifTance. Suppofez au
contraire, s'il efl poflible , de nouveaux
fens dans àts hommes plus parfaits que
nous ne le fommes ; que de perceptions
nouvelles ! par conféquent , combien de
connoifTances à leur portée , auxquelles
nous ne faurions atteindre , & fur \tÇ-^
quelles même nous ne faurions former
des conjedures !
Nos recherches font quelquefois d'autant
plus difficiles , que leur objet efl plus fim-
ple ; les perceptions en font un exemple.
Quoi de plus facile en apparence que de
décider fi l'ame prend connoifl'ance de
toutes celles qu'elle éprouve? Faut-il autre
chofe que réfléchir fur foi -même? Pour
réfoudre cette queftion y que les philoib>»
P E R
phes ont embarraflee de difficultés y qui
certainement n'y ont pas été mifes par la
nature , nous remarquerons que , de l'aveu
de tout le monde , il y a dans l'ame des
perceptions qui n'y font pas à Ton infu. Or
ce fentiment qui lui en donne connoil-
fance , je l'appellerai confcience. Si , comme
le veut M. Locke , l'ame n'a point de
perception dont elle ne prenne connoif^
iance, en forte qu'il y ait contradidion
qu'une perception ne foit pas connue , la
perception & la confcience ne doivent être
prjfes que pour une feule & même opé-
ration. Si au contraire le fentiment oppofé
étoit le véritable , elles feroient deux
opérations diftindes ; & ce feroit à la
confcience , & non à la perception , que
commenceroit proprement notre connoil-
fance.
Entre plufieurs perceptions dont nous
avons en même temps confcience , il nous
arrive fouvent d'avoir plus confcience des
unes que des autres, ou d'être plus vive-
ment avertis de leur exiilence. Plus même
la confcience de quelques-unes augmente ,
plus celle des autres diminue. Que quel-
qu'un (bit dans un Ipedacle où une mul-
titude d'objets paroifTent fe difputer fes
regards , fon arae fera afTaillie de quantité
de perceptions , dont il efl: confiant qu'elle
prend connoifîànce : mais peu à peu quel-
ques - unes lui plairont & l'intérelTeront
davantage ; il s'y livrera donc plus volon-
tiers. Dès-là il commencera à être moins
afFedé par les autres. La confcience en
diminuera même inlenfiblement jufqu'au
point que, quand il reviendra à lui, il ne
fc fouviendra pas d'en avoir pris connoif-
fance. L'jUuiion qui fe fait au théâtre en
cft la preuve. Il y a des momens où la
confcience ne paroîf pas fe partager entre
l'adion qui fe palîe & le refle du fpec-
tacle. Il fembleroit d'abord que l'illufion
devroit être d'autant plus vive , qu'il y
auroit raoms d'objets capables de dillraire.
Cependant chacun a pu remarquer qu'on
n'eft jamais plus porté à le croire le feul té-
moin d'une fcene intéreflante , que quand
k lpe£tacle ell bien rempli.. C'efl peut-
être que le nombre , la variété & la ma-
gnificence des objets remuent les fens ,
échauffent , élèvent l'imagination , & par
P ER
^77
là nous rendent plus propres aux impre^
fions que le poète veut faire naître. Peut-
être encore que les fpedateurs fe portent
mutuellement , par l'exemple qu'ils fe don-
nent , à fixer la vue fur la fcene. Quoi
qu'il en foit , cette opération par laquelle
notre confcience par rapport à certaines
perceptions , augmente fi vivement, qu'elles
paroiffent les feules dont nous ayions pris ^
connoifîànce , je l'appelle attention. Ainfi
être attentif à une choiè, c'efl avoir plus
confcience des perceptions qu'elle fait naî-
tre , que de celles que d'autres produifent ,
en agiffànt comme elle fur nos lens ; & l'at-
tention a été d'autant plus grande , qu'on
fe louvient moins de ces dernières.
Je diflingue donc de deux fortes de per^
ceptions parmi celles dont nous avons conf-
cience ; les unes dont nous nous fouve-
nons au moins le moment fùivant , les
autres que nous oublions auflî - tôt que
nous les avons eues. Cette difiindion efl
fondée fur l'expérience que je viens d'ap-
porter. Quelqu'un qui sed livré à l'illufion ,
fp fouviendra fort bien de l'imprefCon qu'a
fait fur lui une fcene vive & touchante ;
mais il ne fe fouviendra pas toujours de
celle qu'il recevoit en même temps du refie
du fpedacle.
On pourroit ici prendre deux fentimens
différens de celui-ci. Le premier feroit de
dire , que l'ame n'a point éprouvé , comme
je le fuppofe , les perceptions que je lui
fais oubher fi promptement ; ce qu'on af^
faieroit d'expliquer par des raifons phy-
fiques. Il ef^ certain, diroit-on, que l'ame
n'a des perceptions qu'autant que l'adion
des objets fur les fens fe communique au
cerveau. Or on pourroit fuppofer les fibres
de celui-ci dans une fi grande contention
par l'impreffion qu'elles reçoivent de la
fcene qui caufe l'illufion , qu'elles réfifle-
roient à toute autre. D'où l'on concluroit
que l'ame n'a eu d'autres perceptions que
celles dont elle conferve le fouvenir.
Mais il n' efl pas vraifemblableque quand
nous donnons notre attention à un objet,
toutes les fibres du cerveau foient égale-
ment agitées; en forte qu'il n'en refie pas
beaucoup d'autres capables de recevoir
une ira. refîion différente. Il y a donc lieu
de pxéfumer qu'il fe paf]fe en nous des
17^ p E r;
perceptions dont nous ne nous {ôuvenons pas
le moment d'après que nous les avons eues.
Le fécond fentimenrferoit de dire qu'il ne
fe faic point d'imprefilon dans les fens qui
ne fe communique au cerveau , «Se ne pro-
duife par conféquent une perception dans
l'ame. , Mais on ajouteroit qu'elle efî fans
confcience , ou que l'ame n'en prend point
connoifTance. Mais il efî impoffible d'avoir
l'idée d'une pareille perception. J'aimerois
autant qu'on dît que j'apperçois (ans apper-
cevoir.
Je penfe donc que nous avons toujours
confcience des imprellions qui fe ïofk dans
l'ame , mais quelquefois d'une manière fi
légère , qu'un moment après nous ne nous
en fouvenons plus. Quelques exemples met-
tront ma penfée dans tout fon jour.
Qu'on réfléchiffe fur foi-même au fortir
d'une ledure, il femblera qu'on n'a eu
confcience que àts idées qu'elle a fait naî-
tre ; il ne paroîrra pas qu'on en ait eu da-
vantage de la perception de chaque lettre ,
que de celle des ténèbres , A chaque fois
qu'on baiiîe involontairement la paupicra.
Mais on ne fe laifTcra pas tromper par cette
apparence , fi l'on fait réflexion que fans
la confcience de la perception des lettres ,
on n'en auroit point eu de celle des mots ,
ni par conféquent des idées.
Cette expérience conduit naturellement
à rendre raiîbn d'une chofc dont chacun a
fait l'épreuve ; c'efl la vitefîc étonnante
avec laquelle le temps paroît quelquefois
s'être écoulé : cette apparence vient de ce
que nous avons oublié la plus confidérable
partie des perceptions qui fe font fuccédées
dans notre ame.
C'efl une errreur de croire que tandis
que nous fermons des milliers de fois \qs
yeux , nous ne prenions point connoiiïance
que nous fommes dans les ténèbres. Cette
erreur provient de ce que la perception des
ténèbres eft li prompte , li flibite , & la
confcience fi foible , qu'il ne nous en refle
aucun fouvenir. Mais que nous donnions
notre attention au mouvement de nos yeux,
cette même perception deviendra fi vive ,
que nAus ne douterons plus de l'avoir eue
Non feulement nous oublions ordinaire-
ment une partie de nos perceptions y mais
quelquefois nous lés oublions toutes ,
quand nous ne fixons point notre attend
tion , en forte que nous recevons \ts per»
ceptions qui fe produifent en nous , fanx
être plus avertis àts unes que des autres ;
la confcience en efi fi légère , que fi l'on
nous retire de cet état , nous ne nous
fouvenons pas d'en avoir éprouvé. Je
fuppofe qu'on me préfente un tableau fort
compofé , dont à la première vue les parties
ne me frappent pas plus vivement les unes
que les autres , & qu'on me l'enlevé avant
que j'aie eu le temps de le confidérer en
détail; il eil certain qu'il n'y a eu aucune
de {ts parties fenfiblcs qui n'ait produit en
moi àt?> perceptions ; mais la confcience
en a é^é ïi foible , que je ne puis m'en
fouvenir: cet oubli ne vient pas de leur
durée. Quand on fuppoferoit que j'ai eu
pendant long-temps les yeux attachés fur
ce tableau , pourvu qu'on ajoute que je
n'ai pas rendu tour-à-tour plus vive la
confcience des perceptions de chaque par-
tie , je ne ferai pas plus en état , au bout
de pluiieurs heures , d'en rendre compte ,
qu'au premier infîant.
Ce qui fe trouve vrai des perceptions
qu'occafione ce tableau , doit l'être par la
même raifon de celles que produifent les
objets qui m'environnent : fi agi (Tant fur
les fens avec àt^ forces prefque égales , ils
produifent en moi des perceptions toutes
à-peu-près dans un pareil degré de viva-
cité ; hi fi mon ame fe laiffe aller à leur
imprefiion , fans chercher à avoir plus
confcience d'une perception que d'une au-
tre , il ne me refîera aucun fouvenir de ce
qui s'efl paiTé en moi. Il me lemblera. que
mon ame a été pendant tout ce temps dans
une efpcce d'aflbupiiTement, où elle n'étoit
occupée d'aucune pen(ée. Que cet état
dure plufieurs heures, ou feulement quel-
ques fécondes , je n'en l'aurois remarquer la
différence dans la fjite des perceptions que
j'ai éprouvées , puifqu'elles font également
oubliées dans l'un &: l'autre cas. Si même
on le taifoit durer àts jours , des mois ,
ou des années , il arriveroit que , quand
on en fortiroit par quelque feniarion vive ,
on ne fe rappelleroit pluiieurs années que
comme un moment.
Concluons que nous ne pouvons tenir,
aucun compte du plus grand nombre de
P E R
nos perceptions ; non qu'elles aient éré fans
conlcicnce ', mais parce qu'elles font ou-*
bllëes un Inftant après. Il n'y en a donc
point dont l'ame ne prenne connoifîance.
Ainfi la perception & la confcience ne font
qu'une même opération fous deux noms :
en tant qu'on ne la confidere que comme
une^ impreffion dans, l'ame , on peut lui
conferver celui de perception ; en tant
qu'elle avertit l'ame de fa préfence , on peur
lui donner celui de confcience. Voy. VEf-
fai far l'origine des connoiffances humai-
nes y de qui ces réflexions font tirées.
Perception , (Gram.) fe dit encore
de la récolte ou recette des fruits d'un
bénéfice , & de la manière de raffembler
fes impôts affis lur le peuple.
PERCER , V. aa. ( Gramm. ) C'eft
pratiquer une ouverture. Il fe prend au
fimple &au figuré. On dit percer un mur,
percer la foule , /(frcfr les nuits , percer dsim
immonde, /î^rc^r un complot , &c.
Percer > ^n terme de boUtonnier y c'eft
f^ire quatre trous les uns après les autres
A l'endroit tracé par la marque , avec une
pointe montée fur une molette ou petite
roue tournée dans la poupée avec la grande
roue du rouet , au moyen de la corde ,
qui de l'une tombe fur l'autre.. Vqye^^
Pointes.
Percer V aiguille ^ terme d*epingliér;
c'èft former le trou d'une aiguille par le
moyen d'un petit poinçon d'acier bien
trempé , que l'on frappe avec un marteau
fur l'enclume de chaque, côté^ du. p^at de.
la tcte de l'aiguille. .
Percer,, en terme de^clomier , faifeur
d^ aiguille de chirurgien ; c'eft marquer, le.
t?ou de l'aiguille fans enlever la pièce..
Percer , ( Jardinage. ) fe dit des tra-
ces qu'on fait lur une couche pour y femer
des raves : on dit encore faire de beaux
perces , quand on ouvre des routes dans
lUje forêt , des allées dans un bois.
Percer une étoffe y {Lainage.) on le
dit des étoffes qui , à force d'être foujées ,
deviennent trop étroites ,&: perdent de la
largeur- ordonnée, par les réglerr.ens. .
Percer , en terme de potier ; . c' eu
faire des trous autour d'un réchaud & à fa
grille , pour donner de l'air au feu.
Percer , en terme de jaflneur y c'eft
P E R 279
l'aâion de faire légèrement un trou dans
la tête du pain avec un prime , pour don-
ner pafîâge au fyrop quiy defcend. V^oye\
Prime & Syrop.
Percer , terme de chaffe y fe dit &
d'une bête qui tire de long , & s'en va
fans s'arrêter, & du piqueur qui percf dans
le fort : le cerf a percé dans le bois , il
fait percer dans ce fort.
PERCEUR, f m. {Marine.) Les
perceurs font ceux dont le métier eft ds,
percer les navires pour les cheviller. Selon
l'ordonnance du roi de France de l'année-
1681 , une même perfonne peut exercer
les métiers de charpentier, de caifateur & .
àt perceur de vaiffeaux. .
Perceur , f. m, Ceft' un poinçon
dont le cloutier faifèur d'aiguilles courbes
fe fert pour marquer & commencer la
chaflè de fon aiguille; il ne diffère du
troqueur qu'en ce qu'il a. la pointe plus
épaifle.
PERCHANS, f m. ( Oifelier) oifeau «
attaché par le pie , & que l'on tire avec
une ficelle pour le faire voltiger , apperce-
voir de.s oifeawx qui pafîent , lesappelier
& les faire prendre..
PERCHE, f f perça , {mfî.nat. Ich.)
On a donné ce nom à un poiffon d'eau
douce & à un ; poiffon de m -r > qui diffe- ■
rent l'un de f autre. La perche d^ eau douce
a le corps large , fort applati pour un poiffon
de rivière , . & couvert de petites écailles ;
les rrageoires & la queue font rouges ; elle
a fur le dos deux nageoires dont la pre-
mière eft j'a plus grande , deux aux ouks ,
deux fous le ventre , . & une au -dcffous
de l'anus : la bouche eft petite & dépourvue
de dents. La chair de ce poiffon eft dure &
difîicilc à digérer. Rondelet , hiftoire natur.
des poiffons y II partie , ch.. xix.
hz perche de mer eft roufîè, elle a la
bouche petite & les dents fort pointues.
Les côtés du corps font traveries par des
traits dont les uns font rouges & les autres
noirs ; la partie antérieure du ventre eft
beaucoup plus pendante que la poftérieure :
il y a une longue nageoire fur le dos,
deux aux ouies , deux au ventre , & une
longue au-deffous de l'anus , qui fe trouve
fitué prefqu'au milieu du ventre. Ce poifibn
a la chair d'an meilleur fuc que la perche.
2go P E R
de rivière , elle eu. rendre , molle , friable
& facile à digérer. Rondelet , hifi. nat.
des poijjons y première pan. Uv. VI y ch.
viij. Voyei PoiSSON.
Perche , f. f. {Arpent. ) longue me-
fure dont on fe fert dans l'arpentage , ou
la mefure des terrains. Voyei MESURE.
Chez les anciens Romains la perche ,
penica y étoit de lo pies; & encore au-
jourd'hui beaucoup de géomettres lui don-
nent cette même longueur : on l'appelle au-
trement catena , funis y & decempeda.
En Angleterre , X-a perche d'ordonnance ,
ou établie par la loi , eiî de i6 pies &
demi , & pour le bois taillis , ^c. elle efl
de i8 pies ; 40 perches quarrées font une
vergée ou un quart d'arpent , & 160 font un
arpent. Foy^:^ Arpent.
En France la perche ordinaire varie fui-
vant les différentes provinces , ou les dif-
férentes coutumes ; c'eft à celui qui va faire
àits arpentages dans un pays , d'en prendre
connoiiîànce chez le juge du lieu. A Paris
la perche contient trois toifes ou .18 pies \
pour les travaux royaux elle a 22 pies.
Ainfi laj^^rc^f quarrée , mefure de Paris,
eft un quarré qui a trois toiles de long ,
fur trois de large. L'arpent contient 100
perches quarrées , c'efl-à-dire , en le con-
{idérant comme un quarré , qu'il contient
10 perches de longueur fur 10 perches de
Jargeur. Chambers. (E.)
Perche d'arpenteur y {.m. (Arpent.)
inftrument compofé de deux règles qui
peuvent s'étendre jufqu'à 16 pies. Ces rè-
gles divifées en pies & en pouces, font ac-
compagnées d'une pinnule mobile : & fur
leurs bords on marque les chaînons de la
chaîne dont on fait ufage. Cet inftrument,
qui n'eft guère en ufage qu'en jAngleterre ,
jfèrt dans l'arpentage à prendre aifément ces
diflances. (D. J.)
Perche , f. f. On appelle ainfi , dans
le nivellement y des bâtons bien droits ,
équarris par en haut , & armés d'un carton
coupé à i'équerre. On nomme encore per-
che une melurc employée dans l'arpentage
àts terres , & dont la longueur vaut 20 , 22
pies courans en pluiieurs jurifdidions , &
18 feulement dans le Parifis. (i^)
Perche (le), (Geogr. mod.) petite
province de France , bornée aii nord par
P E FI
la Normandie ; au midi par le Dunois 6c
le Maine ; au levant par la Bcauce ; & au
couchant par la rivière de Sarte. Elle
n'a que 15 lieues de longueur fur 12 de
largeur.
Ce pays a pris fon nom d'une grande
forêt appellée perticus faltus , dont il eft
fait mention dans pluiieurs auteurs , juf-
qu'à l'an 1000. L'hiftoire de fes comtes
eft embrouillée , mais c'eft alîéz de dire
ici , que Jacques de Château - Gontier
céda {qs droits du comté de Perche à Saint-
Louis , qui par cette ceffion réunit cette
petite province à la couronne de France.
Une chofe bizarre, c'eft qu'elle fe trouve
de trois différens diocefes , de celui du
Mans , de celui de Chartres , & pour la
plus grande partie , de celui de Séez ; mais
pour la juftice, le Perche relevé entière-
ment du parlement de Paris : fa coutume
a été rédigée premièrement en 1505 > &
(econdement en 15^8,
Les lieux principaux du Perche font Mor-
tagne , Bellime , & Nogent-le-Rotrou.
C'efl dans le Perche y je ne fais où , que
naquit vers le milieu du xvj fiecle Jacques
de-Lorens , poète françois , riche & cu-
rieux en tableaux , mais malheureux en
ménage, n'ayant jamais pu s'accorder avec
fà femme. Il lui fit après fa mort cette
épitaphe ;
Ci git ma femme ; o quelle ifi bien y
Pour fon repos & pour le mien !
{D.J.)
Perche ( col de la) , (Geogr. mod.)
C'eft l'un des paflages de France en Efpa-
gne par les montagnes. On entre du Rouf-
fiUon dans l'Efpagne par le col de la Per-
che. Louis XIV y fit bâtir une fortereffe qu'il
appella de fon nom le Mont-Louis.
Perches , f. f pi. {Archit.) Ce font
dans l'architedure gothique certains piliers
ron^s , menus & tort hauts , qui joints
trois ou cinq enfemble , portent de fond
& fe courbent par le haut pour former des
arcs & nefs d'ogives qui retiennent les
pendentifs. Voye\ ces mots. Ces perches
font imitées de celles qui iervoient à la
confîruction àts premières ternes & ca-
banes.'
Perche
P E R.
Perches a feu, ( Artificier. ) Voyei
Lance a feu.
Perche , Porte-perches , Passer
a la perche 5 terme de manufaclure en
laine , V. fart. Laine , & tart.fuivant.
Perche, {Lainage.) C'eft un certain
morceau de bois de la groffeur du bras ,
long d'environ quinze pies , pendu en l'air
par les deux bouts , fur lequel les em-
plaigneurs ou laineurs étendent l'étoffe pour
la lainer ou tirer à poil. On dit tirer un
drap à la perche , pour dire , le lainer , en
tirer le poil avec les chardons fur l^perche.
Perche de Uffes , ( HauteliJ/erie. )
long-morceau de bois rond fait au tour ,
de trois pouces de diamètre , & de toute
la longueur du métier. Cette perche pofe
àes deux bouts fur \qs fiches & crochets
de fer qu'on nomme des kardilliers ; elle
fert à ouvrir & croifer la chaîne de l'ou-
vrage par le moyen des liffes qui y font
enfilées.
Perche , ( Jardinage. ) eft un long
bâton qui fert à fbuteuir les arbres de
haute tige , à faire des treillages , des
haies , des paillaffons. On le fèrt dans le
nivellement & dans les grands alignemens ,
de perches armées de cartons blancs coupés
à l'équerre.
Perche , f. f. ( Commerce de bois. )
morceau ou pièce de bois long , en forme
de groffe gaule , ayant un bout beaucoup
plus menu que l'autre. Les perches font
ordinairement de bois de châtaignier , ou
de bois d'aulne. Elles fervent à faire des
efpaliers , âes treilles & des perchis ou
clôtures de jardins. On les vend à la botte ,
chaque botte compofée d'un certain nom-
bre , fuivant qu'elles font plus ou moins
grofles.
Perches d'à val ans , font parmi les
marchands de bois , des perches qui lèrvent
à conduire les trains. Il en faut fix pour
un train , quatre de 14 à 15 pies , & deux
de 17 à 18 , toutes d'environ 10 pouces
de circijit. On fait une coche à une de
leurs extrémités pour s'en fèrvir avec plus
de facilité , & l'autre bout s'aiguife &: fe
garnit d'un fer qui a deux cornes recour-
bées en dehors.
Perche , ( Teinturier. ) Ce mot fe dit
de certains longs bâtons placés en i'air pour
Tomt XXK,
P E R î8i'
y poler les choies que l'on veut faire fécher.
Les teinturiers ont ô.es perches à leurs fe-
nêtres pour y faire fécher les étoffes , les
foies , les laines &: les fils qu'ils ont teints.
Les blanchiffeurs d'étoffes en ont aufll pour
étendre leurs draps & leurs ferges , après
\qs avoir blanchis. Les ftatuts des uns &
des autres règlent la hauteur à laquelle
leurs perchés doivent être placées loriqu'elles
font fur la rue.
Perche , ( Injlrument de tourneur. )
L'arc ou la perche eft au tourneur ce qu'eft
la plume à un écrivain , c'eft-à-dire , fi
néceffaire , qu'il eft impoffible de s'en
paffer. On peut fè fervir de l'un ou de
l'autre en les attachant pardeffus le tour.
La perche doit être à-pen-près perpendi-
culaire au milieu des jumelles , & l'extré-
mité du côté du tourneur doit avancer
tant fbit-peu au delà des mêmes jumelles.
On fait ordinairement ces perches de bois
de frêne , de fau , d'if , d'érable , & par-
ticulièrement de buis , qui eft toujours le
meilleur , fur- tout fî on en trouve fans
nœud. La perche doit donc être une pièce
de bois de plante droite , de la longueur
de 7 à 8 pies , de l'épaiffeur du bras en
fou gros bout , allant en diminution juf^
qu'à l'autre , & un peu planée pardeffous
à la manière d'un cerceau. On la perce
par fon gros bout , & on l'arrête avec
une fiche de fer rond à une pièce de bois
attachée au plancher , de manière qu'elle
puiffe tourner. Elle doit être fupportée
environ vers la troifieme partie de fa lon-
gueur fur une tringle de bois un peu plus
groffe que le bras , longue environ de deux
pies, & arrêtée horizontalement à deux
nontans de bois attachés au plancher. P,
Plumier , élem. du tour ^pag. i , thap. ij,
{D.J.)
Perche , f. f. {terme de chajfe. ) Om.
appelle perches , les deux greffes tiges du !
bois ou de la tête du cerf, du -daim ,
du chevreuil , (i-c. où font attachés les
andouillers. Quand le cerf entre dans fa
féconde année , il pouffe les deux petites
perches , 5c dans fa troifieme année les
perches qu'il pouffe font femées d'an-
douillers.
$ PERCHÉ , ÉE , adj. (terme de Blaf.)
fe dit des oifeaux pofés fur les branckes-
Nn
$ît P E R
(î'arbres , fleurs , bâtons , &c. d'un autre
émail. Porte d'azur à l'épervicr à vol étendu ,
lié , perché & grilleté d'argent.
Âuriol de Lauraguel , diocefe de Nar-
bjone , d argent au figuier de fînople , un
oifeau et fable perché au haut de t arbre.
DeRohïllo de Quenhuen, en'Bretagne,
de gueules a une fleur- de- lys d'or & deux
oifeaux Sargent affrontés & perchés fur
les retours.
De Leaumont de Puigaillard , en Guien-
Jie , d'azur au faucon d'argent perché de
même.
Jean de Leaumont , feigneur de Pui-
gaillard , baron de Brou ^ de More ,
capitaine de 50 hommes darmes , gou-
verneur d'Angers , ayant un jour raflemblé
environ 9000 hommes pour une expédition
fur la Rochelle , le capitaine Lanoue le
prévint & l'attaqua : le combat fut très-
vif de part & d'autre. Mon cher Puigail-
lard 5 vous êtes bleffé , lui dit un de fes
coufins \ mais je ne fuis pas mort , répon-
clit-il 5 & continua de combattre. Il ne
fe retira que lorfqu'il vit que fes efforts
pour rallier &. ra limcr fes troupes étoient
abfolument inutiles. Le même Jean de
Leaumont de Puigailk'*d fut chevalier des
ordres du roi à la troi/Isaie proinotion
laite le 31 déce:nbre 1580 I! y a aduel-
lement un grand prieur de Touloufè de
cette maifon. (G. D. L. T. )
PERCHÉE DE TERRE , ( Jurifp. )
eft une certaine étendue de terre qui con-
tient en fuperfîcie une perche en quarré ,
ou fur tout fens. La perche ou mefure eft
communément de 22 pies de long ^ ce qui
fait pour la perchée 484 pies quarrés de
fuperfi:ie : dans d'autres endroits , la per-
che , q l'on appelle auffi verge ou corde ,
n'a qiie 18 Ou 20 pies. {A)
PERCHER (se), v.ti.{Chafe.) Ilfe
d;it des ci(èiux qui (è pofent fur les arbres.
Il y a des oifeaux qui [e perchent ^ comme
le corbeau , le moineau , la corneille , la
grue , &c. & il y en a qui ne fe perchent
^oint , jcomme la perdrix , la caille ,
l'alouette , Çf-c.
PERCHIS , f. m. ( terme de Jardin. ) Il
fir^nifîe quelquefois une clôture faite avec
des perches, & quelquefois un treillage qui
s^j^ pâs £aii av£C às.% échilas.
P E R
PERÇOIR , f. m. ( outil ^ouvriers.)
inftrument avec lequel on perce. Les ou-
vriers en fer difent plus ordinairement
poinçon ou mandrin , qite perçoir ou per-
çoire , quand ils veulent fignifier Vinftru-
ment de fer pointu & acéré avec lequel
ils percent le fer ou à chaud ou à froid.
Le perçoir du tonnelier eft une elpece
de foret dont il fe fert pour percer les pièces
de vin.
Les fèrruriers ont des perçoirs ou per-
çoires pour forer les clefs j & les armuriers
en ont aufli de très -gros pour forer les
canons àe^ armes à feu.
PERÇOIRE , f. f. ( outil d'ouvriers. )
ou perçoir , outil dont fe fervent les ferru-
riers , taillandiers , maréchaux & autres
ouvriers qui travaillent les m.étaux, & par-
ticulièrement le fer.
La perçoire eft un morceau de fer rond
& troué , ou une efpece de groife virole
percée à jour , fur laquelle on appuie une
pièce de métal pour y faire un trou avec le
poinçon ou le mandrin.
Les ferruriers ont des perçoires d'en-
clume , & d'autres d'établi. Il y en a des
unes & des autres , de rondes , de quar-
rées , de plates , de barlongues , d'ovales , &c,
(uivant la fi\::ure du trou qu'on veut percer.
PERCOTE , ( Géogr. anc. ) ville de
la Troade , que Srrabon , livre Xlll ,
pag. 590 , place entre Abydos & Lamplà-
que. Ter cote fut , félon Plutarque, une àt%
villes qu'Artaxerxe donna à Thémiftocle
pour l'entretien de iaz meubles & de iQ%
habits. {D. J.)
PERCOWÏTZ , (Comm.) Ceft un
poids de Ruffle , fuivant lequel on compte
pour le chargement des vaiiîèaux. Leper-
cotviti contient 30 pudes , ou 325 livres
d'Allemagne qui ibnt de 14 onces.
PERCUNUS , ( Idoldirie. ) Si l'on en
croit Hartfnock , dijjirtat. X , de cultu
deorum Prujf. c'eft le nom d'un faux dieu
des anciens Pruiîiens. Ces peuples , dit-il ,
entretenoient un feu perpétuel à l'honneur
de ce dieu ^ & le prêtre qui en étoit chargé,
étoit puni de mort , s'il le laifibit éteindre
par fa fa^ite. Les Pruiîiens croyoient que
quand il tonnoir , le dieu Percunus parloit
à leur grand-prêtre , qu'ils nommoient
Juive, Alors ils fè prcilernoieat par tf^nei
I> E R
pour adorer cette divinité , & la prier d'é-
pargner leurs campagnes. Ce qu'il y a de
vrai , c'eft que nous n'avons aucune con-
noiflànce de la religion des Borniflîens,
ou anciens Pruffiens , fi tant eft qu'ils
eulTent une religion ^ nous ne fomines pas
plus éclairés fur leurs mœurs & leurs ufages.
On raconte , comme une merveille , que ,
fous l'empire de Néron , un chevalier
romain eût pafTé de Hongrie dans ce pays-
là pour y acheter de l'ambre. Ainfi tout
ce que Hartfnock dit de ces peuples &
de leurs dieux , doit être mis au nombre
des fables de fon imagination. {D, J,)
PERCUSSION , f. f. en phyfiqui , eft
rimpreflîon qu'un corps fait lijr un autre
qu'il rencontre & qu'il choque j ou le choc
& la collifion de deux corps qui fè meu-
vent , & qui en fe frappant l'un l'autre ,
altèrent mutuellement leur mouvement.
V. MouvEMExNT , Communication ,
Choc , Collision , «St.
La percujfion eft ou direâe ou oblique.
La percujfion direfte eft celle où l'im-
pulfion fe fait fuivant une ligne perpen-
diculaire à l'endroit du contad , & qui
de plus pafte par le centre de gravité com-
mun des deux corps qui fe choquent.
Ainfi , dans les fpheres , la percujfion
eft dirééîe , quand la ligne de dirediion
de la percujfion paffe par le centre des
deux fpheres , parce qu'alors elle eft aufli
perpendiculaire à l'endroit du contaéè.
La percujfion oblique eft celle où l'im-
pulfion fe fait fuivant une ligne oblique
â l'endroit du contaél , ou fuivant une
ligne perpendiculaire à l'endroit du contaél ,
qui ne paife point par le centre de gravité
Ae% deux corps. Voyei^ Oblique.
C'eft une grande queftion en mathémati-
que & en phyfique , que de favoir quel eft
le rapport de la force de la pefânteur à celle
de la percujfion. Il eft certain que cette
dernière paroît beaucoup plus grande : car,
par exemple , un clou qu'on fait entrer
dans, une table avec des coups de marteau
aifez peu forts , ne peut être enfoncé dans
la même table par un poids immenfe qu'on
mettroit deifus. On fèntira aifément la
raifbn de cette différence , fi on fait atten-
tion à la nature de la pefanteur. Tout
corps qui tombe s'accélère en tombant ,
maïs Ta vîtelTe au commencement de fa
chute eft infiniment petite , de façon que
s'il ne tombe pas réellem.cjit , mais qu'il
fbit foutenu par quelque chofe , l'effort
de la pefanteur ne tend qu'à lui donner ,
au premier inftant , une vîtelfe infiniment
petite. Ainfi un poids énorme , appuyé
fur ww clou , ne tend à def:endre qu'avec
une vîteffe infiniment petite ; & comme
la force de ce corps eft le produit de fa
mafl~e par la vîteftè avec laquelle il tend
à fè m^ouvoir , il s'enfuit qu'il tend à
pouffer le clou avec une force très-petite.
Au contraire , un marteau a\'ec lequel 011
frappe le clou , a une vîteflb & une maffé
fixées , &: par conféquent fa force eft plus
grande que celle du poids. Si on ne vouloit
pas admettre que la vîteffe aéluelle avec
laquelle le poids tend à fe mouvoir , eft
infiniment petite , on ne pourroit au moins
s'empêcher de convenir qu'elle eft fort
petite , & alors l'explication que nous
venons de donner demeureroit la même.
Voyc-{ fur cette queftion tarticU FoRCE
accélératrice.
On agite encore une autre queftion qui
n'eft pas moins importante. On demande
fi \ç.% loix de la percujfion des corps , telles
que nous les oblèrvons , font àes loix né-
ceffaircs , c'eft-à-dire , s'il n'eût pas pu y
en avoir d'autres j par exemple , s'il eft
néceffaire qu'un corps qui vient en frapper
un autre de même maffe , lui com.munique
du mouvement , & s'il ne pourroit pas iè
faire que les deux corps reftaffent en
repos après le choc. Nous croyons , &
nous avons prouvé aux articles DYNA-
MIQUE ù Mechanique , que cette
queftion fe réduit à favoir fi les loix de
l'équilibre font néceffaires ; car dans la
percujfion mutuelle de deux corps , de
quelque façon qu'on la confidere , il y a
toujours des mouvemens qui fe détruifent
mutuellement. Or , fi les mouvemens ne
peuvent fè détruire que quand ils ont un
certain rapport , par exemple , quand les
maffes font en raifbn inverfe des vîteffes,
il n'y aura qu'une loi pofiible d'équilibre ,
& par conféquent qu'une manière de
déterminer ies loix de la percujfion. Car
fuppofbns , par exemple, que. deux corps
M , m, fe viennent choquer diredemeat
Nn i
iH4
P E R
® de plus, il faut que les
a — u iè détruifent mu-
eu lèas contraires avec àQS vîteflès A ^ a ^
& que V ^ V j foient les vîteflès qu'ils
doivent avoir après le choc , il efi certain
que \&s vîteflès A ^ a ^ peuvent être re
gardées comme compofées des vîteflès
F"& A—V, &LU, a — u. Or, i'^. les
vîteflès V y u y qui font celles que les
corps gardent , doivent être telles qu'elles
ne fè nuifènt point l'une à l'autre ^ donc
elles doivent être égales & en même fens ,
donc V=-u: i
vîteflics A — f^
tuellement , c'efl^*à-dire , que la mafl^e M
jnultipliée par la vîtefl!e A — K doit être
égale à la mafl^e m multipliée par la vîtefle
a — u , ou fl^-^/( parce que la vîtelFe
— u qui eft égale à F^ , eft en ièns con-
traire de la vîteflè a , & qu'ainfi a — u
cft réellement a -^ u) ; on aura donc M A
.— MF=^ma-{~m ^; donc F =
—r: ; dou Ion voit que ion deter-
mine facilement la vîtefl'e F , & qu'elle
ne peut avoir que cette valeur. Mais s'il
y a voit une autre loi d'équilibre , on
auroit une autre équation que MA —
MF=:zma-\-mFj & par conféqi»ent
une autre valeur de F : ainfi la queflion
dont il s'agit fe réduit à favoir s'il peut y
avoir d'autres loix de l'équilibre que celles
qui nous font connues , par le raifbnne-
ment & par l'expérience ^ c'eft-à-dire ,
s'il efl: nécefTaire que les maflès foient
précifément en raifon inverfe des vîtelTes
|)0ur être en équilibre. Cette queftion mé-
îaphyfique eft fort difficile à refondre ;
cependant on peut au moins y jeter quel-
que jour par la réflexion fuivante. Il eft
certain que la loi d'équilibre , lorfque les
jnafTes font en raifon iiiverfe des vîteffes ,
eft une loi néceffaire , c'eft-à-dire , qu'il
y a ncceffairement équilibre lorfque les
niafTes de deux corps qui fe choquent di-
redement , font entr 'elles dans ce rapport.
Ainfi , quelles que puiffent être les loix
générales des percujfions , il eft incontef-
table que deux corps égaux &. parfaite-
ment durs , qui fe choquent directement
avec des vîteflès égales, refteront en repos ^
& fî l'un de ces corps étoit double de
l'autre , & qu'il n'eût qu'une vîteflè fous-
doubk ^ ils refteroieut ^ufii uécefl^iremem
PER
' CH re{)OS Vuti & l'autre. Or , fi la loi
d'équilibre dont on doit fe fervir pour
trouver les loix du choc , étoit différente
de cette première loi , il paroîtroit difïï-
cile de réduire à un principe général tout
ce qui regarde les percuJJIons. Suppofons,
par exemple , que la loi d'équilibre que
les corps obfervent dans le choc , foit telle
que les malfes doivent être en raifon di-
refte des vîtelfes , au lieu d'être en raifon
réciproque , on trouveroit dans l'exemple
précèdent F c=: —.y— , d ou 1 on voit
que fi les maffes M bi. m étoient en raifon
inverfo des vîteflès A ^ a ^ on trouveroit
que les corps M &(. m devroient fe mou-
voir après le choc, & qu'ainfi il n'y auroit
point d'équilibre , quoiqu'il foit démontré
qu'il doit y avoir équilibre alors j ainfi la
formule précédente fèroit fautive , au moins
pour ce cas-là j & par conféquent il fan-
droit différentes formules pour les diffé-
rentes hypothefes de percujfwn : cet in-
convénient n'auroit pas lieu en fuivant
r iT^ M A — ma
notre première formule F = — -; — • — ;
& il faut avouer qu'elle paroît en cela
beaucoup plus conforme à la fimplicité ÔC
à l'uniformité de la nature. Quoi qu'il en
foit , nous nous attacherons à cette der-
nière formule , comme étant la plus con^
forme à l'expérience , & fuivie aujourd'hui
par tous les philofophes moderaes. Foye:(^ ,
fur la nécefTité ou la contingence des loix
du mouvement , la préface de la nouvelle
édition de mon traité de Dynamique , 1759.
Defcartes paroît être le premier qui ait
penfé qu'il y avoit àes loix de percujfwn ,
c'eft-à-dire , dex loix fuivant lefquelles les
corps fe communiquoient du mouveirlent :
mais ce grand homme n'a pas tiré d'une
idée fi belle & fi féconde , tout le parti
qu'il auroit pu. Il fe trompa fur la plupart
de ces loix , & les plus zélés des fe£tateurs
qui lui reftent , l'abandonnent aujourd'hui
fur cç point. M«. Huyghens , Wiren , &
Wallis font les premiers qui les aient don-
nées d'une manière exafte , & ils ont été
fiiivis ou copiés depuis par une multitude
d'auteurs.
On peut diftinguer au moins dans !a
f]}éçul.^tion trois fortes de corps , des co.ps
P E R
parfaitement durs ^ des corps parfaitement
mous , & des corps parfaitement élaf-
tiques.
Dans les corps fans refTort , foit par-
faitement durs , foit parfaitement mous ,
il eft facile de déterminer les loix de la
percujjîon ^ mais comme les corps , même
les plus durs , ont une certaine élafticité ,
& que les loix du choc des corps à reffort
font différentes des loix du choc des corps
fans relfort , nous allons donner féparément
les unes & \qs autres.
Nous ne devons pas cependant négliger
de remarquer, que le célèbre M. Jean
Bernouilli , dans fon difcours fur les loix
de la communication du mouvement , a
prétendu qu'il étoit abiurde de donner les
loix du choc des corps parfaitement durs :
la raifon qu'il en apporte efè , que rien ne
iè fait par faut dans la nature , natura non
operatur per faltum , tous les chajigemens
qui arrivent s'y font par des degrés infen-
fibles ; ainfi , dit il , un corps qui perd
ion m.ou l'émeut ne le perd que peu-à-peu
& par des degrés infiniment petits , &
il ne fauroit , en un inftant & fans gra-
dation , paiTer d'un certain degré de vîteife
ou de mouvement , à un autre degré qui
en diffère confidérablement : c'eft cepen-
dant ce qui devroit arriver dans le choc
des corps parfaitement durs ^ donc , conclut
cet auteur , il eft abfurde d'en vouloir
donner les loix , & il n'y a point dans la
nature de corps de cette efpcce.
On peut répondre à cette obje£lion ,
I®. qu'il n'y a point à la vérité de corps
parfaitement durs dans la nature, mais qu'il
y en a d'extrêmement durs , & que le
changement qui arrive dans le mouvement
de ces corps , quoiqu'il puifîé fe faire par
des degrés infenfîbles , iè fait cependant
en un temps li court , qu'on peut regarder
ce temps comme nul j de Ibrte que les
loix du choc des corps parfaitement durs
font presque exaâiemenî applicables à ces
corps ^ 1°. qu'il eft toujours utile dans la
ipéculation de coniidérer ce qui doit arriver
dans le choc des corps parfaitement durs ,
pour s'aflurer de la différence qu'il y auroit
entre les chocs mutuels de ces corps &
ceux des corps que nous connoilfons ^
3*^. que le principe d'où part M. Berjiouiili,
que la nature n opère jamais par faut ,
n'eft peut-être pas aufiî général & auffî
peu fufceptible d'exception qu'il le prétend.
Les loix du cîioc peuvent en fournir un
exemple. Imaginons deux boules parfaite-
ment égales &; élaftiques, qui viennent iè
choquer avec des vîteftès égales en fens
contraires, il eft certain qu'à l'inftant du
choc le point de contaft commun perd
tout d'un coup toute fa vîtelfe j & comme
on ne peut pas fuppofer la matière aâuel-
ment divifce à l'infini , il eft impoflible
que ce point perde toute fa vîtelîè , fans
qu'une petite partie qui lui ièra voifine
dans chaque fphere , ne perde aufli la
fienne : voilà donc deux corps qui perdent
tout d'un coup leur mouvement , fans que
cette perte fe faife par des degrés infen-
fibîes.
Quoi qu'il en foit , nous allons expofcr
les loix du choc des corps durs , & celles
des corps mous , telles que l'expérience
& le raifonnement les confirment. Ces
loix font les mêmes , quant au réfultat;
mais la manière dont iè fait la commu-
nication du mouvement entre les corps
durs & entre les corps mous , eft diffé-
rente. Ceux - ci changent de figure par
le choc , & ne la reprennent plus , de
façon que leur mouvement change auffî
par degrés. Les corps durs au contraire ne
changent point de figure , & fe commu-
niquent leur mouvement dans un inftant.
Pour trouver le mouvement que doivent
avoir après le choc deux malles qui fè
frappent, en fens contraire, avec des
vitellès connues, ou iè fervira de la for-
mule ci-deifus. V = —rr~——*
M + m
Si l'une des maflès , comme m , étoit
en repos , alors la vîteflè a feroit égale à
zéro , od Ion auroit K= ~^f, .» pour la
vîteffè commune des deux maflès après
le choc .
Enfin fi cette maffè m , au lieu de iè
mouvoir dans une direâiion oppofée à
celle de la maffè ilf, iè mouvoit dans le
même fens avec une vîteflè a ( qui fût
moindre que la vîtefl!è A , afin que la
malfe M pût l'attraper ) , en ce cas il
i faudroit changer le figne du tcimQ où
lU PEU.,
a fe trouve dans la formule ci-defrus ,
& on aura V = -^J-^ peur la vîteffe
que doivent avoir après le choc deux
malles M , qui alloient du même côte
avant le choc. La vîtefle après le choc
étant connue , il fera aifé de trouver la
quantité du mouvement de chacun des
corps après le choc , car ces quantités
de m.ouvement feront M F Si. m y , ou
m MA'-i- Mma « mMA :+mma . par COnfé-
" M + m Af + w ' . ' j
quent , retranchant ces quantités de
mouvement des quantités de mouvemaCnt
que les corps avoient avant le Cxioc ,
on aura ce qu'ils ont perdu ou gagné de
quantité de mouvement ; perdu , fi la dif-
férence eft pofitive , & gagné , fi elle eft
négative j on aura ainfi MA — M V=
M -h m
m M a- mMA . ^^ ^^ ^gg différentes for-
Af -l- OT ' "
mules on tirera aifément les Ioîk fuivantes ,
que nous nous contenterons d'expofer.
Loix de la percuflion dans les corps fans
rejfort. i°. Si un corps en mouvement,
comme A , Vlanc. méch. fig.A^ , choque
direâ:eraent un autre corps en 3 , le pre-
mier perdra une quantité de mouvement
précifément égale à celle qu'il communi-
quera au fécond^ de forte que les deux
corps iront enfemble après le choc , avec
une égaie vîteiîe , comme s'ils ne faifoient
qu'une feule maffe. Si A eft triple de B ,
il perdra un quart de fon mouvement : de
forte que s'il parcouroit avant le choc 24
pies en une minute , il ne parcourra plus
après le choc que 18 pies , &c.
2°. Si un corps en mouvement A en
rencontre un autre B , qui foit lui-même
déjà en mouvement ; le premier augmen-
tera la vîteffe du fécond ^ mais il perdra
moins de fon mouvement que fi le fécond
corps étoit en repos j puifque pour faire
aller les deux corps enfemble , après Je
choc , comme cela eft néceffaire , le corps
A a moins de vîteffe à donner au fécond
corps , que quand ce fécond corps étoit
en repos.
Suppofons, par exemple, que le corps
P E R
A ait douze degrés de mouvement , &
qu'il vienne à choquer un autre corps B ,
moindre de la moitié , & en repos , le
corps A donnera au corps B quatre degrés
de mouvement & en retiendra huit pour
lui : mais fi le corps choqué B a déjà trois
degrés de mouvement lorfque le corps A
le choque, Je corps A ne lui donnera
que deux degrés de mouvement ^ car A
étant double de B , celui-ci n'a befbin que
de la moitié du mouvement de A pour
aller avec une vîteffe égale à celle dé A,
3°. Si un corps A en mouvement ,
choque un autre corps B qui foit en repos ,
ou qui fe meuve plus lentement , foit
dans la même direâion , foit dans une
direôion contraire , la fbmme des quantités
de mouvement , ( c'eft-à-dire , des produits
des maffes par les vîteffes ) fi les corps fe
meuvent du même côté , ou leur diffé-
rence s'ils fe meuvent en fens contraires,
fera la même avant & après le choc.
4°. Si deux corps égaux ^ & 5 viennent
fe choquer l'un l'autre, fijivant des direc-
tions contraires , avec des vîteffes égales ,
ils refteront tous deux en repos après le
choc.
PJufieurs philolbphes , & entr'autres
Defca'rtes , ont foutenu le contraire de
cette loi , & ont prétendu que deux corps
égaux & durs venant fe choquer arec des
vîteffes égales & contraires , dévoient refter
en repo?. Leur principale raifon eft , qui!
ne doit point y avoir de mouvement perdu
dans la nature. Mais , en premier lieu , il
eft queftion ici de corps parfaitement durs ,
tels qu'il ne s'en trouve point dans l'univers ;
& par conséquent , quand la prétendue loi
de la confervation auroit lieu , elle pour-
roit n'être pas applicable ici. 2°. Le choc
des corps élaftiques dont les loix font con-
firmées par Jl'expérience , nous fait voir que
la quantité de mouvement n'eft pas toujours
la mêmiC avant & après le choc , mais
qu'elle eft quelquefois plus grande & quel-
quefois moindre après le choc qu'avant le
choc. 3°. On peut démontrer directement la
fauffeté de l'opinion cartéfienne de la ma-
nière iiiivante. Toutes les fois qu'un corps
change fon mouvemicnt eu un autre , le
mouvement primitif peut être regardé
\ comme compofé du nouveau mouvement
P E R
«ju'il prend , & d'un antre qui eft détruit.
Suppofoiis donc que les corps M , M ^
égaux , qui viennent en fens contraire fe
choquer avec les vîtefles A , A ^ rejaillif-
fent après le choc avec ces mêmes vî-
tefi'es A , A , cvi fens contraire , comme
le veulent ks Cartéfiens , c eft-à-dire ,
avec les vîteiîès — A , — A y il efl certain
que la vîtefle A de ïun des corps avant
le choc , eft compofée de la vîtelîë — A ,
& de la vîtelTe i A , &(. qu'ainfi c'eft la vî-
tefle 2 A qui doit être détruite j c'eft-à-
dire , que les corps M , M , animés en fens
contraire des vîtefles i A , i A , fe font
équilibre. Or , cela pofé , ils doivent fe
faire équilibre aufli étant animés des vî-
tefl"es Amples A , A en fens contraire j car
il n'y a point de raifon dv difparité : donc
les deux corps dont il s'agit doivent rcfter
en repos après le choc.
5° Si un corps A choque directement
un autre corps B en repos , fa vîteife
après le choc fera à fà vîtefle avant le
choc , comme la mafl"e de A cii à la fomme
des malfcs A hL B -^ par conféquent (i les
lîiaflbs A B font égales , la \'îtelié après le
choc fera la moitié de la vîteife avant le
choc*
6°. Si un corps eu mouvement A^ cho-
corps qji fe
& dans la
que directement un autre
ineuve avec moins de vîteife ,
mêine direâioii, la vîteflfe après le choc
fera égale à la fomme des quantités de
înouvement divifée par' la Ibmme des
inaifes.
7°. Si deux corps égaux , mus avec des
TÎtefles diiféreiites , fe choquent directe-
ment l'un &: l'autre en feus contraire , ils
iront tous deux enfembie après le choc ,
avec une vîteflê commune , égale à la
moitié de la diflTérence de leurs vîtefles
avant le choc.
8®. Si deux corps A bc B ù choquent
-direât^inent en fens contraire avej des
vîtefles qui foient en raifon inverfe de
leurs malfes , ils demeureront tous deux
en repos après le choc.
9°. Si deux corps A &c B ie choquent
directement en feus contraire avec des
vîteifes égales , ils iront enfembie après
le choc avec une vîteife commune , q ji
(èra à la vîteife de cliacuu des corps avant
P E R 287
le choc , coinme la différence des maffes
efl à leur fomme.
ic°. La force du choc direCt ou per-
pendiculaire , eft à celle du choc oblique ,
toutes chofès d'ailleurs égales , comme le
finus total eft au finus de l'obliquité, f^oy.
Décomposition.
Loix de la percuffion pour les corps
élajiigues. 11°. Dans les corps à relfort
parlait , la force de l'éiafticité eft égale* à
la force avec laquelle ces corps font com-
primés j c'eit-à- dire , que la collifion des
deux corps l'un contre l'autre , eft équiva-
lente à la quantité de mouvement que l'un
ou l'autre des deu^a acquerroit eu perdroit ,
fi les corps étoient parfintement durs &
fans reflbrt. Or , comme la force dxi ref-
fort s'exerce en ieï,s contraire , ï\ faut re-
trancher le mouvement qu'elle produit du
mouvement du corps choquant, & l'ajouter à
celui du corps choqué j on aura de cette
manière les vîtefles après la percufllon. Voye^^
Elasticité.
11^. Si un corps vient frapper direc-
tement un obftacle imimobile , le corps &
lobftacle étant tous deux clafliques , ou
l'un des deux^ feulement , le corps fera
réfléchi dans la même ligne fuivant la-
quelle il étoit venu , & avec la même
vîteffe. Car s'il n'y avoit de reflbrt ni
dans le corps , ni dans 1 obftacle , toute la
force du choc feroit employée à iîjrmor.ter
la réflftance de l'obftacle j & par confé-
quent, le mouvement feroit catiérem.ent
perùu : or , cette force du choc efl em>
ployéc ici à bander le reflbrt d'un des
corps , ou de tous les deux ; de forte
qi'e quand le r^;flbrt eft entièrement bcindé ,
il fe débande avec cette mxme force, Se
par conféquent repouife le corps choquant
avec une force égale à celle qu'il avoit , &
fait retourner ce corps en arrière avec la
vîteif.^ qj'il avoit ava^it le choc. De plus ,
le refljrt fe débande dans la même ligne
iiiivant laquelle il a été bandé, pui:qu'on
fuppofe ({ue le choc eft direCt ^ d'où il
s'enfuit q;i'il doit repoufîèr le corps cho-
quant dans la même ligne droite fuivant la-
quelle ce corps eft venu.
11^, Si un corps élaftique vient frapper
obliquement un obftacle immobih , il fe
rtjflcchira de manière que l'au^lc ds ré-
288 P E R
flexion fera égal à l'angle d'incidence. Fbye{
-Réflexion & Miroir.
14^*. Si un corps élaft '.'-c A , choque
direci^ement un autre corps B en repos , qui
lui foit égal ^ après le choc , A demeurera
en repos , & i? ira en avant avec la même
vîtefTe & fuivant la même direction que le
corps A avoit avant le choc.
Car fi les corps n'étoient point élafliques,
chacun auroit après le choc la même direc-
tion , & une vîîeiTe commune, égale à la
moitié de la vîtellè du corps A \ mais comme
le refîbrt agit en fens contraire , avec une
force égale à celle de la compreiïion , il
doit repoufler A avec la moitié de la
vîteffe , & par conféquent arrêter fon
mouvement ^ au contraire , il doit poullër
en avant avec cette même moitié de vî-
teffe le corps B , dont ' la vîtelîe totale
fera par conféquent égale à celle du corps
A avant Je choc.
Donc puifque A ^ {PL Méch, fig. 41 , )
transfère toute fa force à J? , -B la trans-
férera de mêine kC,CkD,ècDàE.
Donc , fi on a plufieurs corps élaftiques ,
égaux qui fe touchent l'un l'autre , &
que A vienne choquer 3 , tous les corps
intermédiaires refteront en repos , &: le
dernier feul E s'en ira avec une vîteffe
égale à celle avec laquelle le corps A a
choqué B.
1 5°. Si deux corps élaftiques égaux A ,
B , fè choquent directement en fens con-
traire avec des vîteffes égales , ilsfe réflé-
chiront après le choc , chacun avec la vî-
teffe qu'il avoit , & dans la même ligne.
Car , mettant à part le reffort , il eft cer-
tain que ces deux corps refteroient en
repos : or , toute la force du choc eft
employée à la compreffion du reffort , &
le refîbrt fe débande en fens contraire ,
avec la même force par laquelle il a été
bandé '■, donc il doit rendre à chacun de
ces corps leurs vîteffes , puifqu'il agit éga-
lement iur chacune.
16^. Si deux corps à reffort égaux ^ &
B fè choquent direéiement en fèns contraire
avec des vîteffes inégales , après le choc ils
fe réfléchiront en faifant échange de leurs
vîteffes.
Car fuppofons que les corps fè choquent
avec les vîteffes Ç -\~ c ^,C ; siils fe
P E R
choqiioient avec la même vîteffe C , ils
devroient , après le choc , fe réfléchir avec
cette même vîteffe. Si B étoit en repos ,
& que A le choquât avec la vîteffe c , 3
prendroit la vîteffe c après le choc , & A
demenreroit en repos». Donc l'excès c de
la vîteffe de A fur celle de 5 , eft transféré
entièrement au corps B ; ainfi A fe meut
après le choc avec la vîteffe C , & 5 avec
la vîteffe C-i- c.
Donc les deux corps s'éloignent l'un de
l'autre après le choc avec une vîteffe égale
à celle avec laquelle ils s'approchoient
avant le choc.
17°. Si un corps élaftique A , choque
un autre corps B qui lui foit égal , & qui ait
un moindre degré de mouvement fuivant
la même direôion , ces deux corps iront
après le choc fuivant la même direction ,
& feront échange de leurs vîteffes.
Car fi A eft fuppofé choquer avec la
vîteffe C + c , le corps B qui n'ait que
la vîteffe C ; il eft évident que des vîteffes
égales C 5 & C , il ne peut réfulter aucun
choc j ainfi tout fe paffe de la même ma-
nière que fi le corps A choquoit le corps
B en repos , avec la feule vîteffe c. Or ,
dans ce cas A refteroit en repos après le
choc , & donneroit à 5 la vîteffe entière
c. Donc après le choc B aura la vîteffe
C -^ c, ik A ne gardera que la vîteffe C ;
& chacun de ces deux corps confervera la
même direction.
1 8°. Si un corps en mouvement A choque
un autre corps B aufii en mouvement , le
choc fera le même que fi le corps A ve-
noit choquer le corps B en repos , avec la
différence des vîteffes.
Donc , puifque la force élaftique efl
égale à la percujfwn 5 il s'enfiiit que cette
force agit fur le corps A, B , avec la diffé-
rence des vîteffes qu'ils avoient avant de fè •
rencontrer.
19**. Oh propofè de déterminer les vîtef-
fes que doivent avoir après le choc deux
corps élaftiqucs quelconques , qui fè ren-
contrent & fe frappent direftement avec
des vîteffes quelconques. Si un corps à
reffort A , choque un autre corps à reffort
B qui foit en repos , ou qui fe meuve
moins vite que A , voici comment on
trouvera la vîteffe de l'un des corps j par
exempel.
V E K
lexemple , de A après la percuflîon. On
fera , comme la fbmme des deux mafîes
eft au double de l'un des deux corps
qui dans ce cas-ci eft B ; ainfi la dif-
férence des vîtelTes avant le choc «ft
à une autre vîtefTe , qui étant fouftraite
de la vîteflë du corps A avant le choc ,
& dans d'autres cas lui étant ajoutée ,
donnera la vîteffe qui lui rcfte après le
choc.
Pour déterminer cette loi générale du
choc des corps élaftiques , on n'a befbin
que du principe foivanl •^ fi deux corps
«laftiques fè viennent choquer diredlement
avec des quantités de mouvement égales ,
c'eft-à dire , av€c àcs vîtefTes en raifbn
inverfè de leurs maffes , ils retourneront
après le choc en arrière , chacun avec la
TÎtelTe qu'il avoit avant le choc. En efïèt ,
fi les corps dont il s'agit étoient parfaite-
ment durs , nous avons vu qu'ils refteroient
en repos , & qu'ils fe feroient équilibre ,
parce que leurs mouvemens feroient dé-
truits. Or , l'efFet du reflbrt parfait , tel
qu'on le fuppofè ici , eft de rendre à
chaque corps en fens contraire le mou-
vement qu'il a perdu ^ donc \qs deux
•corps rejailliront avec leurs vîtefles primi-
tives.
Or, nous avons vu que dans le choc de
deux corps durs , il y a toujours deux quan-
tités de mouvement égales & contraires
qui iè détruifent j c'eft pourquoi ces quan-
tités de mouvement doivent être rendues à
chacun à^s corps en fens contraire , pour
avoir leur quantité de mouvement après
le choc , & par conféquent leurs vîtefles.
Par exemple , dans le cas où les deux corps
M j m , vont du même côté avant le
choc avec les vîteftes A ^ a ^ nous avons
vu <jue leur vîtelfe commune V après le
MA _i m a
choc feroit en les confidérant
P E R. 2S9
"'ft la quantité de mouvement iJf F, c'eft-
à- dire , l'en retranchant, on aura pour
la quantité de mouvement du corps M
après le choc , en le fuppofant à reflbrt ,
MM A mM/ljL.zMma
; & ajoutant cette
même quantité de mouvement à m F",
on aura pour la quantité de mouveinent du
iMA^JL-tK/na m Ma
corps m après le choc
> I ntma
M
+ '
comme àes corps durs \ d'où il s'enfuit
que la quantité de mouvement que le
corps A a perdue, c'eft- à- dire, MA —
MV^ & qui a dû être détruite dans le
m MA — .m Ma
choc , eft
M
+
5 ajoutant cette
quantité de mouvement en ièns contraire
Tome XXV,
Par le moyen de ces deux formules , on
déterminera aifëment la loi dont il s'agit ,
& les fuivautes.
20°. Si un corps à reflbrt A choque
directement un autre corps en repos B ,
la vîteflë de A après le choc , fera à
fà vîteflè avant le choc , comme la dif-
férence des maflTes eft à leur fomme j &
la vîteflè de B ^près le choc -, fera à
la vîteflè de A avant le choc , comme le
double de la mafTe de ^ eft à la fomme
des «lafîes.
Aiafi la vîtefTe de A après le choc
eft à la vïteS^Q de B , comme la dif-
féreiKe des maflbs eft au double de la
maflè A^
2ï®. Si deux corps à i-eflbrt A Se B ^
Ce choquent direftcment en fèns con-
traire avec des vîtefTés qui foient en
raifbn inverfe de leurs maffes , ils re-
jailliront après le choc , chacun de fon
côté, avec la même vîtefTe & fuivant la
même diredion qu'ils a\oieut avant le
choc.
22°. Dans le choc direft des corps , la
vîteflb refpeâive demeure toujorus la même
avant & après le choc ; c'eft-à-dire , que
quand les corps vont tous deux du même
côté, la différence des vîtefTes eft la même
avant & après le choc , & que quand ils fe
choquent en fens contraire , la difTérence
ou la fomme des vîtolTes après le choc ,
eft la même que leur fomme avant le
choc j favoir , la difTérence fi les corps fè
meuvent dans le même fens après le choc ,
& la fbmme s'ils s'éloignent Tun de l'autre
après -le choc fuivant des diredions cou*
traires.
Oo
15)0 P E R
Ainfi les deux corps s'é'oigrient l'un dé
l'autre après le choc , avec la même vîtelTe
qu'ils s approchoient l'un de l'autre avant le
choc.
23^. Dans le choc des corps à r effort , la
quantité de mouvement n'eft pas toujours la
même avant & après le choc j mais elle aug- .
mente quelquefois parle choc, & quelquefois
elle diminue.
Ainfi Defcartes & Ces feâateurs fe trom-
pent , lorfqu'ils foutiennent que la même
ijuantité de mouvement Xubfifte toujours
dans l'univers.
24°. Si deux corps à reffort A Si B
fe choquent , la fomme des produits
des maifes par les quarrés des vîtelîès ,
èft toujours la même avant & après le
choc.
C'eft le célèbre M.' Huyghens qui a le
premier découvert cette loi j & ceux qui
foutiennent que les forces vives des corps ,
c'eft-à-dire , les forces des corps en mou-
vement , font les produits des malles par
ies quarrés de leurs vîteffes , s'en fervent
pour prouver leur opinion j car ces philo-
fophes font voir que non feulement dans
le choc des corps , mais aufli dans toutes
les queftions de dynamique , la fbmme
des maffes par les quarrés des vîteffes fait
toujours une quantité confiante. Or ,
comme il eft naturel de penfer, félon eux,
que la force des corps en mouvement
■demeure toujours la même , de quelque
manière qu'ils agifl'ent les uns fur les
autres ,. ces auteurs en concluent que
xette force eft donc le produit de la
malfe par le quarré de la vîteffe , & non
gar la vîkffe fimple. V^oyei FORCES
VIVES.
15**. Pour déterminer le mouvement de
deux corps A & B,{Jig. 42 , ) qui fè cho-
quent obliquement , foit que ces corps
aient du reffort ou n'en aient point -, le
mouvement du corps A fiiivant A C , peut
■fe décompofer en deux autres , dans les
dirè6^;ions AE &l*A D ; & le mouve-
ment du corps B fuivant B C, peut aufll
fe décompofer en deux autres fuivant B F
HBG ; &cks vîteffes fuivant AD &cBF
feront aux vîteflés fjivant A C &c B C ,
comirfô les lignes droites AD, B F, A C ,
&5C ; or commî les droites A JE èiBG
P E R
font pafàlleles , les forces qui agifi!èi]t /ùî-
vant ces direéHons ne font oppoféesenrien ,
& par conféquent on ne doit point y avoir
égard pour déterminer le mouvement que
les deux corps fe communiquent par le
choc j mais comme les lignes AD èi.BFy
ou ce qui revient au même , E C &i. G C y
compofent une même ligne perpendicu-
laire k J) C y il s'enfuit que le choc eft
le même que fi les corps A di B ih cho-
iquoient directement avec des vîtefiès qui
fuiîënt entr'elles com-me E C ^ GC. Tout
k réduit donc à trouver la vîtefle de A êi.
B , fuivant les règles données ci-deflus..
Suppofons , par exemple , que la vîteiîe
du corps A , après le choc dans la perpen-
diculaire E C , foit repréfentée par C H ;
comme le mouvement fuivant A E n'eft
point changé par le choc , on fera CK=i
A E , & on achèvera le parallélogramme
H C Kl; la diagonale C I repréfentera
le mouvement de A iaprès le choc ^ car
après le choc , le corps fe mouvra fiii-
vant h. direction C I , èc avec une vîtelïè
qui fera comme C I. On trouvera de la
même manière , que le corps B fe ré-
fléchira fjivant la diagonale du parallélo-
gramme C M , dans lequel L M = BG ^
en fuppofant que la vîteflè B F (e change
après le choc en ÙL ; ainfi les vîteffes
après le choc ièront entr'elles comme C / à
CM.
Centre de percujfwn eft le point dans le™
quel le choc ou l'impulfion d'un corps qui
en frappe un autre , eft la plus grande qu'il
eft .poflible. V. Centre.
Le centre de pepcujjion eft le même que
le centre d'ofcillaiion , lorfque le corps cho-
quant fè meut autour d'un axe fixe. V* Os-
cillation,
Si toutes les parties du corps cho-
quant fe meuvent d'un mouvement pa-
rallèle & avec la même vîteffe , le
centre de percujfwn eft le mêfve que le
centre de gravité. Voye^ Gravité ^
Centre.
Sur les loix de la percujfwn des cOrps
irréguliers , élaftiques ou non , voye[ mon
traité de Dynamique.
J'y ai -déterminé , art. lôç de la
fecopclc édition , les loix de cette per-
■ cuJJi(M par uiBS méthode fort fiaipk. Cette
PEU
Jiîcthocîe fuppofe en général que le tnoti-
vement d'un corps après Je choc eft toujours
compofé d'un mouvement du centre de
gravité en ligne droite , &: d'un mouve-
ment de rotation autour de ce centre ,
lequel mouvement çCt = o dans le cas de
la percution direâ:e. On peut voir fur cela
un plus grand détail dans l'article cité de
mon trai'é de Dynamique, (0)
PERDICCAS, {WJf. ancien.) lieu-
tenant d'Alexandre , fut alfocié à la gloire
de fes conquêtes^ Adroit courtifan & brave
guerrier , ce fut par fon courage & fa
dextérité qu'il s'infinua dans l'efprît de
fon maître , qui épancha tous fès iècrets
dans fon fein. Le héros enlevé par une
mort prématurée , ne laiffa point d'enfans
pour lui fuccéder ^ fes lieutenans , com-
pagnons de ks victoires , crurent avoir
des droits pour réclamer fon héritage.
Perdiccas , auquel il avoit remis fon an-
neau royal , s'en faifbit un titre pour être
fbn fucceffeur ^ & fè flattant de régner
fous le titre de régent , il fît afTembJer \gs
chefs de l'armée , & leur repréfènta que
Roxane étant enceinte , il falloit confier la
régence à quelqu'un capable d'en fbutenir
le p^ids. Néarque éleva la voix , & dit :
« W n'y a que le fang d'Alexandre qui
» foit digne de nous donner un maître :
» fongeons qu'il a laifTé un fils de Barcine,
» c'efl lui qui doit être fon fucceffeur. »
Cet avis étoit trop contraire aux intérêts
de chaque particulier pour être fuivi : tous
les chefs , frappant de leur javelot leur
bouclier , s'écrièrent que les fils de Barcine
& de Roxane n'avoient aucun droit de com-
mander à des Macédoniens , que c'étoient
des demi-efclaves dont le nom feroit un
opprobre en Europe. Les partifans de
Perdiccas foutinrent qu'il avoit été défigné
par Alexandre , & il alloit être proclamé
roi , fi Méléagre , chef de la phalairge
macédonienne , n'eût excité une fedition
pour s'oppofer à fon élévation. On étoit
prêt d'en venir aux mains , Icrfqu'un par-
ticulier obfcur propofa de reconnoître
Aridée , frère d'Alexandre , & comme
lui , fils de Philippe. Cette propofition fut
reçue avec un appîaudiflement général.
Olympias craignant que c^ prince , fruit
d'ttn amour adultère, ne fût im obftacle
P E R 25>r
à la grandeur future de fou fils , lui avoit
fait prendre un breuvage qui a\oit altéré
fa raifbn , & ce fut fon imbécilité qui
prépara fon élévation. Tous les grands fè
flattant de régner fous fon nom , lui don-
nèrent leur voix. L'empire fut partagé
entre les généraux foik le titre de gcu-
verneurs. Perdiccas chargé de la tutele
du prince majeur , fut véritablement roi j,
il crut ne pouvoir mieux s'appîanir le che-
min au trône qu'en époufànt Cléopatre ,
fœur d'Alexandre. Fier de cette alliance,
il ne vit plus dans les autres gouverneurs
que les exécuteurs de £es volontés ; mais
ne voulant pas vivre dans fa dépendance ,
ils fe liguèrent tous contre lui. Il ufa de
la plus grande célérité pour difîiper cet
orage : il marcha contre Ptolomée , fe
faifant accompagner d'Aridée & du jeune
prince dont Roxane venoit d'accoucher.
Il fe fervit de ces fantômes peur faire
croire qu'il n'étoit armé que pour défendre
dewyi princes trahis par des gouverneurs
am.bitieux. Dès qu'il fe fut approché de
Pelufe , il fe vit abandonné des vieux
ibldats , qui fervoient à regret contre Pto-
lomée. Il y eut plufieurs efcarmouches où
le roi d'Egj'pte eut toujours l'avantage :
les Macédoniens imputèrent leurs défaf»
très à l'imprudence de leur chef. La pha-
lange , plus irritée , & plus indocile ,
éclata en m.enaces ; cent des principaux
ofîiciers , qui avoient Python à leur tête ,
pafîerent dans le camp de Ptolomée. Après
cette défeôion , Perdiccas , refté fans dé-
fenfèurs , fut affafîîné dans fa tente par iei
propres foldats. ( T-n.)
PERDICITES, ( Hif. nat.) nom
donné par quelques naturaliftes à une
pierre de la couleur des plumes d'unç
perdrix.
PERDICIUM, ( Bât.) genre de plante
à fleur compofée de plufieurs fleurons her-
maphrodites au centre , & de fleurons fe-
melles à la circonférence, tous portés par
un placenta ras : ces fleurons ont leur
pavillon, découpé comme en deux lèvres,
dont la plus grande eft recoupée en trois
lobes , & l'autre eu deux \ les femences
qui leur fijccedent font couronnées d'une
aigrette fimple. Linn, gen. pi. fyng. pol,^
^fuperf - '
Oo i
ipi P E R.
Les trois cfpeces que M. Linné com-
prend dans ce genre , croiliènt en Afri-
que ou dans les pays chauds de l'Ainé.-
rique. ( D. )
PERDITION , f. f. ( Critique facrée. )
Ce mot fignifie dans l'écriture ,. i*^. perte ,
ruine. Perditio tua. îfrad 5 Ofée. , xiij j
9 : « votre ruine fie vient que de vous ,
Ifraël. » z°. Le tombeau , le fépulcre.
t< Quelqu'un , dit le Pfalmifte , Pfal.
« Ixxxvij , 12 , racontera- t-il votre vé-
» rite dans le tombeau ? » in perdftione,
{D. J.)
PERDOTTE, £.. m, [Idolâtrie.) nom
propre d'un faux dieu des anciens habitans
de PruiTe : c'étoit leur Neptune, ou leur
dieu de la mer ^ d'où vient qu'il étoit honoré
finguîiérement par les mateJots & les
pêcheurs. Ils lui. ofïroient des poifToiis en
facrifice \ enfuite leurs prêtres tiroiejit les
aufpices , examinant les vents-,. & leiu:
prédifoient le jour & le lieu où ils pour-
roient faire une heureufe' pêche, Hartfnock ,
Dijftn. X ^ de cultu deorum FruJfiorum.y
a forgé tous ces contes , femblables à
ceux qu'il a imaginés fur le dieu Perennus,.
PERDRE , V. aa. ( Gramm, ) Q\Çl Iç
eorelatif de conferver ; il marque la priva-
tion d'une chofe précieufe qu'on pofledoit:
perdre la vie , la faute , l'innocence \ perdre
le fa:ig , perdre une bataille ;, perdre fon
père , fa mère ^ ^ £&% amis \ perdre fur
nne marchandife 5 perdre fon temps. Il a
quelques autres acceptions ,. comme dans
ces phrafès : il èft perdu d'amour 3 c'eft
lin homme que je perdrai ; je le perds
de vue '-, il s'eft perdu dans ces forêts j
fai perdu la confiance que j'avois en lui j
je perds le £1 de fon difcours ,. les idées fè
perdent , &c.
PERDREAUX, f, m. pliin { Arti/Ieric
milii. ) Les perdreaux font plu (leurs gre-
nades qui partent enfemble d'un même
mortier avec une bombe , comme une
compagnie de perdreaux , dont la bombe
repréfente la mère perdrix. Le mortier qui
j^tte la bombe , eft un mortier ordinaire ,
mais dont le bord , dans fon contour &
dans fon épaifléur, contient treize autres
petits mortiers , dans chacun defquels eft
ftne grenade. On met le iëu.à la luii^iere du
P E R:
gros mortier,, qui- a communication avec
celle des petits., La bombe & les grenades
partent dans le inême moment. C'eft \n\
italien nc^nmé Pétri ^ qui fit fondre d'abord,
ces fortes de mortiers. ( D. J.)
PERDRIX,. Perdrix grise, Per-
DRis, Perpris gringette , Perdrix?
goache ou gouache , Perdrix Crie-
CHE , perdix cinerea , Aldrovandi ^ WilU
oifeau qiii a environ, un pié & un demi-
pouce de, longueur , depuis la pointe du-
bec iufqu'à l'extrémité de la queue , &>
plus d'un pié fîx pouces- d'envergeure ; la
front , les côtés de la tête 8< la gorge,
font d'un roux clair ; le deffus de la tête-
eft d'un brun rouffâtre mêlé de petite^
lignes loHg:itudinales jaunâtres. Il y a au,
delTous des yepx de petites excroiffances-.
de chair rouge : la face fupérieure du coa
a des bandes traufverfales de cendré , de.
noir, & d'un peu de roux : les plumes du,
dos , du croupion , & celles du deffus de-
là queue , ont les mêmes couleurs-, & it
y a au bout de chaque pliune une banda
étroite. & tranfverfaîe de couleur roufTe :.
la partie inférieure du cou & la poitrine y.
font d'un cendré bleuâtre mêlé de petitesr
taches, roufiès & de bandes noires trauf-
verfales^ il y a au bas. de la poitrine une
large bande en forme de fer à cheval de
couleur de marron : les plumes des côtés-
du corps font de même couleur que celles
de la poitrine; elles ont chacune près de
l'extrémité une large bande tranfverfale.
roufTe ; le bas-ventre eft d'un blanc fale
& jaunâtre ; le5 plumes àcs jambes , &
celles du dcffous de la queue , font rouf-
fâtres & traverfées de taches noirâtres 5.
le milieu de chaque plume a une tache
blanche longitudinale , en fuivant la direc-
tion du tuyau ; les petites plumes des ailes
&. les grandes des épaules , opt les mêmes
couleurs que celles du dos , &. de plus de
grandes tacjies rouifes ; chaque plume a
aufîl une ligne d'un blaix; rouffâtre , qui
s'étend félon la longueur des tuyaux; 'les
grandes plumes des ailes font brunes &
rayées tranfverfalement de blanc rouffâtre ;
la queue eft compofée de vingt plumes ;
les fix du milieu ont les mêmes couleurs
que le dos ; les fept autres de chaque côté
fout roufles J àTexcejption de la pointe qui
P E R
cft cendrée ^ le bec , les pies & les ongles
ont une couleur cendrée bleuâtre : le mâle
3 un ergot obtus à la partie poftérieure
du pié. ( * )
Les couleurs des perdrix grifes varient j
on en trouve qui font prefque entièrement
blanches , & qui ont de petites lignes
brunes tranverfales en forme de zigzag.
Cet oifeau multiplie beaucoup ^ la femelle
pond feize ou dix- huit œufs ^ les petits qui
en fortent vivent tous en fbciété avec le
père & la raere pendant tout l'hiver , jufqu'à
ce que chaque mâle cherche à s'appareiller
gvec inie femelle. Ornhh. de M. Briflbn ,
tome I, Voyei OiSEAU.
Perdrix de la nouvelle Angleterre ,
perdix, novee Angliœ , Klein, avi. Elle eft
plus petite que la perdrix grife ^ elle a
la tête , le cou , le dos , le croupion , les
petites plumes des ailes , & celles du def-
fus de la queue, d'un brun tirant fur le
roux mêlé de noir j il y a quelques petites
taches blanches fur la partie, fupérieure du
Qou : la gorge eft blanche ^ la poitrine , le
ventre, &:les côtés du corps, font jaunâtres
& traverfés par des bandes noires : il y a de
chaque côté de la tête une bande longitiiT
diuale , qui commence à l'origine du bec ,
qui palîe fur les yeux, & qui s'étend jufques
derrière la tête : les jambes & les plumes
du delTous de la queue ont une couleur
jaunâtre, marquée de taches de couleur
de marron j les grandes plumes des ailes
& celles de la queue , . font brunes. On
trouve cet oifeau à la nouvelle. Angleterre
& à la Jamaïque. Ornith. de M. Briifon,
tome 1. Voye[ OiSEAU.
Perdrix BLAx\CHE , Arbenne, lago-
pus avis y^ Aldrovar^di ^ Will. oifeau que
P E ?v te^.y
I M. Briflbn a mis dans le genre des gélino'
tes , & qu'il a décrit fous le nom de'
gélinote blanche. Il eft \m peu plus gros
que la perdrix rouge ^ il a environj^uii
pié deux pouces de longueur depuis la
pointe» du hec jufqu'à l'extrémité de la
queue j il change de couleur au printemps ,
comme laplupart des autres animauxblancs,
oL il eft prefque entièrement blanc pendant
l'hiver j il y a fur les côtés, de la tête une
petite tache noire entre les yeux & le
bec j le tuyau de la féconde des grandes
plumes de l'aile & des quatre qui fuivent ,,
eft noirâtre j les quatre plumes du milieu
de la queue font blanches \ toutes les
autres ont une couleur noirâtre , à l'ex-
ception de la pointe , qui eft blanche ; les
pies , & même les doigts , font couverts
jufqu'à l'origine des ongles, de plumes
blanches ^ il y a au deffus des yeux une
petite bande de mamelons charnus , d'un
très -beau rouge ^ le bec eft noir, & les
ongles ibnt bruns. Pendant l'été cet oifeau
eft en partie brun , & en partie blanc \ il
a aufl] quelquefois un peu de couleur de
marrojn rayée tranfverfalement de noir.
Qn le trouve dans le pays du nord, &c
m>ême en France & en Italie fur les hautes
montagnes. Ornith. de M. Briflbn ,. tome I.
Voyci Oiseau.
Perdrix du Brésil, perdix brafi-
liana jambu dicla Pifoni , Will. Cette
perdrix a la grofleur de nos perdrix ; elle
eft en entier d'une couleur jaunâtre , obA
cure , mêlée de brun ; elle fe perche fur
les arbres j fes œufs font d'un très - beau
bleu : c'eft un oifeau du Brefil. Ornith, dq
M. Briflbn , tome I , Koyei OiSEAU.
Perdrix, DE LA Chine , perdix.
(*) Ce genre d'oifèau a été réuni par M. Linné avec les gélinotes &les tetrals oucoqsde bruyerci
M. Briffon , qui l'a féparé , le diftingue du faifan par la queue courte, & de la gélinote par les pies
nus.. Quoi qu'il en foit des fyftêmes , ces oifeaux font du nombre des gallinacés , dont ils ont la
corps & le vol un peu pefant ,1e bec en cône courbé, les jambes , la ftrufture interne & les habitudes.
Elles ont près des yeux, de chaque côtéde la tête, un efpaee nu, papille & coloré; les jambes
couvertes de plumes jufqu'au talon , & le refte des pies nus : toutes celles qu'on connoît ont la
queue courte. Quant aux habitudes, les perdrix font , comme les autres gallinacés, des oifeau»
pulvérateurs : elles vont ordinairement par troupes ou compagnies. Dans le temps des amours , il y •
a fouyentde grands combacs parmi les mâles; mais quand l'appariation elV faite, le mâle ne quittç,
pas (a femelle : celle-ci pond en terre au milieu de l'herbe, dans un creux, où elle conftruit un
îiid fans beaucoup de fiçon. Les petits courent & cherchent leur nourriture dès qu'ils font nés. Les
.végétaux, les grains, Cw. font leur principale nourriture.
Kouiiie difcui^roa&pa* quelles efpeces doivsat êtrea/rignéss.àce gexire-j cu-ea-être e^clues^ ^1>.- i
an P E R
fineafis. Cette elpece de perdrix e{l nn
peu plus ^ro& que notre perdrix rouge j
€lie a eavirou un pié fix lignes de lorigueur
d^uis la pointe du bec jufqu'à l'entréinité
de la queue , & un pié quatre povices
jufqu'au bout des ongles. II y a de chaque
côté de la tête quatre bandes longitudi-
nales , qui commencent toutes à l'origine
du bec , & qui s étendent jufqu'au derrière
de la tête : la première , c'eft- à-dire ,
celle qui fe trouve au deitus des autres ,
paife Tur les yeux ^ elle eft la plus large
& noirâtre : la féconde eii blanche j la
troifîeme noirâtre , & la dernière a une
couleur rouflatre. Le femmet de la tête
eft d'un brun mêlé de petites taches blan-
■ châtres , & la gorge a une couleur blanche ;,
les phjmes du dos , du croupion , & celles
du delfus de la queue , font rayées tranf-
verfalement de brun & de rouliâtre j [es
piumes des ailes font brunes , & ont aufil
des bandes tranfverfales blanchâtres , qui
forment fur chaque côté de la plume un
petit arc de cercle ; la queue eft roufla-
Xxe , ^ a des bandes tranfverfales noires ;
le bec eft noirâtre ^ les pies font roux :
le mâle a un ergot long de deux lignes &
demie à chaque pié. On trouve cet oifeau
à la Chine. Ornith. de M. Briflbn. Voye^
Oiseau.
Perdrix de Damas , Perdrix de
Syrie , pa-di» damafcena Bcllonii , Will.
On a mis cet oifeau dans le genre des
gélinotes , 8t M. BrifTon l'a décrit fous le
nom de gélinote des Pyrénées. Il eft à-
peu près de la groffeur de la perdrix grife ;
il a dix pouces de longueur depuis la
pointe du bec jufqu'au bout des ongles ^
Je deft'us de la tête , la face fupérieure du
cou & le dos , ont différentes couleurs
mêlées enfemble , telles que le noir , le
roux , le jaunâtre , & le verdâtre , le
croupion eft rayé tranfverfalement de noir
&; de roux \ les petites pkimes des ailes
font d'un brun tirant fur le marron \ les
grandes ont une couleur verdâtre , mêlée
de jaunâtre , à l'exception de la pointe
• qui eft noire j les joues font fauves : il y a
derrière les yeuYi wne petite ligne noire '^
Je tour des yeux & la gorge o»it cette
/ même couleur ;, le deffus de la face infé-
rieure di^ cou eft olivâtre j le deiibus eft
P E R
roux , terminé par une bande noire , 8^
{ëparé de la couleur olivâtre par une féconde
bande de la nîême couleur ^ ces bandes
entourent le cou comme un double collier 5
les plumes de la poitrine , du ventre , des
côtés du corps , & celles de la face infé-
rieure des ailes , font blanches ^ la couleur
àes grandes plumes des ailes eft cendrée ;
elles ont l'extrémité brune & le tuyau noir :
il ya feize plumes dans la queije ^ les deux
du milieu ont prefque le double de la
longueur des autres \ toutes ces plumes
font de couleur cendrée , mêlée coufufé-
ment d'olivâtre. On trouve cet oifeau ea
Syrie & fur les Pyréuées.
On a donné le nom de perdrix de Damas j
à une variété de la perdrix grife , comme
dans différentes provinces de France , fous
le nom de perdrix grife de la petite efpece.
Elle ne diffère de la vraie perdrix grifè ,
qu'en ce qu'elle eft plus petite , & qu'elle
a le bec plus alongé. Ornith, de M. Bri{^
fon. P^oyei OiSEAU.
Perdrix franche , voyei Perdrix
ROUGE.
Perdrix de Grèce , voyei Barta-
velle.
Perdrix de la Guiane , grosse
Perdrix du Brésil , gallina fihejiris ,
macucagna Brafilienfibus dicla. Marg, Will.
Cette efpece de perdrix eft plus grofte
qu'une poule 5 elle a le bec noir , & ^ong
de plus d'un pouce & demi '^ la tête & le
cou font variés de petits points noirs &
d'un jaune obfcur -^ la gorge eft blanche j
le dos , la poitrine , le ventre & les jambes
ont une couleur cendrée , obfcure \ les pe-
tites plumes des ailes font brunes , & ont
des lignes noires en zigzag ^ les grandes
plumes font entièrement noires : cet oifeau
n'a point de queue. Ses œufs font un peu
plus gros que ceux dès poules , & d'un bleu
verdâtre. On le trouve dans la Guiane &
au Brelîl. Ornith. de M. Briifou , tome /.
Voyei Oiseau.
Perdrix de montagne ,- vojf^Oco-
COLIN.
Perdrix de montagne du Mexique ^
voyel OCOCOLIN DU MiXiQUE.
Perdrix rouge , Perdrix aux
piÉs ROUGES 5 Perdrix franche ,
Perdrix gaille , gaïe ou .gavi,e ,
P E R
PeRNISSE^, perdtxrufuy Wîlî. h?iperdrîx
rouge ell un peu plus grofiè que \à perdrix
grii'e. Elle a près d'uu pié un pouce de lon-
gueur depuis la pointe du bec jufqu'à l'ex-
tréiiiité de ta queue , fec un pié fix pouces
d'envergeure. Le devant de la tête eft d'un
gris brun, & le derrière d'un gris tirant
lur le roux \ la gorge a une couleur blanche
qui eft entouric d'une bande noire \ cette
bande commence aux narines , pâlie fous
les yeux , & va fe terminer fous la gorge ,
où elle forme une forte de collier : il y a
au/ÎI de chaque côté de la tête une bande
fongitudinale blanche. Les plumes de la
face intérieure & des côtés du cou font
cendrées, & ont chacune deux taches noires
à leur extrémité , une de chaque côté du
tuyau \ la face fupérieure eft d'un brun
roux ^ les plumes qui font près du der-
rière de la tête ont chacune à leur extrémi-
té deux taches noires & oblongues ;, les
plumes du dos , du croupioii , du deflus
de la queue , & celles des ailes , font d'un
gris brun j la poitrine eft cendrée ^ les plu-
mes du ventre, des jambes , & celles du
delfous de la queue , ont une couleur rouife ^
celles des côtés du corps font cendrées à
leur origine ; elles ont enfuite une raie
tranfver^le blanche , fuivie d'une autre
raie noire ^ enÇia leur extrémité eft rouife.
Il y a feize plumes dans la queue : les
quatre du milieu font d'un gris brun ^ celle
qui ks fuit de chaque côté a les barbes
extérieures ronfles , & les intérieures d'un
gris brun ^ toutes les autres font entière-
ment rouflcs. L'iris des yeux , le bec & les
pies ont une belle couleur rouge.
Les couleurs de la perdrix rouge varient.
On trouve de ces oilèaux prefque entière
ment blancs ou blanchâtres , à l'exception
de la tête qui eft d'un brun roux. Le bec &
les pies relient toujours rouges. Omit h. de
M. Briifon, tome 1. Foyei OiSEAU.
Perdrix rouge de Barbarie,
perdix Barbara , Klein. Cet oifeau eft un
peu plus penr que la perdrix griie. Il a
environ un pié de Ijni^ujur depuis la pointe
du bec jufqu'au bout des ongles, & un pié
fept pouces d'envergeure. Le deflus de la
tête eft couleur de marron j cette couleur
devient plus obfcurc derrière la têre, &
elle far me fur le cou une forte de coliicr
P E R itjy
parfomé de taches blanches & rondes j hs
côtés de la tête & la gorge font d'un
cendré clair & bleuâtre , & il y a près
de l'endroit ùqs oreilles une tache qui tire
fur le brun. La partie fupérieure du cou
& le dos ont une couleur bnuie cbfcure
tirant fur le cendré j le croupion eft cen-
dré. Les grandes plumes des épaules &
celles du deifus àts ailes font d'un beau
bleu , à l'exception des bords qui ont une
couleur de marron. La partie inférieure
du cou , au deflbus du collier , eft d'uu
cendré clair ^ le ventre , les plumes du
deflous de la queue , & celles de la face
inférieure des ailes {ont d'un brun clair ^
la poitrine eft couleur de rofe pâle \ les
plumes des côtés du corps font cendrées
. près de la racine ^ elles ont enfuite une
bande blanche tranfverfale dans leur mi-
lieu , & leur extrémité eft de couleur
orangée. Les grandes plumes des ailes font
d'un brun obfour tirant, fur le cendré j les
moyennes ont la même couleur , mais, plus
claire. Le bec, le tour des yeuxi, & les,
pies font d'un très-beau rouge. Le m.âle
a fur la patte poftérieure du pié un petit
ergot obtus. On trouve cet oifèau en Barba-
rie. Ornitk. de M. Briifon , tome I. f^oy»
Oiseau.
Perdrix rousse des Antilles ,
voyei Pigeon violet de la Mar-
tinique.
Perdrix du Sénégal , perdix fene-
galerijjs , oifeau du genre des perdrix. Il
eft un peu plus grand que noire perdrix
rouge. Il a environ un pié deux pouces
de longueur depuis la pointe du bec jufqu'à
l'extrémité de la queu^ tout le corps eft
varié de'roux, de bn«ifec de blanc fale j
le deflTus de la tête eft roux, & n'a point
de taches j les côtés font d'un blanc iàle ,
& ont de petites taches longues & brunes ^
la gorge eft aufli d un blanc fale y mais elle
n'a point de taches. Il y a flir les côtés
de la tète trois petites bandes qui pren-
nent leur origine à la racine du bec ^ la
bande du milieu eft blanche , & les deux
autres font noires ^ la fupérieure s'étend
juiques fur le derrière de la tête , & les
deux autres feulement derrière les yeux;
le cou eft roux & marqué de taches brunes
<k de ijlauc iaie. Il y a à cliaquc pié iieux
iciS p E a
ergots. On trouve cet oifeaii au Sénégal.
Ornhh de M. Briiron. Voye\ OiSEAU.
Perdrix , C ChaJJe. ) On donne , comme
"^'•on voit , Je nom de perdrix à plufieurs
oifeaux de diiFérens pays , tels que hperdr/z
<le Grèce , celle de Damas , celle de la
■Guadaloupe, &c, mais ce nom eft parti-
culièrement attribué aux efpeces que nous
appelions en Europe perdrix grife , perdrix
rouge , & perdrix blanche. Cette dernière
cfpece ne fe trouve communément qu'en
Savoie &dans les Alpes. Voye:^ Arbenne.
La perdrix grife & la rouge, qui font
-''communes en France, ont dans les mœurs,
aufli-bien que dans la forme & le plumage,
des différences qui en font des efpeces
très-féparées ^ aufli ne fe mêlent-elles point
enfemble, même dans les lieux où l'abon-
dance des unes & des autres les met fouvent
en préfence dans le temps de l'effervefcence
commune. Cependant lorfque le nombre
des mâles perdrix, rouges excède celui des
femelles , on voit quelques-uns de ces mâles
«'attacher à une 'paire de perdrix grifes , la
fuivre conflamment , & donner des mar-
ques d'empreffement & d'amour. Mais on
n'a jamais vu aucuneperdrix rouge en venir
avec une grife jufqu'à l'accouplement. Cet
amour étranger n'a d'effets que la jaloufie.
Il trouble feulement le ménage j &: ces
foins afîidus ne produifent qu'une importu-
nité fans fruit. La manière dont les deux
«fpeces fe nourriifent cft à-peu-près la même.
Elles vivent de grain, de fomcnces, d'œufs
de fourmis , de petites araignées , & d'au-
tres infeâes qui Ce trouvent dans les cam-
pagnes & dans les bois.
Les perdrix gt^s s'apparient dès la fin
de février, ou ailcommencement de mars,
lorfque les grandes gelées font paffées. Il y
a pendant les premiers jours beaucoup de
combats entre les mâles , & même entre
les femeUes , jufqu'à ce que le choix mutuel
foit fait d'une manière fixe , & que la pa-
riade foit décidée. Le temps doux avance
ce moment ^ & à mefîire que la chaleur
augmente , la fermentation de l'amour de-
vient plus forte dans ces oifeaux. Les mâles
font plus empreffés , & les femelles plus
dociles. Ils s'accouplent vers le commen-
cement d'avril , & les femelles pondent
à la fin de ce mois , ou au commencement i
P E R
de mai. Le nombre des œufs varie ordinai-
rement félon l'âge de la perdrix. A deux &
trois ans la ponte eft fouvent de dix-huit
œufs. Elle diminue enfuite, & ceffe pref-
qu'entiérement à fix ans. Alors la perdrix
eft déjà vieille , & il ne lui refte plus guère
qu'une année à vivre. Elle dépofc fês œufs
dans un nid fait prefque fans apprêt. Ce
n'eft qu'une fente , au fond de laquelle font
arrangés quelques brins de paille ou d'her-
be feche , & quelques feuilles. Les jeunes
perdrix ne choififfent pas même avec beau-
coup de foin le lieu où elles placent ce nid.
Mais celles que l'âge & l'expérience ont
inftruites , y apportent beaucoup d'atten-
tion. Elles choififfent un endroit élevé , à
l'abri de l'inondation , & environné de
brouffailles , qui le dérobent à la vue, 8c
en défendent l'entrée. De plus lorfqu'elles
quittent leurs œufs pour aller manger ,
elles ont foin de les couvrir avec des feuilles.
Koyei Instinct.
Le temps de l'incubation eft de viïigt-deux
jours. Pendant ce temps le mâle refte aux
environs du nid , & accompagne fa femelle
iorfqu'elle relevé pour chercher à vivre. Les
petits étant éclos , le père & la mère pren-
nent foin en commun de les conduire. Ils
les promènent dans les prés, aux bords
des bois , découvrent pour eux les fourmii-
lieres , les appellent prefque continuelle-
ment , & leur indiquent les infeètes & les
graines qui font propres à leur nourriture.
La perdrix grife donne à fos petits des foins
plus empreffés & plus aâifs qu'aucune autre
efpece. Leur tendrefîé va jufqu'à une jalou-
fie cruelle à l'égard des perdreaux qui ne font
pas de leur compagnie. Dans les pays fort
peuplés de gibier , on voit communément
les vieilles perdrix pourfuivre avec fureur
les petits les unes des autres, & les affom-
mer a coups de bec. Lorfque quelque péril
vient à menacer la famille , le père & la
mère , pour l'en détourner , s'y préfentent
eux mêmes avec un courage qui étonne dans
des animaux aufîi foibles. Si c'eft un chaf-
feur , ou un chien qui les menace , ils
fe montrent d'abord , fuient enfuite en
traînant l'aile , laiffent aux pourfuivans
l'efperance de les joindre ^ & quand ils les
ont fuffifamment éloignés , ils revolent à
leurs petits.
Les
P E R
Les perdrix grifès vivent réunies en
farr^illes , qu'on nomme compagnies , juf^
qu'au temps où l'amour les fépare & les
apparie. Celles même qui n'ont point pondu ,
ou dont les œufs ont été détruits par quel-
que accident , fe remettent en compagnie
dans le mois de juillet , & y relient jufqu'au
temps de la pariade.
Les perdrix rouges différent en cela des
grifes , quant aux mœurs. Elles ne font pas ,
à beaucoup près , aulfi étroitemicnt liées par
compagnies. Les petits même qui ont été
élevés enfèmble , & qui font de la même
famille , fe tiennent toujours à quelque dif-
tance l'un de l'autre j ils ne partent pas
enfcmble , & ne vont pas tous du mêm.e
côté. Les perdrix grifes , lorfqu'elles ont été
forcées de fe féparer , fe rappellent aufîîtôt
avec beaucoup de vivacité & d'inquiétude.
Cela n'arrive guère parmi les perdrix rou-
ges , qu'entre le mâle & la femelle dans le
temps de l'amour. Les /»er^/Vx rouges s'appa-
rient ainfi que les grifes ^ mais aufîî-tôt que
la femelle couve, le mâle la quitte, & la
lailTe feule chargée du foin de fes petits.
ha perdrix grifè s'apprivoifè aifement j elle
fe familiarife avec les paffans le long des
chemins , & en lui donnant à manger pen-
dant l'hiver , ou l'engage aifement à pé-
nétrer jufques dans les maifons. La perdrix
rouge conferve toujours un caraâ:ere plus
farouche , & l'éducation domeftique en eft
plus difficile. Voyei Faisanderie.
Les perdrix ^nies habitent volontiers
les plaines fertiles ^ elles fe plaifent. fiir-
tout dans celles qui font fécondées par des
engrais chauds , tels que la marne , &c.
Elles ne font tranquilles , qu'autant qu'elles
ont des remifes à portée d'elles ^ mais en
général elles ne ie jettent dans les bois que
pour éviter la pourfuite des oifeaux ou des
chalfeurs , &c elles en fortent dès que le
péril eft paffé. \-.&s perdrix routes cherchent
naturellement les montagnes fourrées de
bruyères & de jeunes bois. Si elles relèvent
dans les plaines , c'eft pour aller vivre , &
les bois font leur habitation propre. Voye^
Gibier.
Tout le monde fait quelle reffource on
tire des perdrix , fb it pour l'agrément de
la table , foit pour le plaifir de la chafFe.
C'eft pour réunir ces deux objets , qu'on
Tome XXr.
P E R 297
prend tant de foins pour la" confcrvation
de ces oifeaux. La m.aniere de les chaiTcr
la pliis ordinaire , eft avec des chiens cou-
chans qui les arrêtent , & indiquent au
chalfeur le lieu où elles font. Le chalfeur
doit alors les tourner , chercher à les ap-
percevoir , & les tuer devant fon chien ,
foit à terre fi elles tiennent , foit au vol
fi elles viennent à partir. Les heures les plus
convenables pour cette chailê foiit , dans
l'automne , depuis dix heures jufqu'à midi ,
& depuis deux heures jufqu'à quatre. Le
matin , à midi & le foir, les perdrix relè-
vent pour manger , & alors elies font pref-
que toujours en mouvement. On prend les
perdrix pendant la nuit avec des filets ,
appelles les uns traîneaux , les autres pen^
tieres. Mais ces fortes de chafTes qui n'ap-
partiennent qu'aux braconiers , ne méritent
pas qu'on en donne des leçons. Il eft une
autre manière de les prendre pendant le
jour , qui peut être utile , & qui tend à la
confèrvation fans rien prendre flir l'ufàge.
On a un filet rond monté fiir àes cerceaux
qui lui donnent la figure d'un cône fort
alongé \ on l'appelle tonnelle. On tend ce
filet dans un chaume , & on l'afTujettit de
manière que les mailles d'en bas touchent
exaâement la terre , & que les pies des
perdrix ne puifleut pas s'y embarraifer. On
place enfuite en avant de la tonnelle deux
filets conducteurs , qu'on nomme ailiers ,
qui partent de l'embouchure de la tonnelle,
& dont l'intervalle va en s'élargifTant. Lorf-
que cet attirail eft préparé , le chaiTeur
porte devant lui une toile jaune tendue fur
un chaffis , 8>c qu'on appelle vache , parce
qu'elle en a la couleur. Cette vache a un
trou placé à la hauteur de l'œil , au moyen
duquel le chaiTeur voit ce qui fe paife devant
lui. Toujours caché derrière cette toile , il
va chercher une compagnie de perdrix , qui
marchant devant cet objet fans en être
affez effrayée pour prendre fon vol», eft
conduite pas à pas , d'abord entre less
ailiers , & delà dans la tonnelle même.
Alors le chaftèur jette fa vache , court à
fon filet , & fàifit les perdrix dont il laiffe
aller les femelles , & tue les cot^s. Par ce
moyen il ôte la furabondance des mâles ,
fans courir le rifque , comme avec le fufi!,
d'en bleifcr inutilement, onde fe méprendre.
198 P E R
Il naît; orclinairemeiit dans l'e/pece desp€r-
drix un tiers de coqs plus que de femelles..
Il eft important pour la reproduftion d'ôter
cet excédant ,, afin que les paires ne foient
point troublées au temps de la ponte. On
garde aufli pour cela dans des cages quel-
ques poules privées. On les porte le foir dans
les endroits où l'on a r-e marqué trop de
eoqs. Elles appellent , & leur chant attire
les mâles qu'on tue alors à coups, de fufil.
On nomme chanterelles .j les perdrix deftir
nées à cet ufage.
Perdrix , ( Diète, ) Cet oifeau eft dès
long-temps fameux parmi les alimens \qs
plus exquis & les plus falutaires ^ fupériorité
réelle qu'a la chair de la perdrix .^ à ces
deux titres , fur Iss autres chairs que man-
gent \ei hommes ^^c'eft detre véritablement
iiicculente fans être grafle.. Elle peut con-
venir par cette qualité finguliere à tous les
fojets, foit vigouFeuXy foit délicats, tant
à ceuK qui font en pleine fànté, ,, qu'à ceux
qui font en convalefcence.
Je ne (iiis ce, qu'il faut croire d*«ne opi-
nion qui eft répandue parrni le peuple ,
fàvoir que le glouton le plus, décidé ne
fàuroit manger une /WAtZ/vx tous le.s jours
pendant un mois entier.
PERDU, voye^ l'article PerdRE. On
dit en peinture que les contours des objets
reprcfentés dans un tableau font perdus ,
lorfqu'ils ne fe, détachent pas., de leur
fond.
Perdu (bois ) ,,( comm. dcbois, y Eaire
flcttei; du bois à bois perdu , veut dire
le jeter dans' de petites . rivières . qui ne
peuvent porter ni train ,, ni bateau j.pour
le raifemblcr à leurs, embouchures dans
de plus grandes , & en former des trains,,
ou en char.ger des bateaux.
Lorlqu'il y a piufieurs marchands qui
jettent leurs bois à bais perdu à^nsÏQ même
temps & dans le même ruiffeau ,. ils ont
coutume de marquer chacun le leur à la
tête de chaque bûche , avec un marteau de
fer gravé des premières- lettres, de leii|-
nom , ou de quelque autre figure à leur
volonté , afin de les démêler quand on. les
tire à bord. Ils ont aufîi, à communs frais ,
des perfonnes qui parcourent les rives de
ces petites rivières de deux côtés , &
çui avec de longues perches armées d'iui
P E R
croc de 'fer , remettent à flot les bois-
qui donnent à la rive & qui s'y arrêtent,.
( D. 7. )
PERDUELUO , {Hijl, rom.) Nos
auteurs traduifent toujours ce mot par rébel-
lion , crime de rébellion ^ mais ce n'eft.
point cela. Perduellio étoitun crime qu'on:
pourfuivoit deygnt le peuple dans fes aifem--
blées par centuries. On appelloit /»er^z/e///.y ,.
celui qui étoit coupable de quelque attentat,
contre la république. Les anciens dpnnoient
le nom à& perduelles miYiQxm&mis , comme;
on le, voit dans Plante ,, Amphit^ acl^ I ,^
fc. j , V, 94. On réputoit coupable de per-
duellion celui qui ayoit violé les loix qui
-favorifoient le droit des citoyens , & la,
liberté du peuple ::tel étoit, par exemple ,.
celui qui avoit donné atteinte à la loi^
Porcia, établie l'an de Rome 556, par
P. Porcius Lœca , tribun du peuple ^ ou à
la loi Sempronia : ou en trouve un exemple ,.
concernant la loi Porcia dans Valere Ma-
'yiime , exemple, 3. La première de ces loix ;
.'déf^ndoit de battre ou de tuer un citoyen,
romain ^ la féconde défcndoit de décider •
de la. vie d'un citoyen romain fans l'ordre ;
du peuple , à qui appartenoit le droit légi-.
time de fe rélërver cette connoiltancc ^
aufTi étoit-ce un crime de lefe-majefté , ou ;
de perduellion des plus atroces , que d'y
donner atteinte. Voy, ce qu'en dit Ciceron , ^
Kerr.liv.I^ ch^ v. .Tite-Liye , L XXVI ^ ^
c.iij,{D._J.).
.PERE , £ m. {Droit naturel. ) relation .
là plus étroite qu'il y ait dans la nature.
(ç Xu es père <f dit le bramine infpiré , ton .
M enfante eft un dépôt que le ciel t'a confié \
)> c'eft à toi d'en prendre, foin. De fa bonne
» ou de fa mauvaife éducation , dépendra le :
:» bonheur ou le malheur de tes jours : far--
ftdeau honteux de Ja fociété , fi le vice
» l'emporte , il fera ton opprobre j utile à
» fa patrie ,.s'il eft vertueux, il fera l'hou- .
)>_neur de tes vieux jours»,
\ On ne connoît jamais bien la joie des,
>/7fr^^ ni, leurs chagrins, dit Bacon, parce
qu'ils ne peuvent exprim.er leurs plaifirs,,
& qu'ils n'ofcnt parler de leurs peines, .
L'amour paternel leur rend \qs {o'ms & les
fatigues plus fijpportables ^ mais il rend _
aufli les malheurs & les pertes doublement
ameres.j toutefois fi cet état augmente lfiS =
VEK
•inquiétudes de la vie , il ed mêlé de plaîfirs
indicibles , & a l'avantage d'adoucir les hor-
reurs & l'image de la mort.
Une femme , des enfans , autant d'otages
qu'un homme donne à la fortune. Un père
de famille ne peut être méchant, ni vertueux
impunément. Celui qui vit dans le célibat,
devient aifém.ent indifférent fur l'avenir qui
ne doit point l'iatéreilèr ^ mais un père qui
doit fe fuivre dans fa race , tient à cet avenir
par des liens éternels. Auiïi remarque-t-on en
particulier , que les pères qui ont fait la
fortune ou l'élévation de leur famille ,
aiment plus tendrement leurs enfans ^ fans
doute, parce qu'ils les envifagent fbus deux
rapports également intérelTans, & comme
leurs héritiers , & comme leurs créatures :
il eft beau de fe lier ainli par fes propres
bienfaits.
Mais que l'avarice & la dureté des pères
•cfl condamnable & mal- entendue , puif-
qu'elle ne tourne qu'à leur préjudice ! Leurs
•enfans eu contra£tent une bafieire de fenti-
mens , un efjjrit du fourberie & de mauvaife
conduite qui les déshonore, & qui fait mé-
|)rifer une famille enhere : c'eft d'ailleurs une
grande fottife d'être avare , pour faire tôt
'OU tard des prodigues.
C'efl: une autre coutuitte fort mauvaife ,
*quoiqu'ordinaire chez les pères , de mettre
i^QS le bas âge entre leurs enfans des diftinc-
tions ôc des prééminences , qui produifent
enfuite des difcordes , lorfqu'ils /ont dans un
âge plus avancé, & caufeut des divisons
•dans les familles.
Il eft honteux de facf ifîer des enfans à Ion
ambition par desdeftinations forcées ^ il faut
feulement tâcher de tourner de bonne heure
Jeurs inclinations vers le genre de vie
dont on a fait choix pour eux , quand ils
n'étoient pas encore dans l'âge de £c décider j
mais dès qu'un enfant a une répugnance ou
un penchant bien marqué pour une autre
vocation que celle qu'on lui deftinoit , c'eft
la voix du deftin , il y faut céder.
Oîi remarque prefque toujours dans une
nombreufe famille , qu'on fait grand cas
d'un des aines , qu'il y en a un autre parmi
les plus jeunes qui fait les délices du père &
de la mère ; & ceux qui font entre deux Ce
Voient prefque oubliés ^ c'eft une injuftice ^
le droit d'aiiiefle eu eft une autre. Enfin, les
P E K i^^
cadets réuflîflent très-rarement, ou [Jour
mieux dire , ne réufllfFent jamais , lorfque
par une prédileâ:ion injufte , l'on a pour l'a-
mour d'eux déshérité les aines.
L'obligation naturelle qu'a le père dô
nourrir Ces enfans , a fait établir le mariage ,
qui déclare celui qui doit remplir cette-
obligation j mais comme les enfans n'ac-
quièrent de la raifou que par degrés , i] ne
fiiffit pas aux pères de hs nourrir , il faut
encore qu'ils les élèvent & qu'ils les condui-
fent j déjà ils pourroicnt vivre , & ils ne
peuvent pas fe gouverner. Enfin , quoique
la loi naturelle ordonne ^ux pères de nourrir
& d'élever leurs enfans , elle ne les oblige,
pas de les faire héritiers. Le partage des
biens, les loix fur ce partage, les fuccefiions
après la mort de celui qui a eu ce partage ,
tout cela ne peut être réglé que par la fo-
ciété , & par conféquent par des loix poli-
tiques ou civiles. Il eft vrai que l'ordre poli-
tique ou civil 5 demande ordinairement que
les enfans fuccedent aux pères ; mais il ne
l'exige pas toujours, f^oyei M. de Montef-
quieu.
Quant à l'origine & à l'étendue du pou*
voir paternel , voy. Pouvoir patern'el;
c'eft une matière délicate à traiter. (Z>. J.)
PerE nature/ , eft celui qui a eu un en-^
faut d'une perfonne avec laquelle il n'étoit
point marié ^ dans ce cas le père eft tou-
jours incertain, au lieu que la raere eft
certaine.
Père légitime ^ eft celui qui a eu un
enfant d'un mariage légitime j pâte rcji quem
nuptiœ demonjivAnt,
^EKE putatif ^ eft celui qui eft réputé le
père d'un enfant , quoiqu'il ne le foit pas ea
eifet. •
PeRE adoptif , eft celui qui a adopté
quelqu'un pour ion enfant. V, Adoption.
\^es ptrcs & mères doivent des aîimens à
leurs enfans , ibit naturels ou légitimes , du
moins jufqu'à ce qu'ils loient eu état de
gagner leur vie.
Les enfans doivent auffi des alimens à
leur père & mère , au cas que ceux-ci tom--
bcnt dans l'indigence.
Chez les romains , le pouvoir des pere$
fur leurs enfans étoit extrêmement étendu 5
ils dévoient tuer ceux qui leur nailToient
avec des difformités confidérables j ils
Pp 2
'Se6 P E R
avoient auflî droit de vie & de mort fur ceux
même qui étoient bien conftitués , & pou-
voient les vendre ^ ils pouvoient aufli les
cxpofer & leur faire fouffrir toutes fortes de
fiipplices.
Les Gaulois & plufieurs autres nations
pratiquoient la même cho'fe *, mais ce pou-
voir trop rigoureux fut reftreiut par Jufti-
nicn , & préfèntement les pères n'ont plus
fur leurs enfans qu'un droit de corre<âion
modérée.
Quant aux autres droits attachés à la qua-
lité de père, v. GaRDE , EMANCIPATION
& Mariage , Puissance paternelle ,
Secondes noces.
Les enfans doivent porter honneur &
relpeâ: à leurs père & mère j c'eft la loi
divine qui le leur commande.
hcs pères font obligées de doter leurs en-
fans , & finguliérement leurs filles ^ mais
cette obligation naturelle ne produit point
d'aétion civile.
hepere & le fils font cenfës une m.êmé
pcrfonnc , foit par rapport à leur fuifrage
ou témoignage, foit en matière de dona-
tions.
La foccenion des meybîes & acquêts des
enîans décédés fans enfans , appartient aux
pères & mères , comme plus proches pareus.
f^. Acquêts , Progrés , Succession ,
Retour.
En matière criminelle , le père eft refpon-
iàble civilement du délit de fon fils mineur.
yoyei aux inftitut. les titres de patria po-
tejîate , de nuptiis. [A)
Pere , ( Critiq, facrêe. ) Ce terme ,
outre la fignilîcation* du pere immédiat , en
a quelques autres daus l'écriture qui y ont
un rapport indireft. Dieu eft nommé pere
de tous les hommes , comme créateur &
confervateur de toutes les créatures. Fere
défigne quelquefois Taïeul , le bifaïeul ,
l'auteur même d'une famille, quelque éloigné
qu'il eu foit \ ainfi Abraham eft dit le pere
de plufieurs nations. Fere marque encore
îes rois , les magiftrats , les fiipérieurs , les
maîtres \ il dénote aufii les perfonnes k^ées,
fcribo vobis , patres , /. Joan. ij 13. Il
marque enfin l'auteur ou l'inventeur de quel-
que chofe. Satan eft pere du menfonge.
Joan. viij. 44. Jubal fuit pater canemium
ç^tharâ^ Gcn, /V, il. Jubal fiit le premier
PER
qui inftrulfit les hommes à jouer de îa cy-
thare , ou qui inventa cet inftrument de mu-
fique. (Z>. /.)
Pères conscripts , (H//?. Rom.) en
latin patres confcripti , nom qu'on donnoit
aux fénatcurs de Rome , par rapport à
leur âge , ou à caufb des foins qu'ils pre-
noient de leurs concitoyens. « Ceux qui
» compofoient anciennement le confêil de
» la république , dit Salufte , avoient le
» corps sffîbibli par les années ^ mais leur
» efprit étoit fortifié par la fageffe & par
)j l'expérience, w
Il n'en étoit pas de même au temps de
cet hiftonen j d'abord fous les rois , le nom
de pères confcripts n'appartenoit qu'à deux
cents fénateurs , qui s'accrurent tellement
dans la fiiite , que l'on en comptoit .jufqu'à
neuf cents fous Jules-Céfar , au rapport de
Dion.
Pere de l'église , ( Hijf. eccléf. )
On nomme pères de féglife , les écrivains
eccléfiaftiques grecs & latins , qui ont fleuri
dans les lix premiers fiecles du chriftia-
iiifme.
On en compte vingt- trois, favoir, S. Am-
broifè , S. Athanafe , Athénagore , S. Au-
gtiftin, S. Bafile, S. Chryfoftôme, Clément
d'Alexandrie , S. Cyprien , S. Cyrille d'A-
lexandrie , S. Cyrille de Jérufalcm , S. Gré-
goire de Naziance, S. Grégoire de Nyflt; ,
S. Grégoire le grand , ♦. Hilaire , S. Jérô-
me , S. Irenée , S. Juftin , La<^ance , S. Léon y,
Minutius Félix , Origene , Tertullien 8c
Théodoret. On leur joint S. Bernard , qui
a fleuri dans le xij fiecle. Mais nous parle-
rons de chacun fuivant l'ordre des temps.
Ces hommes célèbres à tant d'égards ,
méritent bien que nous difcourions d'eux
dans ce diâionnaire avec beaucoup de re-
cherche , à caufe de leur foi , de leur
piété , de leur gloire , de leurs vertus , de
leur zèle pour les progrès de la religion, 8c
de leurs ouvrages , dont nous pouvons tirer
de grandes lumières j cependant, comme
en matières de morale , de dogmes , & for
quelque fujet que ce foit , il n'y a point
d'hommes , ni de fociété d'hommes infailli-
bles ici- bas \ comme on ne doit aucune
déférence aveugle à quelque autre auto-
torité humaine que ce foit , en fait
de fciences &: de religion 5 il doit ctr«
P iE R
permis d'apporter dans l'examen des écrits
despens , la inême méthode de critique
& de difcuflion qu'on emploie dans tout
autre auteur humain. Le refpeft même ,
qui n'eft dû qu'à l'autorité divine, iuppofe
toujours le diicernement de la droite raifon,
afin de ne poii-it prendre pour elle ce qui
n'en a que l'apparence , & d'éviter de
rendre à l'erreur un hommage quin'efldû
qu'à la vérité éternelle.
Jufiin. martyr, {Saint) étoitdeNaploufe
en Paleftine. Il fit honneur au chriftianifme
par fà fcience & par la pureté de fes mœurs,
& confirma fà doctrine, par fa confiance
dans la foi , dont il fut martyr l'an 167. Il
nous refte de lui deux apologies pour les
chrétiens, un dialogue avec le juifTry-
phon , deux écrits adrelTés aux gentils , &
un traité de iunité de Dieu , &c. Les meil-
leures éditions font celles de Robert Etienne
eni55i&i57i, en grec i celle de Com-
melin , en 1593 ■> ^" K^^^ ^ ^" \àXÏi\ ^ celle
de Morel en 1656, greque & latine ^ &
enfin celle de dom Prudent Marau , béné-
diélin ,' en 1742. , in- fui.
Il paroît que faint Juftin a eu le premier
fur le célibat & la continence d^s idées
telles qu'elles lui ont fait regarder le ma-
riage comme ayant par lui-même quelque
chofe d'imipur ^ du moins fes expreifions
à ce fujet donnèrent lieu depuis à Tatien
ion difciple de traiter nettement le mariage
de débauche & de fornication réelle.
Irenée, {Saint) célèbre évêque de Lyon ,
né dans la Grèce vers l'an 120 de Jelîis-
Chrift , fut difciple de Papias & de faint
Polycarpe. Il devint le chef des égîifes d^s
Gaules , & les gouverna avec 2ele jufqu'à
l'an 202 , qu'il finit ks jours fous l'empire
de Sévère. Il avoit écrit en grec plufieurs
ouvra;^es ^ il ne refte qu'une verfion latine
alfez barbare , de cinq livres qu'il com-
pofa contre les-hérétiques ^ quelques frag-
inens grecs rapportés par divers auteurs ,
& une lettre du pape Viâor , fur le jour
de la célébration tle la Pâque , qu'on trouve
dans Eutebi. Les meilleures éditions de (ks
œuvres font ceLeS d'Erafme en i52(5 , de
Grabe en 1702, & du P. Malfueten 171OJ
mais ilyfa.it joindre les curieufès dillèrta-
tions c[ue Dodwel a compofées fur \qs écrits
dfe S. Irénée pour eu faciliter l'intelligence ,
Dijfèrt'atîones in Ircnceum , imprimées à
Oxford en 1689 , in-%^. Ces diifertatioiis
ne font pourtant que \ç.% prolégomènes d'un
ouvrage étendu que ce iàvant projetoit de
publier fur la nature des héréfies qui fè
formèrent dans l'églife primitive.
Photius prétend que ce père a corrompu ,•
par des raifonnemicns ci^ranges & peu foli-
des , la fimplicité & l'exadie vérité Aqs dog-
mes de l'églife. ^os critiques delircroieut
qu'il eût traité les vérités delà religion avec
toute la gravité qui leur convient , & qu'il
eût communément appuyé \qs dogmes de
notre foi fur des fondemens plus folides
que ceux dont il fait ufage. Ses livres
contre \qs héréfies ne font pas toujours
remplis de raifonnemens vrais & concluans.
S. Irenée embrafià l'opinion des Millénai-
res : il avoit fur le temps de la mort de
Jefus-Chrift un fentiment tout particulier,
prétendant que Notre-Seigneur étoit âgé de
plus de 40 ans quand il commença de prêcher
l'évangile. Il a pofé une maxime qui a été
adoptée par plufieurs -dnires pères ; c'eftque
toutes \qs fois que l'Ecriture-Saiute rapporte
quelque aâicn des patriarches ou des pro-
phètes fans la blâmer , quelque mauvaife
qu'elle nous paroifi"e d'ailleurs , il ne faut
pas la condamner, njais y chercher un type.
Enfin il a jeté les iemences d'une opinion
dangereufe , foutenue dans la fuite ouver-
tement par S. Auguftin., c'efi que tout ap-
partieiit aux fidèles & aux jufies.
Atkénagore, phiîofophe chrétien d'Athè-
nes , fe dirtingua dans le ij fiecle par fou
zèle pour la foi , & par fa icîence. On a
de lui nue apologie pour les chrétiens ,
adrelfée à Marc Aurele Autoniu , & à
Lucius-Aurele Commode , l'an 179 , fi
nous en croyons Baronius^ ou l'an 168 , fî
nous en croyons Dodwel. Sou autre ou-
vrage ell fur la réfurre£lion des morts. Ces
deux écrits fe trouvent dans la bibliothèque
des pères , & à la fin des éditions de S. îuÇ-
*in. Les œuvres d'Athénagore ont. été im-
primées à Oxford en 1682 , par les foins
de l'évêque Fell, en grec & en latin,
avec des notes : on les réiinprima à Leip-
fick en 1684 & 1686. Il faut y joindre la
dilîcrtation du P. Nourry , qui eft la troi-
fieme du fécond toiue de ion Apparatu^
ad bibL veter. pàtruuu
^Athénag^oras n'eft pas bien purgé de toute
hétérodoxie , félon l'opinion de plu (leurs
critiques. Ils trouvent qu'il eft rempli d'idées
platoniciennes. Il abandonne la providence
particulière de toutes cliofes aux anges que
Dieu a établis fur chacune , & laifTe à
l'Etre fuprême une providence générale^
cette opinion vient ?.i effet des principes de
la philofophie de Platon. Il admet auflî
dtux fortes de mauvais anges : l'une com-
prend ceux que Dieu créa , & qui s'acquit-
tèrent mal de la commiiTion qu'ils avoient
reçue de gouverner la matière ^ l'autre ren-
ferme ceux qu'ils engendrèrent -par le com-
merce qu'ils eurent avec les femmes. Athé-
nagore n'a pas bien appliqué le pafTage de
l'évangile qui blâme ceux qui répudient
«ne femme pour en époufer une autre ^
car il s'en fert à condamner les fécondes
noces , qu'il traite fans détour d'honnête
adultère. Je ne dirai rien des fanlfes idées
qu'on lui reproche au ftijet de la Trinité ^
on peut lire lur cet article les origenicnœ de
M. Huet , LU ^ c. iij. Quant au ftylc de
ce philofophc chrétien , il eft pur & bien
attique , mais un psu trop chargé d'hyper-
bates & de parenthcfès.
Oî^a quelque raifon d'être furpris que ce
père de téglife ait été inconnu à Euièbe ,
à S. Jérôme , & à prefque tous les autres
écrivains eeclénaftiques \ car on ne le trouve
vcité que dans un ouvrage d'Epiphanes»
M. Huet parle amplement d'un rowan
qui a paru fous le nom d'Athénagoras , &
qu'il conjeéiure être de Philander ^ ce ro-
man , dont on ne connoît qu'une tradudion
■françoife , eft intitulé; » Du vrai & parfait
w ^mour \ écrit en grec par Athcnagoras ,
») philofophe athénien , contenant les
w amours honnêtes de Théogone & de
y> Charide , de Phérécidès & de Mélan-
» génie. Paris , 1599 & 161 2. , in.-l^. »
Clément d'Alexandrie ( Saint ) , après
avoir étudié dans la Grèce , en Italie &
«n orient , renonça aux erreurs du paga-
nifme , & fut prêtre & catéchifte d'A-
lexandrie, en 190. Il mourut vers l'an 220 :
il nous refte de lui plufieurs ouvrages en
grec , qui ont été traduits en latin : ils
font remplis de beaucoup d'érudition. Les
principaux font* les ftromates , l'exhorta-
tioû aux gentils , & k pédagogue. On a
T>ER
perdu un de k% ouvrages divifé en huit li-
vres , & intitulé , les hypotypofes. Hervet
a traduit le premier ces traités de grec ea
latin. Heinlius en a donné une édition à
Leyde , en 1616 , 6c enfuite en i<529 ^
in fol. C'eftla meilleure de toutes. L'édition
de Paris en 1641 , eft moins corredte 6c
moins belle.
Tous les critiques ne font pas également
reuiplis d admiration pour faint Clément
d'Alexandrie. iVl. Dupin étoit d'avis de
retrancher tous les endroits du pédagogue
où il eft parlé de péchés contraires à la
chafteté. M. Buddeus obferve , d'après lui^
que ce père a tranfporté dans le chriftia-
nifme plufieurs choies Aqs dogmes 6c des
expreilTons de la philofophie ftoïcienne. Il
repréfente fon gnoftique (ou l'homme chré-
tien ) comme un homme entièrement
exempt de pa/lions. On defircroit de l'or-
dre dans les livres des ftromates , ainii
que dans l'ouvrage du pédagogue : le ftylc
en eft auflî trop négligé , 6c manque d'une
gravité convenable ^ S. Clément fait pro*
feflion de n'y point garder de méthode*
Cependant, en matière de morale, la iiaifon
des penfccs 6c l'ordre des fujets qu'on traite
ne font pas des chofes indifférentes.
On trouve encore que les raifonnemens
de ce père de léglife font d'ordinaire vagues ^
obfours. fondés ou fur de pures (iibtilitésj
ou fur de vaines allégories , ou fur de
faufles explications de paflagcs de l'Ecriture»
On lui reproche davoir cherché à.étaler
une érudition mal placée ^ d'avoir jeté fur
le papier , fans dallez mûres réflexions -,
tont ce qui lui venoit dans refj>rit ^ enfin
d'avoir débité quelquefois àes maximes où
vifiblement fauftes , ou fort outrées. Il eft
vrai qu'en condamnant févérement les
mœurs de fou fîecle , il diftingue rarement
l'ufage légitime des choies indifférentes de
leur nature , d'avec l'abus le plus criminel j
mais il feroit aile de défench-e l'opinion
qu'il avoit fur le falut des païens , regar-
dant la philofopliie comme le moyen que
Dieu leur avoit donné pour y parvenir.
TertulUen , ( Quintu^ Septimius Florens
T^r/w/Z//2/2i/j^ prêtre de Carthage , 6c l'un
des hommes célèbres que l'Afrique ait pro-
duits , étoit fils d'un centenier 'dans la
milice. Il fe fit dirétiea , 6c fo maria aprçs
-jé
-m
fôn boptême : il prit enfuite la prétrife , &
alla à Rome. Il fe fépara de réglife catho-
lique au commencement du iij fiecle, 6c
£e fit montanifle , fe laiflant ieduire par
des révélations ridicules. Il parvint à une
extrême viciilefTe , & mourut fous le règne
d'Autonin Caracalla , vers l'an 216. Les
meilleures éditions de Ces œuvres font celles
de Rigault & de Venife , en 1746 , in-fo/.
On remarque dans fes écrits un génie
auftere , une imagination allumée , un ftylc
énergique & impétueux , mais dur & obf-
cur. Ses plus grands admirateurs convien-
nent que les raifonnemens de Tertullisn
«ont pas toute la juftefTe & la folidité que
demanderoient les matières importantes
qu'il difcutç. Le P. Ceillier & M. Dupin ,
gvouent que Tertuliien a débité , étant
encore dans le fein de l'églife , des règles
de morale exceflivement outrées , & qu'il
a fait paroître dès fes premiers ouvrages
beaucoup de pfnchant aux feutimens les
plus rigides. En effet , qu'on lile les écrits
de ce père de tégUfe, avant qu'il donnât
dans le monîanifme . tout y relpire ce
tour d'efprit auftere , . qui ne fait pas garder
un jufte milieu dans iès jugemens \ cette
imagination africaine qui grofîit \q.s objets ,
cette impétuofité qui ne laiffe pas le temps
de les confidérer avec attention. .
Dans le. traité de l'idolâtrie qu'il écrivit
ayant que d'être j montanifte , il condamne
tout métier , toute profeflîon qui regardoit
\ts chofes dont les païens pouvoieut faire
quelque abus par des aftes d'idolâfrie .
quand même on n'auroit pas d'autres m,oycns
pour fubfifter. . Il dédame, coaire toutes
iôrtes de. couronnes ,, & principalement
contre celles de laurier^ Gomm^e ayant du
rapport à l'idolâtrie. Il blâmic la recherche
& l'exercice des emplois publics ^ il en-
ièigne > qu'il eft abfolum.ent défendu aux
chrétiens de juger de la. vie & de l'honneur
des hommes j ce qui , dit M. Nicole, eft
manifeftement contre la doftrine & contre
la pratique de l'églife. Il fe déclare vive-
ment contre les fécondes noces , . fur-tout
dans fès livres de la monogamie. Enfin ,
il regarde com.me incompatible la qualité
d'empereur &: celle de chrétien.
Origene , l'un des plus favans écrivains
ccçléfîaftiques de la primitive églife , . au
P E R 303;
iij fîecle, naquit à Alexandrie Tan 18$
de Jefus-Chrift ;, il eut pour maître S. Clé-
ment d'Alexandrie , & lui fuccéda dans la
place de catéchifte. Il mourut à Tyr , l'an
254 , à 6(^ ans. Ses ouvrages font fort
connus : les principaux qui nous reftent ,
font 5 1°. un traité contre Celfe , dont
Spencer a donné une bonne édition ca
grec & en latin , avec des notes \ 2°. des
Jiomélics avec des commentaires fur 1 Ecri-
ture-Sainte ^ 3°. la philocalie ^ 4°. àes-
fragmens de fes hexaples , recueillis par le
P. Montfaucon , en deux volumes in-folio ;
5°. le livre des principes, dont nous n avons .
plus qu'une verfion latine. La plus ample
édition de toutes les œuvres d'Origene , eft
celle du P. de la Eue , bénédidtin , en grec .
& en latin.
Son traité dé la prière qui n'avoit jamais
été imprimé , le fut en grec & en latin à
Oxford , l'an 1686. Sa réponfe au philofo-
phe Celfus , qui eft un des meilleurs livres
de ce célèbre écrivain , a été publiée en
françois , en 1700 : c'eft M. Bouhereau
qui eft l'auteur de cette verfion.
' M. , Dupin a difcuté fort . au long tout -
ce qui regarde la vie & les ouvrages de ce ■
père de tégUfe. Il n'eft pas le feul \ il faut
lui joindre, 1°. M. de la Mothc-le-Vayer ,,
vie de Tertuliien &d'Origene, Paris, 1675, .
/^-8°."2°. l'hiftoire des mouvemens arrivés
dans Féglifè au fujet d'Origene & de fa
doélrine. Le P. Doucin , jéfuite , eft l'au-
teur de ce dernier ouvrage imprimé à Paris
en 1700^ il contient auffi un abrégé de la .
vie d'Origene. .
'■ Ou ne peut le lire , .dit Baylé , fiins dt'^-
piorer le fort bizarre de l'e/jjrit humain,.
Les mœurs d'Origene étoient d'une pureté,
admirable \ fon zele pour l'évangile étoit
très-ardent ; affamé du martyre , il foutint
avec une ccnftance incroyable Its tour--
imens dont les perfécuteurs de la foi fe fer-
yirent contre lui ^ tourmens d'autant plus.,
infupportables, qu'on les faifoit durer long-
temps ,. en évitant avec, foin qu'il, n'expirât .
dans la torture. Son eff»rit fut grand ,,.
beau, fublime j fon favoir & fà ledure
très-vaftes , & néanmoins il tomba dans un
prodigieux nombre d'héréfies , dont il n'yr
en a aucune qui ne foit monftrueufe j ce.
fout les termes du P. Doucin -^ & appa->-
304 P E R
remmefit il n'y tomba qu'à caufè qu'il avoit
tâché de fauvcr de Tinfulte àes païens les
vérités du chriftianifme , & de Içs rendre
même croyables aux phiiofophes , ce qu'il
defiroit avec une ardeur extrême , ne dou-
tant pas qu'avec eux il ne convertît l'univers.
Tant de vertus , tant de beaux talens , un
motif fi plein de zèle , n'ont pu le garantir
des erreurs dans les matières de la foi.
On ne s'imagine pas ordinairement que
^ les erreurs de ce rare génie aient quelque
liaifon ^ elles femblent être la produdion
d'un efprit vague & irrégulier j cependant
il paroît , après un peu d'examen , qu'elles
coulent d'une même fource , & que ce (bi^
des faufîètés de fyftêmes qui forment une
chaîne de conféquences; C'eft dans iès
trois livres des principes qu'il a développé
& établi fes héréfies , tellement liées , qu'on
les voit toutes naître d'un même principe.
L'origénifme charnel ne dura guère , &
fut plus aifé à détruire que l'orrgénifme fpi-
rituel qui éîoit une manière de quiétifme.
Le charnel fut abhorré de tout le monde j
ceux mêmes qui en étoient infedlés n oferent
produire aux yeux des hommes une doc-
trine de cette efpece : mais l'origéniime
fpirituel , dont les feéiateurs , félon S. Epi-
phane , étoient irréprochables du côté de
la pureté , ne peut être éteint qu'après
plus de deux fiecles , & ce n'a pas été pour
toujours.
Cyprîen ( Saint ) , natif de Carthage ,
y enfeigna la rhétorique avant que d'être
chrétien. Après fa converlion, arrivée en
Z^6 , il prit le nom de Cécile , 8c fut déclaré
évêque de Carihage , en 248. Il eut la tètQ
tranchée dans laperfécution de Valérien , en
2,58. Les meilleures éditions de fès œuvres
font celles de Pamélius , e*n 1568 ; de Ri-
gault, en 1648 j, d'Oxford, en 1682 ; &
finalement celle de M. Baluze , avec m\e
préface de dom Prudent Maran , bénédictin.
M. Lambert Ponce a publié les œuvtcs de
S. Cyprien en françois , & dom Gervais ,
ancien abbé de b Trappe , a écrit fa vie.
La féconde nailfancè du nouvel homme
dans et père de téglife , hâta fes progrès
dans la piété , fans le mettre à l'abri des
erreurs humaines. Il fê trompa dans fbn
•opinion de la défenfe de foi-même, en
•la condamnant même pour' fauver fa vie
P E'R.
contre les attaques d'un injufle agrefTeur.
Il outra les idées de la religion dans fès
louanges du célibat , de la continence , de
l'aumône ÔC'du martyre j mais il eft fort ex-
cufable , n'ayant foûté de tels principes que
dans le deffein de porter \cs hommes à des
vertus dont ils ne franchifîènt guère les li-
mites. Ainfî le défaut de jufleflb dans [on
jugement efl: en quelque forte compenfé par
la droiture de fon intention j au refte^, quoi-
que ce foit un des pères qui ait le mieux
écrit en latin , M. de Fénélon a remarqué
que fon ftyle & fa diâion fentent l'enflure
de fon temps & la dureté africaine. Il ajoute
qu'on y trouve encore des ornemens afîéc-
tés , & particulièrement dans l'épître à Do-
uât , que S. Auguftincite néanmoins comme
une pièce d'éloquence.
Minmius Félix naquit , à ce qu'on croit ^
en Afrique , au commencement du iij fîecle.
Nous avons de lui \n\ dialogue intitulé
Oclavius , dans lequel il introduit un chré-
tien & un païen qui difputent enfemble.
M. Rigault a publié , en 1643 , une bonne
édition de ce dialogue ; on l'a fondue de-
puis dans celle des œuvres de S. Cyprien ,
en 1666:^ mais l'édition la plus recherchée
eft celle de Jean Davies , à Cambridge ,
en 1678 , &; réimprimée à Londres , en
171 1. M. Perrot d'Ablancourt a aufïï mis
au jour une traduâiou françoilë de Minutius
Félix.
Je foufcris volontiers aux éloges que
Laéîance & S. Jérôme ont faits du dialo-
gue de Minutius Félix , quoique l'auteur
me paroiflé avoir trop effleuré Ibii fujet \
mais on peut moins le juflifier fur d'autres
reproches plus importans. Il femble faire
regarder les fécondes noces comme un
•véritable adultère j il condamne fans aucune
exception l'ufage des couronnes de fleurs j
enfin, féduit par la force de fbn imagina-
tion , il ne fe contente pas de louer le
figne de la croix que faifoient les chrétiens
en mémoire de la crucifixion de notre
Sauveur , il prétend que ce figne eft naturel
à tous les hommes , & qu'il entroit même
dans la religion des païens. Apolog. c. xxjx,
Laâance étoit africain , félon Baronius 5
& félon d'autres , étoit natif de Fermo
dans la Marche d'Ancone. Il florifToit au
commencement du iv iiecle 3 il étudia la
rhétcriqu*
P E R
TÎietoriqiie fous Arnobe , & fut cholfi par
l'empereur Confîanrin pour être précepteur
de (on fils Crifpe Céfar. La plus ample
édifion de Tes œuvres eft celle de Paris
^1748 , en deux volumes in-^°.
Lts inilitufions divines en fept livres ,
font le principal ouvrage de Ladance.
S. Jérôme trouve qu'il renverfe mieux les
erreurs iz^ païens , qu'il n'eft habile à
étabiir les dogmes des chrétiens. Il lui
reproche de n'erre pas exempt de Fautes ,
& de s'erre plus appliqué à l'éloquence &
à la philofbphie, qu'à l'étude de la théo-
logie. Quoi qu'il en foit , c'eft de tous les
anciens auteurs eccléfiaitiqucs latins , celui
qui a le mieux écrit dans cette langue.Il évita
le mauvais tour d'expreilions de Tertullien
&de S. Cyprien, préférant la netteté du ftyle
à l'enflure & au gigantefque ; mais adoptant
les idées de Tes prédéceflcurs , il condamne
abfolument la délenfe de foi-même contre
tout agrefleur , & regarde le prêt à ufure
comme une elpece de larcin.
On lui a attribué le traité de la mort des
perfécmeurs , que Baluze a donné le pre-
mier au public ; mais quelques favans dou-
tent que ce traité foit de Ladance, &
le P. Nourry prétend qu'il efl de Lucius
Cœcilius , qui vivoit au commencement
du vj fiecle.
Hilaire {Saint) , évêque de Poitiers ,
lieu de fa naiflance , & docteur de l'églifè ,
quitta le paganifme, & embralFa la religion
chrétienne avec (a femme & fa fille. Il
mourut en 368 , après avoir mené une vie
agitée de troubles & de difputes qu'il eut
fans celle avec les ariens. Cependant il a
fait plufieurs ouvrages : .outre un traité
fur le nombre feptenaire , qui s'ell: perdu ,
il a écrit douze livres fur la Trinité , &
des commentaires fur l'écriture. Les béné-
didins ont publié le recueil de (qs œuvres ,
en 1686 , & le comte Scipion MafFey en a
mis au jour à Vérone , en 1730, une nou-
velle édition fort augmentée.
Saint Jérôme appelle S. Hilaire le rhônc
de l'éloquence latine , latince eloquentix
rhodanus. Je laifTe à expliquer cette épi-
there ; je dirai feulement que les commen-
taires de l'évêque de Poitiers fur l'écriture ,
font une fimpîe compilation d'Origene ,
dont il fe faifoit lire les écrits par Héliodore.
Tome XXV,
P E R
3oy
Athanafe (Saint) , patriarche d'Ale-
xandrie , étoit égyptien ; il affilia au con-
cile de Nicée en 325 , & obtint , l'année
fuivante , le fiege d'Alexandrie , dont il
fut dépolfédé en 335. Il éprouva plufieurs
fois , pendant le cours de fa vie , les faveurs
& les diigraces de la fortune. Erîfin , après
avoir été tantôt exilé , tantôt rappelle par
divers empereurs qui fe fuccéderent , il
mourut le 3 mai 373. Il n'efi: point l'auteur
du fymbole qui porte Ion nom.
Ses ouvrages roulent principalement fur
la défenfe des rayfieres de la Trinité , de
l'Incarnation, delà divinité du Verbe &
du Saint-Efprit. Nous en avons trois édi-
tions eftimées , celle de Commelin , en
1600 ; celle de Pierre Naunius , en 1617 ;
& enfin c^e du P. Montfaucon. M. Her-
man a doimé la vie de S. x\thana{è en
françoi?,
Cepere de Véglije paroît ne s'être attaché
qu'à la défenfe des .dogmes du chrifiia-
nifme : il y a peu de principes de morale
dans Çqs ouvrages ; & ceux qui s'y ren-
contrent , fi vous en exceptez ce qui re-
garde la fuite de la perfécution. & de
i'épifcopat , n'y font pas traités dans
l'étendue qu'ils méritent : c'efl le juge-
ment qu'en porte M. Dupin.
Cyrille (Saint) , patriarche d'Alexan-
drie , fuccéda à Théophile fon oncle, le
6 oâobre 412. Après avoir fait des com-
mentaires lur l'évangile de faint Jean ,
& fur plufieurs autres livres de l'écri-
ture, il mourut en^ 444. Jean Aubert ,
chanoine de Laon , publia fes ouvrages
en grec & en latin , en i<^38 , en fix
tomes in-folio.
Les critiques les trouvent obfcurs , diffus
& pleins de lùbtiHtés métaphyfiques. Nous
avons fa réponle à l'empereur Julien , qui
reprochoit aux chrétiens le culte de leurs
reliques. S. Cyrille lui répond que ce culte
étoit d'origine païenne , & que par confé-
quent l'empereur avoit tort de le blamer>
Cyrill. contra Julian. lib. X , p. Jjff.
Dans le fond , cette coutume , réduite à fè?
jufies bornes , pouvoit avoir alors un ufage
fort utile. Ilferoit plus difficile de jufiifier
la faute que fit Cyrille d'Alexandrie , en
érigeant en martyr un moine nommé Âm-
mofiius y qu'on avoir condamné pour avoir
Qq
3c^ P E P.
infuîté & bîeîî'é Ôr^fte- ,- gouvërneuf î'O-
main , au rapport de Socrate , dans Ion
hifioire ecclefiafiique. Je pafle à S. CjTille
de Jérufalem , que j'aurois dû nommer le
premier.
Cyrille {Saint) y patriarche de Jéru-
falem , fuceéda à Maxime , en 3Ço ; &
après bien des révolutions qu'il éprouva fur
fon fiege , il mourut le i8 mars 386. Il
nous refte de ce père de Véglife , dix-huit
catechefes adreiîees aux catéchumènes y
& cinq pour les nouveaux baptifés. On a
encore de lui une lettre écrite à l'empereur
Confiance y fur l'apparition d'une croix
lumineufe qui fut vue fur la ville de Jéru-
falem. La meilleure édition des œuvres de
S. Cyrille, efl: celle du P. Toiutée, en
grec & en latin. M. Grancolas , dodeur
de Sorbonne ,- les a traduites en François
avec des notes. Tout le monde peut les
lire ; & il elles ne paroiflent pas compofées
fuivant les règles d£ l'art , il n'en faut
point blâmer l'auteur , puifqu'il avoue lui-
même , en quelque manière , les avoir faites
à la hâte & fans beaucoup de préparation.
Bajile le grand {Saint) _, naquit à
Céiàrée en Cappadoce , vers l'an 328. Il
alla achever fes études à Athènes, où il
lia. une étroite amitié avec S. Grégoire de
Naziance. Il fut élu évêque de Célarée en
369 , & travailla à la réunion des églifes
d'orient & d'occident, qui étoientdivifées
au fujet de Méluc & de Paulin , deux
ëvêques d'Antioche. Enfuite il écrivitcontre
Apollinaire & contre Euiîathe de Sébafle.
Il mourut en 379. La meilleure édition
de fes œuvres eli celle du P. Garnier, en
grec & en latin, Paris 175 1 , trois volu-
mes in-folio. M. Herman , doâeur de Sor-
bonne , a donné fa vie , avec une tradudion
des afcetigues de ce père de réglije.
Erafrae taifoit un grand cas de l'éloquence
de S. Bafile ; fon flyle efl pur & fes ex-
prefllons élégantes. Ses lettres fur la difci-
pline eccléliaftique , font très-inflrudives ;
& l'on trouve en général dans Ces ouvrages
beaucoup d'érudition. Mais il s^iï fait ,
comme (es prédcceffeurs , des idées outrées
de la patience chrétienne. Il établit que
tout laïque qui s'eft défendu contre des
brigands , doit être fufpendu de la com-
muniop , & dépofé s'il eft du clergé. Il
P E R
penldit àufli qu'il n'eft pas permît à un
chrétien d'avoir des procès, pas même pour
les vêtemens qui lui font néceflaires pour
couvrir fon corps. Morale régulière ,
XLIX y cap. j y p. 4^^ ; tom. II.
Grégoire de Na\iance (Saint) , naquit
dans le bourg d'Arianze , près de Naziance
en Cappadoce, vers l'an 32.8. Il acheva
{es études à Athènes avec S. Bafile , qui-
fut le plus cher de {ç;s amis. Il devint
évêque de Conflantinople en 379 , &
mourut dans fa patrie le 9 i^^^i 391. Ses
ouvrages, qui confiftent en 55 difcours
ou fermons , en plufieurs pièces de poéfie ,
& en un grand nombre de lettres, ont été
imprimés en grec & en latin , en 1609 ^.
2 vol. in-fol. avec dcs-notes.
La piété de ce père n'eft pas douteufè ,
mais l'on s'apperçoit que fon ardente paf-
fion pour la retraite le rendit d'une hu-
meur trifle & chagrine; c'eft ce qui le
fil aller au-delà des Jufles bornes dans le
zèle qu'il témoigne contre les hérétiques.
Le renoncement aux- biens de ce monde ,
lorfqu'on ne peut les conferver fans piér-
judice du falut , femble être plutôt un.
vrai commandement qu'un fimple confeil ,
à quoi Grégoire de Naziance paroît néan-
moins lerapporter. A. l'égard de fon flyle y
ilellpeu châtié , quelquefois dur, & preC»
que toujours excelïïvement figuré.
, M.- Dupin a remarqué que- ce père de
l'églife a&de trop les allufions ,.lescom-
paraifbns & les antithefes. Erafine trouve
auflj qu'il aime les pointes & les jeux de
mors. Les études d'Athènes étoient fort
déchues quand- S; Grégoire de Nazisnce
& S. Bafile y allèrent : le raffinement
d'efprit avoit prévalu ; ainfi ]es pères , in{^
truits par les mauvais rhéteurs de leur
temps , étoient néceffairement entraînés
dans le préjugé univerfel.
Mais il connut par expérience les menées,
les cabales , les- intrigues & les abus qui
régnent dans les fynodes & darxs les conciles;
an en peut juger par fa répfonfe à une invi-
tation preftante qu'on lui fit d'affifier à un
concile folemncl- d'évêques qui devoit fè
tenir à Conflantinople. " S'il faut , répon-
» dit-il , vous écrire franchement la vérité,
M je fuis dans la ferme réfolution de fuir
V toute alfemblée d'évêques , parce que j e
^ P E R
» iTai jamais vu fynode ni concile qui ait
9> eu un bon fuccès , & qui n'ait plutôt
w augmenté que diminué le mal. L'elprit
» de difpute & celui de domination ( croyez
y> que j'en parle fans fiel ) y font plus grands
w que je ne puis l'exprimer. »
Il falloît bien qu'alors le mal fut grand
dans les afîêrablées eccléfiaftiques , car on
■lit les mêmes proteftations & les mêmes
plaintes de S. Grégoire , répétées ailleurs
■avec encore plus de force. -** Jamais , dit-il
yy dans un de Ces autres ouv-rages , jamais
*> je me trouverai dans aucun lynodc: on
ff n'y voit quedivifions , que querelles , que
« myfleres honteux qui éclatent avec des
» hommes que la fureur domine. ^> Quoi !
•des évêques allemblés pour la religion ,
&: dominés par la fureur ! Quel cas doit-
on faire de leurs ftatuts & de leurs déci-
fions, puhque rcfprit de l'évangile ne les
•animoit point ? Remarquez que les termes
grecs qu'emploie S. Grégoire, font beau-
coup plus énergiques que ma foibJe tra-
duâion.
Grégoire de N^Jfe ( Saint ) , naquit
en Cappadoce , vers l'an 331; il étoit
frère de S. Bafile, futélu évêque de Nyflc
€ri 372 , & mourut le 9 mars 396. Le
P. Fronton du Duc a donné une édition
<le Çqs œuvres en 1605.
On y trouve beaucoup d'allégories , un
'ilyle dftedé , des raifonnemens abftraits ,
& àts opinions fingulieres. On attribue
tous ces défauts à fon attachement pour
ics livres d'Origenc.
Ambroife ( Saint ) , fils d'Ambroife
■prétetdu prétoire àts Gaules , naquit , félon
la plus commune opinion , à Arles , vers
l'an 340. AniciusProbus l'envoya en qualité
•de gouverneur , dans l'Emilie & laLigurie ;
il devint enfuite évêque de Milan en 374 -,
convertit S. Auguftin , & mourut en 397 ,
âgé de 57 ans. La meilleure édition defes
-œuvres eft celle de Paris , donnée par les
-bcnédidins, en 1^91, en 2 vol. in-fol.
'Paulin , prêtre de Milan , qu'il ne faut pas
-confondre avec laint Paulin , a écrit fa vie.
Saint Ambroife eft le premier , eft pref-
<iue le feul des ptres , qui a entrepris de
-donner une efpece d'abrégé d'une partie
conlidérable de la morale, dans (es trois
livres des offices. On. doit lui favoir gré »
P E R 507
d^avoir rompu la glace , en raflemblant
dans cet ouvrage quantité de bonnes &
excellentes choies , dont ia pratique ne
peut que rendre les hommes vertueux. Il
eft vrai que le traité de ce père de Ve'glife
eft bien au deflbus du chef-d'œuvre de
l'orateur de Rome , qu'il s'eft propofé
d'imiter , foit pour l'élégance du ftyle , (bit
pour l'économie de l'ouvrage & l'arrange-
ment des matières , foit pour la folidité àts
penfées & la juftcflTe des raifonnemens. II
eft encore vrai q;e les exemples & les
palTages de -l'écriture , qui font la princi-
pale partie de ce hvre chrétien , n'y font
pas toujours heu^ufement appliqués ou
expliqués. Enfin , S. Ambroiiè a femé dans
cet ouvrage & dans les autres écrits , les
idées outrées de fes prédécefleurs fur l'éten-
due de la patience chrérienne & le mérite
du célibat. Il a même adopté la faufte lé-
gende du martyre de fainte Thecle , pour
en tirer un argument en faveur de l'excel-
lence de la virginité.
Au milieu de ces idées portées trop
loin contre le mariage , il femble en avoir
eu d'autres fur l'adultère entièrement op-
pofées à fes principes ; du moins il s'eft
exprimé fur ce crime d'une façon qui
donne lieu à la critique. En parlant -du
patriarche Abraham & d'Agar , il dit
qu'avant la loi de Moïfe & celle de l'évan-
gile , l'adultère n'étoit point défendu : il
entend peut-être par adultère le concubi-
nage ; ou bien le fens de S. Ambroife eft
qu'avant Moïfe l'adultère n'étoit point
défendu par une loi écrite qui décernât
quelque peine contre ceux qui le com-
mettoient. • Mais on pourroit répliquer
qu'Abraham n'avoir nul befoin de la loi
écrite pour lavoir que l'adultère eft illicite.
II faut donc avouer que S. Ambroife ^
S.Chryfoftôme, & à^zmrtspercs de Ve'glife^
s'étant perfuadés k tort que les faints per-
fonnages dont il eft fait mention dans
l'écriture , étoient exempts de tous défauts »
ont excufé ou même loué des chofes qui
ne pouvoient ni ne dévoient être louées
ou cxcufées.
Chryfoftome ( Saim Jean ) , naquit à
Antioche , vers l'an 347* H étudia la rhé-
torique fous Libanius , & la phiiofophie
fous Andragathe. Il fut élu patriarche de
Qq2
3o8 P E R
Conftantinople en 397 , & mourut en 4<^7 , '
à 60 ans. Les meilleures éditions de les
«Euvres , font celle de Henri Savilc à Ox-
ford , en 1613, 8 tom. in-fol. tout en
grec ; celle de Cornmelin & de Fronton
du Duc , en grec & en latin , 10 vol. in-fol.
& enfin celle du P. Monifaucon en grec
& en latin , avec des notes , Paris ,1718 ,
in-fol. en 13 -vol. M. Herman , dodeur
de Sorbonne, a écrit fa vie: il fft bien
difficile de la connoître au bout de treize
fiecles.
Tous les ouvrages où S. Chryfoftôme
traite de morale, font remplis de beau-
coup de bonnes & de balles choies ; mais
il faut fe fouvenir que c eft un orateur qui
y parle , & qu'il eft excufable s'il n'eft pas
toujours exact dans fes expreffions ou dans
fes penfées : l'imagination échauffée des
orateurs , les porte bien davantage à émou-
voir les pallions , qu'à établir folidement
la vérité. C'efl ainfi qu'en louant ce que
firent Abraham & Sara , d'après le récit
de la Genefe ^c.xx yV. i ùfuiv. S. Chry-
foftôme s'eft laifle trop entraîner à Ton
•génie. Il fe fert , dit le P. Ceillier , .d'ex-
pVeffions très-fortes & très-dures , pour
peindre le danger auquel Abraham expofa
iJara. En effet, rempli d'idées confufes fur
ce fujet inoportant , il s'eft exprimé non
feulement d'une manière peu propre à
éclairer ,. mais encore capable de faire de
fâcheufes impreflions fur l'efprit de (ts
auditeurs & de les ledcurs. lia donné de
fauffes idées de morale , en voulant juftifier
l'expédient dont Abraham fe fervit pour
empêcher qu'on attentât à fa vie , s'il étoit
reconnu pour mari de Sara ; en un mot ,
il femble avoir ignoré qu'il n'efl pas permis
de fauvei fes jours, ni ceux d'un autre ^
par un crime.
Le meilleur auroit été d'avouer de bonne
foi qu'il y avoit eu de la foibleffe dans le
fait d'Abraham & de Sara. L'hiiîoire fainte
ne nous détaille pas ici , non plus qu'en
une infinité d'autres endroits , toutes les
circonftances du fait , qui feroient nécef^
faires pour juger sûrement du bien ou du
mai qu'il peut y avoir. Ainfi l'équité &
la bonne critique veulent également que
l'on ne condamne pas des adions qui , quel-
que apparence d'irrégularité qu'elles aient
P E R
d'abord , font telles qu'il efl très - facile
d'imaginer des circonflances qui y étant
connues , jufiifieroient pleinement la con-
duite de ceux que l'on rapporte limplement
avoir fait ceci ou cela , lans aucune mar-
que de condamnation. Or , qu'eil-ce que
dit Moïfe ? Abraham alloit en Egypte ,
pour fe garantir de la famine qui régnoit
& s'augmentoit de jour en jour dans le
pays de Canaan ; car c'eft une pure ima-
g nation que d'alléguer ici , comme tait
S. Ambroife , un ordre de Dieu qu'Abra-
ham eût reçu , & auquel il ne put fe
difnenfer d'obéir , au péril même de l'hon-
neur de fa femme. Le patriarche , en
approchant d'Egypte , fit réflexion que s'il
y étoit reconnu pour mari de Sara , qui,
quoique dans un âge afl'ez avancé , étoit
encore d'une beauté à donner de l'amour,
il courroit lui-même- rifque que quelque
égyptien n'attentât à fa vie , pour lever ,
en fe défailànt de lui , l'obftacle qui s'op-
pofoit à la poffeflion de Sara.
Voilà tout ce que l'on peut inférer des
termes de l'hiftorien facré. Il n'y a pas
la moindre chofe qui infinue qu'Abraham
pensât à voir de (&s propres yeux fa
femme entre les bras d'un autre; ni, par
conféquent , qu'il fe pafsât dans fon ame
un combat entre la jaloufie & la crainte
de la mort , tel que le repréfente l'ima-
gination de S. Chryfoftôme. Au contraire',
comme il ell permis , & jufie même de
fuppofer que ce faint homme n'étoit ni
indifiérent fur le chapitre de l'honneur
de fa femme , ni peu avifé , il y a tout
heu de croire qu'il avoit bien examiné la
fituarion préfente des chofes , & projeté
des mefures très-apparentes qui accordaf-
fent le foin de fa propre confervation avec
celui de l'honneur de fa femme.
Ou il craignoit qu'on ne voulût lui en-
lever fa femme , pour en jouir par bruta*
litç ; & eti ce cas-là , on fe feroit fort
peu embarraifé qu'elle eût un mari ou non ,
fur- tout un mari étranger ,qui par-là n'étoit
nullement redoutable: ou il appréhendoit
qu'on ne le tuât pour époufer Sara ; &
c'efî-là apparemment cette penfée qui feule
lui fit prendre le parti , de concert avec
elle , de ie dire feulement fon frère , afin
qu'on inférât delà qu'il n'étoit point fon
PEU
mari > fur quelque fondement qu'on dût
croire que ces deux qualités ne pouvoient
être réunies en une feule perfonne.
Or, dans cette fuppolition , il pouvoit ef-
pérer de rendre inutiles par quelque adrcfle ,
les deffeins & les efforts de ceux qui feroient
frappés de la beauté de Sara , en difant ,
par exemple , qu'elle avoit ailleurs un mari,
ou qu'elle n'étoit pas en état de fè marier
pour quelqu'autre railon , ou qu'elle deman-
îloit du temps pour y penfer , & autres
rufes légitimes que les clrconflances auroient
fournies ; de forte que par ces moyens , ou.
il auroit éludé les follicitations , ou il fe
lèroit ménagé la dernière relfource dans
une retraite lêcrete.
Tout cela étoit d'autant plus plaufible ,
qu'il comptoit fur Taffiftaiice du ciel ,
éprouvée tant de fois , & qui parut ici par
l'événement. Efl-il befoin d'aller cher-
cher autre chofe pour mei^re la conduite
d'Abraham , en cette occafion , à l'abri
de tout reproche ? Mais S: Chryfoflôme
auroir perdu l'occafion de faire briller fon
éloquence & la fubtilité de fon efprit ,
en repréfentant l'agitation d'un cœur faiii
de pallions vives & oppofécs , & en prê-
tant à ceux dont il parle , des penfées con-
formes à ces mouvemens.
Jérôme ( Saint ) y naquit à Stridon ,
ville de l'ancienne Pannonie , vers l'an 340
de Jefus-Chrift. Il fit {qs études à Rome ,
où il eut pour maître le grammairien
Donat , célèbre par fes commentaires fur
Virgile & fur Térence. Il apprit l'hébreu à
Jérufalem , vers l'an 376 , & fe rendit à
Confîantinople vers l'an 380, pour y en-
tendre S- Grégoire de Naziance. Deux ans
après il devint fecretaire du pape Damafe ,
publia un livre contre Helvidius , & enfuite
mit au jour fa défenfe de la virginité contre
Jovinien. Ce fut dans le monaftere de
Bethléem qu'il écrivit contre Vigilance: il
eùtaufïi quelques difputes avec S. Aqgulîin.
Il voyagea dans la Thrace , le Pont , la
Bythinie , la Galatie & la Cappadoce. Il
mourut l'an 420 , âgé d'environ 80 ans.
Ses œuvres ont d'abord été recueillies par
les foins de Marianus Vidorius. Il s'en fit
une autre édition à Paris , en 1^2.3 , en 9
vol. in-fol. Le P. Martianay , bcnédidin
de la .congrégation de faint Maur , en a
. . „., P E R. 309
depuis publie une nouvelle édition qui palTc
pour la meilleure. On y a joint fa vie ,
faite par un auteur inconnu. D'un autre
côté , le P. Petau , dans la chronique du'
fécond tome de fon Hvre de docirina tem-
porum y a donné la date des voyages &
des principaux écrits de S. Jérôme.
C'efl de tous les pères latins celui qui
pafTe pour avoir eu le plus d'érudition ;
tous les critiques ne conviennent cependant
pas de fa grande habileté dans la langue
hébraïque , quoiqu'il ait mis au jour une
nouvelle verfion latine du vieux tcflament
fur l'hébreu , & qu'il ait corrigé l'ancienne
verfion latine du nouveau , pour la rendre
conforme au grec. C'efl cette v^fion que
l'éghfe latine a depuis adoptée pour l'ufr.ge
public , & qu'on appelle vulgate. Il a fait
des commentaires fur les grands & petits
prophètes , fur l'eccléfiafte , fur l'évangile
de S. Matthieu , fur les épîtres de S. Pau.1
aux Galates , aux Ephéfiens , à Tite , & à
Philémon. Il a encore compofé quantité
de traités polémiques contre Montan ,
Helvidius, Jovinien, Vigilance, Rufin ,
les pélagiens & \ts origénilfes , outre des*
lettres hifloriques. Enfin il a traduit quel-
ques homélies d'Origenc , & a continué la
chronique d'Eufebe.
Si S. Jérôme eût joui du loifir nécefîaire
pour revoir {&s ouvrages après les avoir
compofés , il en auroit lans doute retranché
quantité de chofes qui montrent qu'il écri-
voit avec une grande précipitation, & fans
fe donner la peine de méditer beaucoup.
Delà vient que dans fon épître aux Ephé-
fiens, il fuit tantôt Origene , tantôt Di-
dyme , tantôt ApoUinaire , dont les opinions
étoient entièrement oppoiées. Il nous ap-
prend lui-même la manière dont il com-
pofoit fes écrits. Après avoir lu , dit-il ,
d'autres auteurs , je fais venir mon copifte ,
& je lui dide tantôt mes penfées , tantôt
celles d'autrui , fans me fouvenir ni de
l'ordre , ni quelquefois des paroles , ni
même du fens Itaque y ut Jim-
pUciter fatear y legi hœc omnia y Ù in
mente mea plurima coacervans y acci:o
notario y vel mea y vel aliéna ciBavi ; nec
ordinis y nec verborum interdîim y necfen-
fuum memoriam retentans. Comment, in
epifl. ad Calât: tom. IX, p. i ^8 . D> . . .,•
310 P E R
D'abord que mon copifte ell arrivé , dit-il
dans fa préface fur la même épître , je lui
diâe tout ce qui me vienr dans la bouche ;
car fi je veux un peu rêver pour dire quel-
que cliofe de meilleur , il me critique en
lui-même , retire fa main , fronce le lourcil ,
& témoigne par toute fa contenance qu'il
n'a que taire auprès de moi
jiccito notario , aut fiadm diclo quidquid
in biiccam venerit , aut Jl paululiim po-
luero cogitare y melius aliquid prolamrus y
tune me Bacims ille reprehendit ^ manum
contrahit y frontem rugac y C^ fe frujîra
adejje y toto geftu corporis y contejîatur.
Prœfat. ^ lïb. III, comm. in Gai. tom.
VI. pag.zSs.
Plein d'un trop grand amour pour la
vie foIit:aire , la fainteté de cette vie, celle
de la virginité & du célibat , il parie en
plulîeurs endroits trop défavantageulèment
àts fécondes noces. Il fut pendant long-
temps admirateur & difciple déclaré
d'Origene ; enfuite il abjura l'origéniime ,
€n quoi il mérite d'être loué : mais il feroit
à fouhairer qu'il eût montré moins de
violence contre les origénilies , en ne
(iiggérant pas aux empereurs les loix pour
leurs profcriptions , comme il reconnoît
lui-même : il pouvoir renoncer ù l'erreur ,
fans maltraiter les errans. Pour quelle foi-
bîeffe aura-f-on de la condefcendance , li
l'on n'en a pas pour celles qu'on a foi-même
éprouvées? Son naturel vif & impétueux ,
& la ledure des auteurs profanes fatyri
ques , dont il emprunta le flyle , ne le
laifîerent pas le maître de fes expreillons
piquantes contre fes adverfiires , & en
particulier contre Vigilance , prêtre de
Barcelone, auquel" il avoit donné lui-
même le titre de faint y dans une lettre à
Paulin.
Enfin, dit le fameux évêque d'Avran-
çhes , il feroit à (ouhaiter que ce faint doc-
teur eût eu plus d'égalité d'amc & de modé-
ration ; qu'il ne fe fût pas laiflé emporter
fi aifémefH: à fa bile , ni s'abandonner à
des opinions contraires , félon les circon-
tances des affaires & des temps ; enfin
qu'il n'eût pas chargé quelquefois d'injures
les plus grands hommes de fon fiecle ; car
îi faut avouer que Rufin l'a fouvent repris
avec raifbn ; & qu'il a lui-même fouvent
P E R
Acc\^(l Rufîn fans le moindre fondement,'
Origeniana y p. zo^ & zoG.
Augufiin ( Saint ) y naquit à Tagafîe
dans l'Afrique , le 13 novembre 354. Son"
père nommé Patrice y n'étoit qu'un petit
bourgeois de Tagaffe. Sa mère s'appelloit
Monique y & étoit remplie de vertu. Leur
fils n' avoit nulle inclination pour l'étude.
Il fallut néanmoins qu'il étudiât ; fon père
voulant l'avancer par cette voie , l'envoya
faire fes humanités à Madeure , & fà
rhétorique à Carthage , vers la fin de
l'an 371. Il y fit des progrès rapides , &
il l'cnlèigna en 380. Ce fut alors qu'il prit
une concubine , dont il eut un fils qu'il
appella Adeodat y Dieu^donné , prodige
d'elprit , à ce que dit le père y & mort à
16 ans. Sainr Augufiin embralîa le raani-
chéifme à Carthage , où fa mère alla le
trouver pour tâcher de le tirer de cette
héréfie, & de 4à vie libertine.
Il vint à Rome , enfuite à Milan peur
y voir fàint Ambioife , qui le convertit l'an
3B4 , & le baptifa l'an 387 ; fut ordonné
prêtre l'an 391 , & rendit des fèrvices
très-importans à l'églife par fa plume. Il
mourut à Hippone , durant le iiege de cette
ville par les Vandales , le 28 août 430 ,
âgé de 76 ans.
On trouvera le détail de fa vie épifco-
pale & de (ç^s écrits , dans la bibliothèque
de M. Dupin , dans les acfa eruditorum ,
i<^83 , & dans Moréri. La meilleure édition
des œuvres de ce père y efl celle qui a paru ^
à Paris par les foins des bénédidins de fàint **
JVIaur ; elle eft divifée en 10 vol. in-fol.
comme quelques autres ; mais avec un
nouvel arrangement, ou une nouvelle éco-
nomie dans chaque tome. Le I & le II
furent imprimés l'an 1679 î ^^ ^ parut en
1680; le IV en 1681 ; le V en 1683;
le VI & VII en 1685 ; le VIII & le IX
en 1688 ; & le X en' 1690 : ce dernier
volume contient les ouvrages que fainE
Augufîin compofa contre les Pélagiens. Son
livre de la cité de Dieu , efl celui qu'on
eflime le plus.
Mais l'approbation que \ts conciles &
\qs papes ont donnée à faint Augufiin fur
fa dodrine , a fait le plus grand bien à fa
gloire. Peut-être que fans cela les moli-
niftes du dernier fiecle auroient mis à néant
P E R
ïôn autorité. Aujourd'hui toute réglife 1
romaine eft dans l'engagement de refpeder
le fyflême de ce pert fur ce point ; cepen-
dant bien des gens penfent que fa dodrine ,
& celle de Janfénius , évêque d'Ypres ,
font une feule & même chofe. Ils ajoutent
que le concile de Trente , en condamnant
les idées de Calvin fur le franc-arbitre ,
a néceflairement condamné celles de faint
Auguftin ; car il n'y a point de calvinifle ,
continue-t-on , qui ait nié 4e concours
de la voioncé humaine , & la liberté de
notre ame , dans le fens que faint Auguftin
a donné aux mots de concours & de liberté.
Il n'y a point de calvinifte qui ne recon-
noifle le franc-arbitre, & fon ufage dans
la converdon , en prenant ce mot félon les
idées de l'évêque d'Hippone. Ceux que le
concile de Trente a condamnés , ne rejet-
tent le franc-arbitre qu'entant qu'il lignifie
la liberté d'indifférence ; les thomiftes le
rejettent auITi, & ne laiffcnt pas de pafTer
pour très-catlioliques. En un mot , la pré-
détermination phyfique des thomifles,, la
nccefîité de faint Augultin, , celle êit%
janféni-iles , celle de Calvin , font au fond
la même chofe ; lyéanmoins les diomiftes
renoncent les janfénifles y & les uns & les
autres prétendent qu'on les calomnie ,
quand on les accufe d'ei^feigncr la doc-
trine de Calvin.
Les arminiens n'ayant pas les mêmes
ménagemens à garder, ont abandonné faint
Augultin à leurs adverfaires, en le recon-
noiflant pour un auffi grand prédefiinateur
que Calvin lui-même ; & bien des gens
croient que les jéfuites en auroient fait
autant , s'ils avoient ofé condamner un
dodeur de Téglife , que les papes & les
conciles ont tant approuvé.
Un favant critique françois loue princi-
palement faint Auguftin d'avoir reconnu
fon infufïîfance pour interpréter l'écriture.
Ce ptre de l'églife d'occident a très-bien
remarqué, dit M. Simon, les quaUtés
néceflaires pour cette befogne; & comme
il étoit modefle , il a avoué ingénuement
que la plupart de ces qualités lui man-
quoient , & que même l'entreprife de
répondre aux manichéens étoit au-deffus
de fes forces. AuIII n'eft-il pas ordinarre-
meat heureux dans fcs allégories , ni dans
P E R 511
le fens littéral de l'écriture. Il convient
encore lui-même s'être extrêmement prefTé
dans l'explication de la Genefe , & de luiî
avoir donné le fens allégorique quand il ne
trouvoit pas d'abord le iens littéral. Quand
donc l'églife nous alTure que ceux qui
ont enfeigné la théologie , ont pris ce
père de l'égUfe d'occident pour leur guide ,
ces paroles du bréviaire romain ne figni-
fient pas que les opinions de l'évêque
d'Hippone foient toujours des articles de
foi , & qu'il faille abandonner les autres
pères lorfqu'ils ne s'accordent pas avec
lui.
Le plus fâcheux efl que les fcholafîiques
aient emprunté de làint Auguftin la morale
& la manière de la traiter ;. car en établif^
fant des principes ^il a étalé plus d'art que
de favoir & de juftefle. Emporté par 1<1
chaleur de la difpute , il paffe' ordinaire-
ment d'une extrémité a l'autre. Quand il
fait la guerre aux ariens , on le croiroit
fàbellien. S'agit-il de réfuter les fabeUiens ,
on le prendroit pour arien. Difpute-t-il
contre les pélagiens ^ il fe montre mani-
chéen. Attaque-t-il les manichéens , levoilA
prefque pélagien. Il ne diffimule point fà
conduite ,, & reconnoît avoir dit bien des
chofes à la légère ,. & qui demanderoient
la lime.
Je penfe qu'on doit mettre dans ccne
claiïe ion opinion que Sara pouvoit , en iè
(èrvant du droit qu'elle avoit fur le corps
de fon mari , l'engager à prendre Agar
pour femme. Il s'efl encore trompé plus
fortement , en décidant que par le droit
divin tout appartient aux juftes ou aux
fidèles , & que les infidèles ne poiTedent
rien légitimement.
Mais fon opinion fur la perfécution
pour caufe de religion , eft d'autant plus
inexcufable qu'il avoit été d'abord dans des
fcmimens de douceur & de charité. Il com-
mença par Vefprit 6r finit par la chair. Il
ofa le premier étabhr l'intolérance civile ,.
maxime contraire à l'évangile , à toutes
les lumières du bon fens , à l'équité natu-
relle , à la charité , à la bonne politique.
S'il eût vécu quelques années de plus , il
auroit fenti les mauvalfes fuites de (on
principe , & le tort qu'il avoit eu d'aban-
donner le véritable ; il auroit vu l'arianifoie
311 P E R
triomplier par les mêmes voies dont il
avoir approuvé l'ufage contre les donatifîes.
Léon I ( Saint ) , dodeur de l'églifè ,
monta fur le fiege de Rome après Sixte
III, le 10 mai 440. Il s'attacha beaucoup
à faire oblerver la difcipline eccléfiaflique ,
& mourut à Rome le 1 1 novembre 461. Il
nous refle de lui quantité de fermons & de
lettres. La meilleure édition de Ces œuvres
eft celle du père Quelnel , à Lyon , en
1700 , in-foL r- r ,
M. Dupin trouve que laint Léon n'eit
pas fort fertile fur les points de morale ,
qu'il les traite légèrement, & d'une manière
qui n'eft ni ondueufe , ni touchante. Il y
a plus : fa morale glace d'effroi fur la
manière de traiter les hérétiques ; car
oubliant tout principe d'humanité , il
approuve ^ans détour l'efRilion du fan g.
C'efl: à lui fur-tout qu'on auroit dû répéter
le difcours que Jefus-Chrifî tint à (es
apôtres pour arrêter la lougue de leur zèle :
»* vous ne favez de quel efprit vous ttts. ?>
Théodoret y év^êque de Cyr en Syrie
au cinquième fiecle , l'un des favans
pères de l'églifè , naquit en 3^^- Simple
dans fa maifon , il embellit fa patrie de
deux grands ponts , de bains pubhcs , de
fontaines, & d'aqueducs. Il montra pen-
dant quelque temps beaucoup d'attache-
ment pour Jean d' Antioche & pour Nefîo-
' rius , en faveur duquel il écrivit. Les uns
croient qu'il mourut en 4$ i , & d'autres
reculent la mort jufqu'à l'an 470. La meil-
leure édition de fes œuvres eft celle du
père Sirmond , en grec & en latin , en
4 volumes in-fol. Le père Garnier , jéfuite ,
y joignit en 1684 un cinquième volume,
pour compléter toutes les œuvres de ce
Tpere^ de l'églifè.
Il eft bien difficile de juftifier l'appro-
bation que donna Théodoret à l'adion
d'Abdas ou Abdaa , évêque de Suze , ville
de Perfe , qui du temps de Théodofe le
jeune brûla un des temples où l'on adoroit
le teu , & ne voulut point le rétablir. Le
roi (nommé Ifdeberge) en étant averti
par les mages , envoya quérir Ab:las , &
après l'avoir ccnfuré avec beaucoup de
douceur , il lui enjoignit de faire rebâtir le
temple qu'il venoit de détruire , le mena-
çant, au cas qu'il y manquât , d'ufer
P E R
d'une efpece de repréfailles fur les églifetf
des chrétiens ; en efïèt , cette menace fut
exécutée fur le refus obftiné d'Abdas , qui
aima mieux perdre la vie & expofer les
chrétiens à une infinité de maux , que
d'obéir à un ordre ii jufte. Théodoret ,
qui rapporte ztixt hiftoire , admire le refus
d'Abdas, ajourant que c'eût été une auiii
grande impiété de bâtir un temple au feu ,
que de l'adorer.
Mais la dicifion de Théodoret n'eft pas
judicieufe, parce qu'il n'y a perfonne qui
puilfe (è difpcnfer de cette loi de la reli-
gion naturelle : « il faut réparer par refti-
•>■) tution ou autrement , le dommage
'j qu'on a fait à fon prochain, >> Abdas ,
fimple particulier & fujet du roi de Perfe ,
en brûlant le temple des mages , avoit ruiné
le bien d'autrui , & un bien d'autant plus
privilégié i^u'il appartenoit à la religion
dominante. D'ailleurs , il n'y avoit point
de coraparaifon entre la conftrudion d'un
temple fans lequel les Perfes n'auroient pas
lailTé d'être auili idolâtres qu'auparavant ,
& la deftrudion de plufieurs églifes chré-
tiennes. En vain répondroit-on que le
temple qu'il auroit rebâti auroit fervi A
l'idolâtrie , ce n'eût pas été lui qui l'auroit
employé à cet ufage.
Grégoire I ( Saint ) , furnommé le
Grand , naquit à Rome d'une famille
patricienne. Pelage II l'envoya nonce
à Conftantinople pour demander du fecours
contre les Lombards , mais il ne réuffit
pas dans fes négociations. Sa nonciature
étant finie par le décès de l'empereur
Tibère, qui mourut en ^82, il revint â
Rome , fervi; quelque temps de fecre-
taire au pape Pelage , & enfuite il fut
élu pape lui-même par le clergé , par
le fénat , & par le peuple romain , le
3 fcptembre 590.
Il parut par fa conduite qu'on ne pou-
voit pas choifir un homne qui fût plus
digne de ce grand pofte ; car outre qu'il
étoir favant, & qu'il travailloit par lui-
rftême à l'inftruclion de l'églifè , foit en
écrivant , foit en prêchant \ il avoit l'art
de ménager l'efprit des princes en faveur
des intérêts temporels & fpirituels de la
religion , & nous verrons dans la fuite
qu'il pouiTa cet art trop loin.
II
Il entreprît la converfion des Angloîs
Tous le règne d'Ethelred, & en vint à
bout fort heureufement par le fecours de
Berthe , femme de ce prince , qui contribua
extrêmement à la converfion du roi fon
époux , & à celle de fes fujets.
Le père Maimbourg dit « que , comme
» le diable fe fervit autrefois des artifices
» de trois impératrices , qui furent femmes
» l'une de Licinius, l'autre de Conftan-
» tius , &c la troifîeme de Valens , pour
» établir Théréfie arienne en orient ; Dieu
M pour renverfer fur fon ennemi fes ma-
y> chines , 6c le combattre de (es propres
w armes , fe voulut auffi fervir de trois
» illuftres reines , Clotiide , femme de
» Clovis , Ingonde , époufe de faint Erme-
« negilde, &c Théodelinde, femme d'Agi-
» lulphe , pour fanélifier l'occident , en
» convertiffant les Francs du paganifme ,
» & en exterminant l'arianifme de l'Eipa-
» gne & de l'Italie par la converfion des
» Vifîgoths 6c des Lombards. »
Il y a beaucoup d'apparence que le zèle
que faint Grégoire témoigna contre l'ambi-
tion du patriarche de Conftantinople , étoit
mal réglé. Mais il n'eft pas certain qu'il ait
fait détruire les beaux monumens de l'an-
cienne magnificence des romains , afin
d'empêcher que ceux qui venoient à Rome
ne fiffent plus d'attention aux arcs de
triomphe, &c. qu'aux chofes faintes du
chnftianifme. On doit porter le même ju-
gement de l'accufation qu'on lui intente
d'avoir fait biûler une infinité de livres
païens , &c nommément Tite-Live. Il eft
vrai cependant qu'il regarda l'étude de la
critique , de la littérature & deTantiquité,
comme indigne non feulement d'un miniftre
de l'évangile , mais encore d'un fimple
chrétien ; c'eft ce qu'il déclare dans une let-
tre à Didier , archevêque de Vienne.
Sur la fin de fon pontificat , quoiqu'il
eût fur les bras toutes les affaires chrétien-
nes, il compofa fon antiphonaire , &c s'ap-
pliqua principalement à régler l'office &
le chant de l'églife. Il mourut le lo mars
604.
S'il étoit vrai qu'après fa mort on eût
brûlé une partie de fes écrits , on pour-
roit en conclure que la gloire de ce pontife ,
auffi-bien que celle de quelques autres an-
Tomc XXV,
P E Pv 315
cîe ns pères , relTemble aux fleuves , qui, de
très-petits qu'ils font à leur fource , devien-
nent très -grands lorfqu'ils en font fort
éloignés. Il eft certain , généralement par-
lant , que les objets de la mémoire font
d'une nature très-différente de celle des
objets de la vue. Ceux-ci diminuent à pro-
portion de leur diftance, & ceux-là, pour
l'ordinaire , grofliffent à mefure qu'on eft
éloigné de leur temps & de leur lieu: omnid
poji obitumfingit majora vétuflas.
I On fit du vivant de faint Grégoire tant
: de copies de fes ouvrages , qu'ils ont pref-
' que tous pafte jufqu'à nous. Le père Denis
de Sainte-Marthe les a publiés en 1697,
avec fa vie , fous le nom d'Hifioire de faint
' Grégoire le Grand. M. de Gouffainyllle
j avoir déjà mis au jour une édition des œu-
vres de ce pontife , en 1675.
Les dialogues qui portent le nom de
^ faint Grégoire^ 6>c que le bénédiftin de
, Saint-Maur , reconnoît lui appartenir , ne
j font pas dignes , de l'aveu de M. Dupin ,
! de la gravité du difcernement de ce iaint
! pape , tant ils font pleins de miracles
j extraordinaires & d'hiftoires fabuleufes : il
I eft vrai qu'il les a rapportées fur le téinoi-
! gnage d'autrui ; mais il ne devoir pas fi lé-
gèrement y ajouter foi , ni les débiter
comme des chofes confiantes.
Il fe montra bien plus précautionné fur
les traits de la calomnie ; car il la profcri-
voit rigoureufement comme un monftre
d'autant plus dangereux qu'il eft difficile à
découvrir : aufili n'écoutoit-il les délateurs
I que fur des preuves de leurs délations plus
claires que le jour. Il craignoit tant encore
de s'y tromper, quoique innocemment ,
qu'il fe difpenfoit lui-même de juger des
accufâtions portées à fon tribunal.
Il ne fut pas moins févere fur le devoir
de chafteté des eccléfiaftiques , eftimant
qu'un homme qui avoit perdu fa virginité,
ne devoir point être admis au facerdoce. Il
exceptoit ièulement de cette rigueur les
veufs, pourvu qu'ils euftent été réglés dans
leurs mariages , & que depuis fort long-
temps ils eufl^ent vécu dans la continence.
Il écrivit tant de chofes fur la difcipline
eccléfiaftique , les rites , & les cérémo-
nies minutieufes , que toutvint à dégéné-
rer en triftes fuperftitions ; on ne s'attacha
Rr
3T4 I> E R
plus dans les conciles qu'à de vains raf-
finemens fur l'extérieur de la religion ,
&: leurs canons eurent plus d'autorité que
l'Ecriture.
Son commentaire en 3 5 livres fur Job ,
offre un des ouvrages des plus diffus &
des moins travaillés qu!ûn connoiiTe. C'eft
■un répertoire immenfedi moralités & d'al-
légories appliquées fans ceffe au texte de
Job , mais qu'on pourroit également appli-
quer à tout autre livre de l'Ecriture; &
plufieurs même de ces moralités & de ces
allégories, manquent de juftefîe & d'exac-
titude.
D'ailleurs , faint Grégoire déclare dans
les prolégomènes de ce commentaire, qu'il
a dpdaigné d'y fuivre les règles du langage.
« J'ai pris à tâche , dit-il, de négliger l'art
» de parler que les maîtres des fciences
» humaines enfeignent ; je n'évite point le
» concours choquant des mêmes confon-
» nés; je ne fuis point le mélange des bar-
,» barifmes,;. je méprife le foin de placer
» comme il taut les préposions , & de
» mettre les cas qu'elles régiffent ^ parce
» que je trouve indigne de moi d'affujettir
» aux règles de Donat les paroles des ora-
» clescéleftes.>>
Mais n'y a-t-il aucun milieu entre la
trop grande recherche de l'élégance du
flyle ëccellede fa netteté , quia tant d'in-
fluence fur le but qu'on doit fe propofer ,
d'être entendu de tout le monde .^ 11 temble
que pour enfeigner aux hommes la rehgion
& leurs devoirs, il ne convient jamais de
les rebuter par un langage ba bare. Après
tout, excufons ces défauts du flyle de faint
Grégoire , en profitant des bonnes chofes
qu'il a répandues dans fes écrits.
Il eft plus aifé de concevoir qu'il s'étoit
mis dans i'efprit que l'étiide des lettres hu-
maines gâtoit l'étude des lettres divines,
que d'accorder la liaifon de (qs principes
touchant la contrainte de la confcitnce;
le peu d'uniformité de Ces maximes à cet
égard , paroît mantfeflement en ce qu'il
lî'approuYoit pas que l'on forçât les JAiifs
à le faire baptifer, & qu'il approuvoir
que l'on contraignît les hérétiques à rentrer
dans l'églife , du moins par des voies indi-
^eftes : cela , dit - il , peut s'exécuter en
/deux manières , l'une en traitant à la
P ER
rigueur les obftinés, l'autre en faîfant Jtr
bien à ceux qui fe convertiffent ; & quand
même , ajoute-t-il , ces gens ne feroient
pas bien convertis , on gagnera toujours
beaucoup, en ce que leurs enfans devien-
dront bons catholiques : aut ipfas ergOy
aut toriim filios Lucramur , Lih. IV ^ ^P^ft'
Vf. Machiavel n'a pas pouffé le raffinement
plus loin.
Mais le principal trait de la vie de faint
Grégoire , que tous les moraliftes ont
condamné, c'eft la proftitution des louanges
avec laquelle il s'mfinua dans l'amitié de
l'horrible ufurpateur Phocas, & de la reine
Erunehaut, une des méchantes femmes de
la terre.
Le traître & barbare Phocas étoit encore
tout dégoûtant d'un des plus exécrables
parricides que l'on puiffe lire dans les
annales du monde. Il venoit de faire égor-
ger en fa préfence l'empereur Maurice,,
fon maître, après avoir donné à cet infor-
tuné père , le trifte fpeé^acle de voir moi>
rir de la même manière cinq petits princes-
fes enfans. Le père Maimbourg vous dé-
tsiliera cette horrible adion , & vous
peindra le caraftere du cruel & infâme
Phocas ; c'eft affez de dire qu'il réuniffoit
en lui toutes les méchantes qualités qu'on-
peut oppofer à celles de l'empereur Maur
rice. Saint Grégoire a la foibleffe de fé^
liciter le monftre Phocas de fon avènement
à la couronne; il en rend grâces à Dieu.,
comme du plus grand bien qui pouvoitu
arriver à l'empire. Il lui écrit trois épîtres à;
ce fujet, //^. //, epifi. ^8 ,ind. 6^^ 46'
& 46^. Quel aveuglement, quelle chute
dan« faint Grégoire ! Un pape qui ne veut
pomr recevoir dan^les ordres facrés , &qui
dépolè avec la dernière rigueur, un prêtre
qui n'eft coupable que d'avoir eu dans fa
vie un moment de foibleffe , écrit à Phocas
trois lettres de félicitation , ians même lui'
témoigner dans aucune , qu'il eût defiréque-
Maurice & fes enfans n'euffentpas i'ouff
fert le dernier fupphce L
Quant à ce qui regarde la reine Bruner
haut, je rappoi ferai ieulement ce que dit
le père Daniel daiis fon Hifi. de France .y.
tome.I,.i< Saint Grégoire ,. qui avoit befo;a-
» de l'autorué de Brunehautpour fecondef
, » les miflionnaires d'Angleterre . ôi goiat.
P E R
5> fe conferver en Provence le périt patri-
*> moine de l'églife romaine , lui faifoit la
f> cour en louant ce qu'elle faifoit de bien,
» fans toucher à certaines aélions particu-
» lieras ou qu'il ignoroit, ou qu'il jugeoit
» à propos de diffimuler. Plufieurs bonnes
■» œuvres , dont l'hiftoire lui rend témoi-
>> gnage , comme d'avoir bâti des monaf-
>» teres , des hôpitaux , racheté des captifs,
» contribué à la converfion d'Angleterre ,
f> ne font point incompatibles avec une
*> ambition démefurée , avec les meurtres
i> de plusieurs évêques , avec la perfécution
» de quelques faints perfonnages , & avec
» une poUtique auffi criminelle que celle
» dont on lui reproche d'avoir ufé pour fe
>> conferver toujours l'autorité abfolue. »
Cependant , dans toutes les lettres que
S. Grégoire lui écrivit , il l'a peinte comme
une des plus parfaites princeffes du monde ;
& regarde la nation françoife pour la plus
heureufe de toutes , d'avoir une femblable
reine douée de toutes fortes de vertus , iiv.
II ^ epifi. 8 , Voilà donc , dans la vie d'un
feul homme , deux exemples mémorables
de la baffe fervitude où l'on tombe, pour
vouloir fe foutenir dans les grands portes.
Les fiecles fuivans offrent peu de dofteurs
qui méritent quelques louanges , par leur
favoir en matière de religion ou de morale.
Cette dernière fcience , fe corrompant de
plus en plus , devint feche , décharnée ,
miférablement défigurée par toutes fortes
de fuperftitions, & par les fubtilités épi-
neufes de l'école. Enfin, il n'eft plusquef-
tion dans l'hiftoire , des ptres de l'églife , fi
l'on en excepte le feul fondateur de Cler-
vaux , à qui l'on a donné le nom de dernier
des faints pères.
Saint Bernard^ dont M. le Maître a
fait la vie dans notre langue , naquit au
village de Fontaine en Bourgogne, en 109 1.
Il vint au monde fort à propos dans un
fiecle de brigandage , d'ignorance & de fu-
perftitions, & fonda cent monafteres en
différens lieux de l'Europe. Je n'ofe dire
avec le cardinal Baronius, qu'il n'a point
été inférieur aux grands apôtres ; je crain-
drois de répéter une impiété; mais il a été
puiffant en œuvres & en paroles , par les
prodiges qui ont fuivi fa prédication &: (^s
difcours. > ^
P E R 3Ty
Ce fut avec raifon, dit un hiftorien
philofophe , que le pape Eugène III ,
naguère difciple de faint Bernard , choifit
fon premier maître pour être l'organe de
la féconde croifa<ie. llavoit fu conciher le
tumulte des armes avec l'auftérité de fon
état ; il étoit parvenu à cette confidération
perfonnelle qui eft au-deffus de l'autorité
même.
A Vezelai en Bourgogne , fut dreffé un
échafaud dans la place publique, en 1 146,
où faint Bernard parut à côté de Louis le
Jeune , roi de France. Il parla d'abord ,
& le roi parla enfuite. Tout ce qui étoit
préfent prit la croix ; Louis la prit le pre-
mier des mains de faint Bernard. Il s'étoit
acquis un crédit fi fingulier , qu'on le choi-
fit lui-même pour chef de la croifade : il
avoir trop d'efprit pour l'accepter. Il refufa
l'emploi de général , &: fe contenta de
celui de prophète.
Il fe rendit en Allemagne , donna la
croix rouge à l'empereur Conrad III; pre-
choit en françois aux Allemands , & pro-
mit de la part de Dieu, des vidoires figna-
lées contre les infidèles. Il fe trompa ; mais
il écrivit beaucoup , & fut mis au rang des
pères de Péglife. Il mourut le 10 août 1 1 53 5
à foixante-trois ans.
La meilleure édition de fes œuvres a été
mife au jour par le père Mabillon , à Paris ,
en 1690, & elle forme 2 vol. in- fol. Son
ftyle , au jugement des critiques , eft fort
mélangé , tantôt vif, tantôt concis &
ferré; fa fcience eft très-médiocre. Ilentaffe
péle-mêie l'écriture- fainte , les canons &
les conciles ; femblable au cardinal qui
avoir placé dans fon cabinet le portrait de
J. C. entre celui d'Alexandre VI , & de la
dame Vanotia fa maîtreffe. Il déploie par-
tout une imagination peu folide , & très-
féconde en allégories.
Enfin des fiecles lumineux ont appris
la vraie manière d'expliquer l'écriture, 6c
de traiter folidement la morale ; ils ont
éclairé le monde fur les erreurs où les
pères de féglife font tombés. Mais quand
nous confidérerons que les apôtres eux-
mêmes ont eu pendant long-temps leurs
préjugés & leurs foibleffes , nous ne ferons
pas étonnés que les miniftres qui leur ont
fuccédé^ &qui n'étoient favorifés d'aucun:
Rr 1
3ï€ P ER
fecours extraordinaire du ciel , n'aîent pas
eu dans tous les points des lumières fuffi-
fantes pour les préferver des erreurs infé-
parables de l'humanité.
D'abord, il paroît clairement que l'idée
du règne de mille ans fur la terre dont les
faints jouiroient avec J. C. a été l'opinion
des p&res des deux premiers fiecles. Papius
( apud Eufeb. Hift. eccUf, J , Ji) . ) ayant
affuré qu'il tenait des apôtres cette doélrine
flatteufe , elle fut adoptée par les grands
perfonnages de fon temps , par faint Juftin ,
faint Irenée , Népos , Vidorin , Laftance,
Sulpice-Sévere, Tertullien, Quintus Ju-
Hus , Hilarion , Commodianus & autres ,
qui croyoient , en la foutenant, défendre
une vérité apoftolique. Voyez les anticjui-
lés de Bingham, & les Mém. pour l hift.
ecclif. de M. deTillemonr.
Les mêmes pens ont été dans une fé-
conde erreur, au fujet du commerce des
mauvais anges avec les femmes. Ils vivoient
tians un temps où l'on croyoit affez com-
munément que les anges bons & mauvas
étoient corporels , & par conféquent fuje s
aux mêmes pafîions que nous ; ce fenti-
ment leur paroiffoit établi dans les livres
facrés. C'eft particulièrement dans le livre
d'Enoch qu'ils avoient puifé cette idée
touchant le mariage des anges Se des
filles des hommes. Cependant , dans le
fuite , les ptrts reconnoiiïant que les an-
ges dévoient être tout fpirituels , ils ont
déclaré que les efprits n'étoient capables
d'aucune paflion pour les femmes , & que
par les enfans & les anges de Dieu, dont,
il eft parlé dans l'Ecriture, on doit enten-
dre les filles des hommes , celles deja race
de Caïn.
Mais une erreur qui a Jeté dans leur
efprit les plus profondes racines , c'eft
l'idée qu'ils fe font prefque tous formée de
la fainteté du célibat. Delà, vient qu'on
■ trouve dans leurs ouvrages, & fur - tout
dans ceux des pcrts grecs, des expreffions
fort dures au fujet des fécondes noces ; en
forte qu'il eft difficile de les excufer fur
ce point. Si ces expreffions ont échappé à
leur zele^ elles prouvent combien on doit
.être en ga*rde contre \ts, excès du zèle; car
dès qu'en matière de morale , on n'apporte
pas une raifon tranquille à l'examen du
P E R
vrai , îl eft impoffible que la raifon foît
alors bien éclairée.
Le nombre des pères de VègUfe qui con-
damnent les fécondes noces , eft trop grand,
leurs expreffions ont trop de rapport en-
femble , pour admettre un fens favorable ,
& pour ne pas donner lieu de croire que
ceux qui fe font exprimés moins durement
que les autres , n'en étoient pas moins au
fond dans les mêmes idées, qui fe font in-
troduites de fort bonne heure.
Saint Irenée , par exemple , traite la Sa*
maritaine de fornicatrice , pour s'être ma-
riée piufieurs fois; cette penfée fe trouve
auffidans faint Bafile & dans faint Jérôme.
Origene pofe en fait que les fécondes no-
ces excluent du royaume de Dieu. Voye'{
les Orig&nianaào. M. Huet , lïv. II ^ queft,
xip , § 3 . Saint Bafile , parlant de ceux qui
ont époufé plus de deux femmes, dit que
cela ne s'appelle pas un mariage , mais une
polygamie , ou plutôt wnQ fornication mi-
tigée. C'eft en conféquence de ces prin-
cipes, qu'on flétrit dans la fuite autant
qu'on put les fécondes noces , & que ceux
qui les célébroient , étoient privés de la
couronne qu'on mettoit fur la tête des
mariés. On leur impofoit encore une péni-
tence , qui confiftoit à être fufpendui de
la communion.
Les premiers pères qui fe déclarèrent fi
fortement contre les fécondes noces,
embrafferent peut-être ce fentiment par
la confidération qu'il faut être plus par-
fait fous la loi de l'évangile , que fous là
loi mofaïque , &: que les laïques chrétiens
dévoient obferver la plus grande régula-
rité qui fût en ufage parmi les eccléfiafti-
ques de la fynagogue. S'il fut donc trouvé
à propos d'interdire le mariage d'une veuve
au fouverain facrificâteur des juifs , afin
que cette défenfe le fît fouvenir de l'atta-
chement qu'il devoir à la pureté, on a pu
croire qu'il falloir mettre tous les chrétiens
fous le même joug. Peut-être auffi que la
première origine de cette morale févere,
fut le defir d'ôter l'abus de cette efpece de
polygamie , que le divorce rendoit fré-
quente.
Quoi qu'il en foit de cette idée outrée
qu'ont eu les pères fur la fainteté dU
célibat, il leur eft arrivé, par une eonf*»'
P ËR
^iiéricè naturelle, d'avoir approuvé l'aiflion
de ceux & de celles qui fe ruent, de peur
de perdre leur ch^fteté. Sainr Jérôme ,
faint Ambroife &: faint Chryfoftôme ont
été dans ce principe. La fuperftition honora
comme martyres quelques faintes femmes
qui s'étoient noyées pour éviter le vio'e-
ment de leur pudicité ; mais ces fortes de
réfolutions , courageufes en elles-mêmes ,
ne laiffent pas d'être en bonne morale une
vraie foibleffe , pour laquelle feulement
letat &lescirconftancesdes perfonnes qui
y fuccombent, donnent lieu d'efpérer la
miféricorde d'un Dieu qui ne veut point la
mort du pécheur.
S. Ambroife décide que les vierges qui
ne peuvent autrement mettre leur honneur
à couvert de la violence font bien de fe
donner la mort; il cite pour exemple fainre
Pélagie , & lui fait dire que la foi ôte le
crime. Saint Chryfoftôme donne les plus
grands éloges à quelques vierges qui avoient
été dans ce cas ; il regajde ce genre de
mort comme un baptême extraordinaire ,
qu'il compare aux fouffrances de Notre
Seigneur Jefus-Chrift, Enfin, les uns &
les autres femblent avoir envilagé cette
acïion comme l'effet d'une infpiration par-
ticulière de l'efprit de Dieu; mais l'efprit
de Dieu n'infpire rien de femblable. La
grande raifon pourquoi l'Etre fuprême dé-
fend l'homicide de foi-même , c'eft qu'en
qu^ité d'arbitre fouverain de la vie, que
nous tenons de fa libéralité, il n'a voulu
nous donner fur elle d'autres droits que
celui de travailler à fa confervation. Ainfi
nous devons feulement regarder comme
dignes de ia pitié de Dieu , des femmes qui
ont employé le trifte expédient de fe tuer
pour exercer leur vertu.
Je vais plus loin ; je penfe que les pères
ont eu de faufTes idées fur le martyre en
général , en y invitant , en y exhortant
avec beaucoup de force , & en louant ceux
qui s'y étoient offerts témérairement ; mais
cedefîr du martyre eft également contraire
&t à la nature, &: au génie de l'évangile
qui ne détruit point la nature. Jefus-Chrift'
n'a point abrogé cette \o\ naturelle , une
des plus évidentes & des plus indifpenfa-
bies , qui veut que chacun travaille, en tant
qu'en lui eft, à fa propre confervation.
P E R
317
L'avantage de lafociété humaine, & celui
de la fociété chrétienne , demandent égale-
ment que les gens de bien & les vrais chré-
tiens ne foient enlevés du monde que !è
plus tard qu'il eft poflible, & par confé-
quent qu'ils ne s'expofent pas eux-mêmes
à périr fans néceflité. Ces raifons font ft
claires & fi fortes, qu'elles rendent très-
fufpeft , ou d'ignorance, ou de vanité, ou
de témérité, un zèle qui les foule aux pies
pour fe faire une gloire du martyre en lui-
même , & le rechercher fur ce pié-là. Le
cœur des hommes, quelque bonne que foit
leur intention , eft fujet à bien des erreurs
& Aqs foibleftés; elles fe gliftent dans les
meilleures aftions, dans les plus héroïques
& les plus éclatantes.
Une humeur mélancolique peut auflî
produire ou féconder dé pareilles illufions.
Rien, après tout, ne feroit plus .propre à
détruire le chriftianifme , que fi ces idées
du martyre , defirable par lui-même, de-
venoient communes dans les fociétés des
chrétiens; il en pourroit réfulter quelque
chofe de femblable à ce que l'on raconte
de l'effet que produffirent fur l'efprit des
auditeurs, les difcours véhémens d'un an-
cien philofophe , Hégéfius , fur les miferes
de cette vie. Enfin , Dieu peut , en confi-
dération d'une bonne intention, pardonner
ce que le zèle a de mal réglé; mais la témé-
rité demeure toujours témérité , & fi l'on
peut l'excufer , éXo. ne doit faire ni l'objet
de notre imitation, ni la matière de nos
louange^.
Il eft certain que les pères mettent fans
ceffe une trop grande différence entre
fhomme & le chrétien , & à force d'outrer
cette diftinclion, ils prefcrivent des règles
impraticables. La plupart des devoirs dont
l'évangile exige l'obfervation, font au fond
les mêmes que ceux qui peuvent être
connus de chacun par les feules lumières
de la raifon. La religion chrétienne ne fait
que fuppléer au peu d'attention des hom-
mes , & fournir des motifs beaucoup plus
puiffans à la pratique de ces devoirs , que
la raifon abandonnée à elle n'eft capable
d'j^n découvrir. Leslumieres furnaturelles ,
toutes divines qu'elles font, ne nous mon-
trent rien par rapport à la conduite ordi-
naire de la vie , xjue les lumières naturelle^
^it P E R
rîi'adoptenr par les réflexions exa£î:es de la
pure philofophie. Les maximes de l'évan-
gile , ajoutées à celles des philofophes , font
jnoins de nouvelles maximes , que celles
qui éfoient gravées au fond de l'ame rai-
/bnnable.
^n vain la plupart d^ pères ont regardé
le prêt à ufure comme contraire à la loi
Xiaturelle , ainfi qu'aux loix divines & hu-
jnaines; il eft cerrain que quand ce prêt
ji'efl: accompagné ni d'extoriîons , ni de
violations des loix de la charité , ni d'aucun
autre abus , il eft aufli innocent que tout
autre contrat.
Je ne dois pas fupprimer un défaut com-
mun à tous les pères , & qu'on a raifon de
condamner ;c'eft leur goûtpaffionné pour
jes allégories, dont l'abus eft d'une dange-
reufe conféquence en matière de morale.
î-ifez fur ce fujet un livre de Dan, W^itby ,
intitulé, Dijfertatio de fcripturarum inter-
pretatione , fecundîim patrum commenta-
rios. Lond. 1714, in-^^. Si J. C. & fes
apôtres ont propofé àes images &: des allé-
gories , ce n'a été que rarement , avec beau-
,coup de fobriété, & d'une manière à faire
fentir qu'ils ne les donnoient que comme
,des chofes propres à illuftrer, & à rendre
en quelque façon fenfibles au vulgaire grof-
jfier , les vérités qu'ils avoient fondées fur
des principes également fimples , folides ,
,& fuffifans par eux-mêmes.
Il ne fuffit pas de voir quelque confor-
ynité entre ce que l'on prend pour figure ,
& ce que l'on croit être figure; il faut
jeneoreêtre afTuré que cette reffembiance a
jété dans l'efprit & dans l'intention de Dieu;
/ans quoi l'on court grand rifque de donner
fes propres fantaifies pour les vues de la
fagefife divine. Rien n'eft plus différent que
le tour d'efprit des hommes; & il y a une
infinité de faces par lefquelles on peut en-
cvifagerle même objet, foit en lui-même,
foit en le .comparant avec d'autres. Ainfi
l'un trouvera une conformité , l'autre une
autre, aufHfpécieufe, quoique différente ,
iSc même contraire. Celle qui nous paroif-
foit la mieux fondée , fera effacée par u-ne
nouvelle qui nous a frappé depuis ; de forte
qu'ainfi l'Écriture-Sainte fera en bute à tous
les jeux de l'imagination humaine. Mais
l'exp^riience a affez fait voir dans quels
P E R
égaremens on fe jette ici, faute de règle
& de bouffole. Les pères de Cèglife fuffi-
roient de refl:e , quand ils n'auroient jamais
eu d'imitateurs , pour montrer le péril de
cette manière d expliquer le livre le plus
refpeftable.
Après tout , il eft certain que les apôtres
ne nous ont pas donné la clé des figures
ou des allégories qu'il pouvoir y avoir dans
l'Ecriture-Sainte , outre celles qu'ils ont
eux-mêmes développées ; &cela fuffit pour
réprimer une curiofité que nous n'avons
pas le moyen de fatisfaire. Enfin , les allégo-
ries font inutiles pour expliquer la morale
évangélique , qui eft toute fondée fur les
lumières les plus fimples de la raifon.
Il femble encore que les pères fe font
plus attachés aux dogmes de pure fpécu-
lation , qu'à l'étude férieufe de la morale ,
& qu'en même temps ils ont trop négligé
l'ordre & la méthode. Il feroit à fouhaiter
qu'en abandonnant les argumens oratoires ,
ils fe fuffent piqués de démontrer par des
raifons folides les vertus qu'ils recomman-
doient. Mais la plupart ont ignoré l'art cri-
tique qui eft d'un très-grand fecours pour
interpréter l'Ecriture-Sainte , & en décou-
vrir le fens littéral. Parmi les pères grecs ,
il y en avoir peu qui entendiffent la langue
hébraïque; &'parmi les /^cr^i latins, quel-
ques-uns même n'étoient pas affez verfés
dans la langue grecque.
Enfin , leur éloquence eft communément
fort enflée , fouvent déplacée, & pleine de
figures & d'hyperboles. La raifon en eft >
que le goût pour l'éloquence étoit déjà
dépravé dans le temps que les pères ont
vécu. Les études d'Athènes même étoient
déchues , dit M. de Fénélon , dans le temps
que S. Bafile & S. Grégoire de Nazianze
y allèrent. Les raflînemens d'efprit avoient
prévalu ; les pères , inftruits par les mauvais
rhéteurs de leur temps, étoient entraînés
dans le préjugé univerfel.
Au refte , toutes leji erreurs des pères
ne doivent porter aucun préjudice à leur
gloire , d'autant qu'elles font bien compen-
fées parles excellentes choies qu'on trouve
dans leurs ouvrages. Elles deviennent en-
core excufables en confidération des défauts
de leurs fiecles, des rentations & des con-c
jon(Stures dans lefquelles il§ fe font trouvés,
P E R P E R ^îo
Enfin, fa foi qu'ils ont profefTëe, la reVi- Igr'ini, a été employé pour îa première
gion qu'ils ont étendue de toutes parts,
malgré les obflacles & les perfécutions ,
n'ont pu donner à perfonne le droit de
faillir comme eux. ( Le chevalier de Jau-
COURT. )
PEREAN, f. m. (Cirler.) chaudière
plus longue que large, dans laquelle on
fond la cire pour la première fois , pour la
metrre en oain.
: PEREASLAW, Cpéog. mvd.J ville
de Pologne , au palatinat de Kiovie , fur
le Tribiecz. Les Polonois l*ont cédée à la
Ruiîie. Elle eft à lo lieiies fud-eft deKiovie.
Long. 5o , icj-^lat. 45) , 46. (D. J.y
PÈRECZAS , ( t^éog. mod.) petite
ville de la H<r.! ce-Hongrie, capitale d\m
comté de même noin , à 18 lieues de
Torkai. long. 3g. 45; //a/. 49. 44.
PEREE , (G^og. anc. ) Ferce-t. Ce
mot vient du g-ec ^ffc//t*,qui fignifie au
delà. On a donné le nom de Percca à
<iive-reç contrées & à -divers lieux qui
étoient au delà de la mer , au delà de
quelques fleuves ,> ou au delà d'une autre
contrée.
Auifi, i^. on nomma Peraa^ Pèrée,.
une contrée au delà du Jourdain , à l'orient*
du fleuve; mais la Perée propre étoit la
feule partie méridionale qui compre«oit
lés tribus de Ruben 6c de G«d.-
. i'^. Percea Rhodiorum , contrée d'Afie,-
qui faifoir partie de la Carie. G'étoit une
contrée maritime vis-à-vis de l'île de
Rhodes, & à laquelle on donna le nom
•de Peréc des Rhodiens , parce que ces>
,peuples San rendirent maîtres ancien-^
nement. •
3'^. Etienne le géographe donne lé nom
de Perœa^ à un petit pays d'Afie fUr le
bord du Tigre ; z°. à un canton du terri-
toire de Corinthe ; 6c- }*^Jà une petite ville
de Syrie. CL>. J. )
PEREGRINAIRE , f. m; (^ITifl. ecc.J
nom qu'on donnoit , dans les anciens mo-
nafteres, à un moine chargé de recevoir &•
d'amuier les étrangers qui -venoienivifeer
le monaftere.
PEREGPJNE,(c.oMRruNïON)^y?.
tccUfiaftique. C'eft-une dégradation des
clercs , par laquelle on les réduifoit à un
ordre inierieuc ; ce moi cominunhn pjré^ ,
fois dans le troifîeme canon du conci'c de
Riez , au fujet d'Armemanus, loriqu'i! fut
dégradé dî fonévechéd'Embnm, & qu'on
lui permit de fe retirer dans toute églilé cà
Ton voudroit charitablement lé fouffrir ,
pmir y confirmer feulement les néophytes,
fans pouvoir faire' aucune fonction épi(-
copale , que dans ladite égUfe où il feroit
reçu par charité: Le P. Petau prétend qu'on
appelloit cette dégradation communion,
pérégrine, parce qu'elle réduifoit ceux qui
étoient ainfi dégradés au mén1e état des-
clercs étrangers , qui avoient bien des let-
tres formées , maivqui ne pouvoient faire
des fonétlons eeclefiaftiques , jufqu'à ce que-
leurs lettres eufTent été examinées par le
fynode oul'évéquedu lieu. Parle fécond"
canon du concile d'Agde , il efl: dit que^
les clercs rebelles, réduits à la communie^'
pérégrine , peuvent être rétablis. Nou5'
renvoyons les Ciirieux de plus grands dé-
tails, à une ample dififertation que Marci-
Antoine Domir^ici , jurifconfulte canonif--
te, a fait imprimer en 1645 fur la commU"
nion pérégrine. ( D. /. )
PÉRÉGRINE , ( Bijout. ) La perle ainfi^
nommée eft cène fameufe perle dont l'eau ,
la figure, ta beauté, en un mor la- perfec-
tion fièrent une teîfe impreflion fur un mar-
chand connoiffeur, qu'après Tavoir vue , A
ofabien en donner cent mille écus, en fon-'
géant, dit-il à Philippe IV , quand il la liii'
préfenta , qn'il y avoir encore-un roi d*Ef^
pagne au monde;
PEREGRimCL'angwe làtinnO ^
Romains- appelloienr peregrinos , tous^R
peuples fournis à leur domination , à qui
ils avoient* laiffé leur ancienne forme dé
gouvernenrem ; dicebant pertgrifium qui
fuis-- legihua uteremr. Var-ro > L, IF ^ di
ling^lat.fD.J.J.
PEREGRÎNÎTÉ, f: f: ( 'G?am:&Jùrîf:)
fignifie l'état de celui qui eft étranger danS
un pays : on appelle vie de pérégrinité'y
l'incapaeitétéAihante de ja qualité derrani
ger. FojK^f AUBÀIN .6- ÉTRAN^GÈR. f^J
-, PER E KO P , ou P ER C O P S , o«
P,RECOP; ( G«;V W. J ville de là
Crimée,- fituée fur la. cô/e- orientale d*
l'ifthme qui joint là Crimée à la terre
ferme , à- une petite diftiinceda rivage du
^lo P E R
Palus-Méotide. Cet ifthms n^ayam quune
demi-lieue de largeur- en cet < ndroit , on
regarde avec raifon la vil'u-; àeiPérékop ,
comme la clé de la Crimée ; cependant
ce n'eft qu'un fort vilain petit trou d'en-
viron 60 feux , avec un château ruiné à
moitié. Les Turcs font en poffeffion des
deux meilleures places de la prefqu'île
de Crimée , qui iont la ville de Caffa ,
& le port de Baluclava , fltués à 44^.
44'. de lut. fur le rivage méridional de ce
pays.
Pcrékop , qui veut dire terre fojfoyce ,
eft le nom que les Polorois ont donné à
cet endroit : les Tartares l'appellent Orka-
py , nom magnifique qui fignifie la porte
d'or ; ce n'eft cependant que la porte d'un
trou. (D. J.)
PERELLE , f. f. (Hlfl. nat, Mlnêralog.)
C*eft uneefpece de terre compofée de par-
ticules en petites écailles; elle eft feche au
toucher, & d'une couleur qui tire fur le
gris. On la trouve en Auvergne, dans le
voifinage de Saint-Flour; elle eft attachée
aux jochers. On s'en fert dans la teinture ,
& Ton prétend que c'eft une efpece de
lichen ou de mouffe qui fe forme à la fur-
face des rochers , de même que l'orfeille.
C'eft vralfemblablement la chaleur du
foleil qui, en deiféchant cette fubftance ,lui
donne la confîftance d'une terre.
PEREMPTION d'inftance, f, f.
(^ J urïj prudence^) eft l'anéantiffement d'une
procédure , qui eft regardée comme non-
avenue, lorfqu'il y a eu difcontinuation
de pourfuites pendant trois ans.
^lÉlletire fon origine de la \o\properan-
dum, au code de Judiciis, fuivant laquelle
tous les procès criminels dévoient être ter-
minés dans deux ans, & les procès civils
dans trois ans, à compter du jour de la
conteftation en caufe.
Mais cette loi ne produlfoit pas l'ânéan-
tiftement des procédures par une difcon-
tinuation de pourfuites, comme il a lieu
parmi nous ; la litifconteftation perpétuoit
même l'aftion pendant 40 ans.
La \o\ properandum a toujours été fuivie
en France , du moins ainfi qu'il eft juftifié
par l'anci-en ftyle du parlement ; mais la
péremption étoit autrefois encourue par
une difcondnuation dç procédure pendant
PER
un an , â moins que l'on n'obtînt des lettres
de relief contre le laps d'une année.
Dans la fuite Xs. péremption ne tut acquife
qu'au bout de trois ans; elle étoit déjà
i fi ée avant l'axxiûima^Kce de 1 539 , puif-
qu^ celle-ci porte, an. / 20, que doréna-
v ant il ne lera expédié des lettres de relè-
vement de la péremption d'inftance.
Cette pratique ayant été négligée, on
!a renouvella par l'ordonnance de Rouf-
(illon , art. iS , qui porte que l'inftance
intentée , quoique conteftée , fi par le laps
de trois ans elle eft difcontinuée , n'aura
aucun effet de perpétuer ni de proroger
l'aftion; ains aura la preii:ription fon cours,
comme fi ladite inftance n'avoir été formée
ni introduite, & fans qu'on pulfi^e dire ladite
prefcription avoir été interrompue.
L'ordonnance de 1629, art. ^1 .^ or-
donne l'exécution de celle de RouffiUon
dans tout le royaume*
Cependant la péremption n'a pas lieu ea
Dauphiné , ni en Franche-Comté , fi ce
n'eft au bout de 30 ans.
En Artois, & au parlement de Bordeaux ,
elle a lieu au bout d'un an de cefiation de
procédures.
Au parlement deTouloufe \2i péremption
de 3 ans a lieu ; mais on obferve fur cela
pluneurs dïftindions , qui font expliquées
par M. Bretonnier , au mot péremption.
Le parlement de Paris a fait , en 1691^
un arrêté fur les péremptions , portant :
1°. Que les inftances intentées , bien
qu'elles nefoient conteftées, ni les afligna-
tions fuivies de çonftitution & de préfen-
tationde procureur par aucune des parties,
feront déclarées péries, en cas que l'on
ait cefle & difcontinué les procédures pen-
dant 3 ans , & n'auront aucun effet de
perpétuer ni de proroger l'adion , ni d'in-r,
terrompre la prefcription.
2°. Que les appellations tomberont eo
péremption, & emporteront de plein droit
la confirmation àts fentences , fi ce n'eft
qu'en la cour les appellations foient con-
clues ou appointées au confeil.
3^. Que les raifons réelles & les inftances
de criées des terres , héritages , & autres
immeubles , ne tomberont en péremption
lorfqu'il y aura établifiement de commifi»
faire , & baux faits en conféquence.
4^Qu€
P E R
4°. Que la péremption n'aura lieu dans les
affaires qui y font fujettes, fi la partie qui a
acquis la péremption reprend Tinftance , fi
elle forme quelque demande , fournit des
défenfes, ou Ci elle fait quelqu'autre procé-
dure , & s'il intervient quelque appointe-
ment ou arrêt interlocutoire ou définitif,
pourvu que lefdites procédures foicnt con-
nues de la partie &: faites par (on ordre.
La péremption n'eft point acquife de
plein droit ; il fiùt qu'elle foit demandée
& prononcée ; & la moindre procédure
faite avant la demande , fuffit pour couvrir
la péremption.^
Au confeil du roi , il n'y a jamais de
péremption.
Au parlement , elle n'a pas lieu pour
les appellations conclues ou appointées au
confeil.
On juge auffi, aux requêtes du palais,
que les inftances appointées ne périlîent
point.
On tient pour maxime au palais , que
le décès d'une des parties ou de fon pro-
cureur , empêche la péremption.
Il y a certaines matières dans lesquelles
la péremption n'a point lieu , telles que la
caufe du domaine, de régale, les appella-
tions comme d'abus, & en général toutes
les caufès qui concernent le roi , le public
ou la police , l'état des perfonnes , & les
procès criminels , à moins qu'ils ne foient
civilifes.
Voyei^ le traité des péremptions de
Menelet; les notes fur Dupleffis, tr. des
prefcrip. liv. II, ch. j , feà. ÇL; le recueil
de qucft. de Bretonnier, au moz péremp-
tion; & ci -après les mots Peremptoirh &
PÉRIMÉ.
PÉREMPTOIRE, adj. mafc. & fém.
(Jurifpr.) Ce dit de ce qui franche toute
difficulté , comme une raifon , ou un
moyen , ou une exception péremptoire.
L'ordonnance de i GGj , tit. 5 , art. 5 ,
veut que dans les défenfes foient employées
les fins de non-recevoir , nullités des ex-
ploits ou autres exceptions péremptoires -,
fi aucunes y a , pour y être préalablement
fait, droit. Voye[ Exception , Moyen ,
Nullité, Péremption.
PÉRÉNA (la), Géogr. moâ. c'eft
k même ville qu'on nomme aujourd'hui
jomt xxr.
PER 3ir
Coquimbo , & qui fut bâtie par Pctro de
Valdevia, en 1544. Les arbres y font fi
chargés de fruits , que les habitans font
obligés , au commencement de l'été , d'en
abattre une moitié , pour que les arbres
puifîent fupporter le refte. V. Coqùimbo.
PERÉQUATEURS , f. m. pi. {Ant.
rom. ) gens prépolés à la répartition égale
des impôts fur les campagnes. Ils furent
infticués (bus Conftantin appelle h Grand.
Le but de leur fondion étoit louable ;
mais comment s'en acquittoient-ils î
PÉRESKIA, f. f {liift. nat. bot,) genre
de plante à fleur en rofe , compofée de plu-
fieurs pétales difpofés en rond. Le calice
devient dans la fuite un fruit rond , charnu ,
mou & garni de petites feuilles, qui ren-
ferme ordinairement trois femencés ron-
des & applaties. Plumier, nova plant. Amer,
gêner. V. Plante.
Elle a été ainfi nommée par le P. Plu-
mier, en l'honneur du célèbre Peirefc,
l'un des beaux génies François, & des
plus fa vans hommes du XVII'. fiecle.
La fleur de la pères kia eft blanche , en
forme de rofe, & compofée de plufieurs
pétales difpofés en rond. Son calice fe
change en un fruit mou , charnu^ de cou-
leur jaunâtre, de figure fphérique, & en-
vironné de Éni^les. Il contient dans le mi-
lieu quantiteoe femencés plates , arrondies,
&c enfermées dans un mucilage. Le P. Plu-
mier n'établit qu'une efpece de ce genre
de plantes; (avoir , pereskia aculeata , flore
albo , fruclu flavefcente , plant, nov. gêner.
Elle croît dans quelques provinces des Indes
efpagnoles, d'où elle a été tranfportée dans .
les colonies angloifes , où elle eft appellée
goosberry , & par les HoUandois blad apple,
(D. J.)
PERESLAW REZANSKI, { Géùgr.
mod. ) ville de l'empire ruffien , capitale
du duché de Rézan, au bord méridional
de l'Occa , mais à quelque diftance de
cette rivière , fur une petite hauteur. Long,
5^ , x8 ; ht. 54 , ^6".
Pereslaw Soleskoi , {Géogr. mod.)
ville de l'empire rudien, dans le duché
de Roftow, entre Mofcow & Archangel,
fur un lac. Long. 57, ^^; lat, 56*, %^^
322 P E R
PEREYRA, {WJi. nat. bot.) zxhtt^
des Indes orientales^ qui eft de la même
- nature que celui qu'on appelle guayavier.
3on fruit eft verd & jaune à Pinrérieur;
il a la forme d'une poire , blanchâtre à
1^'intérieur , & d'une fubftance molle comme
celle d'une poire trop mûre : on en fait de
très-bonnes confitures.
PERFECTION, f. f. (Mêtaphyjlque.)
C'eft l'accord qui règne dans la variété de
plufieurs chofes différentes , qui concou-
rent routes au même but. Tour compofé-
éîit dans certaines vues , eft plus ou moins
parfait , à proportion que (es parties
s'aflortiilent exactement à ces vues. L'œil,
par exemple , eft un organe de plufieurs
pièces qui doivent toutes fervir à tracer
une image claire & diftinde de l'objet
vifible au fond de la rétine. Si toutes ces
pièces fervent autant qu'elles en font ca-
pables , à cet ufage , Pœil eft cenfé parfait.
La vie de l'homme , en tant qu^elle défigne
ralllmblage de fes adions libres , eft
tenfée parfaite, fi toutes fes adlions ten-
dent à une fin qui leur foit commune
avec les adlions naturelles j car delà
jféfulte cet accord entre les adtions natu-
relles & les adions libres, dans lequel
confifte la perfeclion de la vie humaine.
Au contraire , Vimperfeâion ou le mal mé-
taphyfique, confifte dan^ÉI contrariété
de diverfes chofes qui ^IRarteut d^'un
.même but.
Toute perfection a une raifbn générale ,
■ par laquelle on peut comprendre pourquoi
le fujet en qui réfide la perfeâion , eft
: difpofé de telle manière & non autrement.
: On peut l'appelier la raifort détermânante
■ de la perfeâion. Il n'y a point d'ouvrage
. de la nature ou de l'art , qui n'ait fa def-
tination ; c'eft par elle , en y rapportant
. tout ce qu'on obferve dans le fujet , qu'on
- eftime fa perfeâion. C'eft , par exemple ,
de la combinaifon d'une lentille concave
' placée à Toppofire d'une lentille convexe
, dans un tube , que réfulte la pofïibiliié
de voir diftindtement un objet éloigné ,
• comme s'il étoit prochain. On démontre
que les lentilles doivent être d'une telle
grandeur Se d'un tel diamètre plutôt que
d'un autre; que le tube doit être conftruit
ainfi 3c non autrement j 6c on démontre ,
~ P E R
dis-j,e , la perfeâion de chacune de ces
parties, & confequemment celle du tout,
par leur rapport au but qu'on fe propofe
d'appcrcevoir les objets éloignés.
Si la raifon déterminante eft unique,
la perfeâion fera fimple; s'il y a plufieurs
railons déterminantes , la perfeâion eft:
compofée. Si un pilier n'eft planté quç
pour foutenir quelque voûte , il aura toute
la perfeâion qu'il lui faut., pourvu que (a
grofleur ou la force foit lufiSfante pour
porter ce poids; mais s'il s'agit d'aune co-
lonne deftinée à orner auffi-bien qu'à fou-
tenir, il faut la travailler dans cette double
vue. Les fenêtres d'une maifon ont une-
perfeâion compofée , -en tant qu'elles fervent
à introduire la lumière , & à procurer utt
point de vue agréable. ,
Il y a auflfi des raifons prochaines & des-
raifons éloignées , primariœ , fecondariçe ,
qui déterminent \z perfâion prochaine oiï
éloignée d'une chofe. Toute perfeâion a
fes règles, par lefqi^elles elle eft explicable.
Lorfque diverfes règles qui découlent des.
différentes raifons d'une perfeâion com-
pofée, fe contrarient, cette collifion pro--
duit ce qu'on appelle exception ; favoir ,
une détermination contraire à la règle néç^
de la contrariété des règles. Une perfeâion.
fimple ne fauroir être fujette à exception ;
elle n'a lieu que dans la perfeâion com--
pofée. Dès qu'il. n'y a qu'une règle à
obferver, d'où naitroit le cas d'une colli-
fion? Mais auiîi-tôt qu'il s'en trouve feu-'
lement deux , leur oppofition dans certain;
cas, peut produire des exceptions.
h^ perfeâion d'une maifon , par exemple ^
embrafle plufieurs objets , la pofition y
diftribution commode des appartemens ,.
proportion de fes différentes parties, or-
nemens intérieurs & extérieurs : un habile
architeéle ne perd rien de vue ; mais chaque
chofe entre dans fon p^an à proportion de
fon importance; & quand il ne iauroit tour
allier , il laifle ce dont on peut le plus,
aifément fe paOTer.
Les défauts occafionés par les exceptions y,
ne font pas des défauts réels, & la per-
feâion du fujet n'en eft point altérée^
Placer l'idée de la perfâicn dans l'accord
des chofes qui ne fauroient être conciliées ^
^^ee feroit fuppofer l'impofïible. Ainii, ks.
m
PEU
exccptwns qui ne naiflent que de cette
impofTibilité , n'ont rien qui nuife à la
perfeclion du fujet. Un œil eft parfait ,
quoiqu'il ne puiflè pas faire tout-à-la-fois
les fondions du rélefcope ôc du microf-
cope; parce qu'un même organe ne fauroit
les allier , & que l'ur.e & l'autre nuiroient
à la véritable perfccihn de l'œil , qui con-
fifte à découvrir diftindtement ce qui eft à
la portée du corps.
Le principe des exceptions fe trouve dans
la raifon déterminante de la perfeclion du
tout, qui doit toujours prévaloir fur la
perfeclion d'une partie. Ceft un principe
capital pour écarter les jugemens faux &
précipités fur la perfeâion des chofes ; il
faut en embraflcr toute l'économie pour
railbnner pertinemment. Qui ne connoît
qu'une partie , & forme fes décifions là-
defliis, court grand rifque de s'égarer , &:
lie réuflit que par hafard. h^i. perfection du
tout eft l'objet de quiconque travaille d'une
manière fenfée à quelque ouvrage que ce
foit : on n'ira pas facrifier les commodités
d'une maifon entière, pour rendre une
falle parfaite. En un mot , dans un tout ,
chaque partie a fa perfeâion qui lui eft
propre ; mais elle eft relative & fubor-
donnce à celle du tout, au point que trop
de perfeclion dans une partie , feroit une
vraie imperfcdbion dans le tout.
La grandeur de la perfeclion fe mefure
par le nombre des déterminations de l'être
qui s'accordent avec les règles. Plus il y a
de convenances entre les déterminations
& les règles, plus la perfeâion s'accroît",
ou bien , m.oins un fujet a de défauts réels
& véritables, plus il a de perftâion.
PERFECTIONNER, v. za.{Gram.)
corriger les défauts , avancer vers la per-
fection, rendre moins imparfait. On fe
perfcâionne foi-même ; on perfeâionne un
ouvrage. L'homme eft compofé de deux
organes principaux ; la tête , organe de la
raifon 5 le cœur, exprelïîon fous laquelle
on comprend tous les organes des pâmons;
l'eftomac , le foie , les inteftins. La tête ,
dans Pétat de nature, n'î!iflueroir prelqueen
rien fur nos déterminations. Ceft le cœur
qui en eft le principe; le cœur, d'après
lequel l'homme animal feroit tout. Ceft
Tart qui ^ perfeâionne l'organe de la raifon ;
les opérations, eft
P E
tout ce qu'il eft dans
artificiel. Nous n'avons pas eu le même
empire fur le cœur; c'eft un organe opi-
niâtre, fourd , violent , paiîîonné , aveuglé.
Il eft refté , en dépit de nos efforcs , ce
que la nature l'a fait; dur ou fenfible,
foible ou indomtable , pufiUanime ou té-
méraire. L'organe de la raifon eft comme
un précepteur attentif qui le prêche fans
ceflè; lui, femblable à un enfant, il crie
fans cefle ; il fatigue fon précepteur , qui
finit par l'abandonner à fon penchant. Le
précepteur eft éloquent ; l'enfant , au con-
traire , n^'a qu'un mot qu'il répète fans fe
lafter, c'eft oui ou non. Il vient un temps
où l'organe de la raifon , après s'être épuifé
en beaux difcours , &c inftruit par expé-
rience de l'inutilité de fon éloquence, fe
moque lui-même de fes efforts ; parce qu'il
fait qu'après toutes fes remontrances, il
n'en fera pourtant que ce qu'il plaira au
petit defpote qui eft là. C'eft lui qui dit
impérieufement ; car tel eft notre bon
plaifir. C'eft un long travail que celui de
fe perfeâionner foi -même.
PERFECTISSIMAT, f. m. perfcâijfi*
matus, {Jurifp.) Cétoit le rang, la di*
gnité de ceux auxquels on donnoit chez
les Romains le titre de perfeâijfimus. On
donnoit ce titre à quelques gouverneurs
de province, & à certaines autres pcr-
fonnes chargées de quelque adminiftration.
Le ritre de perfeâijfime étoit moindre que
celui de clarijftme.
Il en eft parlé au cod. lib. I, tit. de natur.
liber. & lib. II , tit. de quœjî. Voy. Cujâs
& G odefroi , yî/r le tit. ^z du liv. I, lexicon
juridicum Calvini. Alciat. { A^
PERFIDE , adj. {Gram. ) ^ PERFIDIE ,
f. f. ( Morale. ) La Bruyère dit que la
perfidie eft un menfonge de toute la per-
fonne , fi l'on peut parler ainfi ; c'eft
mettre en œuvre des fermens & des pro-
mefïes qui ne coûtent pas plus à faire qu'à
violer. On tire ce bien de la perfidie des
femmes , qu'elle guérit de la jaloufic.
Perfidie, f. f. en Mujîque , eft un
terme emprunté des Italiens , & qui
fignifie une affc6lation de faire toujours la
même chofe, ou de pourfuivrc le même
defïin , de confervcr le même mouvement.,
le même chant, \es mêmes .pafïàgcs ^
Ss z
■324 P E R
les mêmes figures de notes. V. Dessin,
Mouvement, Chant, &c. Telles font '
les baflès continues , comme celles des
chaconnes , ôc une infinité de manières
d'accompagnement qui dépendent du ca-
price du compofiteur.
Ce terme n'eft point ufité en France, &
je ne fais s'il a jamais été écrit en ce fens
ailleurs que dans l'abbé Broflard. (S)
PERFIQUE, f. f. {Mytholog.) déelTe
des anciens, qui rendoitles plaifirs parfaits.
Les hommes n'ont pas. eu, je crois, de
divinité qui fît pliis mal Tes fonélions. Ou
eft le plaiiir entièrement pur & parfait?
Rien n'efl: plus vrai, ni n a été dit d''une
manière plus touchante, que la plainte de
Lucrèce lur la petite pointe d'amertume
qui fe mêle à tous nos plaifirs :
Adeo de fonte leporum
Surgit amari aliquid, mcdiifque in jloribus
angit.
Sur le duvet, fur le lit le plus voluptueux
& le plus doux , entre des draps de iatin,
fur le fein d'une femme dont la blancheur
efface celle du fatin même qui l'enve-
loppe , il fe trouve toujours , je ne fais
comment , une feuille de rofe qui nous
blelTe.
PERFORANT , eft le nom qu'on donne
en Anatomie , à deux mufcles de la main
& du pié , qu'on appelle auilî , à caufe
de leur aétion , Jléchijfeurs communs des
■ doigts, Voyei^ nos pi. anat. ù leur explic.
Voye[ Perforé.
Le perforant de la main , ou le profond,
eft fitué le long de la partie interne de
î'avant-bras, & eft couvert par le perforé.
Il vient charnu de la partie externe &
fupérieur du cubitus & du ligament in-
terofleux j &: après avoir formé un corps
charnu & allez épais , il fe divife en quatre
tendons ronds qui palfent fous le ligament
annulaire , &c à travers les fentes des ten-
dons du perforé , s'infèrent à la partie in-
terne & fupérieure de la troifieme pha-
lange de chaque doigt. V, Doigt.
Le perforant du piç eft le nom d'un
mufcle 'du pié , appelle auffi profond , &
à çauje de fon aâ:ion , fkhijfeur de la
troiiieme phalange des doigts du pié , ou
P E R
grand flechijfeur. Ce mufcle eft fitu^ à îa
partie poftérieure de la jambe , entre le
tibia & le péronné , & fur le ligament
interoftèux.
Ce mufcle vient de la partie fupérieure
& çoftérieure du tibia & du péronné ; &:
paflànt derrière la malléole interne 6c le
ligament qui joint le tibia avec le calca-
neum , il fe divife en quatre tendons qui ,
paflànt par les trous du perforé , s'infè-
rent à la troifieme phalange des petits
orteils.
Il y a une mafle ou fubftance charnue
qui vient du calcaneum , & qui joint le
tendon de ce mufcle dans l'endroit où
commencent les lombricaux. M. Winflow
l'appelle Vcccejfoire du long flechijfeur , &
d'autres anatomiftes h carré.
PERFORATIF, inftrument de chi-
rurgie , voye^^ Trépan.
PERFORE, f/z Anatomie y nom. de deux
mufcles des doigts de la main & du pié ,
ainfi appelles parce que leurs tendons font
percés par ceux du perforant. On les ap-
pelle quelquefois _^éc^/^z/r5 de la féconde
phalange , à caufe de leur a6tion , & q^jçX-
qneÇois fuMi mes i à caufe de leur fituation.
yoye:^ nos pi. d'Anat.
Le perforé de la main eft fitué le long
de la partie interne de l'avant - bras. Il
vient tendineux du condile interne de
l'humérus, & de la partie fupérieure &
antérieure du radius; enfuite il fe partage
en quatre parties, & palfe fous le liga-
ment annulaire ; d'où il envoie différens
tendons qui fe bifurquent à la partie fupé-
rieure & interne de la féconde phalange
de chaque doigt. C'eft par cette fente ou
trou que paflent les tendons du perforant.
Le perforé du pié eft un triufcle du pié
appelle aufifi fléchijfur du pié & fublime.
Il eft fitué fous la plante du pié, &: vient
de la partie inférieure du calcaneum , &
envoie un tendon à la jéconde phalange
de chacun des quatre petits orteils. Dans
ce mufcle, comme dans le perforé de la
main , il y a une fente à chaque tendon
pour kifler pafl'er les tendons du perforant.
PERGAME , ( Géogr. ancienne. ) Fer^
gamum , Pergamia , Pergamea Se Perga-
mus y font les noms de plufi.eurs lieux âc
• villes.
P É R
I®. Virgile appelle Pergamum, la cita-
delle de Troye, & prend fouvenc cette
forterefTe pour Troye elle-même.
z^. Pergamum , ville de la Thrace dans
les terres , félon Ptolomée , /. XXX , c. xj.
3°. Pergamum , ou Pergamea , ville de
Pile de Crète. Velléius Paterculus dit
qu'Agamemnon ayant été jeté dans cette
île par la tempête , il y fonda tro/s villes ,
Mycenes , Tégée & Pergame ; cette der-
nière en mémoire de fa vidtoire. Virgile ,
JEneid.Uh.îlî^ v. z:?Z, attribue cepen-
dant la fondation de cette ville à Enée ,
à qui il Fait dire :
Ergo avidus muros optatce molior
vrbis y
Pergameam^z/e voco.
Plu tarque , //z Xjcz/r^o, dit que les ha-
bitans de Pile de Crète montroient le
tombeau de Lycurgue dans le territoire
de Pergame. , près du grand chemin.
4°. Pergamum , ou Pergamus , ville
de PAfie mineure , dans la grande Myfîe ,
félon Strabon , qui dit que le fleuve
Caïcus l'arrofoit. Pline , liv. F, c. xxx ,
y joint le Selinus & le Cetius. Sa (îtuation
étoit donctrès-avantagcufe. Ce fut d'abord
une forterefle bâtie fur une montagne,
Lyfimachus , Pun des fuccefleurs d'Ale-
xandre , y mit fes tréfors , & en confia
le gouvernement à Philétorrus, qui, profi-
tant des conjondares , s'en appropria la
fuccefîîon. Pergame devint dans la fuite
la capitale des rois Eumenès Ôc des Attales.
La magnifique bibliothèque que les rois
de Pergame drcfierent , & le temple
d'Efculape , furent les principaux orne-
mcnsde cette ville. Plutarque nous apprend
que Marc-Antoine fit préfent à Cléopatre
de la bibliothèque de Pergame , drelfée
par Eumepès , & dans laquelle il y avoir
denx cents mille volumes. Le roi d'Egypte
qui vivoit du temps d'Eumenès , vit avec
chagrin que les foins du roi de Pergame
croient capables d'effacer la gloire de la
bibliothèque d'Alexandrie ; & l'émulation
de ces princes fit naître plufieurs impoftu-
res en fait de livres.
Pour ce qui regarde Efculape , il eft
nommé Pergaméen dans Martial , Bpig.
xvij 5 /. IVi Se nous apprenons de Tacite ,
PER 3ij
Annal, t. III ^ c. lxiij\ ad annum 775 ,
que quand on fit à Rome la recherche des
faux afyles, les preuves de l'afyle de l'Ef-
culape des Pergaméens fe trouvèrent
valables.
Pergame fit bâtir un temple à Pempe-
reur Augufte &: à la ville de Rome.
Strabon, liv. XIII , p. 4x9-, vous dira
les hommes illuftres dont elle fut la patrie».
On fait que Galien & Oribaze , toqs deux
grands médecins , font du nombre. Difons
prcfentement un mot des rois de Pergame..
Ce royaume commença vers l'an 470
de Rome , par Philétœrus, dont nous avons
déjà parlé \ mais ni lui , ni fon fucce fleur ,
ne prirent le nom ' de roi. Attale I fe
donna le premier cette qualité , & il crue
le pouvoir faire fans arrogance , après la
gloire qu'il avoit acquife en gagnant une
bataille contre les Gaulois. Il s'allia avec
les Romains , & fe rendit exprès à Athè-
nes pour nuire à Philippe , roi de Macé-
doine. Alors toute la ville , hommes ,
femmes ,& prêtres avec leurs habits facer-
dotaux, furent au devant.de lui. Peu s'en
fillut qu'on ne contraignît les dieux à lui
rendre le même honneur. Cependant il
trouva plus conforme à fa dignité de com-
muniquer par écrit fes propofitions, que
de commettre fa modeftie à la néceiïité
d'étaler lui-même fes fervices, 6c de re-
cevoir d'un peuple flatteur une infinité
d'applaudilïèmensj c'eft Tite-Live qui le
dit, liv. XXXI. La guerre fut conclue
contre Philippe. Ce fut alors que , pour
honorer ^Attalus , on propofa d'ajouter
une nouvelle tribu aux dix anciennes , Se
de la nommer Attalide. Ce Prince régna
44 ans, & en vécut 72. H aima les philo-
fophes, fe fervit de fes richefles en homme
magnanime, fut fidèle aies alliés^ & éleva
très-bien fes quatre fils.
Eumenès II , l'ainé de tous , lui fuccéda.
Il étoit d'un tempérament infirme , mais
d'une grandeur de courage qui fuppléoit
à la foiblefïe de fon corps. Il aimoit fou-
verainement la gloire ; il fur magnifique ,
& combla de bienfaits plufieurs villes gre-
ques, & plufieurs particuliers. Il étendit
au long &: au large les bornes de fes états ,
& ne fut redevable de cet agrandififèment
qu'à fon induftiie 6c qu'à fa prudance. li
yi6 P E R
fe tint inviolablement attaché à l'alliance
des Romains , & il en tira de grandes
utilités. Il mourut fort âgé , l'an 596 , laif-
fant la • tutele de fon fils à fon frère
Attale.
Celui-ci commença fa régence par une
action glorieufe , ce fut de rétablir Ariara-
the dans le royaume de Cappadoce. Il fe
fîgnalapar plufieurs autres faits , & mourut
Tan 616 y enfuite de quoi fon pupille Attale
III régna feul.
Ce prince fut furnommé Philometor , en
vertu de fa piété pour fa mère , qui même
fut caufedef^ mortj car, comme il lui
creufoit un tombeau , il fut frappé du foleil
fur la tête , & mourut en fept jours. Il aima
extrêmement l'agriculture , & même il
compofa fur ce fujet deslivres qui n'étoient
pas inconnus à Varron , à Pline & à Colu-
mele. Il entendoit très-bien la matière mé-
dicale & la fonte des métaux ; mais il ternit
fes vertus &. fes ralens par un penchant à la
cruauté. Il fit mourir plufieurs . perfonncs
illuftres, ce qui le jeta dans une trifte
mélancolie ; il fe couvrit alors , pour ainfi
dire , de lac &: de cendre , abandonna le
foin des affaires , &c ne s'occupa que du
foin de fon jardin. Il mourut environ
l'an 611 ; & comme il n*avoit point d'en-
fans , il inftitua pour fon héritier le peuple
romain. *
Ainfi finit le royaume de Pergame , qui
dansj'efpace de 150 années étoit devenu
fort puifïant, & où la magnificence fut C\
éclatante , qu'elle pafîa en proverbe. Il fuffit
de lire les poètes & leurs commentateurs ,
pour n'en pas douter :
Attalicis conditionibus
Nunquam dimoveas.
C'efl Horace qui parle ainfi des richeffes
d' Attale. Properce en dit bien davantage :
Nec mihi tune fulcro Jîernatur leclus
eburno ,
Nec fit in Aitatico mors mea mixta toro»
Eleg. xiij , /. //.
AttaVcas fupra vejles , atque omnia
magni7
Gemmea fint ludis , îgnihus ijia dabis.
Elcg. xvij ,7/V. îîî.
P E R.
Les tapifîèries ne furent connues à Rome
que depuis qu'on y eut tranfporté celles
d'Attalus. Ce prince fut l'inventeur de la
broderie d'or : aurum intexere in eâdem
Afi , invenit Attalus rex.
Enfin, je ne dois pas oublier de dire
que l'émulation de Ptolomée , rgi d*Egypte,
&d^Eumenès, roi de Pergame, à qui
drefîeroit une plus belle bibliothèque, fut
caufe que le roi d'Egypte fit interdire le
tranfport du papier ; m.ais Pon trouva à
Pergame l'art de préparer des peaux , c'efl-
à-dire , le parchemin , pour y fuppîéer.
C'efl donc encore à cette ville de Myfie
qu'eft: due la gloire de Pinvention d'une
chofe qui afTurc aux hommes une forte
d'immortalité.
M. l'abbé Sevin a donné dans le recueil
des Infcriptions , tom. X^I, in-^°. trois
favans mémoires fur les rois de Pergame;
cq{ï l'hiftoire complette de ce royaume :
il faut la lire , elle ne laifie rien à defirer.
J'ajouterai feulement qu'Athénodore , fur-
nommé Cordylion , célèbre philofophe
ftoïcien , étoit de Pergame , où il demeura
une grande partie de fa vie , confidéré
de tout le monde, & refufant conflam-
ment les grâces & les honneurs que les
rois Ôc les généraux voulurent lui faire.
Caton le jeune étant en Afie à la tête
d'une armée , ôc ayant oui parler du grand
mérite de cet homme illuflre, fbuhaita
extrêmement de l'avoir auprès de lui ; mais
perfuadé qu'une fimple lettre ne pourroic
l'engager à fortir de fa retraite , il prit le
parti de fe rendre lui-même à Pergame,
capitale du royaume d' Attale ; & à force
de Ibllicitations & de prières , il engagea
Athénodore à le fuivre dans fon camp , 5c
delà à Rome, où il revint avec lui en
triomphe, plus content de l'acquifition qu'il
venoit de faire , que Lucullus Ôc Pompée -ne
pouvoient l'être de toutes leurs conquêtes.
Athénodore demeura jufqu'àfamort avec
Caton , dans la mailbn duquel il mourut ,
ainfi que nousPapprcnd Strabon , /. XIV,
pag. Gj^. {Le chevalier DE Jau COURT. )
PERGAMO , ( Géog. mod. ) ville bâtie
fur les ruines de Pergame , dans la grande
Myfie , & dont on peut voir l'article n°. 4.
Pergamo efl une ville de la Natolie , à
34 milles de Smyrnc, & à 10 deThyatire.
P E K
EllceftafTife au pie d'une montagne qu'elle
a au nord , dans une belle plaine , fertile
en grains , où paflent ie Titanus &c le
Caïcus , qui fe déchargent dans la rivière
d'Hermus. Voici ce qu'en diroit M. Spon
dans le dernier fiecle.
A coté de la ville palle le ruifleau ra-
pide appelle anciennement Sdinus , qui
court au S. S. E. àc le va rendre dans le
Caïcus, De Tautre côté duSelinus, il y a
une églife qui portoit le nom de Sainte-
Sophie y 8c qui eft convertie préfentement
en mofquée. Dans le quartier oriental de
la ville , on voit les ruines d'un palais j
c'étoit peut - être la demeure des rois du
pays. Dvi toutes les colonnes qui enrichif-
foient cet édifice , il n'en refte que cinq
de marbre poli , hautes feulement de 1 1
pies , Ôc Ton en voit encore quelques-unes
de l'autre coté de la rue.
Vers k pointe méridionale de la ville
il y a aux deux cotés du grand chemin ,
deux petites collines artificielles , fur lef-
quelles éroient deux forts pour garder
l'entrée de la ville , & au levant il y en
avoir deux autres femblables. On voit près
delà un grand vafe de marbre de 1 1 pies
de tour , gravé d'un bas-relief d'hommes
à cheval.
Le long de la montagne , vers le S. O. fe
voient les ruines d'un aqueduc , quia encore
fix arcades , fur un rujflcau i & au midi de
ces arcades , il y en a ilx autres avec de
grandes voûtes , que les Turcs appellent
kijferai. Delà , en tirant encore plus vers le
S. on apperçoit les ruines d'un th.-atre fur le
penchant de la colline.
Parmilcs débris de marbre, on trouve une
in fcripdon ancienne, confacrée par le fénat
& par le peuple de Pergame à l'honneur
de Caïus Antius Aulus Julius Quadratus.
L'infcription porte qu'il avoit été deux
fois coiîfui , Se procoii'ul d'Afie; qu'il avoir
cuplufieurs emplois dans diveries provinces
particulières en Candie 6c en Cypre ; enfin ,
qu'il avoit été éparque de Syrie, fous l'em-
pereur Trajan j &c grand bienfaiteur de Per-
game. ^ ».
Les chrétiens de Pergamo (ont aujour-
d'hui en pauvre état , paifqu'ils ne font
qu'au nombre d^une douzaine de familles
qui cultivent la terres la. ville nett pea-
P E R 317
plée que d'environ deux mille Turcs. Voilà
les fuccelTeurs des Eumenès & des Attales.
Télephe , grammairien , naquit à Per-
gamo vers l'an 118 de Jefus-Chrift. Il
compofa l'hiftoire de fa patrie , les vies
des poètes comiques & tragiques, & un
grand traité des loix , des ulages &: des
tribunaux d'Athènes. {D.J.)
PERGANTIUM , ( Géog. anc. ) ville
de la Liguric. C'cft aujourd'hui Bregançon,
fur la cote de Provence, vis-à-vis des îles
d'Hieres; car la Ligurie s'efi autrefois
étendue jufques-là.
PERGASE, f. f. {Hiji. d'Athènes,)
l'une des démarchies ou intendances , félon
lefquelles le pays de l'Attique étoit diftri-
bué. La Pergafe fe trouvoic dans la triba
érechthéide. {D.J.)
PERGE , {Géog. anc.) Perga, ville
de Pamphylie , félon Strabon , /. XIV,
p. 66j ; Ptolomée , /. F", c v ; ôc Pline ,
l. y , c. XXV ij. Elle étoit dans les terres
à 8 milles de la mer, Ortehus dit qu'on
la nomme préfentement Pirgi,
Pomponius Mêla /. /, c. xiv ,1a place
entre les fleuves Ceftron &c Catara<5tes ; 8c
il nous apprend qu'il y avoit un temple de
Diane Pergés , ainil appellée du nom de
cette ville. Ce temple , félon Strabon , étoic
lîtué fur une hauteur voifine ; il écoit fore
ancien', 8>c on l'a%t)it en grande vénération,
ainfi que l'attefte Cicéron. Pcrg.vfanum an-
tiquijjimum ùfancli[fimum Diancefcimus ejfe,
id quoque a te nudatum Ù fpoliatum ejfe , ex-
ipfa Diana quod habebat auridetraclam , at-
que ablatum ejft dico. Orat.S, in Verr-em.
Quoique la Diane d'Ephefe furpafsât la
Diane de Perge, celle-ci ne lailfoit pas
d'avoir bonne part à k dévotion des peu-
ples.
Il s'y fàifoit tous les ans une nombreuib
afTemblée i c'eft alors fins doute que l'oiî
y chantoit les hymnes que Damophila,
comtemporainede Sapho, avoit compofées
en 1 hoîmeur de cette déefîc , &c qui fe
chantoient encore au temps d'Apollonius
de Tyane. Il y a plufieurs médailles qui
parlent de la Diane de Perge, n5f>*î«
«fTt/UK. Voyei^^ Spanheim de prxflant. &
ufu numifmat. pag. ySz.
Il eft fait meîition de Perge dans les
^â:esdes apôtres, c. xiij ^ y. 24. Com-op
3i8 P E R
elle n'éroît pas maritime , il faut que faint
Paul ait remonté le fleuve Ceftron pour y
arriver , ou qu'il ioir allé par terre , dans
le de flein qu'il avoir d y annoncer Pévangile.
Perge efi; à préfenr en un trifte état : le
fîege archiépifcopal en a été transféré à At-
talia , Tune des 1 4 villes qui en dépendoient
auparavant.
' Le fameux géomètre Apollonius , dont
on a un traité des Jeclicns coniques , étoit
natif de Pcrge. Il vivoit fous la 1 34 olym-
piade , vers Tan 244 de Jefus-Chrift , &
au commencement du règne de Ptolomée
Evergetes , roi d'Egypte. Il étudia long-
temps à Alexandrie fous les difciples d'Eu-
clide , &; il miitau jour pluiieurs ouvrages ,
dont il ne nous refte que celui des fections
coniques , que plufieurs auteurs anciens
ou modernes ont commenté ou traduit.
Nous avons encore le commentaire qu'Eu-
tocius d'Afcalon fit fur les quatre premiers
livres de cet ouvrage , avec quelques lem-
mes & corollaires de fa façon. Nous avons
aufli au nombre de 65 , les lemmes que
Pappus difpofa fur les coniques d'Appollo-
nius. Entre les modernes , il faut lire
(Vincentio) Viviani , de maximis & mi-
nimis geomeîrica divinatio , in quintum
librum conicorum Apollonii Pergœi. Flo-
rence 1659 , in-fol. {D. J.)
PERGÉE, adj. (Mythol.) furnom de
Diane pris d'une ville de Pamphylie , où
cette déefle étoit honorée. La Diane Pergée
eft repréfentée tenant une pique de la main
gauche , & une couronne delà droite; à fes
pies eft un chien qui tourne la tête vers elle,
ôc qui la regarde , comme pour lui deman-
der cette couronne qu'il a méritée par ^ts
fervices. {D. T. )
PERGUBRIOS , f. m. ( Idolâîrie. )
nom. propre d'un faux dieu des anciens
Lithûai-iiens &: PruiTiens , félon Hartfnock ,
dans fa deuxième dilTertation defeftis vet.
Prufwrum. Cet auteur , fertile en fictions,
dit que ce dieu préfidoit aux fruits de la
terre ; que ces anciens peuples célébroient
ia fête le zi mars, en paflant la journée en
réjouifîance, enfeftins, &particuliérernent
à boire une grande quantité de bière.
iD.J.)
PERGULARIA , ( Botan.) genre de
plante à fleur monopétale en foucoupp>,
P E R
dont le limbe eft divifé en cinq lobes uiî
peu contournés à gauche , comme dans les
pervenches , ùc. Le calice eft d'une feule
giece , à cinq dents : au dedans de la fleur
font cinq étamines & un nedaire de cinq
pièces en fer de flèche , qui enveloppe un
double ovaire , lequel fe change en deux
tollicLiles droits contenant plufieurs femen-
ces. Linn. gen. pi. manis pentan. dig. Cet
auteur en indique deux efpecescjuicroif-
fenten Afie.fD;
PERGUS, oz/Pergusa , {Géog. anc. )
lac de Pile de Sicile , à 5 milles de la
ville d'Enna , du coté du midi. Les poètes
diîent que c'eft près de ce lac que Piuton
ravit Proferpine. Commeles anciens avoient
beaucoup de vénération pour le lac de
Pergus , on croit que c'eft de ce lac dont
Claudien entend parler dans ces vers.
Admittit in altum
Cernenteis oculos ; & late pervius humox
Ducit in off^nfos liquida fub gurgite
vifus:
Imaque perfpicui prodit fecreta profundi.
Ce lac a quatre milles de circuit ; & au lieu
qu'il fe trouvoit autrefois au milieu d'une
forêt , aujourd'hui fes bords font plantés
de vignes : on n'y voit point de poillons ,
mais on y pourroit pêcher une prodigieufe
quantité de couleuvres. (D. J.)
PÉRI, f. m. {terme de roman ûjîatiq.)
Les /j/r/^y font , dans les romans des Per-
fans , ce que font dans les nôtres les fées ;
le pays qu'ils habitent eft le Genuijîan ,
comme la féerie eft le pays où nos fées
réfident. Ce n'eft pas tout ; ils ont des péris
femelles, qui font les plus belles de les
meilleures créatures du monde ; mais leurs
péris maies (qu'ils nomment dires, Scies
Avahes gium) font des efprits également
laids & méchans, des génies odieux qui
ne Ce plaifent qu'au mal & à la guerre.
Voye:^ , fi vous ne m'en croyez pas ,
la bibliothèque orientale de d'Herbelot,
{D. /.)
§PERI, lE , adj. {terme de Blafon.)
fe dit d*un meuble qui (e trouve au centre
de l'écu , & eft d'une très-petite propor-
tion.
Péri fe dit plus Qrdinairement d'un petit
bâtQ»
P ER.
îînton pofè en bande ou en barfc qui fert '
de brifure, & ell auiS^poré au centre de
ïéœ.n .
Lepine de Grainville , proche Gifors ,
en Normandie ; d'azur à trois molettes
d'éperon d^or y un trèfle de même péri au
centre. {G. D. L. T. )
PERIANTHIUM, ( Botan. ) calice
particulier de la fleur. Ce mot , dans le
fyftême de Linnzeus , défigne cette efpece
de calice qui eil compofé de plufieurs
feuilles , d'une feule feuille divifée en
divers fegmens, qui environnent la partie
inférieure de la fleur. { D. J.)
PÉRIAPTE , f m. ( Medec. anc. )
Les anciens nommoient periaptes les re-
mèdes qu'on mettoit extérieurement fur
foi , pour prévenir de certains maux , ou
pour les guérir , Ùc. Pline dit que de fon
temps quelques gens croyoient rendre les
chevaux infatigables à la courfe , en leur
attachant des dents de loup. On portoir
fur foi certaines pierres précieufes contre
la jâuniffe, le mal caduc , ^c. Ces prati-
que* fuperflicieufes fe font perpétuées juf-
qu'à nous , & fe perpétueront jufqu'à la
fin des (iècles. Les hommes , dans tous les
temps & dans tous les pays , ont un grand
fonds de crédulité pour ces fortes de re-
mèdes, qui n'ont d'autre vertu que celle
qu'ils empruntent d'une imagination vive-
ment frappée. { D. J.^
PÉRIBOLE , f m. ( Littér. ) efpace de
terre planté d'arbres & de vignes , qu'on
iaiffoit autour des temples : il étoit ren-
fermé par un mur confacré aux divinités
du lieu; & les fruits qui en provcnoient
appartenoient aux prêtres. C'efl ce que les
Latins appelloient templi conceptum y félon
Hoffraan , qui cite les notes de Saumaife
fur Solin. Peribolus étoit le même que
facellum , lieu fans toit & confacré aux
dieux. L,Q pe'ribole des églifes des premiers
chrétiens , contenoit des cellules, de petits
jardins , des bains, des cours , & des por-
tiques ; ces lieux étoient des afyles pour
ceux qui s*y étoient réfiigiés , comme
nous l'apprend une conflitution de Théo-
dofe & de Valentinien. {D. J.)
PÉRTBOLE , f.|f. (Lexicog. medîc. )
TêpjoOMi, de 'TriptCawiiv , environner ; terme
employé fréquemment par Hippocrate, &
en difi^rens fens dans (ts ouvrages. Il de-
figne communément un tranfport àts hu-
meurs , ou de la matière mprbifique des
parties internes fur la furface du corps.
{D.J.)
PERIBOLOS, ( Critiq.fac.) Ce mot
grec déligne dans Ezéch. xlvij , J y l'en-
ceinte , la clôture , la baluflrade , le mur
qui entouroit le parvis deftiné pour les
prêtres. Il fignifie , dans le I 1. des Machab.
xjv , 4.8 y une galerie qui environnoit le .
fanduaire. { D. J. )
PERIBOLUS ou PERIBOLUM ,
( Ge'og. anc. ) Denis de Byfànce , p. zo y
dans fa defcription du Bofphore de Thrace ,
dit qu'après le bois d'Apollon on trouvoit
le Peribolus y où les Rhodiens attachoient
leurs vaifleaux pour les garantir des tem-
pêtes. Il ajoute que de fon temps il en
demeuroit encore trois pierres , & que le
refle étoit tombé de vieillefîè. Le mot
^ipi$oKo( & peribolus , dans la defcription
dont Denis de Byzance l'accompagne ,
femble dire que c'étoit un môle , une
muraille , ou un quai revêtu. Pierre Gylles ,
de Bofphoro trac. /. Ily c. viij y juge que
ce lieu efl le même que les pêcheurs nom-
ment aujourd'hui Rhodacinion ; & il fonde
ce jugement , non feulement fur le rapport
des noms , mais encore fur la lituation
des lieux : Denis de Byzance plaçant le
lieu où les Rhodiens attachoient leurs
vaifleaux, précifément dans l'endroit ap-
pelle au]ourd'hu\ Rhodacinion. On n'y voit
préfentement qu'une grofle pierre qui fort
au deflus de l'eau , & qui tient à d'autre^;
pierres qu'on jeta autrefois dans l'eau
pour y fonder un môlequiformoit un port.
Periobolus eft un mot grec qui fignifie
proprement une enceinte. La tradudion
des Septante d'Ezéchiel , c. xlij y v. j ^
emploie ce terme pour fignifier un mur
du parvis des prêtres qui avoit 50 coudées
de long , ce qui étoit to«te la longueur
des apparteraens qui cnvironnoieot ce
I parvis. {D. J.)
C*) Les cadets de Bourbon brifcm IcHrs armes d'un bâton féri en bande; & lés bâcars
d'un bâton féri en barre.
Tome XXV. Te
330 P E R
PÊRICARÎ3E,r. m. (Anatom.) cap-
fule membraneufe , ou poche dans laquelle
le cœur eil renfermé. Voje:{ CCEUR.
Ce mer d\ formé des mots grecs Tipi ,
autour y & «*p/.'* , c.vur. Le péricarde efl
compose de deux membranes : leur figure
cil conique cortme celle du cœur ; & le
cœur n'y eil point trop ferré , afin de pouvoir
faire aiiément les battem^ehs. V. CcEUR.
Le péricarde environne tout le cœur
inférieurement ; il fe colle dans toute la
longueur de fa furface intérieure au dia-
phragme , dont on ne peut le féparer.
Antérieurement il en couvre le plan con-
vexe ; & s'élevant un peu plus haut , il
adhère d'abord poftérieurement & obli-
quement à la veine cave ; il donne enfuitc
la faux ou cette petite cloifon qui fe trouve
entre la veine cave , l'aorte , & l'artere
pulmonaire ; il donne une gaine au canal
artériel, tient alors à l'artere pulmonal^re,
entre l'artere & la veine de ce nom ;
forme une faux très-fenfible. La partie
antérieure du pmcar^f tient avec la partie
pofîérieure à cette faux ; elle efl divifée
en deux parties par les bronches : la fupé-
rieure eA entre les grandes artères & la
divifîon de la trachée-artere , & devant
cette trachée il fe continue à l'inférieure ,
qui diftingue le finus pulmonaire de la
plèvre ; & fous le finus il adhère au dia-
phragme. Il fe termine latéralement aux
jnfertions des vaifTeaux pulmonaires , ,aux-
quels il donne des gaines dans le poumon ,
outre celles qu'ils ont de fa membrane
externe & le rilTu cellulaire ; car le péri-
carde eft fait de deux fortes membranes
réparées par un tiflu cellulaire. On diffin-
gue aifément deux lames dans l'endroit où
les nerfs pafTent au cœur , car ils y fèrpen-
tQni dans les interfaces de cts deux mem-
branes : ^extérieure de ces lames avec le
tifTu cellulaire, donne des gaînes à l'aorte ,
â l'artere pulmonaire , aux veines caves &
pulmonaires. Voye-{ Vinfiow.
Nous ne manquons pas d'obfervations
qui nous apprennent que le péricarde ne
fe trouve pas toujours non feulement dans
le chien & dans plufieurs autres animaux ,
.mais dafls l'homme même. Vieufîens fait
mention de plufieurs hommes d'une fanté
parfaite j qui û'ayoiejit point (^ç péricarde ;
P E R
il s'accorde en cela avec Colombus. Ces
obfervations font-elles bien certaines? Ce
fac fort mince dans certains animaux , &:
qui dans l'homme fe colle quelquefois au
cœur, n'en auroit-il pas impofé à ceux qui
les ont faites ? Il fe trouve en effet fort
& charnu , même dans les amphibies ,
comme dans le crocodile & dans la tortue.
Le poilTon qu'on nomme lamproie , a un
péricarde prefque cartilagineux ; & Von.
trouve très-certainement cette même cap-
fule dans le hérifîbn , qui en manque , ainfi
que le chien de mer , fi l'on veut croire
d'autres auteurs.
On oblerve dans le péricarde une eau
qui parou filtrée par des artères exhalantes
de toutes ces parties, & cette eau lèrt à
humeéter le^cœur , qui , defTéché par fon
mouvement continuel , eût néceffairemenc
contradé àts, adhérences avec les parties
voifmcs , comme je l'ai obfervé dans un
cadavre que j'ouvris , & dans lequel je
trouvai le cœur collé par-tout au péricarde y
qui étoit plus épais qu'à ion ordinaire.
Les auteurs ne font pas d'accord» fur
cette hqueur. Quelques - uns prétendent
qu'elle n'eff point naturelle , & qu'elle efl
l'effet forcé des agonies qui furviennent à
l'article de la mort. En effet , les anato-
mifîes font embarraffés pour favoir d'où
cette hqueur peut venir, & quels en fonr
les vaifïeaux fecréfaires. Les uns admet-
tent des glandes pour la filtrer; d'autres
prétendent que ce font des artères exha-
lantes. Le dodeur Keil , dans fon Traité
des fecrétions animales _, prétend que la
liqueur àa péricarde doit être la plus fluide
de toutes celles qui fe féparent dans le
corps , parce que les parties s'uniffent les
premières , & font féparées les premières ;
car as partial les qui s'unifTent les premiè-
res doivent avoir la plus grande force attrac-
tive , par_ conféquent elles doivent être
plus fphériques & plus folides: donc elles
doivent fe toucher par moins de furface ,
& par conféquent avair plus de fluidité-
Voyei Fluidité.
Supplément d V article que Von vient
de lire.
Le péricarde fait un Ç^c membraneux
particulier a différent du médiaflin , quoiquÊ-
P E R
recouvert par cette membrane prefque
par-tout. Il en eft cependant éloigné anté-
rieurement dans l'intervalle de deux lames
du médiailin, où le thymus ell placé devant
le péricarde avec des glandes , de la graifle
& des vailTeaux. Il en eft féparé pofté-
rieuremcnt par rœlophagc , & inférieu-
rement dans toute fa bafe , qui fe colle
immédiatement au diaphragme.
Cette dernière adhéfîon n'eft pas entiè-
rement particulière à l'homme. Dans les
animaux , la pointe du péricarde s'étend
jufqu'au diaphragme & s'y colle. XI eft: vrai
que dans l'homme , dont le cœur eft à-peu-
près placé tranfverralement , le diaphragme
eft attaché à une beaucoup plus grande éten-
due du péricarde : c'eft la partie moyenne
du tendon , & du côté gauche l'union de
ce tendon avec \z% chairs , & la chair
même qui eft collée au péricarde ^ la der-
nière à la courbure du cartilage de la cin-
quième ou de la fixieme côte.
Dans le fœtus cette attache eft légère ,
& on fepare aifément le péricarde avec
le fcalpel. Dans l'adulte la cellulofité eft
plus courte & plus ferrée. Pour détacher
le péricarde , fans biefïêr une des deux
parties , il faut commencer par la pointe
Ju péricarde y & l'y détacher avec loin :
éts qu'on a détaché utic petite portion ,
le refte fe fépare (ans peine.
Il paroît probable que la lîtuatlon droite
de l'homme, & la pofition tranfverfale du
cœur , font les caufes de cette adhéfîon.
Elle fe retrouve dans l'ourang-outang ,
qui marche droit. Le péricarde s'attache
d'ans l'adulte à la convexité du diaphragme ;
la même caufe qui Ty attache , paroît y
avoir collé le péricarde. Le poids du cœur
paroît rétrécir la celluîofité , qui dans le
fœtus fait un lien allez lâche entre les
deux parties.
La figure du péricarde n'eft pas celle
du cœur, & ce n'eft pas une chofe aifee
que d'en donner une idée. En général il
a (a bafe au diaphragme ; il fe dilate enfuite
comme une bouteille , & fè rétrécit dans
fa partie fupérieure. Il eft beaucoup plus
ample que le cœur, puifqu'il renferme , outre
le cœur , les troncs des grandes artères &
àts grandes veines.
Sa face antérieure touche fupéricurement
& ioféneurement le fternum ; dans fa partie
moyenne les poumons embraffent le péri-
carde , & fe jettent entre ce fac & le fter-
num. Dans la manière ordinaire de pré-
parer les poumons , ils font repoulïes par
l'air qui entre dans la poitrine ouverte , &
quittent \t péricarde. On rétablit leur gran-
deur naturelle en les fouffîant.
Les attaches du péricarde aux gros vaif-
feaux du cœur , font telles que je vais les
décrire. Il commence par la veine pulmo-
naire fupérieure au côté droit ; il s'attache
à fà branche inférieure plus en arrière que
la veine cave. Ilpalfe de cette veine à la
veine cave fupérieure , au deflus de (à
fortie de l'oreillette , par une ligne pres-
que tranfverfale , mais qui remonte en
pafîant vers la gauche. De la veine cave,
le péricarde palîc à l'aorte ; fon attache y
forme un croilTant dont la pointe droite,
eft la plus haute , &; s'attache à l'origine
de l'artère lous-claviere droite- l^t péricarde
defcend enfuite , il remonte toujours collç
à l'aorte, & la corne gauche du croiflant
s'attache à l'origine du conduit artériel ;
ctue corne eft un peu plus haute que la
droite. La plus grande partie du conduit
artériel eft renfermée dans la cavité du
péricarde. Il s'attache enfuite à l'artère
pulmonaire ou à fa branche , & en defcend
à la veine pulmonaire du même côté , pour
fe coller à fon tronc fupérieur & à l'infé-
rieur près de leur divifion.
Achevons la defcription des attaches
poftérieures du péricarde. Je commencerai
par celle de la veine pulmonaire fupérieure
du côté droit. Le péricarde pafle au tronc
iriférieur de la veine de ce nom , & dans
l intervalle des deux troncs à la membrane
du finus gauche. II s'attache enfuite à toute
la largeur du finus gauche, à la veine
pulmonaire gauche , ou bien à fes deux
branches & à la racine de l'oreillette gauche.
Du finus gauche , il s'élève au tronc de
l'artère pulmonaire , à la droite de l'origine
de là branche gauche & à cette branche ,
à toute la face poftérieure de l'arrere pul-
monaire droite jufqu'à l'origine de fa bran-
che inférieure , & enfuite à la branche
fupérieure.
De l'artère pulmonaire , le péricarde
pajîè à l'aorte au defllis de la branche
Tt 2
33» . PEK- .
pulmonaire droite, à la droite du conduit
artériel , dont il renferme une partie plus
ou moins grande.' De ce terme il^ s'attache
à la face poftérieurc de l'arcade de l'aorte ,
prefque tranfverfalement fous le. commen-
cement des grolTcs branches jufqu'à la fortie
de l'artère fous-claviere du côté droit.
L'adhéfion antérieure & poflérieure du
péricarde forme un anneau qui embrafîe
les deux grandes artères , en excluant les
grofles branches de l'aorte & une partie
du conduit artériel ; la branche gauche
de l'artère pulmoriaire & une partie plus ou
moins grande de la branche droite. Le péri-
carde n^ eu cependant pas contigu à toute la
circonférence , il ne l'efl pas à une partie de
fa convexité qui regarde l'artère pulmonaire.
De l'aorte le péricarde pafïè à la veine
cave fupérieure , il s'y colle poflérieure-
ment , & enfuite antérieurement, &. fait
un cercle autour de cette veine ; il repafl'e
à l'artère pulmonaire droite & à la divifion
de la veine pulmonaire droite fupérieure , en
s'attachant à fa divifion.
Des deux côtés de l'anneau qui com-
prend les deux artères, la cavité pollé-
rieure du péricarde fè continue avec fa
cavité antérieure , d'un côté entre la veine
cave & l'aorte, & de l'autre entre l'artère
pulmonaire droite & l'oreillette de ce côté,
& enfuite entre la veine pulmonaire du
même côté , & le finus gauche.
Il n'y a plus qu'une attache du péricarde
à ajouter , mais c'efl la principale. De la
veine pulmonaire droite inférieure , le
péricarde defcend prefque perpendiculai-
rement jufqu'à la veine cave inférieure.
Dans tout cet intervalle il s'attache à la
réunion des deux finus. Il cmbrafle la
veine cave inférieure , & forme un cercle
autour d'elle fans s'y attacher.
Le péricarde eff donc percé d'un trou
pour laifler pafîer la veine cave fupérieure ,
d'un fécond pour l'inférieure, d'un troi-
fleme pour les deux grandes artères , d'un
quatrième pour la branche droite de l'ar-
tère pulmonaire , & de deux , trois ou
quatre pour les quatre veines pulmonaires.
Dans toutes les attaches , le péricarde
fe colle aux gros vaifleaux-du cœur; une
partie de fon tifîii (e continue avec ces
vailTcaux fous une forme cellulaire.
P E R
La partie intérieure du péricarde , p!uS
lifTe & plus denfe , devient la membrane
extérieure de chaque vaifîeau , en ren-
fermant la cellulofité extérieure , & fe
continue avec la membrane extérieure du
cœur.
Il y a deux culs-de-fac poftérieurs du
péricarde. Celui du côté gauche eft plus
! court ; il eft formé par l'attache du péri^
carde à la racine de la branche gauche de
l'artère pulmonaire & du conduit artériel.
Celui du côté droit eft plus long , il eft
placé à la droite de la branche gauche de
l'artère pulmonaire.
Deux autres culs-de-fac font antérieurs.
Celui du côté droit eft placé du côté
extérieur de l'aorte , entre cette artère &
la veine cave , au dcflbus de l'artère
fous-claviere droite. Celui du côté gauche
eft formé par l'attache ^u péricarde au bord
gauche de l'aorte , à la droite du conduit
artériel. Il eft joint au cul-de-fac droit ,
& fait avec lui un croilîant.
Ce fac membraneux eft compofé d'un
tiflu cellulaire , plus ferré , ù mefure qu'il
eft intérieur, & plus lâche vers fa furface.
Je n'y reconnois aucune autre diftinâioa
de parties ou de lames ; il n'y a aucune
fibre tendineufè ni mufculeufe ; tout ce
que quelques auteurs ont avancé là-deflûs ,
eft contraire à l'évidence.
Comme le péricarde eft d'une grande
étendue , il a plufieurs troncs d'artères &
de veines très-petites , anaftomofés les
uns avec les autres. J'en fais trois clafîes»
Les artères fupérieures & moyennes vien-
nent de la mammaire , de fes branches
médiaftines & de la petite artère qui ac-
compagne le nerf phrénique , & qui elle-
même naît d'une médiaftinc. Les artères
antérieures & intérieures naiftent de la
'phrénique & par plufieurs petits troncs,
& de celui qui remonte à la poitrine avec le
nerf du diaphragme.. Les artères de la bafe
qui appuie fur le diaphragme , naiflent
de la phrénique ; elles traverfent les fibres
tendineufes de cette cloifon pour venir au
péricarde : il y en a d'autres qui du péri-^
carde fe rendent au diaphragme.
Les artères péricardines poftérieures
viennent d'un petit tronc que donne ou
l'aorte même, ou la fous-davi^re gauche,
P E R
& quelquefois la mammaire : d'autres naif-
fent des artères bronchiales ; il y en a même
qui s'y rendent depuis le poumon. Les ar-
tères de rœfophage en fournilTent quelques-
unes. D'autres naiflent des coronaires & des
branches qu'elles donnent aux grands vaif^
féaux du cœur. Toutes ces artères commu-
niquent enfemble.
Il y a de même un grand nombre de petits
troncs veineux, nés de celui qui accompagne
le nerf phrénique , des vemes médiaftines ,
des thyraiques , de la veine cave , de l'inter-
coflale fupérieure , de la bronchiale , de l'a-
zygos , des œfophagiennes , des phréniques ;
elles forment des réfeaux|>lus apparens que
les artères. ^
Il y a plufieurs paquets de glandes con-
globées applanies fur \q péricarde; il y en a
d'antérieures que recouvre le médiaftin ; il
y en a de fupérieures entre les grandes ar-
tères àc les bronches ; il y en a de poftérieu-
res attachées aux bronches. Ces glandes ont
leurs vaifîeaux lymphatiques qui rampent en
partie fur le péricarde y & qui fe ren-
dent au conduit thorachique ; elles font
de la clafîè des lymphatiques , & n'ont au-
cune part à l'eau du péricarde , dont je vais
parler.
Il n'y a aucune glande fimple daas le pé-
ricarde même.
Je ne connois pas les nerfs du péricarde :
un grand nombre de petits nerfs le traver-
fent pour fe porter au cœur , mais Je n'o-
fcrois affirmer qu'ils laiflent des branches
dans la fubfîance du péricarde. Quelques ex-
périences femblent prouver qu'il n'y a qu'un
(èntiment fort obtus.
Comme il eff plus ample que le cœur,
on a cru afïez généralement que cet efpace
eft rempli par une liqueur particulière.
Les modernes l'ont révoquée en doute ,
& ont regardé comme l'effet d'une ma-
ladie , lorfqu'ils en ont rencontré dans la
capacité du péricarde. Ils ont allégué de
npmbreufes obfervations faites fur l'homme
dans {on état de fanré , lorfqu'il avoit été
enlevé par une mort lubite , & fur les ani-
maux.
Je ne faurois me prêter à ce fentiment.
J'ai trouvé conffamraent de l'eau dans le
péricarde des quadrupèdes que j'ai diflé-
(|ués vivans : on çn a trouvé dans plufieurs
, P E R- . 335
nommes tues par cas fortuits , ou par urj
accès d'apoplexie , écrafés par la foudre ,
ou punis du dernier fupplice ; & je l'ai
trouvé conflamment dans le dernier de ces
cas. Il s'en eft trouvé dans toutes les clafles
d'animaux , dans la falamandre aquatique ,
dans les ferpens , dans les poiffons , dans
les rnoules.
L'eau du péricarde eft jaunâtre dans les
adultes , rougeâtre dans les enfans & un peu
falée ; elle ell de la claffc albumineufe : la
chaleur & l'acide minéral en coagulent une
quantité plus ©u moins grande ; & dans le
bœuf & dans le cheval , elle relfemble à de
la colle fondue. La pourriture lui donne de
l'alcalefcence.
l\ lui arrive aflez fouvent de former àçs
filets & des membranes , de petites lames
même. Cts liens attachent fouvent le péri-
carde au cœur , ou à quelque place parti-
culière , ou même à toute fa furface ; c'efè
dans ces fùjets qu'on a cru voir le cœur k
découvert & fans péricarde. La même ma-
tière paroît dans d'autres fujets fous la forme
de poil qui fortiroit de la furface du péri-
carde & du cœur : on a appelle ces cœurs ve-
lus. Comme cette liqueur fe trouve dans
toutes les clafTcs des animaux, elle doit être
d'une utilité générale & confidérable. On
croit afîêz qu'elle diminue le frottement au.
cœur violemment agité dans tous les mo-
mens de la vie , & qui pourroit fe blelîêr
en fe frottant contre le flernum , les bron-
ches , & les autres parties folides Çqs voi-
fines.
Le péricarde lui-même paroît être d'une
nécefilté indifpenfable. On n'a pas trouvé
d'animal qui en foit dépourvu. Il efî affez
évident qu'il borne les mouvemensdu cœur,
& qu'il les affujettit à'unc certaine régularité.
La pointe du cœur, par exemple , ne fait
qu'ofciller de derrière en devant , & de de-
vant en arrière , fans s'égarer ni à droite ni
à gauche. J'en ai fait l'expérience ; j'ai ou-
vert le péricarde dans l'animal vivant ; le
cœur n'a plus eu de mouvement régulier ; il
s'eff égaré dans toutes les diredions imagina-
bles , & s'efl déplacé d'une manière difïe-
rente à chaque pouls. "Lz péricarde y d'ail-
leurs, foutient le cœur, lefufpend , l'afFer-
mit par le moyeu du diaphragme & des gros
vaifîeaux.
334 P E R
On dirputoît autrefois furrorigine de l'eau
du péricarde. On la cherchoit dans les glan-
des lymphatiques ou dans quelque glande
iimple du péricarde. On cft aiTez convaincu
de nos jours que c'eft une vapeur exhalante
difpofée à fe coaguler , qui s'eleve de toute
la furface du cœur & du péricarde. On
voit dans l'animal vivant la furnée s'élever
vifiblement du cœur , & l'injeâion de l'eau
ou de la colle de poilîbn fondue , en imite la
fecrétion ; ces liqueurs fuintent avec facilité
de toute la iurface du cœur & du péri-
carde.
Des veines doivent repomper l'eau du
péricarde y à proportion qu'elle fort des
artères ; c'eft encore une opération de la
nature que l'art imite fans peine. L'eau
iojeûée dans les veines fort de la furface
du cœur & du péricarde. Quand cette
reforption ne répond plus à l'excrétion ,
l'eau du péricarde s'accumule , il s'en amafle
des livres entières , elle fait une hydropilie
particulière qut n'eft pas encore afîêz
connue , mais qu'on découvre afîêz fou-
vent dans les cadavres. Cette eau trop
abondante doit prefïêr le cœur , & caufer
cette anxiété qui eu le fentiment attaché
aux grands obllacles de la circulation.
(//. D. G.)
PÉRICARDIAIRE, adi. (Médec.) épi-
thete qu'on a donnéeaux vers qui s'engen-
drent dans le péricarde ou la capfule du cœur.
Kojq Vers & péricarde.
M. Andry met les vers péricardiaires au
nombre des douze efpeces de vers qui peu-
vent s'engendrer dans le corps de l'homme ;
ces vers occafionent quelquefois des con-
vullions, dont le paroxyfme ne dure que
fort peu de temps , mais revient continuel-
lement.
Ceux qui font attaqués de cette maladie ,
ont le vifage extrêmement pâle , le pouls
petit , de grands maux de poitrine & d'ef-
tomac , quelquefois aufli des palpitations
du cœur, voyei PALPITATION. M. Andry
ajoute que ces vers caufent quelquefois des
morts fubites.
. Ces v€rs ont la même caufe & la même
origine que les autres; il faut y employer
les mêmes remèdes. Voy. VeRS 6" VER-
MIFUGE.
On a éprouvé quel'élixir de Garrus dojxijé
P E R.
par cuillerées , feroit fort utile dans la {yn-
cope eau fée par ces vers.
PERICARDINE,^/2 Anawmie , nom
des artères & des veines qui fe diftribuent
au péricarde. Voye\ PÉRICARDE.
PERICARPE , f. m.{Botan.) Ce mot
déligne tout ce qui environne le fruit des
végétaux , foit membrane , cofïe ou pulpe ,
de -jM , autour y & /af^è^^frult; mais dans
le fyftême des botanifles modernes , le
péricarpe eft l'enVeloppe des graines de
chaque plante ; il efl formé par le germe du
piftil grolli , & ne fe trouve pas dans tous
les fruits.
On diftingue huit efpeces de péricarpes ;
favoir , la capfule*, la coque , la filique , la
goufîè, le fruit à noyau , la pomme , la
baie , & le cône.
La capfule, capfulay efl: compoféede phi-
lîeurs panneaux elafliques , renfermant des
graines dans une ou plufieurs loges , d'où
viennent les dénominations de caplules uni-
loculaires & multiloculaires.
La coque , conceptaculum y a les pan-
neaux mous.
La ûlique , Jiliqua y eu compofée de deux
panneaux qui s'ouvrent d'un bout à l'autre ,
& qui font fépaféspar une cloifon raembra-
neufe.
La goufîe , legumen , eu un péricarpe ob-
long à deux cofîes , & les femences font at-
tachées aux limbes fupérieures de chacune.
Le fruit à noyau, drupa^ eu compofë
d'une pulpe charnue contenant un noyau.
La pomme ou fruit à pépin , pomum y a
une pulpe charnue, où font les graines, dans
une enveloppe membraneufc.
La baie , hacca , a une pulpe fucculcnte
qui renferme les femences.
Le cône , flrobilusy efl compofé d'écailles
contournées par le haut. {D. J.)
PERICHONDRE, Ç.m.en Anatomie,
membrane qui recouvre les cartilages, &
qui efî à leur égard ce que le périoftc eil aux
os. Voye:^ PÉRIOSTE.
PERICHORES (jeux), {Ant.greq.)
Les Grecs donnoicnt ce nom aux jeux qui
n'étoient ni facrés ni périodiques , & dans
lefquels les vainqueurs reccvoient pour
prix , non une fimple couronne , comme
dans les grands jeux , mais ou de l'aî-gent
ou quelque chofç d'équivalent : on donnoit
PEU
des pliioles d'argent à Marathon , un bou-
clier d'airain dans les jeux célébrés à Argos
en l'honneur de Junon. Dans les théoxé-
nies , le prix étoit une forte de robe
appellée lœna. Dans les racées , les vain-
queurs recevoient des amphores de quelque
jpétal ; en un mot , toutes les récompenfes
étoient lucratives ,"& par conféquent igno-
bles : auflî ces jeux ne fe célébroient que pour
les habitans des villes & bourgs du voifina-
ge, comme l'indique le nom même ; car
périchore veut dire poijin y voijinage.
{D. J.)
PERICLITER, y.n. {Gram.) être en
péril : cette affaire périclite entre fes mains ;
cet effet périclite.
PERICLYMENUM , f. m. (Hift. nat.
Bot. } genre de plante à fleur monopétale ,
en forme de tuyau , profondément décou-
pée , & foutenue par un calice , qui devient
dans la fuite un fruit mou , ou une baie
qui renferme une femence applarie &
arrondie. Tournefort , Ifijh rei htrb. Voy.
Plante.
Tournefort compte deux efpeces de ce
genre de pîante; celle de Virginie , toujours
verte ; & celle des Indes , à fleur jaune : il
faut y joindre celle du Chily que nous al-
lons décrire.
Le périclymenum du Chily s'élève en
forme d'arbriffeau divifé en plufieurs bras ,
couverts d'une écorce grife-brune : chaque
rameau finit par un bouquet de fleurs ,
dont le nombre eft indéterminé , tantôt
pair , tantôt non pair : chaque fleur efl:
un tuyau rouge-de-fang , rond , terme
par le bas , & ouvert par le haut , découpé
en quatre lobes jufques vers fa partie
moyenne. Des parois internes delà fleur,
fortent quatre étamines jaunes , enfilées
par un ftyle plus long que ne font les éta-
inines : la fleur étant pafTée, le calice
devient un fruit femblable à nos olives ,
en grofTeur & en couleur , revêtu d'une
peau fort mince. Il renferme une chair
douçâtre , blanche & gorameufe , & con-
tient un noyau dur , offeux. On emploie
cet arbrilTeau pour teindre e» noir les
étoffes qui ne fe déchargent pas comme
celles d'Europe ; cette teinture fe fait en
partie avec de la terre noire du pays , en
partie avec le bois de cette plimtc , brilé
P E R 35>
en petits morceaux : on fait bouillir le tout
enierable dans de l'eau commune, jufqu'à
fuiliiantc cuiffon. {D. J.)
PERICRANE, f. m. [Ancitom.) nom
que les anatomilfes donnent à une mem-«
brans (olide & épailTe qui couvre le crâne
par dehors, F'oje;^ CrANE.
Ce mot efl formé des mots grecs Tsp/ ^
autour J & ^çovttiv , crâne. Quelques auteurs
donnent à cette membrane le nom général
de périoficy à caufe qu'elle efl adhérente
à Tos: d'aatres la divifent en deux mem-
branes; & ils appellent jp^ricra/2ff celle des
deux qui enveloppe immédiatement le crâne ,
& périofie celle qui efl plus extérieure. En
effet , le pe'ricrâne efl une double membra-
ne , compofée , comme beaucoup d'au-
tres, de deux tuniques. On crok qu'il
prend ion origine de la durc-mere , qui
pafTant à travers les futures du cerveau ,
forme cette membrane épaifîè par différens
filamens : ce qu'il y a de certain , c'efl
qu'on trouve que le pe'ricrâne efl attaché à
la dure-mere par des fibres qui traverfent les
futures.
Vers l'origine des mufcles temporaux , les
deux tuniques du pe'ricrâne fe partagent ;
l'extérieure pafie pardeffus ces mulcles , &,
l'intérieure demeure toujours adhérente au
crâne. Fbje:^ PÉRIOSTE.
PERIDOT , f. m. {Hifi. nat. Litholog/^
C'efl le nom que les joailliers françois
donnent à une pierre précieufe d'une cou-
leur verdâtre, qui tire un peu fur lejaune.
Quelques-uns ont cru que cette pierre étoit
leprajius des anciens ; d'autres , avec plus
de probabilité , ont conjeduré que le pe'ri-
dot étoit la chryfographe. Quoi qu'il en
foit de ces fentimens , M. Lehmann , dé
l'académie 4e Berlin, a publié , en 1755 ,
un mémoire dans le recueil de cette aca-
démie ; il y fait voir les erreurs des auteurs
fur la pierre que les anciens appelloient
<^hryfoprafe y qu'ils ont confondue avec la
chryfolite , le chryfoberille , le prajius ,
ou le prajitisy l'émeraude , les topazes , ^'c.
En fuite il nous apprend avoir trouvé en
Siléfie , près d'un village appelle Kofemit^ ^
une pierre à qui il prétend que convient
le nom de chry/oprafe. Cette pierre ef!
d'un verd céladon ou verd pomme ; elk
n'a que très-peu de tranfparence ; elle, efi
33^ P E R
ordinairement remplie de taches blanches
qui nuifent à fa pureté , & la couleur en
eft en général trouble. Au refte , cette
pierre prend un très-beau poli , & fe taille
en facettes. Cette pierre , que M. Lehmman
appelle chryfoprafe , fe trouve dans des
couches en morceaux détachés ou fragmens ,
qui font ordinairement renfermés dans de
l'asbeiîe , qui leur fert d'enveloppe ou de
matrice ; & ces fragmens font accompa-
gnés de pierres d'un beau verd , un peu ten-
dres , & mêlées d'une terre verte : ces
pierres ne prennent point le poli. V^oje^les
Mémoires de l'académie de Berlin y année
Il efl certain que la pierre que M. Leh-
nann appelle chryfoprafe^ efl d'une couleur
verte très-agréable ; mais fon peu de tranf-
parence , & les défauts dont elle efl rem-
plie , l'empêcheront d'être eflimée des
joailliers. ( — )
PERIDROME, f. m. {Archit. anc.)
C'eft , dans un périptere , l'efpace , la
galerie , l'allée qui règne entre les colonnes
& le mur. Les péridromes étoient des pro-
menades chez les Grecs. Voye2 Saumajfc
fur Solin. {D. J.)
PERIÉGETE, f. m. {Amiq. greq.)
'lespe'riégetesyU^çi^yyncti , étoient des minii-
tres du temple de Delphes. Ce terme
doit être conièrvé , parce que le raotd'//2-
terprete n'exprime pas entièrement le mot
grec ; le mot de guide ne l'exprime pas
non plus. Ces minières étoient guides &
interprètes tout enfemble. Ils s'occupoient
à promener les étrangers par toute la ville
de Delphes , pour les délennuyer du long
féjour qu'ils étoient obligés d'y faire ; ils
leur montroient les offrandes que la piété
àts peuples y avoit confacrées , ils leur ap-
prenoient par qui telle flatue *, tel tableau
avoit été donné , quel en étoit l'artifle , dans
quel temps , & à quelle occafion on l'avoit
envoyé ; enfin c'étoicnt des gens pleinement
inflruits de toutes les antiquités de la ville &
du temple.
PERIELESE , {Miijîque.) terme de plain-
chant. C'efl l'interpofition d'une ou plufieurs
notes dans l'intonation de certaines pièces de
chant pour en aflurer la finale , & avertir le
chœur que c'efè à lui de reprendre & pour-
rwivre ce qui fuit.
P E R
H^périélefe s'appelle autrement^j:(^<f/7ce ou
petit neiime^ & le fait de trois manières ; fa-
voir , 1°. par circonvolution ; 2°. interci-
dence ou diaptofe ; 3°. ou par Cmple du-
plication, ^oy. ces mots. (iS)
PERIER, f. m. terme de fondeur. C'efl
un morceau de fer emmanché au bout d'une
perche \ on s'en fert à ouvrir les fourneaux ,
pour faire couler le métal , lorfque les fon-
deurs veulent jeter quelques ouvrages en
bronze. {D. J.)
PÉRIGÉE , f. m. terme d'ajîronomie ,
qui fignifie le point de l'orbite du foleil
ou de la lune , où cts planètes font le plus
près de la terre , ou en général le point
de la plus petite diffance d'une planète à
la terre. Périgée efl oppofé à apogée, Voy.
Apogée. Voyei auffî Périhélie &
Aphélie.
PERIGNAT , ( Géogr. Antiquités. )
bourg de l'Auvergne , près de l'Allier ,
à trois heues du Clermont , fur le chemin
de cette ville à Lyon , d'environ • cent
cinquante feux. On y a découvert une
colonne milliaire pofée du temps de Trajan.
Bergier en fait mention , liv. III , chap.
38 i Se les mémoir. de Vacad. des infcript.
tome VII, édition in- z z y fjjo y pag.
^57' (C-)
PERIGORD (le) , (Géogr. mod.) pro-
vince de France , qui a au nord l'Angou-
mois , au levant la Saintonge ; à l'orient d'hi-
ver , elle touche le Bafadois & le Bourdelois;
au midi , elle a l'Agénois ; à l'orient d'été , le
Quercy & le Limofin.
Son nom vient de celui des anciens peu-
ples Petrocorii ou Petricorii , qu'on a
corrompu dans le cinquième fiecle en
Petricordii. Ces peuples , qui font connus
dans les commentaires de Céfar , étoient
alors du nombre des Celtes , 6c Augufle
les mit fous l'Aquitaine. Cette province
ayant été divifée en deux fous Valenti-
nien I , les Petricorii furent attribués à la
féconde , & eurent pour métropole Bor-
deaux ; leur capitale s'appelloit Vefuna y
comme nous l'apprenons de Ptolomée :
mais dans^ le quatrième fiecle , la ville
quitta entièrement ce nom pour prendre
celui du peuple Petricorii y d'où on fit
Petricordium & Petricorium ^ aujourd'hui
Périgueux,
Le
P E R
Le Tengord vint au pouvoir deî Gochs
dans le commencement du V fiecle ; dans
le fulvan-t il fut pris fur eux par les François.
Les rois de Ncuftrie Mérovingiens lont
pofîedé jufqu'au temps du duc Eudes ,
qui fe rendit abfolu dans l'Aquitaine j &
ce fut Pépin, père de Charlemagne, qui
conquit le Périgord fur Gaifre, petit - fils
d'Eudes. Les Carlovingiens , qui ont régné
dans la France occidentale , Ont eujufqu'au
dixième iiecle le même pays , qu'ils gou-
vernoient par des comtes , qui nV pient
que de /impies officiers.
Dans la fuite des temps , Charles , duc
d^lrléans , comte de Périgord , ayant été
fait prifonnier par les Anglois , vendit ,
Tan 1437 , ion comté de Périgord ï Jean
de Blois , comte de Penthievre , qui le
laiiïa à fon fils Guillaume. Celui-ci n^eut
qu^une fille , nommée Françoije , qui
époufa Alain ,* firc d'Albert , bilàïeul de
Jeanne d'Albret , reine de Navarre. Jeanne
apporta tous fcs états en mariage à Antoine
de Bourbon , père de Henri IV , qui ayant
fuccédé au royaume de France après la
mort de Henri III , unit à la couronne
le Périgord , avec fes autres biens patri-
moniaux.
Le Périgord 2i environ trente-trois lieues
de^long fur vingt-quatre de large. On le
divife en haut & bas Périgord, ou bien
en blanc & en noir. Périgueux cft la
capitale de tout le Périgord. Sarlat eft
la principale ville du bas Périgord , nommé
Périgord noir , parce qu'il eft plus couvert
de bois.
Les rivières de cette province font la
Dordogne , la Vezere , l'Ifle , & la haute
Vezere : ces trois dernières ne font navi-
gables que par le fecours des éclufes. L'air
du pays eft pur & fec. Il abonde en mines
djexcellent fer, & fes montagnes font cou-
vertes de noyers & de châtaigniers. Il s'y
trouve aufïi quelques fources d'eaux médi-
cinales.
Mais le Périgord doit à jamais fe glori-
fier d'avoir donné le jour à M. de Fénélon ,
archevêque de Cambrai. On a de lui cin-
quante-cinq ouvrages dilFérens ; tous partent
d'un cœur plein de vertu , mais fon Télé-
maque l'infpire. On apprend . enlelifant ,
à s'y attacher , dans la bonne comme dans
TomQ XXV.
P E R 537
la mauvaife fortune , à aimer fon père Se
la^ patrie , à être roi , citoyen , ami ,
elclave même fi le fort le veut. Trop
heureufe la nation pour qui cet ouvrage
pourroit former un jour un Télémaque 6c
un Mentor !
" Il a fubftitué dans ce poème une profc
" cadencée à la verfification , & a tiré
" de fes fi6lions ingénieufes , une morale
»> utile au genre humain. Plein de la le(5ture
» des anciens , Se né avec une imagination
» vive & tendre , il s'étoit fait un ftyle
» qui n'étoit qu'à lui , Se qui couloir de
» iburce avec abondance.
" Les éditions du Télémaque furent
» innombrables. Il y en a plus de trente
" en anglois , & plus de dix en hollandois.
" C''eft en vain qu'en examinant ce poëme
'> à toute rigueur ,• on a cru y reprendre
'> des defcriptions trop uniformes de la vie
» champêtre; il eft toujours vrai que cec
» ouvrage eft. un des plus beaux monu-
» mens d'un fiecle floriflant. Il value à
» (on auteur la vénération de toute
» l'Europe , Se lui vaudra celle des fieclcs
" à venir.
" Les Anglois fur - tout , qui firent la
»> guerre dans fon diocefe , s'empreflèreat
'» à lui témoigner leur refpedt. Le duc
» de Malborough prenoit autant foin qu'on
» épargnât fes terres , qu'il en eût pris
'> pour celles de fon château de Blenhein.
» Enfin M. de Fénélon fut toujours cher
» au duc de Bourgogne qu'il avoir élevé.
Voici (on épitaphe, quin'eft pas un éloge ,
mais un portrait.
Omnes dicendi lepores virtuti facravit ac
veritati ; Ù dàm fapientiam fpirat , femetip'
fum infcius retexlt. Bono patries unie} inten-
tas , regios principes ad utilitatem publicam
infiituit. In utrâque fortunâ fibi conftans ;
in profperâ aulœ favores ut dàtn prenfaret ,
adeptes etiam abdicavit ; in adverfâ Deo
inagis adkcejît. Gregcm fibi credtum ,
ajjidud fovit prcefentiâ , verbo nutrivit ,
exemple erudivit , opibus fubkvavit. Ex'
teris perindè carus ac fuis , hos & illos
ingenii famâ , ù comitate morum , fibi
devinxit. Vitam laboribus exercitam , cla-
ram virtutibus , meliore vitâ commutavit ,
feptimo januarii , anno M. DCC. XV
œtatis LXIV.
Vv
33S P E R
Montagne {M'ichd de ) , ne en Pérîgord
en 1535 , a trop de partifàns pour que
j'oublie de parler de lui à Tartiele de Ton
pays-. Il a vécu tous les règnes de Français I ,
Henri 1 1 , François II , Charles ÎX , Henri ÏII
& Henri IV , étant mort en 1591 , âgé de
S9 ans.
Il fe montra , dans le cours de fa vie ,
bon citoyen , bon fils, bon ami , bon
voifin, enfin un galant homme. Ce n'en
eft pas une petite muque, que d'avoir pu
fe vanter , au milieu de la licence des guerres
civiles , de ne s'y être point mêlé , ù de
n'avoir mis la main , ni aux biens , ni a
ta bourfi de perfonnc. Il aflure , de plus ,
qu'il a fouvent foufferr des injuftices évi-
dentes, plutôt que de fe réfbudre à plaider ,
en forte que (ur (i:s vieux jours il étoit
encore , dit -il , vierge de proch ù de
querelles.
Sa morale éroit ftoïcienne en théorie ,
& Çfis mœurs épicuriennes y e'eft un point
fur lequel il dit lui-même , qu'il a le cœur
ajje:^ ouvert pour publier hàvdiment fa foi MeJJe.
Il avoue encore qu'il refllembleroit volontiers
à un certain Romain que peint Cicéron , en
difant que " c^étoit un homme abondant en
w toutes fortes de commodités & de plaiiirs ,
» conduifant une vie tranquille ôc route
" fienne , Tame bien préparéecontre la mort,
» la fu perdition , 6'c ". Voilà en eJEFet le
portrait de Montagne , & qui même
auroit peut-être été plus reflemblanc , s'il
avoit ofé traduire à lu lettre celui qu'a fait
Cicéron de ce Romain: mais ce que Mon-
tagne n'a pas jugé à propos de faire d'un
feul coup de pinceau , il feroit aifé de le
retrouver en détail , h Von prenoit la peine
de raflembler tous les traits où il s'eft peint
en diiférens endroits de fes Ejfais.
On ne peut nier que cet ouvage nefoit
rempli d'efprit , de grâce & de naturel.
Il eft: d'autant plus aifé d^en être féduit ,
que fon ftyle , tout gafcon de tout antique
qu'il e(è , a une certaine énergie qui plaît
infiniment. Il écrit d'ailleurs d'une manière
qu'il femble qu'il parle à tout le monde
avec cette aimable libené dont on s'en-
tretient avec Ces amis. Ses écarts même ,
par leur refiemblance avec le défordre
©idinaire des convcrfations familières Se
PE R
enjouées , ont je ne fais quel charme dont
on a peine à fe défendre.
C'eft: dommage qu'il refpe(5i;e affèz peu
fes letteurs , pour entrer dans des détails
puériles & frivoles de fes goûts , de fes
aâ;ions , & de fes pcnfées. " Que nous
» importe de favoir , difoit avec raifoiT
» Scaligcr , Ci Montagne aimoit mieux le
yy vin blanc que le clairet ? » maison trouve
dans fon ouvrage des chofes bien plus cho-
quantes, comme quand il nous parle du foin
qu'il prenoit de fe tenir le ventre libre , &c
d'avoir particulière commodité de lieu & de
fiege pour ce fervice.
Je lui pardonne encore moins les oBfcé-
nités grofïieres dont fon livre eft parfemé ,
& dont la plupart ne font propres qu'à
faire rougir les perfonnet les plus effron-
tées. Cependant , malgré tous ces défauts ,
; (es écrits ont des grâces lingulieres ; & il
faut bien que cela foit ainli, puifque le
temps & les changemens de la langue
n'ont point altéré la réputation de leur
auteur.
Je ne puis ici me difpenfer de parler d'une
cenfure que Montagne a publiée fort naïve-
ment contre lui-même & fur laquelle per-
fonne ne s'eft avifé de le contredire ; e'eft
; ce qu'il dit àt fa manière d'^écrire à bâtons
rompus 5 d'un ftyle découfu , mal lié, qui
'■■ ne va qu'à faut s ù à gambades , pour parler
' fon langage.
La caufe de ce défaut ne vient pas
: abfblument du génie même de Montagne ,
'qui l'a entraîné fans raifon d'un Ri jet dans
un autre , fans qu'il ait pu donner plus
d'ordre & plus de fuite à fes propres
penfées : mais ce défuît provient en partie
le je ne fais combien d'additions qu'il a
fiites çà Se fà dans fon livre , toutes les
: Ibis qu'on eff venu à le réimprimer. On
n'a qu'à comparer les premières éditions
' des Ejfais avec les fuivantes , pour voir
à t'œil que cqs fréquentes additions ont
jeté beaucoup de déibrdre dans des rai-
■ fonnemens qui étoient originairement clairs
Se fuivis. Après tout, on feroit fouvent
fâché de perdre les additions que Mon-
tagne a inférées dans fc>n livre , quoiqu'elles
le défigurent dans plufieurs endroits , de
la manière dont elles y font enchâfïees.
De toutes les éditions des Ejfais de
P E R.
Montagne, il n'y en a aucune d'authen-
tique que celle de TAngelier , miie au jour
à Paris en ij'95 ; mais Tédition publiée à
Londres en 1724 , celles de Paris en lyiy
& 1759 > données par M. Cofte , font les
meilleures que nous ayons de cet ouvrage.
{M. le Chevalier DE JaUCOURT. )
PÉPvIGUEUX , r. m. ( Hijî. natur. )
lapis petrcCorius ; nom d'une fubftance
minérale noire , pefanre & compaéle ,
difficile à pulvérifer. Elle ic trouve en
Périgord , en Gafcogne 5c en Dauphiné ;
on Pappelle auffi Périgord ou pierre de
Périgord. Les émailleurs s'en fervent pour
colorer leurs émaux , & les potiers de
terre pour colorer & noircir le vernis ,
ou la couverte qu'ils donnent à de cer-
taines poteries. Il y a lieu de croire que
cette fubftance n'eft autre chofe que celle
qui eft plus connue fous le nom de ma-
gfi^fie ou manganefe. Voyez cet article. On
PER. 339
dît qu*élle eft: déterfue & aftrîngente , ce
qui vient de la partie ferrugineufe qui entre
dans fa compolition.
Perigueux ( Géogr. mod.\en latin ,
Vèfuna , Vefunna , Petrocori , Petrocorii ,
civitas Petroceriorum ou Petrocoriorum ,
capitale du Périgord.
La tour Véfune , le refte d'un amphi-
théâtre , & quelques autres monumens ,
font des preuves de l'ancienneté de cette
ville , qui fut ruinée en divers temps par
les Barbares. La tour Véfune eft de forme
ronde ; fà hauteur va au delà de cent pies ;
l'épailTeur de la muraille , qui eft encore
aftez entière , eft d'une toifè ; en dedans
elle eft enduite d'un ciment de chaux &
de tuile ; elle n'a ni portes ni fenêtres ,
en forte qu'on y entre par deux foutcrrains
qui y conduifent. (■*■)
Il y a dans cette ville un évêché ancien ,
fufFragant de Bordeaux , un préfîdial , un
(^ ) M. le Beuf rapporte au tome X/des Mém. de l'/icad, des infcript. édit. in-it, neuf infcriptions
anciennes, encaftrées dans les murs des cafetnes de cette ville : la plus curieufe eft celle d'une colonne
milliaire , dreflée pour marquer la première lieue gauloife de la capitale du pays , à l'endioii où elle
ctoit placée :
DOMIN. ORBIS
ET PacIS ImP. C.
M. Annio Flo
RIANO. P. F.
INV. AUG. P. M,
T, p. p. Procos
p. L.
C'eft l'unique infcription que l'on connoifle qui porte le nom de l'empereor Florien , hellène fe
trouve dans aucune colleftion.
Cette extrême rareté des monumens de Florien , vient de la brièveté de fon règne , qui ne fut que
de deux mois & demi, Probus l'ayant vaincu 3c forcé de s'ouvrir les veines ; ou , félon Vopifcus ,
ayant été tué par fes foldats à Tarfe en Cilicie en 176. On drefla à la mémoire de cet empereur,
comme à celle de Tacite, fon frère de mère, un cénotaphe à Terni en Italie, dont ils étoienc
originaires. *
Le titre dedominus orbîs é» p»cti eft fingulier , quant à la première partie : pour la deuxième , il
s'accorde avec les médailles de ce prince , dans lefquelles on ûM^acatororhis , paxœterna ,pax Augu/ii.
Ces légendes ontrapport aux victoires de Floiien lur lesBatbares qui troubloient la paix de l'empire;
les deux lettres P. L. nous apprennent l'ufage de cette colonne, & fignihent prima leuca. La Table
Théod. fait mention de trois routes qui concluifoient de Perigueux à Saintes , à Bordeaux , à Limoges.
La maifon du férainaire de Perigueux, où la colonne a été autrefois tranfportée, eft à l'extrémité de
la cité , fur la route du nord-oueft qui conduit à Saintes. Il eft probable que cette colonne étoit
placée prefque au bout delà plaine , vers la fource du ruiffeau de Toulon ^ à demi-lieue de la cité,
félon notre manière de compter aujourd'hui, qui eft d'évaluer une lieue gauloife à une de nos
demi-lieues.
M. l'abbé le Beuf rapporte au même endroit l'explication d'une table pafchalc gravée fur le mur da
chœur de l'ancienne cathédrale, d'une ftruâiure d'environ l'an j 100. Ce favant fait remonter, contre;
le fcntiwcnt de Scaliger , ceHC infcription à l'an 1 163 od pâque fe trouvoii le 14 de mars. ( C.)
Vvij
340 P E R.
bailliage , une éledion, & un collège tlirgé
ci-devant par les jéfuires. L'évêché rap-
porte environ 35000 livres de rente , de
renferme plus de 430 paroifl'es. S. Front
fut le premier évêque de cette ville dans le
IV fieclc. /
Périgueux eft dans un bon pays, mais
pauvre ; elle ne paie point de taille , &
la banlieue paie peu d'impofitions. Elle
eft fituée fur llfle , à 18 lieues S. O de
Limoges , à 16 S. E. d^Angoulême, à 25
au N. E. de Bordeaux , & à 106 au S. O.
de Paris.
Rauconnet ( Aymar ) étoit de cette
-ville. Il pafla pour un des favans hommes
de Ton fiecle. Cujas lui dédia fes notes i/z
Juin Fauli recept. fent. Il fut d abord con-
feiller au parlement de Bordeaux , puis
préfident en l'une des chambres des en-
quêtes du parlement de Paris. Les Guifes ,
qui le haïflbient , le firent mettre à la
Baftillc , & l'accuferent d'avoir eu un com-
merce criminel avec fa fille. Il fut fi touché
de fa détention , qu'il fe fit mourir , âgé
de 60 ans. On n'a jamais vu une famille
plus malheureufe que la fienne. Sa fille finit
les jours fur un fumier j fon fils fut exécuté
à mort , Se fa femme périt d'un coup de
foudre. (D.J.)
PERIHELIE , f. m. terme d'afirono-
mie. C^eft le point de l'orbite d'une pla-
nète , dans lequel cette planète eft à fa
plus petite diftancc du foleil. V. Plamete ,
Soleil , 6'c.
Le périhélie eft oppofé à Y aphélie , ^oje^
Aphélie. Les anciens aftronomes fubfti-
tuoient le périgée 2.u périhélie , parce qu'ils
mettoient la terre au centre. Fbje^ Aphélie
& PÉRIGÉE.
Lar terre eft dans fon périhélie , & par con-
féquent le foleil dans Ton périgée , lorfque
le diamètre du foleil nous paroît le plus
grand ; car c'eft alors que le foleil eft le
plus près de nous qu'il eft pofîible , puifque
les objets les plus éloignés paroififent plus
grands à mefure qu'ils s'approchent. Feye^
Apparent. ( O)
PÉRIL, RISdUE, DANGER,
{ Synon. ) Danger regarde le mal qui peut
arriver. Péril ÔC rifque , regardent le
bien qu'on peut perdre ; avec cette difFé-
lence , q^ue péril dit quelque choie de plus
P E R
grand &: de plus prochain & que rifque
indique d'une façon plus éloignée la pofti-
bilité de l'événement. Delà ces expref-
fions , en danger de mort , au perd de la
vie , fauf à en courir les rifques. Le foldat
qui a Phonneur en recommandation, ne
craint point le danger , s'expofe au péril ,
& court tranquillement tous les rifques
du métier. Danger , s'emploie quelquefois
au figuré , pour fignificr un inconvénient :
je ne vois aucun danger à fonder fcs inten-
tions avant que de lui propofer cette aftaire.
PERILEUCOS , ( Hifî natur. ) nom
donné par quelques auteurs à une efpece
d'agate blanche.
PÉRIMÉ, adj. {Jurifp.) fc dit de ce
qui eft anéanti par l'effet de la péremption ,
comme une inftance périmée ou périe.
Voye-^^ PÉREMPTION. (-(4)
PERIMELE, {Géogr. anc.) îie de la
mer Ionienne , & Pune des cinq Echinades.
Ovide en parle dans le VIII Uv. *de fes
Métamorphofes :
Ut tamen ipfe vides , procut una recejfu
Infula , grata mihi , Perimclen navita
dicit^
{D.J.)
PERIMETRE , f. m. terme de géo--
métrie , c'eft le contour ou l'étendue qui
termine une . figure ou un corps. Voye'^
Figure.
Ge mot eft formé des mots grecs crépi ,
autour , & f^ÀT^ov , mefure. Les périmètres
des furfaces ou figures , font des lignes ;
ceux des corps font des furfaces. Voye'^
Surface.
Dans les figures circulaires , Sec. le
périmètre eft appelle périphélie ou circon-
férence. Voyez PÉRIPHÉLIE. Charniers.
iE)
PERIMULA , ( Géogr. anc. ) ville de
l'Inde au delà du Gange , félon Ptolomée ,
qui , lih. VII ,. c. ij , la place fur la Cher-
fonefe d'or. Pline , lib. VI , cap, xx , Se
lib. IX , c. XXXV , donne le nom de Péri-
mula à un promcmtoire de l'Inde , aux
environs de l'embouchure du fîeuve Indus ,
du côté de l'orient : il ajoute qu'il s'y
pêehoit des perles ,. & que fur. ce. pro-
PE R
monroire , il y avoic une ville fort com-
merçance.
PERINALDO , ( Géogr. mod. ) bourg
du comté de Nice , dont je ne parle que
parce qu'il a donné la naiflance , en 161^ ,
au grand Caffini , ôc en 1665 , à M. Ma-
raldi Ton neveu.
Cajjîni , ( Jean-Dominique ) , aftronome
du premier ordre , fut attiré en France
par M. Colbert en i66<) , & y fut reçu
membre de l'académie des fciences. Il
mourut en 1712, âgé de 87 ans, lailîant
des enfans diftingués dans Tartronomie. On
a des mémoires précieux fur les planètes ,
fur la méridienne , 8c fur la comète qui
parut en 1651. Il découvrit en 1671 , le
rroifieme éc le cinquième fatellites de
Jupiter. Voye:^ Jupiter & le mot
Astronomie.
Maraldi ( Jacques-Philippe ) vint en
France en 1687 , & fut reçu de l'académie
des fciences. Il a fait un catalogue des
étoiles fixes , plus exa6t , dit -on , que
celui de Bayer 5 mais cet ouvrage n'eft
ciicore que manufcrit.
Ses obfervations
fur les abeilles ont été inférées dans les
mémoires de l'académie des fciences ,
année 1712. Il mourut en 1719 , à64ans.
PERINDE - VALERE , ( Jurifpr.) ,
eft le nom que l'on donne à un refcrit de
Gour de Rome , dans lequel eft cette claufe.
L'efîet de ce refcrit eft de valider une
provifion qui auroit pu être attaquée pour
quelque défiut qui s'y trouvoit renfermé.
Ces fortes de refcrits ne s'obtiennent que
quand les provifions ont été expédiées par
bulles j car quand elles ont été expédiées
par fîmplc iîgnature , on les rectifie par
une autre fignature appellée eut prias y
à laquelle on met la même date qu'à la
première. Il n'en eft pas de même des
refcrits ou provifions avec la claufe per-
ind}-valere , elles n'ont d'effet que du
jour de leur date 5 de forte que fi encre
les premières provifions & les nouvelles ,
quelqu'un en avoit obtenu de régulières ,
elles prévaudroient. Voyei^ Amidénius y dt
ftylo datariœ y. c. ix.{ A)
PÉRINÉE , f. m. ( Anat. ) eft le nom
que les anatomiftes donnent à Pefpace qui
eft: entre le fondement & les parties géni-
P E R 34
raies. C'eft proprement la future ligamen-
teufe qui joint enfemble ces deux parties.
Les latins l'appellent interflvmincum.
Ce mot eft formé des mots grecs TSf / ,
autour y ÔC vAiîiv , habiter.
PÉRINÉE ( maladie du) ^ { Médecine.. )
l'endroit placé entre le fondement Ôc les
parties génitales , connu fous le nom de
périnée , qui dans les hommes occupe
Tefpace qui fe trouve entre le gros inteftin
& Puretre ; mais qui , dans les femmes ,
eft entre le niême gros boyau & le vagin ,
& fe trouve iujet à quelques maladies par-
»ticulleres.
Souvent, ^ns les hommes , la contufion
du périnée produit wie fupreftion d'urine;
dans les femmes , le déchirement de cet-te
jjartie , fuite d'un accouchement trop dif-
ficile , ou du peu de précaution d'une
fage-femme dans l'accouchement , venant
à caufer une efcarre , laifte après fa fépa-
ration une incontinence d'excrémens , à
laquelle on ne peut remédier. Les aLcès
de cette partie , les ulcères , les blclTures ,
les fiftules , les hémorrhagies , fe guériflent
plus difficilement qu'autre part. Le calcul
qui s'y trouve attaché doit être enleyié par
la fedion. Le fentimcnt du froid qu'éprou-
vent les femmes enceintes , fe rapporte '
aux fignes qui annoncent la mort de l'en-'
fant dans le fein de fa mère. Enfin U
tumeur qui arrrive à cette partie dans les
hommes , eft fouvent fuivie de la fupreflîon
d'urine. (£?./.)
PERIN-KARA , f. m. ( Sot. exot. )
grand olivier fauvage , qui croît dans le
Malabar. Son fruit efl de couleur bleue-
purpurine lorfqu'il eft mur , & d'un goût
douçâ'-re, mêlé de quelque acidité; mais
fa couleur eft jaunâtre quand il eft verd ,
& alors fon goût eft très-auftere.
PERIN-NINOURI ,^( Bot. exot. ) nom
qu'on donne , dans VHortus éÊabbaricus ,
à un arbrilTcau du Malabar , qui porte des
baies , dont le noyau contient fix amendes.
Cet arbrifïeau méritoit d'être caradérifé
plus au long. { D.J.)
PERIN PANEL, {Bot. exot.) arbrif-
feau du Makbar , portant des fleurs en
grappes, & des baies oblongues, qui ren-
ferment quatre femences. Il donne des-
fleurs & du fruit toute l'année. On com-
34i P E R
pofe de fès fleurs & de Ton fruit , avec
un peu de poivrc-!ong , & de graine de
cumin , une boiflbn vantée dans le pays
pour la toux , Pafthme , èc autres maladies
des poumons. On fe fert de fes feuilles
& de Ton écorce , cuites dans une infufîon
de riz , pour les appliquer en forme de
cataplafmes fur les tumeurs qu-'on veut
amener à fuppuration.
PERINTHE , ( Géogr. anc. ) Pcrin-
tus , Terinthos ; ville nommée autrement
Héraclée de Thrace , fituée fur la Pro-
pontidej félon Ptolomée , //3. III , c. xj ,
à 54*^. & 50' de long, &c ^i^. 10. de
latit. è
Ce fut cette ville qui réfifta la première
aux Perfes , & dont la prife facilita à
Mécabife , lieutenant de Darius, la con-
quête du refte de la Thrace. Hérodote
rapporte qu'il ne put s'en emparer que par
le (ecours des Péoniens , qui l'attaquèrent
à J'improvifte. On fait le plaiiant défi que
les Périnthiens firent alors aux Péoniens ;
ils les appellerent en trois fortes de duels ,
l'un d'hommes , Pautre de chevaux , &
le troifieme de chiens ; &: comme ils fe
réjouîfloient en chantant l'hymne de la
viâroire , qu'ils avoient déjà remportée
dans le premier & le fécond défi , les
Péoniens profitant du moment favorable
où les Périnthiens étoient , plongés dans
i'ivreflè & la fécurité , les taillèrent en
pièces , &: fe rendirent maîrrcs de leur
capitale.
Philippe ayant formé le projet de fubju-
gner la Grèce , ravagea les terres des
Périnthiens , Ôc tâcha de s'emparer de
leur capitale ; mais les Athéniens fecou-
rurent vivement Périnthe , & Philippe fut
obligé d'abandonner cette entreprife. C'eft
à ce fujet que les Périnthiens firent en
faveur des Athéniens leurs bienfaiteurs , un
décret dlf^^lus honorables , dont Démof-
îhene a donné le détail dans fa harangue
pour Ctéiîphon.
Ce fut un Hcraclius, prince de Canf-
tantinople , qui changea le nom de cette
ville en celui d'Héraclée. Elle efl: fameule
par fon exarque , dont l'évêque de Conf-
îantinojple relevoic encore fous l'empereur
PER
Conftantîn. Cette prééminence dura juf.
qu'au premier concile de Conftantinople ,
qui en dépouilla Héraclée , pour attacher
tous les honneurs du patriarchat au fiege
de la nouvelle P.ome.
Cette ville eft encore afïèz peuplée pour
le pays , mais on n'y trouve plus que
quelques vertiges de fon ampithéatre fi
vanté par les anciens ; cependant M.
Buonaroti , dans fes obfervations , fupra
alcuni Medaglioni Antichi , a raflemblé
tout ce que l'hiftoire & la fable difenc de
Périnthe \ l'ouvrage eft digne du nom de
l'auteur : dans la race de Michel-Ange , il
n'eft pas permis d'être un homme mé-
diocre. ( D. /. )
PERIOCHA , mot purement latin Se
dérivé du grec Têf/oKi? , argument ou fom-
maire qui indique ce qu'un difcours contient,
^oje^ Argument.
PÉRIODE , f. f. en terme (TaJJrono-
mie , eft le temps qu'une planète met à
fiire fa révolution , ou la durée de ion
cours , depuis qu'elle part d'un certain
point des cieux , jufqu'à ce qu'elle retourne
à ce même point.
La période du foleil , ou plutôt de la
terre, eft de 365 jours , 5 heures 49
minutes. Celle de la lune eft de 27 jours ,
7 heures , 43 minutes. Voye\^ Soleil )
Lune , 6'c. Les périodes des comètes
iont encore inconnues pour la plupart. Il
y en a néanmoins quelques-unes dont on
croit connoirre les périodes : une , par
exemple , dont on fait que la période eft
de 7) à 7<5 ans & qu'on a revue en
1759 ; une autre dont on croit que la
période eft de •129 ans , & qu'on attend
en 1789 ou 1790; une autre enfin dont
on croit que la période eft de 575 ans ,
c'eft la fameufe comète de 1680. Voyei^
Comète.
H y a une admirable harmonie entre
les diftances des planètes au foleil , &:
leurs périodes autour de cet aftre , la loi
de cette harmonie eft que les quarrés des
temps périodiques font toujours comme
les cubes des moyennes diftances au foleil.
Voye-{^ Planète. Voici ces périodes ^
CCS moyennes diftances.
P E R
Jours.
Saturne 10579
Jupiter 4332-
Mars <?86
La Terre.,. 365
Vénus 2.14
Mercure.... 87
Heures
6
II
^3
6
16
2?
5^
20
9
49
15
"
Moy. dift.
z6
953800
35
5101 10
30
151569!
30
I 00000
i4
71333
53
38710
Période , en terme de chronologie ,
fignifie une époque ou un intervalle de
temps pai lequel on comte les années , ou une
fuite d'années au moyen de laquelle le temps
cft mefuré de différentes manières , dans dif-
férentes occafions , àc par des nations diffé-
rentes, ^oy. Temps.
Telles (ont les périodes callippique & mé-
thonique , qui étoient deux différentes cor-
refttons du calendrier grec j lapénoJe julienne
inventée par Jof. Scaliger j la période vido-
ricnne , ùc.
PÉRIODE CALLIPPIQUE, ainfl nomméc dc
Callipus Ton inventeur , eft une fuite de 76
ans qui reviennent continuellement , & qui ,
étant écoulés , redonnent les pleines &: les
nouvelles lunes au même jour de l'année
folâire.
L:\ période callippique a été inventée pour
perfedionner hpériode méthonique de 19 ans ;
cette dernière période ne fe trouvant pas aflèz
exade , Callippus , athénien , la multiplia
par 4, & forma ainfl la. période callippique.
V. Callippique.
Période constantinopolitaine , efi: la
période dont fe fervent les Grecs : elle elt la
même que la ;7mode julienne. if^oje:^PERioDE
julienne.
période dïonysienne , ainfl appellée dc
Denis le Petit, fon inventeur , eft la même
chofe que la période vidorienne. Voy. Pé-
riode victorienne.
Période d^Hypp arque , efl une fuite
de 304 années folaires qui reviennent con-
tinuellement , & qui , félon Hypparque ,
redonnent en revenant les pleines & les
nouvelles lunes au même jour de l'année
folaire.
Cette période n^eft autre que la période
callippique multipliée par 4. Hypparque
faifoit l'année folaire de 365 jours 5 heures,
55' II' ; & delà il concluoit qu'en 304
ans la période callippique devroit errer
d'un jour entier, C'cfl ee qui l'engagea à
PER 343
multiplier cette période par 4 , & à ôter du
produit un jour. Mais cette corredion ne
fait pas revenir les pleines & les nouvelles
lunes au même jour de la période ; car il
y en a qui anticipent d'un jour , 8 heures ,
I II ni
13 , 19 , 10 .
Période julienne , eft une fuite de
7980 ans , qui vient de la multiplicatioii
des cycles du foleil , de la lune , & des
indidions l'un par l'autre ; c'eft-à-dire , -
des nombres 18 , 19 , 15. Elle com-
mence au premier janvier dans Pannée
julienne.
Chaque année de la période julienne a
fon cycle folaire , fon cycle lunaire , &:
fbn cycle d'indidions particulier ; de forte
qu'il n'y a point , dans toute l'étendue de
cette période , deux années qui aient à la
fois le même cycle folaire , le même cycle'
lunaire , & le même cycle d'indidions :
d'où il s'enfuit que toutes les années de la
période julienne font dilHnguées les unes des-
autres.
Cette période fut inventée par Scaliger ^-
comme renfeimant toutes les époques , pour
faciliter la rédudion des années d'une époque
donnée à celles d'une autre époque pareille-
ment donnée. Elle s'accorde avec l'époque
ou période conftantinopolitaine , qui étoit en .
ufage parmi les Grecs ; avec cette différence ,
que les cycles folaires & lunaires, Se celui
des indidions , s'y comptent différemment ,
8c que la première année de la période julienne-
difïêre de celle de la période conftantino-
politaine.
Période ou Cycle méthodique , appelle
aufTî cyc/s lunaire ^ eft une fuite de 19' ans ,
au bout de (quels les pleines & les nouvelles
lunes fbnr fuppofées revenir au même jour de
l'année folaire. Oii a appelle cette période
méthonique , du nom de fon inventeur Merlion,
Voye-:^ Méthonique. Voye-j^^ aujjî Cycle.
Période victorienne , eft un inter-
valle de 531 années juliennes, au bouc
defquellès les nouvelles & les pleines lunes
, reviennent au même jour de l'année ju-
lienne , félon le Sentiment de Vidorinus ,
ou Vidorius , qui vivoit fous le pape
Hilaire.
Qvielques auteurs attribuent cQtte p^''rioie
à Denis le Petit, & l'appellent pour cette
344 V EK
raiion période dionyfienne : d^autres l'ap-
pellent grand cycle pafchal , parce qu'elle a
été inventée pour trouver le temps de la
pâque , &c que dans l'ancien calendrier , la
fcre de pâque , au bout de / 3 i , ans , tombe
au même jour.
La période viâ:orienne fe trouve en mul-
tipliant le cycle lunaire 19 par le cycle
folaire iS 5 le produit de ces deux nombres
Mais il s'en faut quelquefois d'un jour ,
16 heures , j8' , 59" , 40'' , que les pleines
& les nouvelles lunes ne retombent au
même jour dans cette période. Charniers.
(0)
Période chaldaïque , V. Saros.
Période , en termes de grammaire &
de rhétorique , eft une petite étendue de
difcours qui renferme un fens complet ,
dont on diftingue la fin par un point (.) ,
& les parties ou diviiions par la virgule (,) ,
ou par le point avec la virgule ( ; ) > ou
par les deux points (:). J^oye^ Pensée &
Point.
Le père de Colonia définit la période
une penfée courte , mais parfaite , com-
pofée d'un certain nombre de membres ,
& de parties dépendantes les unes des
autres & jointes cnfemble par un lien
cpmmun.
La période , fuivant la fameufe définition
d'Ariftote , eft un difcours qui a un com-
mencement 5 un milieu & une fin , qu'on
peut voir tout-à-la-fois. Il définit aulli la
période compofée de membres , une élo-
cution achevée , parfaite pour le fçns , qui
a des parties diftinguées , Se qui eft facile à
prononcer tout d'une haleine.
Un auteur moderne définit la période
d'une manière beaucoup plus courte & plus
claire : une phraie compofée de plufieurs
membres , liés entr^eux par le fens &c par
l'harmonie.
On diftingue en général de deux fortes
de périodes , la période fimple ÔC la pé-
riode compofée. La période fimple eft celle
qui n'a qu-'un membre , comme , la vertu
feule ejl la vraie noblejfe : c'eft ce qu'on
appelle autrement propofitien \ les Grecs
Ja nommoient fjt.ovoKo?,o{ . La période com-
pofée eft celle qui a plufieurs membres
^ l'on en diftingue de trois fortes j favoir
P ER
la. période k deux membres , appellée par les
Grecs J'iKohos , & par les Latins bimembris j
la période à trois membres , rçuo^os , trimem-
bris \ & celle à quatre membres , lîifAKQKfi , ou
quadrimembris.
Une vraie période oratoire ne doit avoir
ni moins de deux membres , ni plus de quatre :
ce n'eft pas que les périodes fimples ne puif-
fent avoir Ueu dans le difcours , mais leur
brièveté le rendroit trop découfu , &, en
banniroit l'harmonie , pour peu qu'elles y
fuftènt multipliées.
Dès qu'une période paffe quatre membres ,
elle perd le nom de période & prend celui
de difcours périodique.
Voici un exemple d'une période à deux
membres ; tiré de Cicéron ; Ergb & mihi meœ
vitcc priftinœ confuetudinem , C, Cœfar , //z-
terclufam aperuijii ( premier membre ) , ù
/lis omnibus ad ben} de republicâ fperandum ,
quaji fignum aliquod fufiulijii ( fécond
membre ).
Exemple de la période à trois membres :
Nam cum antea per œtatem hujus loci auclo-
ritatem contingere non auderem ( premier
membre ) » Jlatueremque nihil hue nifi
perfeclum ingenio elaboratumque indujlriâ afferri
oportere ( fécond membre ) , omne meum
tempus amicorum temporibus tranfmittendum
puîavi ( troifieme membre ). Cic. pro lege
Maniliâ.
On trouve un exemple de la période à
quatre membres dans la belle defcription
que fait le même orateur du fupplice des
parricides qu'on jetoit dans la mer enfermés
dans un fac : ità vivunt y ut ducere animam
de cœlo non queant ( premier membre j ità
( moriuntur , ut eorum ojfa terra non tangat
fécond membre : itk jaclantur fluclibus , ut
nunquàm ahluantur ( troifieme membre ) ; itl
pofiremo ejiciuntur , ut ne ad faxa quiâem
mortui conquiefcint{ quatrième membre ). Cic.
pro Rofcio Amer i no.
Les anciens orateurs obfervoicnt aftèz
fcrupuleufement les tregles de l'art pour la
mefure , l'étendue &| l'harmonie des périodes
daws leurs harangues ; mais dans les langues
modernes , on eft beaucoup moins févere ou
plus négligent.
Selon les règles de l'art oratoire , les
membres d''une période doivent être égaux
au
P E R
ira moins à-peu-près, afin que les repos
ou fufpenfions de la voix à la fin de chaque
membre , puiffent être à-peu-près les mê-
mes : mais on n'a point d'égard à cette
règle, quand ce qu'on écrit n'eft pas def-
tiné à être prononcé en public.
Le difcours ordinaire & familier admet
des périodes plus longues & plus courtes
que les périodes oratoires. Dans un dif-
cours public, les périodes trop courtes ,
& pour ainli dire mutilées , nuifent au
grand & au fublime dont elles interrom-
pent la marche majeftueufe. Au contraire,
les périodes trop longues l'appefantiiTent
cette marche, tiennent l'efprit de l'audi-
teur dans une fufpenfion qui produit fou-
vent de l'obfcurité dans les idées. D'ail-
leurs , la voix de l'orateur n'eft pas affez
forte pour foutenir le >ton jufqu'au bout;
on fait , à cet égard , les plaifanteries qu'on
a faites fur les longues périodes de Maim-
bourg. Phalarée , Hermogene , Térence
& les autres rhéteurs , bornent à quatre
membres h jufte longueur de la période,
appellée par les latins ambitus &c circuitus^
félon ce diftique :
Quatuor è membrls pUnumformare vîdebis
Rhctora cïrcuitum ;Jîve. ambitus ilU vo-
catur,
C'efl; aufll le fentiment de Cicéron , qui
dit dans l'orateur : confiât ilU ambitus &
phna comprehenjio ex quatuor fere parti-
bus , qucz membra dicuntur ^ ut & aures '
imphat & ne hrevior fit quàm fatis ejl
nequc longior.
Cet orateur nous fournit un exemple
du difcours périodique , dans l'exorde de 1
Toraifon pour le poète Kxc\\\2LS:fi quid in l
me fit ingenii , judices , quod fentio quàm \
Jitexiguum,autfiquaexercitatio dicendi ^ \
in qud me. non inficiormediocriter ejfe ver- |
fatum y aut fi hujufce rei ratio atque ab
optimarum artium fludiis & difcipLind
profecîa à qud ego confiteor nullum cetatis '
meœ tempus abhorruijje , earum rerum om- \
nium vcL imprimis hic AuL Liciniusfruc-
tum à me repetere proprio fuo jure débet.
Il y a encore des périodes qu'on nomme
rondes^ & cP^iitres qu'on nomme quarrées^
à caufe de leur conftrufflion 6c de leur
Tçmi XXV,
chute différentes. La période quarrée eft
cdie qui eft compofée de trois ou quatre
membres égaux , diftingués l'un de l'autre ,
comme celle que nous avons citée fur le
châtiment des parricides , ou celle-ci de
M. Fléchier:7?iVf. de Turenné n^avoit fu
que combattre & vaincre (premier mem-
bre , ) s'il ne s'était élevé au dejjus des
vertus humaines ("fécond membre.,^ fi fa
valeur & fa prudence n avaient été animées
d'un efprit de foi 6* de charité ("troifiemc
membre,^/V le mettrais au rang des Fabius
& des Scipions (quatrième membre.) Tous
ces membres , comme on voit , ont en-
tr'eux une jufte proportion.
La période ronde eft celle dont les mem-
bres font tellement joints , & pour ainft
dire enchâftes les uns dans les autres, qu'à
peine voit-once qui les unit; de forte que
la période entière coule avec une égalité
parfaite , fans qu'on y remarque de repos
confidérables : telles font les périodes de
Cicéron à deux &: à trois membres , rap-
portées ci-deffus.
D'autres appellent période ronde celle
dont les membres font tellement difpofés ,
qu'on pourroit mettre le commencement
à la fin, & vice verfd ^ fans rien ôter au
fens ni à l'harmonie du difcours , & ils en
citent pour exemple cette période de Ci-
céron ifiquantiim in agro locifque defertis
audacia potefi ^tantùminforo atque judicii
impudentia valtret^ non miniis in caufd
cederet Aulus Cœcina Sexti ^butii im^-
pudentiae , quàm titm in vi faciendd cefjle
audaciat ; car on pourroit la commencer
par ces mots : non miniis in caufd cede^
ret , &c. fans que la penfée ni le nombre
oratoire en fouffriftent.
Enfin , on appelle période croifée >
periodus decuffata , celle dont les membres
font oppofés , telle qu'eft celle qu'on vient
d€ lire ; ou celle-ci de M. Fléchier : plus
grande dans ce dépouillement de fa gran-
deur ^ & plus glorieuj'e lorfqu^ entourée de
pauvres y de malades^ ou de mourans ^
elle participait à l'humilité & à la pa-
tience de J. C. que lorfqu' entre deux haies
de troupes viclorieufes ^ dans un char bril-
lant & pompeux , elle prenait part à la
gloire & aux triomphes de fan époux. On
en trouve un grand nombre de cette efpece
346 P E R
dans cet orateur , qui donnoit beaucoup &
peut-être trop dans les antithefes.
Au demeurant , il n'y a guère de loix
à prefcrire fur l'emploi de la période. En
général, le commencement d'un difcours
grave & noble fera périodique ; mais dans
le cours de fa harangue , l'orateur fe laifie
diriger parle caradere de fes penfées, par
la nature de {es images , par le fujet de fon
récit. Tantôt fes phrafes font coupées ,
courtes , vives &. preffées ; tantôt elles
deviennent plus longues , plus tardives &
plus lenres. On acquiert , par xmQ longue
habitude d'écrire , la facilité de prendre
le rhithme qui convient à chaque chofe &
à chaque inftant , prefque fans s'en apper-
cevoir ; & à la longue ce goût , dont la
nature donne le germe, & que l'exercice
déploie, devient très-fcrupuleux.
. PÉRIODE , (^Belles-Lettres.) fe dit aufîi
du caraftere ou du point (.J , qui mar-
que & détermine la fin des périodes
dans le difcours, & qu'on appelle com-
munément plein repos ou point. Voyez
Ponctuer.
Le P. Buffier remarque qu'il fe rencon-
tre deux difficultés dans l'ufage de la pé-
riode ou du point ; favoir , de la diftinguer
du colon o\i des deux points, 6>c de déter-
miner précifément la fin d'une période ou
d'une penfée.
On a remarqué que les membres furnu-
méraires d'une période, féparés des autres
par des colons & des demi-colons , com-
mencent ordinairement par une conjonc-
tion. Voye-{ Colon. Cependant il eft
certain que ces conjonftions font encore
plus fouvent le commencement d'une nou-
velle période , que des membres furnumé-
raires de la période précédente. C'eft le
fens du difcours & le difcernement de
l'auteur , qui doivent le guider dans l'u-
fage qu'il fait de ces deux dififérentes ponc-
tuations. Une règle générale là-deUus , &
qu'il faut admettre , (i Ton ne veut pas
renoncer à toutes les règles , c'eft que
quand le membre furnuméraire eft aufîi
long que le refte de la période , c'eft alors
une période nouvelle ; que s'il eft beau-
coup plus court, c'eft un membre de la
période précédente.
I-a fecon4e difficulté çonfifte en ce qu'il
P £ R
y a plufieurs pl-iafes courtes & coupées,'
dans lefquelles le fens paroît être complet,
&c qui néanmoins ne femblent pas être de
nature à devoir fe terminer par un point.
Ce qui arrive fréquemment dans le dif-
cours libre &: familier ; par exemple : v9us
êtes tous en fufpens : faites promptement
vos propojîtions: vous jerie\ blâmables d'hé"
fiter plus long- temps. D'où l'on voit qu'il y
a de (impies phrafes , dont le fens eft auiîi
complet que celui des périodes , & qui ,
à la rigueur , doivent être terminées par
des points ; mais leur brièveté fait qu'on y
fubftitue les deux points.
PÉRIODE, PÉRIODIQUE , {Médec. )
Ces mots font tirés du grec mpioios^ formé
de '^rg?/, à rentour^ &. ô/è? , chemin : ils
fignifient littéralement circuit &c circulai-
re ; les phyfiologiftes s'en fervent quelque-
fois pour déligner la circulation du fan g;
mais ces termes font plus ufités dans la pa-
thologie. La période marque proprement le
temps qui s'écoule entre les accès , pa-
roxyfmes ou redoublement î^q.s maladies
intermittentes ; ainfila période comprend
deux temps , celui du paroxyfme & celui
de la rémiftion. Voy. ces mots, La période
peut être fixe &c conftante , ou vague ÔC
indéterminée ; elle eft fixe dans la plupart
des fièvres intermittentes, vague dans les
fièvres erratiques , & pour l'ordinaire dans
la goutte & l'épilepfie : fa durée peut varier
beaucoup; elle eft d'un jour dans les fiè-
vres quotidiennes , de deux jours dans les
tierces, de trois dans les quartes, d'gn an
dans les annuelles, quelquefois de plufieurs
années dans la goutte.
On donne la qualité ou l'épithete de
périodiques à toutes ces maladies qui éprou-
vent pendant un certain temps des alterna-
tives de bien & de mal, de diminution &:
d'augmentation àts fymptomes , qui ze{-'
fent même tout-à-fait, 5( recommencent
enfuite ; diïnÇi périodique peut être regardé
comme (y nonyrwQQ intermittent. La caufe
de ces maladies , après avoir beaucoup
exercé les médecins , eft encore pour eux
un myftere profond ; & dans le fiecle éclai-
ré où nous vivons, les médecins cherchent
peu à le pénétrer , ayant appris par les
erreurs de ceux qui les ont précédés , com-
bien les recherches dans ce genre font
P E R
jpén'ibles, & combien elles ont été infruc-
tueufes. roye^ PAROXYSME, FlEVRE
INTERMITTENTE, &c. On doit fe con
tenter de fa voir que toutes les maladies
périodiques affectent principalement les
nerfs ; que c'eft cette affection nerveufe qui
eft la caufe de la périodicité ; mais on ne
peut aller plus avant, c'efî-là le me plus
uUrà\ l'adion de cette caufe, fon mé-
chanifme , font tout- à -fait ignorée; on
n'en connoît que les effets. Des observa-
tions pratiques ont appris , i°. que ces
maladies n'étoient pas dangereufes, ^//o-
cumqui modo intermiferint , {Hippocr.
aphor. 4j , lib. If^;J i'^. qu'il étoit quel-
quefois au contraire dangereux de les faire
cefTer à bonne heure; 3°. que les remèdes
les plus propres à emporter leur périodi-
cité , étoient les nerveux antifpalniodiques
amers , vertus qui fe trouvent éminem-
ment réunies dans le quinquina, remède
anti-périodique par excellence. J'ai quel-
ques obfervations particulières qui m'ont
conlîaté une vertu femblable dans le cal-
tor, la rue, l'affa-fétida , & autre anti-
hyftériques , même vis-à-vis des fièvres
intermittentes ; mais qu'on n'oublie jamais
que l'ufage de ces remèdes n'eft pas fur,
& qu'il eft d'autant plus à craindre qu'ils
font plus efficaces. Je ne m'arrêterai point
à raflTembler une quantité d'obfervations
de fièvres intermittentes trop tôt fufpen-
dues ou coupées , comme on dit, & qui
font devenues mortelles, aiguës, ou qui
ont dégénéré en différentes affedions chro-
niques très-fâcheufes. La goutte fournit
aufîi àts exemples terribles : on me rap-
portoit , il y a quelques jours , qu'une per- 1
fonne ayant pris du quinquina, par l'avis
de quelque charlatan , pour guérir une
goutte violente dont il étoit tourmenté ,
fut effe<^ivement foulage , les accès furent
moins forts & plus éloignés les uns des
autres ; mais il mourut peu de temps après
fubitement , viftime de l'ignorance de fon
prétendu guériffeur Ô£ de fa propre crédu-
lité, fm)
■ PÈRIODEUTE , f m. (Hlft. eccléf
greq.) officier eccléluftique , vifîte'ur chez
les Grecs. Le concile de Laodicée établit
des périodeutes dans les bourgs & les châ-
teaux où il n'y avoit point d'évêques ;
PER 347
c'étolent des efpeccs de doyens ruraux ,
6 on les appelloit périodeutes , dit Zona-
ras , parce qu'ils étoient toujours en che-
min , allant de côté & d'autre pour tenirles
fidèles dans le devoir. Balfamon les nomme
exarques , 6c les Grecs appellent encore
aujourd'hui de ce nom les vifiteurs des
diocefes que les patriarches envoient pour
la levée des deniers. CD. J .)
PÉRIODIQUE, adjecl. {Ckronol. &
Afiron.'J eft ce qui termine & renferme
une période.
Mois périodique', eu l'efpace de temps
où la lune achevé fa période ou fon mou-
vement périodique. Cet efpace eft 27 jours
7 heures 43 minutes , après lequel elle re-
tourne au même endroit du zodiaque, d'où
elle étoit partie au moment de fa conjonc-
tion, yoyei Mois & Lunaison.
Périodique fe dit en général de ce qui
va Se revient fuivant quelque loi : ainfi on
dit que les accès font périodiques, dans les
fièvres intermitentes.
On appelle auffi ouvrage périodique , de§
ouvrages qui paroiffent régulièrement à
certains intervalles de temps égaux , com-
me les journaux des favans, les gazettes,
&c. [O)
PÉRIODIQUE, en terme de Gramm,
& de Rhétorique , fe dit d'un ftyleou d'un
dilcours qui a du nombre & de l'harmonie,
ou qui eft compofé de périodes travaillées
avec art. Foye^ NOMBRE.
Le ftyle périodique a deux avantages fur
le ftyle coupé; le premier ,, qu'il eft plus
harmonieux ; le fécond, qu'il tient l'efprit
en fufpens. La période commencée, l'ef-
prit de l'auditeur s'engage, ôc eft obligé
de fuivre l'orateur jufqu'au point , fans
quoi il perdroit le fruit de l'attention qu'il
a donnée aux premiers mots. Cette fuf-
penfion eft très-agréable à l'auditeur, elle
le tient toujours éveillé & en haleine : ce
qui prouve que le ftyle périodique eft plus
propre aux difcours publics , que le ftyle
coupé , quoique celui-ci n'en doive pas
être exclus ; mais le premier doit y do-
miner.
PÉRIODIQUES ('y'^tta:,) {Antiq. greqj
Les jeux périodiques étoient ceux qiu fe
célébroienc toujours après une cerraine
révolution d'années , comme les jeux
Xx 2
348, P E R
olympiques , ies Pythiens , les ifthmlen. &
îes néméens.
PÉRIODONIQUE ( Combat), ou
PÉRIODIQUE, [An numif.) ^^ mot
précédé de C&r. fe trouve en abrégé , dr.
Pcr. fur quelques médailles de Sidon. MM.
Vaillant oc Spanheim prétendent qu'ils
iignifient urtamlna periodonica ^ & qu'ils
défignent àt% jtux auxquels étoient admis
exclufîvement à tous les autres les feuls
athlètes périodiques, c'eft-à-dire, ceux
qui avoient déjà remporté la vi6loire dans
ies quatre anciens jeux facrés de la Grèce,
iavoir , d'Olympie , de Delphes, de Né-
niée & de 1 Iflhme de Corinthe ; avan-
tage que les anciens Grecs exprimoient
par ces termes: v^ko.» ■; wv Tif /OfToy , vaincre.
Le tour, vaincre le période. M. Iffelin com-
bat cette idée de MM. Vaillant & Span-
heim , & penfe que ces mots Cer. Per.
lignifient certamen periodicum ^ & qu'ils
marquent fimplement des jeux inftitués à
Sidon , à l'imitation de ceux des Grecs,
& qui leur refTembloient dans les princi-
paux points. On peut lire fes raifons dans
Vhifloire de r académie des Belles- Lettres ,
tom. III , pag. 41^ , m-ii ; & cependant
tenons-nous-en à l'opinion de MM. Vail-
lant & Spanheim fur les athlètes périodo-
niques de îa Grèce. En effet , quand Paufa-
nias aous apprend qu'Ergotelès fut pério-
donique , il veut dire certainement qu'il
remporta ùq^ prix dans les quatre jeux fo-
lemnels de la Grèce; les Grecs défignant
ces jeux parle nom de période. Ergotelès
fut doublement digne du titre glorieux de
périodonique, car il avoir été deux fois
vainqueur dans chacun ; auffi lui éleva t-on
dans le bois de Pife , une flatue magnifi-
que de la main de Lyfippe. (^D. J.)
PÉRIŒCIENS, (Co//«o5-J en grec
nêf/o//.c/ , en latin Pericœi, c'efl-à-dire, qui
font tout à l'entour.On nomme périœciens,
en géographie, des habitans delà terre fous
les mêmes parallèles, c'eft-à-dire , à même
diftance du pôle & de Téquateur , mais
toujours vers le même polç. Il n'eft pas
péceflaire qu'il y ait 180 degrés de diftance
des uns aux autres. Le mot ne dit point
cela; il fufiit d'être fous le même para-
lelle. Par exemple , les habitans de Char-
kftown dans U C<^roline3 de Mit^uén^z
PER
au Maroc , de Candahar en Afte , &c. font
périœcicns l'un à l'autre , par rapport a
ce qu'ils habitent fous un même parallèle »
quoiqu'à différentes diftances du premier
méridien.
Les peuples qui font fous un même pa-
rallèle , ont le même été & le même hiverj
en un mot , les mêmes faifons , fauf pour-
tant la différence qu'y peuvent mettre les
qualités du terroir plus haut ou plus bas ,
plus fec ou plus humide , &c. Ils ont les
jours également longs , & les nuits de
même, c'eft-à-dire, que fi le plus long
jour eft de vingt heures pour le peuple
d'un parallèle , tous les peuples qui font
périceciens à fon égard , ont le jour aufli
de vingt heures dans le même tour du fo-
leil ; il en eft de même des nuits.
Si , par périceciens on entend ceux qui
habitent fous un même parallèle & fous
un même méridien continué au delà du
pôle, de forte que les deux peuples qui
(ont périœciens l'un à l'autre, aient précr-
fément la même latitude , mais une lon-
gitude différente de 180 degrés ; alors on
conçoit aifément que des peuples qui ont
entr'eux ce rapport , doivent être oppo-
Çés pour le jour & pour la nuit , quoiqu'ils
comptent la même heure , l'un à midi
quand l'autre la compte à minuit. 11 eft
trois heures également pour l'un Se pour
l'autre , mais l'un compte trois heures du
matin , & l'autre trois heures du foir , &C
ainfî de tous les autres inftans du jour &
de la nuit. En ce fens , ce qui eft au cou-
chant d'un de ces peuples, eft à l'orient de
l'autre. Aux jours des équinoxes , le foleil
fe levé pour l'un de ces peuples , quand il
fe couche pour l'autre. (Z>. /.)
PÉRIOSTE, f. m. (Anat.& Phyfiol.)
membrane très-fine qui revêt les os ; elle
eft d'un tiftu fort ferré , parlemé d'une infi-
nité d'artères, de veines & de nerfs qui la.
rendent d'un fentiment très- exquis. Déve-
loppons la ftru6lure ou périofie-, c'eft un
beau fujet d'anatomie phyfiologique.
Le périofte enveloppe non-feulement les:
parties convexes des os , mais il porte
encore des vaifteaux artériels dans leurs
cellules & daiîs leur moelle , & eft par-
feméd'un nombre incroyable de vaifteaux
] veineux ;^ tant grands que petits. On ikit
P E R
que Clopton Havers a démontré , dam fon
oftéologie^ que tous les os du corps humain
font couverts d'une membrane très-déliée ,
extrêmement fine , & compofée de difFé-
rens lirs de fibres placées les unes fur les
autres fans s'entrelacer ; ces fibres font pa-
rallèles les unes aux autres , & dans la
même direction que la longueur de l'os.
Cette membrane eft plus épalffe dans
de certains endroits que dans d'autres, &:
paroît compofée de fibres qui fe crolfent
de différentes manières ; mais cela pro-
vient des mufcles & de leurs tendons, qui
s'infèrent dans le période avant que de
s'unir aux os.
Clopton Havers a remarqué que le pé-
riofte qui couvre les os n'exlfte point dans
les lieux où nalflent les ligamens qui unif-
fent les os articulés , & que le périofte
s'étend fur les liga '• ens , & paffe de cette
manière à l'os adjacent : d'où il a conjeftu-
ré que ce n'étoit autre chofe qu'une conti-
nuation de la même membrane, qui tirant
fon origine de la dure-mere , couvroit le
crâne , s'étendolt fur la furface de tous les
autres os, & s'adaptoit fi parfaitement à
toutes leurs cavités & à toutes leurs émi-
nences, qu'elle couvroit toute leur furface.
Quant à la partie des os articulés contenue
fous les ligamens qui forment les capfules
des articulations , elle eft deftituée du pé-
rlofte ; cette membrane s 'en fépare, & paffe
fur les ligamens : d'où il s'enfuit que rien
n'entre dans les os , ni n'en fort que par le
moyen du périofte.
Tous les vaifTeaux qui entrent dans les
os, tant pour leur nutrition que pour leur
accrolfifement , qui pénètrent dans leurs
parties cellulaires , ou qui s'unifient par
des trous à la moelle ramafiTée dans la
cavité qui eft au milieu , ou à la partie
également éloignée des extréniités , tra-
verfent d'abord le périofte ; il en eft de
même des petites veines qui rapportent le
fang: d'où il s'enfuit que cette membrane
eft d'une nature extrêmement vafculaire ,
ainfi que Ruyfch l'a démontré dans fes
adverf. décad. 3 , PI. II , Jig. 8.
D'ailleurs, le périofte eft fortemeat uni
aux os par le mc^yen des ramifications des
valffeaux qui le iraverfent pour y entrer ,
& des veines qui le traverfent derechef
P E R 34^
pour en fortir prefque à chaque point. Telle
eft la caufe de fa forte adhéfion , fur-tout
dans les jeunes gens. Pour ks vieillards^
en qui la plupart de ces vaififeaux font def-
féchés, on a remarqué que le périofte ne
tenoit que foiblement à l'os.
Clopton Havers , furprls de l'adhéfion
de cette membrane avec ks os , imagina y
avant les découvertes de Ruyfch , qu'elle
n'étoit jamais plus grande qu'à cet âge , où
les os font mous , &C pour ainfi dire glutl-
neux. Il avoit d'ailleurs obfervé que le
périofte s'unlffoit aux os par de petites
fibres qui en partoient , & qui pénétroient
dans leur fubftance. Ruyfch démontra dans
la fuite par fes injeétions , que les fibres de
Clopton Havers étolent de petits vaift^eaux
qui paftbient du périofte dans l'os en nom-
bre incroyable. Ce ne font pas ks plus
grands os feulement qui font couverts d'un
périofte vafculaire, cela leur eft commun
avec les plus petits os , même avec ceux
de l'oreille , quoique d'habiles anatomiftes
aient afiTuré le contraire. La cavité inté-
rieure du tympan a fon périofte parfemé
d'une multitude Innombrab'e de vaifi^eaux,
ainfi que Ruyfch l'a démontré par la figure
qu'on en trouve dans la neuvième de (os
épîtres anatomiques. _
Les os ont encore un périofte intérieur,
qui enduit & couvre les cavités qui con-
tiennent la moelle , dlftribue ks vaifleaux
artériels aux véficules médullaires, & re-
çoit un nombre incroyable de valffeaux
veineux , tant grands que petits»
Le périofte interne ne fe repréfenfe pa»
aux fens fi facilement que le périofte ex-
terne : cependant il n'y a point de doute
que cette membrane n'exifte, & qu'elle
ne foit d'une nature fort tendre, puifque
la nature a jugé à propos de la couvrir d'uti
os pour la garantir de toutes injures. La
dure-mere couvre le crâne , & lui tient
lîeu de périofte. Mais comme c'eft de
cette membrane que partent les gauies qui
enveloppent les nerfs dès leur origine de
la moelle alongée & de la moelle fpinale^
il étoit nécefiaire que fon rifi^u fut tant foit
peu plus épais & plus fort , afin qu'elle pût
fervir à ks garantir»
Le périofte Interne étant , dans ks os
creux \qs plus confidérabks j mis à l'abri^
3 5© , , P E R
de toute offenfe , & ne fervant qu'à tapif-
fev leur fiirface intérieure , & à recevoir
des vaiffeaux , n'avoit pas befoin de la
même fermeté & de la même force que
le période extérieur. C'eft fa foiblefle
extrême qui le rend difficile à découvrir.
Il eft trôî-difficile de fuivre la continuité
de cette membrane dans les os , dont la
/urface intérieure eft entièrement cellulai-
re ; l'irrégularité de la ftruélure Se du tiffu
ne le permet pas.
La même obfervation n'eft pas plus fa-
cile vers les extrémités des gros os , où
l'union étroite & forte des lames ofleufes
les rend plus folides, & où ils ont une
cavité confidérable deftinée à contenir la
moélie.
Nous lifons dans les advtrf. décad. 3 ,
de Ruy fch, que les anatomiftes ont bazardé
beaucoup de chofes. fur la membrane qu'ils
fuppofent fervir d'enveloppe à la moelle.
Cet auteur prétend qu'il n'y a aucune mem-
brane commune dont la moelle foit cou-
verte dans les os , dont les cavités font
pleines d'une fubftance offeufe &rpongieu-
ie , ou oiTeufe & filanienteufe ; ce qui ne
feroit point furprenant , car il eft évident
qu'alors la moelle n'eft pas ramaflee dans
une feule cavité , mais qu'elle fe trouve
diftribuée dans plufieurs cellules.
Le même auteur décrit encore dans l'en-
droit que nous venons de citer, une por-
tion de l'os de la cuiffe d'un enfant. Il parut
dans la cavité de cet os, divifé avec une
fcie , une membrane mince comme une
toile d'araignée, qui enveloppoit la moelle,
& qui étoit parfemée de petites artères.
Il eft donc évident qu'il y a dans la cavité
intérieure des os, une membrane mince,
telle que le périofte interne. Ce dont il
eft permis de douter , c'eft fi cette mem-
brane appartient à la moelle , ou il elle
tapiffe l'os en qualité de périofte inter-
ne, ou ft elle eft deftinée à l'un & à l'au-
tre emploi.
Si nous examinons avec attention ce
que Clopton Havers dit dans (on ofléolo-
gie nouvelle de la ftrufture de la moelle , il
nous paroîtroit fort vraifemblable que la
membrane en queftion en eft diftinguée ;
car cet auteur avance que la moelle entière
eft contenue fous une membrane mince St
PE R
? tranfparente , qui eft en quelques endroits
j d'une couleur rougeâtre , corr\me s'il y
avoit de petits vaifleaux fanguins , qui
n'appartenoient point du tout à h mem-
brane qui fervoit d'enveloppe, & qu'il avoit
féparée.
On lit dans cet auteur, immédiatement
après ce que nous venons de citer , que la
membrane dont il s'agit, non-feulement
eft attachée à l'os ^z^ petites veines, mais
s'infinue même dans les pores obliques ,
dont la furface interne à^s os eft percée.
A s'en tenir à cette defcription, on pronon-
cera fans balancer que la membrane mince
que nous examinons ici , eft adhérente à la
furface interne des os , & que des vaifteaux
forment fous elle une nouvelle membrane
qui couvre la moelle ; & conféquemment
que le périofte interne eft diftingué de la
moelle à laquelle il eft contigu.
L'ufage de ce périofte interne fera non
feulement de diftribuer des vaifteaux arté-
riels dans les véficules médullaires , & de
recevoir à leur retour des véficules médul-
laires les vaifteaux veineux ; mais encore de
faciliter l'accroiffement & la nutrition des
os , par le moyen de ces vaifteaux qui en-
trent dans leur fubftance & en fortent.
Il y a telle maladie des os, qui fuffiroit
peut-être , par les phénomènes qu'on y
remarque , pour achever de confirmer tout
ce que nous venons de dire du périofte
interne. Ruy fch , thefaur. 10 , n. l'jç) ^
donne la defcription & la figure d'un cu-
bitus carié & corrodé, dans.la cavité duquel
il y avoit un tuyau offeux , entièrement
féparé de la fubftance extérieure de cet os,
& mobile en tout fens. Il eft aftez vraifem-
blable que la partie intérieure de l'os , à la
nutrition de laquelle fert principalement
le périofte interne , ayant été aife^rtée avec
ce périofte même , la partie intérieure
& tubuîeufe de l'os s'eft léparée de fa par-
tie extérieure. Delà naiffenr des inflamma-
tions dans le périofte interne ; maladies
qui pafferont à l'os qui eft contigu , de
même qu'à la moelle qui eft fubjacente.
Mais c'en eft aftez fur cette matière. {D.J.)
Supplément à cet article.
Le périofte eft , dans l'homme adulte ^
P E R
une cellulofité très-ferrée &très-compa(fle
qui s'attache à toute la fur face de tous les
os du corps humain , fans exception ; les
offelets de Touie , les canaux fémi-circulai-
res, le limaçon ,a fon période bien marqué
& bien vafculeux.
Dans le fœtus, c'étoit une membrane
beaucoup plus mince & plus légèrement
collée à l'os: on l'y détache avec facilité ,
& l'os en fort comme d'une gaîne ; il n'y
a guère d'attache encore qu'à l'union du
corps de l'os à l'épiphyfe. Dans l'adulte ,
le périofte entre dans toutes les fentes ,
dans tous les petits puits, 6>c dans tous les
enfoncemens de la furface de l'os , 6c s'y
attache avec la plus grande force; il pafle
de l'os à Tépiphyfefans entrer dans l'inter-
valle qui les féparoit dans le tœtus : il paffe
enfuite d'un os à l'autre : c'eft le périofte
qui forme des capfules articulaires ; cela eu
vifible dans le fœtus. Il eft vrai que des
tendons, des ligamens , Scmême des muf-
cles, s'y attachent fouvent; mais le fond
de la capfule eft toujours le périofte même.
Ce périofte eft extrêmement vafculeux
6c s'injefte aifément. Les dernières bran-
ches des artères profondes de chaque mem-
bre, s'y vont terminer, & y forment des
réfeaux : chaque artère communique , &
avec l'artère fupérieure , & avec celle qui
la fuit infërieurement , 6c toute la fuite
des artères des os fait un réfeau non in-
terrompu. L'artère médullaire y ajoute
fouvent une branche.
Dans l'adulte , ou ne voit au périofte
que ce que je viens de dire ; dans le fœtus
on voit beaucoup davantage. Non-feule-
ment il accompagne l'artère médullaire
dans fon canal , mais il entre dans tous
les intervalles des fibres 6c des lames :
des vaiffeaux l'y accompagnent ; il forme
un fyftême^e Lim.es 6c de cloifon ; une
cellulofité continuée , qui eft le fondement
de l'os. Nous l'avons dit , ce fyftême
devient un os parfait , quand , au lieu
d'une glu animale , la terre abforbante
s'y extravafe , 6c en remplit les petites
cellules.
Il eft très-difficile de décider s'il y a
un périofte interne. Il n*eft pas douteux
que la moelle ne foit contenue dans une
fuite de cellules membraneufes , couvertes
PER 551
de vaifteaux ; mais il n'eft pas facile de
dire fi cette membrane médullaire s'atta-
che à la furface interne de l'os , comme le
périofte s'y attache à la furface externe.
Je pencherois cependant à le croire. La
membrane médullaire ne fauroit balotter,
ni fe pafifer d'attaches ; tout eft lié dans le
corps de l'animal; 6c cette membrane ne
peut avoir d'attaches que par de petits
vaifiTeaux qui , de la cellulofité médullaire ,
entrent dans la fubftance de l'os.
Dailleurs , les cellules maftoïdiennes,
ethmoïdiennes , 6c les finus pituitaires ,
font fans contredit de la mêmeclafife avec
les cellules de l'épiphyfe; 6c ces cellules
ont leur périofte bien vifible.
Le périofte a-t-il des nerfs, a-t-il du
fentiment ? Je traiterai la dernière de ces
queftions à Variicle SENSIBILITÉ. Pour
la première , on doit répondre avec pré-
caution. Il y a fans doute fur le péricrâne,
fur le périofte du carpe 6c du tarfe , des
nerfs qiù y rampent. H n'cft pas également
fur qu'ils fe perdent dans le périofte : la
dure -mère en manque certainement , 6c
on n'a pas bien fuivi encore ces nerfs
mous du périofte : ils m'ont femblé fe por-
ter aux mufcles interofi^eux dans le tarfe
6c dans le carpe ; 61 je n'ai pas remar-
qué qu'ils aient donné des branches.
Pour la queftion, fiJe périofte eft l'or-
gane qui forme les os , voyei l'an, Os.
(Jjf. D. G.J
PÉRIPATÉTICIENNE ( Philoso-
phie j, ow Philosophie d'Aristote,
ou AriSTOTÉLISME, CUiJi. de la Phil.)
Nous avons traité fort au long du péripaté-
ticifme , ou de la philofophie d'Ariftote à
Varticle AriSTOTÉLISME; il nous en refté
cependant des chofes intérefifantes à dire ,
que nous avons réfervées pour cet article ,
qui fervira de complément à celui du troi-
fieme volume de cet ouvrage.
De la vie d'Ariftote. Nous n'avons rien
à ajouter à ce qui en a été dit à Varticte
AriSTOTÉLISME. Confultez cet endroit
fur la naiflTance , l'éducation , les études y
le féjour de ce philofophe à la cour de
Philippe 6c à celle d'Alexandre, fur foi»
attachement 6c fa reconnoiftance pour
Platon fon maître, fur fa vie dans Athènes,
fur l'ouverture de fon école , fur fa manière
3|i P ER P E R ^
de philofophef , fur fa retraite à Chalcis 1 ] n-*adrtiet ni le plus , ni le moins , & elle
z' V r r ^ /•- 1-. i-r il i-. -\._r-- i_-r_:/L„^ ' i_-
Tur fa mort , fur (qs ouvrages , fur les dif-
férentes parties de fa philoibphie en géné-
ral. Mais , pour nous conformer à la mé-
dénomme les chofes , en les faifant égales
ou inégales.
9. La relation eft le rapport de toute la
thode que nous avons fuivie dans tous nos ' nature d'une chofe à une autre; elle admet
articles de philofophie , nous allons don- | le plus & le moins ; c'eft elle qui entraîne
rer ici les principaux axiomes de chacune ' une chofe par une autre» qui fait fuivre la
1 • t r j_rL_!__ r.M.' '..„ ,..„: — j» ^^JL^ÀÀ — ..„ a, -,ii^ ^:
des parties de fa doftcine, confidérées plus
attentivement.
Di La logique d'Arifiote. i . La logique
a pour objet ou le vraifemblable , ou le
vrai ; ou, pour dire la même chofe en des
termes différens , ou la vérité probable , ou
la vérité confiante & certaine. Le vraifem-
blable , ou la vérité probable , appartient à
la dialeftique; la vérité confiante & cer-
taine, à l'analyfe. Les démonftrations de
l'analyfe font certaines ; celles de la dialec-
tique ne "font que vraifemblable?.
2. La vérité fe démontie, &c pour cet
effet on fe fert du fyllogifme ; &: le fyllo-
gifme eft ou démonfiratif & analytique,
ou top'que & dialeftique. Le fyllogifme efi
compofé de proportions ; les proportions
font compofées de termes fimples.
3. Un terme efi ou homonyme, ou fy-
nonyme, ou paronyme ; homonyme, lorf-
qu'il comprend plufieurs chofes diverfcs
fous un nom comn*in ; fynonyme lorf-
qu'il n*y a point de différence entre le
nom de la chofe &^fa définition ; parony-
me , lorfque les chofes qu'il exprime , les
jnêmes en elles , différent par la terminai-
fon & le cas.
4. On peut réduire fous dix claffes les
term^es univoques ; on les appelle prcdica-
mens ou catégories.
5. Et ces dix claffes d'êtres peuvent fe
rapporter ou à la fubftance qui eft par elle-
jnéme , ou à l'accident qui a befoin d'un
fujet pour être.
6. La fubftance eft ou première propre-
ment dite , qui ne peut être le prédicat
d'un autre , ni lui adhérer -, ou féconde ,
fubfiftante dans la première , comme les
genres & les efpeces.
7. Il y a neuf claftes d'accidens ; la
quantité , Ta relation , la qualité , l'aftion ,
-la paflion , le temps , la fituation , l'ha-
bitude.
première d'une précédente , &: celle - ci
d'une féconde , & qui les joint.
10. La qualité fe dit de ce que la chofe
eft , & l'on en diftingue de quatre fortes ;
la difpofirion naturelle & l'habitude , la
puiftance & rimpuifT^nce naturelles , la
paiîibilité 6c la paifion , la forme & la
figure ; elle admet intenfité & rémiflion ;
&c'eft elle qui fait que les chofes font di-
tes femblables & diflemblables.
ii.L'aclion&la paflion; la paflion, de
celui qui fouffre ; l'adion, de celui qui fait,
marque le mouvement, admet des contrai-
res , intenfité & rémiflion.
12. Le temps & le lieu, la fituation &
l'habitude indiquent les circonftances de la
chofe défignée par ces mots.
13. Après ces prédicamens, il fautcon-
fidérer les termes qui ne fe réduifent point
à ce fyftême de ciafles , comme les oppo-
fés ; & l'oppofirion eft ou relative , ou con-
traire , ou privative , ou contradictoire ;
la priorité , la fimultanéité , le mouvement ,
l'avoir.
14. L'énonciatlon ou la propofltion eft
compofée de termes ou mots; il faut la rap-
porter à la doftrine de l'interprétation.
15. Le mot eft le figne d'un concept de
l'efprit; il eft ou fimp'e & incomplexe, ou
complexe ; fimple , fi le concept ou la per-
ception eft fimple , & la perception fimple
n'eft ni vraie, nifaufle; ou la perception
eft complexe , & participe de la fauiTeté &
de la vérité, & le terme eft complexe.
16. Le nora eft un mot dinftitution,
fans rapport au temps , & dont aucune
des parties , prife féparément oc en elle-
même , n'a de fignification.
17. Le verbe efi un mot qui marque le
temps, dont auctme partie ne fignifie par
elle-même , & qui eft toujours le figne des
chofes qui fe difent d'une autre.
j8. Le difcQurs eft une fuite de mots
8. La quantité eft ou contenue ou dif- d'inftitution , dont chaque partie féparéc
crête ; elle n'a point de contraire; elle &: l'enfemble fignifient,
19. Entre
P E R
19. Entre les difcours, le feul qui Toit
énonciarit' & appartenant à l'herméneuti-
que , efl celui qui énonce le vrai ou le
faux ; les autres font ou de la rhétorique ,
ou de la poélie. Il a Ton fujet , Ton prédicat
& fa copule.
20. Il y a cinq fortes de propofltions ,
des fimplej & des complexes , des affir-
matives & des négatives, des univerfelles ,
des particulières , des indéfinies & des
fîngulieres , des impures & modales. Les
modales font ou néceflâires , ou poflibles ,
ou contingentes , ou impofiibles.
2. 1 . Il y a trois chofes à conlîdérer dans
la propofition , roppofition,réquippollence
& la converfion.
22. L'oppofition efl ou contradidoire, ou
contraire, ou fous-contraire.
23. L'équipoUence fait que deux propo-
fltions défignent la même chofe , & peu-
vent être enfemble toutes les. deux vraies
ou toutes les deux faufles.
24. La converfion eft une tranfpofition
<le termes , telle que la propofition affirma-
|ive &: négative foit toujours vraie,
25. Leiyllogifme eft un difcours où de
prémifîès pofées il s'enfîiit néceflairement
quelque chofe.
26. Trois termes font toute la matière
du fyllogifme. La difpofition de ces termes ,
ièlon les figures & les modes , en eft la
forme.
27. La figure eft une difpofition du
terme moyen & des extrêmes , telle que
la conféquence foit bien tirée. Le mode eft
la difpofition des propofitions , eu égard à
la qualité & à la quantité.
28. Il y a trois figures de fyllogifme.
Dans la première , le terme moyen eft
fùjet de la majeure , & prédicat de la
mineure ; & il y a quatre modes où la
conféquence eft bien tirée. Dans la féconde,
le terme moyen eft le prédicat des deux
•extrêmes , & il y a quatre modes qui con-
cluent bien. Dans la troifieme , k moyen
eft le fujet aux deux extrêmes , & il y a
fix modes où la conclufion eft bonne.
• 29. Tout fyliagifme eft dans quelqu'une
de ces figures, le parfait dans la première ,
& peut fe réduire à fon mode univerfel.
30. Il y a fix autres formes du raifonne-
«nent ; la converfion des termes , l'induc-
Tome XXV.
PER 3J3
tîon , l'exemple , l'abdudlon , l'inftance ,
l'enthymêrae. Mais toutes ayant force de
fyllogifme , peuvent & doivent y être
réduites.
31. L'invention des fyllogifmes exige,
I. \ts termes du problême donné; & la
fuppofition de la chofe en queftion , des
définitions , des propriétés , des antécé-
dences , des conféquences , des répu-
gnances. 2. Le difcernement des efTentiels ,
des propres , des accidentels , des cer-
taines & des probables. 3. Le choix de
conféquences univerfelles. 4* L^ choix
d'antécédences dont la chofè foit une
conféquence univerfelle. ^. L'attention de
joindre le figne d'univerfalité, non auconfé-
quent , mais à l'antécédent. 6. L'emploi de
conféquences prochaines & non éloignées.
7. Le même emploi des antécédens. 8. La
préférence de conféquences d'une chofe
univerfelle , & de conféquences univer-
felles d'une chofe.
La finefîe & l'étendue d'efprit qu'il y a
dans toutes ces obfervations , eft incroyable.
Ariftoten'auroit découvert que ces chofes ,
qu'il faudroit le regarder comme un homme
du premier ordre. Il eût perfedionné tout
d'un coup la logique , s'il eût diftingué les
id^es de leurs fignes , & qu'il fe fût plus
attaché aux notions qu'aux mots. Inter-
rogez les grammairiens fur l'utilité de fès
diftindions.
3 2, Tout difcours fcientifique eft appuyé
fur quelque penfée antérieure de la chofe
dont on difcourt.
33. Savoir , c'eft entendre ce qu'une
choie eft , qu'elle eft , que telle eft fa
caufe , & qu'elle ne peut être autrement.
34. La démonftration eft une fuite de
f>-lIogifmes d'où nait la fcience.
35. La fcience apodidique eft des caufes
vraies , premières , immédiates , les plus
certaines , & les moins fujettes à une
démonftration préliminaire.
36. Il n'y a de fcience démonftrative
que d'une chofè nécefTaire ; la démonftra-
tion eft donc compofée de chofes nécef^
faires.
37. Ce qu'on énonce du tout , eft ce
qui convient au tout par lui-même &
toujours.
38. Le premier univerfel eft ce qui .efl
354 P E R.
par roi-même , dans chaque chofe , parce
que la chofe efl chofe.
39. La démonftration le fait i>ar des
conclufions d'éternelle vérité. D'où il
s'enfuit qu'il n'y a ni démonilration des
chofes paflâgeres , ni fcience , ni même
définitions.
40. Savoir que la choie eft , eft un ,
& favoir pourquoi elle eft , eft un autre.
Delà deux fortes de démonftrations ,
l'une à priori , l'autre à pcfieriori. La
démonftration à priori eft la vraie &: la
plus parfaite.
41. L'ignorance eft l'oppcfé de la
fcience ; ou c'eft une négation pure , ou
Une dépravation. Cette dernière eft la pire ;
elle naît d'un fyllogifme qui eft faux , dont
le moyen pèche. Telle eft l'ignorance qui
naît du vice des fens.
42.. Nulle fcience ne naît immédiate-
ment des fens. Ils ortt pour objet l'indivi-
duel ou lingulier , & la fcience eft des uni-
verfaux. Ils y conduifent , parce que Ton
pafîe de l'individuel connu par le fens , à
Funiverfel.
43. On procède par induâion , en allant
des individuels connus pat- le fèns , aux uni-
Yerfaux.
44. Le fyllogifme eft dialeâique , lors-
que la conclufion fuit de chofe probable :
or le probable eft ce qui femble à tous
ou à plufieurs y aux hommes inftruits . &
45. La dialeâique n'eft que l'art de
conjedurer. C'eft par cette raifon qu'elle
n'atteint pas toujours fa fin.
46. Dans toute propofition , dans tout
problême on énonce ou le genre , ou la
différence , ou la définition , ou le propre ,
ou l'accident.
47. La définition eft un. difcours qui
explique la nature de la chofè , fon propre ,
non ce qu'elle eft, mais ce qui y eft.
Le genre eft ce qui^pcut fe dire de plufieurs
efpeces différentes. L'accident eft ce qui
peut être ou n'être pas dans la chofe.
48. Les argumens de la dialedique
procèdent ou par l'indudion , ou par le
fyllogifm.e. Cet art a fcs loix On emploie
i'!nduâ:ion contre les ignorans , le fyllogifme
avec les hommes inftruits.
49. L'élcaçhus eft un fyllosirme qui cou-
P E R
tredit la conclufion de l'antagonifte ; fî
l'élenchus eft faux , le fyllogifme eft d'un
fophifte.
50. L'élenchus eft fophiftique,oudans les
mors , ou hors des motsr
51. Il y a fix fortes de fc)phifmcs de
mots, riiomonifme , l'amphibologie, la
compofition , la divifion , l'accent, la
figure du mot.
52. Il y a fept fortes de fophifmes lors
àts mots ; le fophilme d'accident , le
fophifi'ne d'univerfaliré , ou de conclufion
d'une chofe avouée avec reftridion à une
chofè fans reftrlction ; le ibphifme fondé
fur l'ignorance de l'élenchus; le fophifmc
du conféquent ; la pétition de principe ;
le fophifme de caufè fuppofée telle , &
non telle ; le fophifme àts interrogations
fucceflives.
5^. Le fophifte trompe ou par des chofes
fauffes , ou par des paradoxes , ou par le
folécifme , ou par la tautologie. Voilà les
limites de fon art.
De la philofophie naturelle d'Arifiote,
Il difbit , r. le principe des chofes natu-*
relies n'eft point un , comme il a plu aux
élcatiques ; ce n'eft point l'homéomérie
d'Anaxagore , ni les atomes de Leucippc
& de Démocrite , ni les élémens fenfibles
de Thaïes & de fon école , ni les nom-
bres de Pithagore , ni les idées de Platon»
2. Il faut que les principes des choies
naturelles foient oppofés entr'eux, par qua-
lités & par privations.
3. J'appelle ;7rzVïc/p^j" , des chofes qui ne
font point réciproquement les unes des
autres , ni d'autres chofes ^ mais qui font
d'elles-mêmes , & dont tout eft. Tels
font les premiers contraires. Puifqu'ils font
premiers , ils ne font point d'autres ; puif-
qu'ils font contraires , ils ne font pas les
uns àes autres.
4. Ils ne font pas infinis ; làns cette
condition , il n'y a nul accès à la connoif^
fance de la nature. Il y en a plus de
deux. Deux fe raettroient en équilibre è
la fin , ou fe détruiroienr , & rien ne feroit
produit. *
5. Il y a trois principes dts chofes natu^
relies ; deux contraires , la forme & lâb
privation ; un troifieme également foumis.
aux deux autres , la matière. La forjsie ôc
P E R.
îa trratiere confliruent la chofe. La priva-
tion n'eft qu'accidenrellç. Elle n'entre
point dans la matière. Elle n'a rien qui lui
convienne.
6. Il faut que ce qui donne origine aux
chofes foit une puiflance. Cette puiflance
efî la matière première. Les chofes ne
font pas de ce qui eft aâuellcment , ni
de ce qui n'eft pas aduelleraent ; car ce
n'eftrien.
7. La matière ni ne s'engendre , ni ne
fe détruit ; car elle eft première , le (ujet
infini de tout. Les choies font formées pre-
mièrement , non pas d'elles-mêmes , mais
par accident. Elles ie réfoudront ou fe réibl-
vent en elle.
8. Des chofes qui font , les unes font
par leur nature , d'autres par des caufes.
hes premières ont en elles le principe du
mouvement ; les fécondes ne l'ont pas.
La nature eft le principe & lacaufe du mou-
vement ou du repos en ce qui efl premiè-
rement de foi & non par accident ; ou elles
fe repofent & fe meuvent par leur nature ;
telles font les fubftances matérielles. Les
propriétés font analogues à la nature , qui
confifle dans la matière & dans la forme.
Cependant la forme , qui eft un ade , ti\
plus de nature que la matière.
Ce principe eft très-obfcur. On ne fait
ce que le philofophc entend par naturr. Il
femble avoir pris ce mot fous deux accep-
tions différentes , l'une de propriété eflên-
tielle , l'autre de caufe générale.
9. Il y a quatre efpeces de caufes ; la
matérielle , dont tout efl ; la formelle ,
par qui tout eft , & qui eft la caufe de
l'eflence de chaque chofe ; l'efficiente , qui
produit tout ; & la finale , pour laquelle
tout eft. Ces caufes font prochaines ou
éloignées ; principales ou acceflbires ; en
acte ou en puilTance ; particulières ou uni-
vcrfelles.
10. Le hazard eft caufe de beaucoup
d'effets. C'cft un accident qui furvient à
des chofes projetées. Le fortuit fè prend
dans une acception plus étendue. C'eft un
accident qui furvient à des chofes projetées
par la nature , du moins pour une fin
marquée.
11. La nature n'agit point fortuitement ,
« hazard , & iàns deflein : ce que la nature
prémédite , a lieu , en tout ou en partie ,
comme dans les monftres.
12. Il y a deux néceffités , Pune abfolue,
l'une conditionnelle. La première eft de la
matière ; la féconde , de la forme ou fin.
13. Le mouvement eft un aâe de la pu'iC-
(ànce en adion.
14. Ce qui pafTe fans fin eft infini. II n'y
a point d'ade infini dans la nature. Il y a
cependant des êtres infinis en puifïàncc.
IÇ. Le lieu eft une furface immédiaft
& immobile d'un corps qui en contient
un autre. Tout corps qu'un autre contient,
eft dans le lieu. Ce qui n'eft pas contenu
dans un autre , n'eft pas dans le lieu. Les
corps ou fe repofent dans leur lieu naturel ,
ou ils y tendent comme des portions arra-
chées à un tout.
16. Le vuide eft un lieu dénué de corps.
Il n'y en a point de tels dans la nature.
Le vuide fe fuppofè , il n'y auroit point
de mouvement ; car il n'y auroit ni haut ,
ni bas , ni aucune partie où le mouvement
tendît.
17. Le temps eft le calcul du mouvement
relatif à la priorité & à la poftériorité. Les
parties du temps touchent à l'inftant
préiènt , comme les parties d'une ligne au
point.
18. Tout mouvement & tout change-
ment fe fait dans le temps ; & il y a
dans tout être mu , vîtefïê ou lenteur
qui fè peut déterminer par le temps.
Ainfi le ciel , la terre & la mer font dans
le temps , parce qu'ils peuvent être mus.
19* Le temps étant un nombre nombre ;
il faut qu'il y ait un être nombreux qui
foit ion fijpport.
20. Le repos eft la privation du mou-
vement dans un corps confidéré comme
mobile,
2.1. Point de mouvement qui fe fafTe
en un inftant. Il fe fait toujours dans le
temps.
22,. Ce qui fe meut dans un temps en-
tier , fe meut dans toutes les parties de ce
temps.
23. Tout mouvement eft fini ; car il Ce
lait dans le temps.
14. Tout ce qui fe meut eft mu par uti
autre qui agit ou au dedans ou au dehors
du mobile,
Yyl
35« P E R.
25. Mais comme ce progrès à l'infini efl
impofTible , il faut donc arriver à un pre-
mier moteur , qui ne prenne Ton mouve-
ment de rien , & qui foit l'origine de tout
mouvement.
26. Ce premier moteur efl immobile ;
car s'il fe mouvoit, ce feroit par un autre ;
car rien ne fe meut de foi. Il efl éternel,
car tout fe meut de toute éternité ; & fi le
mouvement avoit commencé , le premier
fnoteur n'auroit pu mouvoir , & la durée
ne feroit pas éternelle. Il efi indivifible &
fans quantité. Il eft infini ; car le moteur
doit être le premier , puifqu'ii meut de
toute éternité. Sa puiflance efl illimitée ;
or une puiflance infinie ne peut fe fup-
pofer dans une quantité finie , telle qu'cfl
le corps.
27. Le ciel compofé de corps parfaits ,
comprenant tout , & rien ne le compre-
nant , efl parfait.
28. Il y a autant de corps fimples que
de différences dans le mouvement fimple.
Or il y a deux mouvemens fimples , le rec-
tiligne & le circulaire. Celui-là tend à
s'éloigner du centre ou à en approcher, fans
modification ou avec modification. Comme
ily a quatre mouvemens redilignes fimples ,
il y a quatre élémens ou corps fimples. Le
mouvement circulaire étant de nature con-
traire au mouvement rediligne , il faut
qu'il y ait une cinquième effence , diffé-
rente des autres , plus parfaite , divine ,
c'efl le ciel.
19. Le ciel n'efl ni pefant , ni léger. Il
ne tend ni à s'approcher , ni à s'éloigner du
centre , comme les graves & les légers. Il
fe meut circulairement.
30. Le ciel n'ayant point de contraire ,
ij efl fans génération , fans conception ,
fans accroiflèment , fans diminutian , fans
changement.
31. Le monde n'efl pomt infini , & il
n'y a hors de lui nul corps infini ; car le
corps infini efl impofSble.
32. Il n'y a qu'un monde. S*il y en avoit
plufieurs poufîés les uns contre Its autres ,
Ils fe déplaceroient.
33. Le monde efl éternel ; il ne peut
ni s'accroître ni diminuer.
34. Le monde ou le ciel fe meut circu-
kirement par fa nature i, ce mouvement
P E R
toutefois n'efl pas uniforme & le même
dans toute fon étendue. Il y a des orbes
qui en croifent d'autres ; le premier mobile
a des contraires : delà les caufes des vicif-
fitudes , de générations & de corruptions
dans les choies fublunaires.
35. Le ciel efl fphérique.
36. Le premier mobile fe meut uniformé-
rnent ; il n'a ni commencement , ni milieu ,
ni fin. Le premier mobile & le premier
moteur font éternels , & ne fouffrent aucun©
altération.
37. Les aflres de même nature que -le
corps ambiant qui les foutient , font feu-
lement plus denfès. Ce font les caufes de
la lumière & de la chaleur. Ils frottent
l'air & l'embrafent. C'efl fur-tout ce qui a
lieu dans la fphere du foleil.
38. Les étoiles fixes ne fe meuvent
point d'elles-mêmes ; elles fuivent la loi
de leurs orbes.
39. Le mouvement du premier mobile
efl le plus rapide. Entre les planètes qui lui
font foumifes , celles-là fe meuvent le plus
vite qui en font les moins éloignées & ré-
ciproquement.
40.Les étoiles font rondes. La lune l'cfl
aufîi.
41. La terre efl au centre du ciel. Elle
efl ronde , & immobile dans le milieu qui
la foutient. Elle forme un orbe ou globe
avec l'eau.
42. L'élément efl un corps fimple , dans
lequel les corps compofés font divifibles ,
& il exifle en eux ou en ade , ou en puif^
fance.
43. La gravité & la légèreté font les
caufes motrices des élémens. Le grave efl
ce qui efl porté vers le centre ; le léger ce
qui tend vers le cieL
44. Il y a deux élémens contraires ; la
terre qui efl grave abfolument ; le feu qui
efl naturellement léger. L'air & l'eau font
d'une nature moyenne entre la terre & le
feu , & participent de la nature de ces
extrêmes contraires,
45. La génération & la corruption fe
fuccedent fans fin. Elle efl ou fimple , o\i
accidentelle. Elle -a pour caufe lé premier
moteur & la matière première de tout.
46. Etre engendré efl un , être altéré
ufl, autre, . Dans, l'altération -, le fujet reflft:
P E R.
entier , mais les qualités cRangent. Tout
pafTe dans la génération. L'augmentation
ou la diminution eft un changement dans
k quantité ; le mouvement local , un chan-
gement d'efpace.
47. L'accroifTcment fuppofc nutrition.
Il y a nutrition lorfque la fubflance d'un
corps paflc dans la lubftance d'un autre.
Un corps animé augmente , fi fa quantité
s'accroît.
48. L'aftion & la paflîon font mutuelles
dans le contad phyfique. Il a lieu entre
des chofes en partie diflêmblables de
forme , en partie femblables de nature ;
les unes & les autres tendant à s'aflimiler le
patient.
49. Les qualités tadiles , objets des fens ,
naifïcnt des principes & de la différence
des élémens qui diftérencient les corps. Ces
qualités font par paires au nombre de fept ;
le froid & le chaud ; l'humide & le fec ;
le grave & le léger ; le dur & le moa ; le
vifqueux & l'aride ; le rude & le doux j le
groilier & le ténu.
50. Entre ces qualités premières , il y
€n a deux d'adives , le chaud & le froid ;
deux de paffives , l'humide & le fec ; le
chaud raffemble les homogènes ; le froid
diffipe les hétérogènes. On retient diffici-
lement l'humide , le fec facilement.
5 1 . Le feu naît du chaud & de l'aride ;
l'air du chaud & de l'humide ; l'eau du
froid & de l'humide ; la terre du froid &
du fec.
52. Les élémens font tous convertibles
les uns dans les autres , non par génération ,
mais par altération.
^3. Les corps mixtes font compofés ou
mélangés de tous les élémens.
54. Il y a trois caufes des mixtes ; la
matière qui peut être ou ne pas être telle
chofe ; la forme , caufe de l'elTence ; &
le mouvement du ciel , caufe efficiente
univerfèlle.
55. Entre les mixtes, il y en a de
parfaits , il y en a d'imparfaits ; entre les
premiers , il faut compter les météores ,
comme les comètes , la voie ladée , la
pluie , la neige , la grêle, les vents , &c»
56. La putréfadion s'oppofe à la géné-
ration des mixtes parfaits. Tout efl fujet
àputréfadion , excepté le feu.
P E R. 5J7
57. Les animaux naifîent de la putré-
fadion aidée de la chaleur naturelle.
Principes de la pfycologie d'AriJhîe.
I. L'ame ne fe meut point d'elle-même ;
car tout ce qui fe meut eft mu par un
autre.
2. L'ame efl la première entéléchie du
corps organique naturelle ; elle a la vie
en puilîànce. La première entéléchie efl
le principe de l'opération ; la féconde eft
l'ade ou l'opération même. VoycT^ fur ce
mot obfcur entéléchie , F article LÉIBNI-
TIANISME.
3. L'ame a trois facultés ; la nutritive ,
la fenfitive & la rationnelle. La première
contient les autres en puiflance.
4. La nutritive efl celle par qui la vie efl
à toute chofe ; fes ades font la génération
& le développement.
5. La fenfitive efl celle qui les fait fentir.
La fenfation efl en général un change-
ment occafioné dans l'organe par la pré-
fence d'un objet apperçu. Le fens ne fô
meut point de lui-même.
6. Les fens extérieurs font la vue , l'ouie,
l'odorat , le goût , le toucher.
7. Ils font tous afïèdés par des efpeces
fenfibles abflraites^ de la matière, comme
la cire reçoit l'impreffion du cachet.
8. Chaque fens apperçoit les différences
de Çqs objets propres , aveugle fur les objets
d'un autre fens. Il y a donc quelqu'autrc
fens commun & interne , qui faifit le
tout , & juge fur le rapport des fens^
externes.
9. Le fens diffère de l'intelled. Tous
hs' animaux ont des fens. Peu ont dé
l'intelled.
10. La fantaifie ou l'imagination diffère
du fens & de l'intelled ,• -quoique fans exer-
cice préliminaire des fens, il n'y ait point'
d'imagination, comme- fans imagination il-:
n'y a point de peufée.
11. La penfée efl un ade de l'intelled:
qui montre fcience , opinion & prudence.
12. L'imagination efl un - mouvement '
animal ,- dirigé par le fens en adion , ea
confequence duquel l'animal efl agité ,
concevant des ohofes- tantôt vraies j tantôt-:
faufTes.
13. La mémoire naît dé l'imagination.-
Elle efl le- maga^n de réfejve des chofès--.
358 P E R
pallees ; elle appartient en partie, à l'ima-
gination , en partie à l'entendement ,* à
l'entendement par accident ; en elle-même
à Timagination. Elles ont leur principe
dans la même faculté de l'ame.
14. La mémoire qui naît de l'impref^
fion fur le fens , occafionée par quel-
que objet , ceiTe ii trop d'humidité ou de
fécherefïe efface l'image. Elle fuppofe
donc une forte de tempérie dans le
cerveau.
i^. La réminifcence s*exerce , non par
le tourment de la mémoire , mais par le
difcours , & la recherche exade de la fuite
âes chofes.
16. Le fommeil fuit la flupeur ou l'en-
chaînement des fens ; il afFede fur-tout le
fens interne commun.
17. L'infomnie provient des fimulacres
de fimagination oiîèrts dans le fommeil ,
quelques mouvemens s'excitant encore , ou
fubfiftant dans les organes de la fenfation
vivement affedés.
18. L'intelled eft la troifieme faculté
de l'ame ; elle eft propre à l'homme ;
c'eft la portion de lui qui connoît &
qui juge.
19. L'intelled eu outgcnt, ou patient.
20. Patient , parce qu'il prend toutes
les formes des chofes ; agent , parce qu'il
juge & connoît.
21. L'intelled agent peut être féparé
du corps ; il eft immortel , éternel , fans
paflion. Il n'eft point confondu avec le
corps. L'intelled paffif ou patient eft
périfl'able.
22. Il y a deux ades dans l'entende-
ment ; ou il s'exerce fur les indivifibles ,
& ùs perceptions font (impies , & il n'y
a ni vérité ni faulîété ; ou il s'occupe des
complexes, & il affirme ou nie, & alors
il y a ou vérité ou tauifeté.
23. L'intelled adif eft ou théorétique
ou pratique ; le théorétique met en ade
la choie intelligible ; le pratique juge la
chofe bonne ou mauvaife , & meut la
volonté à aimer ou à haïr , à defirer ou
à fiiir.
24. L'intelled pratique & l'appétit font
les caufes du mouvement local de l'ani-
mal ; l'un connoît la chofe & la juge ;
l'autre la délire ou l'évite.
P E R
1^. Il y a dans l'homme deux appétit* ;
l'un raifonnable , & l'autre fenfitif ; celui-ci
eft ou irafcible, ou concupifcent ; il n'a de
règle que le fens & l'imagination.
26. Il n'y a que l'homme qui ait l'ima-
gination délibérative , en conféqûence de
laquelle il choilit le mieux. Cet appétit
raifonnable qui en naît , doit commander
en lui à l'appétit fenlitif qui lui eft commun
avec les brutes.
27. La vie eft une permanence de l'ame
retenue parla chaleur naturelle.
28. Le principe de la chaleur eft dans le
cœur ; la chaleur ceffant , la mort fuit.
Métaphyfique d'Anfiote. i. La méta-
phyfique s'occupe de l'être en tant qu'être ,
& de les principes. Ce terme ^^^^ fe dit
proprement de la fubftance dont l'effence
eft une ; & improprement , de l'accident
qui n'eft qu'un attribut de la fubftance.
La fubftance eft donc le premier objet de
la métaphyfique.
2. Un axiome univerfel &f«premier ;
c'eft qu'il eft impoflible qu'une chofe (bit
& ne foit pas , dans le même fujet , en
même temps , de la même manière &
fous le même point de vue. Cette vérité
eft indémontrable , & c'eft le dernier terme
de toute argumentation.
3. L'être eft ou par lui-même , ou par
accident ; ou en ade , ou en puillance , ou
en réalité , ou en intention.
4. Il n'y a point de fcience de l'être par
accident ; c'eft une forte de non-être ; il n'a
point de caufe.
Ç. L'être par lui , fuit dans fa divifion les
dix prédicamens.
6. La fubftance eft le fupport des acçi-
dens ; c'eft en elle qu'on coniidere la
matière , la forme , les rapports , \ts rai-
fons , la compofition. Nous nous fervons
du mot de-fubfiance par préférence à celui
de matière , quoique la matière foit fubf-
tance , & le fujet premier.
7. La matière première eft le fùjet
de tout. Toutes les propriétés féparées
du corps par abftradion , elle refte ; ainfi
elle n'eft ni une fubftance complète , ni
une quantité , ni la clafle d'aucun autre
prédicament. La matière ne peut fe féparer
de la forme; elle n'eft ni Singulière, ni dé-
terminée.
PEU
8. La forme conflirue ce que la cliofe
cft dite être ; c'efl toute fa nature , Ton
eflence , ce que la définition comprend.
Les fubftances fenfibles ont leurs défini-
tions propres ; il n'en eft pas ainfi de l'être
par accident.
9. La puifTance eft ou adive ou pafîlve.
La puiflance adive efî: le principe du mou-
vement , ou du changement d'une chofe
en une autre , ou de ce qui nous paroît tel.
10. La puiflance paflîve eft dans le
patient , & l'on ne peut féparer Ton mouve-
ment du mouvement de la puiflance adive ,
quoique ces puiflances foient en des fujets
differens.
11. Entre les puiflances , il y en a de
raifonnables , il y en a qui n'ont point la
raifon.
12. La puiflance féparée de l'exercice
n'en exifte pas moins dans les chofes.
13. Il n'y a point de puiflfance dont les
aftes foient impofllbles. Le poiîible eft ce
qui fuit ou fuivra de quelque puiflfance.
14. Les puiflances font ou naturelles ,
ou acquifes ; acquifes ou par l'habitude, ou
par la difcipline.
15. Il y a aéle lorfque la puiflance de-
vient autre qu'elle n'éroit.
16. Tout ade eft antérieur à la puif-
fance , & à tout ce qui eft compris ,
antérieur de concept , d'cflçnce & de
temps.
17. L'être intentionnel eft ou vrai ou
faux ; vrai , fi le jugement de l'intelleâ:
eft conforme à la chofe ; faux , fi cela
n'eft pas.
18. Il y a vérité & faufleté même
dans la fimple appréhenfion des chofes ,
non feulement confidérée dans l'énumé-
ration , mais en elle-même en tant que
perception.
19. L'entendement ne peut être trompé
dans la connoiflance des chofes immuta-
bles : l'erreur n'eft que des contingens & des
pafl^agers.
20. L'unité eft une propriété de Fêtre ;
ce n'eft point une fubftance , mais un
catégoreme , un prédicat de la chofe , en
tant que chofe ou être. La multitude eft
l'oppofé de l'unité. L'égalité & la fimilrtude
fe rapportent à l'unité ; il en eft de même
de l'identité.
PER 359
21. II yadiverfité de genre & d'efpece ;
de genre , entre les chofes qui n'ont pas la
même matière ; d'efpece , entre celles dont
le genre eft le même.
22. Il y a trois fortes de fubftances ;
deux naturelles , dont l'une eft corrup-
tible , comme les animaux ; & l'autre
fempiternelle , comme le ciel ; la troifiemc
immobile.
23. Il faut qu'il y ait quelque fubftance
immobile & perpétuelle , parce qu'il y a
un mouvement local éternel , un mou-
vement circulaire propre au ciel , qui n'a pu
commencer. S'il y a un mouvement & ua
temps éternels , il faut qu'il y ait une
fubftance fujet de ce mouvement , & mue ,
& une fubftance fource de ce mouvement, &
non mue ; une fubftance qui exerce le mou-
vement & le contienne ; une fubftance fur
laquelle il foit exercé, & qui le meuve.
24. Les fubftances génératrices du mou-
vement éternel , ne peuvent être matérielles ,
car elles meuvent par un ade éternel, fans
le fecours d'autres puiflances.
25. Le ciel eft une de ces fubftances. II
eft mu circulairement. Il ne faut point y
chercher la caufe des générations & des
corruptions , parce que fon mouvement
eft uniforiTïe. Elle eft dans les fpheres
inférieures , & fur-tout dans la (phcre du
foleil.
26. Le premier ciel eft donc éternel ;
il eft mu d'un mouvement éternel ; il y a
donc autre chofe d'éternel qui le meut ,
qui eft ade & fubftance , & qui ne fe
meut point>
27. Mais comment agit ce premier
moteur ? En defirant & en concevant.
Toute fon adion confifte en une influence
par laquelle il concourt avec les intelli-
gences inférieures pour mouvoir leur»
fpheres.
28. Toute la force eft'edrice du premier
moteur , n'eft qu'une appKcation des force»
des moteurs fubalternes à l'ouvrage qui
leur eft propre , & auquel il coopère , de
manière qu'il en eft entièrement indé-
pendant quant au refte ; ainfi les intelli-
gences meuvent le ciel , non par la géné-
ration des chofes inférieures , mais pour
le bien général auquel elles tendent à fè
conformer*
5^o P E R.
29. Ce premier moteur efl Dieu , être
''vivant , éternel , très-parfait , fubilance
immobile , différente des chofes fenfibles ;
fans parties matérielles , fans quantité , fans
divifibilité.
30. Il jouit d'une félicité complète &
inaltérable ; elle confiée à fe concevoir
lui-même & à fe contempler.
31. Après cet être des êtres, la pre-
mière fubftance ., c'^fl le moteur premier
au ciel , au deflbus duquel il y a d'autres
intelligences immatérielles , éternelles ,
qui préfident au mouvement des fpheres
inférieures , félon jeur nombre .& leurs
degrés.
32. C'eft une ancienne tradition que ces
fubflances motrices des fpheres font des
■dieux y & cette dodrine eft vraiment
pélefte. Mais font-elles fous la forme de
l'homme , ou d'âutres animaux ? C'efl un
préjugé qu'on a accrédité parmi les peuples,
pour la sûreté de la vie , & la confcrvation
des loix.
De Vathéifme d'Ariftote. Voyez Var-
■ticle ArISTOTÉLISME.
Principes de Ici morale ou de la philo-
fophie pratique d'Ariflote. i. La félicité
•morale ne coniifle point dans les plaifirs
des fens , dans la richeffe , dans la gloire
:civiie , dans la puiflânce , dans la nobleffe,
dans la contemplation des chofes inteliigi-
•bles ou des idées.
, .2. Elle confifte dans la fonâ:ion àe l'ame
occupée dans la pratique d'une vertu ; ou
s'il y a pluûeurs vertus,, dans le choix de la
plus utile & la plus parfaite.
3. Voilà le vrai bonheur de la vie , le
/ouverain bien de ce monde.
4. Il y en a d'autres qu'il faut regarder
xomme des infîrumens qu'il faut diriger à
<,t but,; tels font les amisj les grandes
poffelîions , les dignités , &c.
5. C'eft l'exercice de la vertu qui nous
;rend heureux autant que nous pouvons
J'être.
6. Les vertus font ou théorétiques , ou
4)ratiques.
7. Elles s'acquièrent par l'ufage. Je parle
jdes pratiques , & non des contemplatives.
8. Il eft un milieu qui conftitue la vertu
onorale en cou t.
^. Ce milieu .éc;irte également rhommc
P E a
de (3eux points oppofés & extrêmes , à f ua
defquels il pèche par excès , & à l'autre par
défaut»
10. Il n*eft pas impofîible à failir , même
dans les circonftances les pUis agitées , dans
les momens de paflion les plus viokns ,
dans les adions les plus difficiles.
11. La vertu eft un ade déhbéré , choifi
& volontaire. Il fuit de la fpontanéité dont
le principe eft en nous.
12. Trois chofes la perfedionnent , la
nature , l'habitude & la raifon.
13. Le courage eft la première des
vertus ; c'eft le milieu entre la crainte & la
témérité.
14. La tempérance eft le milieu entre la
privation & l'excès de la volupté.
15. La libéralité eft le milieu entre l'ava-
rice & la prodigalité.
16. La magnificence eft le milieu entre
l'économie fordide & le fafte infolent.
17. La magnanimité qui fe rend juftice A
elle-même , qui fe connoît , tient le milieu
entre l'humilité & l'orgueil.
i2>. La modeftie qui eft relative à la
pourfuite des honneurs , eft également éloi-
gnée du mépris & de l'ambition.
19. La douceur comparée à la colère >
n'eft ni féroce , ni engourdie.
20. La popularité , ou l'art de capter la
bienveillance des hommes,, évite la ruf-
ticité & la baffeffe.
21. L'intégrité ou la candeur , fe place
entre l'impudence & la diflimulation.
22. L'urbanité ne montre ni groffiéreté
ni baffeffe.
23. La honte qui reffemble plus à une
paffion qu'à une habitude , a aufli fon point
entre deux excès oppofés ; elle n'eft ni
pufillanime , ni intrépide.
24. La juftice relative au jugement des
adiorw , eft ou univerfelle , ou particulière.
25. La juftice univerfelle eft l'obfervation
des loix étabhes pour la confcrvation de la
fbciété humaine.
26. La juftice particulière qui rend â
chacun ce qui lui eft dû , eft ou diftributivje ,
ou comrautative.
27. Diûributive , lorfqu'elk accorde les
honneurs & les récompenfes , en propor-
tion du mérite. Elle eft fondée fur une pro-
greflîon géométrique,
2,8^ Commutative,
P E R
2,8. Commutative , lorfque dans les
échanges elle garde la jufîe valeur des
chofes , & elle eu fondée fur une pro-
portion aridimétique.
29. L'équiré diffère de la juftice. L'équité
corrige le défliut de la loi. L'homme équi-
table ne l'interprète point en fa faveur
d'une manière trop rigide.
30. Nous avons traité des vertus propres
à la portion de l'ame qui ne raifonne pas.
Palîbns à celle de l'intelled.
31. Il y a cinq efpeces de qualités
intelleduelles, ou théorétiques ; lafcience ,
l'art , la prudence , l'intelligence , la
fageffe.
32. Il y a trois chofes à fuir dans les
mœurs ; la difpofition vicieufe , l'incon-
tinence , la férocité. La bonté eu l'op-
pofe de la difpofition vicieufe ; la conti-
nence eft l'oppofé de l'incontinence. L'hé-
roïfine eft l'oppofé de la férocité. L'hé-
roïfme eu le caradere des hommes divins.
33. L'amitié eu compagne delà vertu ;
c'elt une bienveillance parfaite entre des
hommes qui fe paient de retour. Elle fe
forme ou pour le plaifir , ou pour l'utilité ;
elle a pour bafe ou les agrémens de la vie ,
ou la pratique du bien ; & elle fe diviiè en
imparfaite & en parfaite.
34* C'cfl ce que l'on accorde dans
l'amitié , qui doit être la melure de ce
que l'on exige.
35' La bienveillance n'eft pas l'amitié ,
c'en efl le commencement ; la concorde
l'amené.
^6. La douceur de la fociété efl l'abus
de l'amitié.
37. Il y a diverfes fortes de voluptés.
38. Je ne voudrois pas donner le nom de
volupté aux plaifîrs déshonnêtes. La vo-
lupté vraie eft celle qui naît des adions
vertueufes , & de l'accomplifï'ement des
delîrs.
39. La félicité qui naît des adions ver-
tueufes , eft ou adive , ou contemplative.
40. La contemplative qui occupe l'ame ,
& qui mérite à l'homme le titre de fage ,
eft la plus importante.
41. La félicité qui réfulte de la pofTcf-
fion & de la jouiflance des biens extérieurs ,
n'eft pas à comparer avec celle qui découle
de la vertu 6e. de fes exercices.
Tome XJ^K
P E R 5^1
Des facceJfPeurs d'Ariflotey Theophrafie y
Straton ^ Lycon , Arifion^ Critolaùs y
Diodore y Dice'arque y Eudeme y Héra-
clide y Phanias y Démétrius y Hiero»
nymiis. *
Théophrafle naquit à Ereftè , ville ma-
ritime de l'île de Lesbos. Son père le
confacra aux mufes , &. l'envoya fous
Alcippe. Il vint à Athènes ; il vit Platon ;
il écouta Ariftote , qui difoit de Callifthene
& de lui y qu'il falloit des éperons à Cal-
lifthene & un morsàXhéophrafte. V^oye:^
à r article AkISTOTÉLISUE y les princi-
paux traits de ion caradere & de fa vie.
Il fe plaignoit, en mourant , de la nature ,
qui avoit accordé de fi longs jours aux
corneilles & de fi courts aux hommes.
Toute la ville d'Athènes fuivit à pié foa
convoi. Il nous rcfte plufieurs de Ces ou-
vrages. Il fit peu de changemens à la doc-
trine de fon maître.
Il admettoit, avec Ariftote , autant de
mouvemens que de prédicamens ; il attri-
buoit aufti au mouvement l'altération j la
génération , l'accroifîèment , la corruption ,
& leurs contraires. Il difoit que le heu
étoit immobile ; que ce n'étoit point une
fubftance , mais un rapport à l'ordre &:
aux pofitions ; que le lieu étoit dans les:
animaux , les plantes , leurs difîêmblables ,
animés , ou inanimés , parce qu'il y avoic
dans tous les êtres une relation des parties
au tout qui déterminoit le lieu de chaque
partie ; qu'il falloit compter entre les mou-
vemens les appétits , les pallions , les ju-
gemens, les fpéculations de l'ame ; que tous
ne naiflent pas des contraires , mais que des
chofes avoient pour caufe leurs contraires, 1
d'autres leurs femblables, d'autres encore de
ce qui eft aduellement. Que le mouvement
n'étoit jamais féparé de l'adion ; que les
contraires ne pouvoient être compris fous
un même genre ; que les contraires pou-»
volent être la caufe des contraires ; que
la (alure de la mer ne venoit pas de la
chaleur du foleil , mais de la terre qui
lui fervoit de fond ; que la dire^ion obli-
que des vents avoit pour caufe la nature
des vents même , qui en partie graves f
& en partie légers , étoient portés ei^
même temps en haut & en bas ; que |ç
, hazard , §c non la prudence , mené la vie i
3^1 P E R
que les mules engendrent en Cappadoce ;
que l'ame n'étoit pas fort afliijettie au
corps , mais qu'elle faifoit beaucoup d'elle-
mcme ; qu'il n'y avoit point de volupté
fauffe , qu'elles étoient toutes vraies ; enfin
qu'il y avoit un principe de toutes chofes
par lequel elles étoient & fubfiftoient, &
que ce principe étoit uji & divin.
Il mourut à l'clge de 85 ans; il eut
beaucoup d'amis , & il étoit dnjn caradere
à s'en faire & à les conferver ; il eut auiii
quelques ennemis , & qui efl-ce qui n'en
a pas ? On nomme parmi ceux-ci Epicure
& la célèbre Léonrine.
Straton naquit k Lampfaque. Il eut pour
difciple Ptolomée Philadelphe ; il ne né-
gligea aucune des parties de la philofo-
phie , . mais il tourna particulièrement Ces
vues vers les phénomènes de la nature.
Il prétendoit:
Qu'il y avoit dans la nature une force
divine, caufe des générations , de l'accroif-
fement , de la diminution, & que cepen-
dant cette cauie étoit fans intelligence.
Que le monde n'étoit point l'ouvrage
des dieux, mais celui de la nature, non
comme Démocrite l'avoit rêvé , en con-
féquence du rude & du poli, des atomes
droits ou crochus , & autres vifions.
Que tout fe failoit par les poids & les
meiures.
Que le monde n'étoit point un animal ,
mais que le piouvemeni & le - halard
avoient tout produit ^ &l conlç^rvoient
tout.
Que l'être , ou la permanence de ce
qui eft , c'étoit la même choie.
Que l'ame étoit dans la bafe des fburcils.
Que les fens étoient des efpeces de fe-
nêtres par lefquelles l'ame regardoit , &
qu'elle étoit tellement unie aux lèns , qu'eu
égard à. Ces opérations, elle ne paroilîbit
pas en différer.
Que le temps était la raefure du mou-
vement & du repos.
Que les temps fe réfolvoient en individu ,
mais que le lieu & les corps fe divifoient
à l'infini.
Que ce qui fe meut , Ce meut dans un
temps individuel.
Que tout corps étoit grave & ten^oit
au milieu»
P E R
Que ce qui eft au delà du ciel étoit un
efpace immenfe , vuide de fa nature ,
mais le rempliflant fans cefle de corps j
en forte que ce n'efi que par la penfée qu'on
peut le confidérer comme fubfifiant par
lui-même.
Que cet efpace étoit l'enveloppe géné-
rale du monde.
Que toutes les allions de l'ame étoient
des mouvemens , & l'appétit irraifonnable ^
& l'appétit fenfible.
Que l'eau eu le principe du premier
froid.
Que les comètes ne font qu'une lumière
des afires renfermée dans une nue, comme
nos lumières artificielles dans une lanterne.
Que nos fenfationsn'étoient pas , à pro-
prement parler , dans la partie affeclée ,
mais dans un autre lieu principal.
Que la puiffance des germes étoit fpiri-
tueufe & corporelle.
Qu'il n'y avoit que deux êtres , le mot
& la choie , & qu'il y avoit de la vérité
& de la fauffeté dans le mot.
Straton mourut fur la fin de la 127 olym-
piade. Voy. àVanicle ArisTOTÉLISME ,
le jugement qu'il faut porter de fa philo-
fophie.
Lycon , fuccefTeur de Straton , eut un
talent particufier pour inftruire les jeunes
gens. Pcrfonnc ne fut mieux exciter en
eux la honte & réveiller l'émulation. Sa
prudence n'étoit pas toute renfermée dans
Ion école ; il en montra plufieurs fois datis
les confeils qu'il donna aux Athéniens.
Il eut la faveur d'Attale & d'Eumene.
Antiochus voulut fe l'attacher , mais inu-
tilement. Il étoit fafiueux dans fon vête-
ment. Né robulle , il fe plaifoit aux exer-
cices athlétiques. Il fut chef de l'école
péripatéticienne pendant 44 ans. Il mourut
de la goutte à 74.
Lycon lailTa la-chaire d'Arifîoteà Arif-
ton. Nous ne favons de celui-ci qu'une
chofe , c'eft qu'il s'attacha à parler & à
écrire avec élégance & douceur , & qu'on
defira fouvent dans fes leçons un poids &
une gravité plus convenables au philofophc
& à la philofophie.
Ariflon eut pour difciple & fuccefTeur
Critolalis de Phafchde. Il mérita, par fon
éloquence , d'être alTocié à Carnéade & à
P E R
Diogene , dans rambaflade que les Athé-
niens décernèrent aux Romains. L'art
oratoire lui paroiflbit un mal dangereux ,
& non pas un art. Il vécut plus de 80 ans.
Dieu n'étoit , félon lui , qu'une portion
très-fubtile à^éther. Il difoit que toutes
ces cofmogonies que les prêtres débitoient
aux peuples , n'avoient rien de conforme
à la nature , & n'étoient que des fables
ridicules ; que l'efpece humaine étoit de
toute éternité ; que le monde étoit de lui-
même ; qu'il n'avoit point eu de commen-
cement, qu'il n'y avoit aucune cauié capable
de le détruire , & qu'il n'auroit pas de fin.
Que la perteâion morale de la vie confif-
toit à s'affujettir aux loix de la nature.
Qu'en mettant les plaifirs de l'ame & ceux
du corps dans une balance , c'ctoit pefer
un atome avec la terre & les mers.
On fait que Diodore , inlhuit par Cri-
tolalis , lui fuccéda dans le lycée ; mais
on ignore qui il fut , quelle fut {a manière
d'enleigner , combien de temps il occupa
la chaire , ni qui lui fuccéda. La chaîne
péripatéticienne fe rompit à Diodore.
D'Ariflote à celui - ci , il y eut onze
maîtres , entre lefquels il nous en manque
trois. On peut donc finir à Diodore la
première période de l'école péripatéticienne,
après avoir dit un mot de qudques per-
lonnages célèbres qui lui ont fait honneur.
Dicéarque fut de ce nombre ; il étoit
Meffénien. Cicéron en faifoit grand cas.
Ce philofophe difoit :
1. L'ame n'eil rien , c'eft un mot vuide
de fens. La force par laquelle nous agi (Tons ,
nousfentons ,nouspen{bns , efldiffuledans
toute la matière dont elle eft auffi infé-
parable que l'étendue , &• où elle s'exerce
diveffèment , félon que l'être un & fimple
eft diverfement configuré.
2. L'efpece humaine eft de toute éter-
nité.
3. Toutes les divinations font fauffes ,
fi l'on en excepte celles qui fe préfentent
à l'ame , lorfque , libre de dillraciion , elle
eft luffifamment attentive à ce qui le pafle
en elle.
4. Qu'il vaut mieux ignorer l'avenir que
lé connoître.
Il étoit vcrfé profondément dans la po-
litique. On lifoit tous les ans une tois
P E a 3(^3
dans l'aflemblée des éphores , le livre qu'il
avoit écrit de la république de Lacédéraonc.
Des princes l'cinploycrent à mefurer la
hauteur & la diftance des montagnes , &
à perfedionner la géographie.
Eudeme , né à Rhodes , étudia fous
Ariftote. Il ajouta quelque chofë à la logi-
que Aq. (on maître, fur les argumentations
hypothétiques & fur les modes. Il avojc^
écrit l'hifîoire de la géométrie & de l'af^
tronomie.
Héraclide de Pont écouta Platon , em-
braffa le pythagorilme , pafTa fous Speu-
fipe , & finit par devenir ariftotelicien. Il
réunit le mérite d'orateur à celui de phi-
lo (ophe.
Phanias de Lesbos étudia la nature, &
s'occupa aulîi de l'hifioire de la philofophie.
Démétrius de Phalere tut un des dif-
ciples de Théophrafte les plus célèbres.
Il obtint de Caflandre , roi de Macédoine , ■
dans la 115 olympiade , l'adminilbation
des aSaires d'Athènes, fondion dans laquelle
il montra beaucoup de fageffe. Il rétabht
le gouvernement populaire ; il embellit la
ville ; il augmenta fes revenus; & les Athé-
niens , animés d'une reconnoifîlince quife
montroit tous les jours lui élevèrent jus-
qu'à 350 ftatues , ce qui n'étoit arrivé a
perfonne avant lui. Mais il n'étoit guère
pofîîble de s'illufirer & de vivre tranquille
chez un peuple inconfiant : la haine èc
l'envie le perfécuterent. On fe foaîeva
contre l'oligarchie. On le condamna à
mort. Il étoit alors abfent. Dans rimpof"
fibilité de fe faifir de Ça perfonne, on (e
jeta fur fes flatucs , qui turent toutes ren-
verfées en moins de temp> qu'on n'en avoit
élevé une. Le philofophe fe réfugia chez
Ptolomée Soter , qui l'accueillit &c l'em- ,
ploya à réformer la légifiation. On dit qu'il
perdit les yeux pendant fon féjour à Ale-
xandrie ; mais que s'étantadreCé à Siparis ,
ce dieu lui rendit la vue , & que Démé-
trius reconnut ce bienfait dans les hymnes
que les Athéniens chantèrent dans la fuite.
Il confeilla à Ptolomée de fe noram.rpour
fucceflèur les enfans d'Eruridice , & d'ex-
clure le fils de Bérénice. Le prince n'écouta
point le philofophe , & s'alfocia Ptolomée
-onnu fous le nom de Philadelphe. Celui-
ci , après la mort de fon père , relégua
Z z 2
3^4 P E R
Démétrius dans le fond d'une province ,
où il vécut pauvre, & mourut de la pi-
quure d'un a(pic. On voit par la lifle des
ouvrages qu'il avoit compofés , qu'il étoit
poète , orateur , philofoplie , hiflorien , &
qu'il n'y avoit prefque aucune branche de
la connoifîance humaine qui lui fût étran-
gère. Il aima la vertu , & fut digne d'un
leilleur fort.
Nous ne favons prefque rien d'Hiéro-
nymus de Rhodes.
De la philofophie péripatéticienne à
Rome , pendant le temps de la république
& fous les empereurs. Voyez Partide
ArisTOTÉLISMî; , & Vartide PHILO-
SOPHIE DES PxOMAINS.
De la philofophie d^Arifiote che'{ les
'Arabes. Voyez les artides ARABES €?
Aristotélisme.
De la philofophie d'Ariflote che^ les
Sarrafins y voyez les artides SARRASINS
ù Aristotélisme.
Delà philofophie d'Ariflote dans Végli-
fe y voyez les artides Jesus-Christ &
Pères de l'église , ù Aristoté-
lisme.
De la philofophie d*Arifiote parmi les
fcholaftiques , voyez les articles PHI-
LOSOPHIE SCHOLASTIQUE 6" ARISTO-
TÉLISME.
Des reflaurateurs de la philofophie
d'Ariflote , voyez Partide ARISTOTÉ-
LISME & Partide PHILOSOPHIE.
Des philofophes récens arijiotélio -
fcholaftiques, \oytzV article ARISTOTÉ-
LISME , om cefujet efi traité très-au long.
Nous reftituerons feulement ici quelques
noms moins importans qiion a omis , &
gui peut-être ne valent guère la peine d'être
tirés de Poubli.
Après Bannez , on trouve dans l'hifloire
/ de la philofophie , Francifcus Sylveflrius.
Sylvellrius naquit à Ferrare; il fut élu
chef de fon ordre ; il enieigna à Bologne ;
il écrivit trois livres de commentaires fur
î'ame d'Arifîote. Matthxus Aquarius les a
publiés , avec ^es additions & des quef-
tions pliilolophiqu^s. Sylveflrius mourut
en 1528. [
Michel Zanard de Bergame , homme
qui favoit lever des doutes & les réfoudre ;
il a écrit de triplici univerfo _, de phyficâ
PEU
& metaphyficây & commentaria cum dubiis
Ù quceftionihus in ocfo libros Ariftotelis.
Joannes y à S. Thoma , de l'ordre
aufîî des Dominicains ; il s'entendit bien en
dialedique , en métaphyfique & en phyfi-
que , en prenant ces mots félon l'accep-
tion qu'ils avoient de fon temps , ce
qui réduit le mérite de fes ouvrages à peu
de chofe , fans rien ôter à fon talent.
Prefque tous ces hommes , qui auroient
porté la connoiffance humaine jufqu'où elle
pouvoit aller , occupés à des argumenta-
tions futiles , furent desvidimes de l'efprit
dominant de leur fiecle.
Chryfoflome Javelle. Il naquit en Italie
en 1488 ; il regarda les opinions & la
philofophie de Platon comme plus analo-
gues à la religion , & celle d'Ariflote
comme préférable pour la recherche des
vérités naturelles. Il écrivit donc de la
philofophie morale félon Ariflote d'abord ,
enfuite félon Platon , & en dernier lieu
félon Jefus-Chriil. Il dit dans une de ks
préfaces , Ariftotelis difciplina nos quidem
doctos ac fubtilifjlmè de moralibus y fient
de naturalibus différentes efficere poteft ; at
moralis Platonica ex vi dicendi atque
paternâ adhortatione y veluti prophetia
quivdam y & quafi fuperum vox inter ho~
mines tonans y nos procul dubio fapien-
tiores y probatiores y vitxque feliciores
reddet. Il y a de la finefîe dans fon pre-
mier traité , de la fublimité dans le fé-
cond , de la fimplicité dans le troifieme.
Parmi les difciples qu'Arifîote a eus chez
les Francifcains , il ne faut pas oublier Jean
Ponzius , Maflrius , Bonaventure Mellut ,
Jean Lallemandet , Martin , Meuriffe ,
Claude Fraifenius , Ùc.
Dans le catalogue àcs arifîotéiicietjs de
l'ordre de Cîteaux , il faut inférer après
Ange Manriquez, Bartholomée Gomez ,
Marcile Vafquez , Pierre de Oviédo , Ùc.
Il faut placer à la tête des fcholafîiques
de la fociété de Jefus , Pierre Hurtado de
Mendofa avant Vafquez , & après celui-ci ,
Paul Vallius & Balthazar Tellez ; & après
Suarès , François Tollet,& AntoineRubius.
A ces horrtmes on peut ajouter Frauçois
Alphonfe , François Gonfalez , Thomas
Compton , François Rafler ^ Anronius
Polus , Honoré Fabri ; celui-ci , foupçonaé
P E R
dnns fa fociété de favorifer le cartéfia-
nifme , y fouf&it de la perfécution.
Des philofophes qui ont fuii>i la véri-
table pliilofophie d'Ariflotey voyez ^article
Aristotélisme.
Parmi ceux-ci , le premier qui fè pré-
fente eft Nicolas Leonic Thomée. Il na-
quit en 1457 ; il étudia la langue greque
& les lettres fous le célèbre Démetrius
Chalcondylas ; & il s'appliqua férieufement
à expofer la doûrine d'Ariflote telle qu'elle
nous eft préièntée dans les ouvrages de ce
philofophe. Il ouvrit la voie à des hommes
' plus célèbres, Pomponace&à fes difciples.
Voye\ à Vartide ÀRISTOTÉLISME ,
V abrège' de la doctrine de Pomponace.
Celui-ci eut pour difciples Hercules Gon-
zaga , qui fut depuis cardinal ; Théophile
Folengius , de l'ordre de faint Benoît , &
auteur de l'ouvrage burlefque que nous
avons fous le titre de Merlin Cocaye ;
Paul Jove , Helidée , Gafpard Contarin ,
autre cardinal; Simon Porta, Jean Ge-
nefîus de Sepulveda , Jules-Céfar Scaligcr ,
Lazare Bonami , Jules-Céfar Vanini , &
Rufus , l'adverfaire le plus redoutable de
fon maître. Voye^ P article AristotÉ-
LISME.
Infcrivez après Rufus , parmi les vrais
Ariftotéliciens , Marc-Antoine Majoragius ,
Daniel Barbarus , Jean Genelius de Sepul-
veda, Petrus Vidorius; & après les Strozze,
Jacques Mazonius , Hubert Gifanius , Jules
Pacius; & à la fuite de Céfar Cremonin ,
François Vicomefcat , Louis Septale, plus
connu parmi les anatomiftes qu'entre les
philofophes ; Antoine Montecatinus , Fran-
çois Burana , Jean-Paul Pernumia , Jean
Cottufius , Jafon de Nores , Fortunius
Licet , Antoine Scaynus , Antoine Roccus ,
Fehx Afcorombonus . François Rabertel ,
Marc - Antoine Muret , Jean - Baptifte
Mondor , François Vallois , Nunnelius
Balfurcus , &c.
Il ne faut pas oublier pa;-mi les protef-
tans ariftotéliciens, Simon Simonius , qui
parut fur la fcene après Joachim Camerarius
& Melanchton ; Jacob Schegius , Philippe
Schcrbius , &c.
Erneft Sonerus précéda Michel Piccart ,
& Conrad Horneius lui fuccéda & à Cor-
neille Martius.
P E R 3^j
Chrifîianus Dreierus,Melchior Zeidlerus,
& Jacques Thomaiius , finiffent cette fé-
conde période de rariftotéiifme.
Nous expoferons dans un article parti-
culier la philofophie de Thomadus. Voyez
ThomASIUS {philofophie de).
Il nous refteroit à terminer cet article
par quelques confidérations fur l'origine
les progrès & la réforme àupéripatéticifme
fur \qs caufes de fa durée , fur le rnlen-
tifîêmcnt qu'elle a apporté au progrès de
la vraie fcience, fur l'opiniâtreté de Çqs
fedateurs , fur les argumens qu'elle a four-
nis aux athées , fur la corruption des
mœurs qui s'en eft (uivie , fur ks moyens
qu'on pouvoit employer contre la lede ,
& qu'on négligea ; fur l'attachement mal-
entendu que les proteftans afFederent pour
cette manière de philofopher , fur les ten-
tatives inutiles qu'on fit pour l'améliorer ,
& fur quelques autres points non moins
importans : mais nous renvoyons toute cette
matière à quelque traité de l'hiftoire de
la philofophie en général & en particulier ,
où elle trouvera là véritable place. Voyez
Vartide PHILOSOPHIE EN GÉNÉRAL
(hijloire de la),
PÉRIPÉTIE , f. f. (Belles-Lettres.)
dans le poëme dramatique , c'eft ce qu'on
appelle ordinairement le dénouement ,- c'eft
la dernière partie de la pièce , où le nœud
fe débrouille , & l'adion fe termine. Voyez
Tragédie.
Ce mot vient du grec 'rîeiTrmif , cho/e
qui tombe dans un érat différent , & qui
eft forrné de ^rsf/ , autour ^ & de îri^Tw ,
cado y je tombe.
La péripétie eft proprement le change-
ment de condition, foit heureufe , ibit
malheureufe , qui arrive au principal per-
fonnage d'un drame , & qui réfulte de
quelque reconnoiffance ou autre incident
qui donne un nouveau tour à l'adion.
Ainfi la péripétie eft la même chofe que
la cataftrophe, à moins qu'on ne dife que
celle-ci dépend de l'autre , comme un
effet dépend de fa caufe ou de fon occafton.
Voye\ Catastrophe.
La péripétie eft quelquefois fondée fur
un reffouvenir, ou une reconnoiffance,
comme dans l'CEdipe roi , où un dépuré
envoyé de Corinthe , pour offrir la cou-
^66 PER.
fonne à (Edipe , lui apprend qu'il ii'ejfl
point fils de Polybe & de Mérope ; par-là
(Edipe commence à découvrir que Laïus
qu'il avoit fuë étoit Ton père , & qu'il a
époufé Jocarte fa propre mère , ce qui le
jette dans le dernier défefpoir. Ariftote ap-
pelle cette forte de dénouement , une double
péripétie. Voye^ ReconNOISSANCE.
Les qualités que doit avoir la péripétie ,
font d'être probables & néceflaires ; pour
cela elle doit être une fuite naturelle , ou
au moins l'effet des adions précédentes , &
encore mieux naître du lu jet même de
la pièce, & par conféquent ne point venir
d'une caufe étrangère , & pour ainfi parler ,
collatérale.
Quelquefois la péripétie fe fait fans re-
connoiffance , comme dans l'Antigone de
Sophocle , où le changement dans la for-
tune de Créon , elf produit par fa feule
opiniâtreté. La péripétie peut auffi venir
d'un fimple changement de volonté. Cette
dernière forte de dénouement, quoiqu'elle
demande moins d'art , comme l'obferve
Dryden , peut cependant être telle , qu'il
en réfulte de grandes beautés ; tel efl le
dénouement du Cinna de Corneille , où
Augufle fignale fa clémence , malgré
toutes les raifons qu'il a de punir & dj
ié venger.
Ariifote appelle ces deux péripéties y
péripéties fimple s ; les changeraens qu'elles
produifent confilfant feulement dans le
paflage du trouble & de l'adion , à la tran-
quillité & au repos. V. Fable ^ ACTION.
Corneille avoue que Vagnition y c'eff-
à-dire , ce que nous nommons reconnoif-
fance y efî un grand ornement dans les
tragédies , une grande reflource pour la
péripétie ; & c'ell aufll le f èntiment d'Arif^
tote : mais il ajoute qu'elle a fes inconvé-
niens. Les Italiens l'aiFedent dans la plupart
de leurs poëmes , & perdent quelquefois ,
par l'attachement qu'ils y ont , beaucoup
d'occafions de fcntimens pathétiques qui
auroient des beautés plus confidérables.
P. Corn. 2. difc.furla tragédie.
Nous pourrions dire la même chofe de
prefque tous nos dramatiques modernes
depuis Corneille & Racin£. Il efl étonnant
fur-tour que dans les pièces de ce dernier ,
l^s péripéties ne foient jamais l'efFet d'une
PE R
reconnoifîarice ; en font-elles tfioîns belle»
& moins intérefîantes ?
PÉRIPHERÈS , ( Mufiq. des anc. )
terme de la mufique greque , qui fignifie
une fuite de notes tant afcendantes que
defcendantes , & qui reviennent , pour
I ainfi dire , fur elles-mêmes. La péripherès
étoit formée de i'anacamptos & de l'eu-
thia. {S)
PÉRIPHÉRIE, f f. {en Géométrie.)
efl la circonférence ou la ligne qui termine
un cercle , une ellipfe , une parabole , ou
une autre figure curviligne. VoyeT^ CIR-
CONFÉRENCE , Cercle, &c.
Ce mot efl formé de ^gf / , autour y & de
2: fi) , je porte.
La périphérie de chaque cercle efl fup-
pofée divifée en 360 dtgrés , qui fe lub-
divifent encore chacun en 60 minutes ,
les minutes en 60 fécondes chacune , Ùc,
Fqyq Degré, Minute , &c.
Les géomètres démontrent que l'aire ou
furface du cercle efl égale à celle d'un
triangle , dont la bafe efl égale à la péri~
phérie y & la hauteur au rayon. V'oye^
Triangle.
Il fuit delà que les cercles font en
railbn compofée de leurs périphéries & de
leurs rayons. Or , en tant que figures
femblables , ils font aufii en raifon doublée
de leurs rayons : donc les périphéries des
cercles font entr'elles comme leurs rayons ;
& par conféquent aufli comme leurs dia-
mètres. Chambers. (E)
PÉRIPHRASE, f f. (Rhétorique,)
c'efl-à-dire , circonlocution y détour de
mots , figure dont Quintiljen a fi bien,
traité , lii'. VIII y c. vj. Quod uno aut
paucioribus dici potefi y explicatur ,• pe-
riphrafim vacant , circuitum loquendi , qui
non nunquam necejjitatem habet y quoties
diclu deformia operit'. . . . Intérim orna.'
tum petit y foluni qui efi apud poetas fre-
quentijfimus y & apud oratores non rarus y
femper tamen adftriclior. Il efl de la dé-
cence de recourir zux périphrafes y pour
faire entendre les chofes qu'il ne convient
pas de nommer.Ces tours d'exprefGons font
îbuvent néceiîaires aux orateurs. La péri^
phrafe y en étendant le difcours , le relevé j
mais il la faut employer avec choix &
1 avec mefure , pour qu'elle Jfoit oratioais
m
PER
dilucîdior circuitio , & pour y produire
une belle harmonie.
Piaton , dans une oraifon funèbre , parle
ainfi : ** Enfin , meflieurs , nous leur avons
w rendu les derniers devoirs, & maintenant
» ils achèvent ce fatal voyage. » Il appelle
la mort ce fatal voyage ,• enfuite il parle
des derniers devoirs comme d'une pompe
publique que leur pays leur avoit préparée
exprès , pour les conduire hors de cette vie.
De même Xénophon ne dit point , vous
travaillez beaucoup ; mais , " vous regardez
>j le travail comme le feul guide qui peut
jy vous conduire à une vie heureufe. o
La périphrafe fuivante d'Hérodote , eft
encore plus délicate. La déefTe Vénus , pour
châtier l'infolence des Scythes , qui avoient
ofé piller fon temple , leur envoya une
jnaladie qui les rendait femmes. Il y a
dans le grec ^ia/^ûav vlcrov ; c'eft vraifembla-
blement le vice de ceux dont S. Grégoire
de Naziance dit qu'ils font
ATùnriAi cchiyfx* , Keti y^i<poi tut^uv ,
Un partage du fcholiafte de Thucydide
eft décifif. Il parle de Philoftete qu'on fait
avoir été puni par Vénus ' de la même
manière qu'Hérodote dit qu'elle punit les
Scythes.
Cicéron, dans fon plaidoyer pour Milon,
ufe d'une périphrafe encore plus belle que
celle de l'hillorien grec. Au lieu de dire
que les efclaves de Milon tuèrent Clodius ,
il dit : fecerunt ferpi Milonis y neque impe-
rante y neque fciente , neque prxfente do-
mino ^ id quod fuos quifque fervos in
tali re facere volui/fet. Cet exemple , aufîî-
bien que celui d'Hérodote , entre dans le
trope que l'on nomme euphe'mifme y par
lequel on déguife des idées défagréables ,
odieufes ou trifles , fous des noms qui -
ne font point les noms propres de ces idées :
ils leur (èrvent comme de voiles ; & ils en
expriment en apparence de plus agréables,
de moins choquantes, ou de plus honnêtes,
félon le befoin.
L'ufage de la périphrafe peut s'étendre
fort loin ,■& la poéfie en tire fouvent beau-
coup d'éclat ; mais il faut alors qu'elle fafle
une belle image. On a eu raifon de blâmer
PER
3^7
cettc^ périphrafe de Racine , dans le récit
de Théramene i
Cependant , fur le dos de la plaine
liquide ,
S^ élevé à gros bouillons' une mon-
tagne humide.
Une montagne humide qui s'élève à gros
bouillons fur la plaine liquide , efl propre-
ment de l'enflure. Le dos de la plaine
liquide , eft une métaphore qui ne peut
fe tranfporter du latin en françois ; enfin ,
la périphrafe n'eiî pas exade , & fort du-
langage de la tragédie.
Mais les deux vers fuivans ,
Indomtable taureau ^ dragon im-
pétueux ,
Sa croupe fe recourbe en replis tor-
tueux.
Cts deux vers , dis-je , font bien éloignés
d'être une périphrafe gigantefque ; c^Q^ï
de la grande poéfie , où fe trouve la pré-
cifion du deffin , & la hardiefTe du coloris.
Oublions feulement que c'efl Théramene*
qui parle. {D. J.)
PERIPLE, f. m. {Géog. anc.) Ce mot
-veut dire journal de navigation autour d'une
mer , ou de quelque côte ; nous connoillbns
en ce genre \q périple de Scylax , le périple
d'Hannon , le périple de Pythéas , & le
périple d'Arrien , qui décrivit toutes les
côtes de la mer noire , après les avoir
reconnues en qualité de général de l'em-
pereur Adrien , à qui il en dédia la def^
cription fous le nom de périple du Pont-
Eux in.
Scylax , célèbre géographe, né dans la
Carie , florifToit quelque temps après Han-
non , c'eft-à-drre , environ 33^0 ans avant
J. C. Nous avons fous Ton nom un périple
intérefîànt , qui tû peut-être un court
abrégé de fon ouvrage. Il y efl parlé de
quelques villes phéniciennes bâties fur lia-
côte d'Afrique , entr'autres de la ville»
de Thymiaterium , que bâtit Hannon.
Le périple d'Hannon paroît donc le plus
an':ien , & le feul morceau de ce genre:
que nous ayions en original. Il efl: antérieur
au commencement du règne d' Alexandre ,
368 P E R
c'eft-à-dire , à l'an ^36 avant Jefus-Chrifl,
paifqu'il y parle de Tyr , comme d'une
ville florifTante , qui a un roi particulier ,
& qui eu fituée dans une île féparée du
continent par un détroit des trois ftades.
On voit par-là que le voyage d'Hannon
eft plus ancien que l'an 3^° avant J. C
Pline dit qu'il fut fait dans le temps de la
puifTance des Carthaginois , Carthaginis
potentiâ fiorente ; mais cette puiflance a
commencé de fi bonne heure , qu'on ne
peut en fixer la date précife.
Strabon , /. I y p. ^J y traite de fabuleufe
la relation du célèbre amiral de Carthage.
Dodwel regarde auffi le voyage d'Hannon
comme un roman de quelques Grecs dé-
guifés fous un nom punique; mais malgré
toute l'érudition qu'il' prodigue à l'appui
de fes raifonnemens , il n'a pas convaincu
l'auteur de l'efprit des loix. M. de Mon-
tefquieu met le périple d'Hannon au nom-
bre des plus précieux monumens de l'anti-
quité ; & M. de Bougainville , adoptant le
même fentiment, adonné dans le recueil
de l'académie des Infcriptions , t. XXVI ,
un mémoire curieux fur ce voyage , outre
la tradudion du périple même d'Hannon ,
accompagnée des éclalrcifîemens nécef-
faires. En voici le précis.
Hannon partit du port de Carthage à
la tête de foixante vaiîleaux , qui portoient
une grande multitude de paflagers , hommes
& femmes , deftinés à peupler les colonies
qu'il alloit établir. Cette flotte nombreufe
étoit chargée de vivres & de munitions
de toute efpece , foit pour le voyage , fo'it
pour les nouveaux établifTemens. Les an-
ciennes colonies carthaginoifes , étoient
femées depuis Carthage jufqu'au détroit ;
ainfi les opérations ne dévoient commencer
qu'au delà de ce terme.
Hannon ayant paiTé le détroit , ne s'ar-
rêta qu'après deux journées de navigation ,
près du promontoire Hermeum , aujour-
d'hui le cap Cautin ; & ce fut au midi de
ce cap , qu'il étabht fa première peuplade.
*Xa flotte continua fa route jufqu'à un cap
ombragé d'arbres > qu'Hannon nomme
Solaé y & que le périple de Scylax met
à trois journées plus loin que le précé-
dent ; c'efl vraifemblableraent le cap Bo-
kdor, *li^fi nommé par le§ Portugais, à
P E R
caufe du courant trcs-dangefeu?r que for-
ment à cet endroit les vagues qui s'y
brifent avec impétuofité. *
Les Carthaginois doublèrent le cap ; une
demi-journée les conduifit à la vue d'un
grand lac voifin de la mer , rempli de
rofeaux , & dont les bords étoient peuplés
d'éléphans & d'animaux fauvages. Trois
journées & demie de navigation féparenc
ce lac d'une rivière nommée Lixus par
l'amiral carthaginois. Il jeta l'ancre à l'em-
bouchure de cette rivière , & féjourna
quelque temps pour lier commerce avec
les Nomades Lixites , répandus le long des
bords du Liceus. Ce fleuve ne peut être
que le Rio-do-Ouro , efpece de bras de
mer , ou d'étang d'eau falée , qu'Hannon
aura pris pour une grande rivière à fon
embouchure.
Enfuite la flotte mouilla près d'une île
qu'Hannon appelle Cerné ; & il laiiïà dans
cette île des habitans pour y former une
colonie. Cerné n'efl autre que notre île
d'Arquin , nommée Ghir par les Maures i
elle eft à cinquante milles du cap Blanc ,
dans une grande baie formée par ce cap ,
& par un banc de fable de plus de cin-
quante milles d'étendue* du nord au fud ,
& un peu moins d'une lieue de large de
l'elt à l'oueft. Sa diftance du continent de
l'Afrique , n'eft guère que d'une lieue.
Hannon s'étant remis en mer , s'avança
jufqu'au bord d'un grand fleuve qu'il nomme
Chris y à l'extrémité duquel il vit de
hautes montagnes habitées par des fauvages
vêtus de peaux de bêtes féroces. Ces fau-
vages s'oppoferent à la defcente des Car-
thaginois , & les repouflercnr à coups de
pierres. Selon toute apparence , ce fleuve
Chrès , eft la rivière de Saint- Jean , qui
coule au fud d'Arquin, à l'extrémité méri-
dionale du grand Sanc. Elle reçoit les eaux
de plufieurs lacs confîç^érables , & forme
quelques îles dans (on canal , outre celles
qu'on voit au nord deYpn embouchure.
Ses environs font habités par les No-
mades de la même efpece que ceux du
Lixus ; & ce font-là ^robabtesent les
fauvages que vit Hanoôni,
Ayant continué fa navigation le long de
la côte vers le midi^ , elle le conduifit A
un autre iiçuve très'l^rge & très-profond ,
rempli
P E R
irempîl (îe crocodiles & d'hippopotames.
La grandeur de ce fleuve , & les animaux ;
féroces qu'il nourrit , défignent certaine-
rnent le Sénégal. Il borna fa navigation
particulière à ce grand fleuve , & rebrouf-
îant chemin , il alla chercher le refle de
fa flotte dans la rade de Cerné.
Après douze jours de navigation le long
d'une côte unie , les Carthaginois décou-
vrirent un pays élevé , & des montagnes
ombragées de forêts ; ces montagnes boi-
Cécs d'Hannon , doivent être celles de
Serra-Liona , qui commencent au-delà de
Rio -Grande, & Continuent juiqu'au cap
Sainre-Anne.
Hannon mit vingt-fix jours , nettement
exprimés dans foa périple y à venir de
i'île de Cerné , jufqu'au golfe qu'il nomme
la corne du midi ; c'efl le golfe de la côte
de Guinée , qui s'étend jufqu'aux côtes de
Bénin , & qui commençant vers l'oueft du
cap àts Trois-pointes , nnit à l'ell: par le cap
Formolo.
Hannon découvrit dans ce golfe une île
particuhere , remplie de fauvages , parmi
fel'quels il crut voir beaucoup plus de fem-
mes que d'hommes. Elles avoient le corps
tout velu , & les interprètes d'Hannon les
nomrnoientGorz7/f j-. Les Carthaginois pour-
fuivirent ces fauvages , qui leur échappèrent
par la légèreté de leur courfe. Ils failirent
trois des femmes , mais on ne put les
garder en vie , tant elles étoient féroces ;
il fallut les tuer , & leurs peaux furent
portées à Carthage , où jufqu'au temps
de la ruine de cette ville , on les con-
ferva dans le temple de Junon. L'île des
Gorilles ell: quelqu'une de celles qu'on
trouve en aifez grand nombre dans ce lac.
Les pays voiflns font remplis d'animaux
pareils à ceux qu'Hannon prit pour des
hommes (àuvages. C'étoient , fuivant la
conjedure de Raraulio , commentateur
d'Hannon , des finges de la grande efpece,
dont les forêts de l'Atriquc 'intérieure lont
peuplées.
Le cap des Trois-pointes fut le terme
des découvertes d'Hannon; la difette des
vivres l'obligea de ramener fa florte «
Carthage : il y rentra plein de gloire , aorè-
avoir pénétré jufqu'au cinquiem: degr.
de latitude , pris po'Teilion duae eôre dt
Tome XXK
P E R 3<^^
près de fix cents lieues , par rétablliremcnt
de plufieurs colonies , depuis le détroit ]uC-
qu'à Cerné , & fondé dans cette île uiji
entrepôt lûr & commode pour le commerce
de Ces compatriotes , qui s'accrut confidé-»-
rablemen^ depuis cette expédition.
On n'a pas de preuves que les Cartha-
ginois aient confervé dans la fuite toutes
les connoilfances qu'ils dévoient au voyage
d'Hannon. Il efl même à préfumer que leurs
marchands n'allèrent pas d'abord au-delà
du Sénégal , & que peu ù peu ils relièrent
beaucoup en deçà de ce fleuve.
Au temps de Scylax , l'île de Çernç
étoit devenue le terme de la navigation
pour les gros bâtimens. La colonie d'Hanr.
non s'y maintint , & Cerné fut toujours
l'entrepôt du commerce des Carthaginois
au fud de l'Afrique. Leurs gros navires
refîoient à la rade de l'île , la côte ulté-
rieure n'étant pas aifément navigable à
caufe des écueils & des bas-fonds couverts
d'herbes qu'on y rencontre fréquemment.
Ils s'embarquèrent à Cerné fur des bâti-
mens légers , à bord defquels ils alloient
faire la traite le long des côtes , & même
dans les rivières , qu'ils remontoient aflez
avant.
Scylax fait mention d'une ville d'Ethio-
piens ou de nègres , où ils alloient commer-
cer , & nous donne un détail des marchan-
difes qui faifoient de part & d'autre la
matière de ce commerce. Les Carthaginois
y portoient des vales de terre , des tuiles ,
des parfums d'Egypte , & quelques bijoux
de peu de conléquence pour les femmes.
En échange , ils en recevoient des peaux de
cerfs , de lions & de panthères , des cuirs
& des dents d'éléphans. Ces cuirs étoient
d'un grand ufage pour les cuirafTes & les
boucliers.
^ Scylax garde le filence fur la poudre
d'or qu'ils tiroient auflî de ces contrées ;
c'efl un fecret de leur commerce qu'il
ignoroit fans doute , n'ayant confultc que
ies routiers des pilotes, où l'on n'avoic
garde de faire mention de cet article im-
portant. Mais Hérodote , inftruit par l'in*
difcrérion de quelque Carthaginois , nous
''a révélé dans fon hifloire , lip. IV ,
jjl. CXCl'j.
i Ou voit encore dans l'île d'Arquin , uqt
< Aaa
37Ô P E R
monument du long féjour des Carrhagl-
nois ; ce font deux citernes couvertes ,
creufées dans le roc avec un travail im-
nienfe , pour raflembler les eaux de diverfes
fources , & les défendre contre la chaleur
immodérée du climat. Ces citernes marquées
dans quelques plans du fort appartenant
dans cette île à la compagnie des Indes
françoifes , contiennent aflèz d'eau pour en
fournir plufieurs gros bâtimens. Ce n'ell
point un ouvrage des Maures ; ces peuples ,
maîtres de l'intérieur du pays & des côtes,
n'avoient nul besoin de l'entreprendre ;
d'ailleurs , ils ne font pas navigateurs : ainfi
nous fommes obligés de l'attribuer aux Car-
thaginois , anciens pofleflfeurs de l'île , de-
puis la découverte d'Hannon.
Ce grand homme , de retour à Carthage ,
dépofa dans le temple une efpece de journal
"ou de fommaire de la navigation ; c'efî le
périple qui porte fbn nom , & dont l'ori-
- ginal, perdu depuis long-temps , a eu le
"ion de tous les écrits compofés par {çs
compatriotes. Le peu de familiarité à^s
anciens avec la langue & les caraderes
puniques , l'indifférence àts Grecs & la
haine des Romains , ont fait périr les
ouvrages des Carthaginois , fans qu'un feul
ait pu fe foullraire à la profcription gé-
nérale ; perte réelle pour la poftérité , que
Jes monumens de littérature & d'hiftoire
carthaginoifes auroient inûruite de l'érat
de l'Afrique intérieure , de celui de l'an-
cienne Efpagne , & d'une infinité de faits
inconnus aux Grecs , concentrés en eux-
mêmes , & qui , trop fuperficiels pour rien
approfondir , croient trop enorgueillis de
la fupériorité qu'ils avoient dans les arts ,
& de celle qu'ils prétendoient dans les
fciences, pour ne pas nier tout ce qu'ils
ignoroient.
Le périple d'Hannon avoit été traduit
en grec , vraifemblablement par quelque
Sicihen , devenu fujet de Carthage , de-
puis qu'elle eut fournis une partie de la
Sicile à fa domination. Le traduéleur a
défiguré quelques termes de l'original , &
peut-être même ne nous en a-t-il cofifervé
iju'un extrait. Du moins , c'efi: ce qu'on
préfurae au premier coup-d'oeil , en com-
.parant la brièveté du périple avec la lon-
j|ueur de l'expédition. Peut-être auili ce
P E R
périple d'Hannon , traduit par un grec J
étoit-il l'abrégé fait par Hannon lui-mên ^-î
d'un journal complet & circonflancié , que
les principes exclufifs de la politique car-
thaginoife ne lui permettoient pas de rendre
public.
En efFet , on ne trouve dans ce qui nous
refîe nul détail fur les différens objets du
nouveau commerce dont cette entreprife ou-
vroit la route aux Carthaginois , & particu-
lièrement fur cet or , qu'ils alloient acheter
pour des tnarchandifes de peu de valeur ;
articles fur lefquels le gouvernement ne
pouvoit avoir trop de lumières , & qu'Han-
non n'avoir pas fans doute oubHé dans fon
récit. Mais on fait avec quelle jaloufie ces
républicains cachoient aux étrangers les four-
ces de leur opulence ; ce fut toujours pour
eux un des fecrets de l'étar , & les anciens
nous ont tranfmis plus d'un exemple des
précautions qu'ils prenoient pour rendre
impénétrable à leurs rivaux le voile dont ils
cherchoient à fe couvrir.
Pythéas , né à Marfeille , vers le milieu
ou la fin du quatrième liecLe avant J. C.
eft célèbre par fes connoiflances aftrono-
miques , & par fes voyages. Il partit du port
de fa patrie , & voguant de cap en cap , il
côtoya toute la partie orientale de l'Efpagne ,
pour entrer dans le bras de la Méditerranée ,
qui baignant le midi de ce royaume , & le
nord de l'Afrique , fe joint à l'Océan par le
détroit de Gibraltar.
Au fortir du détroit , il remonta vers te
nord , le long des cotes de la Lufitanie j
& continuant de faire le tour de l'Efpagne y
il gagna les côtes de l'Aquitaine & de TAr-
morique', qu'il doubla pour entrer dans le
canal qu'on nomme aujourd'hui la Manche,
Au-delà du canal , il fuivit les côtes orien-
tales de nie britannique ; & lorfqu'il fut à fa
partie la plus feptentrionale , pouffant tou-
jours vers le nord , il s'avança , en fix jour-
nées de navigation , jufqu'à un pays que les
Barbares nommoient Thulé ^ & où la durée
du jour fclflicial étoit de vingt-quatre heu-
res ; ce qui fuppofe 66' 30" de latitude fep-
tentrionale. Ce pays eA l'Iflande , fituée
entre les 65 & 6j' de latitude ; c'efl Strabon
qui nous fournit ce détaiK
Le voyage au nord de l'île britannique j^^
n'efl pas le feul qu'ait fait Pyihéas; il ea
P ER
entreprit un fécond vers le nord-ed de
i'Êurope ; & fuivant dans celui-ci , comme
il avoir fait dans le premier , toute la côre
occidentale de l'océan , il entra par le canal
de la Manche dans la mer du nord , & de
celîe-ci par le détroit du Sond dans la mer
Baltique , dans laquelle il vogua jufqu'à
l'embouchure d'un fleuve , auquel il donna
le nom de Tanaïs , & qui fut le terme de
fc-s courfes.
Le tleuve Tanaïs de ce voyageur , étoit
une àcs rivières qui fe jettent dans la mer
Baltique ; peut-être la Viflule ou le Re-
daune , qui tombent dans ce fleuve auprès
de Dantzick. La quantité de fuccin que l'on
trouve iur leurs bords , rend cette con-
jedure affez vraifemblable.- Le mot Tana
ou Thenes entroit , fuivant rofcfervation
de Leibnitz , dans la compofition àti
noms de la plupart des grands fleuves du
Hord.
Pythéas compofa en grec deux ouvrages ,
dans lefquels il expofoit ce qu'il avoit vu
de remarquable. Le premier , fous le titre
de defcription de l'océan , contenoit une
relation de fon voyage par mer depuis
Gadés jufqu'à Thulé : le fécond étoit la
defcription de celui qu'il avoit fait le long
des côtes de l'océan , jufques dans la mer
Baltique.
Ce fécond ouvrage efl appelle /»mo^e par
un ancien fcholiafle d'Appollonius de Rho-
des , & périple dans l'abrégé d'Artémidore
d'Ephefe ; ce qui pourroit faire croire que le
voyage dont il expofoit l'hiftoire , avoit
été en partie par terre , en partie par mer.
Nous n'avons plus que quelques citations
de ces écrits de Pythéas ; encore faut-il les
prendre le plus fouvent chez des auteurs
prévenus contre Iur.
Dans le temps que Pythéas alloit vers le
feptentrion , pour reconnoître les îles qui
fourniflbient l'étain, & les contrées d'où
l'on pouvoit tîrer l'ambre jaune- , un autre
marfeillois fut envoyé par les compatriotes
vers le midi , pour découvrir Iur les côtes
d'Afrique les pays d'où on tiroit la poudre
d'or ; ce marfeillois , nommé Euthymene y
fit un voyage dans l'océan du côté du fud ,
dans lequel tomboit un fleuve confidérable
qui couloit vers l'occident , & dont les bords
*étoient peuplés de crocodiles*
P E R 371
I Strabon a eu tort de fe déchaîner en
foutes occnllons contre les obiervations de
Pythéas dans les voyages ; s'il avoit fait
plus d'ufage de fon eiprit & de fon favoir,
il auroit rendu plus de juflice à ce célèbre
marfeillois ; non que l'es relations foicnc
exemptes de fautes , comme on le recon-
noît par le peu de tragmens qui nous en
reftent. Etranger dans les pays qu'il a
décrits , il n'avoit eu ni le temps , ni la
facilité de vérifier ce que lui difoient les
habirans ; il vivoit dans un fiecle rempli
de préjugés fur les matières phyfiques.
Enfin , il étoit grec & voyageur ; que de
fources de méprifes , &: peut - être de
fidions !
Mais ces méprifes que produit une igno-
rance qu'on ne peut pas même blâmer , ces
fidions de détail que feme dans une rela-
tion l'amour du merveilleux , autorifent-
elles à rejeter une foule de vérités , qui faic
l'efîênticl de l'ouvrage ? En remarquant ces
fautes, de quelque genre qu'elles fufîent,
en condamnant même avec févérité celles
qui méritoient de l'être , il falloit louer
l'exaftitude des obfervations de Pythéas ,
& faire fentir le mérite de les voyages &
àt{ts découvertes. Il falloit, en un mot,
le repréfenter comme un homme auquel
on ne peut refufer l'honneur d'avoir établi
le premier la diftindion des climats , par
la différente longueur des jours & des
nuits , & frayé la route vers des contrées
que l'on croyoit inhabitables. Toutes ces
judicieufes réflexions font de M. de Bou-
gainville. Il nous refle à parler d'Arrien
& de fon périple.
Cet hiflorien & philofophe célèbre , étoic
de Nicomédie en Bithynie. Il florifïbit du
temps d'Adrien , & des deux Antonins ;
fon favoir & fon éloquence lui firent don-
ner le titre de nouveau Xénophon , &:
relevèrent dans Rome à toutes les dignités ,
jufqu'au confulat. Il étoit gouverneur de
Cappadoce l'an 1^4 de J. C. & nous avons
de lui la relation d'un voyage qu'il fit autour
du Pont-Euxin , & qu'il adrefî'a à l'empereur
Adrien.
Cet ouvrage, connu fous le nom de pe~
riplus Ponti-Euxini , a paru en grec à
Genève en 1577. M. Fabricius ne parle
d'aucune édition de Genève ; il en cite
Aaa 2
une de 1577 de L>^on , in-foL en grec & I
en latin , de la veriion d'Adrien Turnebe ,
procurée par Jean-Guillaume Auckius de
Zurich , qui fit imprimer dans ce même
volume le penplus maris Erythrœi , avec
le commentaire & les cartes d'Abraham
Ortelius. La première édition en grec efî
de Baie, chez Froben , en 1533, /«-4®.
Sigifmond Gelenius donna dans un volume ,
le penplus Ponti-Euxini y le periplus
maris Erythrœi , le voyage d'Hannon ,
le traité de Plutarque des fleuves & des
montagnes , & l'abrégé de Strabon. Il y a
d'autres éditions plus nouvelles , & entre
autres celle de M. Hudfon en 1698 , a
Oxford , qui a donné les deux voyages ,
dans le premier tome de Ton recueil des
anciens géographes grecs , nommés les
Petits y avec de favantes diflertations chro-
nologiques de Dodwel , mais qui ne font
pas exemptes de préjugés.
Le periplus Ponti-Euxini y ou naviga-
tion du Pont-Euxin > n'efl que comme une
lettre ou une relation adreflee à l'empereur
Adrien , par Arrien. Il commandoit alors
à Trébizonde & aux environs , foit que
ces pays fuflent du gouvernement de la
Cappadoce , foit qu'il ait eu une commif-
fion particulière pour les viliter , foit qu'il
ait été aufîi gouverneur de cette partie du
Ponr.
Il commence fa relation par fon arrivée
à Trébizonde , où Adrien faifoit alors
bâtir un temple de Mercure. Il s*embarqua
à Trébizonde , pour aller faire le tour
au Pont-Euxin du côté de l'orient. Il
pafla la rivière du Phafe , dont il remarque
que l'eau nage long-temps fur celle de la
mer , parce qu'elle efl extrêmement légère ,
& qu'elle fe garde plus de dix ans fans fe
corrompre. Il y avoit là un château gardé
par quatre cents foldaîs romains , & un
bourg habité par des vétérans & par quel-
ques gens de -mer ; Adrien ordonna d'y
faire un nouveau fofTé pour la fureté du
bourg. Il termina fa navigation à Sébaf-
rople , où étoit la dernière garnifon ro-
maine. Il fut attaqué dans ce voyage d'une
grande tempête , dont un de fes vaifTeaux
lut brifé.
^ Entre les peuples barbares dont il côtoya
%:s pays les plus voifms dô Trébizonde,
P E R
& auflî Tes plus belliqueux , étorent îey
Sannes y nommés Drilles par Xénophon ;
ils n'avoient point de roi. Ils avoienr
autrefois paj'é tribut aux Romains ; &
Arrien promit à Adrien de les y réduire
de nouveau , ou de les exterminer. Il ne
fit pas le dernier , car plufieurs liecles après
on parloit encore àç.s Tranes , qui fontfans
doute \ts mêmes que les Sannes. Il paroïc
que ces Sannes habitoient une partie de la
Colchide , que l'on dilfinguoit alors du pays
des Lazes.
A la relation de fon voyage , il joint une
defcription de la cÔre de l'Afie , depuis
Byfance jufqu'à Trébizonde , & une autre
du pays ," qai eft depuis Sebafbople jufqu'au
Bolphore^Cimmérien , & depuis le Bol^
phore jufqu'à Byfance , afin qu'Adrien pût
prendre lur cela fes raeliires , s'il vouloir
entrer dans les affaires du Bofphore , dont
il lui mande que le roi Cotys étoit mort
depuis peu de temps.
Nous avons aufli, fous le nom ^Arrien y
une defcription des côtes de la mer rouge ,
c'eff ' à - dire , des côtes orientales de
l'Afrique , & celles de l'Aiie jufqu'aux
Indes : l'infcription latine eft à l'empereur
Adrien , quoiqu'il ne foit point parlé de
lui dans la defcription même.^ Saumnife
croit qu'elle a été écrite du temps de
Pline le naturalise , ou même un peu
avant lui , & qu'ainfi elle ne peut être
d'Arrien de Nicomédie , ni miême a'dreflee
à l'empereur Adrien ; c'efl: ce qu*il con-
clut de ce qu'il y efî fait mention de
plufieurs princes qui vivoient du temps
de Phne. A zts preuves , M. de Tille-
mont ajoute un paifage de la defcription ,
où il efi dit qu'on alloit du bourg de
Lencé à Pétra vers Maltcan , roi des
Nabathéens : or la ville de Pétra, & toute
l'Arabie/ pétrée , avoit été foumife aux
Romains ^^ih^ l'an 105 de J..G. & réduite
enfuite en* province , & l'on ne trouve
point qu'Adrien l'ait abandonnée ; au con-
traire , on a àts médailles de la ville de
Pétra fous cet empereur , avec le titre de
métropole.
Il faut donc que cette defcription foit
antécédente à l'année 105 ; & par con-
féquent elle n'efl point d'Arrien , qui vivoit
encore fous Marc- Aurele , c'eli-à^dire ,
P ER
après l'an i^o. Enfin , l'auteur parle de
l'Egypte comme de Ton pays , & fait
querquefois ufage àçs mois égyptiens.
M. de Tillemont croit donc que cet
ouvrage pourroit être de celui à qui Pline
le jeune écrit plufieurs lettres , comme à
une perfonne habile & éloquente , & qui
pafloit pour un imitateur de Démoflhene :
il paroît que dès le temps de Nerva , ou dans
les premières années de Trajan , cet Arrien
s'étoit retiré pour vivre tranquillement , ce
qui n'étoit permis aux fénateurs , que dans
un âge fort avancé ; ainii cela ne convient
pas au difciple d'Epiilete.
Si maintenant l'on veut joindre à ces
détails de l'antiquité , les defcriptions de
nos navigateurs modernes , dont on a
parlé en leur lieu , on aura l'hiftoire com-
plète de la navigation , & cette hilloire
efl: fort intéreflante. ( Le cliet-'alier DE
JAV COURT. )
PERIPLOCA , ( Botan. Jardin. ) En
anglois , virginian Jilk y en allemand ,
virguiishf feide.
Caractère générique.
Le calice efl permanent & divifé en
cinq parties ; la fleur confifle en un pétale
découpé en cinq parties étroites : autour
du centre s'étend un petit nedarium ; là
fe trouvent auili cinq filamens courbés qui
ne font pas 11 longs que le pétale , & cinq
étamines courtes : au centre efl fitué un
petit embryon fourchu qui n'a prelque point
de ffyle ; il devient une filique oblongue
& enliée , à une feule cellule , . remplie
de femences à aigrettes , qui lont placées
les unes fur llte autres , comme les écailles
de poilî'ons.
Efpeces.
1°. Periploca dont les fleurs font velues
€n dedans.
Periploca floribus interne hirfutsis. Linn.
Sp. pi.
Virginiafdkwithflowersluiiry on their
injide.
2°. Periploca à feuilles un peu cordi-
formes & obtufes , blanches pardefTous ,
à tige velue & grimpante.
P ^ ^ 373
Periploca foUis fubcordatis ohtu/is ,
infernè incanis y caule hirfuto fcjindente
Mill.
Periploca ofthe cape of goodhope.
3°. Periploca à tiges velues.
Periploca caule hirfuto. Linn. Sp. pL
Virginia Jilk with a hairy fialk.
4®. Periploca à feuilles oblong-cordi-
formes , légèrement velues , à fîeurs laté-
rales , à tige d'arbrifTeau grimpante.
Periploca foliis oblongo-cordatis pubef-^
centibus ^floribus alaribus y caule fruticofo-
fcandente. Mill.
Virginia Jilk with oblong heart-shaped
leaues.
, 'y°. Periploca à feuilles oblong-ovales ,
à filiques cylindriques , articulées , à tige
grimpante.
Periploca foliis oblongo-ovatis y fiViquis
teretibus articulatis , caule fcandente. Mill..
Virginia Jilk with oblotig-oyal leaves.
6*. Periploca à feuilles ovale-lancéolées,
à fleurs terminales , à fihques articulées ,.
à tige d'arbrifTeau grimpante.
Periploca foliis ovato-lanceolatis , flo.-
ribus terminalibus y filiquis articulatis y,
caule fruticofo fcandente. Mill.
Virginia fdk wilh oi'al fpear shapedl
leaves , &c.
7°. Periploca à feuilles lancéolées , poin-
tues , à fleurs en ombelles axillaires , à tige
d'arbrifleau grimpante.
Periploca foliis lanceolatis acuminatis ,
floribus umbellatis axillaribus y caule fru-^-
ticofo fcandente. Mill.
Virginia fdk with^ fpear shaped acutc
pointed leaves y &c.
La première eipcce s'élève en grimpant
à près de quarante pies. Ses fleurs , qui
paroillent en juillet & août , n'ont p.-j
beaucoup d'éclat , elles font d'un violet
terne ; mais les feuilles aflez grandes &
d'un beau verd-ghcé , dont cet arbriflèau
efl bien fourni , lui afligncnr une place-
dans les bofquets d'été , où il peut fervir.
finguliérement à garnir des tonnelles.
Il fe multiplie aifément par les marcottes;,
il prend aufli de boutures. Le meilleur
moment de le tranfplanter efl la mi-avrii
Quoiqu'il foit naturel de Syrie , il fup-
porte fort bien nos. hivers.
La féconde elpece a des tiges grêles &
374 P E K
volubiles , au moyen -ilerqu elles elle s'eleve
.à .quatre ou cinq pies à l'aide des fupports
voilins. Ses Feuilles font blanchâtres par-
deflbus , & d'un verd luilant pardelîûs.
Les Heurs (ont petites , d'un pourpre fale ,
& exhalant une odeur forte & agréable.
Elles paroiflent en juillet & en août.
Le /2°. 5 , naturel d'Afrique , s'élève à
trois pies ; les tiges fe ni velues, ainfi que
les feuilles ; les fleurs font .d'un pourpre
fale, & exhalent une odeur gracieufe. On
en a une variété dont les tiges & les feuiUes
Ahnt unies. Ces deux efpeces ne demandent
pendant l'hiver que l'abri le plus (impie :
.elles fe multiplient de marcottes.
Le n°. 4 s'élève fur un tronc robufte
^ boifèux à lahauteur.de cinq ou fix pies.
Ce tronc poufle des branches fouples qui
s'accrochent aux fupports voifms , & mon-
tent à cinq pies. Les fleurs font blanches ,
& s'ouvrent en cloches. Ce periploca eu
naturel de la Vera-Crux.
Le a°. 5 croît à Campêche ; il s'élève
» trente pies. Les feuilles ibnt d'une épaifle
cocflflance ; les fleurs font blanches.
Le .n°, ^ eft indigène de la Jamaïque ;
il s'élève à dix ou douze pies : les fleurs
çaiflent par trois ou par quatre au bout
des branches ; elles font jaunes-
Le jf^. j habite la même contrée; il
s'élève à trente pies. Les fleurs font raflem-
sblées en une forte d'ombelle aux côtés des
îîranches ; elles font d'un blanc pur , &
4'une excellente odeur. Les quatre der-
jîieres efpeces font tendres : il faut les placer
^ans une ferie échauffée , mais il faut leur
^donner beaucoup d'eau pendant l'été. Elles
fe multiplient par les naarcoites^ ( M, le
Baron DE TsCHOUDl. )
^^ PERIPNIIUMONIE , f. f. .( Medec, )
^inflammation du poumon , que l'on dif-
^ngue en vraie &: en faufl^.
Pe'ripneumonie vrai"., hn peripneumonie
vraie efl l'inflammation de la fubllance
rnême du poumon , av.ec fécherefïè, cha-
leur & douleur.
Les yallTcaux (ufceptibles de cette in-
|[amrnation , font les artères bronchiaIe«
Pc les artères pulmonaires : elle eft plus
/0,u moins dangereufe , félon la diflPérence
4es vaîfl^eaux engorgés , & félon la qualité
P E R
* ^ Les caufes de cette double inflamma-
tion font , 1°. les cauies^énérales de toutes
les inflammations ; i**. les caufès qui aflcc-
tent particulièrement le poumon , comme
un air trop humide ou trop fec , trop
chaud ou trop froid , trop groilier ou trop
fubtil ; un air chargé d'exhalaifons caufli-
ques , ou ailringentes , ou coagulantes ;
un chyle lormé de matières épaifl^es ^
feches , vifqaeufes ; l'exercice violent du
poumon par la courfc , la lutte ; le mou-
vement du cheval contre le vent ; les
poifons coaguians , cauftiques , afl:ringens ,
portés au cœur par les veines qui s'y ren-
dent ; les violentes pafiions de l'ame ;
l'efquinancie avec opprefllon de poitrine &
orthopnée ; une forte pleuréfie , une para-
phrénéiie violente, l'adion d'un émétique
dans un eftomac tendre & délicat.
Les (ymptomes* de la pe'ripneumonie
font différens , ' félon fon flege; celle qui
rélide dans les bronches produit tous les
effets de l'inflammation , & enflamme
même les extrémités de l'artère pulmonaire
jqui leur font contiguës, en les comprimant
&L en leur communiquant la maladie donc
ils Ibnt attaqués.
Cette inflarnmation peut s'attacher A
différentes parties du poumon ; fon éten-
due peut aulli varier : les fymptomes feront
plus violens , s'il y a deux lobes entrepris ,
que s'il n'y en a qu'un ; ou fl un lobe eft
totalement enflammé , que s'il n'y en a
qu'une partie : \a p£'ripneumonie n'cft pas
guériffable dans le premier cas , à caufe
de la grandeur & de l'étendue de l'engor-
gernent; dans le fécond cas elle peut fe
guérir , fi les fymptomes ne font pas ex-
trêmes , fi la toux , la doul^, la chaleur
& l'oppreflion peuvent fe lupporter , &
céder peu à peu à l'aélion des remèdes.
La pe'ripneumonie vraie fe guérit par
une réiolution bénigne , par des crachats
abondans qui viennent de bonne heure,
par un cours de ventre bilieux , dont la
matière relfemble afTez aux crachats , par
une évacuation abondante d'urine épaifTe
& chargée , dont le fédiment devient
blanc.
Si elle ne fe réfout pas , elle fe change en
lïne autre maladie qui eft l'abcès du pou-
mon , ou une métaflafe de la piatiçrç
P E R
morBiflque fur une autre pnrrie ; k fup-
pUration prochaine fe connoît par le défaut
de la réiblutlon au jour marqué , par la
diminution , par la douieur , par la fciblelfe
du pouls , par le changement de la fièvre ,
par la continuation de la difficulté de ref-
pirer , accompagnée de la foif & des autres
accidens ; d'autres fois il fe fait une érup-
tion foudaine du pus dans la trachée-
artère ; le malade en eft fufïbqué ; quel-
quefois aufli le pus eil évacué par un
crachement abondant de matière puru-
lente , mais Ibuvent il tombe dans la
cavité de là poitrine , dans laquelle il
caufe l'empyeme , la phthilie , ou d'autres
maladies.
La métaftafe arrive lorfque lâ matière
purulente & morbifique étant prife- par les
petites vénulcs lymphatiques du poumon ,
{k mêle avec le fang & forme un dépôt
dans quelque vifcerc particulier, comme
dans le foie, la rate , le cerveau, ou
quelque autre partie : delà viennent des pa-
rotides ou abcès péripneumoniques autour
des oreilles , aux jambes , ou aux hypo-
condres ; fou vent ces abcès difparoilîênt
tout-à-coup , ce qui annonce une mort
prochaine.
Le pxonoflic de cette maladie efl des
plus fâcheux ; ainfi , avant de rien pro-
noncer , on doit fur -tout confidérer le
nombre & la violence àts fymptomes , les
excrétions , la qualitédes crachats.
La fupprelEon des crachats , jointe à l'op-
•prefTion , au crachement defang épais, bour-
beux, noir, hvide , femblable à d^ la lie ,
font d'un préi'age funefte ; ils marquent un
grand embarras du poumon , & un reffer-
remcnt des vaiflèaux , avec une grande acri-
monie dans lés humeurs. Si le pus fort par
le dévoiement , l'urine épaillè devenue
claire , la toux feche , les éternueraens fré-
quens , le pouls manquant , les extrémités
du corps froides , pendant que la poitrine,
la tête ou le coir confervent une ardeur brû^
lante , ce font autant de fignes avant-cou-
reurs d'une mort prochaine.
La cure eltia même que celle de toutes
les inflammations ; elle coniifîc dans le?
fàignées répétées , félon la force de la
fièvre & la vigueur dii pouls ; la tiiàne
Relayante, adoucifTante & béchique; les
bêchiquès doux , légèrement incififs &
déterUfs : les apéritifs doux conviennent
& font indiqués dans les différens états
& périodes de cette maladie.
Tifane pour la péripneumonie vraie.
Prenez racine de chiendent, de fraifier ,.
de -chaque une once; faites -les bouillir-
dans cinq pintes d'eau de rivière réduites-
à quatre ; lorfqu'elles auront un peu bouilli, -
ajoutez-y fleur de violette , de mauve ,
de chaque deux gros ; faites-y infufér'
racine de guimauve , réglifiè effilée, de
chaque deux gros ; paffez le tout , & faites-^
en boire au malade le plus qu'il pourra.
Potion propre à débarrajfer les poumons'
en augmentant les crachats. Prenez eau*
diflillée de buglofe , de bourrache , de-
fcabieufe , de chacune deux onces ; blanc
de baleine un demi-gros , kermès minéral"
deux grains , huile d'^amandes douces une
once , & de fyrop de guimauve une once ;
faites du tout une potion à prendre par
cuillerée.
On ne négligera pas , dans le cours de
la maladie , l'ufàge des lavemens faits avec
la décoclion de graine de lin , de Ion &
des herbes émollientes : ces lavement
doivent être donnés deux & trois -fois par*
jour.
Enfin on doit avoir poiir ob]et de rétablir
le ton des parties , & de faciliter de plus ■
en plus les excrétions de l'humeur bron-
chiale & des crachats , & alors on emploie, >
fur la fin fur- tour, le quinquina ', le mars, -
les opiats , lé benjoin . les pilules de Mor-
thon , combinés tous enfemble , &. partag.cs
ou coupés avec le lair.^
On fâir dés opiats que l'on donne après '
avoir évacué ; enlùite on adoucit avec le
lait coupé. Fq/f;(,OPIAT.
Souvent on a recours aux eauxdeGau-
terets , de Plombières , ou on fair des
eaux artificielles qui ' imitent la qualité
favonneUiè des véritables eaux naturelles.
Dans le' cas de fuppurarion menaçante ,
il faut faire tour ce qu*on peut pour la
détourner & pour procurer la réfolution ; ..
ce que l'onobîienr par les" fai^nées réfté-*
récs , , le régime fiumeftanr &■ teiUperanf.-
Cependant , fi , malgré toutes les precau-* ■
tions que l'art fuggere , on ne fauroit l'em-'
pêcher de fe faire , on doit j autant qu'-il-
37^ P E R
cfi: poflTiHc , recourir aiix remèdes, qvii aî-
denr la liippuration ; & lorfqu'elle efl: taire ,
il faut chercher à évacuer le pus ; mais
comme on ne peut favoir où s'ouvrira
l'abcès , la maladie n'en devient que plus
dangereufe ; on pourroit déterminer la
fuppuration par la tifane d'orge , avec
l'hydromel ; par Tuiage des plantes expec-
torantes & déterfives , telles que le lierre
terrefîre , l'hyfope , le pié-de-chat , &
autres de cette nature.
LoiTque la fuppuration efî faite , alors
ce n'eft plus une inflammation , mais un
abcès ou un ulcère interne que l'on a à
traiter ; ceil une véritalDÎe phthifie qu'il
faut entreprendre. Voye:^ Phthisie.
Si au contraire la fièvre , la toux , la
<douleur & la chaleur fe Ibuîiennent au-
delà du cinquième ou du feptieme jour ,
ce qui marque une impoflibilité de la ré-
foiution y on doit craindre un mal incura-
ble , qui efl la gangrené du poumon. Voy.
Gangrené.
Le régime doit être des plus rigides
dans tout le temps de la maladie. Le
bouillon feul , & le plus léger , efl fout
ce qu'on doit permettre ; l'air doit être
tempéré.
Pèripneumonie faujje. Cette maladie
tire ordinairement fon origine d'une hu-
meur muqueufe ou pituite lente , dont
toute la maffe du fang fe trouve empreinte,
& qui engorge infenfiblement les vailî'eaux
languins ramifiés fur les bronches , & les
ramifications des vaiffeaux pulmonaires &.
bronchiques.
"Lqs cau^s éloignées font les faignées
copieufes , un fang aqueux & appauvri ,
dépouillé de fa partie fulfureufe , tandis
que les humeurs contenues dans les pre-
mières voies , ont paffé dans le fang & dans
fes vaiffeaux à la place àzs globules fàn-
guins ; aufïi cette maladie arrive à toutes
les perfonnes foibles , délicates , aux tem-
péramens pituiteux , aux vieillards , aux
hydropiques , à tous ceux qui font d'une
confritution catarreufe , pituiteufe , froide ,
& enrhumés du cerveau ; elle faifit ino-
pinément , & commence par une cour-
bature, ou légère fatigue, une foiblefle ,
un abattement prefque entier des forces
de l'efprit j elle efl accompagnée d'op-
PE R
prcfîîon , de pefanteur , de difficulté de
refpirer , qui font ks lignes les plus dan-
gereux. Les fymptomes ordinaires font une
chaleur douce & une fièvre légère ; la
difficulté de refpirer , avec râle , luivie d'une
grande foiblelfe , terminent en peu de
temps cette maladie par une mort d'autant
plus fubite , que ni l^is urines , ni le pouls
n'ont donné aucun lieu de prévoir un
tel événement.
Cure. Lori'qu'on reconnoît une pénp^
neumonie faulJè par fes lignes propres , qui
font fur-tout une difficulté de relpirer , un
pouls foibie , une opprtfllon confidérable ,
il faut employer \cs remèdes évacuans ,
incififs & les expedorans , les béchiques
incraflâns.
L'indication principale efl d'aider l'ex-
pedoration & de provoquer les crachats ;
plus le malade crachera , & plutôt il fera
foulage : les huileux font moins propres à
cela que les incififs.
Tifane bonne dans la pèripneumonie
faujje. Prenez des feuilles de becabunga ,
de lierre terrelfre , & d'hyfope , de fleurs
de pié-de-chat , de chaque un gros ; faites-
les infufer dans trois demi-feptiers d'eau
bouillante , & y ajoutez miel blanc une
once ; on fera prendre de cette infufion
de demi-heure en demi heure , & pour
aider plus efficacement l'excrétion de l'hu-
meur muqueufe , on fera prendre la po-
tion fuiyante.
Prenez d'huile d'àmandcs douces tirée
fans feu , trois onces ; de fyrop de lierre
terreflre , de fyrop de pas - d'âne , de*
chaque *demi-once ; de blanc de baleine ,
deux gros ; de kermès mifléral , fix grains :
difîblvez le kermès & le blanc de baleine
en particuher dans l'huile ; enfuite mêlez
le tout enfemble , & donnez une cuillerée
de ce mélange au malade , d'heure en
heure , &: pardefîlis un verre de la boiffon
ci-deflûs.
Si la toux efî fîomachale , que la langue
foit épaiffe & la bouche fort falc & pâ-
tcufe , on ordonnera l'apozeme fuivant :
prenez de racine d'aunée , d'iris de Flo-
rence , de chaque fix gros , de fleurs de
mauve & de pas-d'âne , de chaque deux
gros : faites - les infufer dans trois cho-»
pines d'eau bouillante \ ajoutez-y du tartre
ilibiét
P E R
{[ibié , fix grains. On fâchera de procurer
le vomiiîêment félon l'indication ; & fi le
vomiffement fatigue trop , on procurera
la précipitation par les feDes au moyen
d'un minoratif , tel que la manne & le fel
d'epfon , dont on donnera une dofe pro-
portionnée à la quantité du liquide.
PERIPOLIUM, ( Geog. anc. ) ville
d'Italie , chez les Locres Epirépyyens ,
fur le bord du fleuve Halice , aujour-
d'hui Alice. Elle étoit la patrie de
Praxitèle , célèbre fculpteur , dont nous
parlerons en traitant de fon art. Les
uns croient que c'ell aujourd'hui Meii-
dolia , bourg d'Italie dans la partie méri-
dionale de la Calabre ultérieure ; d'autres
prétendent que c'eft Pagliopoli , village à
une lieue de Mendolia.
PERIPSEMA, ( Critiq.facr.) nf^Unua^
& ■xjjL^ocfiJLo. , font deux mots grecs (yno-
nymes, termes dudernier mépris, & fignifient
balayures y ordures , fumier y exécration ,
fardeau de la terre. S. Paul dit que les
chrétiens étoient regardés comme les ba-
layeurs de ce monde ; on '7riptxA^a.p,uct7et ,
'pravrav '7r«p'sj,«jU« , /, Cor. iv y ^l^ y ZJ.
On croit avec beaucoup de vraifem-
blance , que faint Paul fait allulion , dans
ce partage , aux catharmates des anciens ,
qui ont été écrites en vers par Jean ou
Jfàac Tzetzes , dans (ts Chiliades hiflori-
ques, imprimées par Fabricius , bibl. groec.
tome TI y p. 41$.
Voici , dit ce poète , quelle étoit la
vidime expiatrice , ;^«-&«p//4< , qu'on ofïroit,
Wfque par la colère des dieux une ville
étoit défolée par quelque malheur , foit
pefîe, foit famine , foit quelqu'autre fléau.
On fe faififloit de l'homme le plus laid
qu'il y eût dans la cité , afin de fervir
de remède aux maux qu'on foufFroit. Dès
que cette vidirae , qui devoit bientôt
être immolée , avoit été conduite dans
un lieu defl^iné à fa mort , on lui mettoit
à la main un fromage , un morceau de
pâte & des figues ; on le battoit fept
fois avec un faifceau de verges , fait d'une
cfpece d'oignons , de figuiers fauvages ,
& d'autres branches d'arbriffeaux de rnême
nature ; on le brûloit enfin dans un feu
de bois d'arbres fauvages, & on jetoit
fà cendre dans la mer & au vent : tout
Tome XXV,
P E R 577
cela fe falfoit pour l'expiation de la ville
affligée; m XA^A^l^<iV TW? TOASSÎ TH; VMTWTJf,
Les deux exprefllons y^A^â^u»^ & nrm\nyidt.
ont été indifféremmeot dites l'une & l'autre
de ces hommes qu'on immoloit aux dieux
irrités. Le formulaire en étoit , que cette
vidime foit propitiation pour nous ! Tfpi-X»/'-*?
iiUMv •),«cè ! Voye\ les obf. phil. de Lam-
bert Bos , fur le paflage des Corinthiens.
[D.J.)
PERIPTERE, f. m. {Archit.)Cta^
dans l'architedure antique , un bârimenc
environné , en fon pourtour extérieur , de
colonnes ifolées. Tels étoient le portique
de Pompée , la bafilique d'Antonin , le
fepcFzone de Sévère , Ùc. Ce mot vient
du grec ^«p», à ïentour y TTfpot , aile.{D.J.\
PERIPTERE , f. m. ( Architec. antiq. )
lieu environné de colonnes , & qui a unç
aile tout autour ; le mot efl grec , car Tté/xe ,
fignifie proprement l'ordre éits colonnes
qui efl au portique & au coté des tem-
ples, ou de quelqu'autre édifice. Ces pe'~
ripteres éwlem des temples qui avoient des
colonnes de quatre cotés, & qui étoient
différentes du périflile & de l'amphiprof^
tyle , en ce que l'un n'en avoit que devant,
& l'autre devant & derrière j & point aux
côtés.
M. Perrault , dans Ces notes fur Vitruve ,
remarque que le pe'riptere efl proprement
le nom d'un genre qui comprend toutes
les efpeces de temples , qui ont des por-
tiques de colonnes tout autour , foit que
ce temple foit diptère ou pfeudodiptere ,
ou fimplement^J^'n/jr^r^ y qui efl une efpece
qui a le nom du genre , & qui en ce cas
a fes colonnes diflantes du mur d'un entre-
colonneraent. Il y a des pe'ripteres quarrés
& des ronds ; le portique de Pompée ,
la bafilique d'Antonin , le feptizone de
Sévère étoient des pe'ripteres. Voyez
Temple périptere. {D.J.)
PERIR , V. neut. ( Gramm. ) Rien ne
s'anéantit , mais tout change d'état. En ce
feïis nous />fr/^;2j fans cefïe^ ou nous ne
périfjons point du tout , puifqu'il n'y a
aucun inflant dans l'éternité de notre durée
où nous différions plus de nous-mêmes
que dans aucun autre inflant antérieur ou
poflérieur , & que nous fommes dans un
flux perpétuel. Le verbe périr efl relatif
Bbb
378 P E R
à un éfat de deftruftion très-fenfîble ; &
Ton dit ce vaifleau a péri fur la côte ;
les hommes ont une fois péri par les
eaux, & Ton croit qu'ils périront un jour
parle feu ; les bâtiraens inhabités />m^/zr,-
ii a péri par la faim. N'auriez-vous pas
honte de laifTer périr celui à qui vous
n'auriez qu'à tendre la main pour le fauver ?
PERIRRANTERION , f. m. {Littér.
grecq. ) '^Tîfhçctvnçicùv ; vafe qui contenoit
Teau luflrale chez les Grecs. Ce mot d\
compofé de ^«f ' , circum , & patm , afpergo.
On mettoit ce vafe , félon Cafaubon ,
dans le veftibulgi du temple , & félon d'au-
tres , dans le fanduaire ; peut - être le
plaçoit-on , dit M. de Tourreil , dans
l'un & dans l'autre de cçs endroits. Tous
ceux qui entroient fe lavoient eux-mêmes
de cetle eau làcrée , s'ils n'aimoient mieux
s'en faire laver par les prêtres , ou par
quelque miniftre fubalterne.
Ce n'étoit pas feulement dans les temples
qu'on mettoit ces fortes de vafes ; on en
pofoit aufîî aux avenues de la place pu-
blique , & dans les carrefours ; mais fur-
tout on ne manquoit pas de placer de ces
vafes à la porte Aqs maifons particulières ,
lorfqu'il y avoit quelque mort dans les
familles. Pollux appelle cette forte de béni-
tier mortuaire , ccyà'ovtav ; Héfichius , y^a-rpa^
& Ariflophane , Ixn^xW'. On arrofoit de
l'eau qui étoit dans ces bénitiers mortuaires ,
ceux qui aflifloient aux funérailles , & l'on
fe fervoit d'une branche d'olivier pour
faire ces afperfions , ramo felicis olii'a: ,
>- dit Virgile. On facroit cette eau en trem-
pant dedans un tifon ardent , tandis qu'on
brûloît la vidime. Au refte , cette eau luf-
trale fervoit à deux fortes de purifications ;
l'une qui fe bornoit aux mains feules , &
fe nommoit X'-f'^ > de /c^'f » ^^^n , & vima^
je lave ; l'autre s'étendoit à tout le corps ,
& s'appelloit '7r-{'i^[Ay7t< , dont nous avons
donné la racine. {D. J.)
PERISCELIS , ( Criiiq. facrée. ) en
grec TTêfjT/cêA^ ; ce mot fignifie une jarre-
tière , ou fi l'on aime mieux , un orne-
iment que les femmes mettoient autour de
leurs jambes en guife de jarretières. Il eft
dit dans les nombres xxxj , £o y que les
.Jfraélites qui défirent les Madianites, offri-
rent au Seigneur les riiifKihitfitf , les bagues,
P E K
les anneaux & les bracelets qu*ils avoient
gagnés fur l'ennemi. Toutes les femmes de
l'orient portoient de magnifiques jarre-
tières. Cet ufage pafla dans la Grèce &
dans l'Italie , où les femmes galantes fe
piquoient d'avoir des jarretières fort riches ;
mais c'étoit auffi un ornement des filles
les plus fages , parce que leurs jambes
étant découvertes dans les danfes publiques,
leurs brillantes jarretières tervoient à les
faire paroître & à relever leur beauté.
Celles de nos dames ne font pas aujour-
d'hui fi magnifiques , parce que leurs jam-
bes font toujours couvertes. ( D. J.)
PERISCIENS , f m. pi. en Géographie ,
font les habitans de la terre dont l'ombre
parcourt fuccefliv-ement tous les points de
l'horizon en un fcul & même jour.
Ce mot eft formé de crêf/, autour ^ &
ij-Koi , ombre.
Tels font les habitans des zones froides,
ou ceux qui habitent l'efpace renfermé
entre les pôles & le cercle ardique d'un
côté , & entre le pôle & le pôle antarc-
tique de l'autre : car comme le foleil ne
fe couche point pour eux , lorfqu'une fois
ils'eftlevé, & qu'il tourne autour de leurs
tètes , leur ombre doit auffi faire une ré-
volution entière ; de forte que pendant le
jour ils doivent voir leur ombre fucccffi-
vement de tous les côtés. Voye^ ZONE.
Chambers. (E)
PERlSCYLACISME,f. m. {Littérat.
grecq. ) 7rêi/rKy?v*x(3-/^af , c'efi-à-dire , eX"
piation par un renard y qu'on facrifioit à
Proferpine ; o-Kvha^ , eft un renard. Les
Grecs offroient à cette déefTe dans les pu-
rifications , un renard que l'on failoit pafler
tout autour de ceux qui avoient befoin
' d'être purifiés , & eniuite on imraoloit
l'animal. Voye\\e traité des que/lions ro-
maines de Plutsrque y quœfi. 6o y &
Potter ^ Archceol. grecq. tcm. 7, p. ZZJ.
PERISCYPHISME , f. m. ( Chir. anc. )
opération qui , fuivant l'étymologie du mot ,
confiftoit dans une incifion autour du
crâne ; on pratiquoit cette opération pour
guérir les fluxions copieufes fur les yeux ,
accompagnées de l'ulcération des paupiè-
res , & d'une douleur de tête aiguë &
profonde. Paul Eginete , lib. VI y c. vij ,
vous doruicra tous les détails de cette
P £ R
opération , qui n'eft point pratiquée par les
modernes. ( D. J.}
PERISKYTISME ou PÊRISKY-
PISME , en Chirurgie y eft une opération
que faifoient les anciens fur le crâne.
Ce mot eft formé des mots grecs Tff/ ,
autour^ & 7 nuii(iij ^couper oxx ecorcherh
peau.
Lq périskytifme étoit une incidon qu'on
faifoit à la fiiture coronale , depuis une
tempe jufqu'à l'autre, & qui découvroit le
crâne ; on la faifoit pour féparer le péri-
crâne du crâne. Vqyei^ PÉRICRANE.
Cette opération ert: abolie ; quelques
auteurs en recommandent encore une ap-
prochante du périskytifme , contre une
maladie de la peau du vifage , appellée
par quelques-uns couperofs. V. GoUTTE ,
ROSE.
PERISSABLE , adj. ( Gramm. ) qui
périt entre nos mains , qui fe difîipe
malgré nous, qui nous échappe. Les biens'
de la fortune font périjjables , la vie ell
pe'rijjable.
PÉRISSOCHORÉGIE , f. f. ( Droit
romain. ) Ce mot (e trouve dans le code ;
mais on ne convient pas de ce qu'il figrrifîe.
Quelques auteurs veulent que ce foit un
nom de charge & d'office. Alciat prétend
que le périjjochorege étoit celui qui a voit
foin de l'aumône ; Dominique Macri croit
que périjfochorégie fignifie un donatif ^ une
diilriburion qui fe faifoit aux foldats au
defTus de leur paie ordinaire. Voye\ le-
xicon juridicum de Jean Calvin. {D. J.)
PÉRISSOLOGIE,f. f. {Rhétorique.)
difcours fuperfîu , fermo faperuacdneus ;
fur lequel QuintiHen s'exprime ainli ; fed
ut cîim décorum habet periphrajis y ita
ciim in l'itium incidit , periflblogia dicitur ;
pbjîat enim qnicquid non adjuuat. C'eft
la répétition en d'autres termes & fans
nécefllté , d'une même penfée qu'on vient
d'expliquer fuffifamment. Les périjfologies
font très-fréquentes dans Ovide & dans
Séneque le tragique.
PÉRISSON , f m. ( Bot. anc. Hijl
nat. ) nom donné par les anciens Grecs &
enfuite par les romains , du temps de
Pline, à une elpece de folanum qui ren-
doit fous ceux qui en faifoient ufage inté-
rieurement ; c'cft pour cela qu'on l'appel-
\o\t encore le flrychnum manîcum , ou
fmiplement manicum y c'cfl- à-dire , la
plante qui rend fou. ( D. J.)
PERISTALTIQUE, (mouvement)
{Phyfiolog.) Le mouvement périflahique ou
vermiculaire des inteflins, efl: la contrac-
tion & le relâchement alternatif des in-
teflins , lefquelss'étrecifîantfuccelïlvemcnt ,
poufîènt en avant le chyle qui y coule entr«
les rides des fibres inteftinales.
La préparation & la diflribution àts hu-
meurs par tout le corps , fuppofent un mou-
vement local. La codion desalimens & leur
affimilation , requièrent ce mouvement, au-
quel les tuniques des inteflins, l'impuKiQn du
cœur , du diaphragme , des mufcles du bas-
ventre , coopèrent de leur côté ; & au
moyen de toutes ces aâions réunies , le
chyle eft exprimé dans les conduits que
renferme le méfentere , pour le porter
dans le ventricule droit du cœur.
Cette compreflion des inteflins pliffes
comme ils font, par laquelle le chyle ti\
poufle dans les veines ladées , eft une
méchanique qui a aflez de rapport à celle
dont on fe (èrt pour faire entrer le favon
dans le linge qu'on veut laver, qui eft de
plifîèr & de bouchonner le linge , &
enfuite de le comprimer.
Il y a plufieurs inftrumens qui contri-
buent à cette compreflion , tels que font
d'abord les mufcles de l'œfophage. Son
action , & celle des inteftins , paroît con-
fifter dans une conftridion fucceflive , que
leurs fibres circulaires produifent ; cette
conftridion fe fait toujours derrière l'hu-
meur qui eft pouflee , comme il eft aifé
déjuger, lorfqu'un animal ayant la tête en
bas , fait monter dans foneftomac la boilîon
ou les herbes qu'il prend , & lorfque le
chyle & les autres humeurs , après être
defcendues au bas du ventre , remontent
julqu'au haut ; ce qui ne fe peut exécuter
que par cette conftridion fucceflive qui
produit le même effet dans l'œfophage &
dans les inteftins , que les valvules dans
les veines.
Mais cette conftridion circulaire ne
fuffîroit pas pour poufler le chyle dans les
tuniques des inteftins & les vaiflèaux du
méfentere , fi le plifl^ment des mêmes
tuniques n'y contribuoir. Or, ces replis
Bbb 1
I
3So PER
dans lefquels le chyle efî engagé , leur
aident à pénérrer les porofités des inteflins,
lorfqu'ils font comprimés par les mufcles
du vemre dans l'adion de la reipiratlon ,
de la même manière que les replis du
linge que Ton bat à la leflîve, aident à faire
pénétrer l'eau du favon dans les pores du
linge, lorfqu'il efl frotté avec les mains
& frappé avec le battoir.
L'adion par laquelle les inteflins pren-
nent une figure propre à faire que la
compreffion des mufcles puifle fervir à
Texpreilion du chyle qu'ils contiennent,
efl vifible dans l'ouverture des animaux
vivans , où Ton obferve ce mouvement ,
qui repréfente aflèz bien celui d'un ver de
terre , lequel , pour ramper , fe reflèrre ,
rentre en lui-même , & s'alonge fuccefS-
vement pour fa progrefllon.
La llrudure des inteftins efl tout-à-fait
commode pour cette adion , étant garnie
eji dedans d'un très-grand nombre de
feuillets pofés tranlverfalement ; de plus,
la largeur de ces feuillets va en fe rétre-
ciffant vers chaque bout , pour donner le
palTàge au chyle^
Les inteflins ont encore une puifTance
de le pliflèr , qu'ils exercent en deux ma-
nières. La première eft par le moyen de
la membrane du méfentere à laquelle ils
font attachés , qui les oblige , en les ac-
courciiîant , à le plifîer comme une traife.
La féconde eft par le moyen de leurs
fibres , lefquelles étant prefque toures
circulaires , font très-propres à produire
tout ce qui eft néceflaire pour le fronce-
ment d\ine membrane dont une cavité
eft compofée ; & c'efl: à l'accourciflemcnt
fuccefllf de ces fibres qu'il faut attribuer
toures les adlons du mouvement àes in-
teflins ; car lorfqu'elles fe rétrecilTent fuc-
cefîîvement , elles produilènt l'impulfion
de ce qui eft contenj dans les inteftins.
Voilà l'exécution du mouvement périf-
taltique y qui eft naturellenent tranquille,
doux , & comme un mouvement d'ondu-
lation ; c'eft ce qui a été ainfi ordonné
par la nature , pour empêcher les aHmens
digérés de pafler trop rapidement des
inteftins grêles dans les gros , & delà à
l'anus, comme il arrive dans la diarrhée.
Ce mouvement eft alternatif, c'eft-à-dire,
P E R
compofé de refferrement & de relâche*
ment ; car lorfqu'une partie d'un inteftin
fe contrade & fe relferre , la matière
qu'elle contient palTe dans la partie voi-
fine qu'elle dilate , & qui fe reflerrc im-
médiatement après. Il réfulte de ce détail ,
quele moiwemeni p&ijidltique àes'inteÛms ,
eft la principale cauie de la fecrétion du
chyle, & de fon mouvement progreftif
dans les vaifleaux ladées.
Au refte , ce mouvement ne cefïe jamais
durant la vie , & même fubfifte encore
pendant quelques momens après la mort.
VoycT^ les expériences de GliiTon , de
Wepfer & de Peyeç , car il feroit trop
long de les rapporter pour preuves ; c'cii
aflez dans cet ouvrage de propofer des
vérités. {D. J.)
PERISTAPHYLIN , f. m. en Ana^
tomie y nom de deux paires de mufcles
de la luette , ■ & qui font diftingués ea
internes & en externes.
Les périftaphyUns externes , voy. SPHÉ-
no-Salpingo-Staphï-lin.
Les périftaphyUns internes , voye\ Pe-
tro-Salpingo-Staphylin.
PÉRISTAPHYLIN PHARYNGIEN,
fub. maf. en Anatomie , font deux petite
mufcles du pharynx , qui font attachés
entre la luette & l'extrémité inférieure de
l'aile interne de l'apophyfe-ptérigoïde , &
vont obliquement en arrière fur les côtés
du pharynx ; on les appelle encore hypéro-
pharyngiens & paîato-pharyngiens.
PERISTERE, f. f. {MythoL.) une
d^s nymphes de la fuite de Vénus , qui
fut métamorphofée en colombe par l'amour.
Ce dieu jouant un jour avec fa mère ,
voulut parier de cueillir plus de fleurs
qu'elle. La déefle fe fit aider par la nym-
phe Périfiere , & gagna la gageure ; mais
cupidon fut fi piqué , qu'il changea la
nymphe en colombe. Cette fable n'eft
fondée que fur le nom grec de la nymphe ,
qui veut dire une colombe. Cependant
Théodotius prétend qu'il y avoit à Corinthe
une courtifane, nommée Périfiere y qui
paffa pour nymphe de Vénus , parce qu'elle
en imiroit la conduite. {D. J.)
PÊRISTERJDES , ( Geog. anc. ) île
d'Afie fur la côte d'Ionie , proche la ville
de Smyrne , félon Pline. Elle fut nommée
PEU
Périfie'rîdes y à caufe de la muîtitucîe de
pigeons dont elle étoit peuplée. (D. J.)
PERISTERITES , (Hi_ft. natur.) nom
donné par quelques naturalises à une pierre
dans laquelle ils ont cru trouver la relTem-
blance d'un pigeon.
PEiUSTIARQUE , f. m. ( Ant.grec. )
<!r«(i/ç-i« -/J j nom de celui qui officiolt dans
les luiîrations. Potter , Archeol. grœci. f. ly
P' 35-
PERISTILE , f. m. {Archit. civile.)
lieu environné de colonnes ifolées en Ton
pourtour intérieur , c'eft par-là qu'il diffère
du périptere , comme eft le temple d'Hy-
petre de Viti-uve , & comme font aujour-
d'hui quelques bafiliques de Rome , plulieurs
palais en Italie , & la plupart des cloîtres.
On entend encore par pe'rijiile un rang
de colonnes , tant au dedans qu'au dehors
d'un édifice, comme le penflile corinthien
du portail du louvre , l'ionique du château
de Trianon , & le dorique de l'abbaye de
fàinte-Genevieve à Paris. Ce dernier ell du
deiiin du P. de Creil.
Le terme pe'riftile eft compofé de deux
mors grecs , dont l'un péri , ûgniHe autoUr ,
Se l'autre ftjlos , colonne. {D.J.)
PERISYSTOLE , f. f. en Médecine,
fignitie la'paufe ou l'intervalle entre les deux
batteraens ou mouvemens du cœur; favoir ,
le mouvement de fyilole ou de conrradion ,
& le mouvement de diailole ou de dila-
tation. Voye\ Systole & Diastole.
'Voyei ^i//^ Battement & C(eur.
PERITA , ( Géog. anc ) ville de l'Inde.
Alexandre, dit Plurarque, in Alex, âvp.nt
perdu un chien, appelle P/r/V^j , fît barir
en fon honneur une ville qu'il nomma de
ion nom. [ D. J.)
PERITHE ou PERIDONIUS, {Hifl.
nat. ) pierre d'une couleur jaune , qui avoir ,
dit-on , la vertu de guérir de la goutte ,
& de brûler lorfqu'on la ferroit fortement
dans la main. On prétend qu'il y avoit une
autre pierre de ce nom femblable à la chry-
iolitc. Quelques auteurs ont cru que c'étoit
la pvrie.
PEKITH(ED(E , ( Geog. anc. ) muni-
cip." du terroir d'Athènes , dans la tribu
Onéide. Plutarque , in Alcibiade , parle
d'un certain Hyperbolus du bourg ou mu-
nicipe Pùithoidc , méchant homme , gui
P E R 3Sr
fournit de ibn -temps une riche matière
aux poètes comiques , qui le prirent tous
pour l'objet de leurs railleries & de leurs
invedivcs.
PERITIEN ( MOIS ) , ( Calend. grec. )
C'étoit un mois des Macédoniens , qui ré-
pond , félon le P. Pétau , au mois de
février. Les Syriens adoptèrent ce mois
en mémoire d'Alexandre le grand ; ou
plutôt les ^Macédoniens l'introduifirenr chez
ce peuple après l'avoir fubjugué , de même
qu'ils impoièrent à la plupart des villes &
des rivières de Syrie, le nom des villes &
des fleuves de Macédoine.
PERITOINE, f. m. {Anat.) en latin
peritonjeum^en grec -TrioiThxi-jVfde Tï^mia^
tendre à Vemour ^ enveloppe membraneufe
très - confidérable , immédiatement adhé-
rente à la furface interne des mufcles
tranfverfes, & à celle de tout le rcfîe de
la cavité du bas-ventre , dont elle couvre
& enveloppe les vifceres comme une efpece
de fac.
Cette membrane efl en général un tifTu
affez ferré , néanmoins très-fouple , capable
d'une grande extenfion , après laquelle elle
peut encore reprendre fon étendue ordi-
naire , ou celle qu'elle avoir déjà eue.
C'eft ce que l'on voit manifeilement dans
la grofléflé , dans l'hydropiiie , & dans les
perlbnnes qui ont le ventre gros par embon-
point, ouparreplétion.
Le péritoine paroît compofé , félon fon
étendue en largeur , de deux portions
l'une interne & l'autre externe : pluiîeurs
anatomifks ont pris ces portions pour une
duplicature de deux lames membraneufcs
réellement dillinguées ; mais, à proprement
parler, il n'y en a qu'une qui mérite le nom
de lame membraneufe; favoir , la portion in-
fernequi faitcomraelecorpsdupmVo//?^; la
portion externe n'eft qu'une efpece d'apohy-
fe folliculcufe de l'interne : on l'appelleafîèz
convenablement le tiffu cellulaire du pm-
toine.
La vraie lame membraneufe , nommée
généralement lartie interne , efl fort h^
du côté qui regarde la cavité & les vii-
ceres du bas - ventre ; & on trouve fa
furface interne toujours mouillée d'une
férofité qui paroîi^ fuinter par des porei
prefque impercefîibles : on découvre ces
S
\^i P E R
pores en renverfant une portion du pe'ri-
toine fur le Lout du doigt , & en la tirant
là-deflus de côté & d'autre ; car alars on
apperçoit les pores' dilatés & des goutte-
lettes en fortir diflinclement , même fans
microfcope.
Les fources de ces gouttelettes & de
cette férofité de la face interne du péri-
toine , ne font pas encore bien connues :
peut-êrre fe fiiit-elle par tranfludation ,
ou par une tranfpiration , telle qu'on l'ob-
ferve dans l'ouverture des animaux nou-
vellement tués. Les grains blanchâtres
qu'on y trouve dans certains fujets morts
de maladie , ne décident rien pour les glan-
des que l'on prétend y être dans l'état
naturel.
Le tiiTu cellulaire ou la partie externe
du péritoine .^t^ très-adhérente aux parties
qui forment les parois internes de la cavité
du bas-ventre. Ce tifTu cellulaire n'efl: point
d'une égale épaifîèur par-tout ; de plus ,
il y a des endroits où ce tiffu reflemblc
à une membrane adipeufe j y étant remplie
de graifle , comme autour des reins , le
long àts portions charnues des mufcles
tranfverfes auxquels il eu adhérent.
Les gros vauTeaux fanguins , favoir ,
l'aorte & la veine cave , font aufli ren-
fermés dans l'épaiflcur de la portion cellu-
laire du péritoine. En un mot , ce tifîù
enveloppe immédiatement & en particulier
les parties & les organes que l'on dit être
communément litués dans la duplicature
du péritoine.
Les principaux ufages du péritoine pa-
roiflent être de tapifler la cavité du bas-
ventre ; d'envelopper , comme dans un fac
commun , les vifceres contenus dans cette
partie ; de leur fournir des tuniques ou
enveloppes particulières ; de former des
alongemens , des ligamens , des attaches ,
des replis , Acs gaines , ^c.
La rofée fine qui fuinte par-tout de la
fùrface interne du péritoine , empêche les
inconvéniens qui pourroient arriver par le
frottement continuel & les ballotemens plus
ou moins confidérables auxquels les vifceres
du bas-ventre font expofés en partie natu-
rellement, & en partie à l'occafion des
différens raouvemcns externes.
Telle cft la ftrudure du péritoine ,
P E R
d'après MM. Douglas & Winflo^r , qur,
quoique très-exadc , ne fuffit pas pour en
donner une idée ; mais il eft impofllble
de le faire fans la démonflration ; tout ce
qu'on en peut dire en général , efl que c'efl
un fac pyriforme comprimé llipérieurement ,
plus large en fon miheu , & qui va en dimi-
nuant d'une façon obtufe vers les parties
inférieures. De la partie inférieure du dia-
phragme , il defcend en bas devant les
mufcles ihaques & pfoas , fe continue de-
vant le reûum , fe rephe au-deffus de la
veflle devant l'os pubis & derrière les
mufcles abdominaux : ce lac efl percé
pour laiiTer paffer l'œfophage & le redum ;
il renferme dans fa cavité le foie , la rate ,
le pancréas , & tout le volume des inteitins
avec l'edomac. L'aorte , la veine cave ,
le canal thorachique , les reins , les vaif-
lèaux voifins , i& la plus grande partie du
redum', font hors de la cavité du péritoine ^
dans cette membrane cellulaire qui l'envi-
ronne , & le lie au diaphragme , aux muf-
cles tranfverfes , à la vefîie , aux mufcle.s
releveurs de l'anus , aux pfoas , aux iliaques
& aux enveloppes tendineufes des vertè-
bres des lombes. Sa furface extérieure eft
foutenue de fibres folides. à la partie an-
térieure du bas - ventre : l'intérieure efl
humedée d'une vapeur qui tranfpire fans
cefle.
Le péritoine efl tellement rempli des
vifceres qu'il contient , qu'il porte l'em-
preinte des inteftins ; il repoufTe le ventri-
cule que le diaphragme fait defcendre en
s'abalffant , & oppofe une certaine réni-
tence à la comprcffion des mufcles abdo-
minaux fur l'eflomac , qui par-là fe trouve
entre deux efpeces de prelîîons , parce
que tout cft plein dans le bas - ventre.
C'eft pourquoi , lorfque cette membrane eft
percée, fur-tout dans le vivant, les vif^
ceres fortent avec effort par l'ouverture
faite à l'enveloppe qui les retient. Enfin ,
cette membrane reçoit les vaifTeaux peu
confidérables , des épigaftriques , des fper-
matiques & des autres troncs voifins.
{D.J.)
Article nouveau far le Péritoine.
§ PÉRITOINE, f. m. {Anat.) mem-
bi^ne qui recouvre immédiatement tous
P E R
lés vlfceres du bas-ventre en général , &
la plupart d'eux en particulier.
lue péritoine iorme. , comme le péricarde,
un lac, mais beaucoup plus compliqué. Il
cil fait de même par une feule membrane ,
dont la p-artie la plus liife & la plus denfe
regarde la cavité , & dont la furface ex-
térieure devient peu-à-peu celltileufe , par
TaccroilTement des petits efpaces com-
pris entre les lames élémentaires du péri-
toine. Il n'y a aucune railon valable pour
lui donner deux lames , & pour admettre
entre ces lames une duplicature. C'étoit une
eireur généralement adoptée, que Douglas
a réfutée le premier ; ce qui a donné lieu
à recevoir une duplicature , c'eft le tifîù
cellulaire dont le péritoine eft couvert , &
dont* je parlerai bientôt.
La membrane du péritoine cft moins
ëpaifïe que le péricarde, & très- fine
Itjr-tout du côté du mufcle rranfverle. Ses
vaiflcaux font petits : il prête beaucoup ,
pourvu que la dilatation fe tafïé lentement ;
car un ettort trop fubit peut le rompre.
Son fentiment eft des plus obfcurs ; d'eu
un des points fur lelquels mes adverfaires
font à peu-près d'accord avec moi ; on
n'a point trouvé de fentiment au fac her-
niaire , qui cft le péritoine même élargi
Comme on n'y diflingue pas de fibres ,
iJ n'eil point irritable.
Comme le péricarde , le péritoine con-
fient une liqueur de la clafle albumineufe ,
plus tétide cependant & plus fujette à fe
corrompre. Elle exhale de toute la furface
liiïè du péritoine , foit qu'il couvre des
vifceres ou qu'il s'étende fous la forme
d'une membrane ; elle eu repompée de
même. On en imite la formation en injec-
tant une liqueur fluide dans les artères du
bas-ventre , & fa réforption en poulTant
la liqueur dans les veines. Pour démontrer
la réforption , on a fait d'autres expé-
riences encore ; on a fcringué de l'eau ou
^u vin dans la cavité du bas-venrre d'un
animal vivant ; on a fermé la plaie : cette
liqueur a difpdru en peu d'heures , quoi-
qu'il y en eût-plulieurs onces.
Cette humeur exhalante entretient la
Tnobihré des vifceres entr'eux , & les
empêche de s'attacher au péritoine. Quand
i'jnflamraation la deflèche , ii eft très-
P E R 383
ordinaire que ces vifceres fe collent les
uns aux autres , ou s'attachent au péri-
toine.
La defcription du fac formé par cette
membrane , n'eft pas fort aifée. Douglas
l'a donnée le premier , & a réuffi à le dé-
tacher entièrement , & à l'enlever avec
tous les vifceres qu'il renferme. La même
opération m'a réufli dans le fœtus & dans
l'enfant qui vient de naître : c'eft du mufcle
tranfverfal que le péritoine fe détache avec
le plus de peine.
Cette membrane taplfle toute la voûte,
concave du diaphragm.e ; elle eu. contigue
à la plèvre dans les ouvertures faites pour
le paflage de l'aorte , de l'œfophage , de
la veine cave , & dans quelques intervalles
des fibres charnues. Il ne s'attaclif qu'aflez
légèrement à cette cloifon , A l'exception
des fibres qui naifîent de la dernière côte
& de l'apophyfe tranfverfe de la dernière
vertèbre des lombes.
Du bas des ailes du diaphragme , le
péritoine defcend devant fes appendices ,
les pfoas , devant les vertèbres des lom-
bes , les caplules rénales , les reins & les
deux gros vaifTeaux : toutes fes parties
font au dehors du fac du péritoine , &
ne touchent point aux inteftins , ni aux
vifceres contenus dans ce fac.
Le péritoine continue à defcendre devant
les mufcles qui couvrent l'os des îles ,
il arrive dans le bafiiin devant le reûum ^
dont la moitié de la partie fupérieure eft
hors du fac dû péritoine , & inférieure-
ment cette portion eft encore plus grande.
Il pofe furies levateurs, les coccygiens ,
le facrum , les obturateurs , les grands
nerfs & les os des îles : il pafTe delà au
redum , & dans les femmes à la partie
tranfverfale du vagin. Il remonte contre
lui-même derrière le vagin dans le fexe ,
&: derrière l'utérus, dont il fait la tunique
externe. En paffant du redum à l'utérus ,
il fait un pli plus que demi-circulaire , qui
réunit la partie du péritoine placée fur le
rcdum avec celle qui tapifîè le vagin ; ce
pli eft fimple ou double , & au-defTus de
lui eft un cul-de-fac entre le redum & le
commencement du vagin.
Le péritoine s'élève encore des deux
côtés de l'utérus entre ce vifcere & les
3Î?4 P E R
os du baflîn. Arrivé au haut de l'utérus,
il en " redefcend contre lui-même ; une
cellulofiré remplit l'intervalle des deux pa-
ges du péritoine replié fur lui-même ; il
pafîê jufques prefqu'au vagin ; il y termine
(bn fac , & remonte vers la veffie. La
partie latérale du péritoise placée aux
deux côtés de l'utérus , fait une cloifon
mobile & imparfaite qui fépare la partie
antérieure du baffin de la poftérieure. On
l'appelle les ligamens larges.
Il atteint la veffie à deux doigts au-
defllis de l'infertion des uretères , & re-
monte poflérieurement le long de la veffie ;
il redefcend , dans lesfujets encore jeunes,
vers le pubis , & couvre une partie de la
face antérieure de la veffie, moins grande
que celle ^u'il couvre pollerieurement.
Des os pubis & des os des îles, il
remonte derrière les mufcles droits &
tranfverfaux , & fe réunit avec la partie
qui tapiife le diaphragme. Sa voûte fupé-
rieure çil fimple , fon fond inférieur fait
trois culs-de-fac ; le plus profond derrière
l'utérus , le moyen entre l'utérus & la veffie ,
l'antérieur & le plus petit entre la veffie & le
pubis.
Dans l'homme, fa lîruâure efl plus fim-
ple. Dâfpuis le redum , le péritoine pafle
à la veffie , & forme deux plis demi-circu-
laires : il atteint la veffie au-deffus des
uretères qui fe trouvent hors du fac du
péritoine , auffi - bien que les véficules
féminales.
Nous parlerons , à Varticle TÊTE , de
la différence qu'il y a entre le fœtus &
l'adulte par rapport à ces organes , qui
dans le fœtus lont renfermés dans le fac
du péritoine , & qui en lortent avec l'âge.
Le péritoine donne l'enveloppe exté-
rieure aux vifceres du bas-ventre. Sa face
liffe regarde toujours la cavité , & la cel-
luloiité eft tournée contre le vifcere dans
les inteftins , l'eftomac , le foie , la rate.
La produdion du péritoine qui va s'at-
tacher au vifcere , eft appellée du nom de
ligament.
Le méfentere & les épiploons font des
produdionsplus confidérables du péritoine ;
nous en parlons à chaque article.
La cellulofité qui l'environne forme ce
que les anciens appelloient des procejfus.
PEU
Les plus connus font ceux qui dans rhomme
accompagnent le plexus fpermatique , & le
ligament rond dans la femme. Le péritoine
eft fermé du côté du nombril.
Le reitum ne perce pas le péritoine ,
il eft placé derrière ce fac au-delà de la
moitié de fa largeur ; inférieureraent il eft
fous le péritoine.
On peut regarder comme un trou de
ce fac , celui qui laiffe palfer la veine cave ,
& du côté du diaphragme , & du côte
du foie , & celui par lequel pafle l'œfo-
phage.
L'aorte , la veine cave au - defl!bus du
foie , tous les gros vaifl^aux des reins font
hors du péritoine.
Sa cellulofité extérieure eft extrêmement
épaifle autour des reins , & il s^y amaflê
une quantité de graiflfe ferme qui remplit
l'efpace curviligne qui eft entre le contour
des reins & les mufcles fur lefquels il polê.
Il y a beaucoup de graille encore autour
du reâum ; il y en a peu du côté de la par-
tie fupérieure des aponévrofes des mulcles
du bas-ventre , vers la veffie , vers l'utérus ,
vers les tendons du tranfverlal.
Une traînée cellulaire accompagne d'un
côté l'aorte à la poitrine , & de l'autre au
fémur : la première fe continue avec la cel-
lulofité du médiaftin poftérieur , du cou
& du bras. Un autre paquet fuit l'œfophage
dans la poitrine.
Du nombril, la cellulofité fe continue
avec celle qui eft placée derrière le fternun*
& dans le médiaftin antérieur. Une traînée
entre dans le cordon ombilical.
Un gros paquet de graifle fort du baffin ,
& fe porte aux feffes , à la cuiffe , à fa face
antérieure avec l'artère obturatrice, aux
éreâeurs , à la protafte , aux véficules , à
l'urètre.
Toutes ces cellulofités communiquent
enfemble ; c'eft par elles que les eaux hydro-
piques montent des pies à la poitrine; elles
tombent dans les pies , amollies par des lavc-
piés.
Les vaiflêapx du péritoine font nombreux
& petits ; ils lui viennent de tous côtés àts
troncs les plus voifins. Il n'y a point de glan-
des élémentaires. Celles qu'on a vues étoient
des tubercules graifleux.
Le péritoine donne une aiHette conftante
ZVCL
per: >
kux vîrcereS qu'il contient. Dès qu'il eft
blefTé , dans le cadavre même , la contrac-
tion naturelle des parties du corps animal
force les vilceres les plus voifins de la
plaie à en Tortir. Son afFoibliflement donne
lieu aux hernies ; le péritoine feul empê-
choit les inteftins de fe déplacer. Il fou-
tient le cœur , dont le mouvement fe
dérégleroît Ci fa bafe n'étoit appuyée avec
fermeté fur le diaphragme , fbutenu par le
péritoine & par les vilceres du bas-ventre.
(H.D.G.)
PÉRITOINE DES POISSONS , ( îchthiolog. )
Cette membrane eft fort diverfement co-
lorée dans les poiflons ; car elle eft d'un
blanc argentin dans les carpes , les prê-
ches , ùc. d'un beau blanc incarnat dans
d'autres, comme dans le faumon ; dans
quelques-uns elle eft totalement noire ,
& dans d'autres marquetée d'un grand
nombre de petites taches noires , comme
dans la clafte de ceux que les latins nom-
ment clupece y gadiy Jpari. Artedi Ichthiolog.
{D. /.)
PERLE , £. C. perla ou margarita ,
( Hiji. nat, ) corps dur , blanc &; luifant ,
ordinairement arrondi , que l'on trouve
dans plu (leurs coquillages , mais fur-tout
dans celui qui eft appelle la nacre de perle ,
la mere-perle , V huître à écaille nacrée , &c.
mater perlarum , coacha margaritifera , &c.
La coquille de la mere-perle eft bivalve ,
fort pefante , grife & ridée en dehors ,
blanche ou de couleur argentée , unie &
luifante en dedans , un peu verdâtre ,
applatie & circulaire.
Les plus belles perles fe trouvent dans
l'animal qui habite cette coquille ; il y en
a aullî qui font adhérentes aux parois in-
ternes de la coquille. Chaque coquillage
de mere-perle produit ordinairement dix
ou douze perles : un auteur qui traite de
leurs productions , prétend en avoir trouvé
cent cinquante dans un feul animal ; mais
leur formation avoit difFérens degrés ; les
plus parfaites ou les plus avancées tombent
toujours les premières, tandis que les autres
rcftent au fond de la coquille.
On a fait , fur la formation des perles ,
un grand nombre d'hypothefes , la plupart
alTez vagues & peu fondées. Les anciens ,
tels que Pline , Solinus , ùc, êàCmx. qu'elles
Tome XXV^
P E K 3gy
font formées de la rofée. Selon eux , le
coquillage s'élève tous les matins fur la
furface de l'eau , & là il ouvre fa coquille
pour recevoir la rofée du ciel , laquelle ,
comme une per/e liquide, s'infinuant dans
le corps de la mere-perle , y fixe fes (èls ,
Se y reçoit la couleur , la dureté , & la
forme de perle , comme il arrive à quelques
liqueurs d'être changées dans la terre en
cryftaux , ou au fuc des fleurs d'être tranf-
formé en miel ou en cire dans le corps
de l'abeille. Quand même cette opinion
auroit pu fe foutenir par le raifonnement ,
elle auroit été démentie par les faits j car
les meres-perles ne peuvent pas s'élever
jufqu'à la furface de l'eau pour y recevoir
la rofée , puifqu'elles reftent toujours atta-
chées très-ferme aux rochers.
D'autres penfent que les perles (ont les
œufs des animaux dans lefquels on les
trouve, mais cela ne s'accorde point avec
les effets ou les phénomènes dont on a
l'expérience , car l'on trouve les perles
répandues par toute la fubftance de Pani-
nial , dans la tête , dans l'enveloppe qui
le couvre , dans les mufcles circulaires qui
s'y terminent , dans l'eftomac , & en
général dans toutes les parties charnues
& mufculaires ; de forte qu'il n'y a point
d'apparence que les perles fbient dans les
coquillages ce que les œufs font dans les
volatiles &c le frai dans les poiftbns : car
outre qu'il n'y a pas d'endroit particulier
deftiné à leur formation , les anatomiftes
n'ont pu y trouver aucune chofe qui eêt
quelque rapport à ce qui fe pafte à cet
égard dans les autres animaux. On peut
dire feulement que , comme dans une poule
il y a une infinité de petits œufs , en forme
de fêmences, dont quelques-uns croiflènc
& viennent à maturité pendant que les
autres reftent à-peu-près dans le même
état , l'on trouve auffi dans chaque huître
une perle beaucoup plus grande ôc qui
vient à maturité beaucoup plus vite que
le refte. Cette perle devient quelquefois
aftez grande pour empêcher l'huître de fe
former , auquel cas l'animal fè corrompt &
meurt. "iiç.
D'autres , avec M. GeofFroi le jeune^
mettent les perles au nombre des bézoarts ,
comprenant fous cette claftè toutes les
Ccc
yU PER
pierres qui fe forment par couches dans
le corps des animaux. Voye^^ Bizo art.
M. de Réaumur à donné , dans les mcm.
de V académie des fciences y année Ijlj ,
«n mémoire fur la conformation des co-
quilles & des verles ... Il croit que les
ferles fe produilent de même que les autres
pierres dans les animaux ; par exemple ,
comme celles qui fe forment dans la veflîc ,
dans les reins , ùc. ôc qu'elles font appa-
remment les effets de quelques maladies
ou de quelque défordre de l'animal où elles
fe trouvent. En effet , elles font toutes
formées d'une liqueur extravafée de quel-
ques vaifïeaux rompus , qui efl retenue &
hxée entre les membranes. Afin d'en faire
fentir la pofTibilité , il fait voir que les
coquilles de mer , aufTi-bien que celles de
terre , par exemple celles des limaçons , &c.
iTont entièrement formées d'une matière
glutineufe & pierreufe qui fuinte du corps
de l'animal ; ainfi il n'eft cas étonnant
qu'un animal , qui a des vaifleaux où cir-
cule une quantité de fucs pierreux , fuffi-
fante pou^r former une coquille , en ait
aflTez pour produire des perles , dans le
cas où [les fucs deftinés à l'accroiffement
de la coquille , viendroient en trop grande
abondance , & s'épancheroient dans quel-
que cavité du corps ou entre les mem-
branes.
Pour confirmer ce fyflême , l'auteur
obferve que la partie intérieure de la moule
qui produit laper/e commune , &c que Pon
^ouve fur les côtes de Provence , eft en
partie d'une couleur de per/e ou de nacre
de perle , & en partie rougeâtre ; que les
couleurs des perles font précifément les
mêmes que celles de la coquille ; que les
perles d'une couleur fe trouvent toujours
dans la partie delà coquille de même cou-
leur qu'elles : ce qui fait voir que dans le
même endroit où la tranfpiration d'un cer-
tain fuc a formé & auroit continué à former
une tunique, ou une couche de coquille
d\ine certaine couleur , les vai (féaux qui
ont apporté ce fuc étant rompus , il s'y
cft formé une petite mafle ou un petit
amas de liqueur , laquelle venant à s'en-
durcir, eft devenue une perle de même
couleur que la partie de la coquille qui lui
«crreljpond.
PER
Ajoutez à cela que la partie delà coquille
qui eft de couleur d'argent ou de perle ,
eil formée de couches pofées les unes fur
les autres, comme celles d'un oignon j Ôc
que la partie rougeâtre eft compofée de
petites fibres cylindriques & fort courtes ,
appliquées l'une contre Fautre : cette même
tifibre convient aux perles des deux cou-
leurs j ce n'eft pas que ces deux cfpeces
foient compofées toutes deux de couches
concentriques , car celles des perles rou-
geâtres font beaucoup moins fenfibles , 8c
de plus elles ont des traits ou des filets
qui , femblables à des rayons , vont du
centre à la circonférence. Toutes ces cir-
conftances paroiftènt effedtivement déter-
miner la formation des perles. Chambers,
Pour une perk qui fe trouve dans le
corps de l'animal , il y en a mille qui font
attachées à la coquille comme autant de
verrues. Tous les coquillages de l'efpece
des meres-perles y ne renferment pas dts
perles; il y a lieu de croire que Pon n'en
trouve que dans ceux qui font viciés j aufît
Pon a remarqué que les côtes où fe fait
la pêche à&s perles iont mal-faines, & que
la chair de l'animal des meres-perles eft en-
core plus mauvaife à manger lorfqu'il y a
réellement des perles , que lorfqu'il ne s'y
en trouve point.
La perfedion des perles , foit qu'elles
foient rondes , en forme de poires , d'oli-
ves , ou d'une figure irréguliere , confîfte
principalement dans le luftre & la netteté
de fa couleur ; c'eft ce que l'on appelle
(on eau. Il y en a quelques - unes donc
l'eau eft blanche , ce font les plus eftimées
en .Europe ; l'eau des autres tire fur le
jaune : quelques Indiens & quelques Arabes
les préfèrent aux blanches. Il y en a quel-
ques-unes d'une couleur de plomb , quel-
ques autres tirant fur le noir, & d'autres
tout-à-fait noires.
Elles font fu jettes à changer quand orî
les porte ; dans l'efpace de 80 ou 1 00 ans ,
elles deviennent ordinairement d'une fort
petite valeur , particulièrement les blanches,
qui fe jaunifTent &c qui fe gâtent en 40 ou
50 ans.
Il n'eft pas douteux que la différence àts
couleurs vient des différentes parties de
l'huître , où les/7er/ej font formées, quand le
P E R. ^
/perme ou la (èmencc vient à être chaflee
dans le méientere , ou dans la foie , ou
dans les parties qui y répondent i il n'eft
pas étonnant que les impuretés du fang
changent leur blanckeur naturelle.
En Europe , les perles fe vendent au
carat : le carat contenant quatre grains en
Afie , on fait ufage de différens poids pour
les perles , fuivant la différence des états.
Fbje^CARAT.
On ne donne proprement le nom de
perle qu'à ce qui ne tient point à la co-
quille , la coquille elle - même s'appellant
nacre de perle. Les pièces qui ont tenu
à la coquille , & qui ont été détachées
par l'adreflè de l'ouvrier , fe nomment
loupes de perles , qui ne font en effet autre
chofe que des excroiflànces arrondies ,
ou des pièces de fa coquille 9 quoiqu'on
ies prenne fort fouvent pour la coquille
même.
Le père Eouhours obferve que les perles
ont cet avantage fur les pierres précieufes
que l'on détache des rocs, &c. en ce que
ces dernières doivent leur luftre à l'in-
duftrie des hommes , la nature ne faiiant ,
pour ainfi dire , que les ébaucher , &
laiflànt à l'art le foin de les finir : mais
les perles ont d'elles - mêmes cette eau
charmante qui en fait fout le prix. Elles
fe trouvent parfaitement polies dans les
abymes de la mer ; & la nature y a mis la
dernière main avant que d'être féparées de
leur mère.
Les perles d'une figure irréguficre , c'eft-
à-dire , qui ne font ni rondes , ni en poires ,
/ont appellées baroques ou perles d'EcoJfe.
Lesper/ej parangones font des per/ej d'une
groffeur extraordinaire , comme celles de
Cléopatre , que Pline évalue à quatre-vingt
mille livres fterlings. On en apporta une
à Philippe II , en 1579, grolTe comme un
œuf de pigeon , prifée 14400 ducats. L'em-
pereur RoJolphe avoit une perle paran-
gone , groi'le comme une poire mufcade ,
pefant jo carats, félon Boëce , & appellée
la pelegrina ou V incomparable : Tavernier
fait mention d'une autre qui étoit entre les
mains de l'empereur de Perfe en- 1633 ,
& que l'on avoit achetée d'un Arabe pour
3 zooo tomans \ à 3 hvres 9 fous le toman ,
c&la j^roduic 1 1040Q livres flerlings.
PE R. 387-
Les perles font de qtielquc ufage en mé-
decine , mais il n'y a que celles de la plus
petite efpece qui aient ceKe propriété i on
ies appelle femence de .perles : il faut pour
cela qu'elles foient blanches, claires, tranfr -
parentes , & véritablement orientales. Elles
fervent à compofer des potions cordiales
dont on faifoit autrefois un très-grand cas j
mais aujourd'hui elles ont perdu beaucoup
de leur ancienne réputation , & il n'y a
guère que des charlatans qui en faflènt quel-
que cas.
Les dames font aulïi ufàge , pour leur
teint , de certaines préparations de perles ,
comme on leur fait accroire j tels font les
blancs de perles , les fleurs , les effcnees ,
les efprits, les teintures de perles , ^c^
mais il y a beaucoup d'apparence que ce
font de pures tromperies.
Once-perles , voye^^V article Once.
Pèches des ^perles. On prend des perles
dans les mers des Indes orientales, dans
celles de l'Amérique , &c en quelques parr
ties de l'Europe, yoye^ Pèche.
Les pêches de perles qui fe font aux
Indes orientales, font , 1°. à l'île dcBahren
ou Baharem dans le golfe Pcrfique : cette
pêche appartenoit aux Portugais , lorfqu'ils
étoient maîtres d'Ormus ôc de Mafcata i
mais elle eft revenue au fophi de Perfe ,
depuis que ce prince , avec le fecours des
Anglois , a pris Ormus fur eux , & que
les Arabes fe font emparés de Mafcata.
1°. La pêche de Catifa , fur la côte de
l'Arabie heureufe , vis-à-vis de Bahren.
3°. Celle de Manar, un port de mer
dans l'île de Ceylan. Les perles que l'on
y pêche font les plus fines de tout l'orient ,
tant par la beauté de leur eau que par Ja
perfedion de leur rondeur j mais elles pefenc
rarement plus de quatre carats.
Enfin , on pêche dés perles fur la côte
du Japon; mais elles font groffieres, irré-
gulieres , & peu confidérées.
Les perles de Bahren & de Catifa fojit
celles que l'on vend communément dans
les Indes ; elles tirent un peu fur le jaune,
mais les orientaux ne les eftiment pas
moins pour cela. Ils regardent cettte cou-
leur comme le caradere de leur maturité ,
& ils font perfuadés que celles qui ont
naturellement cecte teinture jaunâtre , np
Ccc t
'388 P E R
changent jamais de couleur ; Se qu'au con- '
traire celles d''eau blanche ne font pas
trente ans fans prendre une couleur d'un
jaune fale , à caufe de la chaleur du climat
& de la Tueur des perfonnes qui 4es portent.
Les pêches de perles , en Amérique ,
fe font toutes dans le grand golfe du Me-
xique , le long de la côte de la Terre-
ferme. Il y en a cinq : i °. la pêche du
Cubagna , île à cinq lieues de la nouvelle
Andaloufie , à lo degrés î de latitude
feptentrionale.
2°. Celle de l'ilc Marguerite , ou de
Tîle des per /es.
3°. Celle de Comogore vers la Terre-
fermeS
4°. Celle de la rivière de la Hach, ap-
pcUée la Rencheria.
5°. Celle de Sainte-Marthe , à loixante
lieues de la rivière de la Hach.
Les perles de ces trois dernières pêches
font ordinairement de bon poids , mais
mal formées , & d'une eau livide. Celles.
de Cubagna pefent rarement plus àt cinq
carats , mais on en trouve en abondance :
celles de l'ile Marguerite font les plus
nombreufes & les plus belles , tant par
rapport à leur eau qu'à leur poids.
La pêche des perles, dans la Tartarie
chinoife , fe fait proche la ville de Nipehoa,
fîtuée fur un lac de même nom : les perles
n'y font pas fi belles , ni en li grand nom-
bre qu'à Baharem. C'eft cette pêche qui a
été la caufe de la guerre entre les Chinois
& les Mofcovites , & qui a été terminée
vers la fin du dernier fiecle par les négo-
ciations des jéfuites Péreira & Gerbillon.
Le lac , qui eft d'une grande étendue ,
fut alors divifé entre les deux nations ,
dont chacune prétendoit à la poflefTion du
tout.
Il y a quelques pêches de perles dans la
mer du Sud , mais elles font fort peu confî-
dérables.
Les pêches de perles , en Europe , fe
font en quelques endroits fur les côtes
d'Ecofle & dans un fleuve de Bavière ;
mais les perles que l'on y trouve ne font
pas comparables à celles des Indes orien-
tales ou de l'Amérique , quoiqu'elles fer-
vent à faire des colliers que l'on vend qucl-
ig[uefois mille écus & plus.
P E R
Manière de pêcher les perles dans les
Indes orientales. Il y a deux faifons dans
Pannéc pour la pêche des perles : la pre-
mière eft en mars & en avril , & la fé-
conde fe fait en août & en feptembre i plus
il tombe de pluie dans l'année , plus les
pêches fcnt abondantes.,
A l'ouverture de la fà}fon , û paroîr
quelquefois deux cents cinquante barques
fur le rivage. Les plus grandes ont deux
plongeurs , les plus petites n'en ont qu'un :
toutes les barques quittent le rivage , avant
le lever du folejl , par un vent de terra
qui ne manque jamais, de fouffler ; elles
reviennent de même par un vent de met
qui fuccede au premier l'après-midi.
Auffi-tôt que les barques font arrivées.
& ont jeté Pancrc, chaque, plongeur s'at-
tache fous le corps une pierre épaifîè ds
fix pouces & longue d'un pié j elle lui lert
comme de left , & pour empêcher qu"*!!^
ne foit chafle ou emporté par le mouve-.
ment de l'eau , èi qu^il foit en état d'allei
avec plus de fermeté à travers les flots.
Outre cela , ils fe lient à un pié una
autre pierre fort pefente, qui les préci-
pite au fond de la mer en un inftant i.
& comme les huîtres font ordinairement
attachées tr^s-fortement aux rochers , ils
arment leurs doigts de mitaines de cuir >
pour prévenir les bleflures quand ils vien-
nent à les arracher avec violence : queU
ques-uns même fe fervent pour cela d'ua
râteau de fer.
Enfin chaque plongeur porte avec lui-
un grand filet en manière de fac , lié à
fon cou avec une longue corde , dont
l'autre extrémité eft attachée au côté de
la barque : le fac eft defViné à recevoir
les huîtres que Pon recueille ou que l'on
détache du rocher , & la corde fert à
retirer le plongeoir quand fon fac eft plein ,
ou qu'il a befoin d'air. Dans cet équipage ,
il fe précipite quelquefois plus de 6o pies
fous Peau. Comme il n'a pas de temps à
perdre en cet endroit, il n'eft pas plutôt
arrivé au fond , qu'il commence à courir de
côté 5c d'autre , quelquefois fur un fable ,
quelquefois fur une terre graflc , & tantôt
parmi les pointes des rochers , arrachant
les huîtres qu'il rcnconue , ôc les fourrant
dans fon fac.
PE R
A quelque profondeur que les pfongeurs
foienc dans Peau , la lumière eft li grande ,
qu'ils voient très-diftindement tout ce qui
le pafle dans la mer , avec la même clarté
que fur terre ; & , ce qui ne manque pas
de les confterner , ils apperçoivent quel-
quefois des poiflbns monftrueux , dont
ils deviennent fouvent- la pràie , quelque
précaution qu'ils aient de troubler l'eau ,
afin de n'en être pas apperçus: de tous
les dangers de cette pêche , il n'y en a
point de plus grand ni de plus ordinaire.
Les meilleurs plongeurs reftent fous
l'eau une demi- heure , & les autres pas
moins qu'un quart-d'heure. Durant ce
temps , ils retiennent leur haleine fans
feire aucun uTage d'huile ni d'autres li-
queurs. yoye[ Plonger.
Quand ils fe trouvent incommodés , ils
tirent la corde à laquelle le fac eft attaché ,
& ils la tiennent ferme & bien ferrée avec
les deux ijiains ; alors ceux qui font dans
la barque voyant le fîgnal , les. élèvent
en l'air & les déchargent de leur poilïon ;
il y a quelquefois cinq cents huîtres , d'aur-
très fois il n'y en a pas plus de cinquante,
Quelques plongeurs ont befoin d'un mo-
ment pour reprendre haleine, d'autres fe,
rejettent à l'inftant dans la. mer , & con-
tinuent ùiiis relâche ce violent exerpic.e
pendant plufieurs heures.
Les pêcheurs, déchargent leurs barques
fur le rivage , & ils mettent leurs huîtres
dans un nombre infini de petites folles
çreufées dans le fable , & qui ont quatre
ou cinq pics quarrés , ils les recouvrent de
petits tas de fable à la hauteur d'un homrne ;
ce qui paroît , à quelque diftance , fem-
blable à une armée rangée en bataille. On
tes laifle dans cet état jufqu'à ce que la
pluie, le vent &c. le foleil les obligent de
s'ouvrir ; ce qui ne tardé pas à les faire
mourir, Alprs U chair- fe corrompt , fe
derteche , ôc les perles ainfi dégagées
tombent dans la fpfle quand on vient à
retirer les huîtres.
La chair de ce poiflon eft excellente •■,
ôc s'il eft vrai , ainfi que le prétendent
quelques naturaliftes , que les perles font
des pierres formées par une mauvaife conf-
P E R 5S<>
au bézoart , ce vice ou cette maladie n'al-
tère point les humeurs ', au moins les Pa-
vavas qui en mangent , ne trouvent aucune
différence entre ceux qui ont des perles ÔC
ceux qui n'en ont pas.
Après avoir nettoyé les foftes des faletés
les plus grofïieres , on crible le fable plu-
fieurs fois , afin d'en féparer les perles.
Mais quelque attention que l'on y ait , on
en perd toujours un grand nombre. Quand
les perles font nettoyées & féchées , on
les fait paftèr pat une efpece de cribla
proportionné à leur grofteur. Les plus
petites; font vendues pour de la femencc
de perles y les autres le font au plus offrant*
Manière de pêcher les perles dans les
Indes occidentales. La fàilon pour cette
pêche eft ordinairement depuis le mois
d'odobre jufqu'au mois de mars. Il fort
alors de Carthagène dix ou douze barques
fous l'efcorte d'un vaifleau de guerre ,
appelle larmadille. Chaque barque a deux^
ou. trois efcl^vcs qui lui fervent, de plon-
geurs.
Parmi les barques , il y en a une appelléè
la capitane , à laquelle toutes lès autres
font obligées d'apporter k nuit ce qu'elles
ont pris pendant le jour, afin de prévenir-
les fraudes. Les plongeurs ne fubfiftent
pas long-temps , à caufe du travail excefïif
qu'on leur, fait fupporrer; ils reftent quel-
quefois fous l'eau plus d'un quart-d'heure :
tout le reftç s'y fait de même que dans les
pêches des Indes orientales..
Les. indiens connoifloient le prix d"é
\tm^ perles avant la découverte de l'Amé-
rique ; & quand les efpagnols y arriverciit,
ils en trouvèrent une grande quantité qui
étoit en.réferye, & que les. Américains
mettoient à un haut prix ; mais elles étoient
prefque toutes imparfaites , d'une eau jaune,-
& enfumée, parce qu'ils avaient coutume-
de, fe fervir de fëu pour ouvrir les poifTons
où elles fe forment. Dans le diclionnaire
de commerce^ il y a une table de la valeur
Aç&perles\ elle a été communiquée à l'au-
teur par une perfonne très-capable. Comme
les /jer/ei' font un article fort curiçuxdans
le commerce , & qu'il y a des endroit^ où
leur valeur eft peu connue , comme
peu
titution du corps où elles fe trouvent , corn- Angleterre , on va en donner , ici un abrégé
me cela amve quelquefois ^uji hommes ^ \ déduit;, à la moiinoie d'Angleterre.. Pour la
3^0 P E R
France > il eft évident que l'on doit copier
ce qu'en die le diâionnaire de commerce.
Sur le pie de ij". 6 d. fterlings la livre
de France, ou de4y. 6 à. lecu de France.
Valeur de toutes fortes de perles > par
rapport à leurs différens poids.
Semences de pirîes.
lir. fow. den.
Les femcnces àt perles non-
percées propres à être
broyées , valent oo.
La belle femence de perles
percées pour de petits
coliers , ou pour la bro-
derie , 01*
De la même efpece, un peu
plus grandes , oi.
Perles irrégulieres,
lîv.
De foo à l'once, valent . 03.
06.
II.
300
150
ICO
60
30
15.
7f.
09.
01.
16.
fouf.
00.
CO.
02.
00.
00.
den.
Perles rondes régulières.
liv. fous den.
Une perle d'un demi-grain
vaut , 00. 00.
d'un grain, ....... 00. 00.
d'un grain & demi , . . 00. 01.
de deux grains, .... 00. 02.
de deux grains & demi , 00. 04.
de 3 grains , 00. 07.
de 4 grains ou un carat , 00. 1 8.
de 5 grains, 01. 10.
de 6 grains, 02. 05.
de 7 grains, 03. 01.
de 8 grains ou 2 carats , . 04. i o.
de 9 grains , 06. 00.
de 10 grains, 08. of.
de II grains , 09. ij.
de 15 grains, 13. cy.
de 15 grains, 21. 00.
de 17 grains , ..... 27. 10.
de zo grains OU 5 carats, 37. 10.
2i.
o.
o.
6.
6.
o.
o.
o.
o.
o.
o.
o.
o.
o.
o.
o.
0.
fous.
icm
10.
0.
10.
0.
00.
0.
00.
0.
co.
0.
10.
0.
00.
0.
P ER
Ifv.
de 22 grains , 5-2.
de 24 grains ou 6 carats ,82.
de z6 grains, 99.
de 2 8 grains ou 7 carats , ijo.
de"5-2 grains ou 8 carats > 2 2 5 .
de 3 6 grains ou 9 carats ,262.
de 40 grains ou 10 carats, 300.
Quant aux perles qui ont une forme de
Eoires , quoiqu'elles foient également par-
ûtes éc d'un poids égal à celui des rondes ,
leur valeur eft fort inférieure; néanmoins
quand on en trouve deux qui s'aflortilTent ,
le rapportent , ou qui Ce marient bien en-
fêm.ble , leur prix n'eft qu'à un tiers moin-
dre que celui des/jer/ej rondes.
Faujfes perles. Ce font des perles con-
trefaites ou factices , qui refTemblent aux
véritables perles par leur eau ou par leur
couleur; on les appelle vulgairement des
grains de collier ou de chapelet.
Autrefois elles n'étoient faites que de
verre, avec une teinture de vif-argent
en defTus. Par la fuite on fe fervit de cire ,
que l'on recouvroit d'une colle de poiflbn
fine & brillante.
On a inventé depuis en France une autre
-manière de faire ces fortes de perles ; on
les rend fi fembkbles aux naturelles par
le luftre Se par Peau qu'on fait leur don-
ner , que de bons yeux peuvent s'y mé-
prendre : ce (ont de celles-là que les fem-
mes en général portent à préfent au défaut
de vïzies perles ; les petits colliers de celles-
ci n'étant plus de leur goût , & les grands
étant généralement trop chers.
Méthode de faire de fauffes perles. On
eft redevable de cette curieufe invention
au fieur Janin : ce qui en relevé le prix
n'eft pas feulement la fimplicité , mais
c'eft qu'elle n'eft point fujette aux mauvais
effets de ces fauftès perles que l'on fait
avec du vif-argent ou avec de la colle de
poifibn.
Cet ingénieux artifte ayant remarqué
que les écailles d'un petit poifïbn que
Ion appelle fl//5e , & que l'on trouve abon-
damment dans la rivière de Marne, avoient
non feulement tout le luftre de la perte
réelle , mais qu'après les avoir réduites en
poudre dans Peau ou bien dans le talco-
colle de poifibn , elles reprenoient leur
p £ a
premier îiiftre en redevenant fèches , il
s'avifa d'en mettre un peu dans la cavité
d''un grain de collier ou d'un grain de
girafole , qui eft une efpece d'opale ou de
verre , tirant beaucoup fur la couleur de
perle. La difficulté fut d'y en faire entrer ,
6 , après y être parvenu , de l'étendre
également par toute la cavité du grain.
Un petit tube de verre long de 6 ou
7 pouces , d'une ligne & demie de dia-
mètre , très - aigu à une extrémité & un
peu recourbé , fervit à l'introdudtion de
la matière en la foufïlant avec la bouche ,
après en avoir pris ou enlevé une goutte
avec l'extrémité pointue du tube \ & pour
Pétendrc par toute la circonférence inté-
rieure , il fe contenta de la remuer dou-
cement pendant fort long-temps dans un
petit panier d'ofier revêtu de papier.
Les écailles étant pulvérifées de attachées
par ce mouvement à la furface intérieure
du grain , reprennent leur luftre à mefure
qu'acnés deviennent feches. Pour augmenter
ce luftre , on met les grains pendant Phiver
dans un crible fait de poil , ou dans une
toile à bluter , que l'on fuipend au pla-
fond , & Ton met deflbus , à 6 pies de dif-
tance , àts morceaux de cendres chaudes :
pendant l'été , on les fufpend de la même
manière , mais fans aucun feu.
Quand les perbs font ainfi feches , elles
deviennent fort brillantes ; & il ne refte
plus qu'à boucher l'ouverture j on fe fert
pour cela de cire fondue , que l'on y porte
avec un petit tube fcmblable à celui dont
on fait ufagc pour l'introduélion des écail-
les di (Toutes.
Après avoir ôré la cire fuperflue , on
perce les perles avec une aiguille , on les
enfile , & c'eft de cette manière que l'on
commence les colliers.
Nacre de perle. C'eft: la coquille non pas
de rhuître-;7fr/e , mais de l'auris-marina,
petit poiflbn de mer , qui eft: une efjpece
d'huître.
Cette coquille eft très-unie & très-polie
intérieurement ; elle a la blancheur & l'eau
de la perh même ; le dehors fait voir un
luftre fembL-îble , après qu'on a nettoyé
avec de l'eau-forre , & le touret de lapi-
daire , les premières Marnes oufeuilies qui
compofent la couche ou la tunique extc-
P E R 35,1
rîeure de cette riche coquille. On en fait
ufage dans les ouvrages marquetés ou à
la mofaïque , dans plufieurs bijoux, comme
des tabatières , ùc.
Les loupes de perles font certaines ex-
croiflancesou endroits relevés en forme de
àtm\-perle , que l'on trouve quelquefois
au fond des coquilles à perle.
Les lapidaires ont l'adreftè d'enlever
ces protubérances par le moyen de la fcie ,
de les joindre enfcmble , & de les faire
fervir à plufieurs ouvrages de joaillerie ,
comme fi c'étoient de véritables perks.
Perle , en terme de blafon , eft un mot
dont font ufage ceux qui blafonnent avec
des pierres précieufes , au lieu de couleurs
& de métaux j ils s'en fervent pour de
l'argent ou pour du blanc. Fbje;^ Argent.
Perle , Cataracte ou Taye , en
terme de médecine , fe dit d'une tache fur
l'œil , ou d'une membrane épaiffe qui n'eft
pas naturelle. V. F an nu s ù Un guis.
Couronnes perlées V. l'article Cou-
ronne.
Perle , ( Mat. méd. ) Les louanges
pompeufes données aux perles par les an-
ciens pharmacologiftes , exadément appré-
ciées d'après les lumières de la faine chymie
& de l'obfervation , doivent être réduites
à Paftertion fimple & pofttive que cette
concrétion animale n'eft autre choie , dans
Pordre des médicamens , qu'un abfbrbant
terreux parfaitement analogue aux yeux
d'écreviiTe , à l'écaillé d'huîtres, aux coques
d'œufs , ùc. J^oye^ Terres & Remèdes
terreux. V. aujfi Nacre , Corail ,
Ecrevisse , ùc. {b)
Perle ( mère de ) {Mat. méd. ) voye:^
Nacre.
Perles, f. f pi. collier de , (Joaill.)
Ce font plufieurs perles aftorties & enfilées
enfemble , que les femmes mettent autour
de bur cou pour leur fervir d'ornement.
On dit aulîî un efclavage de perles , un
bracelet de perles , une attache de perles ,
pour fignifier divers autres ouvrages faits
avec des perles , que les dames font entrer
dans leur parure.
Perle , ( Gû^erie. ) On appelle perles ,
en termes de fabrique de gaze , de petits
globes d'émail percés par le milieu , avec
une petite queue ouverte 3 cette queue feii
iSi P E R
à les attacher aux liflès , & le tfou duninieu
à y pafler les foies de la chaîne . de toutes
■les étoffes de foie , il n'y a que la gaze qui
fe faflè à la perle. Savary. {D. J.)
Perles loupes , ( Joaillerie. ) ce
font des excroiflances en fornie de demi-
perles , qui s'élèvent fur la fuperficie inté-
rieure des nacres de perles , que les joail-
iiers lavent fcier adroitement , &c qu'ils
mettent en œuvre au lieu de véritables per/ej
dans divers bijoux.
Perles ( femence de ) , ( Joaillerie. )
nom qu'on donne aux perles les plus me-
nues.
Perle (la) y {Fondeur de car acier es
d* imprimerie. ) eft , fi l'on veut , le vingt-
unième corps de caraéterc d'imprimerie ;
mais ce caradere eft peu en uf^ge : il a
été fondu aux dépens du roi , & pour
l'ufage de ion imprimerie royale établie
à Paris , où il eft jufte qu'il y ait , ne fût-ce
que par curiofité , tous les corps polfibles ,
éc qui peuvent être mis en œuvre.
Perles , ( Géogr. mod. ) Il y a deux
bancs de ce nom , l'un dans la mer des
Indes à l'ogpofite de Tutucurin , l'autre
dans la même mer , au midi de l'île de
Manar. On connoît auffi plufieurs petites
îles, qu'on nomme //ej des perles , & qui
font dans l'Amérique feptentrionale , près
de la côte de Guatimala. Enfin la rivière
tnx perles eft une rivière dans la Louifiane,
entre le bras oriental du Milïifïipi & la.
petite baie de S. Louis.
PERLÉ , adj. ( terme de Confifeur. )
Les confifeurs appellent du fucre perlé ou
cuit à la perle , celui auquel on a donné
le fécond degré de cuiflbn. On connoît
que du fucre eft cuit à p^r/é , lorfqu'on en
prend avec le doigt & qu'on le met fur
le pouce : car fi en entr'ouvrant les doigts ,
il s'en forme un petit filet , & s'étend au-
tant qu'on les peut ouvrir , cette cuilïbn
s'appelle grand perlé ; & s'il s'étend moins ,
& qu'il fe rompe , on le nomme petit perlé.
Le parfait confifeur. (D. J.)
PERLEBERG , ( Géogr. mod. ) petite
ville d'Allemagne , dans la Marche de
Brandebourg , fur la petite rivière de Stre-
penitz, au nord de Wittemberg.
PERLOIR , f. m. ( terme d'ouvrier en
tifelure. ) Les fourbiflèurs , arquebufiers ,
PER
IperonnîefS , Bc autres ouvriers qui ornent
leurs ouvrages decifelure & damafquinerie ,
appellent ainfidc petits cifelets ou- poinçons
gravés en creux , avec lefquels ils forment
d'un fcul coup de marteau ces petits orne-
mens de relief qui font faits en forme d©
perle. ( D. J. )
PERLON , voye^ Corbeau de mer,
PERLURE , f. f. ( terme de chajfe. )
0\\ appelle />er///re des grumeaux qui vien-
nent le long du bois de la tête des cerfs ,
des daims & des chevreuils , & qui font
une croûte raboteufe ; c'eft une extrava-
fation du fuc nourriciet.
PERMANENT , adj. ( Gramm. ) qui
demeure conftamment dans le même état ,
qui n'eft fujet à aucune viciffîtude. Il n'y
a rien de permanent dans le monde.
PERME , f. m. ( Marine. ) C'eft un
petit vaifteau turc fait en forme de gon-
dole J dont on fe fert à Conftantinpple
pour le trajet de Pera , de Galata , &
autres lieux.
PERMÉABLE, adj* ( Fhyfique. ) fc
dit d'un corps confidéré en tant que fes
pores font capables de laifler le pafiage à
quelqu'autre corps : ainfi on dit d'un corps
ou d'un fluide tranfparent , que ce corps
eft perméable à la lumière. Voye-;^ Pore ,
DiAPHANiTÉ , Opacité , Transpa-
rent.
PERMEKKI , ( Géograph. moderne. )
Permski , ou Permie , ville de l'empire
ruffien , capitale d'une province de même
nom. Elle eft fur la rivière de Wifchora ,
entre le Wolga & l'Oby. Long. 7^ , 55 î
lat. 60 , %6.
La province de Permekki eft bornée au
nord par les Samoyedes , & une partie
de la Jugorîe \ oueft , par la Zirannie dc
la Viatka 5 eft , par la Sibérie.
Cette province de Permekki ou Pertnie ,
autrefois nommée le Sclikan , étoit l'en-
trepôt des marchandife^ de la Perfe , &;
des fourrures de Tartaric. On a trouvé dans
cette Permie une grande quantité de monr
noie au coin des premiers califes j & quel-
ques idoles d'or des Tartares ; mais ces
monumens d'anciennes richcffes ont été
trouvés au milieu de la pauvreté & dans
les déferts ; il n'y avoir plus aucune trace
de commerce. Ces révolutions n'arrivent
que
I>E R
^e trop vite &. aifément dans lîrr pays
ingrat , puifqu'elles font arrivées dans les
plus fertiles. ( D. J. )
^ PERMESSIDES, f. f. pi. {Mytkol.)
c'eft ainff qu'on a appelle les mufes du
mont ParnafTe , où l'on difoit qu'elles ha-
bitoient.
PERMESSUS, [^Géogr, anc.) fleuve
de la Béotie. Strabon , /iv. IX , pag. 407 ,
dit que ce fleuve & celui d'OImejus , qui
avoient tous deux leur fource dans l'Hé-
licon , joignoient leurs eaux , & fe je-
toient dans le marais Copaïdes. Paufanias,
iiv. IX , cAap. zxix , écrit Termejfus , &
Nicander , in Theriac. Permeffiis. Virgile
parle de ce fleuve dans fes Bucoliques ,
Eccl. FI , verf. 64,
Tum canit , erraïuem Permeflî ad fiumina
Gallum.
PERMETTRE , TOLÉRER, SOUF-
FRIR , ( Syn. ) termes relatifs à l'ufage
de la liberté. On tolère les chofes , lorf-
que , les connoiflànt , &: ayant le pouvoir
en main , on ne les empêche pas. On les
fouff're lorfqu'on ne s'y oppofe pas , faifant
ièmblant de les ignorer , ou ne pouvant les
empêcher. On les permet , lorfqu'on les au-
torife par un confentement formeL
Tolérer ^fouff'rir ne fè difènt que pour
des choftjs mauvaifes , ou qu'on croit telles.
Permettre fe dit pour le bien & pour le mal.
Les magiftrats font quelquefois obligés
de tolérer certains maux , de crainte qu'il
n'en arrive de plus grands. li eft quelque-
fois de la prudence de fouffrir des abus
dans la difcipline de l'églife , plutôt que d'en
rompre l'unité. Les loix humaines ne peu-
vent jamais permettre ce que la loi divine
défend ^ mais elles défendent quelquefois
ce que celle-ci /er/rz^/.
Souffrir , en tant que fynonyme à per-
mettre , veut après foi un infinitif , ou un
que avec le conjondèif. Ainfi c'eft une faute
de dire , comme dans l'épitaphe d'E-
douard VI 5
Urne ou fes cendres repofent ,
•Souffrez nous de graver ces vers fur
fon tombeau,
II falloit dire , fbufFrez que nous gravions.
{D.J.)
Tome XXV,
P E R: 393
FERMEZ > f. f. terme de relation , pe-
tite nacelle en ufàge à Conftanîinople. El-.
les [om faites à-peu-près comme les gondo-
les de Venife , mais plus légères. Les unes
ibnt menées par un homme qui vogue en
arrière avec deux rames ; les autres par
deux y trois ou quatre bateliers , félon la-
grandeur du bateau , & la quantité des per-
fonnes qui ibnt dedans. La légèreté de ces
petits /?fA/;2f{fuffit pour faire juger du calme
du port de Conftantinople , & même de-
celui du Bofphore. Duloir.
PERMIE , {province de ) , {Géog. mod,\
province du royaume de Cafan , apparte-
nant à la Ruflîe , & dont la capitale fè
nomme Ptrruski , ou Permekki, Voye\
Permekki.
PER MINIMA , en terme de Méde-
cine , fignifie un mélange parfait des plus
petites parties ou ingrédiens de différens
corps. Voyei MÉLANGE & MiNIMA.
Mais plus exaâicment dans la langue de
Pharm. c'eft un mélange parfait & mtiîr^a
des corps naturels y dans lequel leurs vrais
minima , c'eft- à-dire , leurs atomes y ou
leurs premières particules compofantes y
font fuppofëes être exaftement mêlées ea-
fembie. Voye[ MlXTlON^ . .
Si on fait fondre enfemble de l'argent 8c
du plomb , ces métaux i^teêlent per mi--
nima. Voyei ARGENT , PcokB , MÉTAL y.
&c.
PERMISSION , f. f. {Gram,) congé ;
licence , liberté , pouvoir accordé par uii
fupérieur à un inférieur de faire une chofè
que celui-ci ou ne pouvoit point faire du
tout , ou ne pouvoit faire fans fè rendre
coupable , faute de la permijjron, Voye^
tartich PERMETTRE.
PERMISSIONNAIRE, f, m. {Littérat>i
C'e|è à Paris tout maître qui a permiffioii
du chantre de Notre-Dame de tenir pen-
fion , & d'enfeigner la grammaire & les
humanités.
PERMUTATION , f. f. {analyfe. ) On
entend par ce mot la tranfpofîtion qu'on
fait des parties d'un même tout , pour en
tirer les divers arrangemens dont elles font
fufceptibles entr'elles \ comme fi l'on cher-
choit en combien de façons différentes
on peut difpofer les lettres d'un mot ,
les chiffres qui expriment un nombre ^
Ddd
391- P E R
les perfonnes qui compofeiit une aflem-
blée, &c.
II ne faut donc pas confondre la permu-
tation avec la coinbinaifon. Dans celle-
ci , le tout eft en quelque forte démembré ,
& l'on en prend les différentes parties i à
I , 13 2, ^c. Dans celle-là , le tout con-
ferve toujours fon intégrité , & Von ne fait
que faire changer d'ordre aux différentes
parties qui le conftituent.
Pour trouver toutes les permutations pof-
fibles d'un nombre quelconque de ter-
mes , il ne s'agit que d'un procédé très-
iîmple & très-facile , lequel porte avec foi
fa démonftration.
W eft clair qu'un feul terme a ne peut
avoir qu'z//ï arrangement.
Si l'on ajoute un kconà h , on le peut
mettre devant ou après a ; ce qui donne
deux arrangemens
l au-""
eft-à-dire i.
mens
( qu'on avoit déjà pour le premier cas )
X 2 ( quantième du nouveau terme. )
Si l'on prend un troiiieme terme c ,
il peut occuper trois places dans le
è a , &C autant dans a /» , ce qui
donne deux fois trois ou iix arrange-
Ç cb a c ab
<. b c Ito c b : c'eft-à- dire 2 (réfultat
V. bac abc
du cas précédent ) X 3 ( quantième du
nouveau terme. )
Un quatrième terme d pourra occuper
quatre places dans chacun de ces fix der-
niers arrangemens ^ ce qui en donnera 4
fois 6 , ou 24 nouveaux : c'eft-à-dire , 6
( réfultat du cas précédent ) X 4 ( quan-
tième du nouveau terme. )
On voit , fans qu'il foit befoin de pouffer
plus loin rindu<Stion , qu'un cinquième
tenne e donneroit 24. 5 ou 1 20 arrange-
mens , & ainfi de fuite à l'infini.
En général le nombre des permutations
pour n termes n'étant que celui de « - i
termes , x « , comme «celui de /z - i
termes , eft celui de « - 2 termes x /z - r , &
ainft de fuite en remontant jufqu'à i j il
réfulte que pour trouver de combien de
gtrmuiations eft: fufceptible un nombre
P E R
quelconque n de termes , il faut faire le
produit continu des termes de la progreffion
naturelle , depuis & y compris i jufqu'à
ce terme n inclufivement. i x 2 X 3 X
4 X /z.
On a fuppofé jusqu'ici qu'aucun des
termes dont on cherche les permutations
n'ctoit répété , ou , ce qui eft la même
chofe , qu'ils n'avoient tous qu'une fèuie
dimenfion , & que leur expofant commun
étoit l'unité. Si la chofè étoit autrement,
fuppofons que a repréfente l'expofant du
premier terme , b celui du fécond , c
celui du troifieme , & ainfi de fuite ju£^
qu'au dernier.
D'abord , n , dans la formule ci-deffus,
ne fera plus fimplement le nombre des
termes , mais lafomme de leurs expo fans»
De plus , cette forme ne doit être consi-
dérée que comme le numérateur d'une frac-
tion , à laquelle on donnera pour déno-
minateur le produit contmu d'autant de
produits particuliers qu'il y a d'expofans ou
de termes ^ & chacun de ces produits par-
ticuliers fera le produit continu des nom-
bres naturels pouffé jufqu'à celui inclufive-
ment qui exprime l'expofant du terme cor-
refpondant , en forte que la formule ab*
folument générale fera
' X -2 X ? X 4
b +
&c.
I . 2 . .... a X I. 2 bx 1. 2 C X , 6-C.
Quand tous les expofans font i , alors
leur fomme ne diifere point du nombre
même des termes , bi a-\- b c &c. ( dans
le numérateur ) = /z . . . d'ailleurs dans le
dénominateur tous les produits particuliers
étant I , le produit général eft auffi i , qui
peut être négligé ^ & la féconde formule fe
change en la première.
Un exemple va donner une idée de l'effet
des permutations.
Il y a 32 cartes dans un jeu de piquet j
comme c'eft un jeu fort répandu , & qu'on
mêle les cartes à chaque coup , il s'eft dû ,
depuis le temps qu'on y joue , former bien
des arrangemens différens de ces 3 2 cartes ;
fuppofant qu'aucun ne fe foit jamais trouvé
répété , en forte que chaque fois qu'on a
mêlé \ts cartes , en ait fait naître un nou-
veau j on demande fi le nombre de tous \qs
arrangemens poflibles ne devroit pas défoi-
P E R
maïs être épuifé. . . Bien des gens peut-
être ne balanceroient pas à fe décider pour
l'affirmative ^ on va voir combien ils iè
trouveroient loin de leur compte.
Suppofant tous les individus de l'efpece
humaine répandus fiir la furiace de la
terre , fans diftinéiion d'âge ni de fexe ,
devenus joueurs de piquet , & appariés
deux à deux , en forte que chaque couple
jouât 400 coups par jour fous la condition
pofée '-, il faudroit à tous ces joueurs réunis
plus de 18 mille milliards de millions de
Jiecles , pour épuifer tous \q5 changemens
d'ordre pofîibles des 3 2 cartes , & la démonf^
tration en eft facile j 400 coups par jour ^
^^iowtparan làfiooo ^ par Jiecle 14600. 00 j
par million de jiecles 14600000. 000000,
D'un autre côté , fuppolant deux milliards
on deux mille millions d'hommes fur la
terre; ce fera i. 000. 000. 000 couples
de joueurs qu'il faut multiplier par le dernier
nombre ci-delFus ; on aura 14. 600. coo.
000. 000. 000. 000. 000 ( A ).
Maintenant le nombre des permutations
compétent à 32. termes , fe trouve 263.
130. 836. 933. 693. 530. 167. 218. 012,
160. 000. 000 ( B ).
Si donc on divifè le nombre B par le
nombre A , le quotient indiquera combien
de millions de Jiecles il faudroit à tous ces
joueurs , pour parvenir au but propofé.
Or le nombre B ayant 36 chiffres , tandis
que le nombre A n'en a que 23, dont le
premier plus petit que le premier du nom-
bre B ; le quotient en aura 36-23 + i , ou
14 , dont \qs deux premiers feront 18. Ce
quotient excédera donc 18 mille milliards ;
& il ne faut pas d'ailleurs perdre de vue que
les unités auxquelles fe rapportent ces 18
mille milliards font , non des années , mais
des millions de Jiecles.
Dans le temps que les anagrammes
étoient en honneur & fai (oient partie du
bel - efprit , on voit que fans nul génie ,
mais avec beaucoup de loiiir & autant de
patience , il étoit aifé de fè faire à cet
égard une réputation : en effet , en fuivant
avec quelque attention le procédé expliqué
plus haut , on étoit aflliré de trouver par
ordre tons les arragemens poiîibles des
lettres d'un ou de plufieurs mots , fans
qu'il en pût échapper un feul , après quoi
p E R 3,j
I il ne reftoit plus qu'à choifîr ceux qui
formoient un fens convenable au but qu'on
fè propofoit.
Mais l'ufage des permutations ne fè borne
pas aux feules anagrammes , elles partagent
avec les combinaifons l'honneur de la folu-
tion de plufieurs problêmes curieux , de
ceux en particulier où il s'agit d'eftimer les
hafards. Voye^ COMBINAISON^ Alter-
NATION , &c. Cet article ejl de M. Ral-
lier DES Ou RM ES.
Permutation , f. f. ( Jurifprud. )
Ce terme fe prend quelquefois pour toute
forte d'échange en général \ mais commu-
nément on entend par permutation^ ua
échange que deux titulaires font entr'eux
de leurs bénéfices , par une démiiTion
entre les mains des collateurs qui font
obligés de les conférer aux copermutans.
Les deux réfîgnations peuvent fe faira
par deux aftes féparés , ou par un feul &:
même afte.
Ces démifîîons réciproques contiennent
toujours , qu'elles font faites pour caufe
de permutation avec la claufè non aliàs ,
non aliter , non alio modo ; c'efl pourquoi
les provifions fur permutations , font
cenfées des collations néceffaires ou for-
cées.
Ceux qui peuvent admettre les permu'
tations , font le pape , le légat , le vice-
légat dans l'étendue de fa légation , & le
collateur ordinaire.
Quand le bénéfice ne dépend point de
l'évêque , on s'adreiîe ordinairement au
pape.
Quoique le collateur auquel on s'a-
dreffe , ne puiffe pas conférer le bénéfice
à un autre , il peut cependant examiner
s'il n'y a point de fraude ni de paâ:ioa
fimoniaque , ou autre vice qui doive em*
pêcher l'effet de la permutation.
Au refus de l'ordinaire , on peut s'adref^
fer au fopérieur.
Si les deux bénéfices que Ton vev.t per-
muter , font dans deux diocefès diiférens ,
& que l'on ne veuille pas s'adreffer au pape ,
il faut que l'évêque de chaque diocefè
admette la permutation , flippofé qu'il foit
collateur du bénéfice ; ou bien un évéque
peut donner pouvoir à l'autre de donner
des provifions des deux bénéfices,
Ddd i»
5-5^: P E R
K y a cevtAines permutations qui font ilti-
eîtes , notamment celles qu'on appelle
triangulaires'^ c'eftlorrqu'un titulaire réfîgne
fon bénéfice à un autre eccléfiaftique , à
condition que celui-ci réfignera à un tiers
le bénéfice dont il eft pourvu j aucune
difpenfe ne peut autorifer une telle con-
vention.
Il n'eft: pas permis de ftipuler que le co-
permutant fera chargé de faire faire les ré-
parations des bâtimens dépendans du bé-
néfice , quoique; ces réparations foient
du temps du co-pcrmutant j il y auroit
iimonie dans cette claufe.
Il en feroit de même de celle qui obli-
geroit le co - permutant à entretenir les
baux faits par fon prédécelTeur.
Mais , fuivant Tudige commun , le co-
permutant peut faire dreffer un procès-
verbal de l'état- des lieux dépendans du
bénéfice qu'on lui a réfigné , & obliger
fon réfignant de faire les réparations, qui
feront eftimées néceffaires.
Une penfion que l'on créeroit fur un
bénéfice en le permutant , pour avoir lieu
jufqu'à ce qu'on eût donné un autre bénéfice
de même valeur que la penfion , ne feroit
pas canonique.
On ne peut pas permuter un induit pour
un bénéfice , parce que l'indultaire n'a pas
JM^ in re , mais fèulemen.t jus ad rem.
Les bénéfices eu patronage laïque ne peu-
vent être permutés fans le confentement du
patron ;, autrement la collation de l'ordi
naire & du pape , même en ce cas fe-
roit nulle , & les co-permutans rentre-
roient chacun dans leurs droits 3 voy^{ la
déclaration de 1678.
Quand les bénéfices que l'on permute
ibnt inégaux pour le revenu , il n'eft pas
permis de recevoir une récompenfc en
iirgent , il y auroit fimonie & abus.
On ne peut permuter un bénéfice avec
un autre qui n'eft pas encore érigé , ni per-
iputer quelque chofe de temporel avec un
bénéfice , non pas même line penfion , ni
des dîmes ou un droit de patronage , quoi-
que tout cela participe du fJ3irituel.
La permutation eft fans effet , i®. quand
elle n'eft pas accomplie de part & d'autre ,
comme quand un des co-permutans ne
geut pas obtenir de vifa^
P^ E? R
'.' 2^i Quand l'un des co-permutans u'àc-
compîit pas les conditions.
3°. Lorfque le bénéfice n'eft pas tel qu'o».
l'a énoncé , comme fi on a fuppofé que c'é-
toit un bénéfice fimple , & qu'il foit à
charge d'atnes , ou que l'on ait caché la
véritable quotité d'une penfion dont le bé-
néfice étoit chargé , cela fuffit pour don-
ner lieu au regrès , & le co-permutant
{)eut rentrer dans fon bénéfice en vertu d'un
fimple jugement , fans obtenir de nouvelles
provi fions.
Enfin hi permutation èiQviznx. encore fans
effet , quand l'un des co-permutans eft
évincé du bénéfice qui lui a été réfigné.
On peut permuter un bénéfice litigieux f.
pourvu que le litige foit exprimé.
Un bénéfice tenu en commende , peut
être permuté contre un bénéfice tenu en
titre , parce qu'en France la commende
vaut titre.
On peut permuter un bénéfice contre
plufieurs autres.
Tant que le collateur n'a point donné
de provifions , le co-permutant peut ré-
voquer fa procuration pour permuter.
Il fuffit de faire fignifier la révocation
au collateur , ou fi la réfignation pour
permutation fe fait en cour de Rome ,
on fait fignifier la révocation au co per-
mutant j avant que la réfignation foit
admifè.
Mais fi l'un à&i bénéfices eft à la nomi-
nation du roi , l'autre à la collation pure
& fimple de l'ordinaire , un des co-per-
mutans ne peut révoquer fa procuratioa
ad refignandum , fans le confentement
du roi , lorfque fa majefté a donné fon
brevet de nomination , quoique les bulles
ne foient pas encore expédiées , ni la ré-
fignation de l'autre bénéfice admife en
cour de Rome.
Le collateur qui a conféré fur la permu-
tation , ne peut pas conférer par mort
en vertu de la règle des 20 jours , fi ce
n'eft que la réfignation pèche dans fon prin-
cipe , ou que l'un des co-permutans eût
refufé de l'exécuter pendant la vie de
l'autre.
Ceux qui font pourvus fiir réfignation,
pour cauie de permutation , doivent pren-
dre poifeilioa dans le même temps , èc
P E R
avec les mêmes formalités que Ton obferve
pour les réfîgnatioiis en faveur.
Les provifions obtenues fur permutation
font nulles , fi elles ne font infinuées deux
jours francs avant le Aéchs de l'un des co-
permutans ; mais il fiiffit pour celui qui
s'unit , qu'il ait fatisfait à cette condition :
iès provifions font valables.
Les procurations pour permuter entre
les mains du pape , doivent être infinuées
au greffe du diocefe où elles fe font ; & fi
le bénéfice eft dans un autre diocefe , il
faut aufiî y faire enrégiftrer les procura-
tions , & ce ^ dans trois mois après l'expé-
i^ition des provifions , le tout à peine de
nullité. Déclaration de i6ç)i ^ art, il.
Au refte , le défaut d'infinuation ne peut
être oppofé que par les indultaires gradués ,
& autres expeôans , & par \qs patrons.
Voye[ Dumoulin , ad reg. de public, Fe-
vret, liv, II , ch, iv & v, Rebuffe , prax.
lit, de permut. Recueil de Drapier, tome
II, ch. XX, {A)
PERNAMBUCOoi/ FERNAMBUCO ,
( Ge'ogr, mod. ) capitainerie ou pifevince de
l'Amérique méridionale au Brefil. Elle eft
bornée au nord par la capitainerie de Ta-
inaraca , au midi par celle de Sergippe , à
l'orient par la mer , mais elle n'a point de
bornes fixées à l'occident.
Cette province eft fituée entre les huit
& les dix degrés de latitude auftrale. Elle
a été découverte par Vincent - \annez
Pinçon , Caftillan ^ & trois mois après
D. Pedro Alvarez Cabrai , amiral de la
flotte portugaife àQs Lides , fut jeté par
la tempête fur les côtes du Brefil , dont
fa nation lui attribue la découverte. Jean
III , roi de Portugal , concéda la pro-
vince de Pernambuco à Edouard d'Albu-
qucrque , à condition d'en foumettre les
habitans j ce qu'il exécuta dans la fiiite.
Les Hollandois s'en étant r^dus les maî-
tres , le roi Jean IV , après qu'elle eût été
reprife fur eux, la réunit au domaine.
Jufqu'à l'invafion , Olinde avoit été la ca-
pitale de la capitainerie ^ mais cette ville
a été prefque entièrement détruite pendant
les guerres. [D, J,)
P E R N A U , ( Géogr, ) petite ville
marchande du duché de Livonie , fous la
doinioatioa ruilieune , au bord d'une ,
PEK 3,7
, rivière qui tout près fe jette dans h Bal-
I tique. C'eft la capitale d'un cercle où eft
auflî ccmprife la ville de Fellin , & c'eft
une place munie d'une bonne citadelle.
On n'y compte pas d'ailleurs au delà de
ICO maiibns , & l'on n'y en trouve aucune
qui ne /oit fimplement 6c groffiérement
de bois. Vers la fin du fiecle paifé , elle
devint pour peu de temps le £iQge de
l'uiiiverfité de Dorpt ; à peine eft- elle
aujourd'hui pourvue d'une chétivc éçole^
{D,G,.)
PERNE, { Géogr, anc, ) i°. île fur la
côte de l'Ionie. Pline , /. // , ck. Ixxix.
dit qu'un tremblement de terre joignit
cette île au territoire de la ville de Milet.
i'^. Ville de laThrace, qui étoitàl'oppo-
fite de celle de Thafus , félon Stephanus.
Perne , ( Géogr. mod. ) petite ville ,
ou plutôt bourg de France ^ans la Pro-
vence , au diocefe de Carpentras. Long,
11, 41, lat. 44. 2.
Cet endroit eft la patrie d'Efprit Flé-
chier, évêque de Lavauren 1585, &puis
de Nîmes en 1687. Il avoit été reçu à
l'académie françoife en 1673. Il étoit , dit
M. de Voltaire , poète françois & latin ,
hiftorien , prédicateur , mais connu fur-
tout par fès belles oraiibns funèbres. II a
traduit du latin d'Antoine Marie Gratiani ,
la vie du cardinal Commendon ^ il a donné
celle du cardinal Ximenès ^ & fon hiftoire
de l'empereur Théodofe , a été faite pour
l'éducation de M. le duc de Bourgogne. Il
mourut le 16 février 1710 , 378 ans.
Pernes , ( Géogr, mod, ) petite ville de
France dans l'Artois , fur la Clarence , à
trois lieues S. O. de Béthune , fept N. O.
d'Arras. Long. 20. 6, lat, 50. 29. { D, J.)
PERNET TE , f. f. vafe à l'ufage des
potiers- de-terre & des faïanciers. Voye^
f article FaÏANCE.
PERNICIACUM , ( Géogr. anc. ) ville
de la Gaule belgique , que l'itinéraire d'An-
tonin met entre Gemiiiiacum , & Aduœca
Tongrorum , à 22 milles de la première de
ces villes , & à 14 de la féconde. On
croit que c'eft aujourd'hui Perveis , bour-
gade du Brabant , entre Jemblours &
Indoigne , dans le quartier de Louvain j &
cette bourgade eft une ancienne baronnie?^
( D, /. }
3^8 P E R
PERNICIEUX, adj. (Gram.) capable
d'entraîner la perte de quelque cliofe. Un
difcours eft pernicieux ; un confeil eft
pernicieux ; un effet eft pernicieux 3 un
efprit eft pernicieux.
PERNICITAS ,{.(.{ Phyf. ) eft
im mot latin , dont quelques auteurs fe
iêrvent pour défigner une vîteflè extraor-
dinaire de mouvement , comme celle d'un
boulet qui fend l'air , de la terre dans fon
orbite , &c. Chambcrs.
PERNIO , terme de Chirurgie , c'eft
!e nom d'un mal qui attaque ordinairement
les mains 8c les pies en hiver, & qu'on
uppelle vulgairement enge/ures. l-,es parties
Hfîeétées de ce mal s'enflent , & prennent
une couleur blanchâtre , accompagnée de
douleur & de démangeaifbn : cependant
la tumeiw iè difîipe fans aucune exulcéra-
tion , en bottant d'huile de pétrole la
partie malade, f^oye^ Engelures.
PERNISSE , voyei Perdrix rouge.
PEROÉ , ( Géogr. anc. ) petit fleuve
de la Béotie , fur le chemin de Platée à
Thebes. Il prenoit fa fource au mont
Cithéron , dont il defcendoit par deux
endroits différens , en forte qu'il formoit
une île. { D. J.)
PERŒTHEI, (Ge'ogr. anc.) peuples
de i'Arcadie. Paufanias , /iv. VIII, cA.iv,
dit qu'ils tiroient leur nom de la ville
Perethus , qui ne fubfiftoit plus de fon
temps, mais parmi les ruines de laquelle
on voyoit encore le temple du dieu Pan.
•PERONE
f. m. ( en Anatomie. )
eft un des os de la jambe , voye[ nos plan-
ches d" Anatomie & leur explication. Voye^
aujji les articles Os , JambE , &c.
Le péroné eft l'os le plus menu des deux
os de la jambe ; cependant , quoiqu'il foit
plus expofé & beaucoup plus foible que l'os
intérieur ou le tibia , il n'eft pas fi fujet
à être cafte , parce qu'il eft plus pliant &
plus flexible j d'où il arrive que fouvent
le tibia eft rompu f tandis que le péroné
refte entier.
Le péroné fe joint & s'articule avec Je
tibia aux deux extrémités , au moyen
d'une efpece de diarthrofè obfcure qui les
couvre. On le divife en trois parties j la
partie fiipérieure qui a une tête ronde , &
^p^ fe termine un peu au deftbus du genou ,
P E R
Se qui reçoit une éminence latérale du tibia
dans une petite cavité qui fait l'articulation
de cette partie. Le milieu eft menu , long
& triangulaire , comme le tibia , mais un
peu plus irrégulier. La partie inférieure eft
reçue dans une petite cavité du tibia , &
enfuite fe termine par une grande apophyfe
qu'on appelle malléole externe ou cheville
externe j elle eft un peu creufe au dedans
pour donner à l'aftragaie la liberté du mou-
vement , & un peu convexe du côté exté-
rieur, afin qu'il ait plus de force pour
retenir l'aftragaie.
Le tibia & le péroné ne fè touchent
qu'aux extrémités , de même que le radius
& le cubitus j l'intervalle eft rempli par
un fort ligament membraneux , qui les
tient attachés enfèmble & fortifie l'articu-
lation. Voye:^ TiBIA.
PERONIER , f. m. ( Anatomie ) ancien ,
long , ou premier \ c'eft un mufcle de la
jambe , charnu & tendineux dans fon
origine , qui vient depuis la tête jufqu'au
milieu àw péroné ^ delà il va paffer fur la
partie pofferieure de la cheville extérieure ,
fiir laquelle il gliife, comme fur une poulie \
& il s'infère à l'extrémité fupérieure de
l'os du métatarfc , qui joint le grand orteil.
L'ufage de ce mufcle eft de tirer le pié
en haut. Voye\^ nos planches d^ Anatomie
& leur explication.
Péronier poftérieur , court , ou fécond ,
eft un mufcle qu'on appelle auflî quelquefois
fémi-fibuleux, charnu dans fon origine,
inégal , & venant de la partie poftérieure
du péroné j delà il fe dirige de haut en
bas le long de la partie extérieure du même
os , jufqu'à ce qu'il arrive au milieu , oii
il forme un tendon long , plat & uni , qui
va fuivant la même direftion gagner le bas
de la malléole interne avec le long péronier,
& fè termine à la partie extérieure de l'os
du métatarfe , ^ontigu au petit orteil 5
l'aé^ion de ce mufcle eft de pouffer le
pié en haut. Voye':^ nos planches anatcmi~
ques ù les explications qui y font jointes.
L'artère péroniere eft une des branches
de l'artère poplitée , qui fe porte tout le
long de la partie poftérieure du péroné , où
elle jette dans fon trajet différens rameaux ^
& va fe perdre dans le pié où elle s'anaf-
tomoiè avec la tibiale antérieure , & avec
P E R
la poftérieure , & prend le nom de plan-
taire externe. Fojf^ POPLITÉ , PLANTAIRE
^TlBIALE.
PERONNE , (Géogr. mod.) ville de
France dans la Picardie , capitale du
Santerre , fur le bord feptentrional de la
Somme , à 12 lieues au dclTus , & au
levant d'Amiens , à 10 au S. O. de Cam-
brai , & à 32 de Paris , parmi des marais ,
qui avec fes fortifications en font une très-
forte place.
Elle eft ancienne , car les premiers rois
mérovingiens y avoient un domicile. Clovis
II , ayant donné cette place à Archinoald ,
maire de fon palais , il y bâtit un monaf-
tere pour des moines écoflbis. Le premier
abbé fut S. Wltan , neveu de S. Furcy ,
abbé de Lagny j lequel S. Furcy eft enterré
à Péronne , où il eft devenu depuis ce
temps-là le patron de la ville.
Héribert , comte de Vermandois , s'em-
para de Péronne , & enferma dans la for-
terclle Charles III , dit le Simple ,' qui y
finit fès jours en 929 , âgé de cinquante
ans. Il eft vrai que ce malheureux prince fe
fît toujours méprifer de fon peuple pendant
fa vie , par fa foiblcfTe & fon manque de
courage. N'ayant pas fd faire valoir (es
droits à l'empire , après la mort de Louis
IV , r^mpire fortit de la maifon de France ,
& CT;vint éledtif. Charles le inrple fut
enterré à Péronne. II avoit eu trois fem-
mes ;, de la première , dont on ne fait pas
le nom , il eut Gifele , mariée en 912 à
Rollon , premier duc de Normandie ^ de
la féconde , nommée Fréderune , morte
en 917 , on doute s'il eut Aqs enfans ^
de la troifieme 5 nom.mée Ogine, il eut
Louis j depuis appelle àlOmremer, Cette
Ogine , fille d'Edouard I , roi des Anglois ,
, . P E R- i^i
après avoir marqué un grand courage dans
prefque tout le cours de fa vie , finit par
fè marier par amour , après la mort de fon
mari , avec Héribert , comte- de Troyes ,
fécond fils d'Hcribert , comte de Verman-
dois , qui avoit tenu fon mari prifonnier
\ç.^ fept dernières années de fa vie.
Les fuccefleurs d'Héribert jouirent de
Péronne & de fes dépendances , jufqu'au
temps de Philippe - Augufte. En 1466 ,
Louis XI donua cette ville & fës annexes
à Charles , duc de Bourgogne , & s'en
relfaifit enfuite après la mort de ce prince.(*)
L'églife collégiale de cette ville a été bâ-
tie & dotée par le mêm.e Archinoald dont
nous avons parlé \ cette collégiale eft au-
jourd'hui de foixante petites prébendes ,
toutes à la nomination du roi.
Péronne eft furnomimée la pucelle , parce
qu'elle n'a jamais été pri/è , quoiqu'aftiégée
quelquefois , &: entr'autres par le comte
Henri de Naflau en 1536. Elle a fa cou-
tume particulière , qui eft ftiivie à Mont-
Didier &' à Roye, Il y a dans cette ville
une éleé-èion & im bailliage auquel la pré-
vôté eft unie ; mais elle eft fiir-tout redou-
table par les vexations àz% commis àts fer-
mes. Long. 20. 35. 44. lat. 49. 55. 30.
Fraifen ( Claude ) natif de Péronne ou
de Vire , s'eft diftingué par fon favoir dans
l'ordre de faint François, dont il devint
définiteur général en 1682. Il a fait plu-
fieurs ouvrages , & entr'autres des dilîèr-
tations fiir la bible intitulées : Difquifî-
tiones publicœ 5 2 vol. in-^^. Il mourut à
Paris en- 171 1 , à quatre-vingt-onze ans.
Longueval ( Jacques ) laborieux jéfuite ,
naquit à Péronne en 1680 ^ il a publié
les huit premiers volumes de l'hiftoire de
Vé'^lïk gallicane , & avoit prefque mis la
( * ) Charles le Simple y mourut en prifon en 9x9.
Louis XI , qui ne fut rien moins que fimple, eut cependant l'imprudence d'y aller trouver Charles
duc de Bourgogne, qui l'y retint prifonnier dans le château, & ne le lelâclia qu'après un trai.é
honteux.
Les Parifiens qui n'airnotent pas le roi , apprirent à leurs perroquets à re'pe'ter Péronne , Téronnt.
Quand il revint en fa capitale, il entendit fur le quai de la Mégifferie ces oifeaux cntt Péronne :
il en fut fi indigné , qu'il eut la foiDlelTe ae rendre une ordonnance pour faire étrangler tous
les oifeaux babillards.
Outre Fraffen & Longueval , P/r<7»»« eft encore la patrie de Michel Germain, bénédiftin , le
digne & fidèle compagnon d'étude de dom Mabiilon , mort à Saine - Germain - des - prés cr\
1(^94, âgé de 49 ans. A une petite lieue de Péronne^ eft la faméufe abbaye du mont Saint*
(Quentin, de l'ordre de S.Benoît. (C.)
40© P E R
dernière' fflain au neuvieiKe & au cfixieme'
volumes de cet ouvrage , lorfqu'il mourut
,à Paris d'apoplexie en 173$ , à cinquante-
quatre ans..(i). /,.)
PERORAISON , f. f. {Belles-Lettres. )
en rhétorique , c'efi: la conclufîon ou la
dernière partie du difcours , dans laquelle
l'orateur réfume en peu de mots les princi-
paux chefs qu'il a traités avec étendue dans
k corps de fa pièce , & tâche d'émouvoir
Içs palhons de fes auditeurs.
Delà il s'enfuit que la pérorai fon eft
Gompofée de deux parties , 1°. d'une réca-
pitulation , qui contient l'abrégé &rexpofé
îuccinft de toutes les chofes fur leiquelles a
roulé le difcours , & auxquelles on tâche de
donner une nouvelle force, en les réuniiTant
ainfi d'une manière précife. f^oye^ Réca-
pitulation. , *
2°. L.'orateur doit y exciter les paflîons ,
ce qui eft fi effentiel à la pe'roraifon , que
\qs maîtres- de l'art appellent cette par-
tie du difcours fedes qff'ecîuum, Voye:^
Passions.
Les paffions qu'on doit exciter dans la
péroraifon , varient fuivant les diverfes
ei^eces de difcours. Dans un panégyrique ,
ce font des fèntimens d'amour , d'admi-
ration , de joie , d'émulation qu'on fe pro-
pofe d'imprimer dans l'ame des auditeurs.
Dans une inveÔive , c'eft la haine , le
mépris , l'indignation , la colère , ùc. Dans
un difcours du genre délibératif , on s'ef-
force de faire naître l'efpérance Ou la con-
fiance , d'infpirer la crainte ou de jeter le
trouble dans les cœurs.
Les qualités requifes dans xim péroraifon^
font qu'elle foit véhémente & pleine de
paiîîons 5 mais en même temps courte j car,
félon la remarque de Cicéron , les larmes
fechent bien vite. Il ne faut pas laiffer à
l'auditeur le temps de refpirer , pour ainfi
dire , parce que le propre de la réflexion
eft d'étendre ou d'amortir la paflîon.
La péroraifon. étoit la partie principale
Cicéron excelloit. Et en effet
ou
non
feulement il y anime & échauffe fès audi-
teurs , mais il y fèmble encore lui-même
tout de feu , fur - tout lorfqu'il excite la
commifération & la pitié pour un accufé.
Il rapporte que fouvent il arrachoit dés
larmes à fon auditoire , & même aux
P E ^
jugesT ;' & if ajoute que Torique pîiifîeui^
orateurs étoient chargés de parler dans;
une même" caufe , la péroraifon lui étoit
toujours réfervée , & il nous donne une;
excellente raifon de «cette préférence. Cé-
toit moins , dit - il , le génie qui le ren-
doit éloquent & pathétique dans ces oc-
cafions , que la douleur dont il étoit lui-
même pénétré , & le vif intérêt qu'il
prenoit à fes cliens \ c'eft ce qu'il eft. aifé'
i de remarquer dans ces paroles de la péro-
raifon pour Milon : Sei finis fit , neque
enim prce lacrymis jam loqui po£um , 6»-
hic fe lacrymis defendi vetat. Et dans cell&
jK)ur Rabirius Pofthumus : Sed jam quo-
niam , ut fpero , fidem quam potui tibi
prœjîiti y Pojihume , reddam etiam lacrymas-
quas debeo. Jam indicat tôt hominum ccz--
tus quàm fis carus tuis ^ & me dolor de-',
bilitat indu dit que vocem.
Quand on dit que la péroraifon doit
émouvoir les paffions, on fuppofe que le
fujet en eft fiîfceptible \ car rien ne feroit
plus ridicule que de terminer par des traits
pathétiques une caufè où il ne s'agiroit
^.\Q d'un intérêt léger ou d'un objet fort
peu important.
On peut enfin obferver qu'on conçoit
quelquefois la péroraifon en forme de
prière : l'éloquence de \A chaire eft jcftée
en pofTefîîon de cette dernière métnode y
très - convenable aux fujets qu'elle traite.
On en trouve cependant quelques exemples
dans les orateurs profanes , comme dans
la harangue de Démofthenes pour Ctéfi-
phon , & dans la féconde Philippique de
Cicéron.
PERORSI , C Géogr. anc, ] peuples de
fa Mauritanie Tingitane , felon Pline ,
/iv. y y ch. j ; Ptolomée, liv, IK^ ch. vj ,
les place dans la Lybie intérieure , loin de
la mer. Selon le père Hardouin , le pays
des Perorfi comprenoit les royaumes de
Zahanda & de Teffet , entre le royaume
de Maroc , au nord^ eelui de Gualata au
midi , & l'océan atlantique au couchante
{D.J,)
PÉROT, f. m. {Eaux & Forets.) Ce
mot de l'exploitation des bois , fe dit
d'un arbre qui a deux âges de coi^e ^ de
forte que fi la conpe fe fait tous les vingt-
ciu^
P E R
cinq ans , le pérot en a cinquante. II y a
trois fortes de baliveaux, les étalons, les
pérots & les tayons. [D. J.)
PEROU ( LE ) , ( Géogr. mod. ) vafte
région de l'Amérique méridionale , dans
, ià partie occidentale. Elle eft bornée au
nord par le Popayan j au midi par le
Chili ^ à l'orient par le pays des Amazo-
nes , & au couchant par la mer du fud.
Ce pays a environ fix cents lieues de lon-
gueur du nord au fiid, & cinquante de
largeur.
Dhs l'année 1502 , Chriftophe Colomb
étant dans la province de Honduras , qu'il
venoit de découvrir , eut des naturels du
pays quelque connoifTance du Pérou ,
c'eft-à-dire , d'un puilTant empire abondant
en or, qui étoit du côté de l'orient , ce
qui l'empêcha d'y tourner fes vues. Eu 15 14,
Pafchal de Andagoya découvrit une partie
de la côte de la mer du fud , mais il tira
peu de profit de ce voyage. Enfin, en 1 524,
François Pizarro partit de Panama , &
découvrit la province du Béru ( c etoit le
nom d'un indien ) , qu'il donna au pays ,
en changeant le B en P ^ car les Efpagnols
écrivent Péru , & prononcent Pérou. On
fait comment il conquit toute cette région
depuis le royaume de Quitto julqu'au Chili ,
dans l'efpace de dix ans.
On fait aufïï qu'avant ce temps-là cette
vafte contrée avoit été gouvernée par des
rois nommés yncas , dont la magnificence
étoit étonnante , & dont les richeffes
ctoient immenfes ^ on peut en juger par
TofFre que fit à Pizarro le dernier des yncas
pour obtenir fa liberté. Atahualipa lui
offrit pour fa rançon autant d'or qu'il en
pourroit entrer dans une chambre de vingt-
deux pies de long , de dix-fept de large ,
& de fix de haut. Il refte encore dans le
pays des vefliges de leurs temples en
l'honneur du ibleil , & du grand chemin
de Quitto , qui avoit quarante pies de
largeur , cinq cents lieues de longueur ,
& de hautes murailles des deux côtés.
L'empire des yncas avoit alors des bornes
deux fois plus étendues que celles qu'on
donne au« pays nommé aujourd'hui le
Pérou,
Il eft traverfé par une chaîne de mon-
tagnes appellées la Cordillera de los-^ndés.
TomeXXr.
P E R 401
II eft rempli de plufieurs autres montagnes
fameufès par les abondantes mines d'or &
d'argent qu'on y a trouvées. Les forêts
y produifent des cèdres de plufieurs e(pe-
ces , des cotonniers , des bois d'ébene ,
& difterens autres. Les vallées qui peuvent
être arrofees font très - fertiles ^ mais la
plus grande partie du pays eft ftérilc faute
de pluies. Le chaud & le froid y font
excedifs , félon les différens endroits j les
montagnes qui font étendues le long des
Anides font très-froides , tandis que l'oa
étouffe dans le plat pays.
Depuis que le Pérou eft fous la domi-
nation efpagnole , il eft gouverné par un
vice-roi , dont le pouvoir eft fans bornes.
Ses appointemens fixes vont à quarante
mille ducats , & l'accefToire monte infi-
niment au delà. Il nomme à toutes les
places civiles & militaires , avec cette
reftriéïiou que les procédures ièront con-
firmées par le roi d'E (pagne j ce qui ne
manque guère d'arriver. Entre les Indiens
naturels du pays , une partie a embraffé le
chriftianifme , & s'eft fbumife au joug :
l'autre partie , infiniment plus confidéra-
hle , eft reftée idolâtre & indépendante.
Les Efjjagnols divifent le Pérou en trois
gouvernemens , qu'ils appellent audiences ;
favoir , 1 audience de Quitto ;, l'audience
de Lima , ou de Los-reyes ^ l'audience de
los Charchas , ou de la Plata j mais ils ont
beau divifer le pays en audiences , ils n'en
retirent prefque plus rien. Lima porte le
nom de capitale du Pérou. Voyer fur
cette grande région d'Amérique , le com-
mentaire royal du Pérou du chevalier Paul
Ricaut , 2 vol. in- fol. c'eft un bel ouvrage.
{D. J.)
Le Pérou produit une plante que Von
nomme cierge ou flambeau du Pérou \,
à caufe de fa forme & du lieu qui la voit
naître. Cette plante , que nous avons faitcon-
noître, au mot Cierge Jw P.rrow , eft grafTc
& viyace. Elle s'élève depuis la hauteur
de dix pies , dit M. Adanfon , où qWq
commence à fleurir , jufqu'à celle de 30
pies, fous la forme d'une tige heptagone
de dix à fept pouces de diamètre , cou-
ronnée par un faifceaii de branches de
même forme , anguleufès de même , à
fiuuofités très - profondes , fans feuilles
E ce
401 P E R
apparentes , verd-noirâtres , femé fur f;s
angles feulement de petits faiiceaux coin-
pofés chacun de dix épines longues de
quatre à cinq lignes , rayonnantes , rouges
d'abord , à pointe jaune , enfuite violet
noires , au milieu defquelles eft un duvet
blanc , qui environne une petite feuille
conique , charnue & infenfible. Sa tige , en
vieillilfant , perd fes angles & fes épines ,
& devient jaune de bois.'
Il y a une autre cfpece de cierge du
Térou , qui eft rampant , à fleur rouge , &
petit fruit fphérique. M. Adanfon penfe
que M. Linné a eu tort de lui donner le
nom de caclus , qui eft le nom grec de
l'artichaut , félon Théophrafte. Il faut
conferver à cette plante de l'Amérique ,
qui étoit inconnue des Grecs , le nom de
cereus que les modernes lui ont unanime-
ment donné.
PÉROUSE , ( Géogr. mod. ) en latin
Perufia & Perufîum , & en italien Peru-
gia , ville d'Italie dans l'état de l'églife ,
capitale du Pérugin.
Elle fut autrefois une des douze princi-
pales villes de TEtrurie '-, mais , durant
les guerres civiles entre Oéiave & Marc-
Antoine , ce premier l'ayant prife , la
faccagea impitoyablement , en abandonna
le pillage à (qs troupes , & fit tuer en fa
préfence les trois cents hommes qui cora-
pofoient fon fénat. Elle fe rétablit dans la
fuite , & foutint un fiege de lëpt ans
contre Totiia roi àcs Goths , qui la prit
à la fin , la ruina , & paila au fil de lepce
une partie de lès habitans. Les rois de
France l'ayant conquifë au VIII fiecle , la
donnèrent au faint fiege. Enfin , elle fut
mife dans la défolation durant la guerre
des Guelphes & des Gibelins ^ mais elle
s'eft relevée de tous fes malheurs. Elle
eft aujourd'hui très- propre , aflèz peuplée ,
& défendue par une citadelle. Elle étoit
épifcopale dès le ni fiecle. L'évêque ne
reconnoît que le pape. Elle eft fituée entre
le Tibre au levant , &. la rivière de Genna
au couchant , fur une colline , à 8 milles
au nord-eft d' Afiife ,25 oueft de Nocera.
Long. 32. Z.Jat. 43. 8.
J'ai oublié de dire que Péroufe eft une
univerfité , qui même a produit des jurif-
eonfultes célèbres dans le XIV fiecle.
P E R
Balde , dîfclple de Bartole , fut du nombre"
Une de {&s reparties lui valut la chaire de
Pavie. Il étoit de petite taille , de forte
que quand on le vit arriver dans l'auditoire
on s'écria , minuit prœfcntia famam* Il
répondit , fans fe décontenancer , augebit
cœtera virtus ; fur quoi Pauzirole ajopte ,
quo diâo omnibus fui admirationcm in-
jecit. Balde gagna beaucoup de bien par
fes confultations , & ^compofa quantité de
livres, donnant tout fon temps à l'étude.
« Chaque pas que fait m^on cheval , difoit-
» il un jour en voyageant , font autant
)) de loix qui fortent de ma mémoire : »
bonne jjreuve qu'il avoit acquis , & qu'il
confervoit ion favoir à force de lire.
Mais ce font les Dantes de la famille
de Rainaldi , qui ont fur- tout illuftré de
bonne heure l'univerfité de Péroufe ; c'é-
toient des gens en qui les talens femblent
avoir été un héritage dans l'un & l'autre
fexe.
Dante ( Pierre-Vincent ) , entendit les
belles-lettres , les mathématiques , l'archi-
tecture , & compofoit de fi beaux vers à
l'imitation de Dante florentin , que l'on
jugea qu'il faifoit revivre en quelt[ue façon
la fublimité de ce grand génie. On lui
donna même le furnom de Dante , qui
eft refté à fa famille. Il mourut fort âgé
en 1S12. j laiflànt un fils &: une fille qui
fc diftinguerent. Ce fils , nommé Julius ,
fit un livre de alluvione Tyberis , & des
notes in ornamenta architeclurœ. Il mourut
l'an 1575. Théodore Dante , fa fœur ,
mérita un rang parmi les n:iathématiciens
du temps. Elle compofa à&s livres fur
cette foience , & l'enlèigna à Ignace , fou
neveu , dont je vais parler.
- Dante (Ignace) , fe fit moine jacobin ,
mais moine jacobin favant dans les mathé-
matiques. Il fut appelle à Florence par le
grand duc Cofme I , & enfiiite à Rome
par Grégoire XIII , qui lui donna l'évêché
d'Alatri. Il publia quelques livres à Flo-
rence , & entr'autres un traité de la conf-
truclion ù de tufage de tafirolabe. Il mou-
rut en 1586.
Dante ( Vincent ) , fils de Jule , petit-
fils de Pierre-Vincent , & neveu de la
doâe Théodora , fuivit au fil les études de
Ça famille , & devint bon architecte & boa
P E R.
«athématîcièn. Il fut de plus très-verfe
dans la peinture & dans la fculpture. On
a de lui en italien la vie de ceux qui ont
excellé dans le deffin des ftatues. Il
mourut à Péroufe l'an 1596, à l'âge de
4<5 ans.
Dante ( Jsan-Baptifte ) , né à Péroufe
dans le XV Tiecle , étoit encore vraifern-
blablement de la même famille. On dit
qu'il fe lit des aijes dont il fe fer vit pour
voler , & qu'en en faifant l'expérience
dans le temps d'une grande fête , il eut
le fort de Dédale, tomba en volant fur
une églife de la ville , & fe calfa une
cuiffe. Il ne mourut pas de cette chute ,
mais de maladie avant l'âge de 40 ans.
Zû/7<re/o^ (Jean- Paul ) , floriifoit dans le
droit à Péroufe fa patrie , vers le milieu
du XVI fiecle , & mourut dans CQttQ ville
en 1591 , âgé de 80 ans. Il a mis au jour
plufieurs livres de droit , & ewtr'autres
des inftitutes du droit canon , réimprimées
en France avec des notes de M. Doujat.
{D.J.) ^
PÉROUSE ( LAC DE ) , ( Géogr. mod. )
lac très-poiifonneux d'Italie , à 7 milles de
la ville de même nom , du côté du cou-
chant. Il eft prefque rond , & a environ fix
milles de diamètre en tout temps. On y
voit trois îles , dont deux ont chacune
un bourg.
PERPEIRE , f. m. arnoglojfus lavis ,
{ Hiji. nat. Ichthiol. ) poiffon de mer qui
eft une efpece de foie , à laquelle il ref-
femble par la forme du corps , & par le
nombre & la pofition des nageoires 3 il
n'en diffère qu'en ce qu'il a ào.^ écailles fi
petites , qu'on croit au premier coup d'œil
qu'il n'en a point , & que c'eft un poiffon
liffe. Voye^^ SoLE. La chair du perpètre eft
fort tendre & très-délicate. Rondelet, hift.
nat. des poijons , première part. liv. XI ,
c/i. xiij. Voyei PoiSSON.
PERPENDICULAIRE , f. f. en terme
de géométrie , eft une ligne qui tombe
diredement fur une autre ligne , de façon
qu'elle ne penche pas plus d'un côté que
de l'autre , & fait par conféquent de part
■êc d'autre des angles égaux. On l'appelle
auffi ligne normale. ?^oyf;[ LiGNE.
Ainfi la ligne IG ( PL géogr. fig. 57 ) eft
perpendiculaire à la ligne K H , c'eft-à-
P E R 403
dire , qu'elle fait avec cette ligne K H àQs
angles droits & égaux.
De cette définition de la perpendicu-
laire ^ il s'enfuit, 1°. que la perpendi-
cularité eft mutuelle & réciproque j c'eft-
à-dire , que fi une ligne / G eft perpen-
diculaire à une autre ligne K H , cette
ligne K H eft aufii peipendiculaire à la
première I G.
2°. Que d'un point donné on ne peut
tirer qu'une perpendiculaire à une ligne
donnée.
3°. Que fi on prolonge une ligne per-
pendiculaire à une autre , de manière qu'elle
paffe de l'autre côté de cette ligne , la
partie prolongée fera aufil perpendiculaire à
cette même ligne.
4°. Que fi une ligne droite qui en coupe
une autre , a deux points qui foient chacun
à égale diftance des extrémités de la ligne
qu'elle coupe , elle fera perpendiculaire à
cette ligne.
5°. Qu'une ligne perpendiculaire à une
autre ligne , eft auHi perpendiculaire à toutes
les parallèles qu'on peut tirer à cette ligne.
royei Parallèle.
6". Que la perpendiculaire eft la plus
courte de toutes les lignes qu'on peut
tirer d'un point donné à une ligne droite
donnée.
Donc la diftance d'un point à une ligne
droite, femefure par la perpendiculaire
même de ce point fur la ligne , & la
hauteur d'une figure , par exemple , d'un
triangle , eft une perpendiculaire même
du fommet de la figure ûir fa bafè. Fbj.
Distance.
Pour élever une perpendiculaire GI fur
la ligne M L , à. un point G pris dans cette
ligne , ou mettra une des pointes du com-
pas en G , & ouvrant le compas à volonté ,
on prendra de chaque côté de ce point G
des intervalles égaux G H & GK; des
points K , H y ti d'un intervalle plus
grand que la moitié de KH, on décrira
des arcs de cercle qui le coupent en 7 ; &
on fixera la ligne GI qui kia perpendicu-
laire à M L.
Dans la pratique , la meilleure méthode
pour tirer les perpendiculaires eft d'appli-
quer le côté d'une équerre fur la ligne pro-
pofée , & de tirer le long de l'autre côté
E e e 2
404 P E R
une ligne , qui ièra la perpendiculaire
cherchée.
Pour élever une perpendiculaire à lex-
trémité d'une ligne donnée , par exemple ,
au point P , on ouvrira le compas d'une
quantité convenable, & mettant une des
pointes C , on décrira l'arc R P S ; on pla-
cera une règle fur les points 5 & C , & on
trouvera fur l'arc R F S le point R , du-
quel tirant la ligne F Ry elle {^rà perpen-
diculaire à P M.
Pour laiiTer tomber d'un point donné /
hors d'une ligne iliP, unQ perpendiculaire
à cette ligne MP {fig. 57, /2. 2 , ) on
mettra une des pointes du compas en L ,
& on décrira à volonté un arc de cercle
qui coupe la ligne M P en M èc en G ;
enfiiite mettant la pointe du compas fuc-
cefllvement en G & en M , on décrira
deux autres arcs qui fè coupent en a , èi
par les points L y a , 011 tirera une ligue
X a , qui fera la perpendiculaire demandée.
On dit qu'une ligne eH perpendiculaire à
lin plan , quand elle eft perpendiculaire à
toutes les lignes qu'elle reacontre dans ce
inê ne plan.
Un plan eft dit perpendiculaire à un
autre plan , quand une ligne , tirée dans un
des plans perpenxdiculairemeiit à leur com-
mune ieâ:ion , eft perpendiculaire à l'autre
plan. Voye:^ Plan.
Une perpendiculaire à une * courbe , eft
une ligne qui coupe la courbe dans un
point où une autre ligne la touche , & qui
eft perpendiculaire à la ligne touchante.
Voyei Tangente & fon Perpendicu-
laire. Chambers. {E)
Perpendiculaire {la') ^ ceft dans
les fyftêmes de M" de Pagan & de Vau-
ban , la partie du rayon droit comprife
entre le côté extérieur & l'angle flanquant ,
laquelle partie fert à mener ks lignes de
défenfe.
Ainfi / B ( PL n de fortifie, fig. 7 J
eft la perpendiculaire : elle eft dans les
lyftêmes ou conftruâions de M. de Vau-
ban , la huitième partie du côté du poly-
gone dans le quarré , la feptieme dans le
pentagone , & la fixieme dans l'hexagone
& dans les polygones au deffus. Voye-^^
FoRTIFtCATION. (Ç)
PJEKPeNDICULAfUTE DE&PLAN-
P E R
TES , eft un phénomène curieux d'hrftoîre
naturelle , que M. Dodart a le premier
obfervé & publié dans uu elTai fur la
perpendicularité que paroilîènt affeâer &
obier ver les tiges ou troncs des plantes ,
les racines de plufieurs d'entr'elles , Se
même leurs branches , autant qu'il eft pof-
fible. ?^ojf:{ Plante.
Voici le fait qu'il s'agit d'expliquer.
Prefque toutes les plantes , quand elles f&
lèvent, font un peu recourbées \ cepen-
dant leurs tiges croiftent perpendiculaire-
ment , & leurs racines s'abaiiFent & s'en-
foncent auiîi perpendiculairement ^ lors
même qu'elles font forcées de s'incliner ,
foit par la déclivité du fol , fôit par quel-
que autre caufe , elles fe rcdreifent d'elles-
mêmes , & fe remettent ainfi dans la ii-
tuation perpendiculaire , en (aifant un fé-
cond pli ou coude qui redreffe le premier..
Ce phénomène , ^i\e le vulgaire voit fans
être furpris , eft \\n fujct d'étonnement pour
ceux qui connoillent les plantes & la ma-
nière dont elles fè forment.
En effet , chaque graine contient une
petite plante déjà formée , & qui n'a befoin
que de développement : cette petite plante
a la petite racine j & la pulpe , qui efl
ordinairement féparée en deux lobes , eft
l'endroit d'où la plante tire fa première
nourriture par le moyen de fa racine , iorf^
qu'elle comn eace à germer. Voye-;^ GRAI-
NE , Radicule , fir.
Or , fi une graine eft placée en terre de
telle forte que la racine de la petite plante
fbit direâement en bas, & la tige en haut ^
' il eft aifé de concevoir ^e la plante ve-
nant à croître & à fè développer , la tige
■ fe lèvera perpendiculairement , & que fa>
racine defcendra aufîi perpendiculairement..
Mais wne graine qu'on jette en terre' au
hazard, ou qui vient s'y jeter elle-même^,
ne doit prefque jamais prendre une fituatioa
telle que la petite plante qu'elle renfermer
ait Êi tige & fa racine placées perpendicu»
lairement , l'une en haut , l'autr^e en bas..
Voye-j^ Sémination.
Par conféquent , fi la plante prend touter
autre fituation , il faut que la tige &; la.
rachie fè redrefTent d'elles-mêmes: maist;
quelle eft la force qui produit ce change-
mcntl Eft-ce queiatige étaut moins chargée
P E R
diins le fens perpendiculaire , doit natu-
relletiient fe lever dans le fens où elle
trouve le moins d'obftacles ? Mais la racine
devroit , par la même raifon , fe lever
perpendiculairement de bas en haut , au
lieu de delcendre comme elle fait.
M. Dodart a donc eu recours à une
autres explication pour ces deux aâiions fi
différentes.
Il fuppofe que les fibres des tiges font
de telle nature , qu elles fe raccourcilfent
par la chaleur du foleil , & s'alongent par
l'humidité de la terre , & qu'au contraire
celles des racines fe raccourciffent par l'hu-
midité de la terre , & s'alongent par la
chaleur du foleil.
Selon cette hypothefè, quand la plante
eft renverfée , & que la racine eft par con-
féquent en en- haut , les fibres d'un même
éi^heveau , qui fait une des branches de
la racine , ne font pas également expofées
à l'humidité de la terre j celles qui regar-
dent en en-bas le font plus que les fiipé-
rieures. Les fibres inférieures doivent donc
fe raccourcir davantage , & ce raccourcif
fèment eft encore facilité par l'alongement
des fupérieures , fur lefquelles le foleil agit
avec plus de force. Par conféqueut cette
branche entière de racine fa rabat du côté
de la terre , & comme il n'eft rien de plus
délié qu'une racine naiffante , elle ne trouve
point de difficulté à s'infinuer dans les pores
d'une terre qui fèroit même aflez compadle,
& cela d'autant moins qu'elle peut gauchir
en tous fens , pour trouver les pores les
plus voifins de la perpendicuhûre. En ren-
veriànt cette idée , M. Dodart explique
pourquoi au contraire la tige fe redreffe :
en un mot , on peut imaginer que la terre
attire à elle la racine , & que le foleil
contribue à la laiffer aller ^ qu'au contraire
le foleil attire la tige à lui , & que la
terre l'envoie en quelque forte vers le
foleil.
A l'égard du fécond redreffement, fàvoir,
du redreffement de la tige en plein air ,
M. Dodart l'attribue à l'impreiîion des
agens extérieurs , principalement du foleil
& de la pluie ^ car la partie fùpérieure
d'une tige pliée eft plus expofée à la pluie ,
à la rofée , & même au foleil , que la
partie iuférieure : or la ûrudure des fibres
PEU 40f
peat être telle que ces deux caufes , fàvoir
l'humidité & la chaleur , tendent égale-
ment à redreft!er la partie qui eft la plus
expofée à leur adion , par l'accourcilfement
qu'elles produifent fucceftîvementdans cette
partie : car l'humidité accourcit les fibres
en gonflant , & la chaleur en diifipant.
Il eft vrai qu'on ne peut deviner quelle
doit être la ftruâure des fibres , pour
qu'elles aient ces deux différentes qua-
lités.
M. de la Live explique ce mxme phé-
nomène de la manière fuivante : il conuoît
que dans les plantes la racine tire un fuc
phis grolUer & plus pefant , &c la tige au
contraire & les branches un (ijc plus fia
& phis volatil j & en effet , la racine palle
chez tous les phyficiens pour l'eftomac de
la plante , où les fucs terreftres fe digèrent,
& fe fiibîilifènt au point de pouvoir en-
fuite fe lever jufqu'aux extrémités des
branches. Cette différence des fucs fuppofe
de plus grands pores dans la racine que
dans la tige & dans les branches , en un
mot , une différente contexrure j & cette
différence de tiftù doit fe trouver , les
proportions gardées , jufques dans la petite
plante inviiible que la graine renferme. II
faut donc imaginer dans cette petite plante,
comme un point de partage , tel que tout
ce qui fera d'un côté, c'eft-à-dire, fi l'on
veut la racine , fe développera par des;
fucs plus greffiers qui y pénétreront , &
tout ce qui fera de l'autre , par des fucs plus
fubtiîs.
Que la petite plante, lorfqu'elle com-
mence à fe développer, foit entièrement
renverfée dans la graine , de forte qu'elle
ait fa racine en haut , & fa tige en bas 5
les fucs qui entreront dans la racine ne
laifferont pas d'être touj:ours les plus gref-
fiers j & quand ils l'auront développée, &
en auront élargi les pores , au point qu'il
y entrera des fucs terreftres d'une cer-
taine pefanteur, ces fucs, toujours plus:
pefans , appefàntiffant toujours la racine de
plus en plus, la tireront en en-bas , & cela
d'autant plus facilement , ou avec d'autant
plus d'effort, qu'elle s'étendra ou s'alon-
gera davantage j car le point de partage
fuppofe étant connu comme' une efpece
de point fixe de iéviei , ils agiroat par ua
40^ P E R
plus long bras. Dans le mç me temps, les
plus volatils qui auront pénétré la tige ,
tendront aulîî à lui donner leur direâion
de bas en haut , & par la raifon du levier
i!s la lui donneront plus aifëment de jour
en jour , puifqu'ellc s'alongera toujours de
plus en [)lus. Ainiî la petite plante tourne
fiir le point de partage immobile , jufqu'à
ce qu'elle fe foit entièrement redreirôe.
La plante s'étant ainfi redreflee , on
voit que la tige doit fè lever perpendi-
culairement pour avoir une afliette plus
ferme , & pour pouvoir mieux réfifter aux
eflbrts du vent & de l'eau.
Voici l'explication donnée fur la même
matière par M. Parent : le fuc nourricier
étant arrivé à l'extrémité d'une tige qui fe
levé , s'il s'évapore , le poids de l'air qui
l'environne de tous côtés doit le faire
monter verticalement ; & s'il ne s'évapore
point , mais qu'il fe congelé & qu'il de-
meure fixé à l'extrémité d'où il foit prêt à
fortir , le poids de l'air lui donnera encore
la dire6i:ion verticale ^ de forte que la tige
acquerra une particule nouvelle , placée
verticalement ; par la même raifon que
dans une chandelle placée obliquement ,
la flamme fe kve verticalement en vertu
de la preflion de l'atmofphere , les nou-
velles gouttes de fuc nourricier qui vien-
dront enfuite , auront la même direftion :
& comme toutes ces gouttes réunies for-
ment la tige , elles lui donneront une direc-
tion verticale , à moins que quelque caufe
particulière n'en empêche.
A l'égard des branches , qui d'abord font
fuppofées fortir latéralement de la tige dans
le premier embryon de la plante , quoi-
qu'elles aient par elles-mêmes une dired:ion
horizontale , elles doivent cependant fe
redreffer par l'aâion continuée du fuc
nourricier, qui d'abord trouve peu de
réfiflance dans les branches encore tendres
& fouples , & qui enfuite , lorfque les
branches font devenues plus fortes , agit
encore avec beaucoup d'avantage , parce
qu'une branche plus longue donne un plus
long bras de levier. L'aâ:ion d'une peti-
te goutte de fuc nourricier, qui eft en
elle- même^ fort petite , devient plus confi-
dérable par fa continuité , & par le fecours
des circonflances favorables 3 par-là on
P E R
peut expliquer la fîtuation & la direftion
confiante des branches , qui font prefque
toutes & prefque toujours le même angle
confiant de 45^. avec la tige & entr'elles.
f^oyei Branche.
M. Aflruc , pour expliquer la perpend/-
cularité de la tige & fon redrelfement ,
fuppofè ces deux principes : 1°. que le fuc
nourricier vient de la circonférence de la
plante , & fe termine vers la moelle j
2°. que les liquides qui font dans àes
tuyaux parallèles ou inclinés à l'horizon,
pefent fur la partie inférieure de leurs
tuyaux , & n'agifîènt point du tout fur la
fupérieure.
II efl aifé de conclure de ces deux prin-
cipes , que lorfque les plantes font dans une
fituation parallèle ou inclmée à l'horizon ,
le fuc nourricier qui coule de leur racine
vers leur tige , doit par fon propre poids
tomber dans les tuyaux de la partie infé-
rieure , & s'y ramaffer en plus grande
quantité que dans ceux de la partie fupé-
rieure \ ces tuyaux devront par-là être plus
diflendus , & leurs pores plus ouverts. Les
parties du fuc nourricier qui s'y trouvent
ramaffées , devront par conféquent y péné-
trer en plus grande quantité , & s'y
attacher plus aifément que dans la partie
fupérieure ^ par conféquent, l'extrémité de
la plante étant plus nourrie que la partie
fupérieure , cette extrémité fera obligée
de fe courber vers le haut.
On peut par le même principe expliquer
un autre fait dans une fève qu'on feme à
contre-fens , la radicule en haut , & la
plume en basj la plume & la radicule
croiffent d'abord direélement de près de
la longueur d'un pouce , mais peu après
elles commencent à fe courber l'une vers
le bas , & l'autre vers le haut.
On obfèrve encore la même chofè dans
un tas de blé qu'on fait germer pour
faire de la bière , ou dans un monceau
de glands qui germent dans un lieu humi-
de \ chaque grain de blé , dans le premier
cas , ou chaque gland dans le fecond , ont
des fîtuations différentes : tous les germes
pourtant tendent diredlement en haut dans
le temps que les racines font tournées en
bas , & la courbure qu'elles font efl plus
ou moins grande , fuivant que leur fîtua-
P E R
tion approche plus ou moins de la fituation
direde , où elles pourroient croître fans
fe courber.
Pour expliquer des mouvemens û con-
traires , il faut fuppofer qu'il y a quelque
différence coufidérable entre la plume &
la radicule.
Nous n'y en connoiifons point d'autre ,
fînon que la plume ie nourrit par le fuc
que des tuyaux parallèles à fes côtés lui
portent ^ au lieu que la radicule prend fa
nourriture du fuc qui pénètre dans tous
les pores de la circonférence. Toutes les
fois donc que la plume fe trouve dans une
fîtuation parallèle ou inclinée à l'horizon ,
le fuc nourricier doit croupir dans la partie
inférieure , & par conféquent il doit la
nourrir plus que la fùpérieure , & redrelfer
par-là (on extrémité vers le haut , pour
les raifons que nous avons déjà rapportées.
Au contraire , lorfque la radicule eft dans
une fîtuation femblable , le fuc nourricier
doit pénétrer en plus grande quantité par
les pores de la partie fùpérieure , que par
ceux de l'inférieure. Le fuc nourricier
devra donc faire croître la partie fùpérieure
plus que l'inférieure , & faire courber vers
le bas l'extrémité de la radicule : cette i
courbure mutuelle de la plume & de la
radicule doit continuer jufqu'à ce que leurs
côtés fe nourrilfent également j ce qui
n'arrive que quand leur extrémité efl per-
pendiculaire à l'horizon. Voyei les mém.
de [académie roy, des Sciences , année
1708.
PERPENDICULE , f. m. ligne verti-
cale & perpendiculaire , qui mefiire la
hauteur d'un objet , par exemple , d'une
montagne , d'un clocher \ & l'on dit , le
perpendicuU de cette tour eft de cinqiiante
toiles. On appelle encore perpendicule ,
le fil qui dans une équerre eft tendu par
le plomb , & qui donne la perpendicu-
laire à l'horizon.
PERPÉTUANË , f. f. (Comm.j forte
d'étoffe qui fe fabriquoit en Portugal.
PERPÉTUEL , adjcd. ( Méîaph, ) eft
proprement ce qui dure toujours , ou qui
ue finit jamais. Voye'{^ Éternité.
Perpétuel fe dit quelquefois de ce qui
dure tout le long de la vie de quelqu'un.
Aiiifi \ti offices qui durent toute la vie j font
P E R 407
appelles perpétuels. Le fècretaire de l'aca-
démie des fciences eft perpétuel , &.c.
Chambers.
Mouvement perpétuel^ eft un mouve-
ment qui fè confèrve & fè renouvelle
continuellement de lui-même , fans le
fecours d'aucune caufe extérieure ^ ou c'eft
une communication non interrompue du
même degré de mouvement qui pafîé d'une
partie de matière à l'autre , foit dans un
cercle , foit dans une autre courbe ren-
trante en elle - même '•, de forte que le
même mouvement revienne au premier
moteur , fans avoir été altéré. Voy. Mou-
vement.
Trouver le mouvement perpétuel , 01»
conftruire une machine qui ait un tel
mouvement , eft un problême fameux ,
qui exerce les mathématiciens depuis 2000
ans.
Nous avons une infinité de defTms , de
figures , de plans , de machines y de roues >
&c. qui font le fruit des efforts qu'on a
faits pour réfoudre ce problême. Il feroit
inutile & déplacé d'en donner ici le dé-
tail ^ il n'y a aurun de ces projets qui
mérite qu'on en falfe mention , puifque tous
ont avorté. C'eft aufîi plutôt une infulte
qu'un éloge , de dire de quelqu'un qu'il
cherche le mouvement perpétuel : l'inutilité
des efforts que l'on a faits jufqu'ici pour
le trouver , donnent une idée peu favorable
de ceux qui s'y appliquent.
, En effet , il paroît que nous ne devons
guère efpérer de le trouver. Parmi toutes
les propriétés de la matière & du mou-
vement , nous n'en connoiffons aucune qui
paroiftè pouvoir être le principe d'un tel
eftèt.
On convient que l'aéîion & la réadion
doivent être égales , & qu'un corps qui
donne du mouvement à un autre y doit
perdre autant de mouvement qu'il en com-
munique. Or , dans fétat préfent des cho-
fês , la réfiftance de l'air , \qs frottemens y
doivent néceifairement retarder fans ceffe
le mouvement. Voye[ RÉSISTANCE.
Ainfî , pour qu'un mouvement quelcon-
que pût fibfifter toujours , il faudroit , ou
qu'il fût continuellement entretenu par
une caufe extérieure , & ce ne feroit plus
^ors ce «ju'ouL demande daus le mouve-
4o8 P E R
ment perpétuel ; ou que toute réfiftance
fût entièrement anéantie , ce qui eft phy-
fiquement impoflible. F^oyei MATIERE 6'
Frottement.
Par la féconde loi de la nature ( voyei
Nature), les changemens qui arrivent
dans le mouvement des corps fout toujours
proportionnels à la force motrice qui leur
eft imprimée , & font dans la même di-
rection que cette force : ainfi une machine
ne peut recevoir un plus grand mouvement
que celui qui réfide dans la force motrice
qui lui a été imprimée.
Or 5 fur la terre que nous habitons ,
tous les mouvemens fc font dans un fluide
réfiftant , & par conféquent ils doivent
uécefTairement être retardés : donc le mi-
lieu doit abforber une partie confidérable
du mouvement. Voye[ Milieu.
De plus , il n'y a point de machine où
on puifîe éviter le frottement , parce qu'il
n'y a point dans la nature de furfaces par-
faitement unies , tant à caufe de la manière
dont les parties des corps font adhérentes
entre elles , qu'à caufe de la nature de cqs
parties , & du peu de proportion qu'il y a
entre la m.atiifre propre que les corps ren-
ferment , & le volum.e qu'ils occupent.
Voyei Frottement.
Ce frottement doit par conféquent di-
minuer peu à peu la force imprimée ou
communiquée à la machine : de forte que
le mouvement perpétuel ne fauroit avoir
lieu , à moins que la force communiquée.
ne foit beaucoup plus grande que la force
génératrice, & qu'elle ne compenfe la di-
minution que toutes les autres caufes y
produifent : mais comme rien ne donne
ce qu'il ri a pas , la force génératrice ne
peut donner à la machine un degré de
mouvemsnt plus grand que celui qu'elle a
elle-même.
Ainfi toutç la queftion du mouvement
perpétuel en ce cas , fe réduit à trouver
un poids plus pefant que lui-même , ou
une force élaftique plus grande qu'elle-
même.
Ou enfin , en troifiemc & dernier lieu ,
il faudroit trouver une méthode de rega-
gner par la difpofition & la combinaifon
des. puiffances méchaniques , une force
çquivalwite à celle qui eft perdue, C'eft
P ER
' principalement à ce dernier point qiie
s'attachent tous ceux qui veulent réfoudre
ce problême. Mais comment , ou pas
quels moyens , peut on regagner une telle
force ?
W eft certain que la multiplication des
forces ou des puilTances ne fert de rien
pour cela : car ce qu'on gagne en puifTance ,
eft perdu eu temps ^ de forte que la
quantité de mouvement demeure toujours
la même.
Jamais la méchanique ne (àuroît faire
qu'une petite puiflance foit réellement
égale à une plus grande , par exemple que
25 livres foient équivalentes à 100. S'il
nous paroît qu'une puiffance moindre foit
équivalente à une plus grande , c'eft une
erreur de nos {èns. L'équilibre n'eft pas
véritablement entre 25 livres & 100 livres ,
mais entre 100 livres qui fe m.euvent ou
tendent à fe mouvoir avec une certaine vî-
tç.'^Q^ & 25 livres qui tendent à fe mou-
voir avec quatre fois plus de vîteflTe que
les 100 livres.
Quand on confidere les poids 25 & 100
comme fixes & immobiles , on peut croire
d'abord que les 25 livres feules empêchent
un poids beaucoup plus grand de s'élever ;
mais on fe détrompera bientôt , fi on con-
lidere l'un & l'autre poids en mouvement ,
car on verra que les 25 livres né peuvent
élever les 100 livres qu'en parcourant dans
le même temps un efpace quatre fois plus
grand. Ainfî les quantités de mouvement
virtuelles de ces deux poids feront les mê-
mes , & par conféquent il n'y aura plus rien
de furprenant dans leur équilibre.
Une puilfanfie de 10 livres étant donc
mue , ou tendant à fè mouvoir avec dix
fois plus de vîtelfe qu'une puiffance de
100 livres , peut faire équilibre à cette
dernière puiflance \ & on en peut dire
autant de tous les produits égaux à 100.
Enfin , le produit de part & d'autre doit
toujours être de 100 , de quelque manière
qu'on s'y prenne \ fi on diminue la maffe ,
il ^ faut augmenter la vîteffe en même
raifbn.
Cette loi inviolable de la nature , ne
laifle autre chofe à faire à l'art que de
choifir entre les différentes combinaifons
qui peuvent produire le même effet. Voye^
Lqix
P E R
LOIÎ DE LA NATURE , au mot NA-
TURE. Chambers. ( O )
M. de Maupertuis, dans une de Tes
lettres fur difFércns fujets de philofo.phie ,
fait les réflexions {uivantes fur le mouve-
tnent perpétuel. Ceux qui cherchent ce
mouvement excluent des forces *qui doivent
le produire , non-feulement Tair & l'eau ,
mais encore quelques autres agens naturels
qu'on y pourroit employer. Ainfi ils ne
regardent pas comme mouvement perpétuel
celui qui feroit produit par les viciflitudes
de ratmofphere , ou par celles du froid
& du chaud.
Ils fe bornent à deux agens , la force
d'inertie , i'oye\ Inertie , & lapcfanteur,
poye'i Pesanteur ; & ils réduifent la
queflion à favoir fi on peut prolonger la
vitefTe du mouvement , ou par le premier
de ces moyens , c'efl-à-dire , en trani-
mettant le mouvement par dès chocs d'un
corps à un autre ; ou par le fécond , en
faifant remonter des corps par la delcente
d'autres corps , qui enluite remonteront
eux-mêmes pendant que les autres defcen-
dronf. Dans ce fécond cas , il elt démontré
que la fomme des corps multipliés chacun
par la hauteur d'où il peut defcendre ,
eft égale à la fomme de ces mêmes corps ,
multipliés chacun par la hauteur où il
pourra remonter. Il faudroit donc , pour
parvenir au mouvement perpétuel par ce
moyen , que les corps qui tombent &
s'élèvent, confervaflent abfolument tout le
mouvement que la pefànteur peut leur
donner , & n'en perdiflent rien par le frot-
tement ou par la réfillance de l'air , ce qui
efl impolîîble.
Si on veut employer la force d'inertie ,
on remarquera, i°. que le mouvement fe
perd dans le choc des corps durs; 2.°. que
îi les corps font élafliques , la force vive
à la vérité fe conferve ( voyeT;^ CONSER-
VATION DES FORCES VIVES ) ; mais
outre qu'il n'y a point de corps parfaite-
ment élafliques , il iaut encore faire abilrac-
tion ici des fr^ttemens & de la rélillance
de l'air ; d'où M. de Maupertuis conclut
qu'on ne peut efpérer de trouver le mou-
vement perpétuel par la force d'inertie,
non plus que par la pefànteur , & qu' ainfi ce
mouvement eft impoflible. Lettre XXII.
Tome XXV:^
P E R 405
PERPÉTUER , V. ad. ( Gramm. )
rendre durable. La nature veille à la con-
fervation de l'individu , & à la perpétuité
des efpeces. Les eipeces fe perpétuent prin-
cipalement par la femence & par les grai-
nes. L'intérêt àts gens de palais & la mau-
vaife foi des plaideurs , s'entendent pour
perpétuer les procès.
PERPÉTUITÉ , ( Jurlfprud. ) fignifie
la fiabilité de quelque chofe qui doit durer
toujours. La plupart àcs loix font faites
pour avoir lieu à perpétuité. Un père de
famille établit fes enfans , & fait des fubi-
titutions pour aflurer X^i. perpétuité à^^dL race
& de fa maifon. {A)
Perpétuité , {terme de Droit canon.)
fignifie la qualité d'.un bénéfice concédé
irrévocablement , ou dont on ne fauroit
priver celui qui en efi pourvu , excepté
en certains cas déterminés par la loi.
Voyei BÉNÉFICE.
Plufieurs auteurs prétendent avec raifbn
que la perpétuité des bénéfices efl établie
par les anciens canons , & que les prêtres
font inféparablement attachés à leurs égli-
(ts par un mariage fpirituel : il efl vrai
que la corruption s'étant introduite avec
le temps , & les prêtres féculi^s étant
tombés dans un grand défordre & même
dans un grand mépris , les évêques furent
obligés de fe faire aider daps l'adminifira-
tion de leurs diocefes par des moines , à
qui ils confioient le foin des âmes & le
gouvernement des paroifles , fe réfervant le
droit de renvoyer ces moines dans leurs
monafieres quand ils le jugeoient à propos,
& de les révoquer ainfi dès qu'il leur en
prenoit envie.
Mais cette adminifiration vague & in-
certaine n'a duré que jufqu'au xij fiecle ,
après quoi les bénéfices font revenus à leur
première & ancienne perpétuité.
PERPIGNAN , ( Géograph. moderne^ )
en latin du moyen âge , Perpiniacum \
ville de France , capitale du Roufllllon ,
bâtie dans l'endroit où étoit autrefois
une ville municipale , appellée Flavium
Ebufum.
Elle eft très-forte , munie d'une citadelle
qui efi fur la hauteur , & commande la ville.
Elle a un évêché , un confeil fbuverain ,
un intendant , un hôtel des monnoies &
Fff
4fo P E R
«ne univerfité fondée en 1349 , par Pierre ,
10! d*Arfigon.
Cette univerfité eft compofée de quatre
facultés ; & ce qu'il y a de fingulier , c'eft
que les chaires de théologie font par-
tagées en deux fentimens. Dans l'une on
cnfeigne la dodrine de S. Thomas, & dans
l'antre , la dodrine de Suarès. Il eft permis
aux étudians de fuivre celle qui leur plaît;
mais les profelTeurs de ces deux chaires
doivent être bien habiles : ceux-ci , pour
découvrir la dodrine de S. Thomas , noyée
en 18 volumes /«-/o/. ceux-là, pour péné-
trer celle de Suarès , dont les œuvres for-
ment 23 vol. in-fol.
L'évêché de Perpignan efl fufFragant de
Narbonne ; on en évalue les revenus à
25000 livres , & l'on compte dans fbn
diocefe 180 paroifl'es. Quelques évêques de
cette ville ont pris le titre à' inquijueiirs \
mais rien n'efl plus déplacé dans un
royaume tel que la France , où le feul
nom d'inqiiifaion révolte les efprits , & où
l'évêque de Perpignan ne peut s'arroger des
prérogatives , & avoir d^s fondions difïe-
rentes de celles de fes collègues.
La première églife de Perpignan fut
élevée par les habitans , fous l'invocation
de faint Jean-Baptifle , dans le xj ficelé.
Beranger , évêque d'Elue , la confacra le
16 de mai 1025 ; & Gaufred , comte
de Rouflillon , foufcrivit l'ade ou appofà
fon fcel à l'ade qu'on fit de cette con-
fécration.
Le corps-de-ville ds Perpignan efi un
des plus illuflres qu'il y ait dans le royau-
me ; il efl gouverné par cinq confuls qui
ont le privilège de créer tous les ans deux
nobles , qui Jouiflent de toutes les préroga-
tives des gentilshommes , & ont la qualité
de chevaliers. La noblefTe de ces fortes de
citoyens efi reçue à Malte , en forme de la
bulle magiflrale du grand-maître , du 14
juin 1^3^'
La ville de Perpignan efl fîtuée fur la
rive droite du Tet , partie dans une
plaine &: partie fur une colline , dans un
terroir fertile en bon vin , à une lieue de
la mer , à 12 lieues au fud-ouefl de Nar-
bonne , à 30 au fud-ouefl de Montpellier ,
à 40 fud-efl de Touloufe , & à 175 au
»idi de Paris. Zong, fuivant CuSm ,
PEU
Lieutaud & Dcfplaces, ao. Z4' latitude y
4ii. 42.
C'efl à Perpignan que mourut d'une
fièvre chaude Philippe III , roi de France ,
à fon retour d'Aragon , en 1285 , âgé de
40 ans & quelques mois. On le furnomma
le Hardi y & l'on ne fait pas trop pour-
quoi , car il ne fit jamais rien qui pût lui
mériter ce titre , quelle que foit l'hiée
qu'on y attache. Le corps de ce prince
fut porté à Narbonne , où l'on célébra
fes obfeques. ( Le Chevalier DE Ja u-
COUBT. )
PERPLEX , PERPLEXITÉ , ( Granit
maire. ) état de fefprit incertain fur un évé-
nement , furunequefVion, fur un ordre, 6'ci
La dodrine fur la prédeilination ]eîiQ
l'ame dans de grandes perplexités. Si nous
n'abandonnions pas beaucoup de chofes au
hazard , notre vie ne feroit qu'un long tiffu
de perplexités. La perplexité xx-Âx. toujours
ou de la pufillanimité , ou de la bêtife , ou
de l'ignorance.
PERQUISITEUR, f m. {Jurifprud.)
expédition qu'on levé en la chancellerie
romaine , afin de certifier qu'il y a eu telle
demande formée , tel ade , telles lettres .
expédiées. On produit fouvent dans les
procès pour bénéfices , des perquifiteurs .
PERQUISITION , f. f. ( Gra.mm. )
recherches ordonnées par un fupérieur >
& occafionées par un délit fur lequel on
n'a pas les connoifTances néceffaires. La
pubhcation de ce livre donna lieu aux
perqiiijitions \es plus rigoureufes Avec
toutes ces perquijitions , on ne découvrit
rien.
PERRANTHES , ( Géog. anc. ) nom
que l'on donnoit , félon Tite-Live , lit/.
XXXVIII y cJi. iv ) à une colline ef^
carpée qui commandoit la ville Ambracia
dans l'Epire. (D.J.)
PERRAU , f m. ( Cirerie. ) forte de
grand chaudron étamé , étroit , rond &
profond , dont les marchands épiciers-
ciriers fe fervent pour faire chauffer l'eau
dans laquelle ils font amollir la cire qu'il?
emploient dans la fabrique des cierges à la
main. (D.J.)
PERRE, {Géog. anc.) ville d'Afie,
aux environs du mont Taurus. L'itinéraire
d'Antonin la place fur la route de Mélitco«
jp
P E El
à Samofate ; & la notice àe Léon le
fage en fait une ville épifcopale dans l'Eu-
phratenfe , fous la métropole d'Hiérapolis.
(D.J.)
PERRÉE , f. f. (Mefure de contenance,)
mefure de grain en Bretagne , dont jles dix
font le tonneau.
PERRELLE, f. f. {Droguerie.) terre
feche , en petites écailles grifes , qu'on vend
chez les droguiftes , & qu'on nous apporte
de Saint-Flour en Auvergne. On la prend
fur les rochers , où elle a été formée
d'une poudre terreufe que les vents y ont
portée. Là, après avoir été humccbée par
la pluie, deflechée, ou comme calcinée
par la chaleur du fbleil , elle fè levé en
petites écailles comme nous la voyons. La
perelle entre dans la compolîtion du tour-
nefol en pâte , qu'on appelle autrement
orfeille. Trévoux.
PERRHEBES (les) , ( Géogr. anc. )
Perrhcebi. i°. Peuples de la Thefîalie, le
long du fleuve Pénée vers la mer. Ce fut ,
félon Strabon , liv. IX y pag. 4;^^ , leur
première demeure. Chafîes enfuite par
divers peuples , ils fe reculèrent dans les
terres toujours le long du Pénée ; & enfin
ils furent tellement difperfés , qu'une partie
le retira vers le mont Olympe , d'autres
vers le Pinde , & d'autres fe mêlèrent
avec les Lapithes & avec les Pélafgiotes.
2°. Plutarque , in Flaminio , dit que les
Perrhehes furent un des peuples que Flami-
nius déclara libres , après qu'il eut vaincu
le roi Philippe. La ThelTalie prefque en-
tière féparoit les Perrhehes orientaux , ou
Thefîaliens, des Perrhehes occidentaux ou
Epirotes. Cette nation comprenoir aufii
les Selles & les Hellopes , dont quelques
auteurs font autant de peuples difFérens.
Le fcholiafte d'Homère obferve que , félon
les anciens , les Centaures du mont Pélion
éîoient de la même nation que les Perrhehes.
(D.J.)
PERRICHE, î'oyfs^ Perruche.
PERRIER , f. m. ( Fonderie. ) Les
fondeurs appellent ainfi une barre de fer
fufpcnduc à une chaîne , avec laquelle on
poufîe le tampon du fourneau pour faire
couler le métal dans l'écheno. V. EcHEN,0
^Fonderie.
PERRIERE , C (. {Architecf. ) carrière
PFR. 4ïi
à^o^ l'on tire des pierres. Il fe dit princi-
palement en Anjou à^a ardoifieres. Voye\
Carrière.
Perrière, f. f. dans V Artillerie &
la Fonderie y efl un morceau de fer qui -
aunemafle pointue à fon extrémité, avec
laquelle le maître fondeur enfonce & dé-
bouche le trou du fourneau par où fort
le métal tout liquide & tout bouillonnant
pour fe précipiter dans les moules. C'efl
le même outil que le perrier. {Q)
PERRIQUE , voye\ Perruche.
PERRON, f. m. {Archit.) lieu élevé'
devant une mailbn , où il faut monter
plufieurs marches de pierre. Quelques au-
teurs écrivent paro/z y parce qu'ils préten-
dent que le mot perron vient de pas
rond y tous les perrons étant autrefois faits
de marches arrondies.
Perron à pans. Perron dont les encoi-
gnures font coupées , comme au portail de
l'églife du collège Mazarin , à Paris.
Perron cintré. Perron qui a les marches
rondes ou ovales. Il y a de cesperrons dont
une partie des marches eu en dehors, &
l'autre en dedans ; ce qui forme un palier
rond dans le milieu , comme celui , par
exemple , du bout du jar3in de Belveder ,
à Rome ; ou un palier ovale , comme an
Luxembourg à Paris, & au château de
Caprarole.
Perron douhle. Perron qui a deux ram-
pes égales qui tendent à un même palier ,
comme le perron du fond du capitole;
ou deux rampes oppofées pour arriver k
deux paliers , comme celui de la cour des
fontaines ^de Fontainebleau. Il y a des
perrons doubles qui ont ces deux difpo-
fitions de rampes ; en forte que par un
perron quarré on monte fur un palier y
d'où commencent deux rampes oppofées
pour arriver chacune à un palier redan-
gulaire ; de ce palier on monte par deux
autres rampes à un palier commun : tel
ell le perron du château neuf de Saint-
Germain-en-Laye , du dclfin de Guillaume
Marchand , architeâe d'Henri IV , & \qs
perrons des Tuileries qui font du deiïïn de
M. le Nautre. Ces fortes de perrons font
fort anciens. On en voit encore les verti-
ges d'un parmi les ruines de Teheilminar ,
près Schiras en Perfe, dont M. Deflandes
F ff 2
411 P E R
rapporte la figure dans Ton livre des beautés
de la Perfe,
Perron qiiarré. Perron qui efî d'équerre ,
comme font la plupart des perrons , &
particulièrement celui de Ta Sorbonne &
du Val-de-Grace. Le plus grand perron
qu'il y ait , eft celui du jardin de Marly.
(£>./.)
Perron , f. m. (Hydr.) font les efca-
liers découverts d'un bâtiment , d'une caf-
cade ou d'un Talion placé dans un jardin ; ils
peuvent être fimples ou doubles , ronds,
ovales ou quarrés , compofés de marches ,
& de paliers ou repos. (-K)
PERROQUET, f. m. ( HiJÎ. natur.
Ornythol. ) pjittacus y nom générique que
Ton a donné à un grand nombre d'efpeces
d'oifeaux qui différent entr'eux principa-
lement par, la grandeur & par les couleurs,
mais qui fe reflêmblent tous à-peu-près
par la forme du bec & du corps , & par
le nombre & la polition des doigts. Voye-{
Oiseau. Les perroquets en général ont la
tête grolTe, le bec & les ongles crochus ,
le crâne dur & épais , la langue large ,
les ouvertures des narines rondes & pla-
cées à la bafe de ^ pièce fupérieure du bec ,
près des premières plumes du devant de
la tête ; enfin ils ont tous quatre doigts
à chaque pié , dont deux font dirigés en
avant , & deux en arrière. La plupart fe
fervent de leur pié pour porter leur nour-
riture à leur b|Éi||^n divife tous les per-
roquets en troi^BRfes ; la première com-
prend les plus grands , ils ont la grolTeur
d'un chapon ; ceux de la féconde claffe
font d'une médiocre grofleur , qui égale
à-peu-près celle du pigeon domeftique ;
enfin , on a mis dans la troifieme clafie les
petits perroquets. On a donné le nom de
perruche ou perriche à ceux de la féconde
ou de la troifieme claffe qui ont la queue
longue. La plupart des perroquets appren-
nent aifément à parler. Will. Ornyt. Voy.
Oiseau.
Perroquet d'Angola. Cet oifeau efl
un peu plus grtmd qu'une tourterelle. Il a
le bec d'un brun vef3âtre ; les plumes de
la tête , du dos , de la poitrine , & celles
dts épaules , font d'un beau jaune coulei»-
d'or , mêlé d'une teinte rouge couleur
d'écarlate ; la couleur des petites plumes
. P E R
des ailes e{î verte ; excepté les deux extré-
mités qui font d'un beau bleu j les grandes
plumes des ailes ont cette même couleur
bleue : la queue efl; longue , fourchue &
d'un verd jaunâtre ', les pies font d'un
rouge mêlé de gris. Hifl. nat. des oifeaux
par Derham , tome III ^ page S. î^oye-^
Oiseau.
Perroquet arras. On a donné ce
nom à deux efpeces de perroquets , que l'on
diftingue en arras bleu & en arras rouge. Ils
font les plus grands de tous les perroquets ;
ils égalent en groffeur un chapon.
Uarras jiune , pjittacus maximus cyanO"
çroceus , Aldrovandi, Il a le bec noir &
un peu alongé ; il y a fur la peau qui
entoure les yeux , des plumes noires ; le
fommet de la tête eft applati & verd ; la
gorge a une forte de collier formé de plu-
mes noires ; toute la face fupérieure de cet
oifeau efl d'un jaune couleur de fafran >.
& l'inférieure a une belle couleur bleue : la
queue a environ dix-huit pouces de lon-
gueur , les cuiffes font très-courtes ; les
jambes & les pies ont une couleur brune ,
& les ongles font noirs.
lu arras rouge , pjittacus maximus altety
Aldrovandi. Cet oifeau a le bec plus court
que V arras rouge ; la pièce fupérieure efl
blanche , & l'inférieure noire ; les tempes
& le tour des yeux font blanchâtres : le
corps en entier , l'origine des ailes , &
toute la queue ont une belle couleur rouge ;
la partie intérieure des grandes plumes
des ailes a cette même couleur ; la partie
extérieure & les plumes du deflbus de la
queue , font d'un très- beau bleu ; la cou-
leur des plumées du fécond rang de l'aile
eft jaune, à l'exception des bords qui
font rouges ; elles ont chacune à Textrémité
une taehe bleue qui relfemble à un petit
œil : les cuiffes font courtes , & les ongles
ont une couleur brune. Rai, fynop. meth^
avium. Voye\ OiSEAU.
Perroquet des Barbades , pfit--
tacus viridis Ù luteus barbadenjis. Cet
oifeau eft de la grandeur d'un pigeon do-
meflique ; fès yeux font entourés d'une
peau de couleur cendrée, & dégarnie de
plumes ; ils ont l'iris d'un j-aune couleur
de fafran ; le devant de la itit efl d'un
brun pâle , entouré drune belle couleur
jaune , qui s'étend fur les c6te's de la tête
& fous la gorge ; le fommet de la tête ,
le do? , la poitrine & le ventre , font d'un
beau verd ; les plumes des cuiffes & des
épaules ont une couleur verte - jaunâtre ;
les trois premières plumes du premier rang
des petites plumes des ailes , font d'un beau
bleu ; toutes celles du fécond rang ont
une couleur rouge ; enfin les grandes font
d'un bleu fombre & pourpré : la queute
ctt compofée de douze plumes , & elle a
une belle couleur verte; les jambes font
garnies de plumes jufqu'aux pies , qui ont
une couleur brune cendrée. Hifi. ncit. des
oifeaux y par Derham , tome III y page 6.
Voye\ Oiseau.
Perroquet de Bengale. Ctx oifeau
cfî: de moyenne grandeur. Il a la pièce
fupérieure du bec jaune , & l'inférieure de
couleur noirâtre ; le derrière de la xtiç.
eil d'un rouge pâle, mêlé d'une teir#e de
pourpre ; les plumes de la gorge font
noires , & le cou a un' petit collier formé
par des plumes de la même couleur que
celles de la gorge ; les plumes de la poi-
trine , du ventre & des cuiflés , ont une
couleur verte , pâle & jaunâtre ; celles du
dos & à^s ailes iont d'un très-beau verd.
Hiji. nat. des oijeaux y j?arDerham, t. III.
Voyei Oiseau.
Perroquet blanc Yivv?t,pjîttacus
albus crifiatus , Aldropandi. Cet oifeau eft
de la grofleur du pigeon domelHque , il
à une huppe fur la tête ; il eft entièrement
blanc , & il porte la queue fort élevée. On
a donné à et perroquet le nom de katacoua.
^^\ yfynop. meth. aviiim. Voy. OiSEAU.
Perroquet de Bontius ( le
l>ETIT ), pjittaciis parpus Bontii. Ce per-
roquet eft de la grolTeur d'une alouette :
le bec & la gorge font gris ; l'iris àts
5'eux a une couleur argentée ; la tête , le
cou , le delTlis de la queue & le bas-ventre,
font rougeâtres ; les plumes de la poitrine
& celles du deflbus de la queue , ont. une
couleur de rofe pâle ; l'extrémité de ces
plumes eft verte ou verdâtre : les plumes
des ailes font pour la plupart vertes, &
il y en a de rougeâtres mêlées parmi les
vertes. Rni , fynop. meth. ai'ium. Voye\
Oiseau.
Perroquet cendré , pjlttacus cine-
P E R 4,3
reus feu fuhcxruleus y Aldromandi. Ce per-
roquet eft de la grofîêur du pigeon domef-
I tique : il a le bec noir ; le corps en entier
'■ eft d'un cendré obfcur ; la queue eft courte,
I & s'étend à peine au-delà de l'extrémité des
l ailes ; elle a une très-belle couleur rouge :
les yeux font entourés d'une peau blanche
& dégarnie de plumes. Rai , fynop. meth.
apium. Voyei OiSEAU.
Perroquet de Clusius(le beau),
pfittacus elegans Clufii. Ce perroquet eft de
la grofteur d'un pigeon , les plumes du cou
& de la poitrine font de diverfes couleurs ;
le bord extérieur de chacune de ces plumes
eft d'un très -• beau bleu \ cet oifeau les
drelfe l^ÉÉkil s'irrite. Les couleurs du
ventre flHpi - peu - près^Jes mêmes que
celles de la poitrine , avec -une teinte de
brun ; le dos & la queue font verds ; les
grandes plumes des ailes ont une couleur
bleuâtre. Rai. fynop. meth. avium. Voy€\
Oiseau.
Perroquet a collier, pfittacus
torquatus y macrouros antiquorum , AldrO'
vandi. Ce perroquet a neuf pouces & demi
de longueur : le bec eft d'un beau rouge
couleur de vermillon , & \es yeux ont
l'iris jaune ; le cou eft entouré d'une forte
de collier d'un très-beau rouge ; il y a
fous le menton une ligne noire qui s'étend
depuis la pièce inférieure du bec jufqu'à
ce collier : le corps eft en entier d'un verd
plus foncé fur le dos & plus clair fur le
ventre ; les plumes extérieures des ailes
ont à leur extrémité fupérieure une tache
rouge. Rai , fynop. meth. ai-ium. Voye^
Oiseau.
Perroquet d'Ethiopie (petit),
pjlttacus pùfillus viridis cethiopicus Clufii.
Ce perroquet eft de la grofiéur d'un pin ion :
il a le bec rougeâtre , épais & fort ; le
corps en entier eft d'un verd plus pâle
fur le ventre &: plus foncé fur le dos ; les
grandes plumes des ailes font en partie
brunes , & en partie d'un verd foncé ; la
face fupérieure eft brune. Les plumes de
la queue font d'un jaune verdâtre à leur
racine , enfuire elles ont une belle couleur
rouge , enfin elles font noires près de
l'extrémité qui eft teinte de verd. Les
plumes du devant de la tête & de toute
la gorge font variées de rouge & d'un verd
414 P E R
vif; les cuiflêsibnt cendrées & très-courtes;
elles ont à peine un demi-pouce de lon-
gueur ; les ongles font blancs & afiez longs.
Rai , fynop. meth. avium. Voye\ OiSEAU.
Perroquet gris ^pfittacus maracana
Brafilienfibus diclus. Ce perroquet eil de
la grande efpece , & en entier d'une cou-
leur grife bleuâtre. Rai , jynop. meth.
avium. Voye\ OiSEAU.
Perroquet de la Jamaïque.
Derham a donné ce nom à l'arras rouge ;
il prétend que l'arras jaune eft la femelle
de l'arras rouge , & il ne fait qu'une feule
efpece de ces deux oifeaux. Hift. nat. des
oifeaux y par Derham , tom. II y p. z z .
Voyei Perroquet arr^h*
PerROQUE-Ç LOKl i pfittiffmoccineus
orientalis. Ce perroquet eil delà grofTeur
d'un merle ; il a le corps en entier d'un
très-beau rouge couleur d'écarlate ; \t^
petites plumes .des ailes font vertes , les
grandes ont une couleur noire ; le bord
de l'aile eft jaune ; \qs plumes de la queue
font de cette même couleur jaune depuis
leur racine jufqu'à la moitié de leur lon-
gueur : le refte a une couleur jaune-ver-
diâtre. Il y a fur \ts cuiiîes , au defTus
du genou , un cercle de plumes vertes :
]e bec & l'iris des yeux ont une couleur
jaune ; les cuifîès font très - courtes &
noires. On trouve cet oileau dans les Indes
orientales. Rai , fynop. meth. ai'ium. V.
Oiseau.
Perroquet de Macao , pfittacus
maracana ararce. Ce perroquet eft plus
petit que l'arras , auquel il reflemble par la
forme du corps & par la longueur de la
queue : il a le bec long & noir ; la peau
qui entoure les yeux cft blanche , & a des
taches formées par de petites plumes noi-
res. La tête , le cou & les ailes font d'un
verd foncé , à l'exception du fommet de la
tête , qui a une couleur plus pâle & mêlée
de bleuâtre ; la face fupérieure des ailes &
de la queue eft verte , & l'inférieure a une
couleur bleue , excepté l'extrémité de
chaque plume qui eft d'un bleu obfcur ;
les ailes ont chacune à leur naiff'ance une
tache d'une belle couleur rouge , & il y
en a une brune au deflus de la bafe du
bec. Rai , fynop. meth. avium, Voye^
Ojseau.
P E R.
Perroquet de Macao (gra;nd) ;
Derham a décrit fous ce nom l'arras Jaune ;
il prétend que c'eft la femelle de l'arras
rouge , & il ne fait qu'une feule efpece
de ces deux oifeaux. Hift. nat. des oifeaux^
par Derham , tom. I , pag. z z . Voye\
Perroquet- arras.
Perroquet plongeur,(-^'1^. nat^
oifeau fmgulier qui fe trouve vers les côtes
de Spitzberg. Il a le bec de trois pouces
de large , & rempli de petites raies de
différentes couleurs ; ce bec eft pointu &
un peu courbé pardefTus , & pardeflbus
garni de quatre entailles qui fe joignent ,
& percé de deux trous. Au deffus , près de
l'œil , il a un cartilage blanchâtre , rempli
de trous. Ses pies ont trois ongles liés par
une peau rouge ; {ts jambes qui font
courtes , ont la même couleur. Ses yeux
font entourés d'un cercle rouge ; le dcflùs
de 1» tête eft noir; le refte, aa deiTous
des yeux , eft d'un beau blanc ; le cou eft
entouré d'un cercle noir ; le dos & le
deflus àits ailes font noirs , & le ventre
blanc. Cet oifeau , qui ne reflemble en rien
au perroquet y fe tient long- temps fous
l'eau, où il fe nourrît de poifîbns. Sa
chair eft très-délicate.
Perroquet rouge et verjj ,
pfittacus lemocephalus y Aldrovandi. Ce
perroquet a le bec & la partie antérieure
de la tête blancs ; la gorge & le bord
fupérieur des ailes , font d'un très - beau
rouge ; le milieu de la poitrine , & l'efpace
qui eft entre les cuifTes , ont une couleur
rouge obfcure ; le refte de la poitrine &
hs cuifles font d'un verd pale ; le derrière
de la tête , le cou , le dos , les ailes &
\ts plumes du deflus de la queue , ont une
couleur verte foncée. Rai , fynop. meth»
avium. Voy. OiSEAU.
PeRRO(^UET ROUGE ET VERD
HUPPÉ , pjittacus eiythrochlorus criftatus ,
Aldrovandi. Ce perroquet eft entièrement
verd , à l'exception des ailes , de la queue
& de la huppe , qui font rouges : fa huppe
refl^emble à celle du perroquet blanc huppé ;
elle eft compofée de fix plumes , dont
il y en a trois grandes & trois petites;
les yeux ont l'iris rouge , & la prunelle
eft noire. "Willugbbi , ortiith. Vqye:^
Oiseau.
P E R
Perroquet y akiè ^ pjîttacus l'erjî-'
•toîor , feu erytro-cyaneus, Aldroiandi. Ce
perroquet eft de médiocre grandeur ; il a
Je bec court & noirâtre ; la tête , le cou ,
la poitrine , font bleus , excepté le Ibmmet
de la tête qui a une couleur jaune ; l'ef-
pace où fè trouvent les yeux eft blanchâtre ;
le ventre a une couleur verte ; la partie an-
térieure du dos eft d'un bleu pâle ; la partie
inférieure & le croupion font ji?unes ;
les petites plumes des ailes ont trois cou-
leurs , qui lont le verd , le jaune & le
couleur de rôle. Rai , fynop. me th. ai'ium.
Voye:{ OiSEAU.
Perroquet verd commun ,
pjittacus viridis y alarum cofiâ fupernâ
ruhente , Aldrovandi. Ce perroquet efl
de la grofleur du pigeon domelHque. La
pièce fupérieure àw bec a l'extrémiré
noire , le milieu bleuâtre , & le relte rou-
geâtre ; la pièce inférieure eft blanche ;
les yeux ont l'iris d'un jaune de fatran ;
le Ibmmet de la tête eft jaune ; tout le
refte du corps a une couleur verte , plus
foncée fur la face fupérieure de l'oileau ,
& plus claire fur la face inférieure ; le bord
fupérieur de l'aile eft rouge ; les jambes &
les pies font cendrés ; la queue eft très-
courte ; elle a en deftbus , fur les côrés ,
une longue tache rouge , & en deflihs
une tache jaunâtre. Rai , fynop. meth
aviam. Voye^ OiSEAU.
Perroquet yerd (petit) ,pfttacus
minor macrouros , totus viridis , Aldro-
vandi. Cit perroquet a neuf pouces & demi
de longueur , quoiqu'il ne foit pas plus
gros qu'une grive. La pièce fupérieure
du bec eft rouge , & l'inférieure a une
•couleur rouge , mêlée de noirâtre ; l'iris
des yeux eft en partie rouge & en partie
jaune ; le corps en entier eft d'un beau
verd, couleur de pré, plus foncé fur les
grandes plumes des ailes, & -plus clair
fur le ventre ; la queue eft très-étroite ,
& paroît comme pointue à l'extrémité ;
les pies & les pattes font rouges , ou de
couleur de chair : ce caraûere fiiftit pour
le faire diftinguer de toutes les autres es-
pèces de perroquets. On trouve cet oiieau
dans "la Nouvelle - Efpagne. Willughby ,
ernith. Voye\ OiSEAU.
Perroquet verd et ro^ge ,
P £ R 415
pjittacus viridis menalorhyncos , Aldro-
vandi. Ce perroquet eft de médiocre grof-
feur ; il a du bleu à la ba(e du bec , fur
le fommet de la tête & fous la gorge ;
toute la face fupérieure de l'oifeau eft
d'un verd foncé , & la face inférieure eft
en partie d'un jaune pur , & en partie
d'un jaune verdâtre ; les plumes de defTous
la queue & le bord de faile , font d'un
très-beau rouge. Rai ^ fynop. meth. avium.
Voyei Oiseau.
Perroquet verd varié ,pfittacus
poikilorhynchos^ Aldrovandi. C& perroquet
a la face fupérieure du bec d'un verd
bleuâtre , & les côtés d'un jaune couleur
d'ochre ; il y a près de l'extrémité une
tache blanche tranfverfale ; le milieu de la
pièce mférieure eft jaunâtre , & le refte
a une couleur plombée ; le fommet de la
itxe eft d'un jaune couleur d'or ; tout le
refte du corps a une couleur verte , plus
obicure fur la face fupérieure de l'oifeau ,
& plus claire fur la face inférieure ; les
ailes & la queue font vertes , & ont
plufieurs autres couleurs mêlées avec ce
verd , telles que le violet , le noir , le
rouge-obl'cur , le beau rouge couleur d'é*
carlate , & le jaune. Rai , fynop. meth,
avium. Voye\ O1SEAU.
J'ajouterai quelques remarques fur cet
orfeau. Son bec eft compofë de deux par-
ties qui font couvertes de cofne , comme
le bec de tous les oifeaux. La fupérieure,
jointe à l'os du nez , font enlèmble fa
mâchoire fupérieure , qui fe termine en
pointe crochue. L'inl^érieure eft une conti-
nuité de la mâchoire inférieure ; elle eft
crochue , mais elle ne fe termme pas en
pointe. L'os du nez e^ joint à l'os coronal
par fynchondrofe , & au bec par une fubi-
tance recouverte d'une matière qui n'eft
ni t)S ni corne , mais qui approche plus
de la corne que de l'os '-, la mâchoire in*
férieure du perroquet fe meut comme dans
les autres oifeaux , ayant la même arti-
culation , avec une épiphyfe attachée à l'os
de l'oreille.
L'articulation par fynchondrofe de la
mâchoire fupérieure avec le crâne , eft
une particularité que l'on trouve dans le
crâne du perroquet : en voici une autre.
, On remarque deux os plats , l'un k droite^
4.i6 PEU
l'autre à gauche , qui forment le palais ,
& il minces qu'ils en font un peu rranf-
parens. Leur figure eil très - irréguiiere ;
car ils ont chacun lix côtés , donc il y en
a trois plus longs que les autres. La mâ-
choire inférieure a auffi fes particularités ;
car elle ert bien plus large que celle du
coq d'Inde , du hibou & d'autres oifeaux.
Son articulation efl différente, auiC-bien
que Texcrémité antérieure qui efl crochue-
Au moyen de deux gouttières qui font à
Textrémité de cette mâchoire, die peut
s'avancer en devant & reculer en arrière.
A chacune des lùrfaces latérales , on voit
un trou large de près d'une ligne , &
qui efl percé. dans la partie moyenne.
Une autre fingularité du perroquet re-
garde ies paupières. Il a la paupière
iupérieure mobile , comme le chat-huant ;
elle s'abaifîé en même temps que la pau-
pière inférieure s'élève , mais beaucoup
moins que la paupière inférieure ne s'abaiffe.
Dans le perroquet mort , les deux pau-
pières fe trouvent jointes enfemble fur la
cornée , elles ont fait chacune la moitié
du chemin pour s'y rencontrer , ce que
M. Petit n'a jamais obfervé que dans le
perroquet ; car il a remarqué que dans tous
les autres oifeaux , c'eft la paupière infé-
rieure qui s'élève dans le moment qu'ils
meurent , & elle va joindre la paupière
fupérieure qui ne s'abaifîé en aucune ma-
nière. Tout ceci n'efl que pour les ana-
tomiftes , qui peuvent en outre parcourir
la difTedion du perroquet donnée par
Oliger, dans les acla Hajfn. vol. Il ^
71°. 22.4, , ann. iGj"^. Voici des détails
pour d'autres ledeurs.
Pline , lih. X , c.'xlij , dit ifuperomnia
humanas voces reddunt pflttaci , 6" qui-
dem fermocinantes : India avem hanc
mittit. Pfittacum vacant toto corpore tan-
tum in cervice diftinSum. Les anciens ne
connoifToient point d'autres perroquets que
les Indiens ; c'efl l'oifeau des Indes de
Ctéfias , d'Arii^ote , d'Elien , de Paufanias
& autres. On lit dans Diodore de Sicile,
lib. II y p. SS > que l'on trouvoit encore
des perroquets en Syrie , c'efl-à-dire , en
AfTyrie , où étoit la ville de Sittace ou
PJittace y que l'on fuppofoit avoir tiré ion
nom de cet oifeau. Caliilhene le rhodien ,
P E R
cité par Athénée , dit que du temps àcr
Ptolomée Philadelphe , on vit à Alexan-
drie , comme une grande merveille, des
perroquets , des paons , des failans , &
quelques autres oiièaux de cette rareté.
Les perroquets étoient encore très-rares à
Rome du temps de Varron j car , parlant
de certaines poules , il ajoute qu'on en
montroit dans les fêtes publiques , ainfi
que des perroquets , des merles blancs ,
& autres animaux de ce genre peu connus.
Aullî Ovide , en pleurant la mort du /jet—
roquet de fa Corine , amor. II , eleg vj y
l'appelle extremo munus ab orbe datum.^
un préfcnt donné du bout du monde.
Bientôt ils devinrent moins rares ; ils
étoient connus fous le règne de Tibère.
Les eij^eces de perroquets & Narras y
difFérens en grandeur, en couleur & en
figure , font làns nombre. Les perroquets
les plus ordinaires au Para , ceux qu'on
connoît à Cayenne fous le nom de tahouas
ou de perroquets de l'Amazone , font
verds , avec le haut de la tête , le deiTous
& les extrémités des ailes d'un beau jaune.
Une autre efpece , appellée aufîi tahouas
à Cayenne , eil de la même couleur,
avec cette feule différence , que ce qui
eil jaune dans les autres , eil rouge dans
ceux-ci. Mais les plus rares de tous , font
ceux qui font entièrement jaunes , de
couleur de citron à l'extérieur, avec le
deifous des ailes , & deux ou trois plumes
de leur bout , d'un très - beau verd ;
ils deviennent extrêmement familiers. On
ne connoît point en Amérique l'efpece
grife qui a le bout des ailes couleur de
feu , & qui eil fi commune en Guinée.
Les Indiens des bords de l'Oyapoc ,
ont l'adrefle de procurer artificiellement
aux perroquets , des couleurs naturelles ,
différentes de celles qu'ils ont reçues de
la nature , en leur tirant des plumes en
difïerens endroits fur le cou & fur le dos ,
& en frottant l'endroit plumé du fang de
certaines grenouilles j c'eit-là ce qu'on
appelle à Cayenne tapirer un perroquet.
Voyei Perroquet tapiré.
On fait cotnmunément que les perroquets
vivent très -long-temps. Comme ii y eh
avoit un à Florence qui avoit acquis une
cipece de célébrité , M. de Réaumur pria
■ >. ■ M. l'abbé
P E R
îl. l'abbé Cevati de vouloir bien lui man-
der ce qui en éîoit ; &c voici ce qu'il en
apprit. Le plumage de cet oifeau étoit
blanc , avec une feule huppe couleur de
rofe fur la tête ; il avoit le bec & les pies
noirs , 6c parloit extrêmement bien . il
étoit de la groffeur & du poids d'un bon
poulet de trois mois. A l'égard de fon âge ,
il n'a pas été poffible de le favoir au jufte ;
il avoit été apporté à Florence en 1633 ,
par la grande ducheffe Julie- Viâioire de
la Rovere d'Urbain, torfqu'elle y vint
époufer le grand duc Ferdinand ; & cette
princefTe dit alors que ce perroquet étoit
l'ancien de fa maifon. Il vécut à Florence ,
pendant près de cent ans. Quand on ne
lui donneroit , fur ce que dit la grande
* ducheffe , qu'environ vingt ans de plus ,
il auroit donc' vécu près de cent vingt
années. Ce n'eft peut-être pas le plus long
terme de la vie de ces ' animaux ; mais
au moins eft-il fur par cet exemple qu'ils
peuvent aller jufques-là.
Seroit-il poflible défaire pondre & cou-
ver àQS perroquets dans nos climats, M. de
Réaumur raconte que dans ce iiecle un
chanoine d'Angers a eu chez lui une paire
de perroquets qui pendant trois années
confécutives ont pondu & couvé ; que des
accidens ont empêché deux des couvées
de réuflir ; mais que trois petits perro-
quets font nés de la troifieme couvée, &
qu'un de ceux-ci vivoit encore en 1740.
Cependant on ne cite que ce feul fait ;
& le phyficien qui le rapporte fe flattoic
que nous pouvions nous rendre propres
en Europe la plupart des efpeces àe perro-
quets. ( D.J.)
Quoi qu'il en foit , les voyageurs ont
rendu cet oifeau (\ commun en Europe,
qu'il paroît inutile d'en décrire la figure ,
que tout le monde connoît. On en dif-
tingue de trois fortes , qui différent beau-
co\ip en groffeur , & dont les efpeces
varient à l'infini. Les arras , par leur taille,
tiennent le premier rang dans ce genre de
volatile; on en voit dont le plumage eft
varié d'incarnat , de pourpre , de bleu clair
& foncé , de verd oc de jaune ; les plus
communs font d'un bleu célefte fur le dos,
ayant quelques plumes plus foncées aux
extrémités des ailes ôt de la queue, qui
Tome XXV,
P E R 417
! eft fort longue ; ils ont le deffous de l'ef-
tomac d'un beau jonquille , le bec fort &c
crochu, les pattes courtes, cagneufes &
garnies de griffes. Cet oifeau , très-com-
mun en Amérique , eft pefant, mal-adroit,
ftupide , articulant mal ce qu'on lui fait
dire : fon cri naturel eft fort défagréable.
L'efpece à^i perroquets varie confidéra-
blement ; les grandes Indes en produifent
de différentes fortes, dont les principales
font celles que l'on appelle Catucoua : leur
plumage eft blanc , & quelquefois cendré;
ils ont fur la tête une efpece de crête de
couleur orangée , couchée fur le derrière
du cou; cette crête fe dreffe & fe déploie
lorfque l'animal eft en colère.
Les loris font beaucoup plus petits, bien
faits , aftez hauts fur jambes , ayant la tête
petite , le cou proportionné, la taille lé-
gère, la queue longue, & le plumage di-
verfifié de couleur de feu , de pourpre , de
bleu & de jaune.
Les perroquets noirs font communs dans
l'île Maurice; ils reffemblent, au bec près ,
à des corbeaux.
La côte d'Afrique produit aufîi un grand
nombre de perroquets ; les plus connus ,
qui viennent communément de l'île du
Prince , font d'un beau gris , ayant la
queue couleur de feu. Ces oifeaux fifflenc
très-bien, & peuvent exécuter des airs
à leur portée : élevés de jeunlÏÏe , ils s'ap-
privoifent facilement ; ils ont beaucoup
de mémoire , prononcent à merveille ce
qu'on leur apprend , & leur attachement
eft extrême à l'égard de ceux qu'ils ont pris
en amitié.
Il eft prefque impoffible de décrire toutes
les efpeces àe perroquets que produit l'A-
mérique. Ceux que l'on appelle ama\ones ^
venant des bords de la rivière de ce nom ,
font forts de taille; leur plumage eft d'un
beau verd mêlé de quelques plumes rouges
& jaunes fur le gros des ailes , dont les
extrémités ont un peu de bleu ; ils ont en-
core une efpece de bandeau de petites plu-
mes jaiines au defî"us du bec fur le devant
de la tête : ces perroquets font grands rail-
leurs , contrefaifant le cri des animaux ,
& même le ton des pcrfonnes; ils parlent
^ très-bien,
Ggg
4iî P E R
On voit dans les Antilles , principale-
ment clans celles qui font peu habitées ,
des perroquets à^une erpece particulière à
chacune de ces îles. Ceux de Tabago font
fort gros ; leur plumage eft verd , avec un
peu de bleu aux ailes & fur la tête. Il s'en
trouve dans l*île de Saint- Vincent d'une
couleur ardoifée tirant fur le verdâtre ; ils
ont quelques plumes d'un rouge fang de
bœuf fur le gros des ailes : ces animaux
font mal faits, lourds, & femblent par-
ticiper de la ftupidité des fauvages du
Les habitans de la Martmique, de la
Guadeloupe & de la Grenade , ont telle-
ment fait la chafTe aux perroquets^ qu'on
n'en trouve prefque plus dans ces îles.
hes perroquets font leurs nids au fom-
met des plus hauts arbres , dans des trous
faits par k nature , ou qu'ils creufent avec
leur bec ; ces trous font très -profonds,
& prefque toujours dirigés de bas en haut :
quoique les perroquets paroillent pefans ,
ils volent cependant très-bien , fort haut
& en compagnie de quatre ou cinq , per-
chant fur les arbres , pour fe repofer , &
faifant un grand dégât de fruits , de graines
& de branches , lorfqu'ils prennent leur
nourriture , ou qu'ils s'amufent. La chair
de cet oifeau eft brune, grafîe, & d'un
goiit approchant de celle du pigeon; on
en fait de très -bonne foupe; elle réufïit
encore très-bien étant mife en daube ou
en pâté.
♦ Les perriques font des perroquets de la
petite forte, qui ne groffiffent jamais; on
peut les diftinguer en grande 6c en petite
efpece ; elles font toujours fort inférieures
pour la taille aux perroquets ordinaires ;
ïiur forme eft plus dégagée; elles ont auffi
la voix moins forte , & le caquet plus
affilé. On voit de grandes perriques dont
le plumage eft d'un beau verd d'émeraude ,
ayant de petites plumes couleur de feu
fur le gros des ailes , &: un bourrelet de
pareilles plumes fur le devant de la tête ;
leur bec eft ordinairement d'un blanc cou-
leur de chair»
11 vient de la côte de Guinée des perri-
ques extrêmement jolies, moins fortes que
les précédentes : elles ont la queue fort
longue j leur plumage , d'un verd de poirée
P E R
eft égal par tom le corps , a rexception
d'un collier de plumes noires qu'elles ont
autour du cou; leur tête eft ronde, bien
faite , ornée de deux yeux fort vifs, & d'un
bec de couleur noire. La même côte produit
une autre forte de perriques plus petites ,
d'un verd plus foncé , ayant des plumes
rouges , jaunes & noires. Enfin il s''erv
trouve qui ne font guère plus greffes que
des moineaux, dont le plumage eft verd
d'émeraude , mêlé de quelques petites
plumes rouges furia tête &. aux ailes. Il
eft bon de faire attention que le mot per-
rique déftgne toujours la petite efpece des
perroquets , & que celui de perruche s'em-
ploie en parlant des femelles.
Perroquet tapïré, ( Hifloirc des
arts, J Nous nommons perroquets tapïrés^
ceux qui doivent à l'art une partie de leurs
belles plumes. Les Indiens de la Guiane
favent faire venir des plumes rouges ôc
des plumes jaunes aux perroquets qui n'en
avoient pas en aft^ez grand nombre. Ce
fait, que M. de la Condamine a rapporté
dans fon intéreftante relation de la rivière
des Amazones, eft attefté par tous ceux
qui ont habité à Cayenne. On nous dit
que les Indiens arrachent les plum.es des
perroquets dans les endroits où ils favent
qu'en la place des vertes , ils peuvent en
faire venir de rouges ou de jaunes, &C
qu'ils frottent les chairs qu'ils ont mifes
à découvert avec clu fang de grenouille. Si
un plus long féjour , ou moins d'occupa-
tion , euflent permis à M. de la Conda-
mine de faire tapirer devant lui des per-
roquets^ nous faurions mieux ce que nous
devons penfer de la recette de fang de
grenouille. Tout ce que font les Indiens,
fe réduit peut-être à faire paroître plutôt
des plumes que la mue eût fait paroître
plus tard ; le fang de grenouille ne tient
vraifemblablement heu que de baume aux
petites plaies qu'ils ont faites aux per-^
roquets.
Les Indiens connoiftent , dit -on , les
perroquets propres à être tapirés ; n'eft-ce
point qu'ils ont une connoiffance femblable.
par rapport aux perroquets , à celle que
nous aurions par rapport à nos poules ,
dont la couleur du plumage change après
, , chaque mue ? On ^^cheie cependant moins
^•
P E R
ies perroquets tapirés , quand on fait qu*lls
l'ont été; aufli les Indiens fe gardent-ils
bien de les annoncer pour tels. N'eft-ce
point encore parce que le changement au-
quel l'art a eu quelque part , eft l'effet
d'une opération équivalente à la mue, Se que
Texpérience a appris que les plumes rouges
ou jaunes qui tomboieht à la mue fuivante ,
n'étoient pas toujours remplacées pas des
plumes de même couleur? Ainfi les plumes
blanches de nos coqs &c poules ne font
d'ordinaire remplacées par des plumes de
même couleur qu'au bout de plufîeurs
années. ( jD. /. )
Perroquet, poifTon de mer auquel
Rondelet a donné le nom de perroquet ,
parce qu'il eft de différentes couleurs : il
a le dos noir; le ventre & les côtés du
corps font jaunes , &: la nageoire du dos
efl verte. Ce poiffon a plufîeurs traits
verds qui s'étendent depuis les ouïes juf-
qu'à la queue. Au refle, il reffemble au
lourd , dont il eft une efpece particulière.
VoycT^ TctURD. Rondelet, Hifioire natu-
relle des poijfons ^ I part, lip. l^I ^ch. vj.
Voyei Poisson.
Perroquet , ( Marine. ) C'eft le mât
le plus élevé du vaiffeau ; il y en a un ar-
boré fur le grand mât de hune ; un autre
fur le mât de hune d'avant , ou de mifai-
ne ; un fur le mât de beaupré , & l'autre
fur le mât d'artimon. Voyei Mat.
Perroquets volans ; ce font deux perro-
quets que l'on met & que Ton ôte plus fa-
cilement, & que l'on amené étant fur le
pont du vaiffeau.
Perroquet en bannière. Mettre les per-
roquets en bannière^ c'eft lâcher les écoutes
des voiles de perroquet , en forte qu'on les
laiffe voltiger au gré du vent; cela fe prati-
que lorfqu'on peut donner de jour quelques
fignaux dont on eft convenu, f^oyei^ BAN-
NIERE.
Perroquets d'hiver. Ce font des perro'
quets qui font plus petits que ceux que l'on
porre d'ordinaire dans les belles faifons.
§ PER.ROQUET, f. m. (terme de hla-
fon.J oifeau qui entre en quelques armoi-
ries : il paroît de profil & arrêté ; fon émail
eft le finople. Il eft le fymbole des voyages
aux Indes.
Defchamps de Vitot , de Boishebert ,
P E R 419
de Beurrevîîle , en Normandie ; </V^^/xr
à trois perroquets de finople , becquès &
membres de gueules.
Bournel de Monchy en Picardie ; d^ar-
gent à un écujjon de gueules , accornpagné
de huit perroquets de finople en orle^ bec
qués & membres du fécond émail.
Dormy de Vefvres , à Bourbon-Lancy ^
en Bourgogne ; d'argent au chevron de
gueules , accompagné en chef de d^ux per-
roquets de finople , affrontés & en pointe
d'un tourteau de fable. ÇG. D. L. T.J
PERRUCHE , f. f. COrnythol.J nom
qu'on donne à la plus petite efpece du
genre des perroquets à longue queue.
On diftingue différentes fortes de perru-
ches : i^. la perruche commune , qui eft
verte, rouge & jaunâtre; c'eft la première
efpece du genre àzs, pfîttacus qu'on ait vue
en Europe, & elle éroit bien connue des
anciens ; 2°. la. perruche qui eft toute verte
fans aucun mélange; ■^'^.Isl perruche rouge
& jaune ; 4°. la perruche rouge , jaune &
à crête ; 5^. la perruche rouge avec les
ailes colorées de noir & de jaune.
Outre ces efpeces de perruches^ Mar-
grave en a décrit fept autres efpeces par-
ticulières au Bréfil, où on les nomme tuia
putejuba , tuitirica , jeudaia , tuiSe , tui"
para , anaca & quijubatui. Il parle encore
de deux autres efpeces de perruches fort
curieufes , mais qui n'ont point de nom
particulier ; l'une eft de la groffeur d'une
hirondelle, toute jaune, à bec noir, &
à très - longue queue ; l'autre eft de la
grofleur d'un étourneau , d'un jaune foncé
fur le dos , d'un jaune pâle furie ventre , &
à queue plus courte. On voit àes perruches à
la Guadeloupe à plumes rouges fur la tête,
& à bec tout blanc : enfin c'eft un genre
d'oifeau extrêmement diverfîfié. Les per-
ruches s'apprivoifent aifément , devien-
nent familières , aiment la compagnie ,
& parlent prefque toujours ; il y en a ce-
pendant quelques-unes qui ne difent mot.
{D.J.) ♦
PERRUQUE , f. f. CArt méchanique. )
coéffure de tête , faite avec des cheveux
étrangers, qui imitent & remplacent les
cheveux naturels. L'ufage & l'art de faire
des perruques eft très- moderne ; ils n'ont
pas plus de 120 ans. Avant ce temps, l'on
420 P E R
Te çouvroit la tête avec de grandes calo-
tes, comme les portent encore aujourd'hui
les comédiens qui jouent les rôles à man-
teau ôc ceux qui font les pay fans. On y
coufoit des cheveux doubles, tout droits ,
car on ne favoit pas treffer , & Ton frifoit
ces cheveux au fer , comme on les frife
aujourd'hui fur la tête.
Le premier qui porta perruque fut un
abbé nommé la Rivière, On travailloit alors
fur un couffin , femblable à celui des ou-
vrières en dentelle. Cet ouvrage étoit beau-
coup plus facile, parce que ce que l'on
place aujourd'hui au bas d'un petit bon-
net, étoit alors au deffus de la tête. Les
perruques étoient fi garnies & fi longues ,
qu'elles pefoient affez communément juf-
qu'à deux livres.Les belles étoient blondes;
c'étoit U couleur la plus recherchée. Les
cheveux d'un beau blond cendré , forts ,
& de la longueur de ceux qu'on place au
bas des/7err«^tte5, valoient jufqu'à 50 ou 60,
& même 80 livres l'once , hi^\QS perruques
fe vendoient jufqu'à mille écus. Celui qui
coëfïbit Louis XIV de ces énoxmQS perru-
ques que nous lui voyons dans (ts portraits ,
s'appelloit Binette. Il difoît qu'il dépouille-
rolt les têtes de tous fes fiîjets pour couvrir
celle du fouverain. En même temps un
nommé Eryais inventa la crêpe qui joint
mieux , qui s'arrange plus aifément , &
qui fait paroître les perruques bien garnies,
quoiqu'elles foient légères & peu chargées
de cheveux. Nous expliquerons ailleurs
comment on ciêpe des cheveux plats.
Voici maintenant ce qu'il y aàobferver fur
le choix des cheveux.
1°. Il ne faut point que ce foient des
cheveux d'enfant; il eft rare qu'ils foient
forts au deffous de 15 ou de 20 ans : les
blonds fur-tout les ont d'une qualité plus
fine & plusfilaffeufe, & plus fujets à rouffir
quand on les emploie ; auffi ne s'enfert-on
guère.
1°. Les cheveux châtains font ordinai-
rement les meilleurs ; des enfans mêmes
les ont forts. Il y a trois fortes de châtain;
le châtain , le châtain clair , & le châtain
Brun.
3°. Les cheveux noirs fonnent auffi trois
nuances différentes ; il y a le noir , le petit
noir , & le noir jais, couleur que rcnj>eiit
P E R
porter fans poudre, mais très-difficile
trouver.
4°. Il y a des cheveux grifâtres d'une
infinité de tons dilférenS. Ceux que nous
appelions gris de maure ont été noirs jais ,
mais ils font devenus au quart blancs. Le
gris fale eft la couleur de cheveux des
perfonnes brunes ; ils pafi^ent de même au
quart blancs. Le blanc fond pune eft la
couleur des cheveux blonds qui ont blan-
chi. Il faut que ces cheveux loient à moitié
blancs pour qu'on s'en apperçoive , le blanc
reffortant moins du blond que du noir &C
duchâtam.
5". Dans la variété des cheveux blancs »
celle dont les perruquiers font le plus de
cas, eft le blanc agate. Ce font ordinaire-
ment les perfonnes les plus noires qui ont
les cheveux de cette couleur , lorfqu'ils ont
enriérement blanchi.
Le blanc perle eft la couleur des che-
veux des châtains, lorfqu'ils font devenus
tous blancs ; les cheveux blancs de lait ont
été blonds ou roux , ils ont pris cette nuance
avec le temps; fouvent l'extrémi-^ï en eft
jaune. Ceux qui ont été blonds ne font pas
d'une fi bonne qualité que ceux qui ont
été roux; ceux-ci font très-forts & beau-
coup meilleurs. Le corps en eft continu..
La pointe en refte toujours fine , hi boucle
natutellement. Ces cheveux n'ont point de
prix". *
Toutes ces couleurs forment une longue
fuite de nuances changeantes & percep-
tibles d'une année à une autre , à les
examiner de l'inftant où ils tirent à la
blancheur.
Il y a cette différence des perfonn'^s
blondes aux autres, que plus elles avancent
en âge , plusieurs cheveux bruniiïent, &
par conféquent valent moins; &. qu'aux
autres , au contraire , plus ils blanchilTent
en avançant en âge , plus leurs cheveux
augmentent en couleur & en force. li
faut pourtant obferver que cette augmenta-
tion ne fe fait communément que jufqu'à
l'âge de 60 ans , âge su - delà duquel les
cheveux ne prennent plus la même nour-
riture , &: devietment plus fecs & plus
filafteux.
On obferve en général que les chevei^^^
des perfonnes qui ne fe livrent à aucun
P E R
excès fe confervent long - temps , & que
ceux au contraire des hommes livrés à la
débauche des femmes , ou des femmes li-
vrées à l'ufage des hommes, ont moins de
fève , fechent , & perdent de leur qualité.
Dans les pays où la bière & le cidre font
la boiffon commune , les cheveux font
meilleurs que par-tout ailleurs. Les Fla-
mands ont les cheveux exce lens, la bière
les nourrit & les graifle. Ces peuples font
prefque tous ou blonds , ou d'un châtain
clair. On les diftingue facilement pour peu
que l'on ait d'expérience. Ils s'éclairciffent
au bouiiliffage , au lieu que les cheveux
blonds des autres pays y bruniflfent.
Les perruquiers préfèrent communément
les cheveux de femmes aux cheveux
d'hommes , quoique pourtant il s'en trouve
de ces derniers d'une bonne qualité.
Les cheveux des femmes de là campagne
fe confervent plus long-temps que les che-
veux des femines qui habitent les villes.
Les payfannes les ont toujours renfermés
fous leur bonnet , ne les poudrent jamais ,
6fles expofent rarement à l'air qui les def-
fécheroit. Si les hommes en ufoient de la
même manière , on emploieroit avec le
même avantage leur chevelure. 11 faut en
excepter ceux d'entre eux qui font adonnés
au vin ou aux femmes. Ceux des femmes
qui fe frifent 6>c fe poudrent habituelle-
ment , font mauvais.
Cqs obfervations ne font point fi géné-
rales qu'il n'y ait des exceptions. 11 y a de
bons cheveux chez l'un & l'autre fexe ,
quoique plus rarement parmi les hommes.
Après avoir parlé de la matière , nous
a'ions paiTer aux outils.
Il faut d'abord des cardes. Il y en a de
plufieurs forres : i*^. des cardes ou peignes
de fer à plufieurs rangs de dents. Elles ont
ordinairement un pié de long. Certaines en
ont moins , maii les plus courtes font d'un
demi-pié. On les fait avec du fil de fer tiré
exprès; il efl plus ou moins gros , mais com-
munément du diamètre des aiguilles à tri-
coter, depuis les plus grofTes jufqu'aux plus
fines. Aux plus groffes que l'on appelle /«;-
ran^ les dents font d'acier. La hauteur en eft
de deux pouces & demi ou environ, la lon-
f;ueur de huit à neuf pouces ou environ,
P E R 421
& la largeur de huit à neuf rangs de dents
fur dix-huit à vingt de longueur ; d'où l'on
voit combien il en peut entrer dans un
feran. Souvent le feran eft tout de fer. La
plaque ou le dedans eft rivé. Le fer déborde
à-peu-près d'un pouce de chaque côté. Il
y a au milieu un trou à placer une vis ou
un clou. Il faut , pour la fureté de l'ouvrier ,
que la table fur laquelle il pofe fa carde ou
fon feran , ait un rebord tout autour d'un
demi-doigt de haut.
2°. 11 y a des cardes à tirer à plat ,
c'eft-à-dire , à peigner les cheveux droits ,
ou tels qu'ils ont été levés de deffus la tête.
Les dents de ces cardes font attachées à
une planche qui peut avoir dix ou douze
pouces , & qui eft toute couverte de fer-
blanc. Elles n'y font point fi ferrées qu'aux
autres cardes. Dans chaque rangée , il
n'y en a guère qu'une trentaine en long
fur fix en large. La hauteur de ces dents
eft communément d'un bon pouce &c
demi. Il faut quatre de ces cardes pour
les placer deux à deux les unes fur les
autres.
3°. On a des cardes à dégager. Elles font
de la même longueur que les cardes à tirer
à plat. La différence qu'il y a de celles-ci
aux autres , c'eft qu'elles font partagées
en deux par le milieu de l'efpace d'un ou
de deux doigts , & ont à un bout les dénis
• aufli longues, auflfi groffes &: aufli écar-
tées que les précédentes; mais d'un côté
ces dents n'ont que neuf lignes de haut ,
font plus fines & plus ferrées que de l'au-
tre ; ce qui les fait à-peu-près reffembler à
un peigne à accommoder , où les dents font
d'un côté plus éloignées , & de l'autre plus
rapprochées.
4°. Il y a des cardes fines pour tirer les
cheveux frifés. Elles font à peu-près comme
le côté fin des cardes à deux fins. Elles ne
s'attachent que par un bout , parce que l'on
s'en iert en long & en large , félon la lon-
gueur du paquet.
5^. Des cardes faites au cifeau & à
l'équerre : un des côtés en eft plus large,
plus haut, & moins ferré ; l'autre a les
dents plus fines & plus ferrées. Elles fervent
à tirer & à dégager par le moyen de l'é-
querre ; l'ouvrier en place devant lui une
en long , ai une autre en large.
421 P E R
6". Des cardes femblables aux cardes à
matelas , avec des manches & des dent
crocllues. Elles ne fervent qu'à tirer des
cheveux frifés.
Les perruquiers OTit des moules ou bil-
boquets qu'ils emploient à frifer les che-
veux. Ces moules font de buis ou de quel-
que autre bois, de la longueur de trois
pouces. Il y en a de différentes grofleurs.
Les plus petits n'ont que le diamètre des
tuyaux de pipe; les féconds, celui des
plumes à écrire ; les troifiemes , celui à-
peu-près du petit doigt; les quatrièmes ,
celui du petit doigt; les cinquièmes, celui
du doigt annulaire; les fixiemes, celui du
doigt du milieu; les feptiemes font un peu
plus gros ; les huitièmes ont la grofTeur
du pouce; les neuvièmes font au deffus
de la groflfeur du pouce. Les moules de
buis font les meilleurs Les autres bois
«'imbibent de plus d'eau , & font plus
difficiles à féclier. Autrefois on fe fervoit
de moules de terre. Nous en avons quitté
Tufage , parce qu'en les mettant fur l'é-
fuve , la terre s'échaufFoit trop & rendoit
les cheveux trop cuits. On en faifoit aufîi
avec des cordes ou des ficelles pliées en
plufieurs doubles , de la longueur de trois
pouces , & des différentes groffeurs dont
nous avons parlé. On les couvroit d'une
toile que l'on coufoit, & que l'on ferroit
bien.
Il y a encore des moules brifcs pour la
frifure que l'on appelle frîfure fur rien. Ces
moules brifés font faits à-peu-près comme
les étuis à mettre des épingles ou des
aiguilles.
Il faut un étau. Cet outil n'a rien de
particulier; il ed feulement fort petit. De-
puis que l'on fait de\ perruques courtes ,les
étaux ne font plus placés comme ils l'é-
toient. On les renverfe en dedans ; par ce
moyen on frifé plus aifément , & auffi
court que l'on veut.
Il faut des têtes à monter les perruques.
Elles font diftinguées les unes des autres
par un numéro. Les plus petites font de
trois , de trois & demi. Elles fervent pour
les perruques des petits enfans. On peut
aufïl s'en fervir pour les hommes qui ont
la tête fort petite. Vicn"ent enfuite celles
du quatrième , du cinquième & du iîxieme ,
P E R
numéro. Ces dernières font d'un ufage plus
fréquent , parce que c'eft la groflfeur des
têtes ordmaires. Il y en a qui vont jufqu'au
feptieme & huitième numéro , mais elles
ne fervent que dans des cas extraordinaires.
Une tête à monter a la forme d'une tête
réelle.
Depuis que l'on porte des perruques à
bourfe , & que l'on fait des montures à
oreilles , on a inventé des têtes à tempes,
afin que les perruques ferraffent mieux fur
le front , fur les tempes & fur l'oreille : le
bord du front en efl très-mince. Depuis le
defTus de l'oreiile jufqu'au fommet, le bois
groffit imperceptiblement toujours en mon-
tant ; d'où il arrive que le devant du rebord
étant plus ferré , prend mieux , ferre da-
vantage, & remplit même les tempes les
plus creufes.
Hy a encore des têtes creufes. Elles
font moins lourdes , & fatiguent moins la
frifure qui fe fait fur les genoux ; mais elles
donnent plus de peine- à celui qui monte.
Comme elles font extrêmement légères ,
pour peu que le point arrête , il faut rete-
nir la tête en pouflTant l'aiguille.
Enfin il y a destêtes brifées qui s'ouvrent
en deux depuis le menton jufqu'au derrière
de la tête. Elles fervent à monter de petites
& de gro{(es perruques. Pour ces dernières ,
on met dans l'entre-deux des planches
faites pour cet ufage , plus ou moins épaif-
fes, fuivant l'ampleur que l'on veut donner
à l'ouvrage.
Il faut un métieV. Il eft compofé d'une
barre de bois qui peut avoir deux pies ou
deux pies & demi de long fur quatre pou-
ces de large & deux de haut , très-plate en
defToiUs, & d'un bois un peu lourd , pour
qu'elle foit plus à plomb fur les genoux. Elle
doit être percée aux deux bouts : on met
dans ces deux trous un bâton rond de la lon-
gueur de 1 5 à 1 6 pouces fur 4 ou 4 pouces
& demi de diametre.Les deux trous doivent
avoir à-peu-près un pouce d'ouverture , &
la grofTeur des bâtons doit être proportion-
née par le bas à cette ouverture , pour
qu'ils puifTent y entrer. Nous dirons ailleurs
à quoi fervent ces métiers. On peut prati-
quer des trous fur les tables , ^ y placer les
bâtons ; cela efl plus folide.
Le perruquier a hefbin d'ime marmite
P E R
eu chaudière. Ce vaiffeau doit être fait
en poire , plus large par le bas que par le
haut. Cette forme empêche les cheveux de
remonter lorfqu'ils font fur les moules. Sa
grandeur ordinaire eft d'un feau & demi,
& il peut contenir deux livres ou deux
livres & demie de cheveux frifés fur des
moules qui ne foient ni trop gros ni trop
petits.
Il lui faut auffi une étuve. Il y en a de
rondes Se de quarrées. Ceux qui ont du
terrain peuvent les faire en maçonnerie,
comme les fourneaux. Celles que Ton com-
mande aux menuifiers , font quarrées & de
bois de chêne. C'eft une efpece de coffre
de trois pies & demi à quatre pies de haut,
fur deux à deux pies & demi. On place
ordinairement en dedans une croix de fer.
Si l'étuve a quatre pies , il faut que la croix
foit pofée à la hauteur de trois pies ou en-
viron, &: couverte d'une grille de gros fil
de fer , dont les trous foient un peu écartés.
Sous la grille, l'on met une poêle propor-
tionnée à la grandeur de l'étuve , pleine de
charbons bien couverts , & difpofés de
nianiere qu'en fe confumant ils ne forment
point de cavité.
Les étuves rondes fe trouvent chez les
boiiïeliers. Elles font du même bois que les
féaux. Au défaut des unes & des autres ,
on peut fe fervir d'un tonneau bien fec.
Les cheveux s'étagent à différens degrés,
depuis I jufqu'à 24 tout au plus. Pour les
mefurer, on fe fert d'une règle d'environ
2 pies , divifée par pouces & par lignes. Le
premier degré peut avoir deux pouces &
demi. Depuis le premier degré jufqu'au
feptieme degré , on peut augmenter chaque
étage d'un demi-pouce; depuis le feptieme
degré jufqu'au douzième, de 8 lignes ; de-
puis le douzième degré jufqu'au feizieme ,
depuis 8 jufqu'à 1 1 lignes ; du feizieme
au dix-huitieme, les *étages ont 12 lignes
de plus ; depuis le dix-huitieme jufqu'au
vingtième, 14 lignes ; depuis le vingtième
jufqu'au vingt-quatrième , 18 lignes : enfin,
pour le vingt-quatrjeme étage , il faut que
les cheveux aient 3 quarts d'aune de^ long ,
ÔCc^éftla dernière longueur qu'on puiffe
donner aux perruques. Voilà tous les outils.
Voyons à préfent la manière d'employer
tes cheveux.
P E R 423
Si l'on fe propofe un ouvrage en cheveux
grifaille, il faut avoir foin de féparer les
veines de gris l'aie qui pourroient fe trouver
dans les coupes dont on veut faire la tire ;
car il eft affez ordinaire que dans une
coupe il y ait trois ou quatre nuances dif-
férentes. On les examinera par la pointe ,
& l'on ôtera ceux qui font jaunes , ou d'une
autre couleur.
On fait cette opération fur toutes les
coupes, depuis la plus longue jufqu'à la
plus courte ; on prend une mèche de cha-
cune; l'on en forme un paquet à-peu-près
de la groflfeur d'un pouce ; & lorfque les
paquets font faits, on les noue avec du fil
de penne (ce fil eft ce qui refte attaché
aux enfubles , lorfqu'une pièce de toile eft
finie ) ; on les étête , c'eft-à-dire , que l'on
ôte la bourre qui fe trouve à la tête des
cheveux : pour cet effet , l'ouvrier tient le
paquet du côté de la pointe par le milieu,
& il en laiffe hors de fa main environ la
longueur de trois doigs;il les peigne aveC^
un peigne fort, & dont les dents foient
un peu larges , jufqu'à ce que la bourre ou
le duvet foit entièrement tombé ; ce qui
arrive lorfque le peigne paffe aifément à
travers. II a foin d'égalifer les cheveux le
plus qu'il lui eft poffible.
Pendant ce travail , il doit avoir le feran
attaché bien ferme fur la table.
Lorfque les paquets font étêtés , il faut
dégraifferles cheveux. Cela fe fait ordi-
nairement avec du gruau. On en met un
ou deux litrons fur un tablier de cuir que
l'on a fur les genoux ; on dénoue le pa-
quet; on le tient à-peu-près par le milieu ;
on l'étalé du côté de la tête , & l'on répand
une poignée de gruau entre les cheveux,
que l'on frotte entre les mains, comme
unëblanehiffeufe frotte du linge fin. Après
qu'on a opéré fur la tête des cheveux ,
on le retourne , & on en fait autant du coté
de la pointe. Après quoi on fépare le gruau
le plus qu'il eft poffible , en mêlant les
cheveux , & en les paftant plufieurs fois dans
le feran. Pour les bien mêler, on tient le
paquet par le milieu. Comme dans les
paquets il fe trouve des cheveux courts
èc des cheveux longs , on prend de la tête
le moins qu'on peut , afin que les cheveux
courts qui fe trouvent parmi les long«, ne
424 P E R
puiffent pas fortir du paquer. On jette la
tête dés cheveux dans le feran ; on ferre
le refte du paquet librement de la main
gauche, & avec le premier doigt de la
main droite on les tourne en dedans , &
on les peigne avec le feran ; ce qui fert
beaucoup à faire fortir le gruau. Après ce
travail , on renoue les paquets que l'on
ferre bien , & le dégraiflfage eft fini.
Cela fait, il faut tirer les paquets par la
tête les uns après les autres. Pour cet effet ,
on a deux petites cardes à côté du feran.
On étend les paquets en long fur une de
ces cardes , & l'on met la pareille fur les
paquets ; ou , au défaut d'une féconde
carde , on fe fert d'une vergette fur la-
quelle on pofe un poids fuffifant , pour
qu'en tirant les cheveux ils viennent dou-
cement ; il faut obferver de les tirer bien
droits , & de mêler les courts & les longs
le mieux que l'on peut..
Quand tous les paquets du tirage feront
tous bien tirés, il faut avoir deux cardes
à tirer à plat. On prend une de ces
cardes, l'on y place un gros fil double ,
plié en doubles écartés de deux doigts ,
le long des rangées des dents de la carde,
en obfervant que ce fil paffe plus du côté
de l'anneau que de l'autre côté. On prend
enfuite les paquets féparément les uns des
autres , &C on les jette dans les cardes
avec la plus grande égalité poffible. Pour
faciliter cette manoeuvre , on met une
carte à chaque bout , f\ les paquets doi-
vent remplir toute la carde, ik un rang
de cartes fur le derrière de la carde à
l'endroit oij l'on voit que les cheveux les
plus courts peuvent fortir. On peut charger
de paquets la carde jufqu'à un pouce au-
deffus des dents. En les plaçant , il faut
avoir l'attention de les bien ferrer , de
les tenir preffés par une vergette ou des
cardes. Les paquets longs & les paquets
courts doivent toujours être entremêlés ,
de façon qu'en les tirant il en vienne des
uns &c des autres. Quand la carde eft bien
remplie , l'on prend les bouts de fil qui
fortent de la carde ; on les paffe fur les
cheveux 6>c dans l'anneau; après quoi on
ferre le plus que l'on peut, & l'on arrête
les fils en dehors de la carde à une pointe
eu à une dent. On pofç enfuite fautr*
P E R
carde fur les cheveux , de façon que fe«
dents répondent aux dents de la carde de
delfous , & ne débordent d'aucun côté.
On la ferre bien pour que les cheveux ne
ghffent pas plus que l'on ne voudroif, &C
à mefure qu'on les tire, il faut ferrer de
temps en temps la carde de defTus.
Pour faire le tirage avec plus de facilité,'
il faut pafi^er une ficelle dans les deux trous
des deux cardes, & l'arrêter à un clou placé
à une certaine diftance derrière les cardes,
afin que les cheveux qui fe trouvent dedans
ne débordent pas plus de trois doigts en
dehors de la table.
Le premier paquet que l'on tire ne fe
tire point aufïl gros que les autres : ordi-
nairement il eft épointé par la tête ; &
pour que le tirage foit bien fait , il faut
que le paquet foit aufti quarré par la tête
quG par la pointe. Ceux qui tirent bien ,
tirent les paquets avec leurs doigts ; mais
l'on fe fert communément d'un couteau
ou de cifeaux. Le deuxième paquet doit
être plus gros, & autant qu'il le faut pour
remplir quatre , cinq ou fix moules. A
mefure que les plus longs cheveux fortent,
les paquets ne doivent plus être fi gros. Si
l'on veut relever les paquets tout de fuite ,
il faut que l'ouvrier ait fon feran à côté de
lui.
Relever les paquets , c'eft lorfqu'on les
tire par la pointe , les renouer tout de fuite
par la tête, & ferrer le fil le plus que l'on
peut , pour que les cheveux ne s'échappent
point en les frifant.
Les paquets des cheveux les plus courts,
ne doivent pas être plus gros que le tuyau
d'une petite plume. Parvenu à la fin du
tirage , on retrouve tous les étages , depuis
le plus long jufqu'au plus court.
Tout étant tiré & relevé , félon la quan-
tité de cheveux que l'on a , on a par rangs
plufieurs fuites que l'on enfile chacune
félon fon étage , pour les retrouver plus
facilement en les frifant.
Venons à préfent à la frifure, que l'on
doit faire avec attention , car c'eft delà
que dépend la durée de l'ouvrage.
Après avoir attaché bien foiidement
l'étau devant la table , il faut avoir un
morceau de cuir de la longueur & de la
largeur du pouce ; on l'attache à l'étau avec
lUîC
PEa
une petite ficelle un peu longue , pour en
jouir avec plus d'aifance. Avant de mettre
le paquet dans ce morceau de cuir , il faut
le frotter un peu par la tête ; cela empêche
un frifon de glifTer : on tourne le cuir
tout autour. Il faut toujours commencer
à frifer les courts ; cette précaution règle
pour la hauteur & la grolîèur de la frifure.
Les plus courts , qui font l'i & le 2, , fe font
en rouleaux.
Voici la manière dont on les fait. On
coupe des bandes de papier du bon bout qui
ert le large ; & ces bandes on les coupe
en petits morceaux quarrés. Si ce font des
cheveux blonds ou gris , on prend de l'eau
chaude dans un vafe où les cheveux puif-
fent tremper à leur aife ; on a de l'indigo ,
qui doit être de Guatiraala , parce que
c'eft le meilleur , & qu'il ne rougit pas ;
tout autre gâte les cheveux. On en met
de la grolTeur d'une petite noix dans un
linge plus gros que fin , que l'on ferre avec
du fil ; on l'écrafe un peu ; on le trempe
dans l'eau chaude ; & on le preiTe à mefùre
avec le doigt, afin que. la couleur forte
plus aifément. Si les cheveux font blancs ,
il faut que l'eau en foit bien teinte. Quand
les cheveux auront bien trempé , & que
l'on en aura bien exprimé l'eau , ils doivent
refier un peu bleus ; pour les cheveux
blonds , il faut faire la même chofe. Moins
les cheveux font blancs ou blonds , moins
il faut que l'eau foit chargée ; pour des
cheveux noirs ou châtains , de l'eau fimple
fuffit. Il ne faut point frotter la tête du
paquet , mais fimplement la mettre dans
le morceau de cuir , la ferrer dans l'étau ,
avoir un peigne un peu ferré , le paffer
une ou deux fois dans le paquet , & choifir
le moule qui convient ; on le tient de la
main droite , & de la main gauche on prend
une des petites papillotes quarrées que l'on
met fous le paquet ; avec les deux pouces
on maintient la papillote , en tenant le
moule ferme par les deux bouts dans les
deux mains , jufqu'à ce qu'on ne voie plus
la pointe du moule & de la papillote ;
pour lors il faut tourner en avant le paquet ,
pour que la frifure fe trouve plus étendue
fur le moule. Ayant ainfi tourné toujours
ferme jufqu'au fil , on deflTerre l'étau ; l'on
prend une bande de papier que l'on tient
TomeXXK
bien ferme ; & après avoir tiré tout-à-fait
le paquet de l'étau , on roule le papier fur le
paquet , jufqu'à ce qu'il (bit entièrement en-
veloppé fous le papieril'on déchire le papier
qui refle , & l'on ferre bien fort le paquet
avec du fil ou une ficelle. Si l'on ne veut
point fe (èrvir de deux papillotes , il fuffit
de prendre une bande de papier dans
laquelle on roule le paquet jufqu'à ce qu'il
foit entièrement enveloppé ; mais il peut
arriver que la frifure en vienne un peu
plus grofie. Ayant opéré de cette manière
fur tous les paquets qui fe trouvent jufqu'au
2. ou 3 , il faut avoir une corde un peu
plus groife que la ficelle avec laquelle on
frife, que l'on paffe dans le pié & fur
l'étau , de façon qu'elle foit aflez longue
pour qu'elle ne gêne point ; cette ficelle
doit être de la grofleur de celle qu'on ap-
pelle ficelle de trois ; elle doit être coupée
par bouts de la longueur de 20 pouces,
ou une demi-aune tout au plus.
Après avoir ferré le paquet dans l'étau ,
comme nous avons dit , il faut , avec le
peigne , le partager en deux , en relever
la moitié deflbus la ficelle qui eu à l'étau
ou à votre pié , & le rouler , comme
nous avons dit , jufqu'au fil qui noue le
paquet ; alors on prend la ficelle que l'oa
fait paffer fous les paquets. Elle doit être
égale par les deux bours que l'on a dans
la main droite au deflous du moule , &
on tient le moule bien ferme par un bout .
de la main gauche ; puis on fait un tour
de la main droite avec la ficelle double.
On paffe un des bouts dans la main gau-
che , & avec l'autre bout, on fait deux
ou trois tours de la main droite , après
quoi on fait deux nœuds bien ferrés. On
reprend enfuite l'autre moitié du paquet,
& l'on exécute la même chofe. On renoue
les deux moules enfemble avec le bout de
la ficelle qui paffe. A mefure que le paquet
augmente en grofTeur , l'on augitiente la
grofleur du moule & la quantité de che-»
veux fur chaque paquet. Si l'on en met
trois , on les partage en tiers ; fi l'on en
met quatre , on les partage en quart; ainfi
de fuite en augmentant. A mefure que les
paquets deviennent longs , il faut en aug-
menter la hauteur proporrionnément à U
hauteur de k frifure , de façon que I01
41^ PER
cheveux les plus longs né doivent avoir
que quatre ou cinq pouces de trifure.
Si l'on veut donner du crêpe aux che-
veux , quand on a frifé un paquet , s'il
efl de deux moules , après avoir bien
frotté le paquet , on l'ôte de l'étau pour
repouflèr le fil qui le noue le plus haut que
l'on peut \ pour lors il faut prendre un
moule àe chaque main , tourner l'un à
droite & l'autre à gauche ; après les avoir
tournés jufqu'à ce qu'ils faflent une efpecc
de corde , les paflêr l'un fur l'autre jufqu'à
ce qu'ils forment une corde qui tafle à-peu-
près l'effet du crin que l'on carde pour les
matelas. Si le caquet efl à trois moules ,
quand on en a tourné deux , comme nous
l'avons dit , tourner le troifieme à droite
& le paffer pardeffus. Si les deux paquets
fuivans font auffi en 3 moules y tourner
les deux premiers , comme nous avons dit ^
- tourn-er enfuite le troifieme à gauche y le
paiTer pardefïùs , & faire la même chofc
aux autres paquets , tant qu'il y aura trois
moules y pour que le crêpe n'emporte pas
plus d'un côté que de l'autre. Quand il
y aura quatre moules au paquet , en pren-
dre deux , les tourner l'un à droite &
l'autre à gauche y & les attacher bien
ferme tous deux Tun contre Tautre avec
le bout de ficelle qui pafîe ; & après en
avoir fait autant aux deux autres moules ,
les attacher toirs quatre enfemble ; fi l'on
veut que le crêpe foit plus forr , les re-
natter tous quatre enfemble. Autrefois on
portoit le devant des perruques très-haut ,
comme on le voit aux portraits de Louis
XIV, cela s'appelloit devant à la Fontange^
parce que le marquis de Fomange en avoit
amené le goôf , & voici comme on tra-
vaillûit. Quand les paquets étoienr frifés
à-peu-près depuis le 5 & le 6 , dont on
faifoit les de van s dans ce t^mps-Jà y on
dénouoit les paquets , on féparoit clwquc
moule , on prenoit une grande ficelle de la
grofîèur de celle avec laquelle on frifbit , on
préfentoit le meule par le bout de lia ficelle ,
on partageoit les mèches en trois y Ton
nattoit comme les Allemands nattent leurs
cheveux , & après on repoufToit la natte
jufqu'auprès du moule, & ainfi des autres ;
îorfqu'on dégageoit les cheveux , comme
nous l'expliquerons plus bas , il arrivoit
PEU
delà que les cheveux trèfles & coûfiis (ùr
la tête , fè tenoient tout droits , comme
on les vouloit.
Il y aune frifufe que l'on appelle /r//wre
fur rien : voici comme elle fe pratique.
On a un moule brifé ; ce moule efl fait
à-peu-près comme les autres , excepté qu'il
s'ouvre en deux , un des cotés entre dans
l'autre, comme un, étui; on fait les pa-
pillotes plus longues que quarrées ; on les
coupe par les deux bouts , comme une
carte à placer dans un chandelier ; 0*1
partage les cheveux ^ comme nous avons
dit ; on les roule de même ; l'on rcnverfè
la découpure des papillotes de chaque bout
tout autour des cheveux ; l'on attache
une ficelle pardeffus ; ce qui empêche que
les cheveux n'échappent; l'on retire en-
fuite le moule par les deux bouts qui s'ou*
vrent , & la frifure efl fur rien. 11 faut,
avoir égard à la hauteur & à la groffeur ,.
comme nous l'avons prefcrif ; pour cet etiet
on a des moules de toutes les groffeurs.
Il y a une autre façon de frifer fur rien>
que l'on appelle à V angle. On a des bâtons
de toutes les grofîêurs , à-peu-près comme
les moules , hors qu'ils doivent être une
fois plus longs. On met les paquets dans
l'étau; on a de la petite ficelle", fans être:
coupée comme on la coupe pour les autres ;
on tient la ficelle tout le long du moule ;
on la m/Ouille dans la bouche , parce qu'elle
s'étend mieux fur les bâtons : il ne faut
point de papillotes comme aux autres fri-
lures : on roule la frifure à la hauteur
convenable ; on paffe le bout de la ficelle-
deux fois pour faire un double nœud qus
l'on- ferre avec les dents, ~& en même
temps ^o^^ retire le bâton de l'autre main.
Si l'on frife des cheveux pour une per^
ruque d'eccléfiaflique , il faut obferver de
faire k frifure uès-bafî'e. Si l'on en frife
pour des boucles ou des boudin», il faut
au contraire frifer très-haut , avoir Je
moule plus long ; & au lieu de commencer
à placer les cheveux dans le milieu du
moule , comme nous avons dit ci-defïus ^
l'on prend un des bouts du moule , & on
tourne toujours jufqu'à ce que l'on, foit
remonté à Tautre bout.
Quand toas les paquets de cheveux font
frifés , on a une longue ficelle de la grolTcur
P E R.
de celle avec laquelle on frlfe ; on enfile
fous les paquets par rangs ; & pour trouver
les étages plus facilernent , on pratiqutf
deux nœuds coulans , dans leiquels on palTe
la tctQ des paquets que l'on approche le
plus que l'on peut.
Après avoir obfervé exadement tour ce
que nous venons de dire , il faut prendre
la chaudière dont nous avons parlé , & la
remplir aux environs de trois quarts d'eau
de rivière. Si c'eft de l'eau de puits , il
ne faut pas qu'elle foit ni crue , ni trop
acre. On élevé la chaudière fur un trépié ,
afin qu'elle ait de l'air pardeflbus. Il faut
que l'eau bouille trois heures à gros bouil-
lons ians difcontinuer. Si -l'on y met des
cheveux bruns , ou gris-blancs , ou blonds ,
il fulfif que l'eau ait bouilli deux heures
& demie : à meliare que l'eau diminue ,
il faut avoir devant le feu un coquemard
d'eau chaude pour remplir la chaudière ;
car il efl néccfTaire que l'eau fumage tou-
jours aux cheveux : à raefure que les che-
veux jettent leur crafle , il eft à propos
de les écumer.
Tout cela fait , il faut retirer les che-
veux , & les égoutter le plus vite que l'on
peut , afin qu'ils n'aient pas le temps de fè
refroidir ; & pour les avoir plutôt égouttés,
il faut les effuyer avec des linges.
On met enfuite les cheveux dans l'étuve.
On couvre 4e papier la grille ; on y pofe
les fuites de cheveux fur lefquels on étend
une couvertul^e , & l'on ferme bien l'étuve
où l'on a placé une poêle remplie de char-
bons bien allumés au feu , arrangés de
manière qu'en fe confumant ils ne s'écrou-
lenr point , & ne falfent point de cavités ,
& couverts de cendres rouges. Quand la
poêle eu bien préparée , il peut durer
depuis le foir jufqu'au lendemain matin ,
fans y toucher ni remuer les cheveux. Dès
le matin il faut avoir l'attention de remuer
la poële avec une pèle tout autour dou-
cement , pour que le feu ne foit point trop
vif; on retournera les fuites de cheveux
au moins toutes les heures jufqu'à ce que les
moules (oient fecs , & qu'ils commenceni
à être lâches dans la frifure. Si une poëlc
de feu ne fufïit pas , il faut en remettre
une féconde , & avoir foin que le feu ne
foit point trop vif: fi dans l'étuve, il
P E R 4i7
y a des cheveux blancs ou blonds : l'on
ne fauroit avoir trop cette attention , parce
que ces fortes de' cheveux lont fujets à
launir. Sans trop prefiér ni ralentir le feu ,
les cheveux doivent relier communément
dans l'étuve 36 ou 40 heures pour fe
fécher. _^
Les cheveu^rlechés , il faut avoir ^ ou
6 feuilles de papier gris qui ne Ibit point
battu , dans lefquelles on les enveloppe , de
manière que l'on ne voie ni les cheveux ,
ni les moules. On a une corde de la grof-
feur d'une corde à tendre , & (ufîifârament
longue pour la paffer plufieurs fois defTus
& deffous , afin que rien n'en puific fortir ;
le tout doit être bien fermé.
A Paris, ce Ibntles boulangers de painl
d'épice qui font la pâte du pâté & qui
le font cuire. Les perruquiers qui iont dans
des pays où ils n'ont point cette commo-
dité , la préparenf eux-mêmes avec le
gruau qui fèrt à dégraiffer les cheveux. Il
faut que le pâté ne foit ni trop mince , ni
trop épais. Le temps de la cuiflbn peut
être d'environ trois heures, à -peu-
près le temps qu'il faut pour cuire un pain
de 10 à 12. livres. Le pâté cuit, il faut
le couper tout chaud , & remettre les
fuites de cheveux dans l'étuve à une cha-
leur très-légère , & les laifTer ainfi bien
refroidir.
Pour faire bouillir les cheveux de la pre-
mière frifure fur rien qui s'exécute fur des
moules brifés , voici ce qu'il efl à propos
d'obfèrver. Il faut prendre un panier qui
puiflè entrer dans la chaudière , & y ranger
les fuites de façon qu'elles y foient un peu
ferrées pour qu'elles ne varient point , &
avoir foin que le panier foit au fil bien fermé ;
c'efl la même chofe pour la frifure à l'angle
fur rien ; quand les fuites font dans le
panier , & le panier dans la chaudière , &
que l'eau commence à bouillir ( chofe qu'il
faut obferver pour tous), l'on prend un
litron de farine que l'on délaie bien dans
de l'eau chaude ; lorfqu'elle eft bien dé-
layée , on la jette dans la chaudière ; on
ia laiflè bouillir ; après quoi on fait fécher
les cheveux fur l'étuve comme les autres;
& pour s'afTurer qu'ils font fecs , il faut
voir fi la ficelle y tourne. Au lieu de les
mettre dans un pâté comme les autres,
Hhh2
4i8 P E R
on a une cucurbite que l'on met dans un
chaudron ou dans une marmite. On fait
bouillir au bain-marie pendant huit heures.
La cucurbite doit être bouchée avec de la
laine. Il en faut deux bouchons , afin que
lorfque le premier a pris l'humidité des
cheveux , -on puifTe remettre le fécond ,
tandis que le premier fc Teche , & ainfi
alternativement jufqu'à la fin des huit
heures. Voilà tout ce qui regarde le
bouiUiflage & le féchage des cheveux ;
opérations très-néceflâires à faire exaâe-
ment , fi l'on veut que l'ouvrage foit d'un
bon ufé.
Il faut que les cheveux foient bien froids
avant que de les décorder : décorder des
cheveux , c'efi: défaire la ficelle & ôter
les moules ; cela fe doit exécuter avec
attention , & ne pas négliger de bien re-
mettre toujours la friiure dans fon centre.
Après les avoir décoroics , il faut les déta-
dier paquet à paquet de la ficelle qui les
tient enfilés , & commencer par les plus
longs.
Avant que d'aller plus loin , nous allons
dire un mot de la manière dont on travaille
Je crin.
Il faut d'abord le mettre en paquet , &
le tirer par la tête & par la pointe , comme
les cheveux ; faire une eau de favon , le
iavonner à plufieurs reprifcs , comme l'on
favonne le linge fin ; avoir une eau d'in-
digo , le pafîèr à cette eau , & le frifer
comme les cheveux , excepté qu'il faut
employer des moules plus gros , & monter
la. frifure moins haut. Après l'avoir retiré
de l'eau d'indigo , on le foufre comme les
bas de foie & la blonde.
Il y a des perruquiers , dans certaines
provinces où l'on ne paie point les perru-
ques y qui y mettent beaucoup de poil de
chèvre. Ce poil fe bliinchit beaucoup &
donne une très-belle couleur, mais il ne
dure pas; il fe coupe en le peignant. On
le travaille de même que le crin.
Pour revenir au dégagement , après
avoir défait les paquets de la ficelle , en
commençant par les plus longs , il efi: à
propos d'avoir fon feran bien attaché de-
vant foi. Alors on prend d^ix ou trois
paquets dont on a débourré la tète fur
le feran i on les tieat bien ferme, & on
P E R
les ratiffe à plufieurs reprifes {ans peigner ;
on les égalile bien par la pointe , & on
les peigne enluite du côté de la tête , en
les tenant toujours bien ferme , afin qu'ils
ne fe dérangent point ; ce qui eft très-
efîentiel. Quand les paquets auront été
bien peignés , & qu'ils païïeront aifément
dans le ieran , on les mêlera avec le doigt,,
comme nous avons dit ci-devant ; on les
repeignera par la pointe ; & on recom-
mencera par la tête , en continuant toujours
de les mêler jufqu'à ce que la frifure foie
bien ouverte , & que le corps des cheveux
n'ait plus de mauvais plis : après quoi on
les attachera avec du fil bien ferme , &
on les mettra en boucles du bon coté ;
on commencera par les plus longs , & l'on
continuera jufqu'aux plus courts.
Voilà tout ce qui concerne le dégage-
ment du crin , des cheveux, du poil fec:
car , dans certaines provinces , il y a des
perruquiers qui fe fervent de laine de Bar-
barie , & la travaillent comme le poil.
Cette laine eft d'un très-mauvais ufé. SU
l'on s'en fert pour \ts perruques des fpec-
tacles , c'eft qu'on la teint aifément de
diverfes couleurs.
Il y a une forte de cheveux , que l'on
appelle cheveux herbes : on les travaille à-
peu-près de la manière fuivante. On prend
des coupes de cheveux noirs , bruns ,
rouges ou châtains ; on les trèfle fur du gros
fil ou fur une petite ficelle ; on prend des
pafl"és très-gros du paquet, ou, autrement
dit , d'une coupe , que l'on trèfle à fimple
tour , comme nous l'expliquerons ci-après.
Ainfi treflTés , on les leflive & on les pré-
pare comme la toile bife que l'on veut
blanchir , en les mettant fur l'herbe : c'efl
d'où ils tirent le nom de cheveux herbes.
On s'en fert pour donner la couleur aux;
nœuds des perruques nouées , & au derrière
des perruques à bourfe : ils ne font bons
qu'à être mêlés avec d'autres cheveux ; &
fi on les employoit feuls , ils lei'oient d'ua
très-mauvais uîë , car au blanchifl"age ils
perdent leur force & leur fubftance : c'eft
des Anglois que nous tenons cette mé-
thode , qui nous difpenfe depuis enviroiï
40 ans de mettre dans les nœuds des per-
ruques nouées & au derrière des perruqutt
à bourfe > de bons cheveux , qui en augmea* .
P E R
terolent le prix de beaucoup, fans qu'elles
en durafTent davantage.
Lorfque les cheveux font tous dégagés ,
il faut les enfiler avec une aiguille & du
Bi un peu fort, tous par étage , afin de les
trouver plus ailement quand on veut les
tirer; c'efl alors que la carde faite en
équerre devient utile. Après qu'on l'a atta-
chée ferme devant foi, on prend un ou
deux paquets que Ton vient de dégager ,
on les remêle par la tête , comme on l'a
déjà dit , en obfervant de les tenir toujours
bien égaux par la pointe. Après les avoir
renoués à une certaine hauteur , on les
étend fur un des côrés de la carde qui fe
préfente en long jufqu'au fil. Après quoi
on met une carde pareille pardeflus , alors
on retire des paquets des petits , de la
groffeur d'une plume. S'ils fe trouvent biea
épointés , on en retire une moindre quan-
tité , parce qu'il faut qu'ils fe trouvent
quarrés par la tète & par la pointe. Si les
paquets font à-peu-près quarrés , on peut
tirer plus des petits. Il ne faut pas atten-
dre que la carde foit entièrement vuide ,
mais fur la fin des premiers en remettre
d'autres dans l'autre côté de la carde , les
bien mêler; à mefure que l'on tire un
des paquets , le bien égaîifer , le peigner
dans la carde , le nouer par la tète , le
remettre en boucle , & faire la même
chôfe jufqu'à la fin des fuites , foit de
cheveux , de crin , de poil. Après avoir
tiré le tout , il efl: à propos de le parta-
ger en plufieurs fuites , & de les enfiler
par la tête avec une aiguille & du fil ,
comme nous avons dit ci-devant pour les
cheveux plats.
Il s'agit maintenant du préparage. Il
n'efi: pas trop aifé d'en faire une defcrip-
tion exaâe , car il dépend de l'idée & du
goût de l'ouvrier : voici cependant com-
ment on s'y prend communément. Si
l'on veut préparer une perruque nouée ,
un peu ample , c'elî-à-dire , une perruque
pour une perfonne d'un certain âge, il
faut qu£ les cheveux foient un peu crêpés ,
( nous a\'ons oublié de dire que quand on
dégage les cheveux crêpés , il faut avoir
l'attention de les palï^r dans le feran juf-
qji'à ce que le crêpe foit bien ouvert. )
Nou^ parlerons d'abord de la pcrrugue
P E R 41^
nouée , parce que c'efl: la première qui a t
été inventée : quoiqu'elle ne paroiflè guère
imiter les cheveux, elle les imitoit cepen-
dant dans le temps où l'on commença à la
porter , parce que l'on ne connoiffoit ni la
bourfe ni la queue. Les foldats même qui
avoient les cheveux longs, les officiers ,
les bourgeois partageoient leurs cheveux
en deux par derrière , les ramenoient en
devant, & les nouoient comme les nœuds
de nos perruques nouées.
Si l'on fait une perruque courte & lé-
gère , il n'eft pas à propos qu'il y ait du
crêpé. Dans les premiers temps , on faifoic
les perruques à devans hauts ^ garnis ,
gonflés , & longue fuite , comme nous
avons dit ci- devant; elles étoicnt fi lon-
gues , qu'elles alloient jufqu'au 18 ou 10 ,
& on les portoit en devant. Pour peu
•qu'un homme eût le vifàge maigre , il en
etoit fi oSuiqué , qu'à peine lui voyoit-on
le vifage. Ces longues perruques étoienc
faites en pointe , ôc fe terminoient par un
boudin.
Pour la préparation , il faut prendre des
cheveux crêpés , comme nous l'avons dit.
L'ouvrier a devant lui une règle, fur la-
quelle font marqués les étages; il com-
mence par les plus longs. Suppofé que l'on
fafîe un préparage de perruque nouée fur
le II ou le 12., l'on commence par les
longs ; on prend 5 ou 6 des petits paquets
que l'on met jufte au 12. Il cflà propos ,
pour le bas de la noueure , de mêler du 1 1
dans le 12., pour qu'elle fe trouve épointéc ,
& faire ainfi la même chofè à tous les
paquets jufqu'à l'i , qui ell le plus court.
Si c'eft une perruque grifaille que l'on
prépare , que les paquets ne foient pas tous
d'une même longueur , & qu'il s'en trouve
quelques-uns de plus noirs , on y mêle un
petit paquet blanc. S'il y en avoit de trop
blancs , on y en ajoutcroit de plus gris ou
même de noirs.
Après avoir bien mêlé & remêlé tous
les paquets , il faut les remettre les uns
après les autres dans les cardes , les tirer
bien quarrés , les nouer ferme avec du
fil , &: faire la même chofè à tous. Enfuite
on coupe des bandes de papier blanc un,
peu fort ; elles doivent être plus larges
pour les paquets lon^s que pour ks courts j
430 P E R
aurrement la frifure lèroir gênée. Après
avoir roulé une ou deux fois ïca bandes de
papier ilir le fil qui attache [es paquets , &
ronoué la papiilotte , on les numérote
depuis l'i jufqu'au plus long- Ce§ numéros
empêchent que l'on ne fe trompe en trel-
fant. Enlîiite on les remet en boucle. On
prend un des bâtons du métier dont nous
avons parlé. On a de la Ibie de Grenade ,
qu'autrefois l'on choififToit violette , & une
carre à jouer , que l'on coupe en long en
deux parties. On fait un petit trou à l'un des
bouts j on y attache la foie , que l'on roule
fur la carte aux environs de cinq ou fix
aunes; on répète cela fix fois: quand on
en a difpofé trois , ce qui (iiffit pour treffer
un des côtés , l'on ne fait point toucher
la quatrième aux autres ; entr'e^Ie & la
troifieme , pour ne fe point embarrafler
en travaillant , on laiife l'intervalle d'un
doigt. On arrange ainfi lix cartes , quoi-
qu'il ne faille que trois pour treffer un
oôté de la perruque. Mais pour avoir plus
d'égahté , on treffe une hoche de chaque
paquet^ jufqu'à la ^fin de chaque rang. En
s'y prenant ainfi , ks deux côtés de la
perruque fe trouvent exécutés en même
temps & également; à la fin de chaque
rang , on les met en boucles , l'un devant
foi & l'autre à côté.
Les fix foies étant arrangées dans l'ordre
■que nous venons de dire , il faut avoir
à l'autre bâton pareil un petit clou d'épingle
attaché à-peu-près à un demi-pié du bas
du bâton , & le courber , & faire un nœud
de tiflèrand aux fix loies que l'on pafîê dans
la pointe du clou. Nous avons dit plus
haut que l'on plaçoit les deux bâtons dans
les trous d'une barre de bois; mais cela
ne fe pratique guère. On fait deux trous
fur la table ^ & l'on y plante les bâtons :
cette manière eft plus commode ; on n'efl
point obligé de tenir une barre fur Ces
genoux ; & lorfqu'on trefîê , les bâtons
toujours tendus ne font point fujets à fe
déranger ; cependant fi la table étoit entiè-
rement occupée , un ouvrier avec une
barre pourroit treflèr féparément fans être
^né. Après avoir mis les bâtons dans les
vous , & avoir attaché les fix foies , comme
nous avons dit , il faut les tendre égale-
nijent en tournant la carte fur le bâton entre
P E R
le pouce & le premier doigt ; & en faifant
(onncr les foies avec les doigts , comme
lorlqu'on accorde un infirument, on s'af-
liire qu'elles font tendues également. Nous
expliquerons plus bas la manière de trefler.
Autrefois les ouvriers preiioient la mefure
à-peu-près fur la tête qu'ib croy oient propre
avant de faire la mouture ; aujourd'hui
que l'on opère plus jufltment & plus fine-
ment, on fait les montures de tête avant
que de prendre la mellire.
Les montures faites , voici comment on
prend la mellire d'une tête. On a une bande
de papier gris ou blanc un peu fort ^ on
la coupe un peu en pointe d'un côte, pour
ydifhnguer un bout qu'on appelle le com-
mencement. Quand une pcrfonne a les
cheveux bien plantés , c'ell - à - dire ,
qu'ils ne font ni trop hauts ni trop bas ,
il faut prendre depuis la racine du toupet
jufques dans la follette du cou , & faire
avec des ciieaux une hoche à la mefure ,
comme font les tailleurs ; en lui te on palfc
les bouts de la mefure lùr le bord d'une
tempe , en l'étendant fur le derrière de la
tête jufqu'à l'autre tempe ; enfuite il faut
avoir le tour , & pour cet effet faifir la
mefure par deux bouts, & en placer le
milieu dans la foffette du cou , rapprocher
les bouts en devant , pafîer fur les oreilles ,
& remonter juiqu'à l'extrémité des cheveux
furie front. Si la monture eu à oreilles,
il faut palîêr au deffus d'une oreille , s'avan-
cer pardeffus la tête jufqu'à l'autre oreille,
& toujours obferver de faire des hoches
pour reconnoître les points. Si la tête dont
on prend mefure elî bien proportionnée ,
la hauteur de l'oreille fait la profondeur
du devant au derrière. Toutes les dimen-
fions prifes , il faut écrire fur chaque hoche
le point que l'on vient de prendre , comme
la profondeur du devant en derrière , d'une
tempe à l'autre , autour de l'oreille &
autour de la tête. Il faut enfuite avoir du
ruban , que l'on appelle ruban de tour , fil
& foie , ou tour de foie ; mais le premier
vaut mieux. On les emploie de deux cou-
leurs , rofe & gris de maure. La largeur du
ruban peut être d'un pouce & demi ; il
y en a de deux ou trois lignes au deflus
comme au defîbus. Pour que le ruban foit
bon, il faut qu'il foit bien frappé, &
'-M
ï> E R
que la lifîefe foit bonne de chaque coté ,
afin qu'en y pafiant l'aiguille avec le fil ,
elle ne cafic pas: une monture de p^rm^we
en prend une denni-aune & demi-quart.
Si la monture efl pleine & fermée , on en
replie un peu de chaque bout , qu'on coud
jufqu'aux trois quarts de la largeur ; enfuite
l'on prend exadement le milieu d'un des
remplis à l'autre , & on le marque d'un
trait fait avec de l'encre. On a des clous
d'épingle , ni trop gros ni trop petits ; on
place le trait que l'on a fait avec de l'encre
fur le ruban , dans la raie qui fe trouve fur
les tètes à monter ; cette raie en marque
exadement le milieu : on y fixe le ruban
par un clou fiché fur le devant, & puis
par un fécond fiché fur le derrière. Si l'on
veut faire une pointe au front , il faut
prendre un autre clou , le ficher fur le
ruban à la difiance de trois lignes de celui
du milieu , & relever le ruban un peu de
chaque côté. La pointe , pour la grandeur
d'un front bien fait , eu ordinairement , tout
bien compafTé , de cinq pouces & demi ou
fix pouces; par coniiquent , fi on ia fait
de fix pouces , il faut obferver de renverfèr
le ruban , ou de l'échancrer de trois pouces
de chaque côté , puis l'arrêter par un clou
ou deux de chaque côté , qui le maintienne
également: cela ne doit être pratiqué
qu'après l'avoir bien compalfé également ;
car la première chofe qui iaute à la vue ,
e'efl fon inégalité ; la perruque en paroît
de travers. Enfuite , à l'endroit de la cou-
ture , on place deux autres clous fur la raie
également , en obfèrvant que fi la perfbnne
a un cou gras & court , il faut les placer
plus haut , pour que le derrière relevé ; &
que fi la perfonne eft maigre & a le cou
long , il taut pratiquer le contraire. Cela
fait, on tire le ruban d'un côté à- peu-près
vis-à-vis le gras delà joue, & l'on fiche
«n clou ; on en fait autant de l'autre
côte, & toujours bien.iyramétriquement ,
pour que les parties y correipondent.
Enfuite on a du fil de Bretagne uni &
fort , avec une aiguille un peu- greffe de la
longueur de deux pouces.; on dilperfè
différens. clous fur le vifage : un fuffit au
menton , un autre au deflbus du nez, un
troîfieme au delTus., un quatrième au mi-
P E R 4^1
& enfin par-tout où l'on en aura befoin ;.
mais le moins que l'on en puiffe employer ,
c'eft toujours le mieux. On arrête le fil
qui part du ruban , au premier de tous
ces clous difpofés comme,on a dit , parce
qu'à une monture pleine on commence
toujours par le bas de la joue: on tire
' enfuite le fil avec juileffe de la main gauche^
en le poufîànt avec le pouce de la main
droite. On paiTe une carte fous le ruban ,
pour le faire glifïèr plus aifément. Il faut
ordinairement cinq ou fix de ces fils : oiï
obferve que le ruban en foit bien arrondi.
On arrête le fil à la pointe qui fe trouve
auprès de l'œil , en faifant deux ou trois
tours avec le fil autour du clou , & l'oa-
y marque après un ou deux nœuds coulans.
Il faut avoir attention de ne pas paflèr pluS'
de fils d'un côté que de l'autre , de les
polèr également , & de rendre au compas^
les deux côtés égaux. C'cll la même ma-
nœuvre fi l'on fait un ^letit devant avec
du crin , qu'aux perruques nouées : il ne
faut point un petit clou pointu au front ;,
au contraire , il fivut qu'il foit rond , &
communément le front pas fi ouvert qu'au-
jourd'hui. Au refie, chacun a fon goût , '
& il n'y a point de règle là-deffus. Quel-
que manière qu'on fuive , on prendra une-
aiguillée eje foie un peu forte , & on l'ar-
rêtera au clou du milieu du front ; l'on
piquera enfuite l'aiguille dans la hfiere ,
de façon que la raie d'encre fe trouve
dans le milieu , en palTant l'aiguille par-
delîus la Hfiere ; delà on lé fera pafîêr ait
clou où la foie a été arrêtée; l'on fera
enfuite un autre point à droite, de l'autre
côté, à. peu de diifance , & un autre à
gauche à dillance égale , glifiant toujours ,
commenous l'avons dit, une carte defîbus
le fil , pour que le ruban pafle plus aifé-
ment , & qu'il ne fe fatigue point non plus
que le fil; le reflc n'a rien de difficile..
Enfuite il faut ficher derrière , dans \t
miheu de la tête, quatre clous, à com-
mencer à un pouce près de 'a raie jufqu'â
la tempe; prendre une aigjiliée de fil ,
l'arrêter au premier clou du côté de la
tempe , le paffer dans la lifiere du der-
rière du ruban, ou plus avai;r; mettre
un ou deux fils , félon que l'on veut farre
iieu du, front, lia 4 chat^ue coin de l'œil, | la tempe creulè ou ronde ^ également ai^
4-^ P E R
oelTus , à la partie qui forme le front ;
former l'autre coté égal , & bien compaiTer
le tout , pour que le front ne creufe pas plus
d'un côté que d'un autre. Si la lifiere du ruban
fronce derrière, à l'endroit de l'oreille, il
faut y faire un pli , ou y pafTer un fil à-peu-
près à la hauteur de l'œil , jufques derrière
l'oreille ; ce fil doit être tiré & arrêté bien
ferme. Si la perfonne a le cou gras , il
faut , comme nous avons dit , mettre un
point plus haut dans la raie de la tête au
defîus du ruban ; prendre une aiguillée de
fil , pofer le premier point fur la couture
du ruban , & le tirer en avant de la même
façon que nous avons expliqué plus haut ;
&. fi le cas le requiert , pofer encore un
autre fil de chaque côté ; enfuite avoir
un cordonnet moyen , en prendre la valeur
du quart , faire un nœud à chaque bout ,
& l'arrêter bien de chaque côté , pour qu'il
ne s'échappe poinU en ferrant la perruque ;
l'on en fait pafTer les deux bouts à l'endroit
du ruban qui n'a point été coufu , jufqu'à
la lifiere ; enfuite on relevé le ruban par-
deffus le cordonnet , on fait un point un
peu lâche à la lifiere qu'on vient de rele-
ver , & par ce moyen le cordonnet n'efl
point gêné. Ceci fait , & le ruban placé ,
on met le rézeau , que l'on nomme aufîî
ordinairement co'éffe ; ce rézeau efî tait de
foie , ou de fleuret , ou de fil. Si la perruque
eft pour une perfonne qui tranfpire beau-
coup de la tête , un rézeau de fleuret vaut
mieux ; il efl moins fiiiet à fe retirer : il
faut que les mailles n'en foient pas trop
grandes. Dans les premiers temps , on avoit
mis un contrôle fur les coëflfes ; on l'a ôté ;
on en a fenti la puérilité , & l'impofiibi-
lité d'obvier à la fraude. En plaçant le
rézeau fur la tête , il faut oblerver que
ce qui termine la fin du rézeau foit bien
dans le milieu de la tête ; fans cette pré-
caution , un côté feroit plus large que
l'autre : on en attache un côté avec un
clou pour qu'il ne varie point, & l'on
le coud avec le ruban , en pratiquant à-
peu-près un point à chaque maille. Quand
le rézeau efl coufu , s'il fe trouve trop
grand , il faut couper tout ce qui devient
inutile.
On a enfuite un ruban que l'on appelle
Iç Tubdn large ; il eft ordioaireoient brun ,
P E R
fil & Ço\(t ; il n'cfi: point auffi frappé que
celui du tour : là largeur efl de quatre
pouces : on y fait d'abord un rempli , &
on commiCnce à le coudre à la lifiere du
ruban àhs la pointe ; on le tire enfuite
par en bas aux environs de quatre doigts
au defîus du ruban de derrière ; on le
coupe , on le remploie au defîc^us , on
met un clou dans une petite raie qui fe
trouve dans le raihcu, du ruban , on en
met auffi un dans la raie de la tttt , &
un autre de chaque côté, en tirant depuis
le deffus de Ja tête pour que le ruban ne
fronce point ; on prend enfuite une aiguil-
lée de fil que l'on pafTe dans le ruban ,
& plus bas dans celui qui fait la monture ,
obfervant toujours que le milieu du ruban
fe trouve dans le milieu de la raie de la
tête , pour que les rangs frjfent également.
Ainfi arrêté de chaque côté , on le coud
dans le bas , & pareillement au haut , en
prenant un fil de la raie du ruban placé
fur la couture du ruban de tour. Pour
que la perruque foit ferme, on y met un
taffetas qu'il faut 4|abord faufiler fur le
rézeau , & couper après comme il con-
vient ; enfuite on commence à le coudre
fur le devant le long du derrière du ruban
de tour, toujours en remontant jufqu'à la
raie. Il efî à propos de ne pas aller fur le
derrière jufqu'au ruban large , parce que
fi la perfonne tranfpire , cela peut faire
retirer la perruque : on procède ainfi éga-
lement de chaque côté. Voilà tout ce qui
regarde la monture d'un bonnet un peu
ample , ou d'une perruque nouée d'une
perfonne d'un certain âge.
Il faut enfuite prendre les mefures : la
première , qui efl la baffe , s'appelle mefurc
de tournant y parce qu'on la prend depuis
le coin du front jufqu'à la couture de .
derrière ; il faut la plier en deux pour que
le papier foit plus fort & réfifle davan-
tage. Enfuite on fait la mefure de corps
de rangs.
Si l'on fait un bonnet pour une perfonne
âgée ou qui ne veuille point de boucle y.
il ne faut point épointer les paquets ; au
contraire , ils doivent être très-quarrés par
la pointe peur cet effet. Il n'y a pas en-
core plus de douze ou dix -huit années ^
qu'après les avoir tirés comme nous avons
dit plus haut , avant d'y mettre des papillo-
tes , on plaçoit le paquet dans une carde par
la tête, & on le tiroit par la pointe pour qu'il
fût plus quarré : c'étoit un ouvrage très-dif-
ficile , & qu'il falloit faire avec attention ; en-
fuite on y remettoit le papillon & on com-
mençoit la perruque ; on diflribuoit du crin
où il eit marqué.
Il faut d'abord avoir la mefure du bord du
front ; on la prend avec une bande de pa-
pier double de la largeur du front de la mon-
ture que nous venons d'expliquer. Il faut que
le front foit fait fur le plus court paquet , &
trèfle fin & à cinq tours pour un devant
peigné avec du crin. Malgré le plan des me-
fùres que nous venons de donner , il n'en
faut pas faire une règle générale ; tout dé-
pend du goût des perfonnes , de l'air du
vifàge , & de l'idée du perruquier : il faut
fuivre la forme de la tête. Si la forme de la
tempe eft plate, & que l'on veuille \z per-
ruque gonflée , on montera les longs plus
haut en faifant la mefure. Si au coij-
traire la tempe ti\ forte & gonflée , on
ne montera point les longs il haut , &
par conléquent on tirera la perruque
plus court. De même fi la pcrlonne efl
grande , fi elle a le vifage maigre & le cou
long , on l'engagera davantage par les che-
veux.
De la manière de trejjer. Pour trefîêr ,
il faut donc prendre les deux bâtons , celui
où font les lix foies , & celui qui porte
la pointe : on les mettra dans les trous
de la table. Pour le tournant, il ne faut
que trois foies. On prend le n°. premier,
qui efî le plus court j on trefTe fin & ferré
à cinq tours ; on place fon paquet dans la
carde qui efl devant foi ; on en tire à-peu-
près fept à huit cheveux de la main droite ,
& de la gauche on les reprend par la
pointe ; on laifîè excéder hors des doigts
k moins que l'on peut de la tête ; on les
paffe avec la main derrière les foies, &
l'on préfente la tere pardcvant entre la
féconde & la troifieme foie ; puis on
les pafîe pardefTus avec la main droite,
& on les reprend entre le pouce Se le
premier doigt de la gauche. On les re-
pafle là , entre la première & la fé-
conde , avec le pouce & le premier doigt
de la droite ; on les pafïe pardefibus , & •
Tome XXK
PER 433
on les reprend de la gauche , en les
repaffant par la féconde & la troifieme.
Après quoi on les pafTe pardeflus ; on
ks reprend des doigts de la gauche , &
l'on les repafle entre la première & la
féconde ; on les reprend des doigts de la
droite, & on en rcpaffe le bout entre la
féconde & la . troifieme. On les tire pour
lors de la gauche , en lâchant doucement ,
& en faifant couler la tête de la droite.
On laiffe pafïèr la tête des cheveux le
moins que l'on peut , & on la poulîè juf-
qu'auprès du nœud que l'on a fiit ; quand
elle efl au point que l'on veut , l'on re-
prend la frifure , que l'on repafîe entre
la dernière & la féconde foie , en obfer-
vant de la pafTer pardevant. Ce dernier
tour-ci ne fert qu'à la première paffoe de
chaque rang Se tournant que l'on veut
commencer ; cnfuite on retire une autre
pafîe , & l'on travaille de même. Lorfque
la pafTée efl faite , elle doit former une m ,
dont il faut avoir foin de prefler les jambes
l'une contre l'autre , pour que tout foit égal
& ne laiffe point d'eipace plus grand ou
plus petit. Vous trefîez ainfi jufqu'au chifïre
qui marque le i ; l'on reprend le 2 , &
l'on trefTe juiqu'à 2 ; puis l'on reprend
le 3 , & l'on trèfle jufqu'au chifïre 3 ;
enfuite l'on repred le 4 , & l'on treiîe
jufqu'au 4 , en montant imperceptiblement
la garniture: l'on continue jufqu'au 5 ou 6 ,
toujours en remontant de garniture , qui au
lieu d'une m , ne forme qu'une n. Alors on
prend la pafîè , comme nous venons de dire ;
on la paffe deux fois en deffus & une fois en
deffous , & on la finit entre la féconde & la
troifieme foie ; elle en garnit davantage la
treffe , & la fait plus prefiee. Il faut toujours
augmenter de garniture jufqu'au dernier pa-
quet , où les paffes doivent fe trouver d'une
bonne pincée. Il faut avoir foin , en mettant
les paquets dans la carde , de placer un
peigne deffus , pour que les cheveux ne
viennent pas trop vite; il faut auifi prendre
garde que les paquets foient toujours bien
égalifés. A la fin du rang il faut faire une
paffe d'arrêt , en repaifant la tête entre
la féconde & la dernière jambe de ["m. Au'
trefois , quand on faifoit des devans bien*
élevés Se les tempes à porportion , on
trcffoit aulîi à bouts levés ; au lieu de
lii
pafîer la_ main gauche qui tient' la paflê ,
on la rr.ettoit psrcjevanr , en paflant la tête
deiapafreentré la première & ia féconde; au
lieu de paflèr pardelTus , on repafîè pardef-^
fous , éc Von fait le tour à l'ordinaire : en-
fuire on prend une autre paflê que l'on met
de l'autre côté , en paflànt de même par
dedans , & l'on continue le tour de mê-
me. Voilà ce qu'on appelle trejfer à bouts
levés. On trelToit aufli à demi-bouts le-
vés , en faifant celui de devant comme nous
venons de dire , & Tautre pafie à i'ordi-
nnire.
Pour revenir au tournant , quand on a
fait la pafTe d'arrêt , comme nous l'avons
dit , on laiiîè un e|(>ace de foie y & l'on
recommence par les mêmes paquets par
où l'on a fini , en faifanr une pafTe d'arrêt
comme on la doit pratiquer à tous \qs
commencemens & fins de chaque rang.
Il faut obferver de rendre ia garniture la
même , en faiiant aller en arrière ce que
l'on a fait aller en devant , c'eft-à-dire , que
les n°*. Il reviennent aux IG, ainfi des
autres à proportion. Le plus court fe trou-
vera à la fin de la mefure , & les deux
côtés feront égaux, II faut faire un fécond
tournant de même , en obfervant la même
règle , & mettre à la fin de chaque paquet
un fil rouge pour marquer tous les étages,
ce qui fert beaucoup lorfqu'il efî quclîion
de pofer les rangs ; c'efl-à-dire qu'il faut
en pofer deux dans la hoche du 6. La
marque de fil indique où elles commencent
& où elles finiffent. Lorfqu'on pofe \ts z
du 6 , in4iqués par la mefure , on a les 3
fi-ir le 5 dans la hoche du 5 , le 4 dans la
hoche du 4 , le S fur le 3 dans celle du
3 , le 6 dans celle du 2 , &: le 8 dans celle
du I. Il faut que celui qui monte fâche
combien de rangs il a pofés dans chaque
hoche , & qu'il s'arrange en confécfuence.
Il faut pofer les fils à la fin de chaque
hoche , à l'autre côté du fécond- tour-
nant j en obfervant la même régularité
& la même garniture qu'à celle du premier
côté.
Enfiiite il faut bien mettre les deux
tournans en boucle devant foi , c'eft-à-
dire , du même côté , & les ôter de deflus
le métier ; rem-onter enfuite le métier avec
igs fix foies , comme nous ayons dit , pour
P E El
commencer le corps de rangs , en le tfâ*
vaillant à fix foies. On^fait les deux côtés
enfemble , & la garniture fe trouve égale
par le moyen de la meiure. Les premiers
rsngs commencés iùr les fix loies , il les
faut prendre , & aller jufqu'à 6 , alnli à^s
autres y comme nous avons expliqué , en
tournant. Après 3 ou 4 rangs , il faut dimi-.
nuer de garniture julqu'à la fin, où elle
doit être extrêmement légère ,. en obfer-^
vant de mettre un crin ou deux à chaque
pafTée pour foutcnir la tempe.. Il faut
obi'crver que quand on a fini les grands
corps de rangs (on les appelle ainfi ,. parce-
que depuis l'endroit où on les pofe , ils;
doivent fe rejoindre enfemble par. der-
rière), on en fait plus ou moins aux tem-.
pes , félon que l'on veut que la frifure
monte , & au defïus on met un paquet
préparé exprès qui ne frife pas beaucoup ;.
ce paquet s'appelle plaque : on la faitv
d'une trèfle de fuite , lans la travailler par.-
r%ng.
Après les grands , il y a les petits , qu'on,
appelle ainfi , parce qu'ils ne croifTent pas ^
& qu'ils ne font que la face ; on les ter-
mine par àts paquets de plaque. Le premier,
petjf rȔg a la mefure liiivante : il com-*
mence au troifieme fur le 3 , & finit fur le
5 ; quand on a fait jufqu'au 5 5 l'on prend-
les paquets de plaque que l'on travaille juf^
qu'à la raie , ainfi des autres..
Après avoir fait ce que nous venons de-
dire , c'efl-à-dire , les corps, on emploie
les fournitures. L'on commence par les
bords du front : nous avons dit comment
on en prenoit la mefure, & qu'il falloic
lès treffer fin & ferré ; à la fin du front
on fait une petite étoile , c'efl-à-dire ,.
cinq ou fix paffes. TrefTez ferme , ferrez ,,
6 laiffez de chaque côté un quart de vos
trois foies; nous marquerons en fon temps
où ces pafîes doivent fe pofer. Si la tempe,
de ladite mefure étoit fur le 2 , il feroit-
à propos de faire lés <îevans par rang de
la longueur du dernier rang d'en haut de
la mefure : le i & le 2 faits , on mettra
un, crin à chaque pafîe ; mais comme la
tempe de ces mefures n'eft que fur le i ,;
on peut faire une treffe de fuite également
fur le I , en mêlant toujours un crin à.
chaque pafîe ; cela fe trèfle & fe. coud plus
PEU
vtte : il en faut ordinairement au moins tf oîs
ou quatre aunes. Ainfi finit ce qu'il faut
pour le devant.
Enfuite on travaille la plaque , qui Ce
fait de cheveux frifés naturellement : les
plus fins font les meilleurs , la plaque va
mieux fur la tète. Si les cheveux naturels
ne frilènt point aiîez , on peut en mettre
de frifés en dedans. D'ordinaire on f;iit la
plaque de la longueur du dernier corps de
rangs croifé. A la perruque que nous tra-
çons ici , le dernier corps de rangs efi lur
le 6 , par conféquent il le faut fur le 6 ,
en obfervant que les paquets foient ëpointés.
Il en faut aux environs de quatre ou cinq
aunes , & en faire en commençant la
valeur du quart avec le 6 , en y mêlant
un^ paffe dudit paquet de pkque avec une
pafle du 6 , fi le dernier corps de rang efl
fur le 6 , en obfervant que la treffe foit fine
& point trop entaffée. Voilà tout ce qui con-
cerne le treflë de là perruque que nous ve-
nons de détailler.
Préfentement il s'agit de la monter : il
faut commencer par les bords du front ;
on monte ordinairement avec de la foie
Un peu forte , ni trop grofle , ni trop fine.
Il faut d'abord l'attacher , en faifant un
nœud de tifferand tout près de la trefîè
le moins gros qu'il fe peut. Il faut coudre
à périt point entre chaque palle , & que
Je point foit bien ferme & ferré , & fur
le bord de la lifiere du ruban , obfervant
de n'aller ni defîus ni defTous. Quand on
efl au bout on arrête proprement , après
quoi on trappe tout du long pour refferrer
le point , & pour que le bord foit moins
épais : enfuite on prend le premier tour-
nant , que l'on arrête , & que l'on coud
de même jufqu'à l'endroit où eft pofe le
cordonnet , pardefTus lequel on fair le
tournant de façon qu'en ferrant le cor-
donnet rien ne l'arrête. Quand on efl à
Isk fin du tournant , il faut bien l'arrêter ,
& même revenir avec le bout de la foie
pardefTus y formant cinq ou fix points :
cela efl plus propre , & en peignant la
perruque aucune-^fTée ne s'éch?-ppe. On
coud l'autre de même , & on l'arrête fur
le bout de celui-ci : on coud enfuite un
morceau de bougran , que l'on découpe
iclon la forme du ruban. Il faut qu'il foit
pofé depuis le bas de la joue )ufqu*au defîùs
de l'œil , touchant toujours la treffe du
premier tournant. On le coupe quarri
par derrière ; on le fait à-pèu-près de la
largeur de quatre doigts : enfuite on coud
le fécond tournant , en commençant à la
hauteur du premier , à deux lignes ou en-
viron du premier : on va toujours de fliite
Jufqu'à la fin , & l'autre coté fe fait de
même , obfervant que les fils foient égaux
d'un côté & de l'autre , pour que les
corps de rangs foient pofés également.
Enfuite il faut mettre en boucle , prendre
les corps de rangs , & regarder le fens de
là frifure , pour qu^^elle ne fe trouve point
en defîbus. Il faut obferver que le premier
rang pardevant efl commencé fur le 6 ;
par conféquent , comme il y en a deux
deffus ; le pofer dans le milieu de la hoche.
La mefure étant ainfi prife , la fin de ce
rang doit arriver Jufqu'à la fin du tournant.
Cela exécuté , on pafïe aux autres rangs i
on coud le premier de même; on recoud
enfuite le fécond de ce même côté , en le
poiànt fous ks fils du ■) : l'on reprend
l'autre côté , & l'on coud deux rangs de
fuite ; le dernier des deux rangs fert de pié
d'attente pour l'autre côté : il en efl tou-
jours de même Jufqu'à la fin àes grands corps
de rangs, obfervant de les pofer avec atten-
tion dans chaque hoche , comme il a été dit
ci- deffus.
Les grands corps de rarngs étant ainfi cou-
fus , on peut coudre les petits tout de fuite du
même côté , obfervant de coudre les fix pre-
miers du bas plus ferrés que les autres. Uk
faut de temps en temps compafîèr , pour
qu'ils ne foient pas montés plus haut oa
plus bas d'un côté que de l'autre. Après
qu'on a monté tous ks petits rangs d\ia
côté , il faut monter l'autre côté de même
avec attention.
Si l'on n'a point pofé l'étoile après avoir
coufu le bord du front , il faut commencer
par la pofer. Nous avons dit qu'on laifîê
trois foies de chaque côré : on ks enfilo
toutes trois dans une aiguille que l'on pafîè
jufle dans la petite raie que l'on a faite
avec de l'encre au ruban , tout près de la
trefîe du bord du front. On fait fortir ks
trois foies hors du ruban avec un point
un peu alongé ; enfuite on renfile ks troi»
lii 2
43^ P E R
autres foies êe l'autre côté , que l*on repafîê
avec la pointe de IViguilie dans le même
trou , en taifant de l'autre côté le point
égal. On tire les foies de chaque côté,
jufqu'à ce que le petit bout de trefîè
Ibit entré dedans , & on l'arrête de chaque
côté.
On prend enfuite un morceau de bou-
gran de la longueur du petit ruban , que
l'on coupe de la même forme que l'on a
fait la pointe ; fi l'on veut que la pointe
ibit plus ferme , on peut y mettre deflbus
de la gomme arabique : elle ne doit être
ni trop épaiffe ni trop liquide. Après en
avoir bien barbouillé le ruban , il faut
pafîèr le bougran , que l'on laifTe de la
largeur de trois ou quatre doigts à-peu-
près , félon la largeur qu'on veut donner
au devant ; on prend enliiite la trèfle faite
fur le I , comme nous avons dit. On peut
coudre un rang du devant contre le bord
du front ; il fera en cet endroit un fécond
rang , comme un fécond tournant ; puis
on coud le devant de la largeur du dernier
petit rang. Si l'on veut que le devant foit
bien large , on continue à le coudre de
même ; li au contraire on ne veut pas qu'il
foit fi large, on diminue peu-à-peu. Il faut
que les rangs foient un peu ferrés : le dernier
doit être placé fur la petite raie du ruban lar-
ge , qui doit fe trouver jufte dans le milieu
de la tète. On coud l'autre côté , en obfer-
vant de le coudre» de même , c'eft-à-dire ,
ni plus large , ni plus étroit , ni plus ferré ,
ni.plus écarté , avec autant de rangs d'un
ôté que de l'autre ; & enfin de coudre le
ernier rang d'un côté fur le dernier rang de
1 autre cote.
Enfijite il faut prendre la plaque :. on
commence par le côré où l'on a mis du fri-
fé , & l'on coud de fuite comme l'on a fait
pour le devant , toujours en retournant la
îrelîè à la fin de chaque rang ; il ne
faut pas prefler les rangs autant que iur
le devant. Vous ne devez pofer chaque rang
que flir la fin de chaque petit corps de rangs,
en allant toujours jufqu'au devant en fer à
cheval , en forte que cela finifie jufqu'à une
paffée ou deux rangs de devant , qui en fe-
ront la fermeture. Ainfi finit la monture de
la perruque.
J\ faut enfuite faire allumer un réchaud
P E r:
de charbon , le couvrir de cendres , & jr
mettre un fer à pafler fait pour cet ufage :
ce fer a à-peu-près la forme de la moitié
d'un fer à frifer ; les uns en ont de faits
en marteau , les autres en une efpece de
boulon : il n'y a point de règle là-deiTus.
On fait chauffer ce fer de façon qu'il n©
puifle brûler les cheveux ; on commence
par le bas , en prennant deux rangs à deux
rangs> On a de l'eau dans un pot , où l'on
trempe deux doigts que l'on apphque depuis
la trefîè jufqu'à la frifure , & même jufques
fur la friliire fi elle' fe trouve trop haute:
on va de même jufqu'à la tempe ; enfuite
l'on prend un peu de cheveux que l'on
renverfe fur les côtés : on. fait de même
mèche par mèche jufqu'au milieu du der
vant , en revenant toujours en avant juf-
qu'au bord du froni ; & quand on eft arrivé
au milieu du bord du front , on partage
le petit bout des treffes que l'on nomme
étoiles y en deux , l'un adroite & l'autre
à gauche ; c'eft ce qui lui fait faire l'étoiie,
Enfuite on étend un papier double fuK
toutes les parties que l'on a paffées ; on
l'arrête avec des pointes , de façon à nefs
point défiire fur les genoux ; on pafîe
alors l'autre de même , avec l'attention
de ne point baiffer la frifure des cheveux,
courts. Quand elle eu un peu refroidie ,,
il faut la pafTer aux cifeaux.. On la meç
de côté fur les genoux , & l'on commence
d'abord par, les deux tournans , en cou-
pant les pointes également toujours en
defcendant , & enfuite on retranche la
longueur d'un pouce : on fuit de même en
defcendant jufqu'à la moitié de la perru--
que. On remet les côtés en boucle ; .on
rattache le papier y &: l'on paile l'autre
côté. Le devant & la tempe demandent
plus d'attention. II faut les couper déplu?
fieurs façons ; au commencement c'efi en
defcendant comme le quarré , & puis en
long deux rangs à deux rangs , en com-
mctî'çanr du coté du bord du front en
coulant en arrière , où il faut qu'ils foient
toujours plus longs ; & puis il faut les dé-
garnir légèrement , de façon qu'en peignant
le devant & les tempes , les cheveux ne
pelotent point , & s'ai-rangent au coup de
peigne.
Il faut enfuite démonter l'ouvrage , &
I
IP E R
bien ëpIucKer tous les fils. On y pàfTé
une loie forte , depuis le coin du bord du
front jufqu'au commencement du cordon-
net. Cette foie fert à ramener le bord en
dedans , & à le faire mieux coller. Il faut
coudre à petits points , & ferrer douce-
ment , pour qu'il n'y ait point de tronce-
ïnent & de plis. II faut travailler l'autre
côté également , & puis frapper le bord
avec un marteau pour le rabailîèr ; puis on
retond le deffus de la tête , & on rcpaiî'*
le fer doucement le long de la bordure.
S'il y a quelque cheveux qui foie nt rétifs ,
©n prend un bout de chandelle , que l'on
frotte légèrement delTus ; on trempe les
doigts dans l'eau , on les pafîe fur ces
cheveux , & enfuite on les ferre jufqu'à
ce qu'on les aitentiéremenrcouchés & dom-
tés. Il faut connoîire le point juHe de cha-
kur du fer ; car s'il cil trop chaud , il
rouflît & brûle ; s'il ne l'efî point aflèz , il
ne dorate point les cheveux , & ne les cou-
che point. Cela fait ^ il faut prendre de
l'huile & de la pommade , les bien marier
enfemble , en bien humecter la perruque ,
&.pairer enfuite un grand peigne par-tout
dans les cheveux , obfervant de peigner le
devant oc la tempe dans leur centre.
Après quoi on peigne bien à forîd toute la
perruque. Si l'on n'en efî: point preifé , il ti\
plus à propos de la laiflfer repofer un jour
ou deux. ^ remife avec, attention dans. iès
boucles.
On fera là monture d'une perruque
nouée , comme celle du bonnet dont nous
venons de parler. . Il faut obferver la mê-
me régularité pour les treifes. Les tournans
n'étant point û. longs , &:-ne marquant que la
fiice , il faut qu'ils ne foient point plus gar-
nis, que les autres ne l'ont été , jufqu'à la
face.
Il faut obferver de fuivre la même régu-
larité pour le corps , treiTant les trois pre-
miers à fimple tour. Les deux qui font
fur le 9 doivent être à corps garni , &
ce qui eft étage derrière , doit être le plus
garni. Ce que l'on appelle étage y. eit le
paquet qui eft le plus court -derrière. Après
il s'en trouve 3 iur le 8 , le 7 & le 6. îl
faut diminuer la garniture à proportion ,
comme nous avons dit plus haut , obfer-
Viipt que quand on eft arrivé au rang qui
P E R 437
efl fur le 4-, il faut faire l'étage de derrière-
plus fin, & toujours en montant aux courts
& plus lins , par detciere.
Le devant doit être trèfle , les bords
du front & l'étoile travaillés à l'ordinaire.
Au lieu de mettre les rangs jufqu'au milieu
du derrière où eft polé le cordonnet , on
y met le boudin qui doit occuper à-peu—
près cette largeur. Enfuite on place les
nœuds, qui doivent à-peu-près être de la
même largeur de chaque côté. On fait une
trèfle , que l'on appelle trejfe fur boucle.
On en prépare communément 14 ou 15.
rangs. La longueur du premier rang doit
aller jufqu'à la première raie. On va tou-
jours en remontant d'une raie Voilà à~
peu-près la conduite qu'il faut tenir. 1\
faut commencer le premier rang fur le 10,
& en faire un , un peu garni. Enfuite le
fécond prend le 9. On fait une paflre ,
& puis une pafl!ee du 10. On quitte le
10 , on en fait une fur le 9 ièul , & fur
le 9 & le 8 , & ainfi de même jiîfqu'à l'i.
On prend , pour le former, le toupet , la
tête des cheveux tirés , & qui , trop courts
pour venir , font reftés dans la carde. On
y ajoute àts cheveux frifés , épointés à la
longueur du 2. On les mêle , on \qs retire
à plufieurs fois & les remêle. Il faut 3 ou 4 .
aunes de cts trcflès , que l'on appelle toupet
de derrière. ,
Il ne faut point qu'elles foient trefl^''es fèr-i
rées , mais très-fin. Le nœud & la boucle fe
treflent de fuite , &.de la garniture du bas.
Pour le tournant d'un bonnet , pour le
nœud , il en faut deux ou trois' rangs de la
longueur de. la mefure que nous avons in-
diquée ; & pour la boucle , à-peu-près une
demi-aune. .Voilà tout cç qui regarde la
trèfle.
Préfentement ilnous reftë à parler de
la monture. Il faut monter le bord du
front , l'étoile SiC \cs tournans. Enfuite on
monte les nœuds au bout àts tournans. On
les laifl!e pafler-, comme nous avons dit
pour la boucle. Puis il faut prendre \es
corps de rangs: le premier étant fur le 7,
iliaut le placer au fil du 6 du tournant
en obfervant de le pofer dans chaque
efpace où font les fils que nous appelions
hoches , comme nous Pavons dit. Il eft 4
propos que les raiîgs d'une jj^rrugue. ncidé^
438 P E R
fafîènt un peu le dos-d'âne , en J-abaiflant
la fin des rangs toujours en bas ; cela
donne de la grâce. 0« monte enfuite les
devans à l'ordinaire. Après on monte la
boucle , obfervant de laifler un petit efpace
de chaque côté entr'elles & les nœuds ;
cela fèrt à Faire une pincée de chaque
côté , fi la perruque fe trouve trop large.
Enfuite l'on monte le defTus des boucles.
Chaque rang ne doit être féparé que par
un très-petit efpace. Arrivé jufqu'au ruban
large , on monte le toupet ; voici comment
on s'y prend. Il faut tenir la tête de côté
fîir les genoux , pofer le premier rang au
bout du premier rang de devant ; le cou-
dre en defccndant jufques fur le dernier
rang de deiîùs des boucles , & en ajourer
5 ou 6 de chaque côté , de façon qu'il fe
trouve une féparation d'un doigt. On com-
mence par le bas à coudre dans cette fé-
paration , toujours fans couper la m.ême trèfle
du toupet , allant & revenant , & bien près ,
jufqu'à ce que l'on ait atteint le devant.
Ainfi finit la monture de la perruque dont
il s'agit.
Montée , on la pafle aux cifeaux & au
fer , comme nous avons dit plus haut , à
la réfervc du toupet , que l'on fépare par
le milieu. La petite raie du ruban guide pour
cela. En faifant l'ouverture , on renverfe à
droite & à gauche les cheveux du toupet
fur le bout des corps de rangs ; on paife le
fer dans le milieu pour les maintenir ;
puis on les épointe ; & on les pafîe aux
cifeaux pour les mettre de la longueur des
rangs.
Nous allons maintenant dire un mot de la
perruque quarrée , ou perruque de palais.
Voici la mefure que nous allons fuivre, en
commençant par les tournans.
Il faut treflèr ces perruques quarrées ,
comme on a trefl"é la perruque nouée. La
monture étant faite de même , il faut la
monter de même , obfervant que les tour-
nans arrivent jufqu'à l'endroit où finifl!ent
les nœuds de la nouée. On laifïe le même
efpace pour la boucle ; du refie, on monte ,
on drefle , comme nous l'avons dit de la
perruque nouée.
Nous avons oublié de parler de la lon-
gueur que l'on donne ordinairement au
l)Oudin. La perruque étant fur le I2 ,
P E R
le boudin peut fe mettre fur le lo oii
le II.
La préparation fe fait d'ordinaire moitié
cheveux & moitié crin.
Il y a une forte de perruque que l'on ap-
pelle à la brigadiere. Il n'y a guère que les
anciens militaires qui en portent. La mon-
ture en efi: à-peu-près la même que celle àts
autres perruques.
Les tournans ici font trèfles comme ceux
^e la perruque nouée. Pour les corps de
rangs longs , il faut qu'ils foient moins
garnis fur le derrière que fur le devant ;
le 10 &: le 9 font épointés , pour être pris
dans les cordons qui nouent le boudin ; les
autres à commencer fur le 8 , feront
garnis comme le 6 ou 7 fur le derrière
d'un bonnet , & fur la face de même.
On monte les tournans comme ceux de la
perruque nouée , en laiflant les paflees pour le
boudin.
Il faut monter les rangs comme pour un
bonnet. Mais au lieu de prefl!er le derrière
des rangs , comme à un bonnet , il faut
plutôt les écarter , & finir le refle comme
dans les bonnets. Le boudin fera de la lon-
gueur du 16 , un à droite , & l'autre à gau-
che , fe regardant. Voilà à-peu-près ce que
l'on en peut dire. Nous finirons les ouvra-
ges à monture pleine , par la perruque des
eccléfiafiiques.
Cette perruque efl furie 16 ; mais la lon-
gueur ordinaire n'efi: que le 9 ou le 9 ^ ; c'ell
pourquoi nous y avons mis des demi- étages,
c'efl- à-dire , i & ' , un 2 &■ un 2 & i , mnii
jufqu'à 9. La plaque fe fait à-peu-près com-
me celle d'un bonnet.
Si on y veut une fonfure couverte , ce
font des religieufes qui les font au métier,
& on les acheté toutes faites. Si l'on efî
dans un pays où l'on n'en trouve point ,
on peut en faire avec une trèfle fine ,
que l'on coud en tournant ou en croifant ,
après l'avoir coupée à la hauteur de 3 lignes.
Il y en a de quatre grandeurs ; celles des
fous-diacres, des diacres , des prêtres, des
évêques , & même des archevêques. Nous
avons encore une treflie que nous nommons
tour de tonfure ^ qui fe fait très-fine, à
fimple tour , & tr^flee preflee : quand on
S veut que ces perruques aillent au coup de
^ E R
j^cîgneTans boucle , il faut conper prefque
toute la friiure.
Nous allons préfentement parler de la
perruque nhoarfe , qui^il: la plus moderne.
On l'appelloit d'abord perruque à la régence,
parce qu'elle fut inventée fous la régence
ou duc d'Orléans, C'eit celle qui imite le
plus les cheveux ; c'eft pour cet ouvrage
qu'on a inventé la monture à oreille. Cette
monture efl faite de la même façon que
BOUS avons les cheveux plantés : je ne lais
comment on. ne l'a pas imaginée plutôt ,
car la forme des cheveux l'indique aifé-
mcnt. Nous en allons donner une idée par
ijne mefure ; mais c'ell celle qui change
le plus fouvent. On la fait tantôt longue ,
tantôt Courte , tantôt large , & tantôt
étroite , lelon l'idée & le goût. .Pour en
faire la monture , on fe fert d'une tête à
tempes. On prer^ une demi-aune de rubsn
ou plus , félon la tête. On le plie par le
milieu , & l'on fait une raie avec de l'encre;
puis on fiche une pointe dans le milieu de
la raie à l'endroit de la tête ou l'on veut
pofer le ruban ; on en fiche une féconde
^ peu-près dans la lifiere à la difîance de
deux ou trois hgnes. On relevé le ruban
vers la raie ; l'on cloue une troifieme &
quatrième pointes de chaque côté égale-
ment ; elles doivent, être plus en arrière
que celles que l'on a pofées d'abord. C'eil
ainlf qu'on forme la petite pointe de la
perruque. Il faut enfuite mettre une pointe
de chaque côté , à, deux pouces de difîance
de celle du mjheu: on prend fes dimenfions
pour le front , comme nous l'avons déjà
dit. La mode la plus commune à préfent-
efl de former une tempe, les cheveux
étant communément plantés de cette ma-
nière.. Ceux qui. les ont ainfi difpofés
l^^xigent , & ceux qui les ont autrement
veulent qu'on l'imite. Pour former la lon-
gueur d'une face à là fuite du front, il
faut prendre comijiunément la longueur
d'une carte que l'on marque au ruban. Pour
commencer la tempe , il faut pofer une
pointe environ 2 pouces après le front , en
l'avançant au-defTus de l'œil. Enfuite on
tire le ruban en arrière , & l'on pofe une
pointe où l'on a marqué la raie. On relevé
le ruban à la hauteur où Ton doit marquer
roreiile. Après la mefuye que l'on a prifç ,
P E R. 4%^
fur la perfonne , & après avoir mefuré fur
la table où l'on fait la iTionture , on doit
voir la hauteur. Il faut prendre garde que
le ruban ne tombe fur l'oreille , parce qu'en
leierrant, cela peut blefTer. Ayant éloigné
le ruban jufqu'à l'extrémité de l'oreille ,
on le plie en deux , on le cloue avec une
pointe , & on le rabat derrière l'oreille
jufqu'au bas du cou ; on y met une pointe,
& l'on en fait autant de l'autre coté. Il
faut compaiîèr avec attention les deux
côtés pour qu'ils foient égaux , & que la-
perruque n'aille pas de travers. Enfuite
on pofe les fils comme nous l'avons déjà,
dit. Les pointes indiquent les droits à-peu-
près où on doit les raettrje. On place la
coéffe^ le ruban large & le taffetas , ainfi
qu'il a été prefcrit. On peut faire au(H
des perruques à oreille fans tête à tempes.
On y en iijoute avec des cartes que l'on
coupe. Cela dépend du goût & de l'idée
de l'ouvrier ; ce qui convient à l'un , ne-
convient pas toujours à un autre.
En commençant par les corps de rangs ,,
il faut que les 2 & 3 premiers rangs foient-
trefïës un peu garnis à fimple tci^r. Au
bout de ces rangs , on peut mettre la Ion-
gueur de 2 pouces de cheveux lifles en-.
viron une demi-aune; c'eif ce que l'on
appelle derrière de bourfe. Il faut y paffer
une paffée de cheveux frilés entre un paquet
plus court que les lais du rang que l'on
treffe derrière. Pour l'accommodage d'au-
jourd'hui , il faut épointer tous les paquets,
c'efl-à-dire , mettre une paflée plus courte
que celle que l'on treffe au bord du front.
Cqs perruques-c\ , qui ne font point ou-
vertes fur le front , comme celles que
nous venons de décrire , s'appellent bord
de front à toupet. Pour cet effet, il faut,
dans le milieu du rang du bord de front,
faire la largeur d'un pouce: de, treflè à
fimple tour, fin & ferré.. On rient le
bout plus court ; on fait une étoile der-
rière, & I pouce ou 2: de trefîê fur l'i
avec la tête plus longue & à fimple tour.
On la monte à-peu-près à l'ordinaire ,
commençant parles bords de front , l'étoile,
les tournans , les corps de rangs & le
devant, que l'on élargit , ou que. l'on
rétrécit plus ou moins , felôn que la mode
ou. le? perfoanes l'exigent. Jl.i6.f^t.^4f..
440 ? E R
'la iargeur du bout du doigt. On ne coud
jîoint les rangs de devant jufqu'à bord du
"front. Le bout que J'ai dit devoir être
:fait de la longueur d'un pouce ou deux,
doit être coufu derrière l'étoile à la petite
pointe. Il faut mettre le vifage de la tête
devant foi , & coudre cette trelTe à la
renverfe en zig^zag , bien près , au 4 ou 5
■petits rangs. On monte la plaque de der-
rière. Il faut en avoir environ une aune
où il y ait une paffée de frifée. On finit
le haut , comme nous avons dit , à la plaque
du bonnet. On la pafîe au fer , comme nous
l'avons dit des autres.
Pour la pafîer au cifeau , la façon efl
difFérenre ; car pour l'accommodage d'au-
jourd'hui , on les épointe. Autrefois , fi l'on
eût vu travailler ainfi, on auroit cru la
perruque perdue. Pour épointer , voici
comme on s'y prend. La perruque étant
furie 6, le 5 & le 4, on prend les deux
premiers rangs ; on commence par l'étage
du 4 : on a des cifeaux à découper ; on
tient de la main gauche la pointe du
cheveu , & le cifeau de la main droite.
On coupe légèrement la pointe , toujours
en effilant légèrement jufqu'à la pointe du
cheveu , & de même jufqu'à la fin du rang.
On reprend enfuite ceux du 5 > & l'on en
fait autant jufqu'à l'i , & jufqu'au devant,
toujours de 2, rangs en 2 rangs , & jamais
plus large que 2 lignes. Dans \qs courts,
"fur le bord du front , on les épointe
prefque de paffée en pafîee. C'eft un
ouvrage très-long & très-difïîcile ; quel-
quefois un jour n'y fuffit pas. Pour que les
2. côtés foient égaux , il faut une attention
& une régularité infinie. Quelquefois on
gâte un tiers des cheveux qui font à la
perruque. On met aufii des frifons ou
favdjris qui tombent fur le cou. On fait
à-peu-près une demi-aune de treffe fur un
paquet épointe , du 2 , du 3 & du 4 en-
femble , que l'on coud en zigzag fur le
ruban qui fe trouve au bas de l'oreille.
La perruque épointée , on coule les cilèaux
•en defcendant , comme nous avons dit
aux autres. Enfuite on la démonte, &
l'on coud par derrière une jarretière du
côté- droit , large du ào'igt. , & de l'autre
côté un autre bout de jarretière avec une
toiicle d'acier, H faut coudre cette jar-
î> E R.
retîere au tout du ruban bien fermé ?
afin qu'en ferrant elle n'échappe point.
Pour que la perruque ferre également , il
faut faire attention que la boucle fe trouve
jufle dans la follette du cou. Ceci fait ,
on démonte la perruque , on paffe la foie ,
& on repaffe un peu le fer fur les bords,
comme nous avons dit : on la repeigne â
fond , & tout efl fini.
De la perruque nouée à oreille. La mon-
ture s'en fait à-peu-près de inême qu'à la
perruque à bourfe.
Une perruque nouée , telle que celle-ci ,
fe fait communément avec un toupet ,
comme nous l'avons expliqué de la perruque
à bourfe , excepté que le devant eft de
beaucoup plus étroit que le dernier corps
de rangs , comme nous le marquons à la
mefure. On peut faire auffi un devant
ouvert , comme nous Tapons dit en parlant
d'une autre perruque nouée ; toutes les
trelfes fe montent de mêm.e, à la réferve
des nœuds qui doivent être un peu longs
de cheveux , puifqu'on les monte plus
haut. Il faut trefîer ces nœuds plus fins,
& faire au moins une demi-aune de trèfle
de fuite de chaque ' côté : on coud en
allant & venant. Si l'on veut que l'ac-
commodage foit en grolîès boucles déta-
chées , il faut répointer comme à la per-
ruque à bourfe. Si on la veut toute peignée ,
on l'étage comme l'autre , on pafîe le fer
&c les cifeaux comme aux perruques à
bourfe ; on la démonte ; on ôte le fil ;
on paffe la foie ; on repalîe le fer , & on
la peigne à fond.
Des perruques quarrées à oreilles. La
monture eft à-peu-près celle des perruques
nouées, & la treffe à-peu-près la fnême ,
hors le bas qui doit erre plus garni.
Le 1^'^ tour jufqu'au 6 doit erre rreffé lé-
gèrement , le 2 doit l'être de même ; mais
depuis le 6 du premier jufqu'à la fin , ils
doivent être de la même garniture que
nous avons fpécifiée à l'autre perruque
quarrée.^ Les quatre petits rangs doivent
être auflî treffés , un peu garnis , & le
rcfte comme le milieu d'une perruque.
Quand les rangs font montés , on monte
le boudin. Les autres treffes font les mêmes
qu'aux autres perruques ', on paffe de même
le fer & ks cifeaux.
II
P E R P E R. 441
II faut faire deux tournans âe même, T qui efl déj'a montée auprès d« devant ,
un peu garnis depuis le 6 juiqu'au bout
& légers depuis le 5. Il faut que les qua-
tre ou cinq premiers grands corps de rangs
foicnt trèfles garnis ; le refte des grands au-
tant fur le devant que fur le derrière , & les
autres à proportion. Si l'on veut , on peut
faire un petit devant ouvert; mais d'ordi-
-naire on les fait avec un roupet. Ces bon-
nets-ci fe montent à-peu-près de même que
les autres ; on les épointe , on les coupe
aux cifeaux , & on les pafle au fer comme
la perruque à bourfe.
La différence qu'il y a entre uncperru-
que à oreille & une autre , c'efl que le
ruban & la trèfle n'en avancent pas tant
fur les joues ; il faut que ce foient \qs che-
veux qui les couvrent ; c'ed pourquoi on
les travaille plus au long. Les étages ne peu-
vent fe fuivre de trop près.
Cette perruque fe monte & fe trefl'e
comme les bonnets à oreille : on ferre Les
rangs fur l'oreille un peu plus que fur le
derrière. Si l'on veut une tonfure ouverte ,
il faut prendre une coëtfe qui ne foit point
finie derrière. En Pétendant fur le devant
de la tête , la coëfFe s'ouvre derrière ;
quand on l'a au point que l'on veut , on
pafle un fil dans toutes les mailles , & on
l'arrêre en renouantles deux bouts enfemble;
on pafl^e enfuite les cifeaux & le fer comme
aux autres.
La perruque naturelle à oreille , fe trèfle
comme les autres , le bas un peu garni ;
la monture eft la même qu'aux autres 1
perruques à oreille. Il faut obferver que la
plaque en efl difficile à préparer : il en
faut faire plulreurs paquets ; que ce foient
6cs cheveux lilfes & naturels , & qu'elle ne
tombe pas trop longue dans les frifés. A
mefuiT que l'on fait des rangs , il faut en
orcr un des courts & en remettre un plus
long. Quand on a fini le rang , il faut com-
mencer la plaque en faifant de petits rangs
fur deux ou trois paquers , & les remettre
toujours les uns dans les autres ; ils en
feront plus épointés. A mefure que l'on
monte plus avant , il faut toujours en re-
mettre de plus longs , pour que la plaque
retombe dans la féconde bouche du bas.
A l'égard de la monture, du dégraifl"age,
de la coupe aux cifeaux , & du fer , c^dï
la même chofe qu'aux autres perruques -à
oreille.
Des perruques de femme y que Von ap-*
pelle communément chignons. Ce font les
perruques les plus modernes , puifqu'ii
n'y a pas plus de vingt ans (*) que l'on
en porte ; elles ne fe font perfeâionnées ,
comme on les voit aujourd'hui , que depuis
dix ans. La monture fe fait à-peu-près
comme une monture à oreille. Pour qu'elles
aillent bien , il faut exaâement fe confor-
mer à la manière dont les perfonnes ont
les cheveux plantés , puifque l'on rejette
deflus les tempes & le toupet. Il faut com-
munément que le front foit rond & étroit »
la pointe un peu aiguë , & la tempe très-
droite ; le bas venant un peu de la joue »
& pointu ; l'oreille point trop en arrière ;
la partie de derrière l'oreille très-rabattue.
Enfuite on fait une avance au bas de l'o-
reille. Il ne faut point que le ruban foit
ouvert , mais qu'il foit coufu comme aux
montures fermes. On met un peu de bou-
gran à la pointe du front , de la largeur
du doigt ; de même qu'à la pointe de la
tempe , au bas de l'oreille , on met du fil
d'archal brûlé , que l'on coud de la largeur
de trois doigts , de la hauteur de tout le
ruban. On ne met point de coëlïè ; on y
coud un taflPetas avec attention, pour qu'il
ne poche point , & on n'y met point de
ruban large. Pour la conduite , on n'a point
de mefure ; on travaille avec àt^ trèfles
de fuite , d'abord fur le court qui efl i ; les
hauteurs les plus longues pour le bas , ne
pafl^nt point le S. Nous avons dit que la
frifure fe frife très - petite & toute roulée.
Si l'on veut que le chignon foit tout à plein
& tout bouclé , il faut coudre la valeur de
deux aunes du 6, fi la perfonne pour qui
l'on travaille a le cou long ; fi elle ne l'a
pas long , le 5 luflit. Après le 2 on coud
deux aunes de fuite , & autant des autres
jufqu'aux plus courts. On coud la pluâ
courte à bord de front , & tournant on fait
C * ) Il y a vingt-cinq ans que cet article eft imprimé dans l'édition de Paris.
Tomt XXV, Kkk
44» ^E R
une face de la largeur de trois doigts , &
on coud tous les rangs en pente pour faire
la boucle en long. Les uns coufent le bas
en fer à cheval , les autres le coufent droit ;
cette façon de coudre dépend de la façon
d'accommoder. Il faut en tout que les tref-
£es foicnt un peu garnies , le bas davan-
tage , & montées les unes près des autres.
Un chignon doit avoir communément
quinze aunes de trèfles. Le haut fe finit
à- peu-près comme la plaque : on pafle
ceci au cifeau légèrement , & le bord légè-
rement au fer.
VoilA à -peu -près comme fe fait un
chignon plein. Il y en a en abbé , à la
parefleufe , d'autres avec deux boucles fur
l'oreille. Ceux d'abbés fe font pour la mon-
ture, comme nous avons dit : on fait derrière
la valeur de deux ou trois boucles , & en-
iliite on prend dès cheveux naturels de plu-
iieurs longueurs. Si l'on finit la brifure fur
le 4 , on fait un 4 de cheveux naturels peu
frifés , un 3 & un 2 , & on treffe propor-
tionnément pour faire les devans ; on coud
iept à huit petks rangs de courts frifés ;
enfuite on a une treffe faite avec des
cheveux un peu longs & crêpés forts , que
Ton trèfle &t que Ton coupe de la longueur
du doigt, & l'on en. forme la face ; on
monte ces treffës naturelles jufqu'en haut.
Quand on a coufu les frifés , on a de ces
frefîes crêpées , treflées avec une pafîee
de frifés , que l'on monte de même juf-
qu'au haut Ce font ceux à la parefleufe
qui paroiflent être frifés fans l'être, & qui
gonflent le moins. On fair aufli des favoris
de boucles : les favoris font très-anciens.
On les faiibit autrefois comme une efpece
de croiflânt fur lé front , comme on le
voit encore dans les ancieris portraits des
dames. Pour faire ces favoris , on faifoit une
trefîê de fuite qui étoit fur le i & le 2, , que
l'on montoit fur un ruban noir que l'on
attachoit aux cheveux en avant ou en ar-
rière , félon qu'on vouloir qu'il avançât.
Préfentement on fait de petites boucles
que l'on met fur les tempes ; on les fait
avec une treffe faite d'une frifure femblable
à celle du chignon , & on les monte fur
un fil d'archal brûlé , de la grofïèur d'une
petite paille ; fi on les veut à droite , on
hs raojite en tournant du côté droit, &
Pèk
de même à gauche : l'on plie le fîl d'archal^
qui prend la forme que l'on veut , & on le
coupe au bout où l'on peut attacher les
épingles ; on en fait de longues & de cour-
tes que Ton place au-deflus des oreilles
& au dedans , de façon qu'une femme peut
avoir le chignon retrouflé ; & en mettant
de ces boucles au bas des oreilles , on croit
qu'elle a le bas de fes cheveux frifés.
Il y a encore d'autres boucles qui fervent
pour les dames de cour : les fours des
grandes fêtes , elles en mettent quatre ou
fix ; les deux plus longues fe mettent fu?
le derrière. Elles portent ordinairement
trois quarrés. Il faut , pour qu'elles fafîerrt
bien le boudin , que ce foient des cheveux
qur ne crêpent point , au contraire qu'ils
foient liffes & frifés naturellement : la fri-
fure fe fait comme nous l'avons dit de
la frifure des boucles. Les deux d^enfuite
font de demi-aune ; elles fe pofent derrière
les oreilles : les deux autres font d'un quart
& demi , elles fe pofent au - dcflbs des
oreilles. Ces boucles ne fe trefïènt point ;
on enveloppe la tète avec un ruban que l'on
noue ferme avec un fil fort , & on les atta-
che par le ruban avec des épingles.
On a enfuite la cadenette. Il faut avoir
une coupe de cheveux longs & garnis fans
être tirés.. Si elle efltrop quarrée , il faut
l'époînter , pour qu'elle foit plus groflè en
haut qu'en bas. Il faut qu'elle foit treflcc
gros & bien prefTé , & eniùite on la monte
fur un ruban pour un chignon de cheveux
droits : pour le revers de la cadenette , A
faut au contraire qu'il foit long & quarré.
On fait avec un ruban étroit une efpece de
rond"; puifque cette coëfFure ne prend que
derrière les faces , il ne faut ni pointe ni
rien qu'une efpece de calotte ; que le ruban
foit doublé tout autour pour y pafîer la
cadenette, donrlebout doit fortir par en
haut, pour fe cacher mieux fous la garnie
rure; on attache fur le ruban un réfean
fans le garnirde' taffetas ; on le trèfle garni",
& on le monte fur réfeau:
Dès tours qui atôngent les cheveux aux
gens de- robe.. On ne peut guère donner
de mefùre de ces tours , les cheveux man-
quant aux uns dans un endroit , aux autres
ailleurs. Il ne s^agit ici que d'une tête qui a
afïèz de cheveux> & q^i ne vcuf que les.
Rlonge* Si elle les a très-garnis deîrier e , ^
l'ouvrage devient plus difficile , attendu
qu'il faut que le bas foit encore plus garni
que le haut. Je TuppaCe que la perfonne air
les cheveux au lo derrière , & qu'elle
veuille fon tour au T") , il faut prendre 9 ,
10 , II , 12,13, 14 , 15 ; faire fur le i^
un petit rang de la largeur de trois doigts ,
& un peu garni ; on fait en fuite une me-
fure de la longueur d'une oreille à l'autre :
voici comme l'on fait.
9,10,11,12,13,14,15)15,14,13,11,11,10,9,
On travaille à trois foies ; dans le
milieu où il y a une raie , on met un fil ,
puis l'on continue le 15 , le 14 > & ^iri^
des autres. Avec les petits on a 2 (lir 15 , &
I fur chaque rang par les longs jufqu'au 1 1 ,
enfuite on coud tous les rangs enfemble ,
comme nous le dirons après. Si l'on veut
un tour en plein , pour garnir depuis le haut
de la tête jufqu'au bas , il faut faire une
mefure comme celle des tournans , mais
l'engager davantage. On treffe les tournans
jufqu'aux plus longs , & l'on met un fil fans
taire de féparation. Je fuppofe que la per-
fonne ait les cheveux épointés qui aillent au
16 , on fait un tour fur le 10.
Quand ce font des cheveux épointés fur
le 16 , il faut que la mefure conrienne
pour faire un tour en plein, obfervant que
ce n'en eft que la moitié. Il faut que l'autre
côté tienne enfemble fans féparation , feu-
lement par un fil que l'on met dans là trefîe
pour marquer le milieu ; on coud tous les
rangs les uns fur les autres , en ordre ,
<;omme la mefure l'indique ; enfuite on y
coud un cordonnet ou une corde à boyau ,
& l'on fait une eipece d'œillet avec la foie ;
on paiïe le cordonnet dedans , & on l'ar-
rête , après avoir bien pris (es dimenfions
pour la groflèur de la tête ; puis on borde
avec un ruban noir , pour que les bouts des
têtes de cheveux ne débordent point , &
on pofe en élevant les cheveux , on pafle les
cheveux du tour deflbus , en faifânt paffer
fes cordonnets fur la tète , & tirant le tout
■en devant. On peigne les cheveux pardefÏÏis,
^^ on ne voit rien du tout. On peut cou-
cha avec ; on le frife avec les cheveux, ^
JDQ ne l'ôte que pour peigner à fond.
P E R 445
II y a encore des tours pour les faces ,
que l'on fait à-peu -près comme celui que
nous venons de marquer jufqa'à 9 ; on met
de même un cordonnet en haut , & par
le bas deiix autres cordons que l'on noue
derrière : il faut pourtant après les frifés
y treflèr des cheveux droits , & l'on peut ,
en peignant en arrière , cacher les deux
cordons dont nous venons de parler.
Il y a des demi- perruques à mettre
pardeffus les cheveux , quelque quantité
que l'on en ait. On fait une monture ,
comme nous venons de dire pour les perru-
ques à bourfe. On travaille la face de
même , excepté que l'on emploie feulement
un demi- travers de doigt de lifîês , tref-
^és A fimple tour , puis un rang des mêmes
lifles auill bien garni , que l'on coud en
cercle jufqu'A l'endroit où l'on a fini d'at-
tacher le ruban large ; on commence de-
puis le coin d'une oreille en remontant
jufqu'au milieu de la raie du ruban large ,
& redefcendant de même jufqu'à l'autre
oreille ; après quoi on replifîê tous les
rangs ; on monte le vuide de liiïe jufqu'au
devant , comme aux autres perruques ; on
pafîe aux cifeaux & au fer. Après avoir
fini , on coupe les réleaux tout auprès du
rang dont nous venons de parler ; pour
lors il ne refte que la tace & quelque peu
de liffes pour couvrir les cheveux. On fe
fert de deux cordons qui fervent à ferrer
derrière.
On fiiît auflî des tempes de toupet*
Après avoir pris {^ts dimenfions , on tra-
vaille comme pour une monture ; on monte
le toupet de même , après avoir préparé
le rang du bord de front , on fait d'autres
petits rangs de la longueur du pouce , oa
y t'relTc derrière de la plaque. Si la per-
fonne a dei; cheveux en bourfe , on la met
longue ; fi elle porte des cheveux ronds,
on la met plus courte , comme celle d'un
bonnet. Après avoir pafîe au fer , on atta-
che deux cordons de foie noirs ; on ferre
derrière , comme nous l'avons. dit pour la
àtm\-perruque y ou bien on fe fert d'a-
gra flTes.
Voilà à-peu-près tout ce que l'on peut
dire d'un art dont le travail efl fi fubor-
donnc à la fantnifie. Qui ne riroit pas , en
efièt , de voir une perfonne maigre , à joues
Kkk a
444 P E R
creufes , à cou long , fe faire accommoder
bien court , bien en arrière , le derrière bien
accompagné , & prendre routes les pré-
cautions pollibles pour fe faire une tête de
mort ?
Des perruques à deux queues. Elles font
plus ordinaires dans les cours d'Allemagne
qu'ailleurs. On ne pouvoit fe préfenter
devant le père de la reine d'Hongrie d'au-
jourd'hui , fans ces deux queues ; jeunes
ou vieux , tous dévoient en avoir. Ces coëf-
fures fe portent pour les grandes fêtes &
pour les bals parés. Elles fervent auffi aux
comédiens dans les rôles de princes tra-
giques.
. Cts perruques fe treffent comme les
perruques naturelles dont le derrière de la
face iroit jufqu'à 12 ; & comme la mefure
ne croife pas , on remplit le vuide avec la
J)laque qui fert à faire les deux queues ; le
YQi\.t fe trelfe en diminuant , & finit de fe
trelîer de même. Communément on y
fait des devans à toupet , quoique l'on puiflè
y en ajuiler d'autres. La monture efî celle
d'une perruque à bourfe , & fe termine de
ia même manière. Il faut obferver qu'en
préparant les lifTes , il faut les faire époin-
itées dans le bas , pour que la queue aille en
diminuant. Il eiî à propos que le bas frife ,
pour qu'il forte une boucle à l'extrémité
des queues.
PERRUQUIER , f. m. {Art Méch.)
celui qui fait des perruques , & qui en fait
négoce. '
Comme l'ufage des perruques étoir rare
autrefois en France , les perruquiers refte-
rent long - temps fsns former de commu-»
nauté ; mais â mefure que l'ufage en devint
plus familier, on créa quarante-huit bar-
biers-baigneurs-étuvliles-/>frrz/gz/zVrj' , qui
furent confirmés par des arrêts du conleil
des II avril & $ mars 1634. Au mois de
mars 1^73, il s'en fit une nouvelle créa-
tion de deux cents maîtres ; c'efî cette com-
munauté qui fubfiffe encore aujourd'hui.
Les fîatiJts .de ce corps , drcfles au
confeil le 14 mars 1674, & enrégiflrés en
parlement le 17 août luivant , contien-
nent 36 articles. Les trois premiers concer-
nent l'éleâion de fix fyndics & gardes , &
règlent la quantité de voix néceifaire pour
ïÊÊtte éleâion.
P ER
Le 4 ordonne que les baflîns fervant
d'enfeignes ^ux perruquiers y feront blancs,
pour les difiinguer de ceux des chirurgiens ,
qui doivent être jaunes.
Les 5 , 6 & 7 , parlent des vilîtes des
prévôt , fyndics & gardes.
Les huit articles fuivans traitent des ap-
prentis , & de leur réception à maîtrife.
Le 23 défend de le fervir de la treffeule
de fon confrère , fans un congé par écrit.
Le 26 marque à qui il appartient de
convoquer les afîcmblées.
Le 29 leur -donne le droit exclufîf de
vendre des cheveux, & défend à toutes,
autres perfonnes d'en vendre ailleurs qu'au.-
bureau des perruquiers.
Je ne rapporterai point les autres articles,,
qui ne font que de difcipline.
PERSAN, f. m. (v^rJi/f.) c'ef} le
nom qu'on donne à des flatues d'hommes
qui portent des entablemens. Voye\ PeR-
SIQUE (ordre. )
PERSANES (Dynasties X, {Hift.^
de Perfe. ) Les auteurs perians comptent^
quatre dynaflies ou races des rois de Perfe ;^
1°. la race des Pifchdadiens ; 2°, celle des-
Kianans ; 3°. celle des Efchghaniens ; 4®; .
celle des Schekkans.,
Les Pifchdadiens ont pris leur nom de
Pifch y qui en pcrfàn figniiie prf ;n/>r , &
de dad qui fignifîe juftice y comme fi les
rois de cette race avoient été les plus
anciens adminiftrateurs de la juflice. Le
premier des trenre-fix rois de cette famille ,
efl nommé parles hifîoricns perfans Cdiou-
marath : il civiliia , difent-ils , les peu-v
pies, & leur fit quitter une vie fauvage ,
pour bâtir des maifons & pour cultiver la.
terre. *
La famille àts Kianans donna neuf rois
à la Perfe , dont le dernier efl nommé
par les mêmes hifloriens Ahkander ; c'efl
^Alexandre le Grand ,. à ce qu'ils préten-
dent.
La race ècs Efchganiens eut vingt-
cinq rois , dont les auteurs perfans nom-
ment le premier iSc/zaèwj, qui efl IçSapor
des. Romains.
La race dcsSchekkans a produit trente &
un rois, dont le dernier s'étant fait abhorrer
de fes iujets par Ion gouvernement tyran-
nique y fournit aux Arabes & aux Maho»
P E R
Cîétans le moyen de foumettre la Perfe à
leur domination.
PERSE (la), [Ge'ogr. 7no<^.) grand
royaume d'Afie , borné au nord par la
Circaffie & la Géorgie ; au midi , par le
golfe perfique & la mer des Indes ; au
levant , par les états du Mogol ; & au cou-
chant , par la Turquie afiatique.
Le mont Taurus la coupe par le milieu ,
â-peu-près comme 1 Apennin coupe l'Italie,
& il jette les branches çà & là dans diverfès
provinces , où elles ont toutes des noms
particuliers. Les provinces que cette mon-
tagne couvre du nord au fud , font fort
chaudes : les autres qui ont cette montagne
au midi ,. jouiffent d'un air plus tempéré.
Le terroir eft gÉiéralement fablonneux
& ilérile dans la jplaine , mais quelques
provinces ne participent point de cette
llérilité. Il y a peu de rivières dans toute
îa Perfe , & même il n'y en a aucune de
bien navigable dans toute fon étendue. La
plus grande , qui porte quelques radeaux ,
eftl'Aras , l'Araxes des anciens , qui coule
en Arménie ; mais fi le terroir, el^ fec par
le défaut de rivières , les Perfans, parleur
travail & leur indullrie, le rendent fertile
dans une grande partie de l'empire.
Le climat de Perfe eft admirable pour,
la vigne ; on y recueille d'excellent vin , du
riz , des fruits , & des grains de taute
efpece , excepté du feigle &. de l'avoine :
les, melons y font d'une grofTeur extraor-
dinaire , & d'un goût exquis. Dès qu'on a
pafl'é le Tigre , en tirant vers ce royaume ,
Qn ne trouve que àts rofes dans toutes les
campagnes.
Les montagnes font remplies dé gibier ;
mais la plus grande partie du commerce
confifle À élever une quantité prodigisufe
de vers à foie , dont on fait tous les ans
p!,us de vingt mille balles de foie , chaque
b^lle pefant deux cents feize livres. On en
v.end la plus grande partie en . Turquie ,
dans les Indes, & aux Anglois & Hollan-
dois qui trafiquent à Ormus. Une autre
branche du commerce de la Perfe ^ confiée
en magnifiques tipis , en toiles de coton ,
en étoiles d'or & d'argent , & en perles.
Lés Perfans foot d'une taille médiocre ,
maigres & fecs , comtne du temps d'Am-
mien Marcellin j mais forts & robufles. Ils
P E R 44-5
font de couleur olivâtre , & o':^.x. le poil
noir. Leur vêtement efi: une tunique de
coton ou de foie , large , qui del'cend jus-
qu'au gras de la jambe , & qu'ils ceignent
d'une écharpe , fur laquelle les gens très-
riches mettent une belle ceinture. Ils ont
fous c^iiQ tunique , quand ils fortent , une
vefte de foie deplufieurs couleurs ; leurs
chauffes font de coton , faites comme des
caleçons ; leurs fouliers font pointus au
bout , & ont le quartier fort Bas. Ils fe
peignent les ongles d'une couleur orangée.
Leur turban efl de toile de coton fine ,,
rayée , de différentes couleurs , & qui
fait plufieurs tours. Les grands du royaume
portent àzs bonnets fourrés , ordinairement
rouges. La coëfFure de leurs prêtres efî-
blanche , & leur robe efl de la même
couleur.
Les femmes opulentes font brillantes
dans leur habillement ; elles n'ont point- de
turban, mais leur front eft couvert d'un
bandeau d'or émaillé , large de treis doigts,
& chargé de pierreries ; leur tête efl cou-
verte d'un bonnet, brodé d'or, environné
d'une écharpe très-fine j qui voltige & def^
cend juiqu'à la ceinture ; leurs cheveux
font trcfîés, & pendent par derrière. Elles
portent au col des colliers de perles ; elles
ne mettent point de bas , parce que leurs
caleçons defcendent jufqu'au defîous de la
cheville du pié ; l'hiver elles ont des bro-
dequins richement brodés ; elles fe fer-
vent, comme les hommes, de pantoufles de
chagrin ; elles peignent en rouge leurs
ongles & le dedans des mains ; elles fe
noirciffent les yeux avec de \a turhie , parce
que les yeux noirs font \ts plus eilimés en
Perfe.
La dépenfe du ménage chez. les Perfans
efl fort^nédiocre , pour la cave & la cul-
fine : la toile de coton dont les bourgeois
s'habillent eft à grand marché : les meubles
confilfent en quelques tapis .: le riz fait la
nourriture de toute l'année : le jardin four-
nit le fruit , & le premier ruilTeau tient lieu
de cave. .
L'éducation confifîé à aller à l'école
pour y apprendre -à lire , & à écrire : les
metzides ou mofquées qui fervent pour la
prière , fervent aulli pour les écoles. Tout
le mande écrit, fui: le, genou., parce qu'eu .
44^ P E R
n*a point en Perfe Tufage des tables ^ ni
des fieges : le papier fe fait de chifFons de
coron ou de ibie ; on unit ce papier avec
une poliflbire , pour en ôter le poil.
La langue perfane fient beaucoup de
l'arabe, s'apprend aifément , & fe pro-
nonce un peu du gojier ; mais la plupart
des Pcrfans apprennent -avec leur langue
celle des Turcs qui eit familière à la cour.
Ils étudient encore dans leurs collèges
rarirhmétique , la médecine , l'adronomie,
ou plutôt l'aflrologic.
Le royaume eft un état monarchique ,
defpotique : la volonté du monarque fert de
loi. il prend le titre de /o/j/z/; & en qualité
<ie f.ls de prophète , il eiî en même temps
Je chef de la religion. Les cnfans légitimes
•iijccedcnt à la couronne : à leur défaut,
on appelle les fils des concubines ; s'il ne
•fe trouve ni des uns , ni des autres , le
plus prodie d.s.s parens du côté paternel ,
devient roi. Ce font comme les princes du
'fang ; mais la figure qu'ils font eft bien
trifte : ils font fi pauvres , qu'ils ont de
,1a peine à vivre. ï-.ts fiis du fophi font
encore plus malheureux : ils ne voient
jamais le jour que dansîe fond du ferrail ,
d'où ils ne fortent pas du vivant du roi. Il
n'y a que le fucce^eur iiu tronc qui ait ce
^bonheur : & la première chofe qu'il fait ,
eft de priver fes tr-eres de l'ufage de la
-vue , en leur faifant pafîèr un fer rouge
.devant les yeux , pour qu'ils ne puiftent
xifpirer à la couronne.
Après le fophi , les grands pontifes de
■la religion mahomctane tiennent le premier
rang à fà cour ; ils font au nombre de
<5uatre. Le premier pontife de Peife s'ap-
pelle fadre-cajja ; il eft le chef de l'em-
pire pour le fpirituel , gouverne lèul la
confcience du roi, & régie la cour & la
ville d'Hifpahan , félon les règles de Tal-
<:oran. Il eft tellement révéré , que les rois
prennent ordinairement les filles des fadres
pour femmes. Il commet le fécond pon-
tife pour avoir foin du refte du royaume ,
& établit des vicaires dans toutes les villes
capitales des provinces. On lui donne la
qualité de nabab , qui veut dire , vicaire
de Mahomet & du roi.
Il y a fix miniftres d'état pour le gouver-
«emenc du royaume , & çhac^in a fbn
P E fc
départeinent ; on les appelle rhona-dolpet^
'c'eft-à-dire les colonnes de l'empire. Le
premier eft le grand vifir , appelle etma-
doulet-itimad-ud-dewlet y c'eft-à-dire, l'ap-
pui de la puiffance ; il eft le chancelier du
royaume, le chef du confeil , le fur-inten-
dant des finances , àts affaires étrangères y
& du commerce ; toutes les gratifications
& les penfions ne fe paient que par fon
ordre. Je ne parlerai point des autres
colonnes de l'état perfans ; c'eftafîez d'avoir
nommé la principale.
L'ufage des feftins pubHcs eft bien
ancien en PerA, puifque le livre d'Efther
fait mention de la fomptuofité du banquet
d'Aflûérus. Ceux que le fophi fait aujour-
d'hui par extraordinaire , font toujours
fuperbes , car on y étale ce qu'il y a de plus
précieux dans fà maifon.
Toute la Perfe eft , pour ainfi dire , da
domaine du roi ; mais lès revenus confiftent
encore en impôts extraordinaires , & en
douanes qu'il afferme : les deux principales
font celle du golfe perfique , & celle de
Ghiian ; cqs deux douanes font affermées
à environ 7 millions de notre mon noie. Les
troupes de fa maifon , qui montent à qua-
torze mille hommes , font entretenues fur
les terres du domaine ; celles qu'il emploie
pour couvrir fes frontières , peuvent monter
à cent mille cavaliers , qui lont auffi entre-
tenus fur le dornaine. Le roi de Perfe n'a
point d'infanterie réglée ; il n'a point non
plus de marine. Il ne tiendroit qu'à lui
d'être le maître du golfe d'Ormus , de la
mer d'Arabie , & de la mer cafpienne ; mais
\qs perfans déreftent la navigation.
Leur religion eft la raahométane , avec
cette différence des mu£ilmans , qu'ils
regardent Ali pour le fucceffeur de Maho-
met ; au lieu que les mufulmans préten-
dent que c'eft Omar. Delà naît une haine
irréconciliable entre les deux nations.
L'ancienne religion des mages .eft entiè-
rement détruite en Perfe ; on nomme
les feflateurs ^^Hr-^j , c'eft-:i-dire ido'arres:
ces gay/es n'ont cependant point d'idoles,
& méprifent ceux qui les adorent ; mais ils
font en petit nombre , pauvres , ignorans
& grofîiers.
Si la pli^art des princes de l'Afie oct
coutume d'aifeâer des titrçs vains & poojr»
FER
oeux , c'efi principalement du monarque"
perfan qu'on peut le dire avec vérité. Rien
n'efl plus plailânt que le titre qu'il met à la
tète de Tes diplômes ; il faut le tranfcrire ici
par lingularité.
« Sultan Uflein , roi de Perfe , de
Parthie , de Médie , de la Badriane ,
de Chorazan , de Candahar , des Tar-
tares Usbecks , des royaumes d'Hir-
canie , de Draconie , de Parménie , d'Hi-
dafple , de Sogdiane , d'Aric , de Paropa-
mize , de Drawgiane , de Margiane & de
Caramanie , jufqu'au fleuve Indus , fultan
d'Ormus , de Larr , d'Arabie , de
Suiiane , de Chaldée , de Méfopo-
tamie , de Géorgie , d'Arménie , de
Circaffie ; i'eigneur des montagnes
w impériales d'Ararac ,. de Taurus , du
>9 Caucafe ;. commandant de toutes les
» créatures , depuis la merde Chorazan,
» jufqu'au golfe de Perfe ,• de la famille
« d'Ali ;. prince des quatre fleuves , l'Eu-
99 phratc , le Tigre , l'Araxe & l'Indus ;
» gouverneur de cous les fultans , empe-
f> reur des Mufulmans , rejeton d'hon-
fy neur , miroir de vertu , fie rofe de
»■ délices , &c. »
La Perfe eu fituée entre le 79 & le
loS'l de longitude , &. entre le 2,5 &.le 42^* de
latitude. On la divife en treize provinces ,
dont flx à l'orient, quatrs au nord, &
trois au midi.
Les fix provinces à l'orient , font celles
de Send , Makeran y Sitziftan , Sabiufîan ,
Khorafan , Eiîarabadc.
Les quatre au nord font Mafanderan ou
Tabriflan , Schirv-an , Adirbeizan , Frak-
Atzem , qui renferme Hifpahan , capitale
de toute la Perfe.
Enfin les trois provinces au midi font
Khufiflan , Farfiflan ou Fars, & Kirman.
( Le chevalier de JaucO UR t.)
Perses, {empire des) Hift. anc.Ùmod.
L'ancien empire àts Perfes étoit beaucoup
plus étendu que ce que nous appelions
aujourd'hui la Perfe i cîir leurs rois ont
quelquefois fournis prefque toute rAlie à
leur domination. Xerxès fubjugua même
toute l'Egypte, vint dans la Grèce , &
s'empara d'Athènes ; ce qui montre qu'ils
ont
dajas
FER 44.7
Perfépolis , Suze , & Ecbatane , étoient
les trois villes où les rois de Perfe fai-
foient alternativement leur réfidence ordi-
naire. En été ils habitoient Ecbatane ,
aujourd'hui Tabris ou Tauris , que la
montagne couvre vers le fud-oueft contre
les grandes chaleurs. L'hiver ils féjournoient
à Suze dans le Suziflan , pays délicieux y.
où' la montagne met les habitans à cou-
vert du nord. Au printemps & en automne,
ils fe rendoient à Perfépolis , ou à Baby-'
lone, Cyrus , qui efl regardé comme le
fondateur de la monarchie d'es Ferfes , fi'?
néanmoins de Perfépolis la capitale de fort
empire , au rapport de Strabon , /. XV'.
Celte grande & belle monarchie dura
deux cents fix ans fous douze rois, donc
Cyrus fut le premier , & Darius le dernier.
Cyrus régna neuf ans depuis la prife de
Babylone , c'eft-à-dire , depuis l'an du
monde 34^5, jufqu'en 3475 , avant J. C^-
52.5. Darius , dit Codomanus , fut vaincu-
par Alexandre le Grand en 3^74 , après-
lix ans de règne : &: de la ruine de la mo-r
narchie àes Perfes , on vit naîrre li
troifieme monarchie du monde , qui fur
celle de Macédoine , dans la perfônne.
d'Alexandre, ■
La- Perfe , après avoir obéi quelqu:i
temps aux Macédoniens, & enfuité aux
Parthes , un fimple foldat perfan , qui prit
le nom (^ Artaxare , leurenkva ce royaume,
vers l'an '2.2.6 de J. C. & rétablit Vempire.
des Perfes ^ dont l'étendue ne difFéroic
guère alors de ce qu'il efl aujourd'hui.
Noufchir>s?an , ou-Khofroës le grand,,
qui monta fur le trône l'an 531 de l'ère
chrétienne ,. cfl un des plus grands rois
de l'hifloire. Il étendit fbn empire dans
une partie de l'Arabie Pétrée , & de celle
qu'on nommonHeurenfe. Il reprit d'abord
ce que les princes voifms avoienr enlevé
aux rois fes prédéceffeurs ; enfuite il. fou-
mit les Arabes, les Tartares , jufqu'aux
frontières de la Chine. Les Indiens voifins
du Gange , & les empereurs grecs , furenc
contraints de lui payer un tribut confidé-
rafels/
Il gouverna fès peuples avec beaucoup
de fageflê : zélé pour l'ancienne religion
porté^ leurs armes vidorieufès jufques de la Perfe , ne refufant jamais fà protecr-
i l'Afriqye & dans l'Eu ropr, i-tion à ceux qui étoient opprimés , puoif»
4+^ . P,!.^ , ,
fant le crime avec fevérité , & recompetî-
fanc la vertu avec une libéralité vraiment
royale ; toujours attentif à faire fleurir
l'agriculture & le commerce , fiivorifant
les progrès des fciences & des arts , 6c ne
conférant les charges de judicature qu'à *
dts perfonnes d'une probité reconnue , il
fe fit aimer de tous fes fujets , qui le
regardoient comme leur père. Il eut un
fils nommé Hormiidas , à qui il fit époufer
la fille de l'empereur des Tartares , & qui
l'accompagna dans fon expédition contre
Its Grecs.
Noufchirwan , alors âgé de plus de
80 ans , voulut encore commander {^^
armées en perfonne ; il conquit la province
de Mélitene ; mais bientôt après , la
perte d'une bataille où fon armée fut taillée
en pièces , le mit dans la rriffe néceflité
de fuir , pour la première fois , devant
l'ennemi , & de repafTer l'Euphrate à la
nage fur un éléphant. Cette difgrace pré-
cipita fes jours : il profita des derniers
momens de fà vie pour dider fon tefla-
ment ; & ce telîament , le voici tel que
M. l'abbé Fourmont Ta tiré d'un manul-
crit turc.
« Moi , Noufchirwan , qui poffede les
>î royaumes de Perfe , & des Indes,
>5 j'adrefle mes dernières paroles à Hor-
yy mizdas mon fils aine , afin qu'elles foient
» pour lui une lumière dans les tét\é:^rts ,
» un chemin droit dans les déferts , une
?j étoile fur la mer de ce monde.
yy Lorfqu'il aura fermé mes yeux , qui
?) déjà ne peuvent plus foutenir la lumière
■>y du folcil , qu'il monte fur mon trône ,
» & que delà il jette fur mes fujets une
» fplendeur égale à celle de cet aflre. Il
5j doit fe refTouvenir que ce n'efl pas pour
« eux-mêmes que les rois font revêtus du
>î pouvoir fouverain , & qu'ils ne font à
» l'égard du refie des hommes , que comme
93 le ciel efl à l'égard de la terre. La terre
>> produira-t-elle des fruits , fi le ciel ne
7i l'arrofe ? jj
» Mon fils , répandez vos bienfaits
f> d'abord fur vos proches , cnfuite fur
« les moindres de vos fujets. Si j'ofois,
» je me propoferois à vous pour exemple;
» mais vous en avez de plus grands. Voyez
» ce folcil ; il part d'un bout du monde
P E R
» pour aîkf à l'autre ; il fè cache y S
» fe remontre enfuite ; & s'il change de
y> route tous les jours , ce n'efl que pour
>i faire du bien à tous. Ne vous montrez
yy donc dans une province que pour lui
yy faire fentir vos grâces ; & lorfque vous la
" quitterez , que ce ne foie que pour faire
yy éprouver à une autre les mêmes biens.
>3 II eft des gens qu'il faut punir , le
» foleil s'éclipfe : il en efl d'autres qu'il faut
') récompenfer, & il fe remontre plus beau
» qu'il n'étoit auparavant : il efl toujours
» dans le ciel , foutenez la majeflé royale : il
»> marche toujours , foyez fans cefTe oc-
yy cupé du foin du gouvernement. Mon
yy fils , préfentez-vous fouvent à la porte
yy du ciel , pour en implorer le fecours dans
» vos befoins ; mais purifiez votre âme
>j auparavant. Les chiens entrent-ils dans
» le temple? Si vous obfervez exaftement
yy cette règle , le ciel vous exaucera ; vos
yy ennemis vous craindront ; vos amis ne
» vous abandonneront jamais ; vous ferez
» le bonheur de vos fujets ; ils feront votre
yy félicité.
» Faites juflice , réprimez les infolens ,
» foulagez le pauvre , aimez vos enfans ,
» protégez les fciences , fuivez le confeil
yy des perfonnes expérimentées , éloignez
« de vous les jeunes gens , & que tout
» votre plaifir foit de faire du bien. Je
» vous lailîe un grand royaume \ vous le
yy conferverez fi vous fuivez mes confeils ;
» vous le perdrez fi vous en fuivez d'au-
« très. »
Noufchirwan mourut l'an 578 , & Hor-
mizdas , qui lui fuccéda , ne fuivit point
fes confeils. Après bien des concuffions ,
il fut jugé indigne de fii place , & dépofé
juridiquement , par le confentement una-
nime de toute la nation aflémblée. Son
fils , mis fur le trône à fa place , le fit
poignarder dans fa prifon : ce fils lui-
même fut contraint de fortir de fon
royaume , qui devint la proie d'un fujet
de Waranes , homme de grand mérite j
mais-qui fut enfin obligé de fe réfugier chez
les Tartares , qui l'empoifonnerent.
Sur la fin du règne de Noufchirwan ,
riaquir Mahomet à la Mecque , dans l'Ara-
bie Pétrée , ^ 570, Bientôt , profitant des
guerres civifès des Perfans , il étendit chez
eux
P E R
eux Ta puifTxhce Ôc fa domination. Omar ,
fon fuccefieur , poufTa encore plus loin les
conquêtes : Jédalgird , que nous appelions
Jiormiidas TV , perdit contre fcS lieute-
nans , à quelques lieues de Madaïn ( l'an-
cienne Ctéfiphon des Grecs ) , la bataille
ôc la vie. Les Perfans pafïèrent fous la
domination d^Omar plus facilement qu'ils
n avoienr fubi le joug d'Alexandre.
Cette fervitude fous les Arabes , dura
jufqu'en tzjS , que la Perfe commençai
renaître fous Tes propres rois. Haalou re-
couvra ce royaume par le fuccès de fes
armes ; mais au bout d'un fiecle , Ta-
merlan , kan des Tartares , Ce rendit maître
de la Perfe , l'an 1369 , fubjugua les
Parthes , & fit prifbnnier Bajazet I , en
1402. Ses fils partagèrent entr'eux Ces
conquêtes , & cette branche régna jufqu'à
ce qu'une autre dynalHe de la fadtion du
mouton blanc , s'empara de la Perfe en
1469.
UtTum Caiïan , chef de cette fadion ,
étant monté fur le trône , une partie de la
Perfe , flattée d'oppofer un culte nouveau
à celui des Turcs , de mettre Ali au-deflus
d*Omar , & de pouvoir aller en pèlerinage
ailleurs qu'à la Mecque , embrafTà avide-
ment ce dogme que propofa un Perfan
nommé Xeque-Aidar , & qui n'efl: connu
de nous que fous le nom de Sophi , c'eft-
à- dire , fnge. Les femenccs de cette opi-
nion étoient jetées depuis long-temps j
mais Sophi donna la forme à ce fchiime
politique ôc religieux , qui paroît aujour-
d'hui nécclîàire entre deux grands empires
voifins , jaloux l'un de l'autre. Ni les
Turcs ni les Perfans n'avoient aucune
raifon de reconnoître Omar ôc Ali pour
fuccefîèurs légitimes de Mahomet. Les
droits de ces Arabes qu'ils a voient chartes ,
dévoient peu leur importer ; mais il im-
portoit aux Perfans que le iiege de leur
religion ne fût pas chez les Turcs. Ce-
pendant Uflum Caflan trouva bien des ,
contradideurs , & entre autres Ruftan ,
qui fit aflartîner Sophi en 1499. ^^ ^"
réfulta d'étranges révolutions , que je vais
tranfcrire de l'hiftoire de M. de Voltaire ,
qui en a fait le tableau curieux.
Ifmaël , fils de Xeque-Aidar , fut a fiez
courageux ôc aflez puiflant pour foutenir '
Tome XXV.
la doctrine de ion père les armes à la
main \ Ces difciples devinrent des foldats.
Il convertit ôc conquit l'Arménie , fui»-
jugua la Perfe , combattit le fulran des
Turcs , Sélim I , avec avantage , "& laifii
en i5'24 à fbn fils Tahamas , la Perfe
puiflànte & paifible. Ce même Tahamat^
repoufià Soliman , après avoir été fur le
point de perdre fa couronne. Il laifî*
l'empire, en 1576 , à Ifmaël II , fon fils,
qui eut pour fucceflèur , en ijSy , Scha-
Abas , qu'on a nommé le grand.
Ce grand homme étoit cependant cruel ;
mais il y a des exemples que des hommes
féroces ont aimé l'ordre ôc le bien public.
Scha-Abas , pour établir fa puifiànce , com-
mença par détruire une milice telle à-peu-
près que celle des janiflaires en Turquie ,
ou des fi:relets en Ruffie j il conftruifin
des édifices publics ; il rebâtit des villes ;
il fit d*utiles fondations : il reprit fur les
Turcs tout ce que Soliman ôc Sélim
avoient conquis fur la Perfe. Il chafia
d'Ormus, en léii , par le fecours des An-
glois , les Portugais qui s'étoient emparés
de ce port en 1J07. Il mourut en 1619.
La Perfe devint (bus fbn règne extrê-
mement florilTante , & beaucoup plus
civilifée que la Turquie ; les arts y étoient
plus en honneur , les mœurs plus douces ,
la police générale bien mieux obfervée. Il
cft vrai que les Tartares fubjuguerent deux
fois la Perfe après le règne des Califes
arabes ; mais ils n'y abolirent point les
arts ; & quand la famille des Sophi régna,
elle y apporta les mœurs douces de l'Ar-
ménie , où cette famille avoir habité
long-temps. Les ouvrages de la main paf-
foient pour être mieux travaillés , plus
finis en Perfe qu'en Turquie ; & les fcien-
ces y avoient biens d'autres encoura-
gemens.
La langue perfme , plus douce ôc plus
harmonieule que la turque , a été féconde
en poéiies agréables. Les anciens Grecs ,
qui ont été les premiers précepteurs de
l'Hurope , font encore ceux des Perfans.
Ainfi leur philofophie étoit au feizieme ôc
au dix-leptieme liecles , à-peu-près au
même état que la notre. Ils' tenoient l'aC
crologie de leur propre pays , ôc s'y arta-
choient plus qu'acun peuple de la terre,
Lli
450 P E R
Ils étoient comme plufieurs de nos nations ,
pleins d^erprit Se d'erreurs.
La cour de Perfe étaloit plus de magni-
ficence que la Porte -ottomane. On croit
lire une relation du temps de Xerxès ,
quand on voit dans nos voyageurs , ces
chevaux couverts de riches brocards , leurs
harnois brillans d'or ôc de pierreries , & ces
€[uarre mille vafes d'or , dont parle Char-
din , lefquels fervoient pour la table du roi
de Perfe. Les chofes communes , & fur-
tout les comeftibles , étoient à trois fois
meilleur marché à Ifpahan &c à Conftan-
tinople , que parmi nous. Ce prix eft la
démonftration de l'abondance.
Scha-Sophi , fils du grand Scha-Abas ,
mais plus cruel , moins guerrier , moins
■jpolitique , & d'ailleurs abruti par la
débauche , eut un règne malheureux.
Le grand-Mogol Scha-Géan enleva Can-
dahar à la Perfe , & le fultan Amurath IV
prit d^aHaut Bagdad en 1638.
Depuis ce temps , vous voyez la mo-
narchie perfme décliner fenfiblement ,
)ulqu'à ce qu^'enfin la moUefle de la dynaftie
des Sophi j a caufé fa ruine entière. Les
eunuques gouvernoient le ferrail & l'em-
pire fous Muza- Sophi , & fous Huflèin ,
le dernier de cette race. C'eft le comble
de l'avilifleraent dans la nature humaine ,
& l'opprobre de Torient , de dépouiller
Jes hommes de leur virilité ; & c'eft le
dernier attentat du defpotifme , de confier
le gouvernement à ces malheureux.
La foiblefle de Scha-Hufleîn , qui monta
fur le trône en 1694 , faifbit tellement
languir l'empire , & la confufion le trou-
bloit il violemment par ks faélions des
eunuques noirs & des eunuques blancs ,
que fi Myir-VVeis & fes Aguans, n'avoient
pas détruit cette dynaftie , elle l'eût été
par elle-même. C'eft le fort de la Perfe ,
que toutes fes dynafties commencent par
ia force , & finifïènt par la foiblelTe.
Prefque toutes les familles ont eu le fort
de Serdan-PuU , que nous nommons Sar-
danapàle.
Ces Aguans , qui ont bouleverfé la Perfe
'^ au commencement du fieclc où nous fom-
"*' mes , étoient une ancienne colonie de
Tartares , habitant les montagnes de
GandahajT , entre Plnde & la Perfe. Pref-
P E R
que toutes les révolutions qui ont change
le fort de ce pays-là , font arrivées par
des Tartares. Les Perfans avoient recon-
quis Candahar fur le Mogol , vers l'an
16 yo fous Scha-Abas II , & ce fut pour
leur m.alheur. Le miniftere deScha-Huifein,
petit-fils de Scha-Abas II , traita mal les
Agunns. Myrr-VVeis , qui n''étoit qu'un par-
ticulier , mais un particulier courageux dc
entreprenant , fe mit à leur tête.
C'eft une de ces révolutions , oii le
caradlere des peuples qui la firent , eut
plus de part que le caractère de leui-s
chefs : car Myrr-Weis ayant été aflaiïiné,
& remplacé par un autre barbare nommé
Maghmud y Ibn propre neveu qui n'étoit
âgé que de dix-huit ans , il n'y avoit pas
d'apparence que ce jeune homme pût faire
beaucoup par lui-même , ôc qu'il conduisît
fes troupes indifciplinées de montagnards
féroces , comme nos généraux conduifent
des armées réglées. Le gouvernement de
Huflein étoit méprifé , S<. la province de
Candahar ayant commencé les troubles ,
les provinces du Caucafe du côté de la
Géorgie , fe révoltèrent auffi. Enfin ,
Maghmud aiîîégea Ifpahan en 171 z \ Scha-
Hufïèin lui remit cette capitale , abdiqua
le royaume à les pies , & le reconnut
pour fon maître , trop heureux que Magh-
mud daignât époufer fa fille. Ce Maghmud
crut ne pouvoir s'affermir qu'en faifant
égorger les familles des principaux citoyer/s
de cette capitale.
La religion eut encore part à ces dé-
fblations : les Aguans tenoient pour Omar ,
comme les Perfans pour Ah : & Maghmud
chef des Aguans , mêloit ks plus lâches
fupcrftitions aux plus déteftables cruautés.
Il mourut en démence en 172 j , après
avoir défolé la Perfe^
Un nouvel ufurpaieur de la nation des
Aguans , lui fuecéda. Il s'appelloit AskrafTy
ou Archruff , o-u Echeref ; car on lui
donne tous ces noms. La défolation de la
Perfe redoubloit de tous côtés. Les Turcs
l'inondoient du côté dç la Géorgie , l'an-
cienne Colchide. Les Ruffes fondoient fur
Çgs provinces , du nord à l'occident dc lia.
mer Cafpienne , vers les portes de Derba/t
dans le Shirvant , qui étoit autrefois l'ibéris;
ôc l'Albanie.
P E R
Un des fils de Scha-HufTein , nommi
Thamas , échappé au malTacre de la famille
impériale , avoic encore des fujecs fidèles,
qui Ce rairemblerent autour de fa perfonnc
vers Tauris. Les guerres civiles de les
temps de malheur produiiirenc toujours
des hommes extraordinaires , qui eutlent
été ignorés dans des temps paifibles. Le
fils du gouverneur d'un petit fort du
Khorafan , devint le proteâreur .du prince
Thamas , ôc le foutien du trône , dont il
fut enfuite l'ufurpateur. Cet homme , qui
y'eft: placé au rang des plus grands con-
quérans , s'appelloit Nadir ( Shak. )
Nadir ne pouvant avoir le gouverne-
ment de fon père , fe mit à la tête d'une
troupe de foldats , & fe donna avec fa
troupe au prince Thamas. A force d'am-
bition , de courage , & d'adtivité , il fut à
la tête d'une armée. Il fe fit appeller alors
Thamas Kouli-Kan , le kan efclave de
Thamas. Mais Tefclave étoit le maître fous
un prince aullî foible & auiïï efféminé
que Ion père Huflein. Il reprit Ifpahan &
toute la Perfe , pourfuivit le nouveau roi
Airaf jufqu'à Candahar , le vainquit , le
prit prifonnier en 1729 , &: lui fit couper
la tête après lui avoir arraché les yeux.
,Kouli-Kan ayant ainfi rétabli le prince
Thamas fur le trône de fes aïeux , & l'ayant
mis en état d'être ingrat , voulut l'empê-
cher de l'être. Il l'enferma dans la capi-
tale du Khorafan , & agilîant toujours
au nom de ce prince prifonnier , il alla
faire la guerre au Turc , fâchant bien
qu'il ne pouvoit affermir fa puifTance ,
que par la même voie qu'il l'avoir acquife.
Il battit les Turcs à Erivan en 175(3 ,
reprit tout ce pays , & afTura fes conquêtes
en faifant la paix avec les RufTes. Ce fut
alors qu'il fe fit déclarer roi de Perfe ,
fous le nom de Scha-Nadir. Il n'oublia
pas l'ancienne coutume , de crever les
yeux à ceux qui peuvent avoir droit au
trône. Les mêmes armées qui avoient fcrvi
à défoler la Perfe , fervircnt auili à la
rendre redoutable à fes voilîns. Kouli-Kan
mit les Turcs plufieurs fois en fuite. Il fit
enfin avec eux une paix honorable , par
laquelle ils rendirent tout ce qu'ils avoient
jamais pris aux Perfans , excepté Bagdad
^ ion territoire.
P E R 451
Kouli-Kan , chargé de crimes & de
gloire , alla conquérir l'Inde , par l'envie
d'arracher au Mogol tous ces tréfors que
les Mogols avoient pris aux Indiens. Il
avoit des intelligences à la cour du grand-
mogol , & cntr'autrcs deux des principaux
feigneurs de l'empire , le premier vifir ,
6c le généralifllme des troupes. Cette ex-
pédition lui réufîît au delà de fes efpéran-
ces j il fe rendit m.airrc de l'empire , &
de la perfonne même de l'empereur , en
Le grand-mogol Mahamad fembloit
n'être venu à la tête de fon arm^ée , que
pour étaler fa vaine grandeur > l^c pour la
loumettre à des brigands aguerris. Il s'humi^
lia devant Thamas Kouli-Kan , qui lui parla
en maître , & le traita en iujet. Le vain-
queur entra dans Dellii , ville qu'on nous
repréfente plus grande & plus peuplée que
Paris ou Londres. Il traînoit à la fuite ce
riche & miférable empereur. Il l'enferma
d'abord dans une tour , & fe fit procla-
mer lui - même roi des Indes.
Quelques oflîciers mogols eflayerent de
profiter d'une nuit où les Perfans s'étoient
livrés à la débauche , pour prendre les
armes contre leurs vainqueurs. Thamas
Kouli-Kan hvra la ville au pillage ; pref-
quc tout fut mis à feu & à fang. Il em-
porta autant de tréfors de Delhi , que
les Efpagnols en prirent à la conquête du
Mexique". On compte que cette fomme
monta pour fa part à quatre-vingt-fept mil-
lions ôc demi flerlings , & qu'il y en eut fept
millions & demi fterlings pour fon armée.
Ces richefles amalTées par un brigandage
de quatre iiecles , ont été apportées en
Perfe par un autre brigandage , & n'ont
pas empêché les Perfans d'être long-temps
les plus malheureux peuples de la terre.
Elles y font difperfées ou enfcvelies pent-
dant les guerres civiles , jufqu'au temps
où quelque tyran les raffemblera.
Kouli-Kan , en partant des Indes pour
retourner en Perfe , laifla le nom d'em-
pereur à ce Mahamad qu'il avoit détrôné;
mais il laiffa le gouvernement à un vice-
roi qui avoit élevé le grand-mogol , de
qui s'étoit rendu indépendant de lui. Il
détacha trois royaumes de ce vafte em-
pire , Cachemire , Caboul & Multan * poui:
LU 2
"•fjk-.:
451 P E R
les incorporer à la Perfe , & impofa à
rindouftan un tribut de quelques millions.
L'Indouftan fut alors gouverné par le vice-
roi , & par un confeil que Tliamas Kouli-
Kan avoit établi. Le petit-fils d'Aurang-
2el garda le titre de roi des rois , 5c ne
fut plus qu'un fantôme.
Tham^as Kouli-Kan arrivé chez lui ,
■donna la régence de la Perfe à Ton fécond
iîls Nefralla-Mirza , recruta fon armée ,
èc marcha contre les Tartarcs Usbccks ,
pour les châtier des défordres qu'ils avoient
commis dans le Khorafan , pendant qu'il
étoit occupi dans ilnde. Il rraverla des
déferts prefque impraticables , & l'on crut
qu'il y périroit infailliblement ; mais il
revint quelques mois après , amenant
■quantité d'LJsbecks qui avoient pris parti
dans fbn armée , & il fournit dans fon
pafiage pluficurs peuples inconnus même
aux Perlans.
Cependant Pannée fuivantc , qui étoit
en I74Z , les Arabes fe ibulevercnt de
toutes parts , & défirent totalement fes
troupes, obligé de faire la guerre par mer
& par terre , &c ne voulant pas toucher
aux tréfors immenfes qu'il avoit apportés
de l'Inde , il mit fur- toute la Perfe un
nouvel impôt de fept cents mille tomans
( quatorze millions d'écus ). En même
temps il fit publier , qu'ayant reconnu la
religion des Sunnis pour la feule véritable ,
il l'avoit embrafiee , & qu'il defiroit que
fès fujets fuiviflent fon exemple. Il fe
prépara à attaquer les Turcs , &c mit en
marche une partie de fes troupes pour
qu'acnés fe rendillent à Moful , tandis que
3ui-m.ême marcheroit à Vau , dans le def-
fein d'attaquer les Turcs par deux différens
côtés , & de pouflèr fes conquêtes jufqu'à
Conftantinople ; mais le fuccès ne répondit
point à Çts efpérances.
A peine s'étoit-il mis en marche , que
les peuples de diverfes provinces perfanes
ie révoltèrent ; ce qui l'obligea de retour-
ner fur fes pas pour étouffer la rébellion,
îvlais le mécontentement étoit général j
le feu de .la révolte gagnoit par-tout.
A mefure que Nadir ( ou fi vous
"voulez 5 Thamas Kouli-Kan ) l'étcignoit
d'un côté , il s'allumoit d'un autre. Ne
P E R
révoltées , il fit la paix avec les Turcs
en 1746.
Enfin , s'étant rendu de plus en plus
odieux aux Perfans par fes cruautés envers
ceux dont la fidélité lui étoit fufpe6lc,il
fe forma contre lui une confpiration fi
générale , qu'ayant été obligé de fe fauver
d'Ifpahan , & ayant cru être plus en sûreté
dans ion armée , les propres troupes fe
fouleverenp , &: le maflàcrerent dans fon
camp. Il fut aflàffiné par Ali-Kouli-Kan ,
ion propre neveu , comme l'avoit été
Myrr-Weis , le premier auteur de la ré-
volution. Ainfi a péri cet homme extraor-
dinaire , à l'âge d'environ 59 ans , après
avoir occupé le trône de Perfe pendant
12 ans.
Par la mort de cet ufurpateur , les
provinces enlevées au grand-mogol lui font
retournées ; mais une nouvelle révolution
a bouleverfé l'Indouflan : les princes tribu-
taires , les vice-rois ont fecoué le joug ;
les peuples de l'intérieur ont détrôné le
fouverain , & l'Inde eil encore devenue ,
ainfi que la Perfe , le théâtre de nouvelles
guerres civiles. Enfin tant de dévailations ^
confécutives ont détruit dans la Perfe le
commerce & les arts , en détruifant une
partie du peuple.
Plufieurs écrivains nous ont donné l'hii^
toire des dernières révolutions de Perfe-,
Le P. du Cerceau l'a faite , &; fon ouvrage
a été imprimé à Paris en 1742. Nous
avons vu l'année fuivante l'hiiloire de
Thamas Kouli-Kan \ mais il faut In^e le
voyage en Turquie &C en Perfe par
M. Otter & M. Frafer , the hijlory of
Nadir-Shah. Ces deux derniers ont été eux-
mêmes dans le pays , ont connu le Shah
Nadir , & ont converfé pour s'inilruire
avec des pcrfonnes qui lui étoient atta-
chées ; ils n'ont point eftropié les nom.s
perfans , parce qu'ils entendoient la langue ;
de quoiqu'ils ne foient pas d'accord en
tour 5 ils ne différent pas néanmoins dans
les principaux faits. Il paroît par leurs
relations , que l'auteur de l'hiftoire de
Thamas Kouli-Kan , a compofé un roman
de- la naiilance de Nadir , en le faifant
fils d'un pâtre ou d'un marchand de
troupeaux , dont il vola une partie à, fon
. -f^ouy^Bt couiii dans toutes les provinces i père 3 les vendit , de s'ailbcia à une troupe
P E R
^e brigands pour piller les pèlerins de
Mached.
Nadir ( Shah ) naquit dans le Khorafan.
Son père écoic un des principaux entre
les Alchars , tribu turcomare , ôc gou-
vcrneur du fort de Kiélat , dont le gou-
vernement avoit été héréditaire dans (a
famille depuis long - temps. Nadir étant
encore mineur quand Ton perc mourut ,
fon oncle prit pofleffion du gouvernement y
ôc le garda. Nadir obtint du Begler-Ikg
une compagnie de cavalerie , 6c s'étant
<iifl:ingué en diverfes occafîons contre les
Usbecks qu'il eut le bonheur de battre ,
le Begler-Beg Téleva au grade de min-
bacchi , ou commandant de mille hommes.
Tel fut le commencement de fa fortune.
Enfuite il fut envoyé contre les Turcs ,
les vainquit , fut élevé au grade de lieu-
tenant-général ; Se au commencement de
l'année 1729 , il parvint au gén'ralat.
Alors Shah Thamas prit tant de confiance
£n lui , qu'il lui abandonna entièrement
le gouvernement des affaires militaires.
Ivl. Frafer , qui a dem.euré plufieurs an-
nées en Perfe , Sc qui a été fouvent dans
la compagnie du Shah Nadir , nous a
tracé fon portrait en 1745 '•> ^ i^aroît
■qu'il admiroit beaucoup cet homme ex-
traordinaire.
" Le Shah Nadir , dit - il , eft âgé
" d'environ 55 ans. Il a plus de lix pies
w de haut , & eft bien proportionné , d'un
" tempérament très - robufte , fanguin ,
«' avec quelques difpofitions à Pembon-
i' point , s'il ne ' le prévenoit pas par les
» fitigues. Il a de beaux yeux noirs ,
'» bien fendus , & des fourcils de même
» couleur. Sa voix eft extrêmement haute
w Se forte. Il boit du vin fans excès j
»j mais il eft très-adonné aux femmes*
»> dont il change fouvent , fans cepen-
»> dant négliger fes affaires, il va rarement
^i chez elles avant onze heures ou minuit ,
" & il fe levé à cinq heures du matin.
*> Il n'aime point la bonne chère ; fa
s> nourriture confifte fur - tout en pillau ,
» & autres mets (impies ; Se lorfque les
o> affaires le demandent , il perd fes re-
, y> pas , & fe contente de quelques pois
' îj fe-cs qu'il porte toujours dans fes poches ,
w & d'un verre d^^au. Quand il eft en
. . ,. P E R 45J..
» fon particulier , qui que ce foit ne peut
» lui envoyer de lettres , de meflàges ,
» ni obtenir audience.
" Il entretient par-tout des efpions. Il
» a de plus établi dans chaque ville un
» miniftre nommé hum calam , qui eft
'> chargé de veiller fur la conduite du
" gouverneur , de tenir regiftre de fes
» actions , Se de lui en envoyer le journa
» par une voie particulière. Très-rigide
" fur la difcipline militaire , il punit de
» mort les grandes fautes , Se fait couper
" les oreilles à ceux qui en commettent
» les plus légères. Pendant qu'il eft en
» marche , il mange , boit Se dort comme
» un (impie loldat , Se accoutume fes
'» officiers à la même rigueur. Il eft (î
» fort endurci à la fatigue , qu'on l'a vu
» fouvent , dans un temps de gelée , paflèr
" la nuit couché à terre en plein air ,
» enveloppé de fon manteau , Se n'ayant
» qu'une felle pour chevet. Au foleil
" couchant , il le retire dans un appar-
» tement particulier , où débarrafi'é de
" toute affaire , il foupe avec trois ou
» quatre de fes favoris , Se s'entretient
» familièrement avec eux.
" Quelque temps après qu'il (e fut
» faifi de Shah Thamas , des gens attachés
» à la famille royale firent agir la mcre
* de Nadir , qui vhit prier {on fils de
» rétablir ce prince y (iir les alTlirances
" qu'elle lui donna que pour reconnoîne
" cet important fervice , Shah Thamas
» le feroit fon généralifTime à vie. Il lui
» demanda fi elle le croyoit férié ufement ;
" elle ayant répondu qu'oui : Si j'étois
» une vieille femme , repliqua-t-il , peut-
5» être que je le croirois aulîî ; mais je
'> vous prie de ne vous plus mêler d'affaire
» d'état. Il a époufé la fœur cadette du
" Shah Huflein , dont on dit qu'il a une
» fille. Il a d'ailleurs de l'es concubines ,
» plufieurs enfans , Se deux iîls d'une
" femme qu'il avoit époufée dans le temps
» de fon oblcurité. Qiioique d*ordinaire
» il charge lai-même à la tête de fes
troupes , il n'a jamais reçu la plus petite
ègratignure ; cependant il a eu plufieurs
chevaux tués fous lui , Se fon armure
fouvent effleurée par des balles. »
M. Frafer ajoute qii'il a entendu dire.
454 P E R
& qu'il a vu lui-même plufieurs autres
choies remarquables de ce prince , de
propres à convaincre toute la terre qu'il
y a peu de fiecles qui aient produit un
homme auiïi étonnant : cela le peut ; mais
à juger de cet homme fingulier félon les
idées de la droite raifon , je ne vois en
lui qu'un fcélérat d'une ambition (ans bor-
nes , qui ne connoiflbit ni humanité , ni
fidélité , ni juftice , toutes les fois qu'il ne
pouvoit la fatisfaire. Il n'a fait ufage de
ia bravoure , de fon habileté &c de fa
conduite , que de concert avec fes vues
ambitieufes. Il n'a refpeâré aucun des de-
voirs les plus facrés pour s'élever à quelque
point de grandeur , & ce point écoit tou-
jours au deflbus de fes délits. Enfin , il a
ravagé le monde , défolé l'inde & la Pcrfe
par les plus horribles brigandages j & ne
mettant aucun frein à fa brutalité , il s'eft
livré à tous les mouvemens furieux de fa
colère &c de fa vengeance , dans les cas
même où fa modération ne pouvoit lui
porter aucun préjudice.
J'ai tracé l'*hifl:oire moderne des Perfes ;
leur hiftoire ancienne eft intimement liée
avec celle des Medes , des Aflyriens , des
Egyptiens , des Babyloniens , des Juifs ,
des Parthes , des Carthaginois , des Scy-
thes , des Grecs ôc des Romains. Cyrus,
le fondateur de Vempire des Perfes , neJt
point d'égal dans fon temps en fagefle , en
valeur & en vertu. Hérodote & Xénophon
ont écrit fa vie ; & quoiqu'il femble que
ce dernier ait moins voulu faire l'hiftoire
de ce prince , que donner fous fon nom
l'idée d'un héros parfait , le fonds de
fon ouvrage eft hiftorique , & mérite plus
de croyance que celui d'Hérodote. ( Le
chevalier de Jau COURT. )
Perses ( Philofophie des ) ( Hiftoire
de la philofophie. ) Les feuls garans que
nous ayons ici de l'hiftoire de la philofo-
phie , les Arabes & les Grecs , ne font pas
d'une autorité aulîi folide & auffi pure
qu'un critique févere le defireroit. Les
Grecs n'ont pas manqué d'occafions de
s'inftruire des loix , des coutumes , de la
religion & de la philofophie de ces peu-
ples j mais peu finceres en général dans
leurs récits , la haine qu'ils portoicnt aux
iPerfes les rend ençoje plus fufpeds. Qu'eft-
P E R
ce qui a pu les empêcher de (è livrer à
cette fureur habituelle de tout rapporter
à leurs idées particulières ? La diftancc
des temps , la légèreté du caraârere ,
l'ignorance àc la fuperftition des Arabes ,
n'aftoibliflént guère moins leur témoignage.
Les Grecs mentent par orgueil \ les Arabes
mentent par intérêt. Les premiers défigu-
rent tout ce qu'ils touchent pour fe l'ap-
proprier ; les féconds , pour fe faire valoir.
Les uns cherchent à s'enrichir du bien
d'autrui , les autres à donner du prix à ce
qu'ils ont. Mais c'eft quelque chofe que
de bien connoître les motifs de notre
méfiance ; nous en ferons plus circonfpe6ls.
De Zoroaflre. Xcrdusht ou Zaradusht >
félon les Arabes , & Zoroaflre , félon
les Grecs , fut le fondateur ou le reftau-
rateur de la philofophie & de la théologie
chez les Perfes. Ce nom lignifie Vami
du feu. Sur cette étymologie , on a con-
jeéturc qu'il nedéfignoit pas une perfonne ,
mais une fe£te. Quoi qu'il en foit , qu'il n'y
ait jamais eu un homme appelle Zoroaftre ,
ou qu'il y en ait eu plufieurs de ce nom ,
comme quelques-uns le prétendent , on
n'en peut guère reculer l'exiftence au delà
du rc|^ie de Darius Hyftafpe. Il y a la
même incertitude fur la partie du premier
Zoroaftre. Eft-il Chinois , Indien , Perfe ,
Medo-Pcrfc ou Mcde ? S'il en faut croire
les Arabes , il eft né dans l'Aderbijan ,
province de la Ivlédie. Il faut entendre
toutes les puérilités merveilleufes qu'ils
racontent de fa naiflance & de fes pre-
mières années ; au refte , elles font dans
le génie des orientaux , & du caraélere de
celles dont tous les peuples de la terre
ont défiguré l'hiftoire des fondateurs 'du
culte religieux qu'ils avoient cmbrafle. Si
'ces fondateurs n'a voient été que des
hommes ordinaires , de quel droit eût-on
exigé de leurs fèmblables le refpe6t aveugle
pour leurs opinions.
Zoroaftre , inftruit dans les fcienccs orien-
tales , pafte chez les IflaUtes. Il entre au
fervice d'un prophète. Il y prend la con-
noiftànce du vrai Dieu. Il commet un
crime. Le prophète , qu'on croit être
Daniel ou Efdras , le maudit j & il eft
attaqué de la Icpre. Guéri apparemment ,
il erre j il fe montre aux peuples , il fait
P E R
des miracles ; il fe cache dans des mon-
tagnes ; il en defcend ; il fe donne poux
un envoyé d'en haut ; il s'annonce comme
le reftaurateur & le réformateur du cukc
de ces mages ambitieux que Cambyfe
avoir exterminés. Les peuples l'écoutent.
Il va à Xis ou Ecbatane. C'éroit le lieu
de la nai fiance de Smcrdis , & le magia-
nifme y avoir encore des fcdbateurs cachés.
Il y prêche ; il y a des révélations. Il
paflè delà à Balch fur les rives de TOxus,
& s'y établit. Hyftafpe régnoit alors. Ce
prince Pappelle. iToroaftre le confirme dans
îa religion des mages qu'Hyftafpe avoir
gardée ; il Tentraîne par des preftiges ; ôc
la do6trine devient publique , & la religion
de rétat. Il y en a qui le font voyager
aux Indes , & conférer avec les brach-
manes ; mais c'eft fans fondement. Après
avoir établi Ton culte dans là Ba6triane ,
il vint à Sufe , où l'exemple du roi fut
fuivi de la convcrfion de prefque tous
les courtifans. Le magianifme , ou plutôt
la dodrine de Zoroalhe fe répandit chez
les Perfes , les Parthes , les Baétres , les
Chorafmiens , les Saïques , les Medes , &
plufieurs autres peuples barbares. L'into-
lérance &c la cruauté du mahométifme
naiflant , n'a pu jufqu^à préfent en effacer
toutes les traces. Il en refte toujours dans
la Perfe & dans Pinde. De Sufe , Zoroaftre
retourna à Balch , où il éleva un temple
au feu j s'en dit archimage , & travailla
à attirer à fon culte les rois circonvoiiins ;
mais ce zèle ardent lui devint funcfte.
Argafpe , roi des Scythes , étoit très-
attaché au culte des aftres ; c'étoit celui
de fa nation & de fes aïeux. Zoroaftre
ne pouvant réuffir auprès de l»ui par la
perruafion , emploie l'autorité & la puiflànce
ûe Darius. Mais Argafpe indigné de la
violence qu'on lui faifoit dans une affaire
de cette nature , prit les armes , entra
dans la Badriane , & s'en empara , malgré
Toppofîtion de Darius , dont l'armée fut
taillée en pièces. La dcftruction du temple
parriarchal , la mort de fes prêtres Ôc
celle de Zoroaftre même , furent les fuites
de cette défaite. Peu de temps après ,
Darius eut fa revanche ; Argafpe fut battu,
îa province perdue recouvrée , hs temples
coniàcrés au feu relevés , h. doâirine de
PER 4JJ
Zoroaftre rcmife en vigueur , Ôc l'azur
guftafp , ou l'édifice d'Hyftafpe conftruit.
Darius en prit même le titre de grand-
prêtre , & fe fit appeller de ce nom fur
fon tombeau. Les Grecs, qui connoiflbienc
bien les affaires de la Perfe , gardent
un profond filence fur ces événemens ,
qui peut-être ne font que des fables in-
ventées par les Arabes , dont il faudroit
réduire le récit à ce qu'il y eut dans un
temps un impofteur qui prit le nom de
Zoroaftre , déjà révéré dans la Perfe , attira
le peuple , féduifît la cour par des prefti-
ges , abolit l'idolâtrie , ôc lui fubllitua
l'ancien culte du feu , qu'il arrangea feu-
lement à fa manière. Il y a auffi quelque
apparence que cet homme n'étoit pas
tout- à-fait ignorant dans la médecine &
les fciences naturelles & morales ; mais
que ce (uz une encyclopédie vivante ,
comme les Arabes le difenr ; c'eft sûre-
ment un de ces menfonges pieux auxquels
le zcle , qui ne croit jamais pouvoir trop
accorder aux fondateurs de religion , fc
détermine fî généralement.
Des Guebres. Depuis ces remps reculés ,
les Guebres ont perfiftc dans le culte de
Zoroaftre. Il y en a aux environs d'Ifpahan ,
dans un petit village appelle de leur nom
Guaradab. Les mufulmans les regardent
comme des infidèles , & les traitent en
conféquence. Ils exercent là les fondions
les plus viks de la fociété ; ils ne font
pas plus heureux dans la Commanie ; c'eft
îa plus mauvaife province de la Perfe.
On les y fait payer bien cher le peu
d'indulgence qu'on a pour leur religion.
Quelques-uns fe font réfugiés à Surate &
à Bombaye , où ils vivent en paix , ho-
norés pour la fainteté & la pureté de leure
mœurs , adorant un feul Dieu , priant
vers le foleil , révérant le feu , déteftaiit
Pidolâtrie , & attendant la réfurredVion des
morts & le jugement dernier. Voye[ Vart,
Guebres ou Gaures.
Des livres attribués à Zoroafre^ De
ces livres , le zend ou le zendavefta eft le
plus célèbre. Il eft divifé en deux parties 3
l'une comprend la liturgie ou les cérémo-
fiies à oblervcr dans le culte du feu j Kautre
prefcrit les devoirs del'homme en général ,
& ceux de l'homme religieux. Le xend
45^ P E R
€ft facrc ; & les faintcs écrlrures n'ont
pas plus d^iutoricé parmi les Chrétiens ,
ni l'alcoran parmi les Turcs. Ou penfe
bien que Zoroaftre le reçut auili d'en haut.
Il eft écrit en langue &c en caraderes
Perfes. Il eft renfermé dans les temples i
il nVft pas permis de le communiquer
aux étrangers ; & tous les jours de fêtes
les prêtres en lifent quelques pages aux
peuples. Thomas Hyde nous en avoit
promis une édition ; mais ii ne s'eft trouvé
perfcnne , même en Angleterre , qui ait
voulu en faire les frais.
Le zend n'eft point un ouvrage de Zo-
toaftre ; il faut en rapporter la uippofition
au temps d'Eufebe. On y trouve des pfeau-
mes de David ; on y raconte l'origine du
monde d'après Moyfe ; il y a les mêmes
chofes fur le déluge ; il y eft parlé d'Abra-
ham , de Jofeph & de Salomon. C'eft
«ne de ces produélions telles qu'il en parut
une infinité dans ces fîecles où toutes les
fedtes qui ctoient en grand nombre , cher-
choient à prévaloir les unes fur les autres
par le titre d'ancienneté. Outre le zend,
on dit que Zoroaftre avoit encore écrit dans
fon traité quelques centaines de milliers
de vérités fur différens fujets.
Des oracles de Zoroajire, Il nous en
refte quelques fragmens qui ne font pas
grand honneur à Panonyme qui les a fabri-
qués : quoiqu'ils aient eu de la réputation
parmi les platoniciens de Pécole d'Ale-
xandrie 5 c'eft qu'on n'eft pas difficile fur
les titres qui autorifent nos opinions. Ces
philofophcs n'étoient pas fâchés de retrou-
ver quelques-unes de leurs idées dans les
écrits d'un fage aufïl vanté que Zoroaftre.
Du mage Hyjîafpe. Cet Hyftafpe eft le
père de Darius j il fe fit chef des mages.
Il y eut là-dedans plus de politique que de
religion. Il doubla fon autorité fur les
peuples , en réunifiant dans fa perfonne les
titres de pontife &c de roi. L'inconvénient
de cette réunion , c*eft qu'un feul homme
ayant à foutenir deux grands caraéleres ,
il arrive fouvent que le roi déshonore le
pontife , ou que le pontife rabaiffe le roi.
D'Ojlan}s ou d*Otanh. On prétend
qu'il y eut plufîeurs mages de ce nom ,
èc qu'ils donnèrent "leur nom à la fedbe
çnticrç qui en fut appeliée ojlanite. On
PER
qu'Oftanes ou Otanès cultiva le premier
l'aftronomie chez les Perfes. On lui attri-
bue un livre de chymie. Ce fut lui qui
initia Démocrite aux myfteres de Mem-
phis. Il n'y a que le rapport des temps
qui contredife cette fable.
Du mot mage. Ceux qui le dérivent de
l'ancien mot mog , qui dans la Perfe &
dans la Médie fignifîoit adorateur ou prétrs
du feu , en ont trouvé l'étymologie la
plus vraiiem.blable.
De l'origine du magianifme. Cette
doétrine étoit établie dans Pempire de
Babylone & d'Affyrie , & chez d'autres
peuples de Porient , long-temps avant la
fondation des Perfes. Zoroaftre n'en fut
que le reftaurateur. Il faut en conclure de-
là l'extrême ancienneté.
Du caraclere d'un mage. Ce fut uii
théologien ôc un philofbphe. Un mage
naiftbit toujours d'un autre mage. Ce fut
dans le commencement une feule famille
peu nombreufe qui s'accrut en elle-même ;
les pères fe marioicnt avec leurs filles , les
fils avec leurs mères , les frères avec leurs
foeurs. Epars dans les campagnes , d'abord
ils n'occupèrent que quelques bourgs ; ils
fondèrent enfuite des villes , & fe multi-
plièrent au point de difputer la fouverai-
neté aux monarques. Cette confiance dans
leur nombre ôc leur autorité , les perdit.
Des clajfes des mages. Ils étoient divifes
en trois clafîès ; une claffe infime attachée
aux fervices des temples \ une claflè fupé-
rieure qui commandoit à l'autre ; & un
archimage qui étoit le chef de toutes les
deux. Il y avoit aufîi trois fortes de tem-
ples ; des oratoires où le feu étoit gardé
dans une lampe ; des temples où il s'cn-
tretenoit fur un autel ; & une bafilique,
le iîegc de Parchimage , & le lieu où les
adorateurs alloient faire leurs grandes
dévotions.
Des devoirs des mages. Zoroaftre leur
avoit dit : Vous ne changerez ni le culte ,
ni \ts prières. Vous ne vous emparerez
point du bien d'autrui. Vous fuirez le
menfonge. Vous ne lai fierez entrer dan»
votre cœur aucun defir impur; dans votre
efprit 5 aucune penfée perverfe. Vous crain-
drez toute fouillure. Vous oublierez l'in-
jure. Vous inftruitez les peuples. Vous
préfideiez
P E R PEU 457
prélîderez aux mariages. Vous fréquente- ' diflance des terres , les menrongcs des Grecs,
rez fans cefle les temples. Vous méditerez
lezendavefla ; ce icra votre loi, & vous
n'eiireconnoîtrez point d'autre ; & que le
ciel vous puniffe éternellement , fi vous
i'oufF-ez qu'on le corrompe. Si vous êtes
archimage , obfervez la pureté la plus
rigoureulè. Purifiez vous de la moindre
faute par l'ablution. Vivez de votre tra-
vail. Recevez la dîme des peuples. Ne
foyez ni ambitieux , ni vain. Exercez les
CEuvres de mifériçorde ; d'eu le plus noble
emploi que vous puiiîiez faire de votre
richefle. N'habitez pas loin des temples ,
afin que vous puifïiez y entrer fans être
npperçu. Lavez-vous fouvent. Soyez frugal.
N'approchez point de votre femme les
jours de folemnité. Surpafîez les autres
dans la connoifl'ance des fciences. Ne
craignez que Dieu. Reprenez fortement les
méchans : de quelque rang qu'ils foient ,
n'ayez aucune indulgence pour eux. Allez
porter la vérité aux iouverains. Sachez dil-
tinguer la vraie révélation de la faufîe. Ayez
route confiance dans la bonté divine. Atten-
dez le jour de fa manifeflation , & foyez y
toujours préparé. Gardez foigneufemcnt le
feu facré ; & fouvenez vous de moi jufqu'à
la confommation des fiecles , qui fe fera par
le feu.
Des ftcles des mages. Quelque fimple
que foit un culte , il elt fujetà des hé-
réfies. Les hommes fe divifent bien en-
tr'eux fur des chofes réelles , comment
s'accorderoient-ils long-temps fur desobjets
imaginaires ? Il font abandonnés à leur
imagination , & il n'y a aucune expérience
qui puifle les réunir* Les mages admet-
toieni deux principes , un bon & un mauvais ;
l'un de la lumière , l'autre des ténèbres ;
étoient-ils co-éternels ? ou yavoit-il prio-
rité & poliériorité dans leur exiftence ? Pre-
mier objet de difcuiiion ,* première héréfie ;
première caufe de haine , de trahifon &
d'anathême.
De la philofophie des mages. Elle avoit
pour objet Dieu , l'origine du monde , la
nature des chofes y le bien , le mal , & la
règle des devoirs. Le fyfteme de Zoroal^-e
n'étoit pas l'ancien ; cet homme profita
des circonflances pour l'altérer , & faire
croire au peuple tout ce qu'il lui plut. La
Tomjs XXV,
les fables des Arabes , les fymboles & l'em'
phafe des orientaux, rendent ici la matière
très-obfcure.
Des dieux des Perfes. Ces natlpns zèo^
roient le foleil ; ils avoient reçu ce culte
• des Chaldéens &: des Aflyriens. Ils appel-
loient ce dieu Mtthras ; ils joignoicat à
Mijhras Orofmade & Arimane.
Mais il faut bien difiinguer ici la croyance
des hommes inftrults , de la croyance dit
peuple. Le foleil étoit le dieu du peuple ,
pour les théologiens ce n'étoit que fon ta-
bernacle..
Mais , en remontant à Torigine y Mithras
ne fera qu'un de ces bienfaideurs des hom-
mes , qui les raflembloient , qui les inf-
truifoient , qui leur rendoient la vie plus
fupportable & plus sûre , & dont ils faifoient
enluite des dieux. Celui des peuples d'o-
rient s*appelloit Mithras Son ame , au
fortir de (on corps, s'envola au foleil; &
delà le culte du foleil & la divinité de cet
aflre.
On n'a qu'à Jeter les yeux fur les fj'm-
boics de Mithras , pour fentir toute la for-
ce de cette conjedure. C'efi un homme
robuile ; il efl ceint d'un cimeterre ; il ert
couronné d'une tiare ; il efl aflls fur ua .
taifreau , il conduit l'animal féroce , il le
frappe , il le tue. Quels font les animaux
qu'on lui facrifie ? des chevaux. Quels com-
pagnons lui donne-t-on ? des chiens.
L'hifloirc d'un homme défigurée , ef!
devenue un fyflême de religion. Rien ne
peut fûbfifler entre les horames fans s'al-
térer ; il taut qu'un fyflêmc de religion ,
t^ût-il révélé , fe corrompe à la longue ,
à moins qu'une autorité intaillible n'en
affure la pureté. Suppofons que Dieu fe-
montrât aux hommes fous la forme d'un
grand fpeclre de feu , qu'élevé au delfus
du globe qui tourneroit fous fes pies , les
hommes l'écoutaffent en filence , & que
d'une voix forte il leur diâat (es loix ;
croir-on que fes ioix fubfiileroient incor-
ruptibles ? croit-on qu'il ne \iat pas uii
temps où l'apparition même fe révoquât
en doute ? Il n'y a que le féjour confiant
de la divinité parmi nous , ou par fes
miracles , ou par fes prophètes , ou par
un repréfent^t iafaillibie , ou par la voix
Mmia
45» P E R
de la confcience , ou par elie-merae , qui
puifle arrêter i'inconllance de nos idées
en matière de religion.
Mithrasell un & triple ; on retrouve dans
cCtripIe Mirhras des vefîiges de la trinité
de Platon & de la nôtre.
Orofraade ou Horfmidas eu l'auteur du
h]tn : Arimane eft l'auteur du mal : écou-
tons Leibnitz fur ces dieux. Si l'on con-
■!fidere , dit le philolbphe de Leipfick , que
•tous les potentats d'Afie fe font appelles
Horfmidas , qu'Irraen ou Hermen eft le
■nom d'un dieu ou d'un héros celto-fcythe ,
on fera porté à croire que l'Arimane àes
Perlés fut quelque conquérant d'occident,
tels que furent dans la fuite Gengis-Chan
-& Tamerlan , qui pafîa de la Germanie
• & de la Sarmatie dans l'Afie , à travers
les contrées des Alains & des Maiïàgetes ,
& qui fondit dans les états d'un Herfmidas ,
qui gouvernoit pailiblement (es peuples
fortunés , & qui les détendit conftamment
contre les entreprifes du raviiTeur. Avec
le temps l'un fut un mauvais génie , l'autre
Un bon ; deux principes contraires , qui font
perpétuellement en guerre , qui fe défen-
dent & fe battent bien , & dont l'un
n'obtient jamais une entière fupériorité fur
l'autre. Ils fe partagent l'empire du monde,
& le gouvernent , ainfi que Zoroaflre l'é-
tablit dans fa chronologie. Ajoutez à cela ,
qu'en effet au temps de Cyaxare , roi des
Medes , les Scythes le répandirent en
Afie.
Mais comment un trait hiftorique fi
fimple , devient-il à la longue une fable fi
compliquée ? C'efl qu'on tranfporta dans
la fuite, au culte 5 aux dieux, aux ftatues ,
aux fymboles religieux ^ aux cérémonies >
tout ce qui appartenoit aux fciences , à
l'aflrononiie , à la phylique , à la chymie ,
à la métaphyfique & à l'hifloire naturelle.
La langue religieufe refla la même ; mais
toutes les idées changèrent. Le peuple
avoit Une religion , & le prêtire une
autre.
Principes du fyflême de Zoroafire. W
ne faut pas confondre ce fyflême renouvelle ,
avec l'ancien : celui des premiers mages
étoit fort fimple ; celui de Zoroaftre fe
compliqua.
l.Bc» fefaitrieaderierb
P ER
2. îî y a donc un premier principe , in-
fini , éternel , de qui tout ce qui a été &
tout ce qui elt , efî émané.
3. Cette émanation a été très-parfaite
& très-pure. Il faut la regarder comme la
caufe du mouvement , de la chaleur & de
la vie.
4. Le feu intelleâuel , très -parfait , très-
pur , dont le foleil cil le fymbole , eft le prin-
cipe de cette émanation.
5. Tous les erres font fortis de cefeu , &
les matériels & les immatériels. Il efl ab-
folu , néceffaire , infini ; il fe meut lui-même ;
il meut & anime tout ce qui efl.
6. Mais la matière & l'efprit étant deux
natures diamétralement oppolçes , il efl
donc émané du teu originel & divin , deux
principes fubordonnés , ennemis l'un de
l'autre, l'efprit & la nratiere, Orofmade &
Arimane.
7. L'efprit plus voilin de fa fource ,
plus pur , engendre l'efprit , comme la
lumière , la lUmiere : telle efl l'origine àes
dieux.
8. Les efprits émanés de l'océan infini
de la lumière intelleduelle , depuis Orof^
made jufqu'au dernier , font 6c doivent
être regardés comme des natures lucides
& ignées.
9. En qualité de natures lucides & ignées,
ils ont la torce de mouvoir , d'entretenir ,.
d'échauffer, de perfeâ:ionner,& ils l'ont bons.
Orofinade efl le premier d'entr'eux ; ils vien-
nent d'Orofraadc : Orofmade ell la caufe de
toute perfeélion.
10. Le foleil , fymbole de (ts propriétés, efl
fon trône , & le lieu principal de fâ lumière:
divine.
11. Plus les efprits émanés d'Qrofmade-
s*éloignent de leur fource , moins ils ont de
pureté , de lumière , de chaleur &: de force
motrice.
12. La matière n*a ni lumière y ni cha-
leur , ni force motrice ; c'eflla dernière éma-
nation du leu éternel & premier. Sa dif-
tance en efl rn^nie ; aufîi efl - elle téné—
breufe , inerte , fahde & immobile par elle-
mêraç. "'
13. Ce neft pas à ce principe de fbtï
émanation , mais à la nature nécefîâire de-
fon émanation , à fa diflance du principe^
iqtfil faut «tîribuer ^s défauts. Ce i«afe
P ER
ces défauts , fuite neceflaire fie l'o.lre
des émanations , qui en font l'ongine du
mal.
14. Quoiqu'Arimane ne foit pas moins
qu'Orolmade , une émanation du feu éter-
nel , ou de Dieu , on ne peut attribuer à
Dieu ni le mal , ni les ténèbres de ce
principe.
15. Le mouvement eu éternel & très-
partaitdans le teu intelleduel & divin ; d'où
il s'enfuit qu'il y aura une période à la fin
de laquelle tout y retournera. Cet océan
reprendra tout ce qui en cft émané , tout ,
excepté la matière.
16. Le matière ténébreufe , froide , im-
mobile, ne fera point reçue à cette fource
de lumière & de chaleur très-pure ; elle
reftera , elle fe mouvra , fans celle agitée
par l'adion du principe lumineux; le prin-
cipe lumineux attaquera fans celfe fes té-
nèbres, qui lui réfifteront, & qu'elle afFoi-
blira peu-à-peu , jufqu'à ce qu'à la fuite des
fiecles atténuée y divifée , éclairée autant
qu'elle peut l'être , elle approche de la nature
Ipi rituelle.
17. Après un long combat , des alter-
natives infiniesjes ténèbres feront chailees de
la matière ; tes qualités mauvaifes feront
détruites ; la matière même fera bonne ,
lucide , analogue à fon principe qui la réab-
forbcra , & d'où elle émanera derechef,
pour remplir t out l'efp^cc & fe répandre
dans l'univers. Ce fera le règne de la téli-
cité partaite.
Voilà le fyft^me oriental , tel qu'il nous
tû parvenu après avoir pafle , au fortir
des mains des mages , entre celles de Zo-
roaitre , & de celles-ci , entre les mains des
pythagoriciens , des lloïciens & des pla-
toniciens , dont on y reconnoît le ton & les
klées.
Ces philo fophes le portèrent à Cofroès.
Auparavant la fainteté en avoit été conf-
tatée par des miracles à la cour de Sapor :
ce n'étoit alors qu'un manichéifme alîèz
fimple.
Le ladder , ouvrage où la doftrine zo-
roallrique eft expofée emploie d'autres
exprefllons ; mais c'cft le même fonds. II
y a un Dieu : il eu un , très-faint : rien
«e lui eft égal : c'eft le Dieu de puilTàncc
& de gloire. Il a créé dans le commen-
P E R 4^9
cernent un monde d'efprits purs & heureux ;
au bout de trois mille ans , fa volonté , lu-
mière rélplendiflante , fous la forme de
l'homme. Soixante & dix anges du prem'er
ordre l'ont accompagnée ,* & elle a créé le
foleil , la lune , les étoiles & les âmes des
hommes. Après trois autres mille ans , Dieu
créa au deflbus de la lune un monde infé-
rieur , plein de matière.
Des dieux Ù des temples. La dodrinc
deZoroaftre les rejetoit auÛi. La première
chofe que Xerxès fit en Grèce , ce fut de,
détruire les temples & les ftatues. Il fatis-
faifoit aux préceptes de fa religion ; &;
les Grecs le regardoicnt fans doute comme
un impie. Xerxès en ufoit ainfi, dit Ci-
céron , ut parietibus exclude,rentur dii y
quibus ejfe deberent omnia pàientia Ù
libéra y pour brifer les prifons des dieux.
Les feâatsurs du culte des mages ont
aujourd'hui la même averfion pour les
idoles.
Abrégé des prétendus oracles de Zo-
roafire. Il y a des dieux. Jupiter en eft
un. Il eft très-bon. Il gouverne l'univers.
Il eft le premier des dieux. Il n'a point été
engendré. Il exifte de tous les temps. Il eft
le père des autres dieux. C'eft le grand y le
vieil ouvrier.
Neptune eft Tainé de Ces fils. Neptune n'a
point eu de mère. Il gouverne fous Jupiter.
Il a créé le ciel.
Neprane a eu des frères ; ces frères
n'ont point eu de mère. Neptune eft au
deftus d'eux.
Les autres dieux ont été tirés de k ma-
tière , &: font nés de Junon. Il y a des dé-
mons au defîous des dieux.
Le foleil eft le plus vieux des enfans
que Jupiter ait eus de leur mère. Le foleil
& Saturne préfident à la génération des
mortels , aux titans & aux dieux d^
tartare.
Les dieux prennent foin des chofes d'ici-r
bas , ou par eux-mêmes , ou par des mi-
niftres fubalternes , fcion les loix générales
de Jupiter. Ils font la caufe du bien : rien
de mal ne nous arrive par eux. Par un dei''-
tin inévitable , indéclinable y dépendant de
Jupiter y les dieux fubalternes exécutent ce
qu'il y a de mieux.
L'univers eft éternel. Les premiers dieux
Mm m 2
4^0 PEU
rés -de Jupiter , & les féconds n'ont point eu
de commencement, n'auront point de fin ;
ils ne conflituent tous enfemble qu^une forte
de tout.
Le grand ouvrier qui a pu faire le tout ,
le mieux qu'il étoit poilible, l'a voulu , & il
n'a manqué à rien.
Il conferve & confervera éternellement le
tout immobile & fous la même forme.
L'ame de l'homme , alliée aux dieux , eft
immortelle. Le ciel eft fon féjour : elle y eft,
& elle y retournera.
Les dieux l'envoient pour animer un corps,
conferver l'harmonie de l'univers , établir le
commerce entre le ciel & la terre , & lier
les parties de l'univers entr'elles , & l'uni-
vers avec les dieux.
La vertu doit être le but unique d'un être
lié avec les dieux.
Le principe de la félicité principale de
l'homme eft dans fa portion immortelle &
divine.
Suite des oracles ou fragmens. Nous les
cxpofons dans la langue latine , parce qu'il
cft prefque impofllble de les rendre dans la
nôtre.
Unitas dualitatem genus ; Dyjs enim
apudeam fedet y Ù imellecluali luce fui-
gurat , inde trinitas , &' hûec trinitas in toto
mundo lucet Ù gubernac omnia.
Voilà bien Mythras , Orofmade & Ari-
mane ; mais fous la forme du chriilianifme
On croiroit , en lifant ce paiTflge , entendre
le commencement de Févangile félon S.
Jean.
Deus fons fontium , omnium matrix ,
continens omnia , unde generatio varié fe
manifefiantis materitx , unde traSus prêter
injiliens capitatibus mundêrunt , incipit
deorfum tendere radios admirandos.
GalimathJas moitié chrétien , moitié
platonicien & cabaliftique.
Deus imelleclualem in fe ignem proprium
comprehendens y cuncîa perficit & mente
tradit fecundâ ; Jkque omnia fant ab uno
igné progenita , pâtre genita lux.
Ici le platonicifrae fe mêle encore plus
évidemment avec la dodrinc de Zoroaflre.
Mens patris flriduit , intelligens inde-
fejfo confilio ; omnif ormes ideoe fonte verb
ah uno evolantes exjilierunt , & divifiX in-
piUeçiaaUm i^nem func naclx.
P ER
Propofition toute platonique , mais
embarraflee de l'allégorie & du verbiage
oriental.
Anima exijlens y ignis fplendens , vi
patris immonalis manet Ù l'itce domina
cfi y Ù tenet mundi multas plenitudines y
mentem enim imitatur ; fed habet conge-
nitum quid corporis.
Il ell incroyable en combien de façons
l elprit inquiet fe replie. Ici on apperçoit
êiçs vertiges du léibnitianifme.
Opifex qui fabricatus tfî mundum , erat
ignis moles y qui totum mundum ex ignc
Ù aquâ & terra & aère omnia compofuit.
Ces élémens étoient regardés par les
zoroaftriens comme les canaux matériels du
feu élémentaire.
Oportet te fefiinare ad lucem Ù patris
radios y unde mifja efl tibi anima, multam
induta lucem , mentem enim in anima re»
pofuit & in corpore depofuit.
Ici l'expreilion efl de Zoroaftre , mais les
idées font de Platon.
Non deorfum prorfus fequerenigritantem
mundum , cui profunditas femptr infida.
fubflrata efi & hcedes , circum quceque
nubilis fqualidus y idolisgaudens y amens y
pra:ceps , tortuofus , cûscum y profundum
femper convolpens y femper tegens obfcu^
rum corpus y iners &fpiritu carens y & ofor
lucis mundus Q tortuofa fiuenta , fub qud.
multi trakuntur.
Galimathias mélancolique , prophétique
& fibyllin.
Qj^cere animi canalem y unde aut quo
ordine feri'us faclus corporis , inordinemà
quo ejjluxiflî., iterum refurgas.
C'eft la defcente des âmes dans les corps,
félon l'hypothefe platonicienne.
Cogitatio igné tota primum habet ordi-
nem ; mortalis enim ignis proximusfaaus ^
àDeo lumen habebit.
Puifqu'on vouloit faire pafler ces frag-
mens fous le nom de Zoroaftre , il falloir
bien revenir au principe ignée.
Lunce curfum Ù aflrorum progrejfum Ù
firepitum dimitte , femper currit opère /je-
cejfltatis : aflrorum progrejfus tui gracia
non efl editus.
Ici l'auteur a perdu de vue ladodrinede
Zoroaftre , qui efl toute aflrologique ; & ii
â dit quelque cKofe de fenfé»
P E R '
'Natiira fuadet ejffe d.vmoïies piiros , '
& mala materiiS germina , utilia &
Ces ciémoFis n'ont rien de commun avec
le magianifme ; & ils font fortis de Técole
d'Alexandrie.
Philofophie morale des Perfes. Ils re-
commandent la chalieté , l'honnêteté , le
mépris des voluptés corporelles , du fafle ,
de la vengeance àts injures ; ils défendent
le vol : il faut craindre , réfléchir ; con-
fulter la prudence dans iès aclions ; fuir
le mal , embraflêr le bien ; commencer le
jour par tourner fes penfées vers l'Etre fu-
prcme ; l'aimer , l'honorer , le fervir ;. re-
garder le foleil quand on le prie de jour ,
la lune quand on s'adrefTe à lui de nuit ;
car la lumière eli le fymbole de leur exil^
tence & de leur préfence ; & les mauvais
génies aiment les ténèbres.
Il n'y a rien dans ces principes qui ne
foit conforme au fentiment de tous les
peuples , & qui appartienne plus à la doc-
trine de Zoroaftre , que d'aucun autre
philofophe.
L'amour de la vérité cft la fin de tous les
fylîcmes philofophiques ; & la pratique de
la vertu , la fin de toutes les légillations :
& qu'importe par quels principes on y foit
conduit ?
Perses , L ï. { Comm. ) Ce font les
toiles tant brodées que peintes , qui nous
viennent de la Perfeti & qui font ordinai-
rement de lin ; au lieu que celles ^qs Indes
font de coton : elles font efîimées parce que
les deflîns en font beaux , & les toiles très-
fines & bien luilrées. Elles s'impriment
de même que les autres, avec des planches
de bois.
Per se , ( Chymie ) efi auffi un terme
de chymie. Quand un corps eft diflilléfim-
plement & fans l'addition qu'on fait d'or-
dinaire d'une autre matière pour l'élever,
on dit qu'il eft difiillé per fe , c'eft-
à - dire , fans addition. V. DISTIL-
LATION.
L'efprit volatil de corne de cerf s'élève de
lui-même à la diftillation , en quoi il dif-
fère de celui qu'on diftille par l'addition de
la chaux.
Le mercure qui a été calciné par une
douce niais longue chaleur, dans l'œuf
PEU 4(?i
philofophique , ^'appelle du mercure préci-
pité per fe. Voy. MERCURE Ù voye\
(ElTF PHILOSOPHIQUE.
PERSEA , f: f. ( Hifi. nat. Bot. ) genre
dé plante à fleur en rofe , compofee de
plufieurs pétales difpofés en rond. II s'élève
du milieu de cette fleur un piflil qui devient:
dans la fuite un fruit charnu & mou ^ qui
renferme une femence dure , divifée en deu:c
lobes , & enveloppée d'une forte de mem-
brane ou de péricarde. Plumier, nova planta
amer. gen. Voye\ PlaNTE.
La beauté de cet arbre , qui eft toujours
verd , l'odeur aromatique de (es feuilles ,
leur refl'cmblance à une langue , & celle
de fon noyau à un cœur , ibnt la fource
des myfteres que les Egyptiens y avoient
attachés ; ils l'avoient confàcré à Ifis , &
metrpient fon fruit fur la tcte de leurs
idoles^ quelquefois entier , & d'autres fois
ouvert , pour faire paroître l'amande :
cette" figure de poire doit toujours le faire
difccrner du lotus par les antiquaires cu-
rieux de déchiffrer les monumens an-
tiques.
Tous les anciens parlent de cet arbre \
Théophrafle^ Strabon , Plutarque , Diof»
coride , Pline & Galien. lis difcnt qu'il
a été planté à Memphis par Perfee , qui
lui a donné fon nom ; que fes feuilles font
amples , fermes , d'une odeur agréable ; que
(es fleurs nailTent en grappe ; que (on fruit
efi: oblong , & qu'il contient une efpece
d'amande du goût de la châtaigne. On
ne retrouve plus aujourd'hui cet arbre en
Egypte.
Le perfea àcs modernes approche beau?»
coup de celui d'Egypte ; on l'appelle en fran-
çois />oir/V/- de laNouvelle-Efpagne ; c'efl le
prunifera arbor , fruclu maximo , pyrif or-
mi l'iridi y pericarpioefculento hutyraceo jf
nucleum unicum maximum , ojjficulo nullo
teclum cingente. Catal. Jamaic. 185.
Il s'étend fort au large , & conièrve
toujours fà verdure ; fes feuilles font fem-
blables à celles du laurier à larges feuilles.
Ses fleurs font à fix pétales & naiffent en
grappes. Son fruit a d'abord la figure d'une
prune , & s'aîonge en poire en mûriUant y
il efl noir , d'un goût agréable , & con-
tient une amande douce ,. faite en cœuK.
Cet arbre croît dans la Jaœaïviue. ( D. 7.,)
4<?i P E R
PERSÉCUTER , v. ad. PERSÉCU-
TEUR , r. m. & PERSÉCUTION , f. f.
( Droit naturel , Politique & Morale. )
La ptrfe'cution eft la tyrannie que le fou-
v^rain exerce ou permet que l'on exerce en
fbn nom contre ceux de fes fujets qui fuivent
des opinions différentes àes fiennes en ma-
tière de religion.
L'hiftoire ne nous fournit que trop
d'exemples de iouverains aveuglés par un
2rele dangereux , ou guidés par une politi-
que barbare , ou féduits par des confeils
odieux , qui font devenus les perfe'cuteurs
& les bourreaux de leurs fujers , lorfque
ces derniers avoient adopté des fyfîêmes
religieux qui ne s'accordoient point avec
les leurs. Sous Rome païenne , les empe-
reurs perfécuterent la religion chrétienne
avec une violence & une cruauté qui font
fi-émir. Les difciples du Dieu de la paix
' leur paroilToisnt des novateurs dangereux ,
qui méritoient les traitemens les plus bar-
bares. La providence iè fervit de ces per-
fécutidns , pour étendre la foi chez tous les
peuples de la terre , & le fang des naartyrs
ilevittt un germe fécond qui multiplia les
difciples de J. C. fanguis manyrum femen
ehrifiianorum.
A peine l'églife eut-elle commencé à
relpirer fous les empereurs chrétiens , que
{es enfans fe diviferent fur fes dogmes ,
& l'arianifme protégé par plulieurs fouve-
rains , excita contre les défenfeurs de la
foi ancienne des perfécutions qui ne le
cédoient guère à celles du paganiline. De-
puis ce temps , de fiecle en iiecle l'erreur
iappuyée du pouvoir a fouvent perfécutél^
vérité , & par une fatalité déplorable , les
partifans de la vérité , oubliant la modéra-
tion que prefcrit l'évangile & la raifon ,
-i'e font fouvent abandonnés aux mêmes
Tcxcès qu'ils avoient juifement reprochés à
leurs oppreffeurs. Delà ces perfécutions y
ces fupplices , ces profcriptions , qui ont
inondé le monde chrétien de flots de fang ,
& qui fouillent l'hiftoire de l'églife par
les traits de la cruauté la plus raffinée. Les
■pallions des perjecutenrs étoient allumées
par un faux zèle , & autorifécs par la caufe
qu'ils vouloient foutenir, & ils fe font cru
tout permis pour venger l'Etre fuprème.
Oïl a penfc que le Dieu des miférjeordcs
P E R
approuvoit de pareils excès , que l'on étoit
difpenfé des loix immuables de l'amouf du
prochain , & de i'humanité pour des hommes
que Ton ceffoit de regarder comme (es
femblables , dès-lors qu'Us n'avoient point
la même façon de penfer. Le meurtre , la
violence & la rapine ont pafle pour àcs
adions agréables à la divinité , & par une
audace inouie , on ii\^ arrogé le droit de
venger celui qui s^dà formellement réfervé
la vengeance. Il n'y a que Tivrefle du fa-
natiime & des palEons , ou l'impofture la
plus intéreflee , qui ait pu enfelgner aux
hommes qu'ils pouvoient , qu'ils dévoient
même détruire ceux qui ont des opinions
différentes des leurs ; qu'ils étoient dilpenfés
envers eux des loix de la bonne foi & de
la probité. Où en feroit le monde , fi les
peuples adoptoient ces fentimens deflruc-
teurs ? L'univers entier , dont les habitans
différent dans leur culte & leurs opinions ,
deviendroit un théâtre de carnages , de
perfidies & d'horreurs. Les mêmes droits
qui armeroienr les mains des chrétiens ,
allumeroient la fureur infenfée du mufulman ,
de l'idoiârrc ; & toute la terre leroit cou-
verte de vidimes que chacun croiroit immo-
ler à fon Dieu.
Si Izperjécution efl contraire à la dou-
ceur évangéhque & aux loix de l'humanité ,
elle n'eft pas moins oppofée à la raifon
& à la faine politique. Il n'y a que les
ennemis les plus criitls du bonheur d'un
état , qui aient pu fuggérer à des fouveTains
que ceux de leurs lijjets qui ne penfoient point
comme eux étoient devenus des vidimes
dévouées à la mort , & indignes de partager
les avantages de la fociété. L'inutihté des
violences fuffit pour délabufer de ces maxi-
mes odieufes. Lorfque les hommes , foir
par les préjugés de l'éducation ,. foit par
l'étude & la réflexion , ont embrafle des
opinions auxquelles ils croient leur bonheur
éternel attaché , les tourmens les plus
alîfeux ne font que les rendre plus opiniâ"
très; l'ame invincible au milieu des, fup-
plices , s'applaudit de jouir de la liberté
qu'on veut lui ravir ; elle brave les vains
efforts du tyran & de fes bourreaux. Les
peuples font toujours frappés d'une conf-
1 tance qui leur paroît merveilleule & fur-
naturelle ; ils font tentés de regarder
P E R ^^
comme des martyrs de la vérité les infor-
tunés pour qui la pitié les intérefle ; la re-
ligion du perleiiuteur leur devfent odicufe :
laiierfécution fait des hypocrires , & jamais
dts profélytes. Philippe II, ce tyran dont la
politique fombre crut devoir facrifier à Ton
zèle inflexible cinquante-trois mille de Tes
fujets pour avoir quitté In religion de leurs
pères , &. embralîé les nouveautés de la
réforme , épuifa les forces de la plus puif-
fante monarchie de l'Europe. Le feul fruit
qu'il recueillit , fut de perdre pour jamais
les provinces du Pa3-s-Bas excédées de fes
rigueurs. La fatale journée de la S. Bar-
théiemi , où l'on joignit la perfidie à la
barbarie la plus cruelle, a- t- elle éteint
rhé-réfie qu'on vouloit opprimer? Par cet
événement affreux ) la France fut privée
d'une foule de citoyens utiles ; l'héréfie ,
aigrie par la cruauté & par la trahifon , re-
prit de nouvelles forces , & les fonJemens
de la monarchie furent ébranlés par des con-
vuliions longues & funeftes.
L'Angleterre , fous Henri VIÎI , voit
traîner au fupplice ceux qui refufent de
reconnoître la fuprématie de ce monar-
que capricieux ; fous fa fille Marie , les
fujets font punis pour avoir obéi à fon
père.
Loin des fouverains , ces confeillers in-
térefles qui veulent en faire les bourreaux
de leurs fujets. Ils leur doivent des fenti-
mens de père , quelles que foient les opi-
nions qu'ils fuivent , lorfqu'elles netroublent'
point l'ordre de la fociété. Elles ne le trou-
bleront point lorfqu'on n'emploiera pas con-
tre elles les tourraens & la violence. Les
princes doivent imiter la divinité ^ s'ils
veulent en être les images fur la terre ;
qu'ils lèvent les yeux au ciel , ils verront
que Dieu fait lever ion foleîl pour les mé-
chans comme pour les bons , & que ceii
une impiété ou une folie que d'entrepren-
dre de venger le Très-Haut. Voye^ TO-
LÉRANCE.
Persécution , ( TJieol. ) On compte
'ordinairement vingt - quatre peifécutions
depuis J. C. jufqu'à nous. Le P. Riccioli
en ajoute deux , qui fant la première &
la dernière dans l'ordre que nous allons
iodiquer.
i**. Celle de Jéruiàlem > excitée par les
Juifs contre S. Etienne , & continuée par
Hérode Agrippa , contre S. Jacques , S^
Pierre , & les autres.
La féconde , fous Néron , commencée
l'an <54,de J. C à l'occalion de l'incendie
de Rome , dont on accufa fauficment les
chrétiens ; elle dura jufqu'àl'an 68.
La troifieme , fousDomitien , depuis l'an
90 jufqu'à l'année ^6.
La quatrième , fous Trajan , commencée
l'an ^7 ; elle cefla en 116.
La cinquième , fous Adrien , depuis l'an-
née 118 jufqu'à 129 , avec quelques inter-
ruptions occafionées par les apologies de
Quadrat & d'Ariflide , en faveur des chré-
tiens. Il y eut encore quelques martyrs
fous fon règne en 136.
La fixieme fous Antonin-le-Pieux ; elle
commença en 138 , & finit en 153.
La feptieme , fousMarc-Aurele , depuis
l'an 161 jufqu'en 174.
La huitième , fous Sévère , commencée
l'an 199 , dura jufqu'à la mort de ce prince
en 211.
La neuvième, fous Maximin , en 23^ ;
elle ne dura que trois ans.
La dixième , fous Dece , en 249 -
elle cefTa à fa mort en 251 ; & dans
ce court efpace de temps elle fut une
des plus fanglantes. Sqs fuccefièurs Gallus
& Volufîen , la renouvellerent deux ans
après.
La onzième , fous Valérien & Gallien en
2Ç7^ elle dura trois ans & demi.
La douzième , fous Aurélien , commen-
cée l'an de J. C. 273 , & continuée juf-
qu'en 275.
La treizième , commencée par Dioclétieri
& Maximien l'an 303 ^ & continuée f^us
le nom du premier jufqu'en 310 , quoiqu'il
eût abdiqué l'empire. Maximien la renou-
vella en 312 , & Licinus la fit durer jufqu'à
l'an 315, qae l'empereur Conffanrin donjîa
la paixàl'églifè.
La quatorzième fut ordonnée par Sa-
per II , roi de Perfe , à l'infligation des
mages & des juifs , l'an 343 ; elle coûta ^
félon So2ioniene , la vie à feize mille chré-
tiens.
La quinzième , mêlée d^artifîce & de
cruaut-c , efl celle que Julien fulcita coatrc
les chrétiens. Elle ne dura qu'un ao. •
4^4 P E R
Lrfl^lzleme fut autoritee par l'enipereur
Valens , nrien , l'an ^66 , julqu'en 37B.
La dix-feprierae , fous IlHegerde , roi de
Perfe, en 4^0; elle ne finît que 30 ans après,
.fous le règne de Varannes V.
La dix-huitieme > contre les catholi-
ques , pendant le règne de Genferic , roi
(les Vandales , nrien , depuis l'an 433 ,
.jufqu'en 475.
La dix-neuvieme , Cous le règne d'Hu-
r.eric , fuccefleur de Genferic, en 483 ; elle
ne dura qu'un an.
La vingtième, fous Gondcbaud , auffi
roi des Vandales , en 494.
La vingt & unième , fous Trafîmond ,
fuccefleur de Gondebaud ; elle commença
.en $04.
La vingt-deuxième , par les ariens en
Efpagne , ibus Léowigilde^ roi desGoths,
€n 584, & finie fous Recarede, deux ans
. après.
La vingt-troifieme , fous Cofroès II ,
roi de Pcrfc , depuis l'an 607 , jufqu'en
627.
La vingt-quatricme , inflituée parles ico-
noclafies, fousLéonl'Ifaurique, depuis 726,
jufqu'^en 741 ; elle continua fous Confîantin
Copronyme , jufqu'en 775.
La vingt-cinquième fut donnée par Henri
VIII , roi d'Angleterre , l'an i534 > contre
fous les catholiques , après que ce prince fe
fût féparé de l'cglife romaine. Elle fîut re-
nouvellée par la reine Elifabeth. ,
La vingt-fixieme commença d^ins le
Japon , l'rfn 1 587 , fous le règne de Taïco-
fàma , à l'infligation des bonzes. Elle fut re-
, nouvelléc en 1616 , par le roi Xongufama ,
& exercée avec encore plus de cruauté par
Toxonguno qui lui fuccéda , en 163 1.
RiccioU, chronol. re'form. tom. III.
Lacrancea fait un traité de la mon des
perfecuteurs , quia, été long-temps inconnu ,
& que M. Baluze a donné le premier au
public. Quelques auteurs doutent que cet
ouvrage foit véritablement de Ladance , mais
M. Burnet , qui l'a traduit en anglois ,
prouve qu'on doit le lui attribuer.
PERSÉE f m. en Afironomie ^ eflune
conftellation , de l'hémifphere feptcntrional ,
.compofée , félon Ptolomée , de 29 étoiles;
d'autant félon Tycho ; & de ^7 , lèlon le
;<;atalo5ue britannique , 6'c,
P E R
PersÊE , ( Mythol. ) héros fabuleuic
à qui l'on donne Jupiter pour père , étoic
le fruit de l'amour impudique de Danaé ,
qui , pour cacher fa hoHte , lui fùppofà
une origine divine. Acrifius , père de
Danaé , pour punir ou pour enlèvelir dans
l'oubli la foibleffe de fa fille , ordonna de
jeter dans la mer l'enfant , qui , conimc
plufieurs des héros de l'antiquité , fut con-
lèrvé , dit-on , par l'affiflance des dieux.
Un matelot appercevant fon berceau flot-
tant près du rivage , le porta au prince
qui régnoit dans cette contrée ; le roi ,
touché de compaflion , le fit élever avec
loin. Les progrès qu'il fit fous les plus
habiles maîtres , firent dire qu'il avoit été
élevé par Minerve , dont il fit paroître la
prudence. Ce fut en terraffant les raonf-
tres qui infeftoient la terre, qu'il fit reifai
de fon courage ; il extermina Médufe , àc
délivra de fa fureur Andromède , qui , pour
prix de ce bienfait , lui donna fon cœur &
fa main. Alcée, Stenelus , Helas , Meftor
& Ele6trion furent le fruit de leur union.
Après avoir réprimé & fournis les peuples
du mont Atlas , il tua par méprile fon
aïeul Acrifius. Le remords de ce parricide
le rendit odieux à lui-même ; il s'impofa
un exil volontaire , & quittant pour jamais
Argos , où les Euménides lui oflfroient fans
cefle l'image de fbn crime ^ il s'établit
dans le territoire de Tyrinthe , où il bâtie
Mycene : Ces defcendans y régnèrent pen-
dant cent ans. Son amour pour les lettres
& pour ceux qui les cultivent , immortali-
ferentfa mémoire. La reconnoiflTance publi-
que le mit après fa mort au nombre des conf-
tellations. ( T~N .)
PersÉE , {Hijloire ancienne y Hiftoire
de Macédoine . ) fils de Philippe , roi de
Macédoine , avoit un frère que le droit
d'ainelfe appelloit au trône avant lui. Ce
prince nommé Déme'trius ^ s'étoit couvert
de gloire par le fuccès de (es négociations
& de Ces exploits militaires. Ce fut en
confidcration de fon mérite que le fénac
romain accorda des conditions avanta-
geufes à Philippe , qui , humilié d'être
redevable à fon fils de cette fiiveur , ne
vit en lui qu'un ami dés Romains. Perfée ,
ingénieux à aigrir fa haine , le détermina
par de faufles acculàtions à condamner à
la
P E R.
la mort un fils à qui l'on ne pouvoit re-
procher que ies vertus. Perjïe recueillit
le fruit de ce parricide : devenu l'héritier
préfomptif de l'empire , il fe comporta
comme s'il en eût été le maître. Ce carac-
tère impérieux le rendit llilpeâ: à Ton père ,
qui bientôt reconnut que féduit par Tes
calomnies , il' avoit fait mourir un fils in-
nocent , pour avoir un héritier coupable.
Le monarque , déchiré de remords , eût
puni l'auteur de fon parricide , fi la mort
caufée par (es chagrins n'eût prévenu fa
vengeance.
Perfée devenu poflefîeur de l'empire ,
trouva dans les tréfors de Ion père les
moyens de faire la guerre avec gloire.
Ennemi irréconciliable des Romains , il
leur fufcita par-tout des ennemis , & pro-
digue à deffein , il acheta par-tout des
-alliés. Le nom des IMacédonicns, beaucoup
plus refpedé dans la guerre que celui des
Carthnginois , étoit encore dans ce temps
redoutable aux Romains. L'importance de
cette guerre les détermina à augmenter leurs
légions , & à demander du renfort aux
Numides & à leurs autres aUiés. Ferfe'e ^
"Si la fête d'une armée de Macédoniens ,
ïiccoufumé aux fatigues de la guerre , fe
croyoit invincible , & promettoit à (es
fujets de faire renaître le règne triomphant
d'Alexandre. Le prélude de cette guerre
lui fut glorieux ; une viftoire remportée
fur le conful Sulpicius , lui fit préfager de
plus brillans fuccès : mais voyant que les
Romains étoient plus redoutables après
leur défaite qu'il ne l'étoit après fa vidoire,
il adopta un fyfléme pacifique qui fut rejeté
avec mépris. Le conful vaincu lui fit des
propofitions aufll dures que s'il avoit été
vainqueur. Perfét y trop fier pour y fouf-
crire , fit des préparatifs qui inquiétèrent les
Romains. Paul Emile , chargé de cette guer-
re, la termina par une vrdoire remportée près
de Pydne : il fit un carnage aiireux des
Macédoniens ; vingt raille refierent fur la
place , & onze mille turent mafiacrcs dans
la hiite. Polybe & Florus prétendent que
Perfét , fans attendre l'événement du com-
bat, laifîa le commandement à fes lieu-
tenans , & qu'il fe réfugia à Pydne\ fous
prétexte de l'acrifierà Hercule.. Dès qu'i*
eut appris la déroute de fon armée ,
Tome XXV.
P E'R 4^5
W alla chercher un afyle dans le temple
de Caftor & Pollux , adorés chez les
Samothraces. La faintetc ch lieu ne put
diiiiper la crainte qu'on attentât à fa vie ;
il en fortit à la faveur des ténèbres , pour
s'embarquer dans une chaloupe qu'un Can-
diot av»it tait équiper pour le recevoir*
Ce ferviteur infidèle mit à la voile fans
attendre (on maître , dont il emporta
toutes les richeffes. Perfée fans relTource
rentra dans le temple qui lui refioit pour
afyle : accablé de Ion déléfpoir , il y atten-
doit tranquillement la mort , lorfqu'il apprit
que le gouverneur de (es enfans les avoit
livrés aux Romains. L'incertitude de leur
deflinée réveilla en lui l'amour de la vie,
& voulant partager leur infortune , il fe
rendit à Cneus Udavius qui le remit au
pouvoir de Paul Emile. Ce conful , après
l'avoir fait lèrvir à (on triomphe , le fit-
jeter dans une prifon , où il mourut par
le refus confiant de prendre des alimer.s.
D'autres afîurent qu'il fut indignement
traité par les gardes de fa prifon , qui
l'éveilloient toutes les fois qu'il étoit pro*
voqué par le Ibmmeil. La Macédoine ,
après avoir été la dominatrice d.es na-
tions , ne fut plus qu'une pro' '^'^ce romaine.
Cette monarchie fubfifia pendant neuf
cents vingt -trois ans, depuis Caranus
jufqu'à Psrft'e qui en fut le dernier roi.
PERSÉPHONE , {Mythol. ) Ceft un
des noms de Proferpine.
PERSÉPOLIS , {-Géog. anc. ) ville de
la Perfide , félon Ptolomée , /. VI , ch. iv y
qui la place dans les terres. Quinte-Curce
la meta 20 flades de l'Araxe, & lui donne
le titre de capitale de l'orient. Il eft dit
dans le Illh'. des Machabées , ch. vj , i\
t. ^ fuiv. qu'Antiochus Epiphanes étant à
PerfépoUs , dans le deflein d'y piller un
temple très-riche , tout le peuple courut
aux armes, & le chafîâ de la ville avec-
fa troupe. Mais comme PerfépoUs étoit
ruinée de fond en comble du temps d'An-
riochus Epiphaneç , il y a néceiïiiirement
une faute dans le texte du livre que nous
venons de citer. Peut-être que l'auteur
a rois PerfépoUs pour fignifier la crpirale
le la Perfe , caoique fon vrai nom fût
Elymaïs.
N nn
4^^ P E R.
Ce qui nous intéreffe le plus , ce font
les fuperbes mafures connues fous le nom
de ruines de Pevfépolis. Ces ruines font
dans une vafle plaine fur la rivière de
Bauiemir. L'ancien palais des rois de Perfe ,
communément nommé la. maifon de Da-
rius , & appelle dans la langue du pays ,
chelminar où chilminar , efl à l'oueft de
cette plaine , au pié d'une montagne qui
efl de roche vive. La façade de ce luperbe
bâtiment ruiné , a Ik cents pas de large
du nord au fud , & trois tents quatre-vingt-
dix pas de l'oueft à l'efl. On ne voit en-
fuite que rcfles de portiques , d'efcaliers ,
de colonnes , de murailles , de figures
d'hommes & d'animaux. Plufieurs de cts
colonnes font encore toutes entières , ainli
que des nich:s , & des figures fans nom-
bre , grandes comme narure. On voit auffi
dans la montagne deux tombeaux taillés
dans le roc , tous deux ayant environ 70 pies
par en bas , autant de hauteur , & 40 pies
de large.
Toutes ces ruines de Perfe'poïis ont été
décrites dans plufieurs livres , & copiées
dans plufieurs eftampes. Il efl vrai que
la plupart àts écrivains qui en ont parlé ,
n'ont fongé qu'à plaire par des relations
pompeufes ; & que d'autres qui les ont exa-
minées , n'y ont point apporté les connoif-
fancesnécefTaires. Je crois quec'eflà Lebrun
& à Thévenot , que nous en devons la re-
lation la plus exafte.
On ne fauroit douter que ces -ruines
qu'ils ont décrites , ne foient celles d*un
palais fuperbe qui étoit décoré de magni-
fiques portiques , galeries , colonnes , &
autres ornemens fplendides. De plus , il efl
confiant que les ruines des Chilminar , fa
fituation , les vefliges de l'édifice , les
figures , leurs vêteraens , les ornemens , &
tout ce qui s'y trouve , répond aux ma-
nières des anciens Perfcs , & a beaucoup
de rapport à la defcription que Diodore
de Sicile donne de l'ancien palais de Per-
fe'poïis.
Cet auteur , lii'. XVXI , chap. Ixxj ,
après avoir dit qu'Alexandre expofa cette
capitale du royaume de Perfe au pillage
de fes Macédoniens , à la réferve du palais
royal , décrit ce palais comme une pièce
particulière en cette forte.
P ER.
Ce fuperbe édifice , dit-il , ou ce palais
royal, efl ceint d'un triple mur , dont le
premier , qui étoit d'une grande magnifi-
cence , avoir 16 coudées d'élévation , &
étoit flanqué de tours. Le fécond , fembla-,
ble au premier quant à la flrudure , étoit
deux fois plus élevé. Le troifieme efl quarré ,
taillé dans le roc , & a 60 coudées de
hauteur. Le tout étoit bâti d'une pierre
très-dure , & qui promettoit une fiabilité
éternelle. A chacun des côtés il y a des
portes d'airain , & des paliflades de même
métal , hautes de vingt coudées ; les der-
nières pour donner de la terreur , & les
autres pour la fureté du lieu. A l'orient
du- palais efl une montagne appellée la
montagne royale y qui en efl éloignée de
quatre cents pies , & où font les tombeaux
des rois.
Il ell certain que la defcription de Lebrun
répond , autant qu'il efl pofCble , à celle de
Diodore , & l'on ne peut la lire fans une
cfpece d'admiration pour des mafures
mêmes , échappées aux flambeaux dont
Alexandre &: la courtifannc Thaïs mirent
Perfe'poïis en cendres. « Mais étoit -ce
« un chef-d'œuvre de l'art , qu'un palais
« bâti au pié d'une chaîne de rochers
» arides ? Les colonnes qui font encore
yy debout ne font affurément ni dans de
1* belles proportions, ni d'un defîîn élé-
» gant. Les chapiteaux furchargés d'orne-
» mens groffiers , ont prefque autant de
» hauteur que le fur des colonnes. Toutes
» les figures font auffi lourdes que celles
« dont nos églifes gothiques font encore
» malheureufement ornées. Ce font , en
» un motfdes monumensde grandeur, mais
» non pas Àqs monumens de goût. »
{D.J.)
PERSÉVÉRANCE, f. f. PERSÉVÉ-
RANT , adj. ( Théol. Moral La perfé^'é-
rance cû le nom d'une vertu chrétienne
qui nous rend capables de perfifler dans la
voie du falut Jufqu'à la fin.
Les catholiques diflinguent deux fortes
de pei;féi.'érances finales ; l'une puremen t
paffive & formelle , qui n'efl autre chofe
que la jondion aduelle & formelle de
la grâce fandifiante avec l'inflant de la mort.
C'efl celle qui fe rencontre dans les enfans
qui meurent avant que d'avoir atteint l'âge
P E R
de raifon , & dans les adultes qui meurent
immédiatement après avoir reçu la grâce
juftifiante. L'autre , qu'ils appellent aclive
& efficiente , eft celle qui nous iait perfé-
vérer conftamrr^ent dans les bonnes œuvres,
depuis l'infiant que nous avons reçu la
grâce de la juftification , jufqu'à celui de la
mort.
Les pélagiens penfoient qu'on pouvoit
perfévérer jufqu'à la lin par les feules forces
de la nature ; & les iémi-pélagiens , que
la perfévérance dans la toi n'étoit pas un
^'Atx. de la grâce.
Les catholiques au contraire penfent
qu'on ne peut perfévérer jufqu'à la fin fans
la grâce, & fans une grâce aduelle & fpé-
c'rale diftinguée de la grâce fandifianre ,
quoiqu'elle ne foit pas dillinguée des grâces
actuelles & ordinaires que Dieu leur ac-
corde pour accomplir les coramandemens ,
& que cette grâce ne manque jamais aux
jufles que par leur faute. C'eft la doctrine
du deuxième concile d'Orange , can. 2.^ y
& du concile de Trente , fej)', S , cap. ?j.
Ils ajoutent qu'outre la grâce fandi-
fiante & les fecours aduels , les jufîes ont
befoin d'une grâce pour perfévérer in aclu
1^. jufqu'j la fin , en forte que fans cette
grâce ils ne perfévéreroient pas ; & c'elî ce
<lu'on appelle proprement le don àt per-
févérance y dont S. Auguftin a dit : negare
non pojjumus perfeverantiam in bono pro-
ficientem ufque in finem , magnum ejje
Dei munus. Lib. de corrept. Ù grat. cap.
xvj. Or ce don , félon les théologiens ,
outre les grâces aduelles & ordinaires ,
renferme une grâce de proteftion exté-
rieure , qui éloigne d'eux tout danger,
toute occafion de chute , particulièrement
à l'heure de la mort. 2-®. La colleftion de
toutes les grâces aûueiles qui leur font
néceflaires pour opérer le bien , éviter le
mal , vaincre les tentations , Ùc. 3**. Une
providence & une prédiledion fpéciale de
Dieu , qui eft la fource & Ip principe de
ces deux premiers avantages : c'eft ce qu'en-
feigne expreflement S. Auguflin , îib. de
corrept. Ù grat. cap. vij.
Les arminiens & les gomariftes font fort
partagés fur l'article de la perfévérance
finale , les derniers foutenant que la grâce
eft inadraiilible & t&talcment ^finalement ^
P E R 4^7
d'où il s*cnfuit quela perféve'rance des jufîes
ell non-îsulement infaillible , mais encore
néceflaire ; les arminiens , au coatraire ,
prétendent que les perfonnes les plus affer-
mies dans la piété & Q:^ns la foi , ne font ja-
mais exemptes de chute. Ce point de leur
doârine fut condamné dans le fynode de
Dordrecht. Fbjq ARMINIENS '& ArMI-
NIANISME.
Perfévérance fe prend auffi pour un
attachement ferme & confiant à quelque
chofe que ce foit , bonne ou mauvaife.
On perfévere dans le vice ou dans la
vertu.
^ PERSHORE , ( Géogr. ) ville à marché
d'Angleterre , dans la province de Wor-
cd\tr , fur la rivière d'Avon qui donne
beaucoup d'i-grémens à fa fituation. Elle
eft pourvue de deux églifes, & elle renferme
plufieurs fabriques de bas. { D. G.)
PERSIA , ( Géogr. anc. ) ou Perfis ,
royaume d'Afie, qui a fait une grande figuré
dans le monde , & qui a louffert bien des
révolutions. Voye^PERSES {empire des )^
(Bijl anc. & mod.)
Quelquefois la Parthle ou la Perfie ont
été des royaumes difFérens , & quelquefois
le nom de Perfe a été commun à ces deux
états, parce que tous deux ont été "de
temps en temps fujers à un même roi , &
habités par un même peuple. {D. J.)
PERSICAIRE, f. f. {Hijl.nat. Bot. )
perjicaria y genre de plante dont la fleur
n'a point de pétales ; elle cft compoféé
de plufieurs étamines qui fortent d'un calice
profondément découpé. Le piftil devient
dans la fuite une femence applatie , de
figure ovoïde-pointue^ & renfermée dans
une capfule qui a fervi de calice à la
fleur. Tournefort , Infi. rei. herb. Voye\
Plante.
Les fleurs font difpofées en épi aux fom-
mets des tiges & des branches. Le calice
efl découpé en quatre quartiers : quelques
botaniftes l'ont pris par erreur pour une
fleur à quatre pétales. Les étamines font
au nombre de fix ; l'ovaire qui eft au centre
du calice eft fécond , de figure obhque ou
circulaire ; il eft muni d'un piftil découpé
en deux lèvres y & dentelé : la fenaence
eft plate & terminée en forme d'ovale ;
une peau environne la tige à l'endroit d'où
Nnn 1
4^8 P E R
les feuilles fcrrenf , & entoure aiifli les
perires brrinches à roppolîfe des feuilles.
Toutes les perficaires .Ibov douces ou
acres , & forment dix-r^^-^f efpeces dans
Tournçfort. Lsl per/yçairc douce commune
€Û fort bi-en nQir>n'iée par C. Bauhin ,
perjicaria mitis , maculofa , 6" non maca-
lofa y en anglois , the common mild-
arfmart.
Elle pouffe plufieurs tiges rondes à la
hauteur d'un pié & plus , creuiès , rou-
geâtres , rameufès , branchues , noueufcs ,
& couvertes d'une peau fort déliée. Ses
feuilles font difpofées alternativement ,
longues & pointue? , plus larges & plus
amples que celles de la perjicaire acre :
elles font lifïes , marquées quelquefois au
milieu d'une tache noirarre ou de couleur
plombée , faire en forme de croiflant , &
quelquefois fans tache.
Sqs fleurs naiiTent aux extrémités des
tiges en forme de gros épis ; elles font
petites & attachées à de longs pédicules ;
chacune de ces fleurs ell monopétale ,
fendue en cinq parties , à fix étamines
de couleur ordinairement purpurine , quel-
quefois blanchâtre. Lorfque les feuilles font
tombées , il leur fuccede des femences ap-
pbries , faites en ovale pointu , liffes &
noirâtres ; la racine efl grêle & toute
fibreufe.
Cette plante a une faveur un peu acide ;
elle vient aux lieuix hujnides, fur le bord
des étangs & àts toffés , & fleurit à^j
mois de juillet : i'ts feuilles font efîimées
rafraîchifîantes.
La perficaire acre ou brûlante , nommée
vulgairement curage , perjicaria urens y
feu hydropiper , /. R. H. 509 , poufïe
plufieurs tiges fembîables à celle de la
perficaire douce : les feuilles refferablent
aux feuilles du pêcher, ce qui lui a fait
donner le nom de perficaria; mais elles
lie font point tachetées , & leur faveur
efl prefque auffi brûlante que celle du
poivre*. Les fleurs font un peu plus pâles
^ue celles de Fefpece précédente ; mais
elles produifentles mêmes femences- Toute
îa plante efl d'un goût poivré , acre &
ipordicant ; elle efî annuelle.
On trouvera dans les mémoires de l'aca-
4emk des fjienccs , année 170^ ^ la 4f,i-
P E R.
crîptlon donnée par Tournefort de la
pcrfcaiTe du levant , qu'il norrme perfî-
caria oricntalis y nicotianas folio y calice
forum purpureo ; c'efl la plus grande &
la plus belle t'îiicct de perficaire. {D J.)
PeP.SICAIRE, {Mat. méd.) perficaire
douce , tachée ou ordinaire.
Tournetort afîiire dans les mémoires de
l'académie royale des fciences , ann. l'JO'^y
que cerre plante eil un des plus grands
vulnéraires qu'il connoiflé , & que la dé-^
coaion dans du vin arrête la gangrené
d'une manière furprenante. Cette vertu ,.
qui fcroit bien précieufe fi elle étoit
réelle , devroit erre reconnue fur une auili.
grande autorité que celle de Tournefort y.
s'il y avoit en médecine des autorités qui
puflént tenir lieu de l'obfervation répétée
&: confiante. La perficaire n'efl point em-.
ployée dans les gangrenés , malgré cet éloge
de Tournefort, peut-être par une négli-
gence blâmable des médecins, peut-être
aufli parce qu'on a éprouve que fbn inef^
ficacité , que fcs qualités extérieures ren-
dent très-vraifemblable , étoit aufli très-
réelle.
La tifane de cette plante efl aufîi
recommandée dans la dyfl'enterie & dans
les maladies de la peau.
PeRSICAIRE BRULANTE , ( Mat^
méd. ) piment ou poivre d'eau , curage.
Cette plante efl regardée comme très-
propre contre l'hydropifie, la jaunifîe &-
les obflruOions du bas-ventre. On peut
donner fes feuilles à la dofe d'une poignc'e-
en décoûion dans l'eau fimple ou dans
un bouillon ; mais fa faveur acre & brù-.
lanre empêche qu'on ne l'emploie commu-
nément pour l'ulage intérieur ; fon appli-
cation extérieure efl plus commune , du
moins plus praticable ; car cette plante
efl en tout afTez peu ufirée^ Ses feuilles
étant écrafées & appliquées fur les parties
actuellement affligées de la goutte , paflient
pour en foulager les douleurs ; on dit la
même chofé d'une petite tente formée avec
(ts feuilles & introduite dans le creux d'une
dent qui caufe de la douleur. On la vante
encore comme rongeant les chairs baveu-
Çts des vieux ulcères , les dét^rgeant & les
difpofant à la cicatrice , comme dilîîi)anv les
enflures dçs jambes , Ùc.,^
P E R
Il e(l à peine utile de rapporter que la
perjîcaire brûlante a paflfé pour exercer Tes
vertus fur les parties internes , étant
-portée dans les fouliers ; qu'étant appliquée
fur la joue dans la douleur àes dents , ou
fur les plaies & fur les ulcères, tous ces
maux difparoiflcnt , àhs qu'elle a été dé-
truite par la putréfadion on la combui^
tion. Quoique ce foient des médecins de
réputation qui aient imaginé ou adopté
ces pauvretés , ce n'cft qu'qne anecdote
toute commune de la crédulité ou de la
cliarlatanerie médicale. ( b )
PERSICVM MARE y {Géogr. anc.)
La mer perjique & la mer rouge font
deux noms lynonymes dans Hérodote ,
/. IV , /2. 5^ , & dans Strabon , /. VI.
La mer rouge fe prend néanmoins dans
un fcns bien plus étendu que la mer per-
jique. On a appelle autrefois mer rouge
ou mer Erythrée , cette partie de l'océan
indien qui mouille l'Arabie heureiife au
midi , & qui forme deux grands golfes ,
l'un à l'orient de l'Arabie appelle , le golfe
perjique , & l'autre à l'occident nommé le
golfe arabique y qui retient encore àpréfent
le nom de mer rouge. { D.J.)
PERSIC US S IN US , ( Géog. anc. )
grand golfe d'Afie entre la Perfe & l'Ara-
bie , & qui communique à l'océan indien.
Strabon , liv. xij , pag. J^ ^ y dit que le
golfe per/ique eft aufii appelle la mer per-
Jrque , & qu'on lui donnoit encore le nom
ce mer rouge y parce qu'on entendoit par
mer rouge , non fculctïient la partie de
l'océan indien , &. qui mouille l'Arabie au
midi , mais encore le goUe perfique &
le golfe arabique. Les Perfes, félon Pline ,
//>. VI y chap. xxi'j y habitèrent tou-
jours le bord de la mer rouge ; ce
qui fit qu'on donna le nom de golfe
perfique à cette partiç de la mer rouge
qui ié^aroit la Perfe de l'Arabie. Piutarque
in Lucullo appelle ce golfe mer babylo-
nienne. {D.J.)
PERSIENNE ( Soie ) , f. f. ( Manuf.
en foie. ) hn perfienne ne diffère du double
fond qu'en ce qu'au lieu de 45 portées de
poil , elle n'en contient que 22, & demie ;
& au lieu de quatre lifles pour lever &
quatre pour rabattre , elle n'en contient
jç^ue deux poux l'un & deux pour l'autre.
P E R 4<^^
Le travail du refle efl le même qu'au
double fond.
PERSIENNES, f. f. ( Grammaire &
menuif. ) jaloufies ou chaiiis de bois qui
s'ouvrent en dehors comme àts contre-
vents, & fur lefquels font affemblées à égale
diflance des tringles de bois en abat-jour
qui font le même eifet que les flores , rom-
pent la lumière & donnent entrée à l'air
dans un appartement.
Persiennes , fortes de grilles de bois
que l'on met aux fenêtres de l'étendoir des
manufactures de papier ; elles font com-
pofées d'une grille dormante, tant pleine
que vulde , c'ell-à-dire , dont ka barreaux
ont autant de largeur que l'eipace qu'ils
lailîent entr'eux , & d'un autre mobile
qui peut glitfer dans les couliiîes pratiquées
en haut & en bus de la fenêtre. Lorfque
la perfienne efl ouverte , les barreaux de
la grille mobile font vis-à-vis de ceux de
0000
i autre en cette forte , ÔÔOO i ^ ^o^f-
qu'elle efl fermée , ils répondent vis-à-vis
des intervalles que les premiers lailîenr
0000
entreux en cette manière , OO "^O
*
On efl maître d'ouvrir plus ou moins
cette grille , félon que l^s difFérens vents
qui foufllent l'exigent ; c'elt une des chofcs
qui contribuent le plus à la blancheur du
papier , que de le faire fécher à propos.
PERSIL, apium y f m. ( Hifl. natur,
botan. ) genre de plante à fleur en rofe
& en ombelle , compofée de pLfieurs
pétales égaux dilpofés en rond , &: lou:e-
nus par un cahce qui devient dans la iliite
un fruit compofé de deux femences fort
menues , qui font relevées en bolTe, fîrices
d'un côté, &: applaties de l'autre. Ajoutez.
aux caraâeres de ce genre , que les feuilles
font divifées en ailes , ou qu'elles naifîènt
fur une côte branchue. Tournefort , //?/?»
rei herb. Voyc^ PLANTE.
Sa racine efl fimple , longue , groflê
comme le doigt , garnie de quelques fibres
blanchâtres , s'enfonçant profondément ère
terre, & bonne à manger, cWc jette- des
tiges à la hauteur de trois ou q^uaire pic«j>
470 P E F.
de la groffeur d'un pouce , rondes , can-
nelées , nouées , creul'es & rameufes. Ses
feuilles font compofées d'autres feuilles
verres , découpées , attachées à de longues
queues. Ses fleurs naifTent aux fommets
des tiges & des rameaux , en ombelles ;
chaque fleur eft formée de cinq pétales
difpofés en rofe : à ces fleurs iuccedent
des femences jointes deux à deux , ^me-
nues, cannelées, grifes , arrondies furie
dos , d'un goût un peu acre. On cultive
beaucoup cette plante dans les jardins
potagers ; elle poufle fa tige à la (èconde
année, fleurit en- juin & juillet ,& amené
fes femences à maturité en août. L'ufage
de cette plante remonte à l'antiquité la
plus reculée , & elle- a été vantée dans
tous les temps comme un excellent légume.
"Ltperfil contient beaucoup de fel acre ,
& une médiocre quantité d'huile exaltée;
c'eft apparemment par le principe de ce
i'el acre , que toutes les parties de cette
plante font apéritives , propres à défobf^
truer , à provoquer les urines & les règles.
Son ufage efî très-commun dans la cuifine
& dans la pharmacie ; fa racine fe met
dans le potage , & les feuilles , par leur
faveur agréable & aromatique , relèvent
fjufieurs fortes d'alimens : cette même ra-
cine s'emploie dans les tifanes & apozemes
apéritifs. La graine efl une des quatre fe-
mences chaudes mineures : elle pafîe pour
atténuante & diurétique.
Enfin cette plante étoit employée dans
l'antiquité la plus reculée à divers autres
égards : on la femoit fur les tombeaux ,
& on en faifoit des couronnes dont on fe
paroit à table. Dans Virgile , le berger
Linus efl couronné de cette plante , apio
ornatus amaro. " Mon Jardin y dit Horace
py à Philis , vous fournira de l'ache pour
» vous couronner , & du lierre avec lequel
» vous entendez à rroUéi vos cheveux avec
i> tant d§ grâce. »
E(î in horto
Philli ^ neclendis apium coronis ,*
Eflhedercs vis
Muîta ^ quâ crines religatafulges.
Les modernes cultivent dans les jardins
^eux autres perfits ,• l'ua n'efl qu'une va-
P E R
ricté de celui dont on vient de parler , &'
qui s'en didingue feulement par fes feuilles
frifées & crêpées : on le nomme perjilfrifé ;
l'autre s'élève beaucoup plus haut , fes
feuilles font plus grandes , & les racines
vivaces bonnes à manger , comme celles
du céleri ; on appelle cette elpece gros
perjil y c'efl ï apium hortenfe latifolium de
Tournefort. {D. J.)
Persil , ( Diète & mat. méd, ) perfil
commun ordinaire des jardins , ou domef-
tique. Tout le monde connoît l'ufage dié-
tétique de la racine & fur-tout des feuilles
de perfil. La racine fe mange dans les
potages , & leur donne un goût relevé
& une odeur fort agréable. Les feuilles,
foit entières , foit hachées , crues & cuites,
fourniffent un affaifocnement fort commua
aux viandes & aux poiffons. Cette racine
& ces feuilles employées dans les alimens ,
palî'ent avec raifon pour échauffantes ;
mais cette qualité devient à -peu -près
indifférente par l'habitude à tous les fujets
lains.
On emploie à titre de remède dans l'ufage
intérieur, la racine & la femence dcperJiL
La racine entre dans les tifanes , les apo-
zemes & les bouillons apéritifs deflinés à
purifier le fang. On la croit diaphorétique
& portant à la peau ; c'efl à ce dernier
titre qu'on l'emploie fous la forme de tifane
pour aider l'éruption de la petite vérole
& delà rougeole.
La femence de perfil efl une àes quatre
femences chaudes mineures. Voye-{ SE-
MENCES CHAUDES.
L'application extérieure des feuilles de
perfil pilées avec du lard ou du fain-doux ,
ou bien arrofées avec de l'eau-de-vie ,
efl un remède populaire affez efficace contre
les contufions, & pour diffiper le lait des
mamelles.
La racine de perfil entre dans l'eau gé-
nérale , dans le firop de guimauve , celui
des cinq racines & celui d'armoife ; dans
\t philonium romanum y la béncdide laxa-
tive , l'hiere de coloquinte , &c. {b)
Persil de Macédoine , (Botan-.)
C'eft une autre fameufe efpece d'ache ,
nommée en latin comme en françois ,
apium macedonicum y I. R. H. '^o £. \\
diffère feulement du perfil ordinaire , en
P E R .
ce que Tes feuilles (ont plus amples & un
peu plus découpées , & que là femence
cft plus menue , plus aromatique. On le
cultive dans nos jardins , où il aime un
terrain lablonneux & pierreux. Sa femence
efl employée dans la thériaque. { D. J.)
Persil de Macédoine , ( Mat.
méd. ) Il n'y a que la femence de cecte
plante qui foit employée en médecine , &
même dans quelques compofitions offici-
nales feulement ; par exemple dans le
mithridate , la thériaque , les trochilques
de myrrhe de la pharmacopée de Paris.
On croit que cette plante efl le vrai
pcrjil des anciens , celui dont ils faifoient
beaucoup de cas , fur- tout à caufe de Ion
ulàge pour le mithridate & la thériaque ,
& qu'ils tiroient autant qu'ils pouvoient de
Macédoine , comme le meilleur, {b)
Persil de marais , ( Botanique. )
C'eft le genre de plante que Tournefort
a nommé thyjfdinum. Voye\ Thysse-
LINUM y botanique.
Persil de montagne , oreofeUnum ,
genre de plante à fleur en rofe & en
ombelle , compofée de piufieurs pétales
dilpofés en rond & foutenus par un calice
qui devient dans la fuite un fruit com-
pofé de deux graines ovales, applaties ,
amples , ftriées & frangées , qui pour
l'ordinaire fè dépouillent aifëment de leur
enveloppe. Ajoutez aux caraderes de ce
genre , que les feuilles font ailées & gran-
des. Tournefort , Infl. rei herb. Voye:^
Plante.
PERSILLADE , f. f. ( Cuifme. ) affai-
fonnement avec du perfil entier ou haché.
On fait dss perjillades de bœuf.
PERSILLÉ, adj. {Gramm.) Il fe dit
d'un fromage dont l'intérieur efl parfemé
de points ou taches d'un verd de perfil.
PERSIQUE ( GOLFE ) , ( Géog.mod.)
Voye\ Golfe persique. Ce golfe ,
autrement nommé golfe de Balfora ^ fort
de l'océan indien , auprès de l'île d'Ormus ;
il s'étend du fud-efl au nord-ouefl , entre
la Perfe à l'efl & l'Arabie à i'ouefl , jufqu'à
l'ancienne Chaldée , où il reçoit l'Euphrate
& le Tige , qui joignent leurs lits un peu
avant leur embouchure ; mais il ne reçoit
guère d'autres rivières confîdérables.
hts femmes des îles du golfe perfique
P E R 47,
font, au rapport des voyageurs , brunes,
jaunes & laides ; leur vifage efl large ,
leurs yeux font petits : elles ont des modes
& des coutumes femblables à celles des
femmes indiennes , comme celle de fe pafTer
dans le cartilage du nez des anneaux , & une
épingle d'or au travers de la peau du nez fous
les yeux. Il efl vrai que cet ufage defe percer
le nez pour porter des bagues & d'autres
joyaux , s'efl- étendu fort loin , car il y a
beaucoup de femmes chez les Arabes qui
ont une narine percée pour y palîer un
grand anneau ; & c'efl une galanterie chez
ces peuples de baifer leurs femmes à travers
ce anneaux , qui font quelquefois afîèaf
grands pour enfermer la bouche dans leur
rondeur. {D. J.)
Persique (Diane) , ( Mythologie
ajjatique. ) La Diane perfique étoit la divi-
nité que les Perfans nommoient Andetis ,
& qui avoit des temples dans toute- la
Cappadoce. Il n'étoit pas permis de laifîèc
éteindre le feu facré qui brûloit fur (qs
autels. Le temple principal de la Diant
perfique étoit à Zéla. { D. J.)
. Persique {ok-dk^) ^ {Architecf.)
Les architectes car.adérifent ainfi un ordre
qui a des figures d'efclaves perfans au lieue
de colonnes , pour porter un entablement.
Voici l'origine de cet ordre. Paufanias
ayant défait les Perfans , les Lacédémo-
nicns , pourfignaler leur vidoirc , érigèrent
des trophées avec les armes de leurs enne-r
mis , & ils y repréfenterent des Perfans fous
la figure d'efclaves qui foutenoient leurs
portiques , leurs arches , leurs cloifons, Ùc.
(D.J.)
PERSISTER , ( Gramm. ) C'efl
demeurer ferme , garder conflamment le
même état d'ame , d'efprit & de corps.
On perjifie dans le repos , dans le mou-
vement , dans la foi , dans l'incréduhté ,
dans le vice , dans la vertu , dans fon
amitié , dans {qs haines , dans fon fénti-
raent , & même dans fon incertitude ;
quoique le mot de perfifier marque de la
confiance ; que celui ^^incertitude marque
de la vacillation , dans ion refus , dans
(qs bontés, dans fa dépolition , à affirmer,
à nier , Ùc.
PERSONNAGE , f. m. ( Gramm:^ ) Il
efl fynonyme à homme y mais toujours
471 P E R
avec une idée accefToire favorahU ou dé-
favorable , énoncée ou fous-entendue.
C'eft un perfonnage de l'anriquire. Il le
croit un perfonnage. C'eft un fot perfon-
nage. Avez-vous vu le perfonnage ?
Perfonnage 'Çç. dit encore du rôle qu'on
fait fur la fcene ou dans le monde. Il fit
dans cette occafion un afTez mauvais per-
fonnage. Le principal perfonnage fut mal
joué dans cette tragédie. Il eft prefque
impofïible à un méchant de faire long-
temps fans fe démentir le rôle ou le per-
fonnage d'homme de bien : il vieat un
moment critique qui levé le malque &
montre la choie. Le mafque étoit beau ,
mais defîbus la choie étoit hideufe.
Personnage allégorique, ( Poéfie. )
C'eft tout être inanimé que la poéiie per-
fonnifie. Les perfonnages allégoriques que
la poéfîe emploie, font de deux elpeces ;
il y en a de parfaits , & d'autres que
nous appelions imparfaits.
Les perfonnages parfaits font ceux que
la poélie crée entièrement , auxquels elle
donne un corps & une ame , & qu'elle
rend capables de foutes les adions & de
tous les fentimens des hommes. C'eft ainli
que les poètes ont perfonnifîé dans leurs
vers la viûoire , la làgeife , la gloire , en
un mot tout ce que les peintres ont per-
fonnifîé dans leurs tableaux.
Les perfonnages allégoriques imparfaits ,
font les êtres qui exiftent déjà réellement ,
auxquels la poéfie donne la faculté de
penler & de parler qu'ils n'ont pas , mais
fans leur prêter une exiftence parfaite ,
& fans leur donner un être tel que le
nôtre. Ainfi la poélie fait des perfonnages
allégoriques imparfaits , quand elle prête
des fentimens aux bois , aux fleuves , en
un mot quand elle fait parler & penfer
tous les êtres inanimés , ou quand élevant
les animaux au deffus de leur fphere ,
elle leur prête plus de raifon qu'ils n'en
ont , & la voix articulée qui leur manque.
Ces derniers perfonnages allégoriques
font le plus grand ornement de la poéfie ,
qui n'eft jamais fi pompeufe que lorfqu'eUc
anime & qu'elle fait parler toute la nature :
c'eft en quoi confifte la beauté du pleaume
In exitu Ifraél de Egypto , & de quelques
autres. Mais Qts perfonnages imparfaits ne
P E R
font point propres à jouef un réîe à^tCi
l'adion d'un poëme , à moins que cettd
adion ne loit celle d'un apologue. Ils peuvent
feulement , comme fpedateurs , prendre
part aux adions des autres perfonnages y
ainfi que les chœurs prenoient part aux
tragédies <^ts anciens.
hcs perfonnages allégoriques ne doivené
pas jouer un des rôles principaux d'une
adion , mais ils y peuvent feulement in-
tervenir y fbit comme des attributs dey
perfonnages principaux , foit pour exprimer
plus noblement , par le fecours de la fidion ,
ce qui paroîtroit trivial s'il étoit dit fim-
plement. Voilà pourquoi Virgile perfonnifie
la renommée dans V Enéide.
Quant aux adions allégoriques , elles
n'entrent guère avec fuccès que dans les
fables & autres ouvrages deftinés à inftruire
l'effjrif en le divertiflant. Les converfations
que les fables fuppofent entre les animaux
font àes adions allégoriques ; mais ces^
adions allégoriques ne font point un fujet
propre pour le poëme dramatique , dont
îe but eft de nous toucher par l'imitation
des pafïions humaines : ce piédeftal , dit
l'abbé Dubos , n'eft point fait pour la ftatue.'
{D.J.)
Personnage allégorique , ( Peint. )
Les perfonnages allégoriques font des êtres
qui n'cxiftent point , mais que l'imaginatioti
dts peintres a conçus , & qu'elle a enfantés
en leur donnant un nom , un corps & des
attributs. C'eft ainfi que les peintres ont
perfonnifie les vertus , les vices , les royau-
mes, les provinces , les villes , les failons,
les pallions , les vents & les fieuves. La
France reprél entée fous une figure de
femme , le Tibre fous une figure d'homme
couché, & la calomnie fous une figure
de fatyre , font des perfonnages allégo^
riques.
Ces perfonnages allégoriques font de
deux elpeces ; les uns font nés depuis plu-
fieurs années ; depuis long-temps ils ont
fait fortune. Ils fc font montrés fur tant
de théâtres , que tout homme un peu lettré
les reconnoît d'abord à leurs attributs. La
France repréfentée par une femme , la
couronne fermée en itXQ , le fceptre à la
main , & couverte d'un manteau bleu femé-
de flcurs-de-lis d'or ; le Tjfcre reprélenté
paf
PEU
par une figure d'homme couché , ayant à ,
ies pies une louve qui allaite deux enfans ,
font des perfonnages allégoriques inventés
depuis long-temps , & que le monde re-
connoît pour ce qu'ils font ^ ils ©nt acquis ,
pour ainii dire , le droit de bourgeoifie
par le genre humain.
Les perfonnages allégoriques modernes
font ceux que les peintres ont inventés
depuis peu , & qu'ils inventent encore
pour exprimer leurs ^idées ^ ils les caraâ:é-
riiènt à leur mode , & ils leur donnent
les attributs qu'ils croient \es plus propres
à les faire reconnoître : ce font des chiffres
dont perfonne n'a îa clef, que peu de gens
cherchent , & qu'on méprife. Ainfi je ne
parlerai que des perfonnages allégoriques
de la première elpece , c'eft -à-dire , àç,s
anciens , & je remarquerai d'abord que les
peintres qui pqfTent aujourd'hui pour avoir
été les plus grands poètes en peinture ,
ne font pas ceux qui ont mis au monde
le plus grand nombre de perfonnages allé-
goriques. Il efl vrai que Raphaël en a
produit de cette efpece j mais ce peintre
fi fage ne les emploie que dans les orne-
ir.ens qui fervent de bordure ou de fbutien
à fes tableaux dans l'appartement de la
fignature. Il a même pris la précaution
d'écrire le nom de ces perfonnages allé-
goriques fous leur figure. '
Le fentiment des gens habiles eft que
les perfonnages allégoriques n'y doivent
ctres introduits qu'avec une grande difcré-
tion , puifque zt^ compofitions font def-
tinées à repréfènter un événement arrivé
réellement , & dépeint comme on croit qu'il
eft arrivé 3 ils n'y doivent même entrer ,
dans les occafions oii l'on peut les intro-
duire , que comme l'écu des armes a
les attributs des perfonnages principaux ,
qui font des perfonnages hiftoriques. C'eft
ainfi qu'Harpocrate , le dieu du filence ,
ou Minerve , peuvent être placés à côté
d'un prince, pour défîgner fa difcrétion
& fa prudence. Je ne penfe pas que \^%
perfonnages allégoriques y doivent être
eux - mêmes des aéîeurs principaux : des
perfonnages que nous connoiifons pour des
fantômes imaginés à plaifir , à qui nous
ne faurions prêter des paflions pareilles
aux nôtres , ne peuvent pas nous intéreffer
Tom< XXr,
P E R. 475
beaucoup a ce qui leur arrive. D'ailleurs ,
la vraifemblance ne peut être obfervée trop
exactement en peinture ; or des perfonnages
allégoriques employés comme aéteurs dans
une compofition hiftorique , doivent ea
altérer la vraifemblance. Dubos , referions
fur la peinture. ( D. J.)
PERSONNALISER, v. aa.{Gramm.\
C'eft donner un corps , une ame , du
mouvement, de l'aftion , des difcours à
des êtres métaphyfiques qui n'exiflent que
dans l'entendement , ou qui font inanimés
dans la nature. C'eft la reflburce des
poètes & des peintres. On dit auiîi perfon-
nifier. Je permets plus volontiers cette
machine aux poètes qu'aux peintres. Les
êtres perfonnifiés répandent de l'obfourité
dans les compofitions de la peinture.
PERSONNALITÉ, f. f. {Gramm.^i
terme dogmatique j ce qui conftitue un
individu dans la qualité de perfonne.
Personnalité , f. f. {Gramm. )
mots injurieux , adreffés à la perfonne
même 5 réflexions fur des défauts qui font
en elle.
Personnalité , f. f. ( Métaphyfq. )
La queftion de la perfonnalité eft une de
ces matières difficiles & même myftérieu-
fes , for lefquelles on difputera tant qu'il y
aura des hommes. Rien n'eft plus près de
nous que nous - mêmes ; comment donc
arrive- 1 il que ce moi, ce qui conftitue
mon effence perfonnelle , me foit fi peu
connu? Tout ce que l'on peut recueillir
de la plupart des métaphyficiens qui ont
efl'ayé de développer la notion de la per-
fonnalité , fe réduit à déduire cette notion
de la mémoire. Nous nous rappelions que
nous avons exifté dans un certain temps
avec certaines idées j nous fentons que le
moi qui exiftoit alors , eft le moi qui penfo
aduellement^ & ce fentiment conftitue
la perfonnalité. Le moi fe confèrve donc
dans les idées que la mémoire retient , &
par lefquelles l'ame fent que c'eft elle-même
qui a déjà exifté de telle manière qu'elle exiP
te aftuellement , ou avec des modifications
différentes ^ de forte que la perte totale
de la mémoire emporteroit la deftrudtion
de la perfonnalité. Il s'enfuit encore que
fi les animaux ont de la mémoire , il y a
' pour €ux un 7330/ , une perfonnalité dans
Ooo
474 P E R
le même degré \ auffî quelques philollbphes
n'ont pas fait difficulté de leur accorder une
forte de perfonnalité. L'auteur de l'EjJai
analytique fuF-l'ame ( M. Bonnet ) , diftin-
gue pour cela deux fortes de perfonnali-^
tés , afin d'en pouvoir donner une aux
animaux. La première & la plus fimple
eft, félon lui, celle qui réfulte delà liaifon
que la réminifcence met entre les fenfations
antécédentes & les fenfations fubféquentes,
en vertu de laquelle l'ame a le fentiment
des changemens d'état par lefquels elle paife.
J-^a féconde efpcce de perfonnalité eft cette
perfonnalité réfléchie , qui confitte dans le
retour de l'ame fur elle-même , par lequel
féparant en quelque forte de foi fes propres
fenfations , elle réfléchit que c'efl elle qui
Jes éprouve ou qui les a éprouvées. L'être ,
continue le même philofophe , qui poifede
une telle perfonnalité , appelle moi ce qui
eft en lui qui fent ; & ce moi s'incorpo-
rant , pour ainfî dire , à toutes \t% fenfa-
tions , fe \ç.% approprie toutes , & n'en com-
pofè qu'une même exiftence. Cette per-
fonnalité réfléchie eft ce qui diftingue
l'homme à cet égard des brutes , à qui la
première eipece de perfonnalité. fembîe
devoir être accordée dans les principes
de cet auteur. D'autres lui contefteront ce
point \ en eftct , eft-il nécefl!aire que la
liaifon des fenfations antécédentes , avec
les fenfations fubféquentes , foit accom-
pagnée d'un fentiment qui notifie à l'être
ientant , les changemens par lefquels il
paffe ? Ils diront donc que le cerveau des
animaux retient tout aufîi fortement que
le nôtre, peut-être plus fortement, les
impreffions des objets \, que les idées ou
les fenfations attachées à ces im.preflions , fè
réveillent les unes les autres par ua en-
chaîîiement phyfique , mais que leur appel
n'eft point accompagné de réminifcence j
qu'elles afFedèent l'animal limplement com-
me actuelles \ qu'il n'y a pour les ani-
maux ni pafTé , ni futur \ & qu'ainfi ils
manquent de la plus fimple perfonnalité.
Sans nous arrêter davantage à cette con-
. teftation , nous obfèrverons feulement que
la réminifcence & Ja réflexion ne tombent
jamais que fur les opérations ou modifica-
tions de l'ame , & non fur le fujet même
qui agit ou qui eft modifié. Cepeudaut
P E R
n'eft-ce pas dans le fujet même que doit
être & qu'on devroit fèntir le moi , l'en-
tité perfonnelle ? Tant que nous ne fentirons
qu'une exiftence femblable ou différente
de ce qu'elle a été, pourrons-nous croire
avoir une notion fatisfaifante de notre
perfonnalité^ Cette notion ne devroit- elle
pas être plutôt la confcience d'un même
fonds d'être permanent , que le fentiment
de ks manières d'être aâuelles ou anté-
cédentes ^
PERSÔNNAT , f. m. (Jurifprud.)
eft un bénéfice auquel il y a quelque préé-
minence attachée , mais fans juriiHicîion ,
à la différence des dignités ecciéfiaftiques
qui ont tout - à - la - fois prééminence &
jurifHiâion : ainfî la place de chantre d'une
églife cathédrale ou collégiale , eft ordi-
nairement un perfonnat , parce qu'elle n'a
qu'une fimple prééminence fans jurifdiciion,
que fi le chantre a jurifdiéiion dans le
chœur , alors c'eft une dignité. Voye^ le
recueil ~de Drapier, tom. /, cà. ij , n. lo.
royei Bénéfice, Dignité, Office.
PERSONNE , f. f. ( Grammaire. ) Il
y a trois relations générales que peut avoir
à Yaâs de la parole le fujet de la propofî-
tion ^ car ou il prononce lui-même la pro-
pofition dont il eft le fujet, ou la parole
lui eft adrelTée par un autre , ou il eft fim-
plement fujet fans prononcer le difcours &
fans être apoftrophé. Dans cette propofi-
tion, Je fuis le feigneur ton Dieu ( Exod..
XX. 2.) , c'eft Dieu qui en eft le fujet , &
à" qui il eft attribué d'être le feigneur Dieu
d'ifraël ; mais en m.ême temps c'eft lui
qui produit laéie de la parole qui pro-
nonce le difcours : dans celle-ci ( P/. L )
Dieu 5 aye\ pitié de moi félon votre grande
miféricorde , c'eft encore Dieu qui eft le
fujet , mais ce n'eft pas lui qui parle ^ c'eft
à lui que la parole eft adrelfée : enfin ,
dans cqWq - Cl ( Ecclef. xvij. i.) Dieu^a
créé t homme de terre & ta fait a fon
image , Dieu eft encore le fujet , mais il
ne parle point , & le difcours ne lui eft
point adreffé.
Les grammairiens latins ont donné à ces
trois relations générales le nom de perfon-
nes. Le mot l^im perfona fignifie propre-
ment le mafqae que prenoit un adeur
P E R
félon !c rôle dont il étoit chargé dans une
piecïï de théâtre j & ce nom eft dérivé
ùs Conare , rendre du fon , & de la par-
ticule ampliative per , d'où perfonare ,
rendre un fon éclatant. Baflius, dans Aulu-
Gelle , nous apprend que le mafque étoit
conltruit de manière que toute la tête en
étoit enveloppée , & qu'il n'y avoit d'ou-
verture que celle qui étoit néceffaire à
l'émiflîon de la voix ; qu'en conféquence
tout l'effort de l'organe fè portant vers
cette iffue , les fons eu étoiént plus clairs &
plus réfonnans : ainfi l'on peut dire que fans
mafque vox fonabat , mais qu'avec le maf-
que vox perfonabat , & delà le nom de
.perfona donné à l'inftrument qui facilitoit
le retentilTement de la voix, & qui n'avoit
peut - être été inventé qu'à cette fin , à
caufè de la vafte étendue des lieux où l'on
repréfentoit les pièces dramatiques. Le
même nom de perfona fut employé enfoite
pour exprimer le rôle môme dont l'auteur
étoit chargé ^ & c'eft une métonymie du
figne pour la chofe fignifiée , parce que
la face du mafque étoit adaptée à l'âge &
au cara(Sî:ere de celui qui étoit cenfé parler,
& que quelquefois c'étoit fon portrait
même : ainfi le malque étoit un figne non
équivoque du rôle.
C'eft dans ce dernier fens , de perfon-
nage ou de rôle , que l'on donne en gram-
maire le nom de perfonnes aux trois rela-
tions dont on vient de parler , parce qu'en
effet ce font comme autant de rôles acci-
dentels dont les fujets fe revêtent , fui-
vant l'occurrence , dans la production de la
parole qui eft la repréfeutation fenfible de
la penfée. On appelle première perfonne ,
la relation du fujet qui parle de lui-même ^
féconde perfonne , la relation du fujet à
qui l'on parle de lui-même j & troifeme
perfonne , la relation du fujet dont on
parle , qui ne prononce ou qui n'eft pas
cenié prononcer lui-même le difcours , &
à qui il n'eft point adreffé.
On donne auflî le nom de perfonnes aux
différentes terminaifons des verbes , qui
indiquent ces relations , & qui fervent à
mettre les verbes en concordance avec le
fiijet confidéré fous cet afpeft : ego amo ,
tu amas , Tetrus amat ; voilà le même
vexhe avec les termiij^ifoEis relatives aux
PER 4>y
trois différentes perfonnes pour le nombre
fingulier ; nos amamus , vos amatis , m/-
lites amant ; le voilà dans les trois perfon'
nés pour le nombre pluriel.
Il y a donc en effet quelque différence
dans la fignification du mot perfonne ,
félon qu'il eft ap^îliqué au fujet du verbe
on au verbe même. La perfonne . dans le
fujet, c'eft fa relation à l'aâie de la parole 5
dans le verbe , c'eft une terminaifon qui
indique la relation du fujet à l'aéèe de la
parole. Cette différence de fens doit eu
mettre une dans la manière de s'expliquer ,
quand on rend compte de l'analyfe d'une
phrafè ; par exemple , nos autem virifortef
fatisfeciffe videmur : il faut dire que nos eft
de la première perfonne du pluriel , & que
videmur eft à la première perfonne du
pluriel. De indique quelque chofe de plus
propre , de plus permanent ^ à marque
quelque chofe de plus accidentel & de
moins néceffaire. Il faut dire, par la même
rai fon , qu'un nom eft de tel genre, par
exemple, du genre mafculin , & qu'un
adjeâif eft h tel genre , au genre ma{^
culin : le genre eft fixe dans les noms , &
leur appartient en propre \ il eft variable
& accidentel dans les adjeélifs.
Comme la différence des perfonnes
n'opère aucun changement dans la forme
des fujets , & qu'elle n'influe -que ftir les
terminaifons des verbes ,^ cela a fait croire
au contraire à ScinQtms {Minerv. j. 12),
que les verbes feuls ont des perfonnes , &
que les noms n'en ont point : fed funt ali-
cujus perfonœ verbalis. Il devoit donc rai»
fonner de même fur les genres à l'égard des
noms & des adjeftifs , & dire que \qs noms
n'ont point de genres , puifque leurs teripi-
naifbns font invariables à cet égard , &
qu'ils font propres aux adjeéiifs , puisqu'ils
en font varier les terminaifons. Cependant ,
par une contradiftion furprenante dans un
homme fi habile , il a pris une route toute
oppofée , & a regardé le genre comme
apparteqant aux noms à l'exclufion des
adjedlifs , quoique l'influence des genres
fiir les adjeftifs foit la mjême que celle des
perfonnes fur les verbes. Mais , outre I3
contrariété des deux procédés de Sanâius ,
il n'a trouvé la vérité ni par l'un , ni .par
l'autre. Les genres font , par rappo/t m^
Q 00 ^ Min^OH
47^ P E R
noms , différentes claffes dans lefquelles les
ufages des langues les ont diftribués ^ & par
rapport aux adje^èifs , ce font différentes
terminaifons adaptées à la différence des
claffes de chacun des noms auxquels on peut
les rapporter. Pareillement les perfonnes
font , dans les fujets , des points de vue
particuliers fouslefquels il elt nécelfaire de
les envifager ^ & dans les verbes ce font
des terminaifons adaptées à ces divers points
de vue en vertu du principe d'identité.
Voyei Genre & Identité.
Y)e\^ vient que comme les adjeftifs s'ac-
cordent en genre avec les noms , leurs co-
relatifs , les verbes s'accordent en perfonne
avec leurs fujets : fi un adjeéiif fe rapporte
à des noms de différens genres , on le met
au pluriel à caufe de la pluralité des core-
latifs , & au genre le plus noble : frater &
foror funtpii ; de même fi un verbe fe rap-
porte à des fujets de diverCes perfonnes , on
le met au pluriel à caufe de la pluralité des
iiijets , & à la perfonne la plus noble : ego
& tu ibimus. C'eft de part & d'autre , non
la même raifon , fi vous voulez , mais une
raifbn toute pareille. Voye[ au furplus
Personnel & Impersonnel.
(B. E. R. M.)
^ Personnes , gens , ( Synon. ) Le
mot de gens , dit l'abbé Girard , a une
couleur très-indéfinie qui le rend incapable
d'être uni avec un nombre , & d'avoir
un rapport marqué à l'égard du fèxe. Celui
de perfonnes en a une plus particularifée ,
qui le rend fufceptible de calcul , & de rap-
port au fexe quand on veut le défigner. Il y
a peu d'honnêtes gens à la cour^ les perfon-
nes de l'un & de l'autre fexe y font plus po-
lies qu'ailleurs. Le plaifir de la table n'ad-
met que gens de bonne humeur , & ne fouf-
fre pas qu'on foit plus de huit ou âÏKperfon-
nes. Voyeiauffit article Gens. {D. J.)
Personne , perfona^ C Théologie,) une
fùbftance individuelle, une nature raifon-
nable ou intelligente. Voye\ Substance ù
Individuel.
Le père & .le fils font réputés en droit
une même perfonne. Un ambaffadeur repré-
fente la perfonne de fon prince. Voye'^
Ambassadeur.
En théologie , la divinité réfide en trois
jferjonnes ; mais alors le mot perfonm em-
P E R
porte une idée particulière , fort diffé-
rente de celle que l'on y attache en toute
autre circonflance. On ne s'en fert qu'au
défaut d'un autre terme plus propre & plus
exprefîif. Voyei Trinité.
On dit que le mot perfonne , perfona , eft
emprunté de perfonando , l'aérien de jouer
un perfonnage ou de le contrefaire ^ 8c
l'on prétend que fa première lignifîcatioa
étoit celle d'un mafque. C'cfl dans ce fens
que Bocce dit , in larva concava fonus
volvatur ; c'efl pourquoi les aûeurs qui
paroifîbient mafqués fur le théâtre , étoient
quelquefois appelles larvati , & quelque-
fois perfonati. Le même auteur ajome que ,
comme les différens a6ieurs repréfeutoient
chacun un perfonnage unique & individuel ,
comme Œdipe , Chrêmes , Hécube , Mé-
dée , ce fut pour cette raifon que d'autres
gens qui étoient auffi diflingués par quelque
chofè dans leur figure ou leur caraâere , ce
qui fervoit à les faire connoître , furent ap-
pelles par les Latins perfonœ , & par les
Grecs nr^ofra^a.. De plus , comme ces ac-
teurs ne repréfentoient guère que des ca-
ra£l:eres grands & illuftres,le mot perfonnt
vint enfin à fignifier l'efprit , comme la
chofe de la plus grande importance & de la
plus grande dignité dans tout ce qui peut
regarder les hommes : ainfi les hommes,
les anges, & la divinité elle-même , furent
appelles perfonnes.
Les êtres purement corporels, tels qu'une
pierre , une plante , un cheval , furent ap-
pelles hypoflafes ou fuppofita , & non pas
perfonne, Voye-{^ Hypostase , Hyposta-
SJS ^ &c.
C'efl ce qui fait conjeéturer aux favans
que le même nom perfonne vint à être
d'ufage pour fignifier quelque dignité , par
laquelle une perfonne eft diftinguée d une
autre, comme un père , un mari, un juge y
un magiftrat, ùe.
C'eft en ce fens que l'on doit entendre
ces paroles de Cicéron : « Céfar ne parle
» jamais de Pompée qu'en termes d'hon-
» neur & de refpe(51 \ mais il exécute des
» chofes fort dures & fort injurieufes à fa
>3 perfonne. » Voyei PERSONNALITÉ.
Voilà ce que nous avions à dire fur le
nom perfonne : quant à la chofè , nous
avons déjà défini le mot perfonne ^ ce <iui
P E R
fïgnîfîe une fubôance individuelle d'une
nature raifonnable j définition qui revient
à celle de Boëce.
Maintenant , une chofè peut être indi-
viduelle de deux manières : i°. logique-
ineut , en forte qu'elle ne puiife être dite
de tout autre , comme Cicéron , Platon ,
d'c. 2". phyfiquement , en ce fôns une
goutte d'eau féparée de l'océan , peut
s'appeller une fubjîance individuelle. Dans
chacun de ces fens , le mot perfonne figni-
fie une nature individuelle : logiquement,
félon Boëce , puifque le mot perfonne ne
fe dit point des univerfels , mais feulement
àQs natures fingulieres & individuelles j on
ne dit pas \^ perfonne d'un animal ou d'un
homme , mais de Cicéron & de Platon :
& phyfiquement, puifque la main ou le
pié de Socrate ne font jamais confîdérés
comine des perfonnes.
Cette dernière efpece d'individuel fe
dénomme de deux manières : pofitiveinent,
comme quand on dit que la perfonne doit
être le principe total de l'aé^ion j car les
philofbphes appellent une perfonne , tout
ce à quoi l'on attribue quelque aéiion : &
négativement comme quand on dit avec
les thomilles , &c. qu'une perfonne confifte
en ce qu'elle n'exiîle pas dans un autre
comme un être plus parfait.
Ainfi un homme , quoiqu'il foit compofë
de deux fubftances fort différentes , favoir
de corps & d'efprit , ne fait pourtant pas
deux perfonnes , puifqu'aucune de ces
deux parties ou fubllances , prifès feparé-
ment , n'eft pas un principe total d'aéîion ,
mais une feule perfonne ; car la manière
dont elle eft compofée de corps & d'ef-
prit, eft telle qu'elle conftitue un principe
total d'aclion , & qu'elle n'exifte point dans
un autre comme un être plus parfait : de
même , par exemple , que le pié de
Socrate exifte eu Socrate , ou une goutte
d'eau dans l'océan.
Ainfi , quoique Jcfus-Chrift confiée en
deux natures différentes , la nature divine
& la nature humaine , ce n'eft pourtant pas
deux perfonnes , mais une feule perfonne
divine \ la nature humaine en lui n'étant
pas un principe total d adiion , mais exii-
taute dans une autre plus pai faite ^ mais de
l'uniou de la nature divine 6c de ia nature
P E R
477
humaine , il réfulte un individu ou un tout
qui eft un principe d'a(5lion ; car quelque
chofe que faflê l'humanité de Jefus-Chrift ,
la perfonne divine qui eft unje la fait aufli ^
de forte qu'il n'y a en Jefus-Chrift qu'une
itule perfonne , & en ce fens une feule
opération , que l'on appelle théandtique,
Voyei ThÉANDRIQUE.
PERSONNÉES, f. f . pi. {Botanique.)
perfonatœ , larvatœ. Nous emploierons ,
après quelques célèbres botaniftes , ce mot
nouveau , & peut - être peu exa(^ , pour
défîgner une famille de plantes à-peu près
la même que la clafiTe que Tournefort ap-
pelloit à fleur en mafque ; & fans difcuter
fi on doit ou non donner à cette famille
autant d'étendue que l'a fait M. Adanfon ,
en y joignant les véroniques , le liferon ,
le poiemonium , la nicotiane & d'autres
pentandries , nous reftreindrons , d'après
d'autres auteurs illuftres , le nom de per-
fonnées aux plantes qui compofeut la didy-
namia angiofpermie de M. Linné , & deux
ou trois autres. On trouve dans ce nombre
des herbes & des arbres : plufieurs ont
leurs tiges quarrées & les feuilles oppofees:
dans d'autres les feuilles font alternes. Les
fleurs font monopétales en tube évafé ,
dont le limbe eft divifé plus ou moins irré-
gulièrement , & dans un grand nombre
d'une manière affez femblable à celle des
fleurs labiées , avec lefquelles toutes les
perfonnées ont encore ceci de commun ,
que la fleur a quatre étamines , dont deux
font plus grandes que les autres , & un
piftil à ftyle fimple ^ mais ce qui les en
fépare , c'eft que l'ovaire devient une
capfiile , ou dans quelques plantes une buie,
contenant ordinairement plufieurs femen-
ces , & pofée fur un calice à quatre ou
cinq divifions plus ou moins profondes.
Du refte on peut , comme nous l'avons vu
pour les labiées, rapporter à- cette famille
quelques plantes que M. Linné a placées
dans la claffe diandria , telles que la graf-
fette , la gratiole , l'utricularia.
Les plantes de cette famille ont pour le
plus grand ;iombre quelque chofe de fufpeâ j
quelques-unes font manifeftement nuifibles,
comme la digitale : cependant il y en a
d'uiuelles j mais \e% vertus de plufieurs de
celles - ci , telles que la ferophuiairc , ia
47» P E R
gratiole , paroifTent dépendre d'un prin-
cipe acre & délétaire. (D.)
PERSONNEL, ELLE, adj. (Graz/zm.)
Ce mot fignifie qui efi relatif aux perfonnes^
ou qui reçoit des inflexions relatives aux
perjbnnes. On applique ce mot aux pro-
noms , aux terminaifons de certains modes
des verbes , à ces modes des verbes , &
aux verbes mêmes.
On appelle pronoms perfonnels ceux qui
préfentent à l'efprit des êtres déterminés
par ridée prife de l'une des trois per-
fonnes. Les pronoms perfonnels , dans le
iyftême ordinaire des grammairiens , ne font
qu'une efpcce particulière , & l'on y ajoute
les pronoms démonftratifs , les poiTeflifs ,
les relatifs , Ç^c. mais il n'y a de véritables
pronoms que ceux que l'on nomme perfon-
nels \ & les autres prétendus pronoms font
ou des noms , ou des adjeâifs , ou même
des adverbes. Voye^^ Pronom.
Les terminaifons perfonnelles de certains
modes des verbes font celles qui font rela-
tives à l'une des trois perlbnnes , & qui
fervent à marquer l'identification du verbe
avec un fijet de la même perfonne déter-
minée. Ego amo ^ tu amas ^ Petrus amat ;
voilà le même verbe identifié par la con-
cordance , avec le fujet ego , qui eft de la
première perfonne , avec le fujet tu qui eft
de la féconde , & avec le fujet Petrus qui
eft de la troifieme.
On peut encore regarder comme des
terminaifons perfonnelles , ou comme des
tas perfonnels , le nominatif & le vocatif
des noms. En effet , dans une propofition
on ne confîdere la perfonne que dans le
fiijet , parce qu'il n'y a que le fiijet qui
prononce le difcours , ou à qui l'on adreflè ,
ou dont on énonce l'attribut fans qu'il parle
ni qu'il foit apoftrophé. Or le nominatif eft
le cas qui défîgne le nom comme fujet
de ,1a trbilîeme perfonne , c'eft-à-dire
comme le fujet dont ou parle : Dominus
probavit me : le vocatif eft le cas qui dé-
fîgne le nom comme fujet de la féconde
perfonne , c'eft-à-dire comme fujet à qui
on parle : Domine , probafi me : c'eft la
feule différence qu'il y ait entre ces deux
cas ^ & parce que la terminaifon perfon-
nelh du verbe eft toujours fuffifante pour
iléiîgner fans équivoque cette idée accef-
P E R.
foire de la fignifîcation du nom qui eft fîi-
jet , c'eft pour cela que le vocatif eft fem-
blable au nominatif dans la plupart des
noms latins au finguliér , &: que ces deux
cas , en latin & en grec , font toujours
femblables au pluriel. Voye^^ VoCATIF.
Les vnoàQS perfonnels des verbes fout ceux
où les verbes reçoivent des terminaifons
perfonnelles , au moyen defquelles ils fe
mettent en concordance de perfonne avec
le nom ou le pronom qui en exprime le
liijet. Ces modes font direâs ou obliques ;
les diredls font l'indicatif, l'impératif & le
fuppofitif , dont le premier eft pur & les
deux autres mixtes ^ les obliques qui font
aufïï mixtes , font le fubjonâif & l'optatif.
Voye'^^ Mode , & chacun de ces modes en
particulier.
Enfin les grammairiens ont encore dif^
tingué des verbes perfonnels H. des verbes
imperfonnels : mais cette diftin6i:ion eft
fauffe en foi, & fuppofe un principe éga-
lement faux, comme je l'ai fait voir ailleurs.
royei Impersonnel. ( B. E. R. M. )
Personnel, (Belles-Lettres.) ce qui
concerne ou regarde particulièrement les
perfonnes. f^oyei Personne.
Dans l'es difj^utes littéraires il n'entre
que trop fouvent du perfonnel ; aufïï dif-
tingue-t-on les critiques en critiques réelles
& critiques perfonnelles. Les critiques réel-
les font celles où l'on ne s'attache qu'à
relever les défauts des ouvrages. Les criti-
ques perfonnelles font celles où l'on s'at-
taque à l'auteur , dont on cenfure la vie ,
les mœurs , le caractère , &c. Celles-ci ne
fe renferment pas toujours dans les bornes
d'un badinage léger & permis ^ elles ne
dégénèrent que trop fouvent en fiel & en
aigreur , à la honte des lettres , ou , pour
mieux dire , de ceux qui les cultivent.
f^oyei Anti.
C'eft une maxime en morale que toutes
fautes font /?f;yb/?/2e//e,y , c'eft-à-dire , qu'elles
ne doivent point nuire aux parens ou aux
defcendans du coupable. Cette maxime n'a-
voit pas lieu chez«les Macédoniens pour
le crime de lefe-majefté ^ quiconque en
étoit convaincu , étoit lapidé , & fa famille
étoit enveloppée dans la même condam-
nation.
Personnel , ( Jurijprud, ) c'eft ce
PEU
qui eft attaché à la perfonne , ou deftiné
à Cou ufage , ou qui s'exerce dir la perfonne
comme un droit perfonnel : une fervitude
perfonnelle , Une obligation perfonnelle ,
une adliou perfonnelle , une charge perfon-
nelle. hQ perfonnel eft ordinairement oppofé
au réel qui fuit le fond. Voye-{^ ACTION ,
Bail a Rente , Charge , Obliga-
tion , Rente , Servitude. {A)
PERSONNIER , f. m. [Junfprud.)
fè dit en certaines coutumes pour exprimer
celui qui tient quelque chofè en commun
avec un autre , comme un cohéritier , un
copropriétaire , un compoffeflèur , qui eft
fujet à même droit de taille , ou deniers
de fervitude , ou mortaille , ou qui tient
en commun & par indivis un héritage avec
d'autres pcrfonnes , ou qui eft compagnon
de quelque trafic de négociation \ on appelle
aufti /7fr/ô/2/z/Vr celui qui eft complice d'un
crime. Voye^ les ajfifes de Jérufalem , (^
les coutumes de Normandie , Lille , Bour-
bonnais , la Marche , Angoumois , Saint-
Jean-d' Angely^ Poitou , Nivernais , Anjou j
Maine , Bayonne. (A)
PERSONNIFIER, v. aô. {Littérat.)
a61:ion , ou pour mieux dire , licence poéti-
que , par laquelle on prête un corps , une
ame , un vifage , un efprit à des êtres
purement intelleâ:uels ou moraux, auxquels
on attribue aufti un lani^age, un caraâere ,
des fentimens & des adions.
Ainfî les^foëtesperfonnife/ft les pafllons
ou d'autres êtres métaphyliqucs dont ils ont
fait des divinités , & que les païens ado-
roient ou craignoient , telles que l'envie ,
la difcorde , la faim , la fortune , la vic-
toire , la déefie de la perfiiafion , le dieu
du fômmeil. A leur imitation , les modernes
ont aufli perfonnifié des êtres fcmblables ,
telle eft la mollelfe dans le Lutrin de Boi-
leau j le fanatifme , la difcorde , la politi-
que , l'amour dans la Henriade de Voltaire.
Voyei Machines, Merveilleux. On
peut voir fous ces mots quelles pré-
cautions un auteur doit obferver en per-
fonnificnt certains êtres , & dans quelles
bornes ils font maintenant reiferrés à cet
égard.
Quelques auteurs prétendent que les êtres
perfonnifiés font efi'entiels au poème épique ,
& d'autres réduifeiit à ces fortes de ficHons
P E R 475)
toutes les libertés que peuvent mamtenant
prendre les auteurs qui travailleroient en ce
genre. Voyei Merveilleux.
PERSPECTIF , ad). Un plan perf
peâif ^ en architeclure , eft un plan où \q%
différentes parties d'un bâtiment font repré-
fèntées félon \q% dégradations ou les dimi-
nutions conformes aux loix de la perfpcc-
tive. Voyei PERSPECTIVE.
Pour rendre les plans intelligibles , on a
coutume de diftinguer les parties maffives
(Se folides par le moyen d'un lavis noir. Les
iaillies du rez-de- chauffée fe marquent eu
lignes pleines , & celles que l'on fuppofè
au delfus , fe diftinguent par des lignes
ponduées j les augmentations &; les chan-
gemens que Ton doit faire font marqués
par une couleur différente de celle qui
repréfente ce qui eft déjà bâti , & les
teintes de chaque plan deviennent plus
claires ou plus légères , à proportion que
les étages font phis élevés. Dans \qs grands
bâtimens , on fait ordinairement trois dif-
férens plans pour les trois prcmiers'étages.
On dit aufli repréftntation perfpecîive ,
élévation perfpecîive , &c. pour dire repré-
fentation d'un objet fuivant les règles de la
perfpedive , élévation d'un objet repré-
fente en perfpedive. Voye^ Perspec-
tive. {E)
PERSPECTIVE , fubft. fém. ( Ordre
Encycl, Entend. Raifon , Philof. oufcience ,
fcience de la nature ^ mathématiques , ma^
thématiques mixtes , optique , perfpecîive. )
C'eft l'art de repréfenter fur une furface
plane les objets vifibles tels qu'ils paroif-
fent à une diftance ou à une hauteur don-
née à travers un plan tranfparent , placé
perpendiculairement à l'horizon entre l'œil
& l'objet. \j.'à perfpecîive eft ou fpéculative ,
ou pratique.
La fpéculative eft la théorie des difîe-
rentes apparences ou rcpréfeutations de
certains objets , fuivant les diiférentfs
pofitions de l'œil qui les regarde.
La pratique eft la méthode de repré-
fenter ce qui paroît à nos yeux ou ce
que notre imagination conçoit , & de le
repréfenter fous une forme fèmblable aux
objets quenous voyons.
La perfpeâive , foit fpéculative , fbit
pratique , a deux parties, l'ichnçgraphie.
48o PEU
qui eft la rcpréfèntation des furfaces , &: la
fcénographie, qui eft celle des folides. Voy,
ICHNOGRAPHIE ^ SCÉNOGRAPHIE.
Nous trouvons dans quelques ouvrages
des anciens , & principalement dans Vitruve,
des traces des connoiflknces qu'ils avoient
de la perfpeclive , mais il ne nous eft refté
d'eux aucun écrit en forme fur ce fujet.
Ainfî cette fcience a été , pour ainfi dire ,
recréée par les modernes. Albert Durer &
Pietro dei Borgo en ont les premiers donné
les règles ;, Balthafar Perruzzi les a perfec-
tionnées ^ Guido Ubaldi , en 1600, éten-
dit & fimplifia la théorie de cette fcience j
après lui une foule d'auteurs y ont travaillé ,
entre lefquels nous nommerons le P. Def-
.chaies, le P. Lamy , & fur-tout l'eft'ai de
perfpeàive de M. s'Gravefande , & celui
du favant Taylor , les deux meilleurs ou-
vrages que nous ayions fur cette matière.
Voyei Ihifl. des mathémat. de M. Moutucla ,
tome 1 , pag. 63 z.
La perfpeclive s'appelle plus particulière-
ment perfpeâive linéaire , à caufe qu'elle
,confidere la poiîtion , la grandeur , la
fonne , ^c. des différentes lignes , ou des
contours des objets y elle eft une branche
des mathématiques : quelques uns en font
une partie de l'optique , & les autres en
font ilmpîement une fcience dérivée de
l'optique : {'t% opérations font toutes géo-
métriques. Voyei^ Optique.
Pour en donner une idée plus précife ,
fuppofons un plan tranfparent H / , FI.
perfpzcl. fig. I , élevé perpendiculairement
fur un plan horizontal , &. que le fpeâateur
S dirige fon œil O au triangle A B C-^ fi
l'on conçoit préfentement que les rayons
A O , O 3 , OC , &c. en paftant par le
tableau H I , laiftént des traces de leur
palTage aux points a l> c iur le plan , on
aura fur ce plan l'apparence du triangle
a b c y laquelle venant à l'œil parles mêmes
rayons a o ^ b o ^ c 0 , qui apportent à ce
même œil l'apparence du triangle ABC,
fera voir la véritable apparence de ce
triangle fur le tableau, quand même on fùp-
primeroit l'objet , en confervant néaiunoins
ja même diftance & la même hauteur de
l'œil. Fojf^ Vision , &c.
On culèigne donc dans la perfpeclive des
règles fûres 6i. infaillibles , pour trouver
P E R
géométriquement les points a, 6 , c ^ &Ct
6c par conlëqueat l'on y donne la méthode
de delliner très-exaétement un objet quel-
conque , puiiqu'il ne s'agit pour defîiner ua
objet que d'en tracer exad:ement le contour.
l^oyei Dessin.
Avant que d'entrer dans un plus grand
détail , il eft à propos de favoir qu'on
appelle plan géométral un plan parallèle à
l'horizon , fup lequel eft fitué l'objet qu'on
veut mettre en perjpeclive ; plan horizontal y
un plan auifi parallèle à fhorizon, &pafl!aut
par l'œil ^ ligne de terre ou fondamentale y
lafeclion du plan géométral & du tableau 5
ligne horizontale , la (èéiion du plan horizon-
tal & du tableau i point de vue ou point prin-
cipal , le point du tableau fur lequel tombe
une perpendiculaire menée de l'œil;, ligne
dijiante , la diftance de l'œil à ce point , &c.
Par cette feule idée que nous venons de
donner de la perfpeclive linéaire , il eft
aifé de juger combien elle eft nécefl^aire à
la peinture^, & combien par couféquent il
eft eiîîîntiel de favoir les règles de la perf-
peclive pour exceller dans le delîin. Un
tableau n'eft autre chofe que la perfpeclive
d'une multitude d'objets revêtus de leurs
couleurs naturelles. On ne fauroit donc
trop recommander aux peintres de s'appli-
quer à la perfpeclive ; car les fautes grof-
iieres qu'on remarque fouvent dans des
tableaux d'ailleurs très- beaux , font fou-
vent la fuite de l'ignorance où étoitl'artifte
fur les règles de la perfpeclive. Le P. Ber-
nard Lamy de l'oratoire , auteur de diffé-
rens ouvrages élémentaires de mathéma-
tiques , a fait un traité de perfpeclive , où il
s'étend beaucoup fur la nécefîité indifpen-
fable d'en connoître les règles pour ex-
celler dans l'art de la peinture. De plus ,
en apprenant ces règles , le peintre ne
doit pas fe borner à une pratique aveu-
gle j il eft bon qu'il en apprenne aufti les
démonftrations , &i qu'il fe les rende fami-
lières , pour être en état de fe guider sûre-
ment lorfqu'il aura des perfpeâives fîngu-
lieres à repréfènter.
1°. L'apparence d'une ligne droite eft
toujours une ligne droite ^ ainfi les deux
extrémités de l'apparence de cette ligne
étant données , l'apparence de toute la
ligne eft donnée. z°. Si une ligne F Gy
placée
placée dans ie tableau qu'on luppore ver-
tical yfig. Z:i, eft perpendiculaire à quelque
ligne droite iV/, tirée fur le plan hori-
zontal , elle (èra perpendiculaire à route
autre ligne droite tirée par le même point
fur le même plan. 5°. La hauteur du point
apparent fur le plan eft à la hauteur de
l'œil , comme la diftance du point objedif
au plan , eft à la fomme de cette diftance
& de la diftance de l'œil au tableau.
Loix de la projeélion des figures planes ,
ou Vichnographie perfpecîive. Repréienter
l'apparence perfpecîive h d'un point ob-
jectif H y fig. x; du point donné , tirez
H I perpendiculairement à la ligne fon-
damentale DE, c'eft-à-dire , à la ligne
de bafe du tableau \ de la ligne fonda-
mentale DEy retranchez IK=^IH: par
le point de vue JP, c eft-à-dire , par le
^ point où tombe la perpendiculaire menée
de l'œil O au tableau, tirez une ligne
horizontale FF ; faites FF égale à la
diftance SL de Pœil ; enfin, du point /au
point de vue F, tirez JT, & du point Km
Jjoint de diftance F, la ligne FK. L'inter-
le(5tion h eft l'apparence du point objeârif.
En effet, 1°. il "eft facile de voir que
l'apparence du point H doit être dans la
ligne FI, puifque celte ligne P/eft la
ièârion du plan O H I , avec le plan du
tableau, z°. Si on tire par les points NS
& if la ligne HMS, on aura, à caufe
des triangles femblables : JP P ou 5 X eft
à iC / ou H If comme Nh eft à ^ M;
par conféquent S M ed à. M H , comme
N/i ed: à. h M; d'où il s'enfuit que S H
tû â M H comme la fomme de N h de
de h M, c'eft-à-dirc , NM e(ï à kM,
donc VH:IH::FI:hI; d'où l'on
voit que les points O, h, H, font dans
la même ligne , ôc qu'ainfi A eft l'appa-
rence ou l'image de l'objet H.
C'eft pourquoi, 1°. puifque l'apparence
des extrémités d'une ligne droite étant
donnée , l'apparence de toute la ligne eft
donnée , on peut avoir par cette méthode
la projeftion ichnographique d'une figure
quelconque redtiligne. z^. Puifque l'on
peut avoir par ce moyen la projedtion
d'un nombre quelconque des points d'une
courbe fur le plan du tableau , on peut
avoir pareillement la projedion des lignes
Tome XXK
P E R 4f I
courbes , en fuivant la même méthode.
3°. Ainfi, puifque cette méthode s'étend
aux figures mixtilignes, elle eft par con-
féquent univerfelle. A la vérité, d'autres
auteurs ont donné d'autres méthodes ,
mais celle-ci eft la plus ufitée; pour en
concevoir tout l'avantage , il eft bon de
l eclaircir par quelques exemples.
Trouver l'apparence perjpeclive d'un
triangle ABC, fig. 3 , n. z, dont la bafc
jiB e(i parallèle à la ligne fondamentale
DE.
A la ligne fondamentale D É , tirez une
parallèle H Rk un intervalle égal à la hau-
teur de l'œil. Prenez le point de vue ou un
point principal V; portez là diftance de
l'œil du point V au point K : des diffé-
rens angles du triangle A CB abaiflez les
perpendiculaires A i , Cz, B ^ ; tranfpor-
tez ces perpendiculaires fur la ligne de terre
ou fondamentale D E de l'autre côté du
point de diftance K. Des points z , 2., j,
tirez des lign.es droites au point fonda-
mental ou principal VZy V%y V^. Des
points Ay B , C, de la ligne fondamen-
tale D E y tirez au point de diftance ces
autres lignes droites AK y B K, C K.
Par la conftru6tion précédente les points
a y b , c , font les apparences des points
A y B y c ; donc ayant tiré les lignes
droites ca, aby bCy acb fera l'apparence
du triangle ACB,
On fait de même la projcdion d'un
triangle fur un plan , quand le fommet C
eft oppofé à l'œil ; il n'cft befoin que de
changer la fituation du triangle fur le plan
géométral , & de tourner le fommet C vers
la ligne de terre ED.
Repréfenter l'apparence perfpecîive d'uM
carré A B D C va obliquement , fig. ^ ,
& dont un des côtés, AB ,e^ fur la ligne
de terre D E , puifque le carré eft vu.
obliquement; prenez dans la ligne hori-
zontale H R le point principal V, de
manière qu'une perpendiculaire à la ligne
de terre puiftè tomber au dehors du cote
du carré A B y o\i qu'au moins elle ne
le coupe pas en deux parties égales , &:
foit VK la diftance de l'œil au tableau;
tranfportez les perpendiculaires A C ôc
B D fur la ligne de terre D E , Ôc tirer
les lignes droites K B , KD y comme
Ppp
481 P E R
aufTi AVy V C; alors les points A Se S
feront eux-mêmes leurs propres apparences;
c ôc d \cs apparences des points C ôc D ;
par conféquent AcdB eft l'apparence
au carré A B D C.
Si le carré ACDB éroît à quelque
diftance de la ligne de terre Z) E, il fau-
droit aulîi tranlporter fur la ligne de terre
les dillances des angles A $c B , ainfî qu^ii
eft évident par le problême précédent.
Comme le cas des objets vus oblique-
ment n-'eft pas fort commun , nous fuppo-
fcrons toujours dans la fuite que la figure
cfl: dans une fituation diredemcnt oppofée
à l'oeil , à moins que nous n'avertilïions
cxpreflement du contraire.
Repréfenrer l'apparence d'*un carré
AB CD, fig. 5 , dont la diagonale A C
cft perpendiculaire à la ligne de terre.
Prolongez les côtés DC de CB jufqu'à
ce qu'ils rencontrent la ligne de terre aux
points z , 2.J du point principal V; tranf-
portez la diftance de l'œil en JC & en Z.
De K aux points K ôc I, tirez les droites
KA&cKI;&cdeL aux points A &
z , les lignes droites L A Z z. Les in-
terfe(5lions de ces lignes rcpréiènteront
l'apparence du carré A B C D vu par
l'angle.
Repréfenter l'apparence d'un carré
AB C D f fig. 6 y dans lequel on en a
infcrit un autre IMGH , le côté du
plus grand A B étant fur la ligne de terre,
& la diagonale du plus petit perpendicu-
laire à cette même ligne. Du point prin-
cipal V tranfportez de part èc d'autre ,
fur la ligne horizontale H R , les diftances
VI & VK; tirez VA & VB, KA
ôc Z B ; alors AcdB fera l'apparence
du carré ACDB. Prolongez le côté du
carré infcrit IH , jufqu'à ce qu'il ren-
contre la ligne de terre au point J, &
tirez les lignes droites Kl ÔC KZ y alors
ihgm fera la repréfentation du carré inf-
crit IHGM; d'où l'on conçoit aifement
la projection de toutes fortes de figures
infcrites dans d'autres figures.
Mettre en perfpeBive un plancher fait
de pierres carrées vues directement. Di-
vifez le côté A B , fig, j , tranfporté fur
la ligne de terre DE en autant de parties j
égales qu'il y a de pierres dans un rang j
PE R
du carré; des difFérens points de divifîon^
tirez des lignes droites au point principal
V; de A au point de diftance K , tirez
une ligne droite AK; ôc de B k l'autre
point de diftance Z , tirez une autre ligne
Z B. Par les points des interférions des
lignes correfpondantes , tirez des lignes
droites parallèles à. A B , que vous pro-
longerez jufqu'aux lignes droites A V ÔC
B V; alors AfgB fera l'apparence du
plancher AFGB.
Mettre en perfpecîive un cercle ; fi le
cercle eft petit, circonfcrivez-lui un carré.
Après avoir tiré les diagonales du carré ,
ôc avoir mené outre cela dans le cercle
les diamètres ha ôc de, fig. 8, qui s'en-
trecoupent à angles droits, tracez les Ugnes
droites fg ôc i> e parallèles au diamètre
de par les points h ôc f, de même que
par les points c ôc g; tirez des lignes*
droites qui rencontrent la ligne de terre
D E aux points ^ ôc 4. Au point princi-
pal y, tirez les lignes droites Fz , V^ ,
F4, Vz; ôc aux points de diftance L
ôc Ky menez les lignes droites ZzôcKî ;
enfin, joignez les points d'interfedion /2 ,
by dy fy hy gy e, c y^^x Ics arcs aby
hd, df; de cette manière abdfhgec a
fera l'apparence du cercle.
Si le cercle eft confidérable, fur le mi-
lieu de la ligne de terre A B , fig. ^ ,
décrivez un demi-cercle, ÔC de différens
points de la circonférence C, F, G, H,
1 , ùc. que vous prendrez en aftez grand
nombre , abaiflez fur là ligne de terre les
perpendiculaires Cl, Fz, G^, H 4 ,
75 , &c. des points y4, 2,^,5, 4, 5,
6'c. tirez des lignes droites au point prin-
cipal F; tirez-en aufïi une de B au point
de diftance X , ôc une antre de A au point
de diftance K; par les points d'interfec-
tion communs , tracez des lignes droites
comme dans le problême précédent ; par-là
vous aurez les points a , c , f, g , /t , i ,
qui font les repréfentations des points A ,
C , Fy G y H, I, Ôc en les joignant
comme ci-deflus , ils donneront la pro-
jeétion du cercle.
Il eft à remarquer qu'on peut fe tromper
en joignant par des arcs les points trouvés
fuivant la méthode que nous venons d'en-
feigner ; car ces arcs ne font point de»
P ER
arcs de cercle , mais des arcs d'une autre
courbe connue par les géomètres fous^ le
nom d'ellipfe, &c dont la defcription géo-
métrique n'eft pas fort facile, fur -tout
lorfqu'il eft quclHon de la faire pader par
pluiieurs points :c'eftpourquoi il eftprefque
impoinble que la perfpeShe du cercle foie
parfaitement jufte , en la traçant luivant les
règles que nous venons d'enfeigner j mais
ces règles fufHfent dans la pratique.
Laraifon pour laquelle la. perfpeâive d'un
cercle eft une ellipfe , au moins prefque
toujours , c'eft que la perfpecîive d'un
cercle eft la fedion du plan du tableau
avec le cône qui a Tccil pour fommet &
pour bafe le cercle. Or, la fedion d'un
cône par un plan qui coupe tous fes côtés,
eft prefque toujours une ellipfe. Voye:^
Sections coniques.
Au refte , la méthode que nous venons
de propofer pour mettre un cercle en
perfpeâive , a cela de commode , qu'elle
peut être employée également pour mettre
en perfpeâive une courbe ou une figure
curviligne quelconque ; car il n'y a qu'à
infcrire & circonfcrire à cette figure des
carrés ou des redangles , fi la figure n'eft
pas fort grande ; ou fi elle l'cft , mettre
en perfpeâive plufieurs de les points , que
l'on joindra cnfuite par des lignes courbes :
on peut fe fervir de la même méthode
pour mettre un plancher en perfpeâive,
quelle que foit la figure des pierres dont
il eft compofé.
On voit de quel ufage le carré peut être
dans iSL perfpeâive; car même dans le fécond
cas , où l'on s'eft contenté de tracer {i perf-
peâive du cercle par plufieurs points, on fait
réellement ufage d'un carré , divifé en un
certain nombre d'aréoles , & circonfcrit au
cercle , quoiqu'il ne foit pas tracé fur le
plan géométral dans la figure que l'on s'eft
propolée.
Repréfenter en perfpeâive un penta-
gone régulier ayant un bord ou limbe fort
large &: terminé par des lignes parallèles.
1°. Des différens angles du pentagone
extérieur jB , C, Z> , E , fig. îo, abaiflèz
fur la ligne de terre TS les perpendi-
culaires -Bz, Ci, -Dj, E 4 y que
vous tranfporterez comme ci-deflus , fur
h ligue de terre \ après quoi des points
P E R 4^5
î , ît , 5 , 4 > tirant des lignes au point
principal V, 8c de ces mêmes points tirant
d'autres lignes au point de diftance K ,
les communes interférions de ces lignes
repré Tenteront l'apparence du pentagone
extérieur. Maintenant fi des angles inté-
rieurs G , H i L , I , vous abaiflèz pa-
reillement les perpendiculaires G o , H§ ,
KG, Ijy L8, èc que vous acheviez
le refte comme dans le premier cas , vous
aurez la repré tentation du pentagone in-
térieur ; ainfi le pentagone A B C D E
fera repréfenté en perfpeâive avec fon
bord.
On a mis ici ce problême , afin que
l'on eût un exemple d'une figure en perf-
peâive , terminée par un bord large.
Il faut obferver ici , que fi les grandeurs
des différentes parties d'un objet étoient
données en nombres avec la hauteur & la,
diftance de l'oeil , on doit premièrement
en cpnftruire la figure avec une échelle
géométrique , & y déterminer , par le
même moyen , le point fondamental ^
le point de diftance.
Il n'eft pas!toujours néceflaire que l'objet
foit tracé fous la ligne de terre , quand
on fait la projection des carrés & des
planchers ; il eft mieux de s'en palier \
mais quand cela eft néceflaire &: que l'ef-
pace manque , on le trace en particulier ,
6c après avoir trouvé les divifions dont
on a befoin, on les tranfporte fur la ligne
de terre qui eft dans le tableau.
Si l'on attache des fils au point prin-
cipal èc au point de diftance , hc qu'on les
étende au point de divifion fur la ligne de
terre , la commune fedion de ces fils don-
nera très-diftindement la projedion de»
différens points, & cette méthode peut
fouvcnt être employée avec fuccès; car il
eft fort difliîcile d'éviter la confufîon quand
on t(i oblige de tracer un grand nombre
de lignes.
La perfpeâive fcénographique , ou la
projedion des corps fur un plan , eft la
repréfentation d'un corps fur un plan avec
toutes (tis dimenfions, tel qu'il paroît aux
yeux. V. l*arîicle Scénographie.
Toute la difficulté fe réduit au pro-
blême fuivant : fur un point donné C,
^ fig. î & il, élever une hauteur perfpeâive
Ppp z
4H VE K
correfpGndante à la hauteur objeâiive F Q
donnée.
Sur la ligne de terre élevez une per-
pendiculaire P Q y égale à la hauteur
objedtive donnée. Des points F ôc Q
menez à un point quelconque , tel que T,
les lignes droites F T ôc QT. Du point
donné, C tirez une Hgne CK parallèle à
la ligne de terre DE, ôc qui rencontre
en K la ligne droite Q T; au point K
élevez une perpendiculaire IK fur K C;
cette ligne IK, ou fon égale CS, cft
la hauteur fcénographique que Ton de-
mandoir.
De la perjpeclive d'un bâtiment. Dans
la pratique de cette perfpeclive on confidere
deux chofes, le plan & l'élévation du bâ-
timent ': le plan eft ce ^u'on appelle au-
trement ichnographie. Voyez Ichnogra-
PHiE. On trace ce plan de manière que les
parties les plus éloignées foient plus petites,
fîiivanc la proportion qu'on y veut "mettre
ôc qui dépend de la pofition du point de
vue, ôc on élevé enfuite fur ce point les
perpendiculaires qui marquent les hauteurs
correlpondantes des différentes parties du
bâtiment ; après quoi on ajoute à k figure
de la carcaflè du bâtiment , les ornemens
des différentes parties. Ainfi on voit que le
problême qui confifte à mettre un bâti-
ment en perfpeclive , fe réduit à mettre
en perfpeclive des furfaces ou des folides
placés à des diftances connues.
Perspective a vue d'oiseau , eft
h. repréfentation que Pon fait d'un objet
en fuppofant l'œil fort élevé au deffus du
plan où cet objet eft repréfenté, en forte
que Tocil en apperçoive un très -grand
nombre de dimenfîons à la fois : par exem-
ple j le plan d'une ville avec fes rues ôc
fes maifons , eft un plan à vue d'oifeau j
tel eft le plan en grand de Paris , qui a
été fait il y a quelques années par ordre
de k ville. (£)
Perspective aérienne, eft celle qui
repréfentc les corps diminués ôc dans un
moindre jour , à proportion de leur éloi-
gnemcnt,
La perjpeclive aérienne dépend- fur-tout
de k teinte des objets que Ton fait pius
ou moins force > ou plus ou moins claire ,
fclon qu'on veut repréfentei l'objet plus
P E R
ou moins proche. Voye^ Couleur &
Clair-obscur. Cette méthode eft fon-
dée fur ce que plus eft longue la colonne
d'air à travers laquelle on voit l'objet,
plus eft foible le rayon vifuel que l'objet
envoie à Pœil. F. Vision.
Perspective a fe dit aufTî d'une efpcce
de peinture que l'on voit ordinairement
dans les jardins ou au fond des galeries ,
qui eft faire exprès pour tromper la vue,
en repréfentant la continuation d'une allée ,
d'un bâtiment, d'un payfage, d'un lointain
ou de quelque chofe femblable.
Perspective , ( Feinture. ) La perf-
peclive eft l'art de repréfenter les objets
qui font fur un plan , félon la différence
que l'éloignement y apporte , loit pour la
figure , foit pour la couleur j elle eft fondée
fur la grandeur des angles optiques &
des images qu'ils portent à différentes
diftances.
On diftingue donc deux fortes de perf-
peclives , la linéaire Ôc l'aérienne. La perf-
peclive linéaire confifte dans k jufte rac-
courciflement des lignes; l'aérienne, dans
une i[ufte dégradation des couleurs ; car
dégrader , c'eft , en terme de peinture ,
ménager le fort ôc le foible des jours , des
ombres ôc des teintes , félon les divers
degrés d'éloignement. C'eft par cette forte
d'illufion que la peinture féduit les fens ,
ôc que Pon attribue du relief à ce qui n'en
a pas. Voici le méchanifme qui produit
cette erreur agréable.
Le jugement que rinftinél porte de la
grandeur & des dimenfions des corps , fe
mefure par leurs éloignemens apparens ,
ôc par leurs dififérens degrés de clarté. Un
objet qui fe trouve placé à une grande
diftance de l'oeil qui le voit, paroîr fous
des dimenfions diminuées ; mais l'inftind:
habituel frappé de la diftance, corrige cette
altération, & rend à l'objet fa véritable-
grandeur.
Ainfi pour féduire le jugement invo-
lontaire, il doit fufïire de donner fur un;
. tableau les apparences des diftances réelles..
Ces apparences font décidées ôc par la
■ diminution de l'objet , & par raffoiblifiè-
ment de Çd. clarté. Une extrémité- de pay fa-
' ges dont les traits font diminués ôc incer-
; tains,, les coukurs mal décidées ôc laiumicic-
P E R
affoiblic , ne peut rappeller que dies objets
éloignés. L'indinâ: involontaire iranfporte
au loin ces repréfentations , qui par la foi-
blelTe de leur clarté ne peuvent être fuppo-
fées qu'à de grandes diftances.
La diftance apparente peut être encore
augmentée par le nombre d'objets réels
ou apparens & intermédiaires. Dans un
tableau où les traits ne feroient point ter-
minés , ni la lumière fixe , il paroîtroit
qu'on eût peint de petits objets dans le
crépufcule j mais fi on décide le jour par
la vivacité de certaines couleurs , par la
force & la corredion du deffin de certaines
parties , alors ce qui efl: fur la iurface plate
& dont la clané eft affoiblie , frappe
rinftindt comme il feroit dans l'éloignemenr.
Ix jugement involontaire fépare ces objets
de ce qui eft fixement éclairé.
Pour rendre fur une furface plate un
lointain dans lequel la vue puiile fe perdre ,
on peint une luite d'objets dégradés par
nuances. Ce font ou des palais , ou des
campagnes, ou des figures qui dans leurs
lucceflions fuivent les dirainutionsoptiques,
& qui, à proportion d'un plus grand éloigne-
ment , où l'on veut les faire paroître , ont
des defïîns moinsarrêtésck une lumière plus
affoiblie. Cette imitation de l'éloignement
féduifant l'inftind , le tableau prend du re-
lief , les objets y paroiflent féparés , & à de
grandes diftances; il n'eft pas même pofïîble
à la réflexion de détruire ces effets méchani-
ques.
Il eft conftant que l'imitation eft non feu-
lementla première règle de la peinture, mais
qu'elle eft Ton principe , fa fource , enfin ce
qui lui a donné la nailTànce; il eft conftant
encore qu'il ne faut pas avoir une connoil-
fance &c une pratique bien étendues dans ce
même art , pour avoir exprimé ou indiqué
dès le premier inftant qu'il a été exercé , le
fuyant , la diminution & la dégradation que
k nature préfente & delTine de tous les cô-
tés; c'ell-là , comme nous l'avons dit,
ee qu'on appelle perfpeciive , c'eft - à - dire ,
le changement & la diminution que l'air
pour la couleur , & la diftance pour le trait,
apportent fur des objets expofés à laotre
Tue.
hz. perfpeciive àt la couleur a peut-être
été plus long- temps à s'établir; les geiutrea
P £ R 4J5
auront été plus long- temps retenus par le
défaut des moyens ; & quand la pratique
& l'ufage leur ont fourni ces mêmes
moyens , il eft vraifemblable qu'ils ont vu
quelque temps cette diminution de la cou-
leur, &c "même les dégradations du traie
les plus compliquées & les moins naturelles,
fans ofer les exprimer , dans la crainte
de n'être point entendus. En effet , quelle
devoit être à cet égard la réferve des
anciens peintres , pu i (que même encore
aujourd'hui l'on eft obligé d'éviter des figu-
res telles que h perfpeciive ptui les donner,
parce qu'elles ne font point heureufes?
N'entend-on pas tous les jours les gens du,
monde dire , en confidérant le fond d'un
tableau: "mais ce n'eft point là tel bâ-
„timenr, je n'en ai point vu de cette
„ couleur , jamais il n'y a eu de fi petites
,, mailbns , &c. „ Car ces mêmes gens ,
qui d^'ailleurs ont de Pefprit , mais qui
n'ont jamais réfléchi fur la nature & moins
encore fur l'imitation , ne reconnoî-
tront pas leur ami defliné de profil , oa
des trois quarts , parce qu'ils n'en ont jamais
été frappes qu'en face. Mais laiffons ces
gens du monde, qui font le malheur des
arts & de toutes les connoiflànces qu'ils
n'ont pas ; 8c revenons à la perfpeciive ,
après être convenus que les premiers pein-
tres ont été long-temps fans ofer exprimer
celle de la couleur, ôc peut-être celle du
trait..
Il faut remarquer que la perfpeciive s'étend
fur tous les objets les plus voifins de l'œil ,
ôc que le monde en général ne connoîr que
celles qui repréfentant des bâtimens Se
des architedtures fur des plans dégradés ,
en portent le nom par excellence. Pour fe
convaincre de la ficilité avec laquelle t^us
les hommes ont pu remarquer hperTpéc^
tire , OC par conféquenrPexprimer, il fufxît
de regarder par l'angle un bâtiment un peu
élevé, & de quelque étendue dans fk
longueur ; on fera frappé de l'abaiflement
proportionnel de fon trait dans toutes fes
parties,ainfique delà dégradation de fa cou-
leur; & dès-lors on concevra que tout pein-
tre , fans, être obligé de palier par les^
règles , a dû néceflàirement exprimer cer
qi/il voyoitaufridairemei.it &c au^ couf-
uimintuc
48^ P E R
L'imitation feule, un raisonnement des
plus fimples , enfin Tare lui - même nous
prouvent donc inconteftablement que tous
les peuples qui ont connu le delîiu , ont
dû avoir une idée plus ou moins jufte,
ôc plus ou moins étendue, mais toujours
confiante de la perfpeciive. Cependant
on a voulu en refufer la connoidance aux
Grecs , les peuples de la terre qui ont
pouHe le plus loin le fentiment , la finefle
Se l'exécution des arts. S'ils n'eu (lent point
connu la perfpeciive , auroient-ils conduit
l'imitation jufqu'à tromper les hommes
même ? Auroicnt-ils élevé ces fuperbes
fcenes , & décoré ces immenfes théâtres
d'Athènes avec tant de grandeur & tant
de dépenfè? Un peuple ii fin & il délié
en toutes choies , auroit-il fouienu la vue
d'un amas confus d'arbres , de bâtimens ,
enfin celle d'un fpeâracle de dél'ordre , tel
qu'il auroit été néceflairement fans ce pre-
mier principe, dont la nature fournit à
chaque inftant des exemples (î faciles à
comparer?
M. Perrault , admirateur outré de fon
fiecle , ert: un de ceux qui ont porté le plus
loin la prévention contre les anciens ,
n'ayant cherché dans fes écrits qu'à les
abaifler prefqu'en toutes choies; mais il
n'a pas eu plus de fuccès que tous ceux
qui ont couru la même carrière, en fou-
tcnant d'auflTi mauvaifes thefes que les
fiennes. Cet homme peu philofophe , dans
quelque fens qu'on veuille prendre ce mot,
a avancé deux proportions également
fauflès \ l'une , que les peintresou les fculp-
teurs n'avoient aucune idée de la perfpec-
iive, qu'ils en ignoroient les règles , qu'ils
ii'étoient point conduits par la vue de ces
principesqui dirigent aujourd'hui nospein-
tres; l'autre, qu'ils n'avoient point par
conféquent le fccret de dégrader les figu-
res , ni par la forme , ni par les couleurs ,
& qu'ils n'avoient jamais fait de tableau
où cette dégradation fut fenfible.
Nous ne prétendons pas alTurer que
les anciens aient eu une théorie auiTi
étendue de la perfpeciive que celle que
nous avons aujourd'hui ; peut - être que
cette intelligence parfaite des myfteres
de la perfpeciive , devoir être le fruit des
réflexions, du goût & du travail de tant
PER
de génies extraordinaires qui ont para
depuis 1 500 ans. Comme les fciences &c
les arts fe prêtent un fecours mutuel, les
découvertes qu'on a faites en plufieursde
ces arts qui ont rapport à la peinture ,
ont bien pu fcrvir à mieux développer
nos connoilîànces, & à produire des ou-
vrages plus réguliers èc plus parfaits. Cha-
que fiecle ajoute aux lumières des fiecles
précédens. Si donc M. Perrault s'étoit
contenté d'accorder à notre fiecle quelque
fupériorité en ce genre , il n'auroit rien
dit qui ne fût railbnnable ; mais en rava-
lant le mérite des peintres anciens jufqu'à
leur refufer toute connoifl'ance de la perf-
peclive , c'eft (è montrer par trop ridicule.
Comment fe peut-il que la peinture ait eu
tant d'éclat fous le règne d'Alexandre le
grand , &c que les plus habiles n'aient eu
aucune idée de la perfpeciive , fans le
fecours de laquelle on convient que le
peintre ne peut pas tirer une ligne , ni
donner un feul coup de pinceau ?
Ludius , dit Pline , peignit le premier fur
les murailles des ouvrages d'architedure &
des payfages. Or quelle idée pourroit-on fe
fiire de ces fortes de tableaux , fi l'on
refufoit aux anciens la connoiflance de la
perfpeciive? Apaturius fit une décoration
de théâtre dans une ville de Lydie , célèbre
par fon temple de la viéloire , &c cette
décoration étoit faite dans toutes les règles
établies par Agatharque de Samosqui l'avoit
inventée. Léonard de Vincy , en expliquant
ces mêmes règles , n'en a pas mieux fait
fentir les effets, que Platon dans un dialo-
gue du fophifte, & Socrate dans fon dixième
livre de la république.
En effet, Apaturius peignit à Tralles,
dans un petit théâtre , une fcene où il
repréfenta , au lieu de colonnes , Ses
ftatues , des centaures qui foutenoient les
architraves, des toits en rond , des dômes ;
fur tout cela il peignit encore un fécond
ordre , ou il y avoir d'autres dômes , des
faites que l'on ne voyoit qu'à demi, ôc
toutes les autres chofes qui font aux toits
des édifices. " Tout l'afpeét de cette fccne
„ paroifloit fort beau , dit Vitruve ,
„ liv. VII , ch. V y à. caufe que le peintre
„ y avoir Ci bien ménrigé les différentes
5, teintes, qu'il fembloit que cette archi-
PER
i,teâ:ure eût toutes Tes faillies ,». Le texte
iîgnihe à la lettre que l'afpeâ: de cette fcene
fîattoit agréablement la vue à caufe de
{on âpreré, pr opter afperitatem y ou plu-
tôt à caufe de fon inégalité^ ce qui venoit
de ce que la lumière étant bien choiiîe &
bien répandue fur certaines maiïe^-, elles
avoient un grand relief, &: fembloient s'a-
vancer; la toile, quelqu'unie qu'elle fût, pa-
roillbit raboteule. Mais il étoit impolfible
que certaines parties de cette peinture
euflent une apparence de faillies , qu'il
n'y en eût d'autres plongées dans l'enfon-
cement & dans un lointain , ce qui efl:
tout le fccret de h.perfpeciive.
Quoique cette coniequence foit évidente,
quoiqu'elle foit , pourainfidire, renfermée
toute entière dans ces termes mêmes du
pallage , je vais la faire envifager dans un
autre encore plus précis. C eft toujours
Vitruve qui parle dans fa préface, & la
tradu6lion de Claude Perrault. " Démo-
3, crite & Anaxagore ont écrit fur ce fujet ,
3, principalement par quel artifice on peut ,
3, ayant mis un point en un certain lieu ,
a, imiter iS bien la naturelle difpolition
5, des lignes qui fortent des lieux en s'élar-
„ gillànt , que bien que cette difpoiîtion
3, des lignes nous foit inconnue , on ne
„ laifle pas de rencontrer à rcpréfenter
5, fort bien les édifices dans les perfpeclives
3, que l'onfait aux décorations des théâtres,
y, & on fait que ce qui eft peint feulement
3, fur une furface plate , paroit avancer en
,, des endroits , & (e reculer en d'autres,,.
Les anciens n'ignoroient donc pas hperf-
pecl/ve.
Il eft malheureux que la peinture an-
cienne , au moins la plus parfaite dc la plus
terminée , n'exifte plus , pour nous con-
vaincre du degré auquel les anciens ont
porté la perfpeclive. On (ait qu'au fîecle
même d'Augufte les tableaux dc Zeuxis,
d'Apelle , de Protogene & des autres grands
peintres du bon temps de la Grèce , fe
diftinguoient à peine , tant la peinture en
ëroit évaporée, effacée , & le bois ver-
moulu. Il ne nous refte aujourd'hui, pour
établir notre jugement, que quelques pein-
tures fur la muraille , que nous fommes
trop heureux d'avoir , mais que notre
goût pour l'antique ne doit pas nous faire
PER 4ÎJ7
admirer e'galement. Toutes belles qu'elles
puiftent être à de certains égards , il eft
certain qu'on ne peut les comparer à ces
fuperbes tableaux dont les auteurs anciens
ont fait de fi grands éloges, dont ils parloienc
à ceux même qui les admiroient avec eux
à ceux qui fentoient tout le mérite des
chefs-d'œuvre de fculpiure , fur lefquels
on ne peut foupçonner ces auteurs de
prévention , puifque nous en jugeons 5c
que nous les admirons tous les jours , &
qu'enfin nous fàvons qu'ils étoient égale-
ment employés à la décoration des tem-
ples & des autres lieux publics Ces arts
fe fuivent au point qu'il eft phyfîquemenc
impoflible que l'un fut élégant & fublime,
tandis que l'autre auroit été réduit à un
point de platitude & d'imperfedion , telle
que feroit en effet une peinture fans relief,
fans dégradation , enfin fans ce qu'on ap-
pelle l'intelligence &c l'harmonie , parties
de l'art , qui toutes , quoiqu'elles ne pa-
roi (lènr pas appartenir diredemewt à notre
objet , doivent cependant être comprifes
fous le nom de la p.rfpePiive dont elles
font partie. Après tout , les peintures à
frefque déterrées d'Herculanum , fuffifent
pour juftifier que h perfpeclive étoiz bien
connue des anciens.
Avant même que le roi d'Efpagne,
alors roi de Naples, nous en eût donné
cette preuve, en retirant de cette ville
un prodigieux nombre de peintures, les
hachures qui expriment les ombres dans
la nfce aldobrandine , nous apprenoienr
bien que fon auteur n'ignoroit point cette
partie de l'art. Cen'eft pas tout ; le fujet
traité dans un intérieur de maifbn repréfente
dix figures fur le même plan ; elles font
pofées fîmplement & naturellement , fans
aucune attitude forcée , & fans la recherche
ni l'affedation d aucun contraftc. Si d'un
coté elles ne font point obligées d'avoir
aucune diminution de trait ou de couleur,
le peintre n'en a pas moiiis indiqué la
perfpeclive dans toutes les parties oij elle
étoit nécefTàire , non feulement par la
rondeur des corps , & par le fentiment de
l'intervalle qui les fépare du fond, mais
par la jufte dégradation des corps que fon
fujet lui demandoit , tels que l'autel , le
I lit , le plancher , frc. Or fi toutes ces
4^8 P E R
parties ne font pas de la perfpeêive aux
yeux d'un homme d'art , je ne fais où il
en fiiuc chercher , aujourd'hui même que
cette fcience eft airurément plus connue
qu'elle ne l'a jamais été.
Si l'on veut bien encore examiner plu-
fieurs peintures antiques du tombeau des
Nazoni, & principalement une chalfe de
cerf qu'on trouvera deflinée à la pi. XXX,
ainfi que tout le recueil mis au jour par
Pietro Santo Bartoli , édition de Rome
1680, on- fera frappé des connoiflances
que les anciens avoient faites dans la perf-
peclive depuis Paufias.
Les facrifîces peints par ce célèbre
artifte , donnent une idée complète de la
perfpeclive ; c'eft Pline qui en parle ,
liv. XXXV y ch. xjy en ces mots : Cùm
cmnes qius volant eminentia videri , can-
dicantia faciant , coloremque condant
nigro, hic totum bovem atri coloris fecit ;
c'eft-à-dire , loin de faire , comme on le
pratique ordinairement, les corps faillans
blancs avec des oppoiîtions noires , il
peignit le bœuf abfblument noir. On ne
peut mieux décrire l'intelligence, l'har-
monie & la ruption des couleurs , d'autant
que le même Pline ajoute : umbrceque
corpus ex ipfo dédit {fcilicet nigro) ; il
tira les ombres & le corps ( du bœuf) de
cette feule couleur (noire). Il ditenfuite :
Magna prorfus artt , & in que extantia
cflendens , & in confraclo folida omnia :
faifant voir avec un art infini fur une fur-
face toute l'étendue & la folidité des^prps
par des traits rompus. Il eft impoffible de
donner plus parfaitement l'idée des corps
mis en perfpeclive.
M. Perrault fonde une de fes preuves
de l'ignorance des anciens , en fait de
perfpeclive , fur les bas-reliefs de la colonne
trajane , où en effet toutes les règles de la
perfpeclive font violées : mais il a eu grand
rort de ne pas diftinguer la différence des
iîecles de l'antiquité. Peui-ii y avoir quel-
que rapport entre la fçulpture des Romains
du temps de Trajan, 6c celle des Grecs
dansPéclat de leurs arts? D'ailleurs , fonder
ijne indudbion générale fur un exemple par-
ticulier , eft un vice de raifonnement con-
traire aux préceptes de tous les logiciens
4u monde. Mais on pçut oppofer à
PEU
M. Perrault des faits inconteftables contre
fon opinion , & qu'il ne dévoie pas ignorer.
Le recueil de Roffi qui a pour titre ,
admiranda veteris fculpturœ vejtigia , nous
préfente plufleurs bas-reliefs qui font une
preuve évidente de la connoiflànce des
anciens dans la perfpeâive.
M. Perrault donne aufli les médailles des
anciens pour preuve de leur ignorance
dans la perfpeclive; il afture même que
l'on n'en connoît aucune trace fur ces
monnoies. Mais c'eft un reproche trop
outré ; car quoiqu'il foit vrai que la plus
grande partie des médailles anciennes
manque du côté des règles de la perfpec-
tive, il n'eft pas vrai qu'elles foient toutes
dans ce cas-là. On a plulleurs médailles, &
fur-t<?ut des médaillons dans lefquels non
feulement on fait plus que d'entrevoir la
perfpeclive , mais elle s'y trouve entière-
ment prononcée. Tel eft un médaillon
de Seleucus 1, roi de Syrie , repréfenrant
d'un coté la tête de Jupiter , & au revers
Pallas dans un char tiré par quatre élé-
phans, lançant d'une main un javelot, &
de l'autre tenant un boucliet^-cctte Pallas
eft dégradée avec toute l'intelligence né-
ceflâire, les éléphans fe diftinguent fans
confufion , &: la roue du char eft vue de
côté , même avec une grande finefle de
perfpeclive , ce qu'il faut voir fur le mé-
daillon ; car tous ceux qui l'ont gravé
n'ayant point été fenfibles à cette partie ,
ne l'ont pas fait fentir. Au refte , ce
médaillon, qui eft du cabinet du roi, fe
trouve gravé dans l'hiftoire des rois de
Syrie, par M. Vaillant, dans les annales
de Syrie du P. Fra:lich , & dans plufieurs
autres recueils d'antiquité. Tels font encore
deux médaillons de bronze de la fuite du
roi. Le premier eft de Fauftine mcre:
d'un coté la tête de cette princefTe , de
l'autre l'enlèvement des Sabines i ce revers
repréfente plufieurs femmes dans le trouble
naturel à leur fjtuation , mais grouppées
avec tout l'art du deffin & de la perjpec-
tive. Le fécond eft de Lucius V^rrus ; le
revers repréfente Marc - Aurele , ôc ce
prince dans un char tiré par quatre che-
vaux , eft précédé par plufieurs foldats
pofés fur différens plans , avec des dégra-
, dations convenables à leur éloignemenr,
M. de
i> E R
M. de Caylus a fait graver toutes ces
médailles à la fuite de fon difcours fur la
perfpecUve Ats anciens , dans les mémoires
de littérature, tome XXIII y page 3^i.
La perfpeclivt des fonds eft plus rare
dans les pierres gravées , que dans les
médaiUes i la raifon en eft bien fimple ,
nous avons moins de fujets de comparai-
ibn , & l'un ne fe multiplie pas comme
l'autre : néanmoins fi Ton regarde dans le
recueil des pierres gravées du roi , que
M. Manette a donné au public avec tant
de foin , \ti numéros 95 , 102 & m ,
Ton verra que les anciens n'ignoroient pas
l'art de marquer la dégradation dans les
figures , fuivant l'endroit du plan où elles
font placées. La fameufè pierre connue
fbus le nom de cachet de Michel-Ange ,
fuffiroit feule pour le juftifier. Il réfulte in-
vinciblement de tout ce difcours , que les
anciens ont connu la perfpeclive , & qu'il
n'étoit pas poflible qu'ils Tignoraflênt. Mais
il faut lire les mémoires mêmes de M. l'abbé
Sallier & de M. de Caylus fur cette matière;
ils font inférés dans le recueil de littéra-
ture, tome VIII & XXIII. Ven ai
tiré tout l'ufage que me permettoit ce
didionnaire pour l'étendue d'un article.
(Le chevalier de Jaucourt.)
Perspective militaire , (Fonif.)
C'eft l'art de defliner fur un plan un objet
tel qu'il fe préfente à l'œil , placé à une
certaine hauteur & à une certaine diftance ,
& vu fur un tableau tranfparent , qu'on
met entre l'œil & l'objer. Exemple : foit
un pentagone A B D E F , entre lequel
& l'œil C , eft élevé perpendiculairement
le tableau V P fur le plan horizontal H R.
En s'imaginant que de tous les points
paflènt des rayons dans l'œil par le tableau ,
comme CA, C B , CD, ^c. & qu'ils
laifTent fur le tableau V P y de façon que
les rayons qui en fortent vers l'œil , feront
le même effet que (i le pentagone A B
D E F y étoit réellement. La perfpeâii'e
cnfeigne donc la manière de trouver par
des règles géométriques , les points A B
D EFÇur le tableau V P ; c'eft-à-dire ,
à delfiner un objet fuivant qu'il fe pré-
lente à la vue , eu égard à la diftance
& à la pofition de l'œil. Quoique pour
établir ces règles on ait écrit des volumes
Tome XXK
P E R. 48^
entiers , on peut cependant les renfermer
dans peu de principes. {D. J.)
Article extrait d'un mémoire fur le
dejfin ge'ométraly par M. le chevalier
de Cu^el.
De toutes les manières de repréfènter
les objets fur une furface , celle qui altère
le moins leurs dimcnfions , eft , fans con-
tredit , la meilleure , & celle que le géo-
mètre doit préférer. La perpeaive , en les
repréfentant conformément à leurs appa-
rences , les défigure trop , & il feroit trop
difficile d'en connoître les mefures fur les
tableaux qu'elle apprend à tracer. Mais
auffi cette manière eft la plus naturelle ^
puifque la repréfèntation fait fur l'œil la
même impreflion que l'objet repréfentc :
l'ouvrage de l'art difparoît fous l'effort de
l'art même , & le fpeftateur trompé ,
croyant laifir un corps , n'apperçoit plus
que fon fantôme.
Il n'y a que la fculpture qui reprélente
un objet avec toutes fes dimenftons , ou
qui le faflè paroître en petit ce qu'il eft
en grand. Si l'on projette un objet fur un
plan de pofition quelconque par des lignes
parallèles entr' elles , il eft évident que les
lignes & les faces de \:et objet parallèles
au plan de projedion , ne feront point
changées. Il en fera de même des lignes
& des plans qui feront avec les lignes de
projedion des angles égaux à ceux que
ces mêmes lignes forment avec le plan
fur lequel fe fait la repréfèntation. Mais
toutes les dimenfions de l'objet qui ne
feront point dans l'un de ces deux cas ,
paroîtront dans la projedion ou plus petites
ou plus grandes.
Suppoibns donc qu'on veuille faire U
projedion d'un objet fur un plan, par des
figures parallèles entr'elles, & voyons quelle
feroit la poiition la plus avantageufe de
ce plan & de ces lignes , non feule-
ment pour que les dimenfions de l'objet
fuftent altérées le moins qu'il feroit pof-
fible , mais encore pour que l'œil en pût
facilement connoître le relief.
Le relief ou le cube d'un objet fe me-
furant par des lignes perpendiculaires l'une
à l'autre , ce relief fera d'autant mieux
marqué , que k projedion fera paroître
Qqq
4i)o P E R P E R
Bn plus grand nombre de ces lignes fans t repre'fenter les objets fur wn plan vemcal
les altérer. Et comme les objets lont pref-
que tous terminés par des lignes verticales
& des lignes horizontales , ce fera par
rapport à ces dimenfions que nous fixerons
& les lignes & le plan de projedion.
La projedion qui fe fait par des lignes
verticales fur un plan horizontal , & qu'on
nomme ichnographie y ne change rien aux
Ègncs horizontales de l'objet. On peut y
prendre les didances de chacun àts points
oe ceS objets à deux plans verticaux qui
fe coupent; mais chaque ligne verticale y
paroît fous un ièul point , & chaque plan
vertical y eft repréfenté par une ligne. Les
lignes & les plans inclinés à l'horizon y
paroifïênt auffi plus petits, & l'œil n'ap-
perçoit que très- imparfaitement , ou n'ap-
perçoit point du tout le relief de l'objet.
Ce que nous venons de dire des parties
verticales de l'objet pour le plan , doit
par des lignes inclinées à l'horizon & à ce
plan d'une manière quelconque.
Concevons maintenant que la furface de
projedion -eft horizontale , & appliquons
aux lignes horizontales de l'objet , ce que'
nous venons de dire des lignes verticales-
dans le cas précédent. Cette projediorî*
conviendra particulièrement aux objets
terminés par un grand nombre de lignes-
horizontales , comme les ouvrages dé for-
tification ; & comme on s'en fert fouvenr
pour les repréfenter , nous la nommerons
perfpeclive militaire.
Comme il n'y a point de livre , au moins
que je connoilTe , qui traite de zt^ deux
manières de projeter les objets , qu'il n'y-
en a même aucun qui en donne une défi-
nition exade , il ed nécclTaire d'entrer dans-
un plus grand détail.
Dans l'article précédent , on a appli-
qué à la perfpeclivt militaire la défini-
tion de la perfpeBive proprement dite»^
Mais fi l'on repréfenté quelquefois la--
fortification fuivant les règles de la perf-^
pecHve y cet art ne prend pas pour cela-
le nom de perfpeciive militaire. Il feroif
inutile de défigner la même chofe par deux'^
noms difFérens , & l'on ne s'cntendroit
plus , fi l'on vouloir défigner deux chofes
différentes par le même nom. On s'efi donc
trompé, en dilant qu'on a écrit fur la/J^r/-
peclive militaire une multitude de volu-
mes. Voici peut-être les premières règles
qu'on ait données (ûr cet art; car il fautr
compter pour rien ce qu'Allain Malla en
a dit tuins fes travaux de Mars.
On appelle tableau y comme dans la
perfpeciive ordinaire , la furface fur laquelle,
fe fait la repréfentatron , foir que cetta:
furface Ibit verticale ou horizontale. Les'-
lignes dé projedion fon.r des rayons vifuels ,-
& la repréferitation de chaque point fur
'le tableau, c'ell-à-dire , le point où le;
tableau elt coupé par un rayon viluel ,,
émané d'un- point, fera; l'apparence de ce-
dernier point;
Je ne crois pfw que jufqu'ici on ait dlA
tin gué là perfpeciive- militaire de Xzperfpec^-
Mais ctix.^ diflindion n'efi
s'entendre àts parties horizontales dans le
profil , fi ce n'eft que les lignes horizontales
paroiflent dans leur vraie grandeur , quand
elles font parallèles au plan vertical fur
lequel elles font reprcfenrées.
Repréfentons un objet fur un plan ver-
tical par des lignes parallèles entr'elles ,
mais inclinées fur ce plan. i°. Il efî évident
qu'on pourra faire paroître toutes les faces
de l'objet qui ne feront pointdirigées luivant
les lignes de projedion. l*. Toutes les
lignes verticales feront égales , ainfi que
lies iùrfaces planes parallèles au tableau.
3°. Si l'inclinaifon des lignes de projedion
n'eft^ point donnée , on peut fixer cette
jnclinaifon de manière qu'une ligne don-
née de grandeur & de. pofition , puiiTe
paroître fur le tableau dans fa vraie lon-
gueur.
Ainfi , lorfque l'objet qu'on voudra re-
pré' enter fera- compofé d'un grand nombre
de lignes verticales , il fera avantageux
de le repréfenter de cette manière ; &
s'il fe trouve dans cet objet des lignes
parallèles entr'elles, fans l'être au plan du
tableau , on pourra aufiî les projeter dans
leur vraie grandeur* Cette manière corr-
viendra fur-tout à repréfenter les édifices ,
la charpente, les prifmes dont les ba fes tive c avilie re
ont beaucoup.de côtés , ô'c. Nous appel- ' pas moins néceffaire que celle du plan &?
lercns perfpeciiv& camliere ^, l'arc de i du pr<)âl ^ puilqu'ily a eiur'eiks la mêma-
P E R
fîîffcfenGê. Et s'il eft un cas où elles don-
nent le même réfultar , on ne doit pas pour
cela les confondre.
Ces deux efpeces àc perfpeciii^s diffèrent
de la perfptBive proprement dite , en ce
-que dans celle-là le point de vue eft (up-
pofé mobile, & placé pour chaque point
de l'objet , dans le rayon vifuel émané
de ce point. Car fi on fuppofoit le point
de vue immobile , il faudroit qu'il fût infi-
niment éloigné : or on ne voit point à une
dillance infinie. Elles en différent encore
en ce que les rayons vifùels font tous obli-
ques au tableau , au lieu que dans la perf-
peclU'e ordinaire le rayon principal & le
tableau font toujours perpendiculaires l'un
a 1 autre.
Il fuit delà que le champ de ce tableau
ne peut èir& borné , comme dans la perf-
peclive proprement dite. Car fi l'œil efl
infiniment éloigné , la fphere de la vue
fera infinie ; & s'il parcourt fuccefUvement
■tous \t^ rayons vifuels , rien n'empêche
d*étendi-e cette fuppofition aufS loin qu'on
voudra.
La perfpeBive militaire a , comme on
voit , un avantage fur la perfpeâive cava-
lière p puifqu'elle peut repréfènter toutes
les verticales & toutes les horizontales de
l'objet dans leur vraie grandeur ; au lieu
que la perfpeBive cavalière ne repréfente
avec les verticales que les horizontales
parallèles , à moins que l'angle des rayons
vifùels avec l'horizon ne foit de 4Ç degrés ,
& que le plan de cqs rayons ne foit per-
pendiculaire à celui du tableau.
Qn peut conclure de tout ce qu'on vient
de dire , que le cas le plus fimple pour la
perfpe clive militaire , eu celui où les rayons
font avec le tableau des angles de 45
degrés. Quanta la perfpeciive cavalière y
•il faut non feulement que cet angle d'in-
clinaifon foit de 45 degrés , mais il faut
encore que ces rayons foient dirigés per-
pendiculairement au tableau. Dans ces deux
fuppolitions , on peut repréfènter un objet
fans profiler les rayons vifuels. On fe fer-
vira fimplemeot du plan de cet objet pour
y rapporter les hauteurs du profil , dans
\es lignes qu'on aura menées par tous les
points du plan pour repréfènter les rayons
vifiiels.
P E R. 49t
Les détails de la pratique de cts deux
efpeces de ptrfpeclive , font extrêmement
fimples , & refîêmblent affez à ceux de
k perfpeclive ordinaire. Il fufîit de lavoir
trouver l'apparence d'un point. Si l'on
avoit une courbe à repréfènter , on ima-
gineroit cette courbe compofée de lignes
droites , & on en détermineroit l'appa-
rence avec d'autant plus d'exadlitude que
ces lignes droites feroient en plus grand
nombre.
Quant aux furfaces courbes , leur appa-
rence efl celle de la courbe formée par
les points de tangence des rayons vifuels
pour lefquels la fùrface efî effleurée.
PERSPICACITÉ, f f. {Gramm.)
pénétration prompte & fubite ; c'efl une
qualité qui n'accompagne pas toujours la
vivacité de l'efprit , quoiqu'elle la fuppofe.
La perfpicacité s'exerce fur les chofes dif-
ficiles à démêler.
PERSPICUITÉ, f. f. {Gramm.) clarté,
netteté d'idées & de difcours ; c'eft une
qualité effentielle d'un auteur ou d'un
orateur. Sans elle , il fatiguera ceux qui
l'écouteront , & fès écrits auront befoin
d'un commentaire. Ce mot efl emprunté
de la tranfparence ou de l'air , ou de l'eau ,
ou du verre.
PERSUADER, SUGGÉRER, IN-
SINUER, (6>/2o/z.) L'abbé Girard a
parfaitement développé la différence de
ces trois mots. On injinue finement &
avec adrefîê. On perfuade fortement &
avec éloquence. On juggere par crédit,
& avec artifice.
Pour infirmer , il faut ménager le temps,
l'occafion , l'air & la manière de dire les
chofès. Pour perfuader y il faut faire fentir
les railbns & l'avantage de ce qu'on propofe.
Pour fiigge'rer y il faut avoir acquis de
l'afcendant fur l'efprit des perfonnes.
Infinuer p dit quelque chofè de plus
délicat. Perfuader , dit quelque chofe de
plus pathétique. Suggérer , emporte quel-
quefois dans fa valeur quelque chofe de
frauduleux.
On couvre habilement ce qu'on veut
infinuer. On propofe nettement ce qu'on
veut perfuader. On fait valoir ce qu'on
vcutfuggérer.
On croit fouv«nt avoir penfe de fhi'^
QqqZ
49t P E R
même ce qui a été iiiJinué par d'aufrcs.
il eft arrivé plus d'une fois qu'un mauvais
raifonnement a perfuadé des gens qui ne
s'étoient pas rendus à des preuves convain-
cantes & démonftratives. La fociété des
perfonnes qui ne peuvent & n'agifTent
qu'autant qu'elles font fugge'rées par leurs
domcftiques , ne peut pas être d'un goût
bien délicat. (D. /.)
PERSUASION, i:.L {Gramm.) c\{)i
l'état de l'ame confidéré relativement à la
vérité ou à la faufïêté d'un fait ou d'une
propolition , à fà vraifemblance ou à fon
défaut de vraifemblance, à fa poffibilité
ou à fon impoflibilité ; c'eft le jugement
fincere & intérieur qu'elle porte de- ces
chofes. Après l'examen , on peut être
perfuadé d'une chofe fauffe ; mais celle
dont on eft convaincu eft toujours vraie,
La conviâion eft l'effet de l'évidence qui
ne trompe jamais. La perjuajion eft l'effet
de preuves morales qui peuvent tromper.
La conviélion , non plus que l'évidence , ne
font pas fufceptibles de plus ou de moins.
Il n'en eft pas ainfi de la perfuafioii y elle
peut être plus ou moins forte. La perfua-
Jïon excule fbuvent l'adion. Les anciens
avoient fait de la perfuajfon une déeflè ;
c*étoit la patrone des poètes & des orateurs.
PERTE , voyei Vartick PERDRE.
Perte , dans le commerce y dommage
que l'on foufîre , diminution de bien & de
profit. Les banqueroutes font quelquefois
occafionées par la mauvaife conduite des
négocians , & fouvent aufli par les pertes
inopinées qui leur furviennent. Koye:[ BAN-
QUEROUTE.
Vendre fa marchandife , donner fa mar-
cbandife à perte , c'eft la vendre à moins
qu'elle ne coûte. Dictionnaire de commerce.
Perte , Ç. ^. ( Hydraul. ) eft bien
différente d'une faute dans une conduite
d'eau ; elle arrive quand on ne conncît
point fur la fuperficie de la terre \qs en-
droits où l'eau fe perd : alors on eft obligé
4c découvrir entièrement une conduite
pour l'examiner d'un bout à l'autre , &
remédier aux fautes & fraîcheurs que l'an
apperçoit le long des tuyaux. {K)
PERTEGUES ou PERTIGUELTES ,
f. m. plur. {Marine.) bâtons qui portent
avec la flèche une pic ce d'étoffe qu'oa
PEU
appelle tendelet , & qui fert à couvrir îa
pouppe d'une galère , contre le foleil &
contre la pluie.
PERTH , {Ge'og. mod.) ville d'EcolTc ,
capitale du comté du même nom , fur la
rivière de Tay , à lo lieues N. E. d'Edim-
bourg, 119 N. par O. de Londres. Long,
z4, 55,- lat. a6. 40. {D. J.)
PERTHSHIRE, ( Géog. mod. ) pro-
vince d'Ecôfle , au fud & à l'eftd'Athol.
Elle fe divife en deux parties ; l'une qui
porte proprement le nom de Penh 3 &
l'autre celui de Gowri. Penh eft au midi ,
& Gowri au nord de Perth. {D. J.)
PJERTJCAy f f. (Phyf.) nom que
les anciens auteurs donnent à une elpece
de comète , qu'ils appellent autrement leru,
broche ) parce qu'elle eft fcmblable à une
perche ou à une broche par fa figure.
Pertjca y ( Antiq. rom. ) Les Ro-
mains fè fervoient de la perche pertica ,
pour partager les terres dans FétaMiflé-
ment àts nouvelles colonies , ou lorf-
qu'après avoir chaffé les anciens habitans
d'une contrée dont ils s'étoient rendus
maîtres , ils vendoient à l'enchère les terres,
après en avoir fait la divifion. Properce
appelle ce partage triftis pertica avec raifon,
puifquelcs anciens propriétaires fe voyoient
dépouillés de leurs biens,
Nam , tua ciim multi verfctrent rurct
juvenci ,
Abfiulit excultas pertica triftis opes^
Le mot pertica fignifioit non feulement
ce bâton long de dix pies , dont on mc-
furoit les terres , mais encore le fonds-
mefuré & confiné , comme nous l'appre-
nons de Siculus Flaccus , de Frontin , &
de plufieurs autres que C^fius a recueillis y
& qu'il a expliqués par àzs notes très-né-
cefîàires pour leur intelligence. {D. J.)
PERTINAX ( Elius ouHelvius) ^
{Hiji. Rom. ) né dans un village de 1»
Ligurie , fuccéda à l'empereur Commode
en 193.. Son père qui n'étoit qu'un affran-
chi , lui donna une belle éducation. L'am-
bition de Letus l'éleva au trône , moins
par fentimcnt d'amitié & d'eftime , que
I pour s'en frayer le chemin. Pertinax étoit
vieux > & d'une vertu trop rigide pour plaire
P E R
iong-temps à une milice etTrénée qui faifoit
& détruKblt Ces maîtres. Ce fur par ce
motif que Letus employa Ton crédit pour
préparer fon élévation. Pertinax refufa
conilamment cet honneur. Il fallut que les
légions employaflent les menaces , & le
fénat (es prières pour vaincre fa réfiflance.
L'opiniâtreté de fon refus lui fit donner le
nom de Pertinax. Sa jcunefTe avoit été
confacrée à enfeigner les belles - lettres
dans le lieu de fa nailîânce : il pafTa dé
l'obfcurité de l'école dans le tumulte du
camp. Sa valeur & fa prudence lui méri-
tèrent les premiers grades que fa modé-
ration fembloit dédaigner. On vit alors un
fage préfider au dellin de l'empire : les
délateurs furent bannis ; les bouffons de
Commode qui avoient f candalifé Rome par
leurs obfcénités , furent vendus à l'encan :
(à table étoit fi mal fervie , qu'on craignoit
d'y être admis ; toutes les dépenfcs fuper-
flues furent retranchées. On crut voir re-
vivre Trajan & les deux Antonins qu'il
s'étoit propofés pour modèles. Il étoit fi
modefle , qu'il défendit de mettre fon nom
à l'entrée du domaine impérial , difant que
ces lieux ne lui appartenoient pas , mais
à l'empire. Tous les gens de bien fe fé-
licitoient de fon gouvernement. Il n'y eut
que les prétoriens qui parurent mécontens.
Cette foldatefque effrénée infultoit impu-
nément les premiers citoyens ; il établit
une difcipline févere pour la contenir.
Cette réforme devint funefle à fon auteur.
Les prétoriens fe révoltèrent ; il ofa fe
préfenter à ces furieux , qui , au lieu d'être
fenfibles à (es remontrances , le percèrent
de plufieurs coups de poignard. Celui qui
le frappa le premier, lui dit: voilà ce que
les prétoriens t'envoient. Sa mort fut l'ou-
vrage de Letus qui l'avoir élevé à l'empire ,
mais ce meurtrier ambitieux n'en retira
aucun fruit. Le pouvoir fouverain fut déféré
à Julien , qu'on foupçonne d'avoir trempé
dans la conjuration , ou du moins de
l'avoir fuc. La tête de Pertinax fut ap-
portée du camp dans Rome , pour infulter
aux habitans dont il avoit mérité l'amour ;
tous s'écrièrent : tant que Pertinax a régné
BOUS avons vécu dans la fécurité , la foi-
bleife n'a point eu à redouter l'oppreflion
eu plus tort. Pleurons ce perc de la patrie ,
P E R 45)3
ce père du fénat & de tous les gens de
bien. Il étoit -âgé de 71 ans: il ne régna
que trois mois. Il eut beaucoup de chagrins
domeffiques à effuyer. Sa femme Flavie ,
à qui le fénat avoit déféré le titre d'Au-
gufle , brûla d'un amour adultère pour un
muficien. Sans pudeur de fa pafîlon , elle
ne prit pas même le foin de la voiler.
Pertinax , n'ayant pu réprimer ce fcandale ,
s'en vengea dans \es bras d'une courti-
fane , célèbre par (ts prollitutions. Les
feux dont il brûla pour elle , imprimèrent
une tache à fa mémoire. (T-N.)
^ PERTINENT , adj. {Junfpr,) fe dit
d'un fait articulé qui vient bien à la chofè
& dont la preuve efl admifîlble ; quand le
fait n'eft pas de cette nature , on dit qu'il
efl impertinent & inadmifïïble. {A^
PERTOIS (le) , ( Géogr. mod. ) en
latin moderne Pagus Pertifus ; pays de
France en Champagne , & dont il efè fait
mention dans les capitulaires de Charle-
magne. Il s'étend le long de la Marne ,
cnrre la Champagne propre ment dire & le
Barrois ; fa capitale efl Vitry-le-François.
{D. J.)
PERTUIS , f m. ( Arch. hydraul. )
C'efl un paffage étroit , pratiqué dans une
rivière aux endroits où elle efl baffe pour
en augmenter l'eau de quelques pies , afin
de facihter ainfi la naviga-tion des bateaux
qui montent & qui defcendent. Cela fe
fait en laiffant entre deux batardeaux une
ouverture qu'on ferme avec des ailes ^
comme fur la rivière d' Yone ; ou avec des
planches en travers , comme fur la rivière
de Loing ; ou enfin avec des portes à van-
nes, ainjS qu'au pertuis de Nogent-fiir-
Seine. Voye^ ECLUSE.
Pertuis de bajjîn ; c'efl un trou par où
fe perd l'eau d'un bafîin de fontaine ou
d'un réfervoir , iorfque le plomb , le ciment
ou le corroi ef{ fendu en quelque endroit.
Si l'on veut connoître la dépenfe d'un
pertuis , foit quarrc , circulaire , redan-
gulaire , &c, vertical ou horizontal , il faut
lire les Jeclions ^ & îO de V architecture
hydraul. de M. Bélidor , tom. I de la
première partie. {D. J.)
Pertuis , terme géographique ; ce mot
efl employé en géographie , fur- tout fur
les côtes de Poitou ^ pour défigner ua
:f^4 P E R
détroit de mer , comme il paroft par les
exemples fuivans.
Penuis d^Antioche , détroit de l'Océan ,
,dans la mer de France , entre l'île de Ré
au nord , & l'île d'Oléron au midi.
Permis Breton y détroit de l'Océan ,
dans la mer de France , entre la côte du
Poitou & de l'Aunis au nord , & l'île de
JRé au midi.
Penuis de Maumiijfon y détroit de
l'Océan , dans la mer de France , entre
J'îie d'Oléron au nord , & la côte de
Saintonge au midi & à l'occident.
Maïs h penuis Rofiain ou penuis Rof-
tang y eft'une roche percée, au defTus de
laquelle on voit à l'entrée une dédicace
faite à Augufte en ces termes : Dipo
Cœfari Augufto dedicata y falutate eam.
PertUIS , ( Ge'ogr. mod. ) petite ville
de France , en Provence , dans la viguerie
d'Aix, à 4 lieues N. E. d'Aix , ii N.
de Marfe-ille, 162 S. E. de Fans. Long,
p. 3 z§ ; lat. 4j /^/^.
Pertuis , f. m. ( Sermr. ) forte de
garde qu'on met aux planches des ferrures.
II a différens noms félon fa figure. On en
ufe le plus communément aux ferrures
fcenardes & antiques. Il ne faut pas le con-
fondre avec le rouet qu'on pofe fur le pa-
latre , la couverture ou le foncet.
Il y a le penuis à jambe , & le penuis
volant.
Le penuis à jambe fe pofè fur la planche
à l'endroit où palTe la tige de Xa clef.
Pour l'arrêter à la planche , on fait un
trou à la planche à l'endroit où doit paf-
fer la ti^e de la def , & -on épargne par
derrière un petit rivet.
Le penuis volant fe place à quelque en-
droit de la planche qu'on le veut. Après
jque la planche a tourné dans la clef , on
marque ce penuis des deux côtés de la
-planche avec une pointe à tracer, comme
il c'étoit un rouet. On en prend la lon-
gueur avec un compas. On a une pièce
de fer qu'on fend jufte par le milieu
jufqu'a deux lignes de fes extrémités; on
épargne de chaque coté uji pié qu'on riv£
^ la planche. On drefïê enfùite cette
pièce, on la fait entrer dans la planche
iÎAr ie ^aix p £ç .00 riye» ǧh £ait 9 .oa
P E R.
fait tourner la clef, & on lime le permis
par le bout.
Il y a des penuis en cœur , en rond ,
en trèfle , de quarrés , de coudés , en
ovale , en croix de faint André , en étoiles ,
de renverfés , de haflés , de deux pleines
croix , en M , en brin de fauge , &c.
Pertuis , f m. t€rme de tueur d'or ;
ancien mot qui fignifie un trou y & qui
n'efl plus guère d'ufage en ce fens que
parmi les tireurs d'or , ou autres ouvriers
qui réduifent les métaux en fil ; il fignifie
dans leur langage , les ouvertures ou trous
de filières y à travers lefquels ils font
palfer fuccefîîvement ces métaux. Chaque
pertuis a fon embouchure & fon œil :
l'embouchure eu. le côté par où entre
le fil , & l'œil efl le côté par où il
fort ; on paffe le lingot par plus de fept
vingts penuis y avant de le porter jufqu'au
fuperfin.
PERTUISAGE ( droit de ) , f. m.
(Gram. Jurifp.) droit à payer pour mettre
un tonneau en perce &: en vendre le vin.
^PERTUISANE , f f . ( An^ milit. )
C'efl une forte d'arme compofée d'une
hampe , & d'un fer large , aigu & tran-
chant au bout de la hampe. C'efl une
manière de hallebarde très-propre à dé-
fendre un vaifîeau à l'abordage. La lame
efl de 18 à 19 pouces de long , avec une
cannelure au milieu , & la hampe eiî: de
bois de frêne.
PERTUNDA y f. f.^ ( Mythologie. )
une des déeffes qui préfidoient aux ma-
riages. On .en plaçoit la flatue dans la
chambre de la nouvelle mariée le jour de
(es noces.
PERTURBATEUR, f. m. (Gram.)
homme turbulent, inquiet, féditieux, qui
émeut les efprits des citoyens , & caufe
du délordre dans la fbciété. Après cette
définition, ou une autre peu différente,
on ajoute dans le dictionnaire de Trév.
que les théologiens font ordinairement ^^r-
turhateurs de Térat.
PERTURBATIONS y ( Aflronom. )
Ce font les troubles & \e$ dérangemens
que les planètes fe caufent réciproquement
par leur attradion en tout fèns. Si chaque
planète , en tournant autour d'un centre ,
fi'cprouyoii d'autre force que celle qu; b
P E R
porte vers ce centre , elle déct\roit urt
cercle ou une elJipfe , dont les aires fe-
roient proportionnelles aux temps ; mais
chaque planète étant attirée par toutes les
autres , dans des direûions différentes &
avec des forces qui varient fans ceîîè, il
en réfulte des inégalités & des perturba-
tions continuelles. C'eft le calcul de ces
dérangemens qui occupe usuellement les
géomètres & les ailroaomes. Newton com-
mença par celles de la lune ; M. Euler ,
M. Clairaut, M. d'Alcmbert, M. delà
Grange , ont perfedionné cette théorie.
M. Euler a calcule les inégalités de Saturne ,
dans une pièce qui a remporté te prix de
l'académie en 1748. M. Euler , M. Clairaut
& M. d'Alex bcrt ont calculé celles de la
terre. J'ai examiné moi-même celles de
Mars & de VéiHis {menulres acad. ij ^8,
■ijii ô" lyÇi) , qui fe font trouvées
alliez confidérabUs pour mériter d'être em-
ployées dans les calc'ils aiîronamiques , &
celles de Mercure , dans les mémoires de
2jyi. Les inégalités de Jupiter . ont été
calculées par M. Euler , dans la pièce qui
fut couronnée en 1752, {recueil des pièces
qui ont remporté les prix , t. VU) y &
enfuite par M. Mayer. M. Wargentin en
a fait ufage dans la table de Jupirer , qui
par - là ib font trouvées beaucoup plus
exades , de même que celles des fatelli tes.
Les perturbations des fateliites de Jupiter
ont été difcutées par M. de la Grange ,
dans une pièce qui a remporté le prix à
l'académie , & par M. BailJy dans un ou-
vrage particulier ; mais tous ces calculs
peuvent être refaits avec plus dé détail &
plus de précifion, lorfqu'on aura perfec-
tionné davantage, & les données fur lef-
quelles le calcul elf fondé , & les méthodes
analytiques par lefquelles on parvient au
réfultat. On trouvera les principes élémeû-
taires dans mon aflronomie , & les calculs
plus détaillés dans les ouvrages que j'ai
cités , dans les recherches fur le fyllême
du monde par M. d'Alerabert , dans la
théorie- des comètes de monlieur Clairaut.
CM. DE r A Lande?)
PERTURBATRICE, f. f: &adj.qai
trouble, qui dérange. Il n'a guère lieu
qu'en géométrie dans la folution des pro-
P É R 495
autres ' ori donne à une force qui dérangé
le mouvement d'un corps , le nom de
perturbatrice.
PERTUS , terme de Salines \ c'eft un^
planche percée de plufieurs trous , qu'ont
place dans la terre ,ou la vette d'un
marais fàlanî. Les trous du pertus font
bouchés avec da^chevilles , & quand oa
veuf introduire reau du mort dans la
table , on tire les chevilles , en commen-
çant par les plus hautes , & ainii du reft e ,-
jufqu'à ce qu'il foit entré de l'eau (ùffi^
famment. [D. J.)
PERVANNA, (Hift. mod) nom que-
l'on donne dans l'tndoulian & dans le^
états du grand-mogol , aux ordres ou pa-'
tentes^ fignées par un nabab oa gouverneuif
de' province.-
PERVENCHE , f. f. penùaca , {Hifi.
nat.Botan.) genre de plante à fleur mono-
pétale , en forme d'entonnoir évafé eiï
manière de foucoupe , & profondement
découpée. Le piltil fort du calice ;- il efc-
attaché comme uti clou k la partie inté--
rieure de la fleur; il devient dans la'
(uite un fruit compofé de deux filiques, oe-
il renferme une femence oblbngue ,leplu3
fouvent cilyndrîque & fillonnée. Tourne-
fort, infl, rei herb. Voje:{ PLANTE.
PePvVENCHE , pen'inCiZy {Jardinage.)
arbrifTeau grimpant qui eft toujours verdie
Il vient- dans les bois d^s pays tempérés
de l'Europe. Il pouflê du pjé plufieurs tiges
farmenteufes- & fort menues qui rampent
contre terre &- s^étendent au loin. Ses
feuilles font petites, oblongues ,-& relevées
pardeflbus' d'une forte arête dans le :ni-
îieu ; leur furlace eu- luilante , les bords"
font fans dentelure, & la- verdure en efl-
agréable , quoiqu'un peu foncée. Ses fleuri
de couleur" Weue & difpofées- eil rofe,pa--
roiflènt au printemps. Ses graines qui fonr
longues-, ovales & fdlonnées , fe- trouvenf-
,dans des filiques accouplées:
Cet arbrifleau efî aflêz' commiïn dànS
plufieurs pays , il • fe plaît dans les terre?
graifes & humides, à -l'ombre des arbres,-
Il fe multiplie fort aifément de bouture &
de branches couchées ;• (es- branches' fonf
racine pour peu qu'elles touci-<ent contre
terre. Son accroiflement , qui efl très-
hlêiaes. oà.des- corps s'attireat les- uas les J*prorop.t, joint à cette facilita de fe- pro-^
49^ P E R.
pagcr , fait qu'il envahit bientôt un terrain ,
li on le laide aller.
Les pervenches peuvent contribuer â
l'agrément d'un jardin. En les laiflant
courir à leur gré^ elles formeront des
tapis de verdure qui feront garnis de fîeurs
dans les mois de mars & d'avril. On en
peut faire de petites paliflâdes en les fou-
tenant avec du treillage. T)n les laifle auffi
grimper contre la tige des gros arbres pour
les garnir de verdure ; & comme ces
arbrifleaux aiment l'ombre , la fraîcheur ,
l'expoûtion du nord , & qu'ils viennent à
fouhait dans Iss endroits ferrés & couverts
d'arbres , où nulle autre plante ne pourroit
réuffir , il n'cft pas douteux qu'on en peut
tirer du fervice pour compléter l'arran-
gement d'un grand jardin. Cette plante a
d'ailleurs des propriétés intéreflantes ; on
en fait ufage en médecine â plufieurs
égards.
Les pervenches portent rarement àçs
graines, mais elles fe multiplient fi aifé-
raent d'elles-mêmes, qu'il ne faut pas y avoir
de regret. Cependant on peut les amener
à la frudification en les tenant en pot avec
peu de terre au grand air.
On connoît plufieurs variétés de ces
arbrifîeaux : voici les principales.
1. La pervenche à fleur bleue ; c'efl la
plus commune.
2. La pervenche à fleur blanche.
3. La pervenche à fleur rougeâtre.
4* L^i pervenche à fleur bleue , double.
5. La pervenche à fleur bleue , double ,
& d'un pourpre foncé.
6. La pervenche à fleur double , variée
de plufieurs couleurs.
7. La pervenche à feuilles panachées de
blanc.
8. La grande pervenche à fleur bleue.
Cet arbriflêau efl plus grand que les pré-
cédens dans toutes fes parties. Sa verdure
cft très-brillante ; fes fleurs font d'un bleu
vif de belle couleur. Elles paroiflent de
très-bonne heure au printemps , & elles
fe fuccedent pendant plus de quatre mois.
On a vu, cette plante s'élever jufqu'à douze
pies en deux ans. Elle efl extrêmement
convenable pour garnir des ir.urs expofés
au nord.
^. La grande pervenche à fleur blanche.
PEU
ro. La grande pervenche à feuilles pa-
nachées.
II. La pervenche de Madagafcar. C'efl
un arbrifleau précieux & charmant , qui
ne s'élève qu'A douze ou quinze pouces.
Sa fleur reflèmble à celle du laurier-rofe ,
qu'elle furpaffe en vivacité , en beauté &
en durée. Elle fleurit conflamment pen-
dant plus de fix mois. Le grand foleil anime
fes fleurs , au lieu de les altérer & de les
faire palTer. Cette plante efl délicate ; il
faut la traiter comme les myrtes; & la
multiplier de femence.
Supplément à l* article pre'cédent y par
M. le baron de Tfchoudi.
§ Pervenche, venche, ( Bot.
Jardinage. ) en latin pervinca , vinca ,
chamûedaphne y &c. en anglois perwin-
cle y en allemand jungri/n y Jiungrûn ou
wintergrùn.
Caractère générique.
Des parois intérieures d'un très - petit
calice permanent, découpé en cinq fegmens
très- étroits & longs, fort un tube alongé
& évafé qui fe divife en cinq parties : ces
parties , en fe rabattant horizontalement ,
forment par leurs plis un pentagone à l'ori-
flce de la fleur; elles font courbées d'un
c(Sté , droites de l'autre , obtufes & comme
coupées par les bouts; le tube efl velu
par le bas: c'eft en cet endroit que font
attachées à fa paroi intérieure cinq éta-
mines, dont les pédicules font plats &
figurés en cinq ; elles portent des fomh^ets
obtus chargés de poils brillans : au cen^
on apperçoit le fommet du flyle ; il efî
pentagonal , à bords rabattus , & chargé
de poils argentés : l'endroit où il repofe
efl plat comme la tête d'un clou ; le flyle
efl attaché au milieu de deux embryons
fltués nu fond du calice , & n'y tient que
très-foiblement. Ces deux embryons font
oblongs & terminés en pointe : à leurs
côtés le trouvent deux mamelons obtus:
les deux parties de l'embryon deviennent
deux filiques longues , fillonnées , courbées
dans le même fens , & quelquefois en fens
contraire ; elles demeurent fixées au fond
du
P E R
du calice , dont elles s'élancent en diver-
geant lur un angle très-aigu. Elles con-
tiennent des (emences longues , ovales ,
creufées d'un filJon fuivant leur longueur.
Efpeces.
1. Grande pervenche à ^feuilles ovales
cordiformes , attachées par de longs pé-
tioles,
Pervinca maximafolus oi'atO'-cordatis y
petioUs longioribus. Hort. Colomb.
Broadleav'dperwïncle,
Variétés.
a Grande pen'enche à fleur blanche.
b Grande pervenche à^euWks panachées.
2. Pervenche rampante à feuilles oblong-
ovales.
Pervinca repens foliis ohlongo-ovaùs,
Hort, Colomb.
Common perwincle.
Variétés.
a Pervenche commune à fleur blanche.
b Pen-enche commune à fleur nuancée
de blanc & de bleu.
c Pervenche commune à feuilles pana-
chées de blanc.
3. Pervenche à feuilles étroites & petites.
Pervenche à fleur violette.
PervincafolUs anguftis y minimis. Hort.
Colomb.
Variétés.
âtPervenche àfeuilles panacîices de jaune,
à fleurs d'un bleu purpurin.
h Pervenche à fleur double violette^
Cette dernière variété en offre encore
d'autres. Certains auteurs ont tranfcrit la
pervenche à fleur bleue double , & la per-
venche à fleur double variée : celle-ci fe
trouve dans le nombre des individus &
même des coulans de notre dernière variété
b. A l'égard de l'autre , je ne l'ai jamais
vue. La pervenche commune panachée de
blanc , n'a jamais fleuri dans nos jardins ,
où elle efl depuis dix ans.
4. Perv^che à feuilles oblong- ovales
irès-entieres , dont le tube des fleurs efl:
Tome XXV.
P E R. 497
très-long ~y à tige rameulè , ligneufe &
droite. Pervenche de Madagafcar à fleur
rofe.
P en' incia foliis oblongo-ovatis integerri-
mis y tubofloris longijjlmo y caule ramofo ^
fruticofo. Mil!.
Il paroît d'abord aflêz difficile d'aflîgner
auxpervenches d'Europe leur véritable place
fur l'échelle végétale , à l'exception de la
première efpece dont les tiges s'élèvent
avant de retomber : on ne les prendroit
d'abord que pour d'humbles herbes qui
rampent contre terre ; mais , fi l'on ob-
ferve que leurs tiges , pour grêles qu'elles
foient , ne laifîent pas de fubfifler pendant
l'hiver , & de durer même plufieurs années ;
alors , écartant toute idée prife de leur
afped & de leur figure , pour ne s'arrêter
qu'à cette marque vraiment caradériftique ,
on n'héfite plus à les ranger parmi les
arbri fléaux : elles en occupent à la vérité-
les derniers rangs , mais elles ne Iç cedenc
en agrément à aucun ; leurs branches Tou-
pies qui s'jétendent au loin fur la furface
de la terre , font garnies d'une prodigieufe
quantité de feuilles d'un beau verd glacé ,
que le plus grand froid ne peut ternir. Dès-
les plus foioles fourires du printemps , elles
fe chargent de fleurs bleues , blanches àc
violettes d'une vivacité charmante ; alors
elles ornent le fond des bois , le bas des
coteaux qu'elles tapiflent ; elles étendent
leur jiatte fleurie fous les pas de l'amant
de la nature , lorfqu'il court furprendre fes
premiers regards , & la voir plus fraîchç
après fon réveil.
Un amateur des jardins en tire un granij^
parti pour leur décoration ; il en forme
des tapis dans les bofquets d'hiver & dan?
ceux du printemps ; il en borde , il en.
feflonnc les boulingrins ; il en garnit la
terre fous les maflifs & les grands arbres ,
en mêlant toujours avec goût les différentes
nuances de leurs fleurs : il borde ces nattes
fleuries des efpeces à feuilles panachées
qui tranchent , par leur bigarrure , de la
grande pervenche. Il forme des buiflbns
en foutenant iks rameaux contre des ap-
puis ; il en revêt même des pyramides eni
treillage , ou bien il l'étend en petites pa-
lifl'ades , en l'attacharit contre un treillage
■ ordinaire. Les fleurs de cette efpece ôc
Rrr
45)8 P E R
de fes vari(?tés fé fuccedent dans prefque
tous les mois : ainfi il n'y a pas un bofquet
où la grnnde pervenche ne doive trouver
fa place ; elle croît naturellement dans
quelques vallons de l'Angleterre. , & fe
trouve fpontanée en d'autres parties de
l'Europe. Il paroît qu'elle habite de pré-
férence les lieux abrités ou ombragés d'ar-
bres verds ; car plufieurs de fes branches
périflent fous un froid afTez médiocre dans
les lieux expofés.
L'efpece n°. z efl fort commune dans
nos provinces feptentrionaies >, où elle
s'étend au pié des haies qu'elle égaie>par
{es fleurs d'un li beau bleu : elle diffère du
71°. 5 par fes feuilles qui font plus larges &
plus grandes. L^çfpece n*. 5 porte une fieur
violette veloutée , auflî belle qu'une oreille-
d'ours; elle occupe des lieux plus ouverts,
& fe place dans les terres feches & pier-
reufes. La montagne au haut de laquelle
oa voit encore les ruines du. château, de
Hapsbourg , en eft couverte*
Les différentes variétés de- ces efpcces
dont nous avons donné la notice ,. ont
fans doute été obtenues par la graine;
mais les pervenches ne frudifient que lorf-
qu'on les prefîè en foule dans un lieu peu
étendu. En revanche elles fe: multipUçnt
abondamment d'elles - mêmes par leurs
branches rampantes qui , comme les cou-
lans des fraifiers , prennent des racines, de
thaque point.
' On détache ces coulajis enracinés , &; on
les plante dans tous les temps de l'année ,
hors le fort de l'hiver», mais de préférence
«avril & en feptembre , choiliffant pour
tte opération un temps pluvieux , & le
réfervant d'arrofer le ncKiveau,planî-par le^
temps fecs jufqu'à parfaite reprifcw
Comme la grande pervenche ne rampe,
pas autant que les autres., il convient ,
îorfqu'on veut les multiplier abondamment ,
d'en faire des marcottes qui s'enracineront
très-vîte fans aucun foin particulier^
Les feuilles de cette cfpece fônt fix ou
fept fois auffi larges que celles des. autres
pervenches ; leur verd eff plus frais &
moins obfcur ; leur confiflance ,. quoi-
qu'affez épaiffe , l'eft moins que la fleur ,
proportion gardée ; elle eft aufli moins
ferme , moins feche & plus fucculentc.
P E R:
Les fleurs font bien plus grandes ; leur bleu
a une foible nuance de violet que n'a pas
celui des Heurs delà pervenche commune..
Si toutes ces plantes le cèdent en beauté
à la pervenche n\ 4 , elles ont pardelîùs
elle , pour l'agrément de nos jardins , le
rrrérite de réilfler à. la rigueur de nos hivers.
Celle-ci-;,, indigène des côtes brûlantes de
Madagafcar , nepeut' même s'accommoder
de nos étés.. Nous ne pouvons l'expoièr à,
l'air qu'aux jours les plus chauds de cette
faifon 1: on. eft, contraint de lui en^ taire
pafler la plus grande partie tous. des calfles
vitrées : l^hiver, elle demande le Téjour d'une
ferre médiocrement mais conftammenC:
échauffée , elle ep fait, un, des plus, beaux:
'ornemens..
: Elle s'élève fur une tige droite & rameufe
à la. hauteur de trois ou quatre pies. Cette
.tige , tant qu'elle eft jeune , eft.fucculente ,
rougeatre & articulée ; elle devient ligneufe-
en vicilliflant. Les, joints des branches,
(ont très-rapprochés ; leur écorce eft pur-,
purine ;.; elles font- garnies, de feuilles,
oWông-ovaks, entières , un peu charnues ,.
qui y font- attachées prefque immédiate--.
rnent...Les fleurs naifllent aux joints iblitaires
Ibr, de très-courts pétioles ; leur tube eftf
long & menu : les. fégrnens du pétale font >
recourbés par le bout : le deflus de la fleur
eft d'un rofe animé phis brillant encore;
que celui de la fleur du laurier-rofe : le.-
déflbus eft d'une couleur de chair pâle;
elles fe fuccederrt depuis février jufqu'en.
oâobre.. Les femences. mûriflènt en au-.
tomne dans nos ferres ; elles fervent à
multiplier- ce charmant? arbrifleau qui rc-.
. prend aufli de boutures , &. demande dans
fa première éducation & fon régime , le-
:même traitement que les autres plantes des.,
latitudes, méridionales.! M. le baron DE:
TSCOUDY. )
' Pe r v.en c HE , ( Màt. midi ) petite oii:
commune , à feuilles étroites , petit puce-,
'lage , violette des foreiers , grande per^
vençhe y pervenche à larges feuilles ,. grand
-pucelgge.
On emploie indifféremment les deux
efpeces de pervenches ^ qui pofledent les
mêmes vertus.
La pervenche eft comptée» parmi les
vulnéraires aftringens les plus ufités. On
1^ E fc
bf^ônne intérieurement fon infùnon contre
les pertes de fang ou flux, innmoiiéré des
mendrues, contre le crachement de fang
& les autres hémorrhagics des parties in-
ternes. On donne auiii dans ces cas &
dans la phthifie & la dyflenrerie, le lait
coupé avec la décodion ou infufion de
(es feuilles.
PERVERS , PERVERTIR , PER-
VERSION , PERVERSITÉ, ( Gram. )
Tous ces mots font relatifs â la corrup-^
tion de l'efprit ou du cœur , & ils en
marquent le dernier degré. Il efl diffi-
cile de conferver la pureté àes mœurs ,
l'honnêteté , la droiture , la rigoureufe
probité , en vivant avec des hommes
peri'ers , & malheureufèment la fociété
en eft pleine. Le luxe pew^nit bien des
femmes.
PERUGIN ( LE ) ou LE PÉROUSIN ,
( Géog^ mod. ) territoire dTtalie dans l'état
de l'églife , & auquel la ville de Péroufe ,
qui en efl: la capitale , donne fon nom. Il
cfl borné au nord par le duché d'Urbin ,
à l'orient par l'Ombrie , au midi par
rOrviétan , & à l'occident par la Tofcane.
La plus grande étendue de ce pays du lèp-
tentrion au midi , ne pafle pas x8 milles ;
& on ne lui en donne pas plus de 30 du
levant au couchant. Le Tibre le coupe du
nord-nord-oueft au fud» {D, J.)
PERVIGILIA, {Andq. rom.) nom
donné aux fêtes noûurncs qu'on célébroit
en l'honneur de différentes divinités ,
comme Cérès, Vénus, la Fortune, &c.
On les nommoii perifigilia, parce que toutes
les nuits de ces fêtes s'employoient à
veiller.
PÉRUSIA , ( Ge'og. anc. ) aujourd'hui
Pc'roufe , voyei PÉROUSE.
Eutrope la nomme Perujîum , ville
d'Italie dans la Tofcane ; elle étoit fort
peuplée , & Tite-Live , /, Xy c. xxxvij ,
î'eilime une des trois plus fortes villes de
l'Etrurie ; fon nom moderne eft en italien
Perug^a. On doit mettre dans les fafles
d'Augufle le faccagement de cette ville ,
& la mort inhumaine de fes trois cents
fénateurs ; ce fait peut fervir à tracer
fon portrait , que nous donnerons avec
celui d'Antoine & de Lépide , au mof
Triumvirat.
PÉRUVIENNE , ( Manufact. de foie. )
Péruvienne à boutons ou à ligatures.
L'étoffe appeilée péruvienne eft compo-
fée de ddux chaînes de diffe'rentes couleurs
contenant 40 portées doubles ou fimples ,
chacune fuivant la quantité que le fabricant
veut donner à l'étoffe.
On fabrique cette étoflfè fans qu'il foit
befoin du fecours des lifTes-marches , Ùc.
le corps ou les ligatures fufîîfent pour cette
opération.
On donne le nom de ligatures à des lifîes
dont la maille contient une petite boucle >
laquelle empêche le fil de lever ou bailler,
fi ce n'eft lorfque la ligature levé ou
baifïe ; les mailles à boucle ou ligatures
font femblables à celles des Uffcs dont on
fe fert dans tous les métiers de la draperie
& de la toilerie.
Les deffins pour h pe'ruvienne {ont très-
petits ; cette étoffe eft auffi propre pour
habit d'homme que pour habit de femme ;
l'endroit de l'étofîè fe fait ordinairement
deftûs; la navette y fait la figure comme
dans la pruffienne, avec cette différence
que , comme il n'y a point de lifTes pour
faire le fond ou corps de l'étoffe , quand
le tireur ou tireufe a tiré le lac qui doit
faire la figure , & que la navette qui doit
figurer eft paflee , il faut à la féconde na-
vette tirer tout ce qui a été laiflTé au
premier coup , & c'eft précifément ce qui
lie les deux chaînes : on expliquera plus
amplement cette façon de travailler , quand
on aura donné celle de lire le del^n fur
les ligatures.
La quantité de ligatures n*eft point fixée
pour la péruvienne ,• elle doit être propor-
tionnée à la longueur & à la largeur du
delfin , mais fur-tout à la largeur. Par
exemple , un deflin qui poKera en largeur
cinq dixaines de 8 en 10 , qui compofcHt
40 cordes , fe travaillera avec 40 ligatures
pour une des deux chaînes , & 40 pour
l'autre; ce qui fera en tout 8a ligatures.
Ces 80 ligatures doivent produire le même
effet que 1600 mailles de corps , attendu
que chacune de ces ligatures^doit contenir
2.0 mailles ou boucles. Chaque boucle de
la ligature doit contenir quatre fils doubles
de la chaîne pour la rédudion ordinaire ,
de façon que 40 ligatures contiennent, à
Rrr 2
joo P E R
ao mailles ou boucles chacune, 3200 fils ;
nombre complet d'une chaîne de 40 por-
tées doubles. Les 40 autres ligatures étant
deftinées pour la féconde chaîne , il n'eft
pas befoin de dire que chaque ligature ,
en la fuppofant de 20 mailles ou boucles,
doit être diftribuée de façon que les 20
mailles doivent porter la largeur de TétofFe ,
conféquemment faites & placées à jour ou
à une diftance égale , afin qu'elles puiflent fe
trouver précifément placées à la rencontre
de chaque fil de chaîne ,^ fans être portées à
droite ni à gauche du fil.
Comme les liiTerons dans les étofïès ordi-
naires portent 3 ,4 lignes &plusd'épaifreur,
fi ceux des ligatures étoicnt de même , il
arriveroit que 80 ligatures portant une
largeur extraordinaire, il ne fer oit pas pof-
fible qu'elles pufTent fe tirer avec la même
égalité ; c'eft pour cela que les HiTerons
àes ligatures ne doivent porter qu'une ligne
d'épaiffeur ; conféquemment 80 liiferons ne
portent pas plus de 6 pouces & 8 lignes ,
& pour les reflerrer davantage , l'ouvrier
a foin de faire faire les HiTes de façon
que quoique toutes les boucles foient à
même hauteur de la foie, néanmoins il fe
trouve une lifle qui ell élevée de 4 pouces
plus que l'autre , ce qui eft alternatif; &
au moyen de cette précaution , les 80
liffcs ne portent guère plus large que 40.
La façon de difpofer ainfi ces ligatures eft
très-fimple , par la précaution que la
faifcufe de lifles prend de les faire toutes
enfemble 4 pouces plus longues d'un côté
que d'un autre , depuis la boucle ; au moyen
de cette préparation , lorfqu'étant fur le
lifîeron on les attache , on met la pre-
mière liffe , de façon que la partie la plus
longue fe trouve en haut , à la féconde ,
la partie la pèus longue en bas ; ainfi
des autres jufqu'à ce qu'elles foient toutes
attachées.
Chaque lilTe doit être attachée à une
corde de rame : ainfi le defïïn portant 40
cordes pour chaque chaîne , il faut 00
cordes de rames pour les deux.
La façon de palTer les fils dans les
ligatures eit différente de celle qui fe pra-
tique dans les autres métiers; fi le deiîln
€Û à pointe , c'eft-à-dire , que fi le côté
se contient que la moitié d'une fleur ,
^ E R
d'un fruit, &c. & qu'il doive être enticf'
fur l'étoffe , on commence à pafTer quatre
fils de la première chaîne à la première
ligature du côté de l'enfuble de derrière ,
& on continue par la féconde & celles
qui fuivent jufqu'à la quarantième du côté
du battant , après quoi , au lieu de recom-
mencer par la première du côté de l'en-
fuble , vous prenez la féconde du côté du
battant , & allez en reculant liiîe par liffe ,
jufqu'à la même HfTe par laquelle vous
avez commencé , qui efl la première du
côté de l'enfuble , & continuez de même
jufqu'à ce que la chaîne foit pafTée en
entier , de façon que le remettage forme
une efpece de N\N.
Seconde façon de palTer les fils. Il faut
obferper encore que y pour que les fils ne
foient ni gênés y ni contrariés , quand on
a pajfé un fil d'une chcdnefur une ligature ^
il faut que le fil de la féconde chaîne
fuii'e fur Vautre , afin que rien ne foit
embrouillé y & qu!il fe trouve un accord
parfait y & que toutes les ligatures foient
paffées à la fois y c'efl-à-dire , enfemble :
cette dernière façon de p a fier les fils y
quoique plus embarraffante , fait néan-
moins que Vétoffe fe travaille plus aifé-
ment. Au furplus on peut choifir.
Si le defîin efi à chemin , c'cft-à-dirc y
qu'il ne répète pas fur les côtés , pour lors
on paffe les fils à l'ordinaire, en commen-
çant par la première ligature du côté de
ivcnfuble , & finifîânt par la dernière du
côté du battant, & reprendre enfuite la
première fans reculer au remettage.
Le delfin à pointe par la façon du remet-
tage porte dans la fabrication le double dans
la largeur de l'étoiFe; & s'il efl de même
dans la hauteur en revenant fur {qs pas
lorfqu'on tire le bouton , c'eft à-dire , en
reculant par le même chemin qu'on a fait
en commençant , on fait également le dou-
ble dans la hauteur de l'étoffe.
Si chaque chaîne efl pafTée fur quarante
lignés, & que les fils ne foient pasjardés
dans les remettages ( c'eft le terme ) , c'efl-
à dire , que les deux chaînes ne foient
pas paffées enGmble , ainfi qu'il efi dé-
montré dans la partie ci-devant qui efl
en italique ; pour lors il faut lire le defîin
ujae fois fur les quarante cordes qui doivent
p E a
Faire la figure , & une fois de fuite fur les
quarante qui doivent faire le fond , qui
ert réfervé pour le fécond coup de navette ,
dont la trame doit être très-fine , afin
que rétolïè foit liée , ou pour mieux dire ,
afin que les deux chaînes loient liées en-
femble , fans quoi les fils qui ne feroienr
pas tirés badineroient deflus ou deflbus
l'étoffe.
Si , au contraire , les fil.«; font paffés dans
les ligatures , ainfi qu'il efi démontré dans
la partie qui efl; en italique , pour lors quand
le deflin efi fait , il faut le tranflater , c'cfl-
à - dire , que s'il efl peint fur cinq
dixaines , il faut le mettre fur dix , attendu
qu'il faut toujours laifTer la corde de fond
entre celle qui fe tire , c'efl pourquoi il
faut qu'il foit peint en deux couleurs ^ afin
qu'on ne lifle pas une corde d'une façon
& une corde de l'autre , & que dans Its
endroits où il faut prendre quatre , cinq
cordes , plus ou moins , celle qui fait le
fond ne foit pas prife , quoiqu'elle fc trouve
entre deux. Dans ce cas , on lit le delCn
de fuite.
Il s'enfuit, par ce qui vient d'être dé-
montré , que les ligatures font le même
effet que le corps , avec cette différence ,
qu'au lieu de 8co arcades , il n'y en a
point du tout '-, au lieu de 1600 aiguilles ,
il n'y en a que 160 , c'eft-à-dire , deux
aiguilles chaque liffe ; il n'y a ni carrette ,
ri marches , ni calqucron.
La péruvienne n'a ordinairement que
trois couleurs ; ftivoir , celle de deux chaî-
nes , & celle du premier coup de navette ;,
le fécond devant être d'une trame très-
fine , & pour ainfi dire imperceptible ;,
on fait des péruviennes à 40 portées dou-
bles , à 40 portées fimples , en obfervant
qu'il faut toujours deux chaînes égales &
de différentes couleurs.
La beauté de la péruvienne eft qu'elle
n a point d'envers 5 au moyen des deux
chaînes , elle ell aufli belle d'un côté que
d'un autre , & c'eft précifément ce qui la
diilingue de la prufiienne. Par exemple,
il une chaîne eft pourpre & bleue , ce qui
fera une figure bleue d'un côté , fera de
l'autre une figure pourpre , & c'eft préci-
fément ce qui en tait le mérite principal.
La couleur dans un habit de femme ^ cft-
P E R 5or
elle paffée d'un côté , elle le tourne àt
.l'autre ', pour lors la robe paroît neuve ;
il en eft de même pour les habits d'homme ;
c'eft précifément cette fingularité qui ca-
radérife la péruvienne.
La quantité d'étoffes qui fe fabriquent
à Lyon à la petite tire , ou au bouton ,
eft fi confidérable , que de dix mille mé-
tiers qui travaillent actuellenvent dans la
fabrique en étoflfès façonnées , il y en a
au moins la moitié dans ce genre ; il n'eft
point d'année qu'il ne paroifiè quelque
nouveauté dans ce genre d'étoffe , Ibic
dans le méchanifme , foit dans le goût 7
c'eft ce qui fait que l'étranger ne peut pas
parvenir à l'imitation de la fabrique de
Lyon , attendu qu'auflî-tôt qu'il s'eft faili
d'un goût , incontinent il s'en trouve un
autre.
On fait aujourd'hui des taffetas à bandes
ombrées & carrelées , & avec de petits
agrémens entre les bandes , fans qu'il foit
befoin de tireufe , l'endroit deflus , &; "
cela au moyen de fix ou huit ligatures,
qui font difpolées de façon que fix ou huit
marches placées à gauche fur le côté du
métier^ en font l'embarras. L'ouvrier foulant
la première marche à gauche avec le pié
gauche de même , paffe fes coups de navette
en foulant les deux marches du taffetas
qui font du càté droit auffi long- temps ,
ou paffe autant de coups qu'il veut don-
ner d'étendue à fon cannelé & à fon car-
relé , tandis qu'e tenant la marche du côté
gauche foulée , cette même marche faifanc
lever les ligatures qui font faites à jour ,
& en conformité de la largeur des bandes „
CQs mêmes ligatures demeurent levées
pendant \qs coups de navette qu'il paffe.
Il faut obferver qu'une marche à gauche
fuffiroit s'il n'avoit qu'un cannelé , il n'en
faudroit que deux pour le carrelé ; &
lorsqu'il y en a davantage , elles ne Ibnr
deftinées que pour quelques fleurons qui
contiennent fix , huit ou dix coups. On
appelle coup chaque partie où la marche
de retour , qui eft une de celles du pic
gauche , demeure levée , tandis que l'ou-
vrier paffera fix ou huit coups de navette
du côté droit. Le deffm eft - il difpofé
pour le retour , l'ouvrier ayant achevé la
quantité de marches à g^^^l^s j ^^ ^^^^
501 P E R.
de recommencer par la première , revient
fur (es pas : pour lors le deffin étant fur
huit marches en contient quinze y quoiqu'il
y ait deux fois le mouvement de nuit
marches , parce que la première marche
& la dernière n'étant foulées qu'une fois
dans le courfe , tandis que chacune des
autres l'eft deux fois , ces deux marches
n'en doivent compofer qu'une , ce qui ell
un peu difficile à comprendre. Par exemple,
en fuppofant huit marches de retour , vous
paflez huit coups ; quand vous avez palfé
la huitième marche , vous revenez fur
vos pas par la feptieme jufqu'à la première ;
ce qui ne fait que fept coups pour finir
le courfe , & huit pour le commence-
ment , faifant en tout quinze coups. Il
en eft de même quant à la façon de pafTer
les fils dans les ligatures pour les pe'ru-
viennes dont le deflin efl à pointe , &
dont par conféquent le remettage doit être
en zigzag , ainfi qu'il a été démontré dans
ce mémoire. Pour cette opération , fi le
defTin efl difpofé pour quarante ligatures
complettes , il en faut quarante &: une ^
favoir , trente-neuf de vingt mailles cha-
cune , & deux de dix qui lont la première
& la dernière ; conféqucmment la première
& la dernière ne contenant que dix mailles
ou ligatures , n'en fauroient valoir qu'une.
La chofe efl bien fenfible , & pour la
faire comprendre , il faut donner un exem-
ple moins étendu ou plus petit en volume
de lifîês ou ligatures. Veut - on remettre
cinq hfîes pour faire pointe de vingt mailles
chacune , il faudra que la première & la
dernière lifle ne contiennent que dix
mailles , & ces cinq lifTes n'en compoferont
que quatre : en voici la raifbn. Le premier
fil étant palTé fur la première lillè , le
cinquième fîl , après avoir paflé les autres y
fe trouve fur la cinquième : or , en retour-
nant fur fes pas , la quatrième lifTe fe trouve
avoir deux fils » tandis que la cinquième
n'en a qu'un , la troifieme de même , la
féconde également , & la première en
finifîant s'en trouve deux ;" mais en re-
venant par contre au remettage , comme
on a commencé , la féconde s'en trouve
deux , la troifieme de même , ainfi que la
quatrième , tandis que la première , par
laquelle on a commencé , n'en a qu'un :
PEU
les points déCgnés ci-defTous înclîquerofté
cette façon de faire le remettage & les
lilTes.
Prem, i a
liffe - .
liffe_ .
I 1 3 4 y 6
Chaque point étant une maille , il efl
vifible que la première liffe n'a eu que fix
mailles de priles ainfi que la cinquième ,
tandis que ks trois autres en ont douze
chacune , ce qui fait que la première &. la
cinquième ne contiennent pas plus de fils
que chacune des trois autres : il efl donc
d'une néceflité indifpenfable de bien faire
attention , dans cette façon de remettre
les métiers , que la première & la dernière
liffcs ne contiennent non-feulement que la
moitié des mailles des autres , mais encore
que ces mailles foient placées à une diflancc
jufle pour que les fils ne foient pas gênés.
Mais, dira-t-on , pour éviter cet em-
barras de demi-liffes, il n'efl befoin que
de pafïer deux fils fur la première & deux
lur la dernière , afin que toutes les lifïes
foient égales : à quoi on répond que chaque
lifîe ne contenant qu'un fil feul dans les
étoffes où le remettage efl tel , deux fils
qui fe trouveroient enfemble marqueroient
trop en comparaifbn des autres. Par exem-
ple , dans la pe'rupienne , chaque maille
de k ligature contenant quatre fils doubles,
fi on paflbit fur deux boucles enfemble y
quatre fils à chacune , il fe trouveroit huit
fils doubles enfemble ; & fi , par la difpo-
fifion du deffin , cette première ou dernière
lifîe fe trouvoit faire une découpure dans
rétofîè , il arriveroit que cette découpure
feroit le double plus large que celles qui
fe trouveroient faites par les autres lifTes ,
ce qui feroit une défeduofité marquée 6c
qui gâteroit la forme du deffin.
On peut faire hi péruvienne avec le corps
fans ligatures ; mais comme les deffins pour
cette étoffe font très-petits , la dépenfe
pour monter ces étoffes efl diminuée àes
trois-quarts au moins par la fuppreflîon des
arcades , des aiguilles , & de feize cents
maillons de verre , ce qui fait un objet de
P ES
j^us de 80 livres , tandis qu*avec les liga-
tures à peine en coûtera-t-il 12 livres :
voilà l'objet».
PESADE , f. f. terme de Manège ; c'eft
le premier mouvenienr du cheval , lorfqu'il
levé les pies de devant (ans remuer ceux de
derrière. C'eft la première leçon qu'on
donne aux chevaux pour manier à cour-
bettes , & autres airs relevés. {D. /.)
PESAGE ou Pois AGE , f. m. (Juri/p.)
droit domanial que le roi perçoit en quel-
ques endroits fur les marchandifcs qui fè
pefent fous les halles. Voyei PoiDS-LE-
ïkOl. (^)
PESANT, LOURD,, {Synon.)vqy.
Vanide PESANTEUR.
Le mot de lourd regarde plus propre-
ment ce qui charge le corps : celui de
gefant a un, rapport plus particulier à ce
qui charge l'efprit. Il faut de la force pour
porter l'un , de la fiipérioritç. de §énie l>our.
Soutenir l'autre..
L'homme foiblè trouve lourd' ce que lè
robufte trouye léger ; l'adminiUration de
toutes les affaires d'un état cft un fardeau,
bien pefant pour un feul : mais., on dit une
Ipurdç faute , pour lignifier une grande
imprudence , une faute qui ne pourroit être,
feite par un habile homme. {D.J.)
Pesant ,. Pesanteur , (Q-/r. foc.)
Ces mots au figuré f^gnifient po^s aggra-r-
p.ant f^lapefanteur d^ la main de Dieu,
dans l'écriture , eft un terme métaphorique,
qui marque K.rigueur de fes châtimens. Un
]oug pefdnt défigne l'efclavage fous un
maître dur» Alligam onera, gravia , . M'att,
Qcxiij y 4" i les, Pharifiens atta.chenc des
fardeaux infupportables, : ces, fardeaux
ëtoient les fardeaux rigoureux de la loi, joints
4 ceux.de leurs, traditjons. Popu/r/j gravis , .
marque un grand peuple. Je te louerai ,
Seigneur, au milieu d'un peuple nombreux ,
J?/. zV, z 8. ^«/iro; graviffims , Exod. viij ,
'^.4; une multitudcr dé mouches très-in-
commodes. Vue populo gravi V If. j y 4^;
malheur au peuple chargé d'iniquités. Dor-
mi ébat fopore, gravi, Jon. j , 5.^ Jonas
dormoit d'un profond fommeil. {D.^ J.)
Pesant , ( Maréch. ) Un cheval pefant
cfi celui qui marche groffiérement , &
court fans aucune légèreté.
l^ESANT o«, Plomb , terme de TaiU
P E S 505
leurs y &C.. & autres ouvriers qui travail-
lent en couture.. C'efî un morceau de fer
, ou de plomb couvert d'étoffe , qu'ils pofent
fiir l'ouvrage qu'ils travaillent , afin de l'af^
fujettir.-On l'appelle plus ordinairement ua
plomb ) à caufe de la matière principale
dont il efl fait.
PESANTEUR , f. f ( Pliyf ) eu cetîe
propriété en vertu de laquelle tous les corps
que nous connoilTons tombent y & i-appro-
chent du centre de la terre , lorfqu'ils ne
font pas fou tenu s. Il efl certain que cette
propriété a une caufe, & on auroit tort
de croire qu'un corps qui tombe , ne tombe:
point par une autre raifon y que parce qu'il
n'efl pas fbutenu.. Car, qu'on mette un,
corps pefant fur une table horizontale , rien
n'empêche ce corps de fe mouvoir fur k;
table horizontalement & en tout fèns. Ce-
pendant il refte en repos : or , il efl évi- .
dent qu'un corps ,confidéré en lui-même,,
n'a pas plus de penchant à fè mouvoir dans
un fens que dans un autre , & cela , parce:
qu'il eft indifférent au mouvement ou au
repos. Donc ,. puifqu'un corps fe meut
toujours de haut en bas j^ cjuand rien ne
l'en empêche^ & qu'il ne fe meut jamais,
dans un autre fens , à moins qu'il n'y foit
forcé par une caufe vifible , il s'enfuit qu'il
y a. néceffairement une caufe qui déter-
mirte. podr ainfï dire les corps pefans à
tomber vers le centre de la terre. Mais
il n'efl pas facile de connoître cette caufè»
On peut voir aux articles Gravité &
Gravitation , ce que les différentes
fe<^es de philofophes ont penfé là-deffus.
Nous rapporterons, feulement ici les loix de
h^pefanieur y tclk§ que^ l'expérience les a
fait découvrir..
Cette même force^- qui fait tomber les
corps lorfqu'ils . ne font point foutenus,
leur fait preffer les obflacles qui les retien-
nent & qui les empêchent de tomber : ainfi
une pierre pefe fur la main qui là foutient ,
& tombe félon une ligne perpendiculaire
à l'horizon, . fi cette main vient à l'aban-
donner;
Quand lés corps font retenus par un
obfiaclç invincible , la gravité > qui leur fait
preffer cet obflacle , produit alors une force
morte , car elle ne produit aucun effet.
Mais j . quand rien ne retient le corps ,,
504 P E S
alors la gravité produit une force vive
dans CQs corps , puifqu'elle les fait tomber
vers la furfacc de la terre. Voye^iFORCE
VIVE.
On s'efl apperçu dans tous les temps ,
que de certains corps tomboient vers la
terre , lorfque rien ne les foutenoit , &
l^u'ils prelîbient la main qui les empêchoit
de tomber ; mais comme il y en a quel-
ques-ims dont le poids paroît infenfible , &
qui rmîontent , foit fur la furface de l'eau ,
foit fur celle de l'air , comme la plume ,
le bois très-léger , la flamme , les exha-
laifbns , Ùc. tandis que d'autres vont au
fond , comme les pierres , la terre y les
métaux , &c. Ariftote , le père de la philo-
fophie & de l'erreur , imagina deux appétits
dans les corps. Les corps pcfans avoient,
félon lui , un appétit pour arriver au cen-
tre de la terre , qu'il croyoit être celui
de l'univers ; & les corps légers avoient
un appétit tout contraire qui les éloignoit
de ce centre , & qui les portoit en haut.
Mais on reconnut bientôt combien ces
appétits des corps étoient chimériques.
Galilée , qui nous a donné les véritables
loix de la pefameur , combattit d'abord
l'erreur d'Ariflote , qui croyoit que les
différens corps tomboient dans le même
milieu avec des vîtefles proportionnelles
à leyr maffe. Galilée ofa aflfurer , contre
l'autorité d'Ariftote ( unique preuve que
l'on connût alors ) , que la rcliftance dts
milieux dans lefqueis les corps tombent ,
étoit la feule caufe des différences qui
fe trouvent dans le temps de leur chute
^ vers la terre , & que dans un milieu qui
ne réfifteroit point du tout , tous les corps
de quelque nature qu'ils fuflent tomberoient
également vite. Les différences que Galilée
trouva dans le temps de la chute de plu-
lieurs mobiles qu'il fit tomber dans l'air
de la hauteur de cent coudées , le por-
tèrent à cette afferrion , parce qu'il trouva
que ces différences étoient trop peu confi-
dérabies pour être attribuées au différent
poids des corps. Ayant de plus fait tom-
ber les mêmes mobiles dans l'eau & dans
fair , il trouva que les différences de leurs
chûtes refpeûives dans les diffiîrens mi-
lieux , répondoient à-peu-près à la denfité
lijç^es milieux , & non 4 la maffe des corps ;
P E S
donc , conclut Galilée , la réfiflance des
milieux , & la grandeur , & l'afpériîé de
la furface des différens corps , font les
feules caufes qui rendent la chute des uns
plus prompte que celle des autres. Lucrèce
lui-même , tout mauvais phyficien qu'il
étoit d'ailleurs , avoit entrevu cette vérité ,
& l'a exprimée dans Ion deuxième livre
par ces deux vers :
Omnia quapropter debent per inane
quietum
jEquè ponderibus non aquis concita
ferrL
Une vérité découverte en amené pref-
que toujours une autre. Galilée ayant en-
core remarqué que les vîtefîès des mêmes
mobiles étoient plus grandes dans le même
milieu , quand ils y tomboient d'une hau-
teur plus grande , il en conclut que ,
puifque le poids du corps & la denfité du
miheu reffant les mêmes , la différente hau-
teur apportoit des changemens dans les
vîteffes acquifes en tombant , il falloit que
les corps eufîènt naturellement un mou-
vement accéléré vers le centre de la terre.
Ce fut cette obfervation , qui le porta à
rechercher les loix que fuivroit un corps
qui fombcroit vers la terre d'un mouve-
ment égu!ùment accéléré. Il fuppofa donc
que la caufe , quelle qu'elle foit , qui fait la
pefameur y agit également à chaque inffant
indivifible y & qu'elle imprime aux corps
qu'elle fait tomber vers la terre , un mou-
vement également accéléré en temps égaux,
enforte que les vîteffes qu'ils acquièrent en
tombant , font comme les temps de leur
chute. C'eft de cette feule fuppofition fi
limple , que ce philofophe a tiré toute fa
théorie de la chute des corps. Voy, AC-
CÉLÉRATION "ô" Descente.
Riccioh & Grimaldi cherchèrent 4
s'affurer d'une vérité que Galilée avoit
avancée d'après (qs propres expériences :
c'eff que les corps • en tombant vers la
terre par leur feule pefameur , parcourent
des efpaces qui font entr'eux comme les
quarrés âts temps. Pour cet effet , ils
firent tomber des poids du haut de plu-
fieurs tours différemment élevées , & ils
1 mefurerent le tenips de la chute de ces
corps
ï> E s
corps à ces différentes hauteurs par les
Vibrations d'un pendule, de la jufteflè
duquel Grimaldi s'étoit alTuré , en comptant
le nombre de Tes vibrations depuis un
pafTâge de l'étoile de la queue du lion par le
méridien, jufqu'à Tautre. Ces deux iiivans
jéfuites trouvèrent par le réfultat de leurs
expériences , que ces différentes hauteurs
étoient exadtement comme les carrés des
temps des chûtes. Cette découverte de
Galilée eft devenue, parles expériences, le
fait de phyfique dont on eft le plusaflUréj
& tous les philofophes , malgré la diver-
fité de leurs opinions fur prefque tout le
refte, conviennent aujourd'hui que les corps
en tombant vers la terre , parcourent des
efpaces qui font comme les carrés des temps
de leur chute , ou comme les carrés des
vîtefl'es acquifes en tombant. Le P. Sébaf-
tien , ce géomètre des fens , avoit imaginé
une machine compoféc de quatre paraboles
égales, qui fe coupoient à leur (bmmet; &:
au moyen de cette machine , dont on trouve
la defcription & la figure dans les mémoires
de l'académie des fciences y iSg^, il démon-
troit aux yeux du corps , du témoignage
defquels les yeux de rcfprit ont prefque
toujours befoin , que la chute des corps
vers la terre s'opère félon la progreiîion
découverte par Galilée.
Il eft donc certain aujourd'hui , i °. que
la force qui fait tomber les corps eft tou-
jours uniforme, & qu'elle agit également
fur eux à chaque inftant. 2°. Que les corps
tombent vers la terre d'un mouvement uni-
formément accéléré. 3°. Que leurs vîrefïès
font comme les temps de leur mouve-
ment. 4°. Que les efpaces qu'ils parcou-
rent font comme les carrés des temps ,
ou comme les carrés des vîtefTès ; & que
par conféquent les vîtefïès & les temps
font en raifon fous-doublée des efpaces.
5°. Que l'efpacc que le corps parcourt en
tombant pendant un temps quelconque,
eft la moitié de celui qu'il parcourroit pen-
dant le même temps d'un mouvement uni-
forme avec la vîtefïe acquife j & que par
conféquent cet efpace eft égal à celui que
le corps parcourroit d'un mouvement
uniforme avec la moitié de cette vîtefle.
6°. Que la force qui fait tomber ces corps
vers la terre , eft la feule caufe de leur
Tome XXV.
P E S 50y
poids; car puifqu'elle agit à chaque mC-
tanc , elle doit agir fur les corps , fbit
qu'ils foient en repos , foit qu'ils fbient en
mouvement; & c'eft par les efforts que ces
corps font 'fans ceffe pour obéir à cette
force , qu'ils pefent fur les obftacles qui les
retiennent. Cependant , comme la réfif-
tance de l'air fe mêle toujours ici-bas à
l'adion de la gravité dans la chute des
corps , il étoit impofïible de connoître avec
précifion , par les expériences que Galilée
avoit faites dans l'air , en quelle proportion
cette force qui anime tous les corps à
tomber vers la terre , agit fur ces corps.
Il fallut donc imaginer de nouvelles ex-
périences.
On en fit une dans la machine du vuide ,
qui confirma ce que Galilée avoit plutôt
deviné que prouvé. De l'or, des flocons
de laine , des plumes , du plomb , tous
les corps enfin abandonnés à eux-mêmes
tombèrent en même temps de la mzmt
hauteur au fond d'un long récipient purgé
d'air. Cette expérience paroifloit décifîve;
mais cependant comme le mouvement des
corps qui tomboient dans cette machine s
étoit très-rapide , & que les yeux ne pou-
voicnt pas s'appercevoir des petites difïe-
rences du temps de leur chute, fuppofc
qu'il y en eût, on pouvoit encore douter
il les corps fenfibles poffedent la faculté
de pefer à raifon de leur malle , ou bien
fi le poids des différens corps fuit quel-
qu'autre raifon que celle de leur mailè.
Voici comment M. Newton leva cette
difficulté.
Il fufpendit des boules de bois creufes
& égales à des fils d'égale longueur , &
mit dans ces boules des quantités égales
en poids , d'or , de bois , de verre , de
fel , &c, en faifant enfuite ofciller librement
ces pendules , il examina fi le nombre àc
leurs ofcillations feroit égal en temps
égal ; car la pefanteur caufe feule l'ofcilla-
tion des pendules , ôi dans ces ofcillations
les plus petites différences deviennent fen-
fibles. M. Newton trouva par cette ex-
périence que tous les différens pendules
faifbient leurs ofcillations en temps égal»
Or , le poids de ces corps étant égal , ce fut
une démonftration que la quantité de ma-
tière propre des corps eft direélement pro-
5$$
5G^ P E s
portîonnelle à leur poids (en faifant abf-
trfldion de la réfiftance de l'air , qui étoit
la même dans toutes les expériences), &
que par conféquent la pefanteur agit fur
tous les coips fenfibles, à raifon de leur
mafle.
De ces expériences il s'enfuit , i°. que
la force qui fait tomber les corps vers la
terre eft proportionnelle aux mafl'es , en
forte qu'elle agit comme loo fur un corps
qui a loo de maffe, ôc comme i fur un
corps qui ne contient que i de matière
propre. 2°. Que cette force agit également
fur tous les corps , quelles que foient leur
contexture, leur forme, leur volume, ùc.
3°. Que tous les corps tomberoient éga-
lement vite ici-bas vers la terre , fans la
réfiftance que Pair leur oppofe , laquelle
eft plus fenfible fur les corps qui ont plus
de volume & moins de malTe ; & que par
conféquent la réfiftance det'air eft la feule
caufe pour laquelle certains corps tombent
plus vite que les autres , comme Tavoic
aifuré Galilée.
Que , quelque changement qui arrive à
un corps par rapport à la forme , fon poids
dans le vuide refte toujours le même , fi
la mafle n'eft point changée. A cette occa-
fion, il eft important de remarquer qu'il
faut diftinguer avec foin la pefanteur des
corps de leur poids. La pefanteur , c'cft-à-
dire , cette force qui anime les corps à
defcendre vers la terre , agit de même fur
tous les corps quelle que foit leur mafle ;
mais il n'en t(i pas ainfi de leur poids r
car le poids d'un corps eft le produit de
hi pefanteur par la mane de ce corps. Ainfi
quoique la pefanteur fa (Te tomber également
vite dans la machine du vuide, les corps
de maffe inégale , leur poids n'eft cepen-
dant pas égal. Le différent poids des corps
d'un volume ég«l dans le vuide , fert à con-
noître la quantité relative de matière propre
& de pores qu'ils contiennent ; & c'eft ce
qu'on appelle la pefanteur fpécifique des
■corps. Voyez Spécifique.,
C'eft donc la réfiftance de l'air qui re-
tarde la chute de tous les corps ; fon effet
presque infenfible fur les pendules, à caufe
de leur poids & des petites hauteurs dont
ils tombent, devient très-confidérable fur
des mobiles qui tombent de très- haut ;j &
P E S
il eft d'autant plus fenfible , que les corps
qui tombent ont plus de volume & moins
de malTe.
M. Defaguliers a fait là^defTus des expé-
riences , que leur juftelfe & les témoins
devant qui elles ont été faites , ont rendu
très-famcufes. Il fît tomber de la lanterne
qui e(t au haut de la coupole de S. Paul
de Londres, qui a 272 pies de hauteur,
en préfence de MM. Newton, Halley,
Derham , & de plufieurs autres favans
du premier ordre , des mobiles de toutes
efpeces , depuis des fpheres de plomb de 2.
pouces de diamètre, jufqu'à des fpheres^
formées avec des veflies de cochons très-
defléchées & enflées d'air d'environ 5 pouc
de diamètre. Le plomb mit 4I fécondes à
parcourir les 272 pies, & les fpheres faites
avec des vefïîes 18 4 fécondes. Il réfulta
du calcul fait félon la théorie de Galilée ,
que l'air avoit retardé la chute des fpheres
de plomb , de 1 7 pies environ en 4 î fé-
condes. Tranfaâ. philof n°. ^6%. Voyez
auffi les expériences de M. Mariette , dans
fon traité de la pereujjion , page îîS.
Comme l'air réfîfte au mouvement des
corps, il en réfulte que les corps qui le
traverfent en tombant , ne doivent pas
accélérer fans cefle leur mouvement; car
l'air , comme tous les fluides , réfiftant
d'autant plus qu'il eft fendu avec plus de
vîtcfle, ia réfiftance doit à k fin com-
penfer l'accélération de la gravité quand
les corps tombent de haut. Les corps def-
cendcnt donc dans l'air d'un mouvement
uniforme après avoir acquis un certain de-
gré de vîteflè , que l'on appelle leur vitejfe
complète , & cette vîtefïè eft d'autant plus
grande à hauteur égale , que les corps ont
plus de mafle fous un même volume. Le
temps après lequel le mouvement accé-
léré d'un mobile fe change en un mou-
vement uniforme en tombant dans l'air ^
, eft différent félon la furface & le poids du
mobile , &: félon la hauteur dont il tombe ;,
, ainfï ce temps ne fauroit être déterminé-
en général.
On a calculé qu'une goutte d'eau , qur
feroit la 10. 000. 000. 000. partie d'un
pouce cube d'eau , tomberoit dans l'air
parfaitement calme de 4 pouces lo par fé-
conde d'iui mouvement uniforme ; & que
PE s
par conféquent elle y feroit i j 5 tolCes par
heure. On voit par cet exemple que les
corps légers qui tombent du haut de notre
atmofphere fur la terre , n'y tombent pas
d'un mouvement accéléré , comme ils tôm-
beroient dans le vuide par la force de la
pefameur, mais que l'accélération qu'elle
leur imprime eft bientôt compen(éc par la
réfiftance de Pair; fans cela la plus petite
pluie feroit de grands ravages , &c loin de
Fertilifer la terre, elle détruiroit les fleurs
& les fruits.
Les corps abandonnés à eux - mêmes
tombent vers la terre fuivant une ligne
perpendiculaire à l'horizon ; il eft conftant ,
par l'expérience , que la ligne de dirediion
des graves eft perpendiculaire à la furface
de l'eau. Or la terre étant démontrée à-
peu-près fphcrique par toutes les obfer-
vations géographiques & aftronomlques ,
le point de l'horizon vers lequel les graves
font dirigés dans leur chute , peut toujours
être coniidéré comme l'extrémité d'un des
rayons de cette fphere. Ainfi ii la ligne
félon laquelle les corps tombent vers la
terre , étoic prolongée , elle paftèroit par
fon centre , luppofé que la terre fût par-
faitement fphérique. Mais fi Pon s'en rap-
porte aux opérations faites par l'académie
au pôle & à l'équateur , la terre eft un
fphéroïde applati vers les pôles, & alors
la ligne de direction des graves n'étant
point précifément au centre de la terre ,
leur lieu de tendance occupe un certain
cfpace autour de ce centre. Voy. Terre
ù Antipode. Fbje^ aujfi Gravité.
Cet article eji de M. FoRMEY , qui Va.
thé en partie des Injï. de Phyf. de Mad.
du Châtelet.
Les phyficiens ont recherché la. pefanteur
fpécifîque des principaux corps connus.
y^oy. dans cet ouvrage le moi Balance
HYDROSTATIQUE.
Mais pour fatisfaire encore davantage la
curiofité , nous allons donner ici une table
beaucoup plus complète fur ce fujet, &
dans laquelle nous fubftituerons à Pordre
alphabétique , Pordre gra.d\ié des pefanteurs
fpécifiques de différentes matières folides
& fluides.
Or fin ou de coupelle, 19640.
Or d'une guiriée, . 18888.
PES 507
Or d'un ducat, . . i8r6r.
Or d'un louis, iSi66.
Mercure, 14000.
Mercure doux, 15382.
Plomb, IM2.J.
Argent fin de coupelle, nc^r.
Argent monnoyé , ^^oni".
Mercure doux fublimé trois fois , . 5)804.
Bifmuth, 6700^
Cuivre rouge du Japon , 9000^
Cuivre de Suéde , ......... 8784.
Turbith minéral, 8^35".
Cinabre artificiel , 8200.
Mercure doux fublimé quatre fois, . 8 1 70.
Cuivre jaune ou de laiton, .... 8000.
Acier trempé , /Sjo,
Fer, 7645-]
Régule martial , 7500.
Étain y 7471.
Autre étain, 7320.
Cinabre naturel, 7300.
Cinabre d'Almaden, 6188.
Zinc, 7107.
Sublimé corrofif, ^'32.5'.
Litharge d'or ........... 6000.
Litharge d'argent, ........ (J044.
Cinabre d'antimoine , 6044.
Verre d'antimoine , 5280.
Aimant de Hongrie , 51 06,
Autre aimant de Hongrie, .... ^©04.
Aimant de Cerpho , 52.45-.
Pierre calaminaire ......... jooo.
Pierre bleue de Namur, 5000.
Antimoine de Hongrie, 4700.
Antimoine d'Allemagne, 4000.
Antimoine d'Auvergne, ..... 4858.
Tutie, 4<'i)*.
Crocus metallorum , 43" 00.
Pierre de Bologne, ........ ^iç)6.
Grenats de Bohême, 43<50.
Pierre hématite , 43^0.
Faufiè topaze, 4270.
Mine d'antimoine de Poitou, . . . 4215.
Mine de fer des Pyrénées, . . . . . 4171.
Grenats de Suéde, '. * . 3978.
Mine de grenats marcafîîtes, . . . . 3100.
Arfenic blanc, 3^95.
Orpiment , *. 352.1.
Saphir d'Orient, 3y<î2.
Pyrite vitriolique, ....•.«.. 3/12.
Ardoife bleue , 3500.
Malachite, 349®.
S ss i
5oS P E S
Diamant, 3400.
Pierre à aiguifer de Lorraine 5 . . . 3188,
Cérufe , 315^.
Verre blanc ou cryftal,. ..... S^JO-
Calamine^ d'Ifly, 3108.
Turquoife, 3088.
lÉmeri de TîledeNaxos, 3068.
Émeri de Normandie , .3038.
Zûpis la^uli , azur, 3<^54'
Péridot, ^o^z.
Talc de la Jamaïque, 30^0.
Topaze , zyiz.
Amianthe, 2,913-
Soufre rouge de Quito , 2908.
Pierre divine ou néphrétique , . . 2894.
Opale, z88z.
Crapaudine , 1826.
Pierre hématite dcMinorqùe, . . 2806.
Talc de Venife , 2780.
Emeraude , ^777-
Sîicrc de Saturne, 2.745.
Bol d'Arménie, 2-727-
Nicrefixé, 2723.
Cryftal d'iflande , 2720.
Marbre, 2718.
Marbre blanc d'Italie, 2707.
Marbre noir d'Italie, 2704.
Pierre bélemnite , 2675-.
Verre de bouteille, .^ 2666.
Jade, 2685.
Corail rouge , 2689.
Corail blanc, 2500.
Cryftal de roche, 2650.
Pierre à fufil, 2641.
Hyacinthe , 2631.
Agate-onix , 2627.
Verre vcrd commun , 2620.
Jafpe , 2610.
Caillou d'Egypte , 2578.
Agate d'*Angleterre , . .......2512.
Pierre judaïque, 2joo.
Pierre ou caillou Ordinaire, .... 2500.
Marne de Marly , 2428.
Sélénite , 2322.
Tartre vitfiolé , 2298.
Tartre émétique, 2246.
Sel admirable de Glauber , . .... 2246.
Oftéocolle, 2240.
Osfecde mouton > 2222.
Améthyfte , 221 1.
Sardoine, 2180.
Pierre noire d'Irlande, ii6j.
P ES
Sel de gayac, 4 . » 2148.
Sel polychrefte , . 2148.
Sel de prunelle, . . é 2148.
Sel .Gemme , 2145.^
Iris , 2.1 31.
Terre favonneufe, 2094»
Ecailles d'huîtres , 2092.
Terre à pipe de Rouen , 2088.
Soufre de la Guadaloupe, ..... 2077*
Soufre de l'Archipel , , . . . » . . 2018.
Terre de Lemnos , 2Cco.
Brique , 2000.
Soufre vif ,
Nitre,
Crème de tartre ,
Vitriol blanc , < . ,
Vitriol d'Angleterre, .......
Corne de Cerf, .
Corne de bœuf,
Albâtre,
Tartre,
Ivoire , ^
Soufre minéral ,
Alun,.
Borax ,
Verd de gris ,
Huile de vitriol ,
Calcul humain ,
Autre calcul,
Os de bœuf ,
Efprit de nitre rectifié ,....,.
Huile de tartre ,
Bézoart oriental,
Bézoart occidental ,
Sel de corne de cerf, ....,,.
Sel ammoniac , ^ . .
Ens de mars fubUmé une fois, . .
— fublimé trois fois ,
Miel, ► . . .
Efpric de nitre bézoardique , . .
Gomme arabique ........
Opium ,
Eau forte double ,
Noix de cocos,
Efprit de nitre de M.' Geofroy ,
Bois de Gayac , . .
Gomme adragahte, .......
Efprit de nitre commun , . . . .
Eau forte ,
Myrrhe ,
Charbon de terre ,
Agate noire, ,
P £ s
Eau régale , . . /
Rciîne de gayac ,
Efprit de vitriol,
Scammonée ,
Bois néphrétique ,
Bois d'aloès ,
Ebene ,
Poix ,
Efprit de foie , •
Efprit de fel , .* * * *
Le même par l'huile de vitriol , . .
Sédiment du fang humain , . . . .
Efprit d'urine ,
Colle de poillouj
Huiie de fa(îàfras ,
Décodtion de gentiane,
Décodion de biftorte ,
E^rit de tartre ,
Racine d'efquine ,
Encens ,
LefTivc de potaflè,
Santal blanc , . .
Ambre,
Sang humain ,
t)éco6tion d'arum ,
Huile de canelle ,.....•..
Huile de girofle ,
Vin de Canarie ,
Sérofîté du fang humain ,
Bois de Bréiii, '.
Buis , y
Efprit d'^ambre , . . . ^
Eau de mer,
Urine ,
Vinaigre diftillé ,
Vinaigre ordinaire,
Lait de vache ,
Lait de chèvre 5
Laudanum Hquide de Sydenham , .
Décodion de quinquina, . . . .
Bière , ,
Bois verd ,
Eau de rivière ,
Eau de pluie ,
Eau de puits >
Eau diftillée,
Eau bouillante , . . '
Camphre,
Vin d'Orléans,
VindePoncac, ..........
Vin de Bourgogne, ........
Cire jaune 3 . ,
1154-
1 104-
1203'
IlOO'
I200*
II77'
II77'
I I jo-
li 45-
lijo-
II4J-
1126-
I I2G*
I I I r«
1094»
loSy.
1073-
1073.
1071-
1071»
io6o«
1041*
1040»
1040»
10^6'
io3f.
1034.
1133.
io30«
1030»
1030*
1050.
1030.
IC50*
1030.
IOI7-
I030.
1030.
ro24
1024»
1019.
1004-
1009-
1000.
0999.
0993.
0965.
099^*
0996.
OÇ93.
0992.
0^95.
P E S
Huile d'aneth ,
— hyflbpe ,
— fabine , •
— fuccin,
— cumin ,
— menthe,
— rue , .
Huile demufcade,
— tanaifîe , . . . .
— origan , . . . . i
— carvi ,
— fpicnard ,
— romarin , . . . .
— hn , ,
— * olive ,
— genièvre ou cade ,
— bois de campcche ,
— cœur de» chêne ,
Elixir de pp. avec le fcl volatil , . .
Huile de lin ,
— noix ,
— navette ,
Teinture de quinquina,
Teinture de gomme animoniaque.
Efprit-de-miel ,
Baume de tolu , ,,....
Huile d'orange,
—térébenthine,
Branche de chêne, .
Teinture d'Antimoine ,
Huile de navette ,
Teinture d'acier de N^ynlîcht, . . .
Bois de hêtre ,
Lentifque,
Huile de cire 5
Santal citrin ,
E(prit-de-vin redifié ,
Efprit-de-vin éthéré ,
Racine de gentiane ,
Frêne Cec, ,
Quinquina,
Bois de Sainte-Lucie ,
îf,
Erable fec , , . .
Prujiier fec,
Gî^re ,
Orme ,..•••.........
Cyprès, . . .
Gen.evrier , ............
Sapin , ..
Laurier , ,
Sâûàfras
309
C986.
0983.
0978.
097 J.
0975.
C'975.
0948.
0946.
0940.
C940.
0956.
0934-
095i.
0915.
0911.
0951.
C929.
C939.
0936.
0934.
0919.
0900.
0899.
089J.
0896.
c888.
0871.
0870.
0S66.
o8;3.
o8n.
08 J4.
0S49.
0831.
0809.
0806.
0732..
o8co.
0S60.
07S4.
0773.
0760,
07iJ.
0(363.
c6i 3.
060c.
0591.
05 ;o.
C449.
0482.
5IO PES
Pin , - . 0450.
Liège , 0240.
Air, 0001.
On a mis les gravités fpécifiques des bois
fecs , & non pas des bois verds ; car le
dodeur Jurin a obfervé que la fubftance
des bois eft rpécifiquement plus pefante
que l'eau , puifqu'ils vont au fond après
qu on a fait fortir Teau de leurs pores ou
de leurs vailTeaux aériens , en les plaçant
dans l'eau chaude fous un récipient, ou
iî on n'a pas de machine pneumatique ,
en les laiflant pendant quelque temps dans
l'eau bouillante. Il a auiïî trouvé quelques
calculs humains aufïî pefans que la brique ,
ôc même que la plus tendre efpece de
grès. V. Tranfacl. philofophigues y n°. ^6g.
Les gravités fpécifiques du {àng humain,
de fes réildences fibreufes , & celle du
ferum , ont été déterminées par le même
auztur. Tranf.phil.n°.jffz.
Les pefanteurs fpécifiques des liqueurs ont
toutes été déterminées lorfqu'elles avoient le
même degré de chaleur , favoir 4 degrés au
deffiis du thermomètre de M. de Réaumur.
Il eft bon d'obferver que les gravités fpé-
cifiques descorps folides & descorpsfluides,
font différentes en été & en hiver j cepen-
dant , afin qu'on foit plus à portée de juger
par coniparaifon files efpacesde la dilatation
caufée par un même degré de feu, font
entre eux comme les dilatations des corps di-
latésjOu en raifonrédîproquede leurs denfî-
rés , je crois qu^il ne feroit point hors de pro-
pos de mettre ici la table que le dodeur Muf^
fchenbroeck nous'a donnée des pefanteurs
fpécifiques des différentes liqueurs en été &
en hiver.
Le mercure , . . . . 7- i ■
L'huile de vitriol, o.
L'efprit-de-vitriol , o.
L'efprit-de-nitre ,
JL'efprit-de-fel, .
L'eau forte i . .
Le vinaigre , . .
Le vinaigre diflillé , o.
-vin
L'efprit-de-
Le lait , . . . .
L'eau de rivière ,
L'eau de puits , .
Veau diftilléc, .
En été
onc. gros , gr.
66.
33.
24.
49-
^3.
II.
3i.
2.0.
ro.
II.
8.
o.
o.
o.
o.
o.
7.
y.
6.
6.
J.
4.
5.
S-
s-
s-
En hiver.
onc. gr, gr.
0.7. 14.
0.7.71.
O. 5. 38.
o. 6. 44.
0.5. ss-
o. 6. 3j.
o. 5. 21.
o. s-
0.4.
o. y.
0.5.
.0. y.
15-
4i.
if.
I
14.
O. J. II.
PES
roje^la-deffus le fameux Boyie , dans
fon traité intitulé Médicina hydrojiatica ;
Muflchenbroeck ; les élémens de phyfique
de M. Cotes , de la chyraie de Boerhaave.
( Le chevalier DE Jau COURT. )
PESANTEUR au fommet des monta-'
gnes y ( Pkyf. ) La loi de l'atcradion en
rai (on inverfe du quarrédesdiflances , nous
apprend que les corps doivent pefer moins
à melfure qu'on s'élève au deffus du niveau
de la mer, & l'expérience a juflifié la
théorie. M. Bouguer trouva fousl'équareur
que la longueur du pendule à fécondes,
quiétoit de 36 pouces 7 lignes 21 au niveau
de la mer , diminuoit d'un tiers de ligne
à Quito , élevé de 1466 toifès au demis
du niveau de la mer , & de o lign. 52 ou
plus d'une demi - ligne fur le fommet de
Pichincha. Au mois d'août 1737, la lon-
gueur du pendule fimple y étoit de 3^
pouces 6 lignes 69 , & la pefanteur moindre
de 8?tJ il eft vrai qu'elle au roit dû diminuer
des??, fuivant la théorie de l'attradion ;
mais la difpofition des lieux eft caufe de
cette différence , comme nous allons l'ex-
pliquer.
On a prétendu , en 1 77 1 , que par des
expériences faites dans les Alpes , on avoic
trouvé que la pefanteur étoit plus grande
au fommet des Alpes que dans le fond
des vallées ; M. le Sage , corrçfpondant
de l'académie à Genève , a découvert que
c'étoit une impofture, quoique ces pré-
tendues expériences aient été imprimées
plu fieurs" fois {voye'{^le journal de phyfique
de M. l'aBlté Rosier ) ; mais ]e fis voir dans
le Journal des favans (août 1772), qu'en
les fuppofant réelles (& je les croyois telles
alors ) , il ne s'enfuivoit rien contre la
théorie générale de l'attradion : M. d'A-
lembert l'a fait voir également dans fes
opufcules mathématiques.
Sans nous jeter à cet égard dans des
raifonnemens nouveaux , il fufïît de voir
les propofitions 70 & 73 du premier livre
de Newton : il y démontre que tant qu'il
y a une portion du globe au deffus du corps
attiré , la pefanteur eft moindre qu'elle ne
feroit à la dernière furface. Or des mon^-
tagnes d'une très-grande hauteur & d'une
denfité très-confidérable, font comme une
couche extérieure du globe terreftre par
P E s
rapport à I*obrervateur qui eft dans les
vallées profondes.
M. Bouguer , dans fon traité de la figure
de la terre, publié en 1769, avoir aulTi
réfolu d'avance la difEculté dont il s'agit.
Cette diminution , dit-il , que fouffre la
pefanteur à mefure que nous nous élevons
au delTus du niveau de la mer , eft par-
faitement conforme à ce que nous lavons
d'ailleurs ; nous pouvons comparer à la pe-
faateur que nous examinons ici-bas , celle
qui retient la lune dans fon orbite j ou
qui l'oblige à décrire continuellement un
cercle autour de nous. Ces deux forces
font exactement en raifon inverfe des carrés
des diftances au centre de la terre. Nous
pouvons faire le même examen à l'égard
des planètes principales qui ont pluiieurs
fatellites , ou à l'égard du foleil , vers le-
quel pefent toutes les planètes principales ,
Ec nous trouverons toujours la loi du carré.
Mais pourquoi nos expériences nous don-
nent-elles donc conftamment un rapport
qui n'y eft pas tout - à - fait conforme ?
Nous nous trouverons peut-être en état
de réfoudre cette difficulté , continue
M. Bouguer, en remarquant que la Cor-
delière fur laquelle nous étions placés forme
comme une efpece de fécond fol, &: que
ce doit être à certains égards la même
chofe que fi la furface de la terre étoic
portée à une plus grande hauteur , ou à
une plus grande diftance du centre. Dans
ce fécond cas , la pefanteur devient un
peu plus grande ; car il eft naturel de
penfcr qu'elle dépend de la grofîeur des
maflès vers Icfquelles fe fiit la tendance.
Il y a donc deux diverfes attentions à
avoir lorfqu'il s'agit des expériences fur le
pendule \ ces expériences ont été faites à
une grande diftance de la terre , par con-
féquent la pefanteur a dû le trouver un
peu plus petite j mais , d'un autre coté ,
le grouppe de montagnes fur lequel eft
placé Quito &. fur lequel eft élevé Pichincha,
& tous les autres fbmmets auxquels il
fert comme de plinthe , doit produire
à-peu-près le même effet que fi la terre
en cet endroit étoir plus grofte ou d'un
plus grand rayon. La pefanteur a donc dû
augmenter. Ainfi il dépendoit d'une efpece
de hafard , ou , pour parler philofophi-
P E S 511
quement , il dépendoit de circonftances
que nous ne connoiflons pas encore , que
\z pefanteur à Quito fe trouvât égale à celle
du bord de la mer , ou qu'elle fe trouvât
plus petite ou plus grande.
M. Bouguer ayant appliqué le calcul à
ces principes , trouve que l'effet de la
chaîne de montagnes du Pérou , ne devoir
être que la moitié de celui que produiroic
une couche fphérique. Si les matières
dont eft formée la Cordelière étoient plus
compactes que celles qui compofent le
total- de la terre , &: que leur denfité
fût à celle de l'intérieur comme 4 eft à
3 j la différence devicndroit nulle , &
la pefanteur à Quito feroit égale à celle
qu'on éprouve au niveau de la mer. Si la
denfité étoit encore plus grande , Pexpref-
fion qui marque une diminution changeroit
de figne , & indiqueroit une augmentation :
de forte que le pendule fe trouveroit plus
long à Quito qu'au bord de la mer. Mais
il s'en faut bien que les chofes foient
réellement dans cet état : la différence
obfervée par M. de la Condamine & M.
Bouguer dans la longueur du pendule , eft
afîez confidérable pour faire voir que la
denfité des matières dont eft formée la
Cordelière , eft beaucoup plus petite que
celle du refte de notre globe : ces expé-
riences ne prouvent rien de plus. {M. de
LA Lande. )
Pesanteur dans chaque planète ,
( P/iyf Aftron. ) Elle eft mefurée par
la vîtefte des corps graves à la furfice de
la planète , ou par l'efpace que les corps
y décrivent en une féconde de temps.
Connoifîànt la mafle & le diamètre d'une
planète , il eft aifé de trouver l'effet de
la pefanteur à (à furface , c'eft-à-dire , la
force accélératrice des graves dans la pla-
nète; car cette force eft en raifon
de la
ma
ffe &
en rai
fon
inverfe du carré du
rayon. C'eft ainfi que j'ai calculé la table
qui contient la vîtefte des graves dans
chaque planète en pies &C centièmes de
pies j ce n'eft autre chofe que la vîtefle
des corps terrefrres fous l'équateur ou fous
la ligne, favoir, 15 pies, 104 millièmes,
multipliée par la maflfè de chaque planète,
& divifée par le carré du rayon , en pre-
, nant pour unité la maflc & le rayon de
5IÎ P E S
la terre. Par exemple, la maflc de Jupiter
eft 28S fois plus Cvonfidcrdble que ceiiede
la terre ; ainli les corps graves y fèroienr
attirés de 288 fois 15 pié?, fi le rayon de
Jupiter n'étoit environ 11 fois plus grand
que celui de la terre , & le carré de la dif-
rance du centre à la furface 116 fois plus
grand , ce qui rend la pefanteur 1 1 6 fois
moindre. Or i88 diminués iiéibis,ou
iaiviiés par 116, donnent un peu moins de
2 4 ; ainiî la pefanteur des corps fitués à
fa furface , eft prefque deux fois & demie
celle des nôtres : au lieu de décrire i j pies
par féconde, ils en décrivent 37. Suivant
Newton , la pefanteur n'étoit guère que
double dans Jupiter, mais cela vient de
ce qu'il faifoit la parallaxe du (oîeil trop
grande ; il rendoit le diamètre de Jupiter
feulement feptuple de celui de la terre ,
tandis que , fuivant mes calculs , il faut
10 1 diamètres terreftres pour faire le dia-
mètre de Jupiter ( Voye-^^ ci-après Pla-
nète ). Je fais abftraélion de la force
centrifuge produite par la rotation de
Jupiter & des autres planètes} car la pe-
fanteur effedive fur la terre , telle qu'on
Tobferve ou qu'on la détermine par la lon-
gueur du pendule à fécondes , eft de 15
pies 05 1 j mais fans la force centrifuge ,
les graves parcourroient 15 , 1058 pies par
féconde. La table ci-jointe fait voir quelle
eft cette vîteflè à la furface de chaque
planète , en pies & en fractions décimales
de pies , en fuppofànt que le mouvement
de rotation & la force centrifuge n^ cau-
fenf aucune diminution.
Le Soleil,
La Terre,
43 3 piés 81
15 10
La Lune ,
2 83
Mercure,
12 67
Vénus,
18 71
Mars ,
7 39
Jupiter ,
Saturne ,
39 55
15 83
{M. DE LA Lande.)
Pesanteur , Poids , Gravité ,
( Synon. ) La pefanteur eft dans le corps
une qualité qu'on fent & qu'on diftingue
P E S
I par elle-même. Le poids eft la mefure ou
I le degré de cette qualité ; on ne le con-
j noît que par comparaifon. La gravité
défigne une certaine mefure générale &C
indéfinie de pefanteur. Ce mot fe prend
en phyfique pour la force que le vulgaire
appelle jjefanîeur y ôc en vertu de laquelle
les corps tendent vers la terre. Dans le fyf-
tême ne wtonien , gravité fe dit quelquefois
de la force par laquelle un corps quelcon-
que tend vers un autre.
On fe fert fréquemment du mot dc^r^r-
rite au. figuré, lorfqu'il s'agit de mœurs &
de manières , & ce mot fe prend en bonne
part. Le poids fe prend auffi au figuré en
bonne part ; il s'applique à cette iortc de
mérite qui naît de Thabileté jointe à un
extérieur réfervé , Ôc qui procure à celui
qui le poflède du crédit & de l'autorité
fur l'efprit des autres; mais le mot pefan-
teur au figuré fe prend en mauvaife part j
elle eft alors une qualité oppofée à celle qui
provient de la pénétration ôc de la vivacité
de l'efprit.
Rien n'eft fi propre à délivrer l'efprit de
Capefanteur naturelle , que le commerce des
femmes & de la cour : la réputation donne
plus de poids chez le commun du peuple ,
que le .vrai mérite : l'étude du cabinet rend
favant , ôc la réflexion rend fage ; mais
l'une & l'autre émouflent quelquefois la
vivacité de l'efprit , ôc le font paroître
pefant dans la converfation , quoiqu'ilpenfc
finement. {D. /, )
Pesanteur, (AfeVec.) C'eft un état
de nonchalance , qui vient d'une tranfpi-
ration diminuée , ou qui fe fait avec peine ,
ou bien de ce que l'on prend du froid,
ainfi que l'on s'exprime communément.
C'eft pourquoi , comme cet état eft fore
fouvent accompagné d'un écoulement du
nez , des yeux , on prend indifféremment
les mots gravedoôc coryza l'un pour l'autre.
Voye[ Coryza , Enchifrenement 6f
Rhume.
TESARO, (Géogr. mod.) en latin
Pifaurum , ville d'Italie , capitale d'une
feigneurie de même nom , ôc la plus grande
du duché d'Urbin. Elle eft riante , fertile,
produifant des olives, des figues exquifes ,
& toutes les commodieés de la vie. Son
évêché eft fuifragant d'Urbin. Sa pofition
eft
P-E s
«ftagréaMe , fur une hauteur , â retnbou-
chure de la Foglia , clans la mer Adriati-
que , au delTous de plufieurs coteaux , à
7 lieues nord-eft d'Urbin , 50 nord-eft
de Rome, Longitude 30. 35. latitude
43- 5^' . .
Cette ville , que l'on croit colonie ro-
maine , fut détruite par Totila , & rétablie
quelque temps après par Bélifaire , plus
belle qu'elle n'étoit auparavant. On peut
lire fur les antiquit s de Pefaro , l'ouvrage
intitulé Marmara Pifaurenfia , imprimé
dans cette ville en 1738 , in-folio ,
Jean François A lâani naquit à Pefaro,
devint cardinal , & étant âgé de 5 1 ans ,
il fuccéda en 1700 à Innocent XI : il
prit alors le nom de Clément XI , &
fut facré évêque après fon exaltation ^
ce qu'on li'avoit pas vu depuis Clément
VIII.
Dans la guerre entre Louis XIV &
l'empereur , il fe détermina fuivant les
événemens de la fortune. L'empereur , dit
le poète hiftorien du fiecle de Louis XIV ,
força Clément XI en 1708 , à reconnoître
l'archiduc pour roi d'Efpagne. Ce pape ,
dont on difoit qu'il reffembloit à Saint
Pierre , parce qu'il affirmoit , nioit , fè
repentoit & pleuroit , avoit toujours re-
connu Philippe V , à l'exemple de fon pré-
décelTeur -, & il étoit attaché à la maifon
de Bourbon. L'empereur l'en punit , en
déclarant dépendans de l'empire beaucoup
de fiefs qui relevoient jufqu'alors des
papes , & fur tout Parm.,e & Plaifance ,
en rarvageant quelques terres eccléfiafti
ques , en fe faiiiiTant de la ville de Com-
macchio. '
eut excommunie
auroit difputé le
Autrefois , un pape
tout empereur qui lui
droit le plus léger , & cette excommuui
cation eût fait tomber l'empereur du trône.
Mais la puilfance des clefs étant réduite au
point où elle doit l'être , Clément XI ,
animé par la France , avoit ofé un moment
le fcrvir de la puiiTance du glaive. Il
arma , & s'en repentit bientôt. Il vit que
les Romains , fous un gouvernement tout
facerdotal , n'étoient pas faits pour manier
l'épéc. Il déiàrma , il laiffa Commacchio
en dépôt à l'empereur ^ il confentit à écrire
TomeXXK,
P E S 513
à Tarchiduc , à notre très-clier fils , roi
catholique en E/pagne.
Une flotte angloiiè dans la Méditer-
ranée , & les troupes allemandes fur lès
terres , le forcèrent bientôt d'écrire à ,
notre très- cher fils , roi des F.fpagnes. Ce
fuffrage du pape , qui n'étoit rien dans l'em-
pire d'Allemagne , pouvoit quelque chofè
fur le peuple efpagnol , à qui on avoit fait
accroire que l'archiduc étoit indigne de
régner , parce qu'il étoit protégé par des
hérétiques qui s'étoient emparés de Gi-
braltar, »
Le même Clément XI avoit admiré le
livre du P. Quefnel , prêtre de l'oratoire;
mais il le condamna lans peine quand
Louis XIV l'en Ibllicita , donna la bulle
Vineam Domini , & la conftitution Uni"
genitus. Les ccnfures fuivirent iks éloges ,
& l'Angleterre n'avoit point armé de flotte
dans la Méditerranée pour foutenir les
janféniftes.
Au refte , ce pape aimoit les fàvans ,
& rétoit lui-même , quo^ue la France
ne regarde point fès œuvres comme un
tréfbr de grand prix. Il mourut le 19 mars
1711 , à 72 ans, & eut pour fuccelTeur
Innocent XIII , le huitième pape de la
famille Conti.
Pefaro eft aufîi la patrie de quelques gens
de lettres , & entr'autrcs de Mainus
( Jafbn ) , un des premiers jurifconfultes
de fon fiecle. Après avoir perdu dans fk
jcunefle fon bien &. fès livres au jeu , il prit
le goût de l'étude , & y fit de fi grands
progrès, qu'il avoit à la fois jufqu'à deux
mille difciples. L'empereur le combla de
préfens j mais on peut comparer l'accueil
que Louis XII lui fit en Italie , aux hon-
neurs rendus par Pompée au philofophe
Pofiidonius. Il étudioit en plein jour à la
chandelle , parce qu'il lui falloit pour pré-
venir les diftraftions dans (qs travaux litté-
raires , dérober à fès yeux la diverfité des
objets que le grand jour préfente 3 & ce
n'eft pas le feul homme de lettres qui ,
pour compofèr des ouvrages , ait été obligé
de fè concentrer en lui-même. On eftime
fes commentaires fur les pandeéies &fiir
le code de Jullinien. Il devint aveugle
d'affez bonne heure , & imbécille fur la fi»
Ttt
514 P ES
de fa vie , qu'il termina en l^ip? âgé de
843115 (*).
Je ne dois pas oublier de nommer Col-
Icnuccio ( Pandolfo ) parmi les gens de
lettres natifs de Pejaro. ïl eft connu par
une hiftoire de Naples , une apologie de
Pline , un traité latin fur la vipère , &
plus encore par fa mort tragique en 1507.
Jean Sïorce , tyran de Pefaro , ou , félon
d'autres , Célar Borgia , duc de Vaîentiuois ,
le fit étrangler en prifbn. Ange Politien ,
Lilio Giraldi , Pieriu5 Valerianus & autres
écrivains ont confîcré des éloges funèbres
à ià raémoii^. { D. J.)
PESCARA , ( Geog. mod. ) ville d'Ita-
lie , au royaume de Naples , dans l'Abruzze
citérieure j elle eft à l'embouchure d'une
rivière de même nom ( YAtemus des an-
ciens ) qui prend fa fource dans l'Apennin ,
6c fe jette dans la mer Adriatique , à fix
milles de Chieti , 8 au levant de Citta di
Penna , 12, S. E., d'Atri , 112. N. E. de
Naples. Longit. 31. 53. htit.. 42. 20.
{D.J.)
PESCE - D9NNA , ( HiJÎ.. nat. ) Ce
mot fignifie poijfon-ftmme ; il a été donné
par les Portugais à un poifîbn d'eau douce,
qui fc trouve dans le royaiune -de Congo
en Afrique. On dit qu'il a la tête plate
comme une grenouille ^ fa gueule eft armée
de deux rangées de dents blanches & dé-
liées -j ks yeux font grands. &: fortans^ fes
narines font larges comme celles d'un
dogue ; font front eft grand , & fes oreil-
les évafées. Il a des poils fort longs qui
flottent le long de fon dos, qureft large j
fon cou eft épais & court. Sur fon eftomac
font des mamelles fermes &: tendues j le
refte du ventre eft velu : le fexe eft facile
à diftinguer. Cet animal lingulier a des
cfpeces de bras longs & nerveux , au bout
defquels font cinq doigts , qui ont chacun
trois articulations ^ chaque doigt eft uni
aux autres par une membrane femblable à
celle des pattes d'un canard j le ventre fe j
termine en queue de poiflbn ^ cette. partie 1
P ES
eft couverte d'écailles &: eft fourchue 5 par-
deifus le tout eft une peau qui couvre l'ani-
mal comme d'un manteau , & qui va de-
puis le cou jusqu'aux deux tiers de la lon-
gueur du corps , c'eft où il loge fes pe-
tits. Ce font peut-être des poiftbns de cette
efpece , qui ont donné naifîhnce aux fables
des naïades , des firenes , &c.
Ce poiftbn fe trouve dnns les rivières &
les lacs du royaume de Congo ^ il fe retire-
parmi les rofeaux , le mâle ne quitte guère-
là femelle ^ on les tue malgré Leurs cris-
lamentables , & leur chair eft un manger
délicat pour les Africains ,. quoique les Eu-
ropéens n'en portent point le mê.me juge-
ment. Les Nègres attribuent beaucoup de:
vertus fabuleufes à leurs cotes & à deux os
qui fé trouvent au deifus de leurs oreilles^
PESCESE , f: m. ( WJi^eccl.. des. Grecs, >,
C'eft un tribut que l'on paie au fultaiv
pour parvenir au patriarchat de-Conftan-
tinople. Quelques feigneurs de Trébifonde
s'étant mis eu tête de faire patriarche ua
certain Siméon Hiéromoine^ corrompirent
plufieurs eccléfîaftiques , pour accufer Ki--
Ibcarabe d'avoir été l'inventeur du pejcefe ^
de forte qu'il fallut le dépofer. Le prix du.
pefcefs n'eft pas fixé à une fomme déter--
minée , parce que l'ambition l'a fait quel-
quefois porter à un prix fî exceffif ,, quei
plufieurs patriarches n'ont pu acquitter ce,
qu'ils avoient promis. Cependant M. le.
Clerc dit qu'il fe monte à préfent à mille,
ducats. Le patriarche Neé^aire fut exilé ^
faute d'avoir été en état de payer le jp^ycf/^,.
{D.J,)
PESCHERIE ( LA CÔTE DE LA ) ^
( Ge'ogr, mod, ) On donne ce nom à la
partie méridionale de la péninfule de l'Inde..
Elle s'étend depuis le cap de Commorin ,
jufqu'à la pointe dç Ramanançor, l'efpace
de 40 lieues ^ elle a le nom de pefcherie ,
à caufe de la pêche des perles qu'on y fait
tous les ans au mois d'avril , 8c à laquelle-
on empjoie un grand nombre de pêcheurs j
ce font les habitans de Tatucurin , ville
( * ) Cette ville eft la patrie de Jacques Manifetti , qui , à l'âge de 1 3 ans , pofTédoit toute la phi-
lofophie d'Ariftote, & compofa à X 5 ans un volume de près de 1000 thefes théologiques qu'il s'en-
gagea à foutenir publiquement.
On voit dans le cabinet du favant M. Olivieri àFefaro^ entr'âutres curiofités, un morceau de
pourpre romaine qui a plus de xcoo ans, & qui «ft encore d*un beau rouge écarlâîe. Voyez Voyn^»
,4e M. Herkeas , Hol. J77X. (C)
P E s
capitale ou plutôt la feule de cette côte,
qui s'y deftinent principalement.
Les Hollandois y affiftent en qualité de
proteâeurs , mais ils en font véritablement
les maîtres , car ils fe font donner pour
chaque bateau un droit confidérable, &
il y a quelquefois trois ou quatre cents ba-
teaux pour cette •pêche. Les commiffaires
hollandais viennent de Colombo , capitale
de l'île de Ceylan , pour la diriger ^ ils y
font en même temps de groifes acquifîtions
de toiles , contre lefquelles ils donnent en
échange de leurs épiceries des Moluques.
Ils achètent aufîî pour rien les coquillages
qu'on nomme xauxur , qu'ils envoient en-
fuite dans le royaume de Bengale , où ils
fervent de monnoie , & où conféquem-
ment ils \qs vendent fort cher ^ e«fin, ils fè
réfervent toujours le droit d'acquérir \qs plus
belles perles \ & comme ils ont des effets
recherchés par tous les habitans du lieu,
ils font fur ces ibrtes de pierreries un gain
immen/è.
. Toutes \qs perles qu'on retire le premier
jour , font pour le roi de Maduré , ou
pour le prince de Marava , à qui le pays
appartient.
Cette côte , dans le temps de la pêche ,
eft expofée à des maladies contagieufes ,
qui viennent principalement de ce que \ç.s
habitans fè nourriflènt alors de la chair
des huîtres , qui eft malfaisante & géné-
ralement corrompue ^ on ne voit par-tout
que de raéchans villages dépeuplés. Du
temps àQs Portugais , cette contrée étoit
floriffante, parce qu'ils avoient permis aux
Pararas ( c'eft le nom à.Q% peuples de la
côte de la pefcherie ) de trafiquer avec leurs
voi/ins j mais depuis que ce fècours leur
manque, ils font réduits à une extrême
pauvreté. ( Z). 7. )
PESCHIERA, (G^i^r. OTo^.) ouP^f
cicra , petite ville d'Italie , dans le Véro-
nois , avec une fortereffe. Les Vénitiens la
prirent aux ducs de Mantoue en 1441.
Elle eft fur le lac de la Garda , à l'endroit
où le Menzo en fort , à 5 lieues O. de
Véronne. Longkud. 28. 12. latit. 45. 23.
( i5. /. )•
P E S C I A , ( Géogr. mod. ) Fanum
Martis , petite ville d'Italie dans la Tof-
cane , au Florentin , fur la petite rivière
PE S 515
de même nom , entre Lucques au S. O. &
Piftoye au N. E. Long. 28. 15. latit, 43,
52. {D. J.)
PESÉE , f. f . C Çomm. ) ce qui fe pefê
en une feule fois. Chaque pefée de mar-
chandifès doit avoir fon trait , c'eft-à-
dire , être trébuchante & emporter le
poids qui eft dans l'autre baffin de la
balance.
Pesée eiî Perfe , où les facs d'argent
lè pefènt & ne fè comptent pas. On fait
cinquante pefées de chaque fac d'abaflîs,
qui doit être compofé de deux mille pièces
de cette monnoie , en forte que chaque
pefée n'eft que d'un toman , ou cinquante
abafîis j mais lorfqu'on foupçonne qu'il y
a dans les facs des pièces ou faufles , ou
légères , les pefées ne font que de vingt-
cinq aba/îîs qu'on pefe non contre un poids ,
mais contre vingt-cinq autres abaiîîs de
poids , ce qui découvre le faux ou la légè-
reté des autres. Vqye^ Abassis. Di3. de
commerce,
PESE - LIQUEUR , f. m. {Phiftq,)
inftrument de phyfîque : on l'appelle aufli
aréomètre , hygrobarofcope , barillon , hy-
drometre , ou hygromètre. Le mot hygro'
mètre s'applique plus fbuvent à l'inftrument
qui fert à mefiirer l'humidité. Voyez le
journal de phyfique de M. l'abbé Rozier ,
1774. Quant au mot aréomètre , qui eft
fort ufîté , il vient du m.ot grec âs^Aihi
rarus , tenuis , parce que cet inftrument
fert à mefurer la denfité des fluides.
On lit dans Synéfius que l'aréomètre fut
inventé vers la fin du IV fiecle, par Hy-
pathia , fille de l'aftronome Théon , Se
qui étoit célèbre elle-même par fes con«
noiflànces , qui lui coûtèrent la vie. Chez
les Romains, CQwyi qui mefuroient les
poids des eaux étoient appelles barylifes
ou baryniles. Voyez Mufchenbroeck, cours
de phyfique , tome II ^ p. 231, édition
de M. Sigaud de la Fond , 1759.
I. Le pefe liqueur fert à. connoître -les
pcfànteurs Spécifiques des fluides j il y en
a de plufieurs forres : \q% \A\is, eu ufàgé Ibnt
ceux qu'on plonge dans les liqueurs dont
on veut connoître les pefânteurs fpécifi-
ques ; alors ils doivent avoir la forme la
plus convenable pour divifer facilement le
fluide , 8c iè maintenir dans une fituatioa
T t t 2
5i<î P E S
verticale. Celui de Fahrenheit a ces pro-
priétés. Voyez les tranfaâions philojoph.
de 1724, 11° 384, art. 5 j ou Acla erudi-
torum 5 Lipf. 1730 , /^a^. 405.
Il eft compofé d'un long tube cylindri-
que C'D (planche II de Fhyf. fig. S)->
d'un godet D fait pour recevoir difTérens
poids 5 & de deux boules creufes A^B'^
la plus baffe 5, qui efc la plus petite,
contient du mercure , ou quelque autre
matière pefànte qui fert de lelt à l'inP
trument^ l'autre boule A^ toujours fub-
jîiergée élevé le centre de volume de la
partie de Taréometre qui eft plongée dans
le ûmciQ ^ ce qui augmente fà fiabilité.
Pour connoître les peianteurs Ipécifiqnes
des fluides par le moyen de cet iniîru-
ment , on le fait enfoncer à ' même pro-
fondeur dans les fluides qu'on veut com-
parer , en le chargeant de diiïérens poids
qu'on met dans le godet D. ^uppofons,
par exemple, que l'aréomètre s'enfonce
jufqu'au même point M dans deux fluides
différens ; foient P -\- q & P -|- <j?' les
poids abfolus qu'il doit avoir pour cela
( P défxgne le poids de l'aréomètre ) ,
^ & tt' les pefanteurs ipécifîques à^s deux
fluides , on aura ~ = - -,
2. On emploie quelquefois cet inftru-
ment d'une manière différente: elle con-
cilie à l'abandonner k, lui-même dans les
fluides qu'on veut comparer , fans le
charger de poids étrangers ^ alors il s'en-
foncera à différentes profondeurs : foient
KAB Se MAB les volumes occupés,
nommons ces volumes H ^ G , on aura
— = — ; fi l'aréomètre étoit d'une figure
régulière , on pourroit reconnoître les
volumes H &c G par la géométrie j mais il
l'eft rarement ; ainfi il fera plus fimple
d'employer la méthode fiiivunte. È!le con-
fite à le divifer aux points K, M , V y &c.
de manière que les volumes correipondans
forment une progrefiion arithmétique , dont
la différence foit un très - petit volum^e
donné F , & le premier terme le volume H
occupé par l'aréomètre dans le plus pefant
des fluides qu'on fe- propofe de comparer ,
dan§. l'eau , par exemple. Pour faire ces
P E S
divîfions par le moyen de ce lèul fluide 9
il fufiit de trouver le poids f , dont il
faut charger l'aréomètre pour que le vo-
lume enfoncé foit H ~\- n F : or , en
fuppofant qu'un pié cube d'eau pefe 70 liv. y
& nommant R le volume de- ce pié cube ,
on a ^ = -^ 70 livres j chargeant donc
Taréometre de ce poids , le point M où
il coupera la fiirface de l'eau , fera un des.
points de divifion. Il convient de fûire cet
aréomètre de verre , s'il doit être plongé
fbuvent dans des liqueurs corrofives.
3. Si les fluides à comparer étoient fî
difiërens , qu'un aréomètre àonné ne put
fervir , parce qu'il s'enfonceroit trop dans
un fluide & trop peu dans l'autre , alors on
pourroit orendre laiéometre X, fig. 6 y
compofé a*uue tige A B, d'une boule X
oc d'un fil de métal C D , terminé par
une vis D , faite pour recevoir différens
poids E j foient donc E , £' les poids
qui font enfoncer l'aréomètre dans les
fluides , dont les peianteurs fpccifiques
TT , -tt' doivent être comparées , iC & /C
les volumes plongés , P le poids de l'aréo-
mètre , ou aura ^ = —
k' p -]- E^
K P-^E
Cet
aréomètre eft dû à M..Clarke.
4. Ces aréomètres ne feront connoître
les peianteurs fpécifiques qu'à-peu-près j
tant à caufe du frottement, que parce que
tous les fluides ont une adhérence ou une
ténacité par laquelle leurs parties réfiftent
à la féparati'on mutuelle ; ainfi , fi l'arép-
metre entre dans le fluide verticalement
avec une vîteffe finie , il ne fè mettra
en équilibre qu'après pluficurs ofcillations
verticales , & indiquera une pefanteur
Spécifique trop grande , fi la dernière
ofcillaîion eft afcendante & trop petite j.
le contraire , fi elle eft defcendante.
5. Dans le cas où l'on vondroit une
plus grande précifion , ou peut iè fèrvir
de la balance Y , fig.. 7 , qui porte
au lieu de baflins^ deux vafes cylindri- ,
ques A bc B égaux en tout ^ on verfera
dans le cylindre A jufqu'à la hauteur ar-
bitraire C jD , du fluide dont la pefan-
teur fpécifiqiie eft t , &: l'on verfera dans
le cylindre -Bj du fluide doat la pefka»
P E s
teur fpécifique eft m , jufqu'à ce qiie A
& B Ibient en équilibre ^ foit T le point
où parvient le dernier fluide , on aura
'TT T R
6. Cette dernière méthode fournit un
moyen deilimer la fomine de la ténacité
& du frottement dans un fluide , confidé-
rée comme force réfiilante : ayant déter-
miné rigoureufement la pefanteur fpécifi-
que d'uti fluide , on trouvera par le calcul ,
de quelle quantité l'aréomètre devroit s'en-
foncer dans ce fluide ^ cherchant enfuite
par expérience la quantité qui s'y enfonce
réellement , le poids de la diflférence fera
la force cherchée.
7. Si une liqueur eft compofée de deux
autres dont les pefanteurs Spécifiques p ,
«T , foient données, on pourra trouver les
parties du mélange par l'aréomètre ^ car
on pourra déterminer, par les méthodes
précédentes , la pefanteur fpécifîque'-a' du
^1
mélange j cela pofé , la fraftion g
p 'TT
exprimera la portion du premier fluide ?
qui entre dans un volume g du mélange ,
p — ~ TT
& la fradion g la portion du fécond ,
P — -^ ^
pourvu toutefois que l'opération & le mé-
lange foient faits à même température.
8. Si cela n'eft pas , il faut connoître
la courbe t f , figure 4 , telle que les
abfciffes A P repréfentaut la température
de l'air en un temps donné , les ordonnées
fP repréfcntent les pefanteurs fpécifiques
correfpondantes du premier fluide , & une
courbe pareille Ô <p pour le fécond ^ cela
pofe , fi la vérification eft faite à la tempé-
rature d'air A P ^ W faut dans les fractions
précédentes , mettre au lieu de p bi. tt
les ordonnées f P 6l P u Ces courbes
peuvent fe déterminer par indudi:ion pour
chaque fluide d'une manière très- approchée.
Pour cela , on obfèrvera plufieurs pefan-
teurs fpécifiques f P de ce fluide corref-
pondantes à autant de températures A P
qui feront toujours données par le thermo-
mètre de M. de Réaumur ç, enfuite on
interpolera ces obfervations , ou , ce qui
revieut au même , ou fera paif^f par tous
P E S 517
les points obfèrvés f une courbe, du genre
parabolique dont l'équateur foit en gêné'
rai r f = a -i- i>. A P + c. A P^-^d.
A P3 -j- , &c. On prendra autant de
termes ^ , b. A P ^ &c. qu'on aura fait
d'obfervations , pour déterminer les co-
efficiens û , ^ , c , &c. Cette courbe ap-
prochera d'autant plus de la courbe, des
pefanteurs fpécifiques , que les obferva-
tions auront été faites plus près les unes
des autres.
9. Ceci fuppofe que les liqueurs varient
en pefanteur fpécifique , mêlées , comme
il elles étoient ifolées ^ ce qui eft à-peu-
près vrai. Cependant s'il en eft autre-
ment , alors la pefanteur fpécifique de
chaque fluide doit être donnée en fonc-
tion du rapport des parties du jnélange
de la pefanteur fpécifique de ces fluides
& de la température j qu'on exprime cette
fonâ:ion par ^ f ^^^ , /> , m , j pour le
premier fluide & par a ^ " ^ 5 -^r j m , )
pour le fécond {x défigne le volume du
premier fluide dans le miélange & ttz la
température ) on aura l'équation x 0
{"'r^rr yP^^ ,)M g —^) ^ C^^ 'T , m, )
= g-r' , d'où l'on tirera x , fi la nat.re des
fonèHons le permet j fînon il ^faut conf-
truire la courbe T M^ figure 9, telle
que les abfciffes A P étant x , les ordon-
nées M P foient le premier membre de
cette équation , en fiippléant convenable-
ment les homogènes , par l'origine A des
co - ordonnées mener la perpendiculaire
B Az=g7r' ^ par le point B la parallèle
B f^ à l'axe qui coupe la courbe en V ;
cette ligne B V fera la valeur de x cher-
chée.
10. Dans les deux articles précédens ,
j'ai fùppofé que le volume d'un mélange
de deux liqueurs étoit égal à la fomme
des volumes des liqueurs mêlées ;, cette loi
fbuffre exception pour quelques fluides ,
comme M. de Réaumur l'a remarqué : il a
mêlé cinquante mefiires de bon efprit-de-vin
avec cinquante mefures d'eau , & il n'a
trouvé le mélange que de quatre vingt-
dix-huit meiiires pareilles \ cette diftérence
vient d'une t^iiéixation mutuelle des deux
0
Îi8 P E S
liqueurs. . Dans ce cas , la diminution du
volume éoit être une fonôion de ce vo-
lume , du rapport des parties mêlées , & de
]a température. Soit u ce volume & r
( ^j-3— y u ,m , j la fonâion , ou aura
liy — T {-—', u, m, ) = g , &!:
l'équation de l'article 9 j en mettant , au
lieu de g- — r , g^ + r [■— y u , m ,)
— T, d'où on tirera x & z/, fi la nature
des fondions le permet , fînon on conf-
truira deux iùrfaces courbes , dont les équa-
tions foient V ■=u — r (*-^ — , u .
& / = le premier membre de l'équation
de l'article 9 , après y avoir fait les chan-
gemens convenables ^ x & ^/ font deux
co-ordonnces perpendiculaires entr 'elles ,
communes aux deux courbes , & v , v'
deux autres co-ordonnées perpendiculaires
au plan des premières, v pour la première
furface & v' pour la féconde ; cela fait ,
par des points quelconques du plan de x
& u , l'on élèvera perpendiculairement à
ce pian des lignes g & g- V j on mènera
par leurs extrémités des plans parallèles au
plan des, t & z/ ; le premier coupera la
première furface , & le fécond la féconde ,
fuivant deux lignes dont les projetions
orthographiques fur le plan des x &c u fe
couperont au moins en un point j on mè-
nera par ce point dinterfèâion une per-
pendiculaire fur la ligne de x. Cette per-
pendiculaire & la valeur des x correi^on-
dante , feront les valeurs cherchées de u
&C X.
11. II faut remarquer que les u & les r
qui viennent d'être déterminées par cette
folution , repréfentent les volumes qu'au-
roient ces liqueurs mêlées fous la tempé-
rature m qui entre dans le calcul ^ ainfî , fî
on veut avoir les quantités telles qu'elles
étoient quand elles ont été mêlées fous
une autre température , il faut les corriger
par le moyen des courbes //& â<?) , fig. 8.
On doit faire une remarque fèmblable pour
les articles 8 & 9. Cette correâiion devient
inutile quand les liqueurs font également
dilatables.
12. Je me fiiis propcfé , en expliquant
P È S
ces inéthodes , de donner une idée de la
manière dont ce fujet peut être traité géo-
métriquement j mais il faut avouer qu'el-
les ne font pas toujours applicables , foit
parce qu'on n'a pas encore déterminé gé-
néralement les fonéiions que j'introduis dans
le calcul , foit parce que les conftruâions
à faire , quand ces fondions font inexpli-
cables , font très-pénibles. Ainfi , comme
cette queflion de connoître les parties de
l'alliage de deux liqueurs , eft très-impor-
tante dans le commerce , fur-tout pour
connoître le degré de force des eaux-de-
vie , je vais expofèr brièvement les moyens
propofes par d'habiles phyfîciens pour rem-
plir cet objet.
13. M. Baume publia dans VAvont-
Coureur de 1768 , un aréomètre pour
connaître la force des eaux-de-vie , dont
voici la defcripiion. On prend un peft^
ligueur de verre de forme ordinaire j on
lé lefte en mercure pour le faire plonger
dans l'eau falée jufqu'à la naifîance de fà
boule ; on marque ce terme zéro : l'eau
falée doit être compofee de dix parties
de fel marin très-pur & de quatre-vingt-dix
parties d'eau ^ enfuite on plonge le fefe-
liqueur dans l'eau diflillée j on marque 10
à la fcâion de cette eau \ on divife l'ef^
pace compris entre les deux termes en di\yi
parties égales \ enfuite on prend au deffus
de 10 un efpace terminé par le nombre 20,
égal à la diflance de o à 10 , qu'on divifè
de nouveau en dix parties égales marquées
par les nombres 11 , 12 , 13 , à-c. Oa
peut procéder ainfi de fjite jufqu'à 50. Ce
nombre efl fuffifant , parce qu'on ne peut
pas avoir d'efprit-de-vin alfez rcé^ifié pour
palî'er ce terme. Pour faire ufage de cet
aréomètre , il faut avoir recours à >uie
table faite par M. Baume , qu'on trouve
dans ies Elémens de Pharmacie, Il a
compofe quinze efpeces d'eau de vie dif-
férentes , en fubflituant fuccefTivement
dans deux livres d'efprit-de-vin , au lieu
de 2 , 4 , 6, (S'c. onces d'efprit-de-vin ,
un même nombre d'onces d'eau : enfiiite
il a remarqué à quel degré s'cnfonçoit fbii
pefc- liqueur dans ces différens mélanges
pour dix degrés différens de température ;
fàvoir , depuis quinze degrés au defTous
de la glace, jufqu'à trente au deiTus de ce
P E s
terme, de cinq eu cinq degrés. C'eft d'après
ces. expériences que M. Baume a confinât
la table. Dans une jTremiere colonne , vers
la gauche , font écrites les différentes efpe-
ces d'eau- de-vie ^ dix autres expriment les
degrés que ces mélanges donnent au pefe-
liqueur pour les difïérens degrés de tempé-
rature. Il réfulte des expériences de M.
Baume , que plus refprit-de vin efl: aqueux,
moins il eft fujet aux variations de l'air , &
réciproquement.
14. Dans les Mémoires de tacadémie
des Jciences de Paris , ann. 1768 , M. de
Montigny a propofé un pefe-Uqueur pour
l'efprit-de-viu &: les eaux-de-vie : fa conf-
trudion revient à ceci. On prendra un
efprit - de ' vin bien déflegmé \ on déter-
minera le rapport de fa pefanteur fpécifî-
que à celle de l'eau diftillée dans un lieu
où le thermomètre de M. de Réaumur
marquera dix degrés. Avec ces deux li-
queurs on en formera neuf autres : l'une
fera compofée d'efprit - de - vin & d'eau ,
en parties égales ^ les autres , d'un noinbre
k de parties d'efprit - de - vin , & d'un
nombre ç)-k de parties d'eau , en prenant
pour k tous les nombres , depuis l'unité
jufqu'à 8 inclufivement : on gardera ces
liqueurs dans des. bouteilles fermées au
moins pendant vingt-quatre heures : on
prendra un vafe cylindrique d'un diamètre
fufîifant y pour que l'aréomètre y puifîé
monter & defcendre librement : on mettra
fiiccefîivement dans le vafe de la même
hauteur l'efprit-de-vin , l'eau & les neuf
autres liqueurs dont il a été parlé ci-defTus :
on marquera les différentes hauteurs de
l'inftrument fur une règle verticale adaptée
à la furface extérieure du vafe -, on aura de
cette manière dix intervalles. On fera fur
ce modèle une échelle de papier qu'on in-
troduira dans la tige de l'aréomètre \ on
pourra marquer o au point de l'échelle
qui efl à la furface du fluide quand l'aréo-
mètre efl plongé dans l'eau , & 100 au point
qui efl à cette furface quand l'aréomètre efl
plongé dans l'efprit-de-vin. On fubdivifera
chacun de ces dix intervalles en dix parties
égales qui feront connoître , à" très - peu
près , les parties du mélange quand l'eaii-
de - vie répondra à quelques - unes de ces
fubdivilions. Par ce moyen , on uc coii-
P E S 51^
noîtra les proportions du mélange qu'à
une même température. Pour éviter cet
inconvénient , il faut conftruire des échel-
les à des températures différentes de cinq
en cinq degrés. ( M. de Montigny a reconnu
par expérience que l'erreur correfpondante
à un changement de cinq degrés dans la
température , efl tout" au plus d'une pinte
fur quatre-vingt-dix. ) Enfuite , quand on
voudra, vérifier une eau - de - vie , on fe
fervira de l'échelle faite pour la tem-
pérature aéluelle de l'air , ou la plus ap-
prochante.
1 5. Les Mémo ire s_ de tacadémJe de l'an-
née fuivante 1769 , en contiennent uu^
de iVL Briffon , dans lequel , entr 'autres,
chofes , il doinie un moyen de connoître-
la force de l'eau-de-vie : il divife en 16
parties égales un volume qui peferoit 1000
en eau de Seine filtrée en fable, & 837
en efprit -de -vin bien reélifié , il forme
15 mélanges de ces liqueurs, en mettant
fuccefiivement dans le volume commun ,
une , deux y trois ,. &c.. parties d'efprit-
de-vin ,, au lieu de même norribre de par--
ties d'eau ^ il en a déterminé les pefan-.
teurs fpécifiques dont il a formé une ta-
ble 5 cela pofé , il faut prendre , par le-
moye^i, d'un pefe - liqueur , le poids d'un
volume d'eau & d'un égal volume" d'eau-,
de - vie j & dire , le poids de l'eau efl
au poids de l'eau-de-vie , comme 1000 efl
à un ,, nombre qui fera connoître , par le
moyen de la table, combien fur 16 parties
il y en a d'efprit-de-vin. L'eau & l'eau-
de-vie qu'on com.parera doivent être à même
températurCé
16, Dans les Mémoires de txicadénùe
de. iJJOy on en lit un de M. le Roi qui
contient plufieurs réflexions fur les aréo-
mètres , & en particulier fur \qs moyens
d'en faire de comparables. L'auteur entend
par aréomètres comparables , ces aréo-
mètres dans lefquels les volumes indiqués
par les divifions correfpondantes de leur
échelle , font entr'eux comme les poids de
ces aréomètres ^ cela pofé, il indique un
moyen facile d'en faire de comparables,
c'efl de les plonger d'abord dans une liqueur
afîèz pefante pour qu'ils ne s'y enfoncent
qu'un peu au deffu^ du flotteur au premier
terme de l'échelle 3 puis dans une liqueur.
520 P E S
beaucoup plus légère, pour qu'ils s'y enfon-
cent jufqu a l'autre extrémité , & enftjite
divifer ces échelles en un même nombre
de parties égaies pour chaque aréomètre.
Par cette conftruétion , les volumes répon-
dons aux mêmes divifions , feront toujours
comme le poids. Au refte on peut ih dif-
penfcr de recourir à une féconde liqueur
pour avoir le dernier terme de l'échelle;
il fuffit à cet elTet de les faire enfoncer
dans la liqueur la plus pefante , en les char-
geant de poids qui foient entr'eux comme
les poids de ces aréomètres. Lorfque M. le
Roi lut fon Mémoire à l'académie , il pré-
fenta en même temps deux aréomètres gra-
dués félon ces principes , qui s'accordèrent
parfaitement dans différentes liqueurs où
on les plongea. Les termes extrêmes de leur
échelle avoient été déterminés par le moyen
d'une eau-de-vie très-affoiblie , & d'un
efprit-de-vin bien reâiifié. Ces aréomètres
éîoient d'argent , formés par deux conoï-
des , appliqués par leur baie , qui avoient
la figure d'un folide de révolution , engen-
dré par un arc de chaînette : c'ell à peu-
près la figure que M. le Roi croit être la
plus convenable pour qu'ils puiffent fe mou-
voir librement.
■ 17. M. de Machy a publié en ^1774 ,
un Recueil de differtations y hy fi co^thy nu-
ques , dans lequel il donne la conftru£tion
d'un aréomètre deftiné pour comparer les
liqueurs qui ne font pas plus^pefantes que
l'eau, ni plus légères que l'efprit de-vin.
D'abord il détermine les pefanteurs fpéci-
fiques de ces liqueurs extrêmes par la mé-
thode de X article 5 \ il trouve enconféquence
que le pouce cube d'eau pefe 574 grains ,
& le pouce cube d'efprit-de-vin 508. Enluite
M. de Machy fait conftruire un aréomètre
dont le poids foit de 574 grains '-, il le plonge
dans l'eau dont la furface le coupe en un
certain point , enfuite dans l'efprit-de-vin ,
dont la furface le coupe auifi en un point ;
il divife l'intervalle de ces deux points
en 66 parties égales , différence entre le
poids du pouce cube d'eau , & celui du
pouce cube d'efprit - de - vin ; cela pofé ,
quand on le plongera dans quelques liqueurs
intermédiaires entre celles • ci , leur point
de feâion indiquera à-peu-près de combien
de grains le pouce cube de cette liqueur
P E S
fiirpaffe en poids le pouce cube d'efprit-de-
vin. L'auteur propofe quelques moyens pour
donner plus de précifion à fon iniirument \
mais il nous fuffit d'avoir donné une idée
de fon mémoire : nous renvoyons ceux qui
defireront plus de détail, à l'ouvrage de
M. de Mathy , déjà cité.
La perception des droits impofés à Paris
furies eaux- de-vie, à raifon de leur degré
de force , a été l'occafion de divers mé-
moires fur \^s aréomètres , iinprimés depuis
quelques années ; mais il en a paru un ea
1776 , dans lequel on propolè de n'ad-
mettre que deux degrés de force dans les
liqueurs fpiritueufès , l'eau-de-vie quelcon-
que & l'efprit-de-vin , afin qu'il n'y ait qu'un
feul droit liir l'eau-de vie , au lieu de le faire
varier fuivant les différens degrés d'un aréo-
mètre , connu fous le nom ^aréomètre de
Cartier , qu'on emploie depuis 1771 , &
qui marque Z9 à 31 degrés pour les eaux-
de-vie que \ç,s eommerçans font entrer à
Paris. Les inconvéniens de l'aréomètre
pour la perception des droits , ont été déve-
loppés dans un mémoire préfenté à la cour
des aides par le corps de l'épicerie de
Paris , intervenant dans un procès que la
fermée avoit intenté au fieur Hatry , mar-
chand épicier, ( Cet article eft de M. Char-
LJES , profejfeur de mathématiques , à
Paris. )
PESENAS , mieux PÉZENAS , ( Géogr,
mod. ) ville de 1600 feux , au bas Langue-
doc , dans le diocefe d'Agde. Elle eft dans
une fituation charmante , fur la Peyne , à
4 lieues N. E. de Beziers , 8 de Montpel-
lier , 3 N. d'Agde , 160 S. de Paris. Lotig,
21. 5. lat. 43. 2<5.
Péfenas eft une ville fort ancienne , puif^
que Pline , /. 48 , c. 8 ,nEn fait mention;
il la nomme Pifcenœ , & il loue la laine
des environs , la teinture qu'on lui do^inoit,
& les étoffes durables qu'on en faifoit,
S. Louis acquit cette ville en ii6i , de
deux feigneurs qui en étoient co proprié-
taires, & il l'unit au domaine royal ; c'étoit
une châtellenie que le roi Jean érigea eii
comté l'an 1361 , en faveur de Charles
d'Artois ; ce comté entra par la fiiite des
temps dans la maifon de Montmorenci ,
vint à M. le prince de Condé, & enfia
eft échu en partage aux princes de Conti.
Le
P É S^
Le collège tenu par les prêtres de Mora-
toire ., étoit anciennement une maifon de
1 oratoire de Rome , que J. B. Romillon
réunit en i é 1 9 , à la congrégation de France.
Louis Fouquet , évêque d' Agde , y a fondé
des bourfes.
C'eft à Péfenas que le poëte Sarafin
( Jean-François ) mourut de douleur en
1664, pour s'être mêlé d'une affaire qui
n'avoir pas réuflî. Il étoit né à Herman-
ville près de Caen en 1605 , ôc devint
fccretaire du prince de Conti. Un jour le
maire &c les échevin^ d'une ville étant
venus pour complimenter ce prince , l'ora-
teur refta court à la féconde période ,
fans pouvoir continuer fon compliment.
Sarafin faute aufll-tôt du carroflè , où il
croit avec S. A. fe joint au harangueur ,
& pourfuit la harangue , l'alTàifonnant de
plaifanreries fi fines & fi délicates , & y
mêlant un ftyle fi original , que le prince ne
put s'empêcher lui-même d'en être extrê-
mement furpris. Le maire & les échevins
remercièrent Sarafin de Mut leur cœur ,
& lui préfcnterent par reconnoifiànce le
vin de la ville. Ses œuvres en profe & en
vers mériteroient d'être réimprimées , parce
qu'elles font pleines d'efprit , de naturel ôc
d'agrémcns. Il écrivoit de génie , avec
une facilité qui n'étoit égalée que par (a
parefle. Dans une ode à M. le prince
d'Enguien , il s'cxcufe de le louer par ces
deux vers :
Car je n'ai qu'un filet de voix ,
Et ne chante que pour Sylvie.
M. Juvenel de Carlincas fit en l'honneur
de Sarafin une épitaphe qui finiffoit ainfi :
Ad ceternam pojîeritatis memoriam ,
Et prceclarijfimi viri eximiam virtutem ,
Prœfecius & Mdiles
Titulum hune infcribendum tumulo cura^
vére , a'nn. IJ%6.
Le chœur de l'églife étant tombé , la lame
de cuivre a difparu ou a été volée.
Péfenas eft la patrie du P. Molinier géné-
ral des chanoines réguliers de Ste. Gene-
viève ) auteur ^'explications fur l'évangile
& les pfeaumes. { C. )
PESER , V. a. ( Gramm. Ôc Comm. )
«'eft examiner la pefantei« de quelque
Tome XXV,
P E S 521
chofc , la confronter avec un poids certain ,
réglé & connu , tel que peut être la livre ,
le marc , le cent , le quintal , ùc.
Pour pefer les métaux , les drogueries ,
les épiceries , les cotons , les laines & au-
tres femblables marchandifes d'œuvres de
poids , que l'on vend en gros , l'on fe fert de
la romaine , ou des grandes balances à
plateaux.
A l'égard des mêmes marchandifes qui
fe vendent en détail , c'eft de la petite
balance à baffins , ou du pefon dont 011
fe fert. Le trébucher eft pout pefer l'or ,
l'argent & autres chofes précieufes.
On dit qu'il (a.\xx. pefer des marchandifes
net , pour faire entendre qu'elles doivent
être pefées fans emballages , caiffes , nî
barils : au contraire , quand on dit qu'elles
doivent être pefees ort ou brut , cela veut
dire qu'il faut les pefer avec leur embal-
lage , leurs caifTes ôc leurs barils. DiâioM.
de commerce. { D. f.)
Peser les malades , c'étoit ancienne-
ment en Angleterre une coutume de guérir
les enfans malades , en les pcfant au tom-
beau de quelque faint , en mettant , pour
les contrebalancer , dans l'autre côté de
la balance , de l'argent , du pain de fro-
ment , ou quelqu'autrechofe que les parens
avoicnt la volonté de donner au bon Dieu ,
à fes faints ou à l'églifc.
Mais c'étoit toujours une fomme d'ar-
gent qui devoit faire partie du contre-
poids ; on venoit à bout de les giiérir par
ce moyen , ad fepulcrum fanai nummo f&
ponderabat.
Suppofé que cette coutume fût reçue
en Angleterre , elle approche de cellç
que la pieufe crédulité des fidèles a intro-
duite dans différentes provinces de France ,
de vouer leurs enfans malades aux faints fur
leurs tombeaux , ou fur leurs autels , de les
y faire aftèoir , de leur faire boire de l'eau
des fontaines qui coulent près de leurs reli-
ques , ou deséglifes qui leur font dédiées.
Peser la pierre , ( terme de Carrier )
c'eft la foulever de deflus le tas avec la grofïe
barre , pour la mettre fur les boules.
Peser a la main , en terme de Ma^
nege , fe dit d'un cheval qui n'ayant point de
fenfibilité dans la bouche , s'appuie fur le
, mors au point de fatiguer le bras du cavalier,
Vvv
p± P E S
Peser , ( Marina ) c'eft tirer de haut
en bas.
Pefer fur une manœuvre , ou fur quel-
qu'autre chofe , c'eft-à-dire , tirer fur cette
manœuvre pour la faire baifl'er.
Pefer fur un levier , c'efl: auiïi le faire
baiffer.
Peser , ( Chûjè. ) fe dit d-*une bete
qui enfonce beaucoup de fes pies dans la
terre j c'eft une marque qu'elk a grand
corfage.
PESEUR , f. m^ ( Ccmm. ) celui qui
pefe -, il fe dit plus ordinairement de la
perfonne qui tient le poids du roi. Dans
toutes les villesde commerce bien policées ,
les pefeurs royaux ou publics font obligés
de prêter ferment devant le magiftrat , &
de tenir bon & fidèle regiftr^ de toutes
ks marchandifes qu ils pefent à leur poids ;
ce l'ont eux qui règlent ordinairement les
contcftations qui anivent entre les mar-
chands , pour laifon du poid^ de leurs
marchandifes.
Il y a à Amfierdam doaze pefeurs publics
étabhs en titre d'office pour pefèr toutes
les marchandiles fujettes au poids. Il y a
auflii à Amiens des officiers pefurs de fils
de fayette & autres fils de laine , & des
pefeurs de fils de chanvre & de lin , pour
pefer ces marchandifes , que les filafîîers
apportent dans les halles ou marchés.
Ceux-ci ne font que quatre , les premiers
font au nombre de douze. Dicîionn. de
commerce.
PESICI , ( Gécg. anc.) peuples de l'Ef-
pagne Tarragonoife. Pline ,.//V. IV y c. xx ,
les place dans une péninfule ; le P. Har-
douindit que cette péninfule fe nommoit
Corufîa y & qu'elle étoit fur la côte Ççip-
tentriona'e de la Galice.^v D.f. )
PESNES , f. f. pî. ( Métiers. ) C'eft le
nom qu'on donne en pluiîeurs endroits
aux cordelettes qui pendent tout autour
des caparaçons d'été ^ & qui par leur agi-
tation garantilîènt les chevaux des mou-
ches. On donne cependant plus commu-
pément le nom de pefnes , aux corde-
lettes qui pendent de la fangle que les
voituricrs attachent autour du bât qu'ils
mettent fur leurs chevaux , & autour des
couvertures des chevaux de harnois , qu'à
«çlles qui çejidem des caparaçons à rézeaii ,
P E S
dont on couvre les chevaux de maîtres en
été. (£)./.,)
Pesnes ou Paines , terme de Cor'-^
royeur y ce font des morceaux de drap ou
d'étoffe de laine dont ils fout leur gipon»
Voye-;^ GiPON.
P ESN es ow Pennes , terme de Tijfe-
randy ce font des bouts de fils qui reftenr
attachés aux enfubles du métier de tiflérand,
après que la pièce de toile eft finie , &
qu'on Pa ôtée de deflus le métier. C'eft
avec ces pefnes que les chandeliers enfilent
& mettent par livres les chandelles com-
munes ou A la baguette.
PESO , f. m. ( Monnoie. ) monnoie de
compte d'Efpagne , les dix mille p^^fos va-
lent douze mille ducats.
PESON , f. m. en Mecha nique , eft une
forte de balance appellée autrement Jfa^
tera romana , on balance romaine , au
m.oyen de laquelle on trouve la pefanteur
des différens corps , en fe fervant d'un feul
& même poids qu'on leur compare. Voye^^
Balance.
Confiruâion ih/ pefon. Il eft compofé.
d'un rayon de fer A B { FI. de méchan.
fi g. 35 } , fur lequel on prend un point à
difcrétion , comme C , d'où on élevé la
perpendiculaire CD. A la branche la plus
courte -^ C, eft fufpendu un plateau G
pour recevoir les corps qu'on veut pefer ;
le poids / peut parcourir les différens
points de la branche C B y de on l'éloigné
du point C y jufqu'à ce qu'il foit en équi-
libre avec le poids qu'on a m.is dans le
plateau G. On connoîtque c'eft le poids
mis dans ce plateau , par l'endroit où le
poids / fe trouve fur le bras C B ; par
exemple , li le poids J eft d'une livre ,
& qu'iljfe trouve au point de divifion G
en équilibre avec le poids qui eft dans le
plateau , on en conclut que le derniei
poids eft de fix livres , & ainfi du refte,
Voyei^ Levieïl & Puissances mécha-
NIQ^UES..
Par la conftruétion du pefon , on voit
aifement quelle ôft la manière de s'en
fervir : & on peut remarquer que le pefon
eft d'un ufage commode , en ce que
n'ayant befoin que d'un ieul poids , qui
n'eft pas confidérable , il eft très- portatif
en £ctit 5 ôc qiiand on l'emploie en grandi
P E s
fur des maflfes qui font très-pefantes , Bc
qu on ne peut pas divifer , on efl: difpenfé
d'avoir un grand nombre de poids diffi-
ciles à raflembler , & le point fixe en efl:
beaucoup moins charge ; mais il faut obfer-
ver au iTi que cet inftrument ne peut pas fervir
à pefer exactement de petites quantités ,
parce qu'il n^'efl: point aflez mobile , ce qui
vient priiKipalement de ce qu'un de Ces
bras efl: fort court. Voye:^ Romaine.
Peson a contrepoids , ( Balance. )
c'efl: une efpece de balance , qui fert à
pefer diverfes fortes de marchandifes. On
l'appelle auiïi crochet , ou balance romaine.
Peson a ressort , f. m. ( Méchan. )
forte de machine aflez ingénicufe , dont
on fè fert pour pefer certaines efpeces de
marchandifef , comme le foin , la paille ,
îc fil , la filafle , la chair , frc.
Ce font les petits marchands qui vont
aux foires , les étapiers , les fourriers &
ies vivandiers d'armée , qui fe fervent plus
ordinairement du pefon a rejfort.
Il y en a de différentes grandeurs pour
pefer , depuis une livre jufqu'à cinquante.
Les premiers qui parurent à Paris , furent
apportés de Befançon ; ce qui a donné lieu
à quelques-uns de croire que c'eft à cette
ville que l'on a l'obligation de Pinvention
de cette machine. Cependant bien des
gens veulent qu'elle vienne d'Allemagne.
Le pefon à. rejfort eft compofé de plu-
sieurs pièces.
1°. D'un anneau qui fêrt à le fu (pendre
en l'air.
2°. D'une même branche prefquequarrée,
ordinairement de cuivre , &; quelquefois
de fer ou de buis , fur Pune des faces de
jaquelle font marquées les différentes di-
viiîons des poids ; c'eft: au haut de cette
branche que Panneau efl: attaché par
une S.
3°. D'un reflbrt de fil d'acier en forme
de tire-bourre , arrêté au bas de la branche
par un écrou , la branche palTant de haut
en bas au travers du reflort.
4°. D'une boîte ou canon de figure
cylindrique , qui renferme la branche & le
refïbrt.
Enfin , d'un crochet attaché par une S
au bas de la boîte, qui fert à accrocher la
marchandifc que l'on veut pefèr, *
PE s ^t,
■ Pour fe fervir du pefon à rejfort , il faut
le tenir par l'anneau fufpendu en Pair per-
pendiculairement ; ce qui fait que le poids
de la marchandife tirant le crochet en
en-bas , reflèrre le reflbrt : de forte que
la branche fortant par le haut de la boire
à proportion du poids , Pon découvre les
divifionsqui y font marquées par des raies
&: des chiffres , ce qui dénote la pefanteur
de la marchandife.
Ce pefon , quoiqu'aflèz induftrieufement
%it , 6c adèz commode en apparence ,
n*efl: cependant pas fi jufl;c que le pefon
à contrepoids ou romaine. Le défaut de
jufl:efl^e provient de ce que le reflibrt efl:
fu jet à fe relâcher & à s'afFoiblir par fou
trop grand ufage.
Les Chinois fe fervent auffi d'une efpece
de pefon , qui rcflemble aâfez à la balance
romaine. On en peut voir k defcription
à l'article de la balance. Voyc;^ Balance.
Dicî. de comm. { D. J.)
Peson a tiers point , efl: ccTnipofé j
î°. d'un reflbrt d'acier rond à reiTbrr à
chien : i° de deux tirans cintrés fut
le champ , dont l'un a un anneau pout
Piiflfèr le pouce & le tenir , & qui pafl[c
par Pouverture de l'extrémité du reflbrt ,
&c qui eft arrêté fur l'autre extrémité î
3°. & le fécond fur lequel font gravés les
chiffres qui marquent le poids , efl: arrêté
à ia partie fupérieure du reflbrt , & paflc
au travers de Pinférieure. 4°. Au bout eft
le crochet,
PESSAIRE , f. m. ( Chrrur. ) moyen
dont on fe fert en chirurgie pour retenir
la matrice dans fa fituation naturelle. On
les fait ordinairement nvec du liège , en
manière d'anneau rond ou ovale , qu'on
trempe dans de la cire fondue pour en
remplir les pores , &c faire un enduit qui
le préferve de pourriture. P^oye:^ les Jig.
6*, 7 , 8 «S'^ , PL VII. Quelques auteurs
confeillenf Pufage des pcjfaires d'argent en
forme de tuyau , dont ia patrie fupérieure
foit déterminée par un petit godet percé ,
pour fbutenir l'orifice de la matrice. Mais
on a obfervé que les humeurs du vagin
altèrent l'argent , & forment aux p-Jfnires .^
£aits de cette matière , des trous dans lef^"
quels les chairs excoriées par les inégalités
de ces trous , s'engagent , ce qui produit
y vy z
5X4 P E S
des ulcères. Les perfonnes riches peuvent '
fe fervir des pcffhires d*or -, car on a re-
marqué que les humeurs du vagin n'altèrent
point ce métal. Ceux d'ivoire font plus con-
venables encore 6c à l'abri de toute efpece
d'altération.
hes peffaires en anneau ne conviennent
point dans tous les cas. On trouve dans
le premier volume des Mémoires de l'acad.
de Chirurgie , un mémoire de M. de
Garengeot , fur plufieurs hernies fingulieres,
dans lequel on lit une obferyation d'un<^
hernie inteftinale par le vagin. L'auteur
voulut la contenir par nnpejfaire ovalaire ,
qui ne réuffit que la première journée. Le
kndemain la malade fentit de vives dou-
leurs, avec un tiraillement confîdérable à
Teftomac , & des vomilTemens qui ne cef-
lêrent que parla fouftradion du pejjaire :
il étrangloit , conjointement avec le pubis ,
une portion d'inteftin qui s'ctoit glilTée
entre deux. On réduifit la hernie, 6c on
appliqua un autre pejfaire d'une grofleur
convenable , auquel on donna la figure
d'un bondon. Il étoit percé dansfon milieu,
ëc étoit armé de deux cordons pour pou-
voir être retiré facilement , afin de le chan-
ger au befoin.
Saviard rapporte plufieurs obfervations
fur les defcentes de matrice , & parle
dans fon obfervation xiij , d'une matrice
fi grolTe , qu'elle ne pouvoir être retenue
par les pejfaires ordinaires. Il en fit faire
un d'acier , attaché à une ceinture par le
moyen d'un reflort qui fe recourboit juf-
ques dans la vulve , à l'extrémité duquel
il y avoir un petit écuflbn , qui retenoit
la matrice dans fon lieu naturel.
hz fig. îo repréfente un ^e//^/re élafti-
que formé par un relTort d'acier tourné
. en fpirale. On revêt cet inllrument d'une
toile cirée. Les anciens fe fervoient de
pejfaires médicamenteux pour provoquer
le flux menftruel , pour arrêter le flux im-
modéré des règles , & contre la maladie
qu'ils appelloient fuffocation de matrice.
Mais la connoiflance plus exadte de la
nature des parties léfées , & du caradere
^_ des maladies, a fait rejeter de la pratique
ces moyens inutiles. ( Y)
PESSE , f. f. ( Botan. ) nom vulgaire de
Teff cce de (îipin (jue Tournefort appelle
P E S
ahies tenuiore folio , fru Bu deorfum inflexo.
On trouve fouvent des ruches fur les ex-
trémités des branches de cet arbre. Il n'efl:
pas trop aile de comprendre comment elles
le forment \ 6c l'on ne le douteroit pas
que des ruches aufïî régulières fuflènt l'ou-
vrage des moucherons. Rien cependant
n'eli: plus vrai. Un eflaim de ces petits
anirftaux, dit M. Tournefort , vient piquer
les branches de la ptffe dans le temps "
qu'elles lont encore tendres ; chaque mou-
cheron fait fon trou à l'origine de la jeune
feuille , juftement dans l'aiflelle , c'eft-à-
dire , dans l'endroit où la bafe de la feuille
eil attachée en travers contre la tige. Ainfi
le fuc nourricier qui s'extravafe , élargit
le trou de la piquure , 6c fait écarter la
bafe de cette feuille , qui n'eft encore que
collée contre la tige. Il arrive delà que
cette efpece de plaie prend d'abord la
forme d'une petite bouche à lèvres velues ,
6c enfuitc celle d'une gueule qui laifle voir
le creux de chaque cellule. Ces cellules
toutes enfemble , compofent la ruche.
Elles font pleines dans l'été de pucerons
verdâtres , femblables à ceux qui naiflent
fur les herbes potagères. Chaque puceron ,
mis fur le creux de la main , fe développe
dans moins d'un demi-quarr-d'heure , &
laifle échapper un petit moucheron. Hifl.
de V académie des Sciences , ann. îjo^.
(D.J.)
PESSEAU , f. m. ( Econ. rujî. ) Voye^
ÉcHALAS.
PESSELAGE , fub. m. ( Agriculture. )
C'eft l'action de garnir une vigne de pei-
feaux.
PESSINUNTÉ , ( Géogr. anc. ) Pejfi-
nus , ville des Galates Tolifl:oboies , ou
Tolift:obages , dont elle étoit la métropole ,
félon Pline , liv. V , ch. xxxij. Strabon
dit que le fleuve Sangarius couloir auprès
de cette ville.
Elle étoit célèbre par fon temple dédié
à Cybele , 6c par la ftatue naturelle de
cette divinité , qui étoit tombée du ciel ;
c'étoit une pierre noire qu'on gardoit pré-
cieufement à Pejfmunte j mais Rome étant
affligée de maladies populaires , 6c d'autres
calamités publiques , envoya aux PcfTînun-
tins une ambaflàde , pour leur demander
cette- flatije de Cybele. Ses prêtres , av^c
PES
tout l'attirail du culte de la divinité ,
vinrent eux - mêmes la remettre aux
Romains. On chargea la veftale Clodia
de cette pierre myflérieufe , qui fut portée
en proceffion au travers de la ville de
Rome.
La fête ordonnée pourCybele à ce fujet,
fc renouvelloit tous les ans , & on alloit
laver fa ftatue dans le petit fleuve Almon.
Ovide nous apprend cette dernière parti-
cularité.
EJî locus in Tiberim qua lubricus influit
Aîmo ,
Et nomen magno perdit in amne minor.
Iliic purpureâ canus cum rejfe facerdos
Almonis dominam faeraque lavât
aquis.
Denys d'Halicarnalle , qui raconte en
détail l'hiftoire de cette tranflation de
Cybele, remarque que Scipion Nalicaétoit
le chef de Tambailade des Romains.
Quant à ce qui regarde Pejfinunte ,
nous favons feulement que dans la fuice
des temps cette ville devint une métropole
eccléliatlique 5 du moins c'eft le titre que
lui donne la notice de l'empereur Andronic
Paléolcgue le vieux. ( X), 7. )
§ PEST ou PESTH , ( Géogr. ) Pef-
îum , ville libre & royale de la bafie-
Hongrie , dans le diftriâ: de Vatz , &:
dans le comté dont il lera parlé plus bas.
Elle eft à la gauche du Danube , vis-à-vis
de Bude , qui communique avec elle en été
au moyen d'un pont volant ; & elle touche
à la plaine de Rakos , fameufe dans l'hif-
toire du royaume , par les aflemblées
nationales &: les éieâiions des rois , dont
elle a été le lieu. Des fofles & des mu-
railles entourent cette ville : . un fuprême
tribunal d'appellation y tient fon liege ;
^ elle renferme un grand hôpital mi-
litaire , fix couvens , un collège de
pères des écoles pies , & plufleurs cglifes.
Elle s'eft vue nom.bre de fois , depuis deux
fiecles , entre les mains des Turcs , qui la
brûlèrent en 1684. Et ce fut dans fes murs ,
relevés par l'empereur Léopold , que les
commillaires chargés en 1711 d'examiner
les griefs des proteftans hongrois , com-
mencèrent les opérations , qu'ils allèrent
PES 57c
achever Tannée fuivante à Presbourg. Long.
36'. 46". lat. 47.2.2. {D.Gil
Pest ou Pesth , ( Geogr. ) grande
province de la bafle-Hongrie , aux deux
cotés du Danube , comprenant les comtés
de P^Jfh proprement dit , de Solth 6c de
Pilis , &c divifée en quatre diftrids , qui
font ceux de Vatz , de Ketsmkemeth , de
Pilis & de Solth. Elle eft arrofée du Da-
nube , de la Vajas , de la Theifs , de la
Zagyva , de la Galga , du Rakos & du
Tapjo. Il y a quelques montagnes ôc quel-
ques forêts dans fon enceinte ; mais il y a
(ur-tout des plaines immenfes , bordées par
le Danube ôc par la Theifs , Se couvertes
d'un fable ftérile. Les jours d'été font d'une
chaleur prelque inlupportable dans ces plai-
nes , tandis que les nuits y font d'un froid
fouvent mortel ; l'on y éprouve aufïî toutes
les incommodités des mouches ôc mouche-
rons 5 &c l'on y trouve peu d'eau bonne
à boire. Il a quelques coteaux qui pro-
duifent d'affez bons vins blancs & rouges ,
ôc quelques campagnes où à force de travail
on fait croître du blé. Ceft en pâturages
que confifte la meilleure portion du fol de
la contrée: des troupeaux de toute efpecc
y font errans ça & là dans les plaines. La
multitude en eft incroyable ; & l'on en
eftime autant les chevaux pour la vîteflc
qui leur eft propre , que les bœufs 8c les
moutons pour la bonté des viandes qu'ils
donnent. Les habitans de la contrée font
d'origines diverfes j il y a des Hongrois
naturels , des Bohémiens , des Slaves ,
des Allemands , ôc des colonies de Dal-
matiens ôc de Thraces. Les villes princi-
pales en font Bude , Pcfth , Vatz , Kets -
kemeth , Koros , Saint- André , Colokfij,
Sokh &c Pathay j il y a plufieurs châteaux
détachés , & 1 30 bourgs , avec Tile de
Cfepel qui en contient neuf. ( £). G.)
PESTE ,_ f. f. ( Médecine. ) C'eft une
maladie épidémique , contagieufè , très-
aiguë , cauiée par un venin lubtil répandu
dans Tair , qui pénètre dans nos corps , ôc
y produit des bubons , des charbons , des
exanthèmes , de d^autres fymptomes très-
fâcheux.
C'^eft une fièvre aiguë , qui devient mor-
telle 5 Se enlevé les malades dès le premier
, ou le fécond jour, il les. forces vitales ne
51^ PES
chalîènt promptement le venin par les
bubons , lesc^jbons, le pourpre ôc autres
exanthèmes.^ ^-
Caufes, Ce point eft des plus difficiles à
traiter : tous les auteurs ont écrit fur cette
matière , mais nous n'avons rien de certain
iur cet article. On a donné un nombre
infini de conje<5tures , les uns ont infifté fur
la coagulation ; les autres fur l'infed;ion
générale oi* locale , qui agit fur les humeurs
de notre corps. Mais ce qui eft de plus
ifingulier , c'eft que tous font obligés de
reconnoître que la pejîe agit d'une façon
fort différente Iur ceux dans les pays def-
queis elle naît , que fur nous autres.
Lapejîe nous vient de l'Afie , ôC depuis
PES
elle s'appelle communément le ma! Je
Siam't elle vient de Porient , & on voit
mourir beaucoup de malades de cette pejle
à la Rochelle. Dans cette efpece, le
fang fe perd par les pores de la peau en
manière de tranfpiration , & les malades
périlfent.
Aintî la pejle eft une infection parti-
culière , qui prend fà naiflance dans les
pays chauds , qui nous vient par les vaif-
iëaux chargés de marchandifes empeftées
en Turquie ; en Egypte , où Xtl peJîe eft
trois ou quatre mois Pannée , à caufe des
dcbordemens du Nil.
Les peftiférés , ou les ballots empeftés
débarqués dans nos ports , nous caufenc
deux mille ans toutes les pejies qui ont ! ^ nous attirent la pejie ; telle que la der-
paru en Europe, y ont été tranfmifes par ! niQïepeJîe de Marfeille, qui fut occafionéc
la communication des Sarraiîns , des Ara
bcs , des Maures , ou des Turcs avec nous ,
& toutes les pejîcs n'ont pas eu chez nous
d'autre fource.
Les Turcs vont chercher la peJîe à la
Mecque , dans leurs caravanes & leurs
pèlerinages; ils l'amènent aulïî de l'Egypte
avec les blés qui iont corrompus ; & enfin ,
elle fe conferve chez eux par leur bizarre
fiçon de penfer fur la prédeftination : per-
fuadés qu'ils ne peuvent échapper à l'ordre
du Très-Haut fur leur fort, ils ne prennent
aucune précaution pour empêcher les pro-
grès de la pejle & pour s'en garantir ; ainfi
ils la communiquent à leurs voifins.
I On reconnoït quatre fortes de pejîes.
1°. La pejle à bubons , où il furvient des
bubons aux aiffelles & aux aines , ou d'au-
tres éruptions par tout le corps, comme les
charbons.
1°. La fuete des Anglois , ^î/i/or angUcus ,
dans laquelle le malade périt par desfueurs ,
Je premier , le fécond , le troifieme jour ,
fans bubon 5 ni charbon.
La troifieme eft fans bubon , ni char-
bon ; mais elle eft accompagnée de dépôts
gangreneux qui attaquent les pies , les
mains , & fur-tout les parties extérieures
de la génération dans les hommes ; de forte
que ces membres fe détachent d'eux-mêmes
du corps de ces fortes de peftiférés. C'eft la
pefie d'Athènes , qui a été décrite par Héro-
dote , & enfuite par Lucrèce
par un vaifteau qu'on avoir pris fur les
Turcs j &: que l'on avoir amené à Marfeille :
ou bien elle nous vient ptir la communi-
cation de l'Allemagne & de la Hongrie
avec la Porte-Ottomane ; c'eft ainfi que
les Allemands ont apporté la/j^echez eux ,
au retour des campagnes qu'ils avoient faites
en Hongrie contre les Turcs.
De cette façon , la pejle naît & prend
fon origine dans les pays orientaux , &
nous Talions chercher chez eux. La pejle
agit fur nos humeurs , & nous ne favons
pas comment.
Les caufes font internes & externes ,
prochaines & éloignées. Les internes font
le vice des parties , la corruption du fang
& des autres humeurs. Les pafifions , le
chagrin <Sc la crainte de la part de Tame j
le mauvais régime & l'abus des chofes non
naturelles , foit de Tair , foit des alimens ,
foit le défaut d'exercice, contribuent beau-
coup à attirer cette maladie. Les caufes
externes font les vents du midi, ou le
défaut de vent ; l'hiver trop doux ; les
faifons inégales ; les froids violens & les
chaleurs exceiîives •-, l'air fort {te ou fore
humide. Les maladies épidémiques avec
bubons & phlegmons , font des avant-cou-
reurs de ^e/?e plus certains que des exhalai-
fons & des influences imaginaires.
La famine peut aufîî être mife au nombre
des caufes ; parce que dans cette triftc
conjonéture , la même caufe qui gâte les
La quatrième efpecé eft la plus connue ^ ' biens dp la teae &: gui amené k difette ,
P E s
doit produire la pcjle : d'ailleurs , dans le
temps de famine , on fe trouve obligé de
manger de toutes fortes d'alimensmal-fains,
qui forment un mauvais fang , &c les corps
font par conféquent plus difpofés à la pour-
riture.
Quelques-uns attribuent hipejîe aux trem-
blemens de terre , parce qu on a vu fouvent
des maladies malignes & fâche ufes fuccéder
à ces tremblemens.
La caufe véritable eft la réception d'exha-
laifons putrides dans Tair , qui viennent des
pays chauds , & qui eft aidée &; fomentée
par ladifpofition de nos corps. Leur mauvais
effet fe fait fur * tout fentir quand un
vent chaud & humide fbufrle , ou bien
quand elles font elles-mêmes mêlées avec
des vapeurs corrompues. C'eft ainh qu'ar-
rive la pefie en Egypte à la fuite de l'inon-
dation du Nil i alors les eaux corrompues
par une chaleur exceffive , pouflcnt des
exhalaifons peftilentielles ; les terres humec-
tées &c comme chargées de pourriture ,
font très-m.al-laines.
C'eft ainfi que les cadavres corrompus
dans les grandes villes , pendant les fieges ,
ou dans les armées à la fuite des batailles ,
infeétent horriblement Tairi les exhalaifons
fétides & volatiles de ces cadavres produi-
fent fouvent des maladies malignes , mais
elles ne produifent point la pejîe , (ans un
venin particulier qui eft apporté des pays
chauds , & quf/mêlé avec elles, leur donne
un caracflere peftilentiel.
Ce levain ne peut s'étendre fi loin qu'au
moyen de l'air qui lui fert de véhicule ; car
l'air une fois infecté de ces exhalaifons , les
porte avec lui & les communique à beau-
coup de corps qu'il pénètre : ce levain
même refte caché pendant long-temps dans
ces corps infeélés , comme il eft arrivé dans la
dernière pejîe. C'eft ainfi que l'on a vu des
perfonnes tomber roides mortes, & frappées
Tubitement de pejîe à l'ouverture feule des
ballots empeftés, déchargés de vaifleaux
venus de l'orient..
Cependant ces exhalaifons n'infc6tenr pas
toute la maflè de l'atmofphere , elles le
iàifperfent &: fe jettent de coté & d'autre ,
à-pcu-près comme la fumée j delà vient
que la pejle ne (àifit pas tous ceux qui font
dans le même air, qui eft néanmoins le
P E S 527
véhicule du levain peftilentiel. Il faut une
difpofirion ; c'eft , à proprement parler , la
caufe déterminante &' difpofitive de la;
pejîe.
Caufe difpojitive. En effet , tous les
corps ne font pas fufceptibles de ce venin j:
il n'affede que ceux dont les fluides & les
folides font difpolés à recevoir l'infedtion ;.
lî le corps n'a point cette difpofition , il
réfiftera à la contagion : ainfi tout ce qui
fera capable de garantir nos folides &c nos
fluides contre la pourriture lorfque la pejle-
règne , doit palier pour un préfervatif.
La difpofition à la pourriture eft une
caufe qui aide l'effet de la contagion. Or
la pourriture eft un mouvement inteftin de
nos humeurs qui tend à en détruire le
mélange , la forme & le tiffu qui changent
de nature. D^ailleurs , fi le fang fe ralentit 5
cela fenl iuflît pour contrarier ce mouve-
ment de putréfaction ; c'eft ce qui arrive
dans le chagrin & le vice des premières
voies.
Ce venin de la pejîe agit fort différem-
ment de celui qui agit dans la petite vérole ^
le pourpre, la fièvre m.aligne & la dyffen-
terie. Ce venin agit fur les humeurs, & les
coagule , comme il paroît par les éruptions-
critiques.
Ce venin agit d'abord fur les nerfs ; ce
qui paroît par les fymptomes , tels que hr
douleur de tête , la foibleffc , les naufées ,
le frilTon , le froid extérieur avec feu ex-
trême à l'intérieur i le fang alors trouvant
de la réfiftance fur les parties externes , fe
jette fur les internes.
La caufe prochaine de la pejîe eft donc
l'adion du venin fur nos folides , le déve-
loppement de la pourriture àts humeurs
6c de ce venin , & enfin fon adion fur les
nerfs. Ces actions produifent l'éréthifme du
genre nerveux ; c'eft delà que vient la pour-
riture. Telle eft la nature du venjn pefti-
•"lentieh fims cette difpofition vénéneufe ,
les exhalaifons n'ont aucune adion dans le-
corps, elles y reftent long-temps cachées-:
& cdhime-afîbupies, à la fin elles tranf~
pirent & fe dififîpent fans produire aucun;
ravage.
Cet éréthifme eft une roideur dans les
fibres , & une contraékion femblable à celle
, qui ï eft excitée par les jafïîons de l'âme. ^
5i8. P Ef S
par rous les îrritans , tels que les alimeiis
chauds , les aromates & tous les ftimulans ,
ont coutume de produire. Cette roideur efl;
augmentée par Pagacement des fibres que
caufe le venin ; celles-ci ébranlées con-
tradent la maladie peftilentielle ; car Pex-
Iialaifon palîànt alors dans le fang & dans
les humeurs , y fait éclater les difFérens
fymptomes de la pourriture.
Symptômes. Le malade eft d'abord faifî
d'un fiiilon fuivi d'une ardeur d'entrailles j
fouvent il n'eft pas altéré, quoiqu'il fente
une ardeur violente ; quelquefois la fueur
eft petite , & la foif extraordinaire. La
fièvre eft fort inégale , mais la langue eft
feche & noire ; l'urine eft auflî fort diffé-
rer, ce ; fouvent elle n'eft point changée ;
elle eft dans quelques-uns rouge & ardente,
dans d'autres claire & crue ; dans quelques
autres elle eft trouble , & elle varie fouvent
dans un même jour ; tantôt elle eft comme
dans l'état de fanté, d'autres fois fanglante ;
quelquefoiîie malade eft aflbupi & dans le
délire j d'autres fois il eft accablé d'une
cruelle douleur de tête , accompagnée
d'infomnie avec des yeux enflammés , & le
cœur fort reftèrré ; fouvent le pouls eft
fort , d'autres fois il eft foible & fréquent ;
tantôt égal , tantôt inégal , & dans cer-
tains malades il eft intermittent j le malade
eft dans des inquiétudes &C dans des agita-
tions continuelles : on apperçoit dans les
tendons des foubrefauts & des mouvemens
convulfifs i la vue eft troublée , & le malade
eft tourmenté de tintemens & de fifflemens
d'oreilles j il y en a qui font abattus au
commencement de la maladie , d'autres
confèrvent leurs forces jufqu'àla mort; il
y en a qui ont des dévoiemens qui réfiftent
à tout remède; lesdéjedions en font quel-
quefois crues &: fréquentes , elles font
comme de l'eau trouble ; dans certains
malades on y trouve des vers ; d'autres
ont des hémorragies par le ne? & par la
bouche , par les yeux , par les oreilles ,
par la verge , par la matrice ; d'autres fuent
le fang pur ; quelques-uns ont (des voÉiifle-
mens continuels ; d'autres ont des naufées
& des dégoûts ; on voit dans la plupart des
douleurs cardialgiques , le hoquet j on en
voit qui ont des taches de couleur pour-
prée , Qu violettes ou noires, tantôt en petit
P E S
nombre, tantôt en grande quantité , tantôt
petites, tantôt grandes & prefqu'exadement
rondes ; tantôt fur une partie , tantôt fur
une autre , fouvent fur tout le corps ; il y
en a beaucoup qui ont des bubons ou des
charbons en différens endroits du corps. Ce
font-là des fignes évidens & très-afturés de
la pejîc y fur-tout lorfqu'ils font accom-
pagnés de la fièvre, ou qu'ils y furviennent.
Le diagnojlic fe tire des fymptomes
fuivans.
1°. L'abattement des forces , le défaut de
rcfpiration , la foibleflè , l'intermittence
& l'intercadence du pouls.
2.°. Les fymptomes du bas-ventre, les
naufées , les vomiftèmens , les cardialgies,
les mouvemens convulfifs.
Les aigreurs & la pourriture des bouil-
lons & de tous les allmens.
3°. Les urines font troubles , grafTès ,"
chargées d'huile ramaftee en flocons; les
fueurs font colliquatives , aigres , graftès ,
& fétides.
4°. Les bubons aux aines , aux aiflelles ,
des parotides, des charbons dans différentes
parties , des lanières noires ou violettes ,
ou bleues ; la force du venin eft indiquée
par ces fymptomes,
5°. La gangrené feche & la molleflè des
membres après la mort ; & avant la mort ,
les déj estions de fang par les felles , les
excrétions de fang par les felles &: par la
fueuf.
d°. Enfin , la généralité & l'univcrfalité
de l'épidérhie , la mortalité nombreufc &C
par trop répandue , la violence & le nom-
bre infini des accidens , la mort imprévue
qui faifit les malades , le premier , le
fécond ou le troifieme jour , & fouvent
prefqu'auffi-tôt qu'ils font attaqués , font
des fignes évidens &: diagnoftics de hpejïey
il on les compare avec tous ceux que nous
avons rapportés plus haut , 8c avec les
caufes que nous avons détaillées.
Fronojîic. Il efl d'autant plus fêcheux ,
q\ie perfonne n'a encore donné ni la caufc,
ni le remède de ce terrible mal , bien que
nous ayions nombre de traités des plus com-
plets fur fa caufe & la façon de le traiter.
En effet, c'eft de tous les maux le plus
cruel. Tout frémit au feul nom de cette
maladie i cet effroi n'çft que trop bien
fondé i
P E s
fondé 5 plus fuiîcfte mille fois que la guerre ,
elle fait périr plus de monde que le fjr &
le feu. Ce n'cil qu'avec horreur qu'on le
repréfente les afiieux ravages qu'elle caufe j
elle moilfonne des familles entières ^ elle
n'épargne ni âge , ni fexe ^ on voit périr
également les vieillards, les hommes faits ,
les adultes , les enfans dans le berceau ^
ceux même qui font caches dans les en-
trailles de leur mère , quoiqu'ils paroif-
ient à l'abri de Ces coups , fubiilènt le
même fort ^ elle eft même plus pernicieule
pour les femmes groiles j & ii l'enfant
vient à naître , c'eft moins pour vivre
que pour mourir j l'air empefté leur devient
fatal ^ il l'eit même davantage pour ceux
qui font d'un tempérament fort & vigou-
re-.;x. La pej^e détruit le commerce entre
les citoyens , la communication entre les
parens ^ elle rompt les liens les plus forts
de la parenté & de la fociétc '^ parmi tant
de calamités , les hommes font continuel-
lement prêts à tomber dans le défefpoir.
Cependant la pejle n'elt pas toujours fi
dangercu(e que l'on fe l'imagine communé-
ment j l'efFentiel eft de ne point s'effrayer
en temps de pejle ; la mort épargne ceux
qui la méprirent , & pourfuit ceux qui en
eut peur ^ tous les habitans de Marfeille
ne périrent point de la pefîe , & la frayeur
en fit périr davantage que la contagion.
hapejie ne fait pas de plus grands ravages
parmi les Turcs & les autres peuples d'o-
rient qui y font accoutumés , que les ma-
ladies épidémiques chez nous , quoiqu'ils ne
prennent que peu ou point de précautions ^
& cela parce qu'ils n'ont point peur. D'ail-
leurs , ceux qui affiftent les malades ne fè
trouvant point incommodés , il paroît
qu'elle n'attaque que ceux qui y fout . dif-
pofés.
Traitement de la pejîe. On peut confî-
dérer la pejle comme menaçante & prête à
faifir le malade , ou comme déjà venue &
ayant infeôé le malade. Dans le premier
cas , il faut s'en garantir , s'il eft poftible \
6c dans le fécond, il faut la combattre pour
ia difîjper , & arrêter fes progrès. Ainfî
les remèdes fontprophyladiques, & détour-
nent le mal prochain , ou ils font thérapeu-
tiques & proprement curatifs , en guériilant
le mal lorfqu'il eft préfent.
Tome XXl^,
P E S 52^.
Cure prêfervative. On peut fè préferver
de la pejle , en s'éloiguant de la caufè de
la pejh , ou en fe muniliant contre elle ^ -
ce qui regarde eu partie le public ou le
inagiftrat , & en partie les particuliers.
Le magiftrat doit avoir foin de faire
nettoyer ou tranfporter toutes les immon-
dices & \q% iratieres puantes & ccrrom- '
pues , qui ne font que fomenter le venin
peftilentiel & le retenir caché \ de faire
nettoyer & ôter les fumiers , les boues &
les ordures àz% rues & des places publi-
ques j de faire enterrer les morts hors des
églifès , dans des endroits éloignés , de les
faire couvrir de chaux , de défendre toutes
les aflèmblées , foit dans les places , foit
dans les maifons \ d'ordonner des feux ,
de faire tirer le canon &; la moufqueterie ,
pour éloigner par ce moyen l'infedtion ,
& pour corriger l'air par l'odeur de la pou-
dre j d'interdire le com.merce avec \qs vil-
les où le mal règne , du qui font fîifpeéïes^
de défendre abfolument l'entrée ou \\.\{à^;à^
èiQ% mauvais alimens :, enfin , d'abord que
lapefle commence à fè m.anifeltcr , de faire
féparer au plutôt \qs malades d'avec ceux
qui fe portent bien.
Les préfervatifs des particuliers fè rcdui-
fènt à la diète , aux remèdes chirurgicaux
& pharmaceutiques ^ la diète règle l'ufage
de l'air & âics paflions de l'ame , qui font
les deux points iinportans dans cette mala-
die. On évite l'air eirpefté par la fuite ,
ou bien on le corrige par des fumigations ,
des parfums , avec des odeurs , en les
approchant fouvcnt du nez , pour corriger
l'air à mefure qu'on refpire ^ la plupart
ne fe fiant à aucun remède contie un mal
h cruel & iî fiibit , recommandent la
fuite comme l'-unique préfervatif par ces
deux vers :
H ' c tria tabificam tolîunt adverhla
pejJem ;
Mox , longe , tarde , cède , recède ,
redi.
Le contentement de l'efprit empêche
l'effet de la crainte. Thaïes de Crète paffe
pour avoir chalfé une pe/^e qui faîfbit d'hor-
ribles ravages à Lacédémone , en procu-
rant de la joie aux habitans. Le médeciu
Xxx
550 PES
eft inutile à ceux qui peuvent prendre ces
précautions 3 mais il eft néceffaire à ceux
qui ne peuvent prendre la fuite , & font
obligés de refter au milieu des peftiférés.
Nous ne faurioris donner ici tous les re-
mèdes préfervatifs contre la pefie ; il fau-
droit recourir à une foule d'auteurs qui ont
écrit fur cette matière.
M. Geoffroi a fait une thefe en 1721 ,
où il propofe ce problême '•) favoir fi l'eau
eft un excellent préfèrvatif en temps de
pe/e. Cette thefe fe trouve traduite en
françois dans un livre intitulé , les venus
Viédicinales de teau commune.
Cure thérapeutique. Les remèdes qui
font indiqués pour guérir la pejle lorfqu'elle
eft préfente , font internes ou externes.
Nous allons détailler les plus vantés \ eu-
iîjite nous parlerons de quelques compo-
iitions , ou de quelques fecrets & fpécifi-
ques que l'on eftime beaucoup.
Les remèdes internes ont reçu dans les
auteurs le nom à'antidote , ou ^alexzphar-
maque ; mais où eft le véritable alexiphar-
raaque T II eft encore inconnu & caché ,
ou plutôt enveloppé de profondes ténèbres j
il y a cependant beaucoup de remèdes ,
tant fimples que compofés, qui portent ce
nom.
Les remèdes fimples font , les racines
d'angélique , d'année , d'impératoire , de
carline , de contrayerva , de vipérine , de
laxifrage , de domte-venin , de zédoaïre.
Les écorces & les bois ^ la cannelle , le cafîia
lignea , le fantal , le bois de baume , le
bois d'aloès j les feuilles de buis , de feor-
dium , de diétame de Crète , de mélifte ,
de chardon-bénit , de mille -feuilles. Les
fleurs de fouci , de rofes , de romarin ,
de mille-pertuis. Les fruits j les citrons ,
les oranges , les limons , les figues , les
noix , les baies de genièvre , les cubebes ,
le cardamome , le clou de girofle , la noix
mufcade , le macis. Les fucs & les gommes;
le camphre y la myrrhe , le ftyrax , le baume
de Judée. Les parties des animaux 3 les
chairs de vipère , l'ivoire , les cornes de
licorne , de rhinocéros & de cerf , les fèls
volatils , leur fiel. Les fragmens précieux ;
les perles , la pierre de bézoart , la pierre de
porc-épic. Les terres 3 le bol d'Arménie , la
terre figilUe , le foufre blanc & l'antimoine.
PES
Les remèdes internes compofés , font la
thériaque d'Andromaque , la thériaque cé-
lefte , le mithridate de Damocrate, le diaf-
cordium de Fracaftor , les conférions d'al-
kermès & d'hyacinte , l'orviétan , les eaux
thériacalcs , le vinaigre thériacal , les tein-
tures & les élixirs alexipharmaques.
Il y en a mille autres auxquels on a
donné des noms pompeux j mais on fait
par plufieurs raifons & par une infinité
d'obfervatîons , que tous ces remèdes , au
lieu de faire du bien , trom{^nt ceux qui
s'y fient , nuifont fouvent , & prêtent de
nouvelles forces au venin peftilentiel. ^oy,
Alexipharmaq¥E.
Les alexipharmaques externes font ceux
qui , appliqués extérieurement, pafteut pour
être propres à détruire le venin , ou à
l'éloigner de nos corps ; il y en a d'artifi-
ciels qui font purement fuperftitieux ; ils
font chargés de carafteres , de figures , de
lignes de mois 3 ce font des produdions de
l'ignorance & de la fiipcrftition , qui doi-
vent être rejetées par tout homme de boa
fens. Il y en a qui font de vrais poifons ,
comme l'arlenic , le réalgal , l'orpiment,
les crapaux , les araignées 3 fi ces choies ne
font point de mal , elles font au moins
inutiles , comm.e l'expérience l'a fait voir
fouvent.
A quoi donc , dira-t-on , faut-il recourir?
De tous les remèdes , fuivant la thelë de
M. Geoffroi , il n'y en a point de meilleur
& de plus sûr que l'eau en boiffon ; c'eft
elle foule qui peut ramollir les fibres ner-
veufes , quand elles font trop roides & trop
crifpées, détruire l'éréthifme des folides ,
délayer les humeurs trop épaiffes , atténuer
celles qui font trop grofîiéres , adoucir leur
âcreté , empêcher leur corniption , modérer
ou même totalement arrêter la violence du
venin peftilentiel , lorfqu'il eft une fois
gliffé dans nos corps : d'ailleurs on n'a pas
fojet d'en appréhender le moindre mal 3
c'eft ce que le favant auteur déjà cité ,
démontre en détail , & d'une manière qui
me paroît fans réplique,
La pejie peut fe regarder comme une
efpece de fièvre , & être traitée de même j
dès-lors on combinera les indications de la
fièvre avec celles de la contagion;, & d'ailleurs
fi on. lit les auteurs- qui ont écrit après avoir
P E s
traité des peftiférés , tels qu'Hildaniis Cal-
dera , Heredia , & Thonerus , on verra
que les cordiaux trop chauds ont fait périr
plufieurs perfonnes. Les cordiaux font donc
dangereux, & ne font pas l'unique ni le
vrai remède & antidote de la peji€ , non
plus que des autres maladies où il y a un
grand abattement.
Celfe dit que les maladies peftilentielles
demandent une attention particulière ,
puifque dans ces cas la dicte , les clyfteres
& la purgation , ne font d'aucune utilité ;,
mais la faignée eft très-falutairc , lorfque
les forces le permettent , fur- tout lorfque
la maladie eft accompagnée de douleurs de
fièvre violente.
Rivière, & après lui de grands prati-
ciens , recômm.andent la faignée faite à
petite dofe; ce remède eft fort contredit
par le grand nombre des praticiens ^ &
d'ailleurs il a eu fouvent de mauvais fuccès j
on a vu des malades périr dans la faignée.
Cependant on peut dire que la faignée indi-
quée par une roideur , une force , & une
grandeur dans le pouls , par une chaleur
&une foif extraordinaire , & par les autres
fignes inflammatoires , fera faite-très-fage-
rnent ^ & alors pour en éviter les inconvé-
niens qui font d'augmenter l'abattement ,
on auroit foin de la modérer , d'en arrêter
ou empêcher les mauvais effets. On faignera
peu à la fois , & on réitérera la faignée tout
au plus une fois j on la foutiendra par des
cordiaux.
Les praticiens célèbres concilient la
purgation ^ ce qui eft encore fort contefté.
D'abord il répugne de purger dans l'abatte-
ment & dans la foibleffe j d'ailleurs les
bubons & les charbons marquent que le
venin cherche à fortir , & le public penfe
que les faignées & les purgatifs les font
rentrer. Nous obferverons feulement, fans
décider ces queftions , que la pourriture
des premières voies aide les progrès de
la pejfe-j & qu'ainfi les purgatifs en la
nettoyant feront un grand bien , & pré-
viendront les ravages qu'elle attire ; ils
emporteront les aigreurs des premières
voies j & par-là la peftilence fera moins
d'effet.
Mais l'effet des purgatifs étant d'abattre
les forces , d'augmenter les douleurs car-
P E s î,,
dialgiques , de détourner les humeurs de la
circonférence au centre, que n'en doit- on
pas attendre pour la rentrée des bubons,
des charbons , & des exanthèmes j ces
derniers demandent l'adminiftration des
cordiaux, & l'indication des purgatifs les
contre- indique : c'eft au médecin fage à
concilier les indications & les contre-indi-
cations dans cette fâcheufe perplexité.
Les purgatifs feront l'émétique ordi-
naire , l'effence émétique , les potions
purgatives ordinaires. P^oyei PuRGATiF
& Potion.
Les cordiaux feront fimples ou com-
pofés : les fimples font tous ceux que nous
avons détaillés ci-deffus : les compofés font
les conférions alexitaires , les teintures ,
tels que la teinture d'or mêlée dans fix
onces d'eau de fcorfonere , le fyrop de
contrayerva , les pilules anti - peftilen-
tielles , les fudorifiques anti-peftilentiels ,
les décodions fudorifiques alexitaires. Voy-e[
tous ces articles.
Potion cordiale contrt la pefte. Prenez
des eaux thériacale (impie , de fureau , de
fcabieufe , de cîiacune deux onces \ de
confeéiion d'alkermès , un gros \ de iïel
de porc préparé , un demi-gros ^ de l'ef-
fence émétique & du lilium de Paracelfê,
de chaque trente gouttes ^ de fyrop de
contrayerva , trois onces.
Cette potion fe donnera par cuillerée à
chaque demi- heure \ on retranchera l'émé-
tique dans les potions réitérées.
Autre potion cordiale. Prenez des eaux
de chardon- bénit, d'angélique, de mélilfe
fimple , & thériaque compofée , de chaque
une once & demie ; de teinture d'or &
d'élixir de propriété , de chaque un fcru-
pule \ de fyrop d'oeillet , une once & demie j
faites une potion que l'on réitérera feloa
le heiova..
Le régime doit être humeéhnt , doux ,
& lég. rement cordial & acide ;, on peut
ordonner pour boiflbu la limonnade avec le
fyrop de contrayerva , ou un autre pareil.
Voye-{ Syrop de Contrayerva.
"Narcotiques. Nous ne pouvons nous
difpenfèr ici de faire une obfervation fur
les narcotiques préparés avec l'opium ou le
pavot blanc ', ils font contraires par eux-
mêmes à la caufe générale de la peftc j
» Xx X 2
53Î P E S
qui eft la coagulation du fang- ; cependant
il cil: des cas où ils peuvent être indiqués ^
alors on doit en ufer avec toute la fageffe
pofîible. V. Opium & Narcotiques.
Cela dépend de l'infpeâion d'un habile
médecin , de même que tout le traite-
ment de la pefie-
On doit conclure de tout ce qui a été dit
fur la pefie , que cette maladie nous eft
totalement inconnue quant à fes caufes &
fon traitement j que la leule expérience
ne nous a que trop inftruits de fes fuueftes
effets.
Peste, f. f. (H/y?. anc. & mod.) La
Fontaine , liv. vij, fable i , l'appelle :
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le ciel en fa fureur
Inventa pour punir les crimes de
la terre.
Je ne peindrai pas les rigueurs de ces
climats , où cette cruelle fille de la déefle
Néinélis , defcend fur les villes infx)rtunées.
Cette grande deftrudrice eft née àes bois
empoifonaés de l'Ethiopie , des matières
impures du grand Caire , & des champs
empuantis par des années de fautereiles,
cntaffées & putréfiées en nombre innom-
brable. Les animaux échappent à fa terrible
rage , tandis que l'homme feul lui fert de
proie. Elle attire un nuage de mort fur fa
coupable demeure, que des vents tempérés
& bienfaifans ont abandonnée. Tout alors
n'cft que défaftre. La fageiFe majeftueufë
détourne fon œil vigilant ^ l'épée & la
balance tombent des mains de la juflice
fans fDuâions j le commerce ne porte
plus fes fecours utiles ;, l'herbe croît dans les
rues dépeuplées \ les demeures des hommes
fe changent en des lieux pires que les déferts
fauvagcs ^ perfonne ne fe montre , fi ce
n'elt quelque malheureux frappé de fré-
néfie , qui brife fes liens & qui s'échappe
de la maifoii fatale , féjour funefte de l'hor-
reur. La porte qui n'eft pas encore infeétée ,
ii'o/è tourner fur fe? gonds j elle craint la
fociété , les amis , les parens , les enfans
même de la maifon. L'amou» éteint par
le malheur , oublie le tendre lien & le
doux engagement du cœur fenfible ^ le fir-
lïicimcat & l'air qui animent tout, font
P E S
infe£lés des traits de la mort *, chacun eti
eft frappé à fon tour , fans recevoir ni foins
ni derniers adieux , & fans que perfonne
ordonne fon trifte cercueil : ainfi le noir
défefpoir étend fon aile funèbre fur les villes
terralfées , tandis que pour achever la fcene
de défolation , les gardes inexorables dif
perfés tout autour , refufent toute retraite ,
& donnent une mort plus douce au mal-
heureux qui la fuit.
Les annales de l'hiftoire font mention de
deux pejles à jamais mémorables , & qui
ravagèrent le monde , l'une 43 1 ans avant
Jefus Chrift , & l'autre dans le xiv fiecle
de l'ère chrétienne. Thucydide, Diodore
de Sicile , & Plutarque vous inftruiront
fort au long de la première , qui parcourut
une vafte étendue de pays , & dépeupla la
Grèce fur fon palfage , fous le règne d'Ar-
taxerxès Longue-main ; cette pefie com-
mença en Ethiopie , d'où elle dcfcendit
en Lybie , en Egypte , en Judée , en
Phénicie , en Syrie , dans tout l'empire
de Perfe , & fondit enfiiite dans l'Attique,
&: particulièrement fur Athènes. -Thucy-
dide qui en fut attaqué lui-même , en a
décrit expreffément les circonftances &: les
fymptomes , afin , dit-il , qu'une relation
exaâe de cette affreufe maladie , puifîè
fervir d'inftrudion à la poftérité , fi un pa-
reil malheur arrivoit une féconde fois*
c( Premièrement , dit cet hiflorien (liv, IL
» de la guerre du Péloponnefe. ) , cette
» année fut exempte de toute autre maladie,
» & lorfqu'il en arrivoit quelqu'une , elle
w dégénéroit en celle-ci j à ceux qui fè por-
)) toient bien , elle prenoit fubitement par
)) un grand mal de tête , avec des yeux
» rouges & enflammés, la langue & le
)) gofier fanglans , une haleine infede ,
)i une refpiration difficile fuivie d'éternue-
» mens & d'une voix rauque. Delà defcen-
» dant dans la poitrine , elle excitoit une
» toux violente : quand elle attaquoitl'efto-
» mac, elle le faifoit foulcver , & caufoit
» des vomiffemens de toute forte de bile
i> avec beaucoup de fatigue. La plupart des
» malades avoient un hoquet fuivi de con-
)j vulfions qui s'appaifoientaux uns pendant
» la maladie , aux autres long-temps après.-
» Le corps rougeatre & livide étoit couvert
» de pullules j & ne paroiffoit pas fort chaud
P E s
j> au toucher , mais brûloit tellement au
)) dedans qu'on ne pouvait louftrir aucune
» couverture , fi bien qu'il falloit demeurer
» nu. On prenoit un jîlaifir infini à fe
» plonger dans l'eau froide , & pîufieurs
» qu'on n'avoit pas eu foin de garder , Ce
■)) précipitèrent dans des puits , preffés d'une
» foif qu'on ne pouvoit éteindre , foit qu'on
» bût peu ou beaucoup.
)) Ces fymptomes étoient fijivis de veilles
» & d'agitations continuelles , fans que le
)) corps s'affoiblît, tant que la maladie étoit
)> dans fa force ^ la plupart mouroient au
« ieptieme ou au neuvième jour de l'ardeur
)> qui les brûloit , fans que leurs forces
)) fuflbnt beaucoup diminuées. Si l'on pafToit
î) ce terme , la maladie defcendoit dans le
« bas-ventre , & ulcérant les iiiteftins ,
« caufoit une diarrhée immodérée , qui
» faifoit mourir les malades d'épuifcment ;,
)5 car la maladie attaquoit fiiccefîivement
)) toutes les parties du corps , commençant
» par la tête , & fe portant , fi on échap-
)) poit , aux extrémités. Le mal fe jctoit
j) tantôt fur les bourfes , tantôt fur les
w doigts des pies & des niaius ; pluficurs
)) n'en guérirent qu'en perdant l'ufage de
» ces parties , & quelques-uns même cc-
)) lui de la vue : quelquefois revenant en
)) * fànté , on perdoit la mémiOire jufqu'à fe
» mécoimoître foi même & fes amis.
« La maladie donc , ajoute-t-il peu
>■) après 5 laiifant à part beaucoup d'accidens
)) extraordinaires , difîérens dans les diffé-
» rens fiijets , étoit en général accompa-
î) gnée des fymptomes dont nous venons
w de faire l'hiftoire. Quelques- uns périrent
x> faute de fecours , & d'autres , quoiqu'on
)) en eût beaucoup de foin : on ne trouva
)) point de remède qui pût les foulager :
)) car ce qui faifoit du bien aux uns nuifoit
)) aux autres ; enfin la contagion gagnoit
» ceux qui aiïifloient les m.alades , & c'eft
» ce qui produifit le plus grand défafire. »
Hippocrate qui s'y dévoua noblement , g
fait de foif côté une courte defcription de
cette pejfe en médecin , & Lucrèce en grand
poëte. Artaxerxès avoit invité Hippocrate
de venir dans fes états , traiter ceux qui
étoient attaqués «le cette cruelle maladie.
Ce prince y joignit les offres les plus avan-
tagtulcsj ne metiaut du côté de l'iiitérét
P E S
în
aucune borne à fes récompenfes , & du
côté de l'honneur promettant de l'égaler
à ce, qu'il y avoit de perfonnes les plus
confidérables à fa cour ^ mais tout l'éclat
d«^ l'or ôc des dignités ne fit pas la moindre
impreflion fur î'ame d'Kippocrate. Sa ré-
ponfe fut qu'il étoit fans befoins &: fans
délits , qu'il devoit fes foins à fes conci-
toyens , & qu'il ne devoit rien aux barba-
res ennemis déclares des Grecs.
En effet , dès qu'il fut mandé à Athènes
il s'y rendit , & ne fortit point de la ville
que la pefie ne fût celiee. 11 fe confacra tout
entier au /ervice des m.alades , & pour fe
multiplier en quelque forte , il envoya pîu-
fieurs de fes élevés dans tout le pays , après
les avoir inflruits de la manière dont ils
dévoient traiter les peftiférés. Un zèle fi
généreux pénétra les Athéniens de la recon-
noifîance la plus vive. Ils ordonnèrent par
un décret public , qu'Hippocrate feroit
initié aux grands myfleres , de la même
manière que l'avoit été Hercule , le fils de
Jupiter '^ qu'on lui donneroit une couronne
d or de la valeur de mille flateres , & que,
le décret qui la lui accordoit feroit lu à
haute voix par un héraut dans les jeux
publics , à la grande fête des panathénées j
qu'il auroiten outre le droit de bourgeoifie,
& feroit nourri dans le prytanée pendant
toute fa vie , s'il le vouloit , aux dépens
de l'état ^ enfin que les enfans de ceux de
Cos , dont la ville avoit porté un fi grand
homme , pourroient être nourris & élevés à
Athènes comme s'ils y étoient nés.
Il ne manqua à la gloire d'Hippocrate
que d'avoir eu la fatisfaâion de compter
Périclès parmi les malades auxquels il fauva
la vie. Ce grand capitaine , le premier
homm.e de l'état , dont la fiigefTe & l'habi-
leté avoient foutcnu le poids des affaires de
la république pendant quarante ans , après
avoir perdu tous fès parens de la pefU , en
mourut lui-m.ême entre les bras d'Hippo-
crate , & malgré tous les fecours de fbn art.
Mais quelque cruelle qu'ait été la pe^e
dont nous venons de pnrler , elle le fut
encore miOins par fa violence & par foa
étendue , que celle qui ravagea le monde
vers l'an 1346 de Jefus Chrift. La defcrip-
tion qu'en font les hilloriens contempo-
rains au défaut d'obftrvateurs médecuis c^ui
534 PES
nous manquent ici , ne fe peut lire fans
fréinir. La contagion fut générale dans tout
notre hémifpiiere. Elle commença au royau-
me de Cathây , partie fepteutrionale de la
Chine , par une vapeur de feu , dit-on ,
horriblement puante , qui infeda l'air , &:
confuma.avec une promptitude incroyable
deux cents lieues de pays j elle parcourut
le refte de l'Afîe , palfa en Grèce , de-là
en Afrique , & finalement en Europe ,
qu'elle faccagea jufqu'à l'extrémité du nord.
Ici elle emporta la vingtième , là elle dé-
truifit la quinzième partie des habitans ^
ailleurs ce fut la huitième partie , comme
en France j ailleurs même , comme en
Angleterre , le tiers ou le quart des habi-
tans : j'en parle ainfi d'après le témoignage
des écrivains des deux nations.
La dernière pejie qu'on ait vue en Eu-
rope , eft celle de Marfeille en 1720 &
1721. Elle enleva dans cette feule ville
environ cinquante mille perfonnes j la mé-
moire en 'eft encore récente.
Toutes nos connoiflances fur cette hor-
rible maladie , fe bornent à favoir qu'elle
iè répand par contagion ^ qu'elle eft la
plus aiguë des maladies inflammatoires ^
qu'elle eft accompagnée de fymptomes
très - différens & très - variés j qu'elle fe
termine par des tumeurs vers les parties
glanduleufes qui dégénèrent en abcès j
que cette crife eft d'autant plus falutaire
qu'elle eft prompte ^ que ce mal a ies temps
de décroiftèment & de diminution , &
qu'alors les fecours dé l'art font d'une
grande utilité ^ que la contagion s'adoucit
& fe détruit par de grands froids ^ qu'en
conféquence elle eft plus rare & fait moins
de ravages dans les pays feptentrionaux
que dans les pays méridionaux ^ qu'elle
marche quelquefois feule , mais qu'elle a
plus communément pour compagnes deux
autres fléaux non moins redoutables , la
guerre & la famine ;, & dans ce cas fi elle
n'attaque pas les' hommes , les beftiaux en
font la vidime : voilà les faits dont l'hif-
toire ne fournit que trop de triftes mo-
numens.
Il fem.ble que le meilleur moyen de fè
garantir de hipejle , feroit de fuir de bonne
heure les lieux où elle règne. Si cela n'eft
pas pofîible , il faut tâcher de fe. fequeftrer
P E S
dans un domicile convenable , bien aéré ;
y éviter, autant -qu'on peut , toute com-
munication au dehors ^ vivre fans frayeur ,
ufèr d'acides , en particulier de citrons y
fè gargarifer de vinaigre , s'en laver le
corps , les hardes , &c. purifier l'air des
appartemens par la vapeur du bois & des
baies de genièvre , ufer d'alimens oppofés
à la pourriture , & pour boiifon de vins
blancs acidulés par préférence aux autres.
Ce ne font pas les livres qui manquent
fur la peJie ; le nombre . en eft fi confidé-
rable , que la colleâ:ion des auteurs qui
en ont fait des traités exprès , formeroit
une petite bibliothèque. La feule pefîe de
Marfeille a produit plus de deux cents
volumes qui font déjà tombés dans l'oubli ^
en un mot , de tant d'ouvrages fur cette
horrible maladie , à peine en peut - on
compter une douzaine qui méritent d'être
recherchés.
Celui de Mindererus , de peflilendâ ,
Aug. Vindel. 1608, /Vz-8°. n'eft pas mé-
prifable. Il faut lui joindre Méad (Richard)
a short difcourfe concerning pefiilential con-
tagion^ Lond. 1720, ?/z-8°. Hodge , de
peJie. Muratori ( Ludov. Anton. ) del go-
verno medico e politico délie pejie , in Bref-
cia , 172 1 , //7 8°. & le traité fuivant qui
eft fort rare. Vander Mye , de morbis 6»
fymptomatibus popularibus Bredanis , temr
pore obfidionis hujus nrbis grajjantibus y
Antuerp. 1627 , z/2-4°. Mais j'oubliois que
je ne me fuis propofé dans cet article
que de traite'f de la pejle en hiftorien j
ainfî , voyei Peste , Médec. {Le Chevalier
DE JaUCOVRT. )
Peste d'ORlENT , du Vljîech, (Hifl,
de la méd.) Cette afFreufe pefe a été dé-
crite par Evagre & par Procope. Voici
le précis de leurs defcriptions 3 je com-
mence par celle d'Evagre.
Selon cet hiftorien ecclé/îaftique , la
pefie dont il s'agit arriva l'an de J. C.
543 , & fit pendant cinquante - deux ans
u\\ horrible ravage prefque tlans toute
l'étendue de la terre : elk commença deux
ans après que la ville d'Antioche eût été
prife par les Perfes , & parut en quelques
chofes femblable à la peJie d'Athènes qui
a été décrite par Thucydide, & en d'au-
tres chofes fort différente.
P E s
Elle tomba d'abord fur l'Ethiopie , &
<lelà fe répandit fucctfrivemeiit fur prefqiie
toutes les parties de l'univers. Quelques
villes en furent fi cruellement affligées ,
qu'elles perdirent tous leurs habitans. Il y
avoit des perfoiines qu'elle attaquoit par
la tête , par le vifage , par les yeux qui
paroiffoient extrêmement enflammés j puis
defcendant à la gorge , elle les emportoit
impitoyablement : d'autres avoient des dé-
voiemens-, d'autres des abcès dans l'aine^
d'autres des fièvres donr ils mouroient le
fécond ou le troifieme jour 3 d'autres
tom,boient en délire avant que de périr 3
d'autres , en périflant , avoient tout le
corps couvert de puftulcs & de char-
bons. Quelques - uns ayant été attaqués
une ou deux fois de ce fléau , & y
ayant réfifté , y fuccomboient la troifieme
fois.
Il y avoit différentes manières & fort
difficiles à comprendre , de contra6î:er cette
maladie. Plufieurs moururent pour être
feulement entrés dans des maifons infec-
tées -j d'autres pour* avoir légèrement tou-
ché des malades , & d'autres , fans au-
cune communication , prenoient le mal
dans les campagnes & les places publi-
ques. Quelques-uns s'en préferverent en
ftiyant des villes peftiférées , & ne laiffe-
rent pas de communiquer la pejfe. Quel-
ques autres demeurèrent au milieu des ma-
lades , fans crainte & fans y trouver la
mort , & même fans accident. Evagre rap-
porte qu'il étudioit la grammaire, lorf-
que cette peJfe commença j qu'il en fut
attaqué , mais qu'il perdit dans la fuite fa
femme , quelques-uns de lès enfans, de
{es parens , &c de fes efclaves.
Procope nous a donné la defcription
de cette maladie avec autant d'art que
d'exa£titude , &; aiifll-bien que s'il avoit
été médecin de profefl^ion. Selon lui , ce
fléau confùma prefque tout le genre hu-
main. II n'aflB[igea pas une feule partie de
îa terre , & ce ne fut pas dans une faiion
particulière de l'année, mais cîans toutes
indiftinâement. Elle n'épargna ni con-
dition , ni âge , ni fexe , quoiqu'il y ait
une fi grande diverfité dans les tempé-
ramens & dans les difpofitions. La diffé-
rente fituation des lieux^, la diète , les
complexions , les mœurs , rien ne put
fauver les malades.
Elle commença parmi les Egyptiens de
Pélufe , fe répandit à Alexandrie , dans le
refi:e de l'Egypte , &: dans ces parties de la
Paleftine qui confinent à l'Egypte 3 enfuite
avançant toujours avec une marche réglée ,
elle parcourut le monde , comme fi elle
eût eu pour but de travailler fùccefiîvement
à tout ravager. La terre-ferme , les îles ,
les cavernes , les fommets des montagnes ,
tous les lieux où il y avoit des hommes ,
en furent infectés. Des côtes de la mer ,
elle s'étendit fur les terres 3 & quand elle
fautoit pardeflbs un paj'S , on n'a voit pas
long- temps fu jet de s'en féliciter , elle
retournoit enfuite fur fes pas : dès la fé-
conde année , vers le milieu du printemps,
elle fe fit jour à Conftantinople , où Pro-
cope demeuroit alors.
Plufieurs perfbnnes attaquées du mal ,
croyoient voir des apparitions d'efprits ,
en toutes fortes de formes humaines j
d'autres s'imaginoientque les hommes qu'ils
rencontroient les frappoient en quelque
partie de leur corps j d'autres croyoient
dans leurs vifions entendre une voix qui
leur crioit , qu'ils étoient marqués dans
le livre des morts j d'autres fe réfugioient
dans les églifes , où ils périflbient. Plu-
fieurs , fans aucun fymptome précurfeur de
maladie , étoient pris fubitement d'une
forte de fièvre , qui n'annonçoit par le pouls
aucun danger j cependant ils étoient em-
portés par un bubon qui fe formoit, tantôt
plutôt , tantôt plus tard , ou à laine ou
à l'ailfelle , ou fous l'oreille , ou en d'autres
parties du corps.
On remarqua dans cette maladie, une
grande diverfité de fymptomes. Les uns
tomboient dans un alToupifl^ement profond ;
d'autres étoient agités d'une frénéfie
violente 3 quelques-uns demandoient à
manger , Se quelques autres dégoûtés de
toute nourriture , mouroient d'inanition»
Dans certains temps , ni médecin , ni
garde, ni foffoyeur ne gagnoif la maladie
auprès des malades & des morts 3 ils con-
tinuoient à jouir d'une fanté parfaite y
quoiqu'ils foignafl^nt & cnfeveliifent des
perfonnes infedtées 3 d'autres au contraire
gaguoiem la maladie fans ihvoir comment.
53^ P E S
& eu moiiroient incontinent. Plufieurs, fans
être altérés de foif , fe jetoient dans l'eau
douce ou dans la mer. Quelques-uns , ians
avoir eu d'affoupiffement ou d'attaque de
frénéfie , avoient des bubons gangrenés ,
&: expiroient dans les douleurs j d autres
fîniffoient leurs jours par im vomilîement
de fcLug.
Quelques médecins conjeâurant que le
yeniîi de la maladie confiftoit dans les
ulcères peftilentiels , ouvrirent ces ulcères
dans les corps morts , & y trouvèrent un
charbon énorme. Ceux dont le corps étoit
taché de petits boutons noirs de la groi^
feur d'une lentille , ne vivoient pas un
jour. Quelques uns , entièrement abandon-
nés des médecins , fe rétablifToient contre
toute attente j d'autres , de la guérifon def-
quels ils fe croyoient sûrs , périffoient fou-
dainement. Le bain fit du bien à quelques-
uns , il nuifit à d'autres; ceux-ci moururent
par les remèdes, & ceux-là échappèrent
uns en avoir ufë. En un mot , il n'étoit
pas poflible de trouver aucune méthode
pour conferver la vie des hommes , foit
en prévenant le mal , foit en le dom^ant ,
n'y ayant aucune caufè apparente à la-
quelle on pût attribuer la maladie ou fa
guérilon.
Les femmes enceintes qui en étoicnt
frappées , mouroient , les unes en faifant
de fauffes couches ;, & d'autres délivrées
iieureufèment , périiToient également avec
leurs enfans *, on vit peu d'exemples du
contraire. Les malades dont les ulcères
ouverts couloient abondamment , réchap-
poient pour l'ordinaire , la violence du
eharbon étant adoucie par l'écoulement ;,
mais ceux dont les ulcères reftoient dans le
même état qu'ds avoient paru d'abord ,
périlfoient prefque toujours. Quelques-uns
eurent les cuilfes delféchées , fans que les
ulcères eulfsnt flaé ; d'autres échappèrent
de la maladie avec la langue mutilée , <k. ne
purent pendant le relie de leur vie articuler
que des fons confus.
Cette peffe dura quatre mois à Conftan-
tinople , d'abord avec alfez de béni-^nité ,
mais enfuite avec tant de fureur , que le
nombre des morts monta julqu'à dix mille
perfbanes en un jour. Au commencement ,
on les enfeveliifjit foigueufemeiit , mais
' P E S
à la fin tout tomba dans la dernière con-
fufion : les domeftiqi^ n'avoient pas de
maîtres , & les perlomies riches n'avoient
point de domelliques pour les fervir. Dans
cette ville affligée , on ne voyoit que mai-
fons vuides , & que magaiins & boutiques
qu'on n'ouvroit plus ; tout commerce pour
la fubfiftance même étoit anéanti.
L'empereur chargea Théodore , l'un de
Ces référendaires , de tirer du tréfor l'argent
nécelfaire pour en diitribuer à ceux qui
étoient dans le befoin •/ mais ce n'étoit-là
qu'une foible relfource. Procope ajoute que
plufieurs malheureux, frappés d'épouvante ,
quittèrent leur mauvaife vie , tandis que
d'autres retournèrent à leurs déréglemeus
aufli-tôt que le danger fut pallë.
Il réfulte de tout ce détail , que quoique
cette pefie ait duré cinquante-deux ans ,
en changeant fouvcnt de fymptomes ,
fuiyant les pays ; cependant la defcription
d'Evagre diifere eu peu de choies eifentielles
de celle de Procope Mais comme l'hif-
toire de Procope étoit connue de tout le
monde , Evagre eut tort d'avancer que
cette maladie n'avoit pas été décrite avant
lui. On ne peut pas douter que fa defcrip-
tion & celle de Procope ne regardent la
même pe/Ic , laquelle , au rapport d'Aga-
thias , commença la cinquième année ( il
faudroit lire la quinzième année de Jufti-
nien. ) Procope l'a décrite telle qu'elle
parut à Conftantinople la féconde année ,
ÔL Evagre en parle conformément à ce
qu'elle étoit plufieurs années après ; c'efi:
cette différence de temps & de lieux , qui
fait apparemment la principale caufc de
la différence qui fe trouve quelquefois dans
hs defcriptions de ces deux hiiloriens.
Evagre , par exemple , rapporte une
circonffancc très - furprenante , qu'on ne
lit point dans Procope ; favoir , qu'aucune
perfonne native des villes attaqu-ées , quel-
qu'éîoignée qu'elle fût du lieu où étoit
la maladie , n'échappoit pourtant à fa fu •
reur j ces mots aucune perfonne pris à
la rigueur de la lettre , détruifent toute
croyance ; mais fi l'on interprète fon récit
par un très-grand nombre de perfonnes ,
il ne fera point fiifpeâ: de faulfeté pour
ceux qui n'ignorent pas des exemples iem^
biables que rapportent les hiftoriens dans
des
P E s
des temps plus modernes , au fujet de la
fueur angloiiè , genre de p^fle qui vint à
éclore dans la r-nncipauré de Galles en
14.83 , ravagea l'Angleterre , fe répandi;
en Allemagne , reparut à Londres en 1 5 5 ^
pour la cinquième fois , attaqua quantité de
naturels anglois dans les pays étrangers ,
& épargna prelque tous les étrangers éta-
blis en Angleterre. V. SUEUR ANGLOISE.
( Le chevalier DE J AU COURT. )
§ Peste , ( Médecine. ) Remèdes
contre la pefle. Prenez tous les matins une
goutte d'elfence de cannelle av«c une paille ,
mettez-la dans un verre demi-plein de vin
ou d'eau , & buvez le tout.
Prenez des noifettes de genièvre , faites-
les tremper dans de l'eau-de-vie jufqu'à ce
qu'elle en ait tiré l'acàmonie ; & après les
avoir fait fécher à l'ombre , confifez-les au
lucre ou au miel , & mangez-en trois tous
\ts matins.
Prenez du Jus de limon , & faites dilTou-
dre dans icelui de l'or en feuille : buvez-en
k matin en temps de contagion.
Prenez trois figues , trois noix rôties ,
& un petit rameau de rue , & les mangez
enfemble tous les matins.
Prenez du tabac le matin ; & fi vous ne
l'aimez point , parfumez-en votre chambre ;
fa fumée purifie grandement l'air.
Il eft bon aufli de fe laver fouvent
les mains & les tempes avec de bon
vinaigre.
Pour la tumeur , lorfqu'elle eft formée , il
n'eft fîén de plus excellent que la carcafle
d'un crapaud , laquelle il faut préparer de
cette façon : pendez en l'air le crapaud , il
vomira petit à petit fon venin avec fa bave ,
& enfin il fe féehcra '-, après qu'il fera fec ,
tellement qu'il ne lui refiera que le cuir ,
prenez-le & l'appliquez fur la tumeur , il
attirera tout le venin, en deviendra enflé
comme s'il ctoit derechef vivant , & fera
un effet merveilleux.
Il eft bon de fe tenir purgé , car c'eft un
grand préfervatif contre la contagion.
Mettez du fel dans du vin à propor-
tion ) faitez-les demeurer enfemble toute
une nuit ; après , coulez-le bien , & le
paflez par un linge , & prenez-en chaque
matin. {Article tire' des papiers de M, DE
Mairan. )
Tome XXV.
P ES 537
PESTI , ( Géogr. ) village à dix -huit
lieues de Naples , dans le golte de Salerne ,
>ù l'on trouve de très-beaux relies d'anti-
Tuités , long- temps ignorés , parce qu*ils
ont détournés de la route ordinaire.
. Pceflum y enfuite Pojjidoma , étoit à
l'extrémité occidentale de la Lucanie , &
donnoit fon nom au goKçPceflanius Sinus,
Solon dit que c'éfoit une ville des anciens
Doriens ; d'autres dilént qu'elle avoit été
fondée parles Sibarites. Strabon parle d'un
fameux temple de Junon , fondé par Jafon ,
à l'embouchure du Silo , qui eft^ à deux
lieues d« Pefii , & il nous apprend qua
cette ville fut envahie par les Saranites,
M. Grolley raconte qu'un jeune élevé
d'un peintre de Naples , fur le premier
qui , en 1755 , réveilla l'attention des
curieux fur les relies précieux d'architec-
ture qu'on y voit. M. Morghan , en 1767 ,
les a tait graver en fix feuilles , dont M. de
la Lande a donné un extrait en une feule
planche.
La troifieme feuille de M. Morghan repr^
fente les trois temples , vus de près par ua
obfèrvateur. Les temples font découverts en
defTus , il y a encore des colonnes tout au-
tour; les entablemens , les frontons même
font encore en place : l'architedure , qui efl
du meilleur goût & du plus beau temps
de la Grèce , peut aller de pair avec les
raonumens d'Athènes dont M. le Roi,
de l'académie royale d'architedure , nous a
donné les gravures , & qui ont été publiées
poflérieurement en Angleterre. On vient
de publier encore à Londres de belles gra-
vures des monumens de Pœfium y avec des
explications , en '^'](>'7. Voyage d^ Italie ,
tome VII. Voye\ Pe s tu m.
Cette ville fut pillée par les Sarrafins en
930 , faccagée & prefque détruite par les
Guilcards en 1080 , Robert Guifcard dé-
molit les anciens édifices, & enleva les
magnifiques colonnes de marbre verd anti-
que pour en décorer une églile ; depuis ce
temps elle n'efl point relevée de (qs ruines,
un lèul fermier les fertihfé & s'y eft éta*
bli Le libraire Jombert a imprimé à Paris
les ruines de Pefii , avec 18 plans, en
1769. (C)
PESTIFÉRÉ , adi. ( Gramm, ) qui eft
attaqué de la pefte. Voye\ Peste.
Yyy
53^ PES
PESTILENCE , ï. f. en Médecine^ c'efi'
une maladie épidémlque , maligne & con-
tagicufe , ordinairement mortelle , connue
vulgairement fous le nom de pefte. Voyei
Peste.
Ce mot efl formé du latin pejiis , qui
fignifi" la même choie.
Maiion de pefie ; c'eft un lazaret ou une
infirmerie , où l'on met en dépôt & où l'on
a foin des mapchandifes des perfonnes , &c.
infedées , ou que l'on foupçonne infeâées
de quelque maladie contagieufe. l^oyei
Lazaret.
PESTILENTIEL, adj. (Mededm.)
fe dit en médecine des maladies , de l'air
& desalimens ; on dit un z\ï pefiiientiel ,
un aliment cmpeftc.
La maladie peflilentielle eft urie maladie
épidémique , dont il meurt plus de monde
qu'il n'en réchappe , & dont les malades
meurent plus promptem-ent que dans les
maladies épidémiques ordinaires^ Les fignes
propres & caradériftiques de la maladie ou
Bsvre pejhlentielle ou de lapeftilence , font :
iP. l'épidémie '-, 2,°. la mortalité ; 3^ les
accidens , tels que les bubons , les char-
bons , le pourpre , la moUeflê , l'abatte-
ment de tout le corps ; ^^. la cauie qui gît
dans le vice de l'air & des alimens.
Ce font ces quatre- conditions , l'épidé-
micité ,.la mortalité , la q'jalité des accidens
& la caufe commune , qui conftitucnt le
caradere des maladies peftilentielles ; ces
quatre conditions- fe rencontrent fouvent
dans les fièvres malignes, dans les fièvres
continues à redoub-lement , dans les périp-
neumonies , dans les pleuréfies , les dyl-
iènteries , les petites véroles , Ùc. & alors
CCS maladies font peflilentielles.
Les m-A^diQs. pefiilentielles dif^rent de
la pefte , en ce que l'épidémie eft plus géné-
rale dans celk-ci , 2°. en ce que la mor-
talité y efl auffi plus grande '-, 4''. en ce que
les accidens font plus violens dans la pefte ;
& enfin la caufe de la pefte eft différente ,
car elle eft produite par une infedionparti-
culiere. Voye^VESTE.
La, caufe de la fièvre peflilentielle y cft"
;Une caufe épidéniiquc & fouvent fporadique ,
jointe à une caufe particulière qui eft l'infec-
tion ; c'eft ainfi qu'une fièvre maligne fim-
ple qui attaquera diâcrens. habitans d'une.
P E S
ville , deviendra fporadique , & fouvent épi-
démique ; & 'il l'infection particulière , foie
de l'air , foit des alimens , fe joint à cette
fièvre maligne , elle (hrapefiHentielle ; c'eft
ainfi que la peftilence accompagne la ficvre
continue à redoublement , la pleuréfie , les
dyflenteries , les'péripneumonies , la petite
vérole , la rougeole & le pourpre.
La pefte au contraire , eft toujours caufée
par la feule infedion particulière fans cauic
fporadique : les fymptomes de la fièvre
peftik miellé font : 1°. l'abattement des for-
ces , d'où dépendent le défaut de la refpira-
tion , la foiblefle , l'intermittence &: i'inter-
cadencedu pouls.
^^. Des naufées , des eardialgies , des
vomiflemens , par 'le vice de l'eftomac où
les ofcillations pèchent , & où les bouillorrs
même s'aigriftent ou fe corrompent.
3°-. Des urines troubles ^ graftes , où
l'huile eft comme par flocons , par la laxité
des tuyaux fecrétoires des reins.
4°. Des fueurs colliquatives , aigres,
graftes & fétides par la même caufe.
5*. Des bubons aux aines oti aux aiflel-
les , des charbons , des lanières de pourpre^,
noires ou violettes , ou bleues ; l'âcre^é
des humeurs & leur épaiffiftement pro-
duiiènt ces differens accidens. J^ojei^
Bubons.
6°. La gangrené feche & la mollefîe des
membres après la mort. Voy. GANGRENE,
SECHE.
7°. Des déjedions fanglantes par les fel-
les , des excrétions de fang par les urines
& par la fueur.
Pronofiic. La fièvre pefiilentielle eft
.très-funefte , en effet , on n'en connoît
point le caradere ; on ne peut y employer
les remèdes ordiiîaires aux autres mala-
dies, fans une crainte infinie & un ména-
gement inconcevable. Le pronoftic n'eft
.d'ailleunsq.ue trop vérifié , par l'expérience
funefte que nous donne le nombre de
malades qui périftent de cette maladie ;
cependant le pronoftic varie félon le degré
de la peftilence , félon le nombre & la
violence des fymptomes , félon le dénatu-
rement du fang , félon que la maladie
fporadique domine fur la peftilence , ou
que la peftilence. prend ■ le delTus fur ia
i maladie fgoradiquç,.
P E s
Voici ce qui doit régler le pfonofîic :
I". Plus l'épidémie ell grande , plus il y r-
des malades arraqués en même temps , plu-
la ^peflilence efl à craindre.
2°. PJus la mortalité ei\ grande , & plus
le danger eft grand.
3^*. La violence & le nombre des acci-
dens, la gangrené des parties extérieures ,
l'intermittence & l'intercndence fuivies
dans le pouls, font des fignes très-dan-
gereux.
Curation. La peflilence ou la fièvre
peflilentielle ell très-difficile à traiter ; elle
prélente cependant deux indications, celle
de la maladie fporadique ou de l'épidémie ,
& celle de la pertiience. Le fenrimenr
des médecins eft partagé fur l'adminiflra-
tion de la faignée & de la purgation : mais
fi nous diftinguons nos chets d'indication
& difîerens degrés dans la maladie, nous
verrons que l'on peut faigner dans cts
maladies , mais moins que dans les mala-
dies inflammatoires ordinaires ; il en lera
de même de la purgation. D'ailleurs ,
quoique ks cordiaux foient confeilLés par
le plus grand nomtre , il eft cependant
prouvé par l'expérience qu'ils nuifent fort
fouvent , & qu'il périt plus de perfbnnes
par les cordiaux que par l'ufage des autres
remèdes j nous fbmmes donc de l'avis
fuivant.
I*. On faignera , s'il y a inflammation ,
comme péripneumonie , pleuréfie , ^c. s'il
y a douleur locale , ou cfÊrvefcence conli-
dérable dans le fang ; li le pouls eft plein ,
fort & tendu ; mais comme il y a pefti-
lence , on faignera de façon que l'on modé-
rera le nombre & la quantité des (aignées :
hors ces cas , on ne doit point faigner du
tout.
2P. On purg:ra pour vuider les premières
voies , pour détourner le venin fur le bas-
ventre , & le jeter par les felles ; on
emploiera les purgatifs , & même l'éméti-
que ; on tiendra le ventre libre en donnant
de temps à autre des cathartiques ; mais
la foibleffc contre - indique ces remèdes ;
& il faut remarquer qu'elle augmente alfez
ibuvent par la iàignéc & les purgatifs ,
au lieu qu'elle diminue dans les autres
maladies. Ceci mérite une attention fin-
jgulicre.
p E s 5^9
Le remède contre cette foiblefl^e eft
l'antidote ou le fpécifique propre contre la
peftilence ^ mais quel eft ce fpécifique?
C'eft ce qu'on clierche depuis long- temps
• ans le trouver. Les quatre alexipharma-
ques , les confedions d'alkermès & d'hya-
cinthe , la thénaque & l'orviétan , les efpritsi
volatils tirés des animaux '-, les cordiaux
acides font mêlés avec les précédens , ou
donnés féparément ; on remarque en gé-
néral qu'ils ne caufent pas une fi grande
dilTolution du fàng ; ainfi on peut employer
en même temps que les remèdes généraux,-
la pption fui vante.
Potion antipejiilentielle. Prenez des eaux
de chardon-bénit , de reine-des-prés &
d'angélique , de chaque deux onces ;
d'eau thériacale de Baudron , de vinai-
gre thériacal , de l'etprit de citron y
de chaque cinq gros ; de firop d'œiilet ,
une once : faites une potion du tour ,
dont on donnera par cuillerée pour
foutenir le .pouls & procurer une douce
moiteur.
On peut employer la thériaque , la poudre
de vipère , l'antidote de Tichobrahé. Voy,
ces articles.
Enfin , on applique les véficatoires & \ts
ventoufes.
Quant aux amulettes , voje:^ AMU-
LETTES.
Le régime doit être proportionné à l'état
du mal; il doit erre analeptique, reftau-
rant & foutcnu par les antiputrides. V^oye\
Peste.
PET , f. m. air qui fe fépare dans les
inteftins , & qui s'échappe avec bruit par
Panus. C'eft un eftèt de la digeftion,
de la qualité des aHmens , du froid , du
chaud , O-c.
Les anciens avoient le dieu Pet.
Pet , ( Cuijine. ) efpece de petits
beignets ronds , faits de farine , de lait ,
de lucre & de jaunes d'œufs délayés en-
femble.
PETA, Ç.Ï. {Mythologie.) déeffedela
demande. Son nom vient du verbe />e^o,
demander.
PÉT AGUEI , ( Geogr. mod. ) pays de
l'Amérique méridionale au Bréfil , borné
nord par le pays de Dele & par la mer ;
fud , par la capitainerie de Rio-grandcj
Yyy Z
540 PET
ouefi , par les Tupuyes., Il y a des mines
d'argent dans cette contrée.
PETALE , f. m. petalum ; on a donné
ce nom aux feuilles de la fleur des plantes ,
pour les diftinguer des vraies feuilles. Les
pétales font ordinairement les plus belles
parties des plantes , tant par leur couleur
que par leur forme ; ils tombent facile-
ment d'eux-mêmes ; jamais ils ne de-
viennent l'enveloppe de la femence.
Quoique les feuilles de la fleur de l'el-
lébore n'aient qu'une couleur verte , &
qu'elles ne tombent pas , elles font cen-
iëes être de vrais piftaks , parce qu'elles
ne font pas l'enveloppe du fruit. Voyei^^
Fleur.
PETÀLISME , ( Hift. anc.) La crainte
que l'on avoit à Athènes des citoyens trop
puiilâns, & dont le crédit s'établifloir auprès
du peuple , fit introduire dans cette répu-
blique l'oilracifme , voyei OSTE-ACISME.
Un ufage femblable fut établi à Syraculé ;
on le nomma pétalif me y parce qu'on écri-
voit le nom de celui qu'on vouloit bannir
fur une feuille d'olivier. Ce mot vient du
mot grec T-^«t^o . Le pétalifme étoit une
jnftitution beaucoup plus inique & rigou-
reufe que foltrac irae même , vu que les
principau-x citoyens de Syracufe fe ban-
niflbient les uns les autres en fe mettant
une feuille d'olivier dans la main.. La loi
du />eW////7e parut fi dure ,. que la plupart
àts citoyens diflingués de Syracufe pre-
noient le parti de la fuite aufli-tôi qu'ils
craignoient que leur mérite ou leurs
richeffes ne fifî'ent ombrage à leurs con-
citoyens '-, par-là la république fe trouvoit
privée de fes membres les plus utiles.
On ne tarda point à s'appercevoir de
ces inconveniens , & le peuple fut obligé
lui-même d'abolir tme loi JÛ funelle à la
fociété.
PETALODE, adi.(Af<î'./ec.) Ceftun
nom que l'on donne à l'urine quand elle
paroît contenir de petites feuilles & de
petites bleuettes. y^oye\ Urine.
FETAMINAIRE, f. m. {Littérature.)
petaminwius y c'eft- à-dire , homme qui
vole en Tair , de -^i a-f^^' , voler.. On ap-
pelloit chez les Romains pt'taminaires ,
des fauteurs , des voltigeurs , des gens qui
faifoient en i'air des tgurs de fouplefîe ,
PET
des fauts hardis , périlleux & furprenans.
"Le mot pétam inaire fe trouve dans Sylvien
& dans Firmicus.
PETARASSE , f. f ( Marine. )^efpece
de hache à marteau , faite du côté du
taillant comme le calfas double , & em-
ployée à pouffer l'étoupe dans les grandes"
coutures.
PETARD , {.m. en terme de guerre ,^
eft une forte de canon de métal , qui
reffemble un peu à un chapeau haut de
forme , ou plus exaftemcnt à un cône tron-
qué. Il fert à rompre les portes , les bar-
ricades ou barrières , les ponts-levis , &
tous les autres ouvrages que l'on a defîcin
de furprendre.
On peut confidérer le pétard comme
une pièce d'artillerie fort courte , étroite
par la culaffe , & large par l'ouverture.
Elle ell: faite de rofette mêlée avec' wa
peu de cuivre. On en fait aufli de plomb
& d'étain mêlés enfemble. Il efl ordinai-
rement long de fept pouces , & large de
cinq à fa bouche y pefant quarante à cin-
quante livres.
Sa charge efl de cinq à fix livres de,
poudre : on ne le charge qu'à troL> doigts
de la bouche, le relie fe remplit d'étoupe ,.
& on l'arrête avec un tampon de bois. Oa
couvre la bouche d\me toile que l'on ferre
bien fort avec une corde ', on le recouvre
d'un madrier ou d'une planche de bois ,
dans laquelle on a pratiqué une cavité pour
recevoir la bouche du pétard ;^ & on l'at-
tache en bas avec des cordes , ainli qu'il-
eff exprimé dans nos planches.
Il efl d'ufage dans les attaques cîandefli-
nés ; il ferf à rompre les portes , les ponts ,,
les carrières , Ùc. auxquelles on l'attache ;
ce qui fe fait par le miyen d'une planche
de bois. On s'en fert aufli dans, les contre-
mines pour briler les galeries ennemies , &
. pour en éventer les mines.
Au lieu de poudre à canon- pour charger
cette arme , quelques-uns fe fervent de la'
compoÊtion fuivante ; favoir, Çc'^t livre»
de poudre à canon , une once de mercure;
fublimé ,, huit onces de camphre ; ou biea
fix livres de poudre à carKjn , une demi-
once de verre broyé , & trois quarts de
camphre. On fait aufli quelquefois des pé"
tards d*" ^'^*" ' ' "'^••^eaux de fex*.
PET
On attribue Pinvention des pétards aux
huguenots François en i579) donj le plus
îignalé exploit fut la furprife de la ville
de Cahors , ainfl que nous l'apprend d'Au-
bigné. Chambers.
Pour fe fervir du pétard , on fait en forte
d'approcher de la porte qu'on veut rompre
fans être découvert des fentinelles de la
ville ; & avec un tire-fond , ou quelqu'autre
înftrument ferablable , on attache le ma-
drier auquel le pétard eft joint à la porte
qu'il s'agit de brifer ; ce qui étant fait ,
on met le feu à la fufëe du pétard , la-
quelle étant remplie d'une compolition
lente , donne le temps au pétardier , ou à
celui qui a attaché le />fVar^, de fe retirer.
La fulée ayant mis le feu à la poudre dont
le pétard eil chargé , cette poudre en «'en-
flammant preiTe le madrier contre la porte
avec un tel effort , qu'il la brifc , ou qu'il
y fait une ouverture.
Le métier de pétardier eft extrêmement
dangereux. Peu d'officiers reviennent de
cette force d'expédition ; car ou des dé-
fenfes qui font fur la porte , ou de celles
qui font à droite ou à gauche , fi ceux
qui font dans la ville s'apperçoivent de
cette manœuvre , ils choifilfent le pétar-
dier , & ils ne le manquent prefque Ja-
mais.
Les artificiers appellent ^n^i pétard nne
efpecc de boîce de fer de dix pouces de
haut , de lept pouces de diamètre par
en-haut & de dix pouces par en -bas , du
poids de 40 à 60 livres , d^nt on fe ferc
pour enfoncer les herfes & les partes des
villes alliégées , ou des ouvrages où l'on
veut entrer- Le madrier fur lequel on le
place , & où il ci\ attaché avec des liens
de fer , eft de 2 pies par fa plus grande
largeur, & de 18 pouces par les côtés ;
l'épaiireur elt d'un noaJrier ordinaire. Au
defîbus du maJrier iont des bandes de fer
pafTées en croix avec un crochet qui iert à
attacher le pétard.
Il n'y a pas d'autre fecret pour l'ap-
pliquçr que de s'approcher , à l'entrée de
la nuit , avec un détachement , le plus
près de la place qu'on peut \ de defcendre
dans le tolTé lorfqu il ett fec , ou de trouver
quelqu'autre moyen quand il eft plein
d'eau 2 ce qui n ell pas à la vérité il facile.
PET 541
Peu d'officiers reviennent de ces fortes
d'expéditions , & il faut être muni d'une
très-forte réfolution pour prendre une com-
miffion pareille à celle-là.
Lorfqu'on veut charger un pétard qui
aura i ^ pouces de hauteur , & 6 à 7 pouces
de cahbre par l'ame , il faut commencer
par le bien nettoyer par- dedans , & le
chauffer , de manière néanmoins que la
main puiffe en foufi'rir la chaleur.
Prendre de la plus fine poudre & de la
meilleure que l'on puiffe trouver , jeter
deflus un peu d'cfprit-de-vin ,. la préfenter
au foleil , ou la mettre dans un poêle 3 &
quand elle fera bien feche , la mettre dans
le pétard de la manière fuivante.
On palTera dans la lumière un dégor-
geoir que l'on y fera entrer de deux pouces ,
enfuite l'on y jetera environ deux pouces &:
demi de haut de la poudre ci-defl'us. Voyês^
Dégorgeoir.
On aura enfuite. un morceau de bois-
du cahbre au pétard y bien uni parles deux
bouts & bien arrondi par les côtés , qu'on
fera entrer dans le pétard ^ & avec un
mailler de bois l'on frappera fur cette
efpece de refouloir fept ou huit coups pour
preffer la poudre , obfervant néanmoins de
ne l'écrafer que le moins qu'il ie pourra '■,
l'on prendra enfuite du fublimé , l'on en
lémera une pincée fur ce lit de poudre y
puis l'on y remettra encore de la poudre
la hauteur de deux pouces & demi , on
la refoulera de môme :, on aura dans une
fiole grofie comme le pouce , du mercure
qui fera couvert d'un limple parchemin ,
auquel on fera lept ou huit petits trous
avec une épingle , & l'on fecoucra trois
ou quatre fois pour en faire fortir diK
mercure.
L'on fera un autre Ut de poudre comme
le premier , & l'on y mettra du fubhmé ,
comme on a fait d'abord , enfuite un autre
ht de poudre , & encore du mercure,,
comme ci-devant ; ce qui fait en tout
quatre lits j le cinquième fera comme le
premier.
Vous le couvrirez de deux doubles de
pajMer coupés en rond du diamètre du
pétard y que vous mettrez deflus fon ou-
verture : vous mettrez des étoupes par-
deiiîjs à la hauteur d'un pouce, & avec
54* PET
le morceau dé bois dont on a parlé, l'on
entoncera le tout à force.
On tera un maftic compofé d'une livre
de brique ou de tuile bien cuire, que l'on
pulvérifera & tamifera , & d'une dsmi-
iivre de poix-réline ou colophane.
Vous 'foez tout tondre enfemblc , &l
remuerez avec un bâton , eniorte que le
tout (oit bien délayé , & vous verferez ce
mélange tout chaud fur les étoupes.
Vous aurez une plaque de fer de l'épaif-
feur de 4 ou 5 lignes du cahbre du pétard,
à laquelle il y aura trois pointes qui débor-
deront du côté du madrier , afin qu'elles
puilîent entrer dedans ; vous apphquercz
ce fer fur le maftic , dont le furpius débor-
dera par le poids du fen
Il faut que ceJter foit au niveau du pétard y
& le pofer enluire fur votre madrier , qui
feA entaillé de quatre à cinq lignes pour
loger le pétard p obfervant de taire trois
trous pour recevoir les trois pointes de la
plaque de fer que vous avez applicjuée fur
le cul du pétard.
Vous remplirez en(ùite l'encaffrement
de ce maflic mis bien chaud, & renver-
ferez dans le moment votre pétard deffus ;
& comme il doit y avoir quatre tenons ou
tirans de fer palTés dans les anfes pour
arrêter le pétard fur le madrier , il faudra
faire entrer une vis dans chacun , & la
ferrer bien ferme pendant que le maflic
fera chaud , afin cle boucher tout le jour
,qui pourroit Ce trouver dans l'encaftrement.
ïl eli bon de remarquer encore que la
lumière du pétard le met quelquefois au
haut , & quelquefois à un pouce & demi
au-de(îbus ; mais de quelque manière qu'elle
foit fifuée , il taut toujours un porte - feu
fait de fer du diamet-re de la lumière ,
& de trois pouces de longueur , qu'on
.enfonce dedans avec un maillet de bois.
Avant que de le placer , il faut , avec
«n dégorgeoir d£ fer , dégorger un peu la
compofition du dedans du pétard , & y
faire entrer cnfuite un peu de nouvelle
compofition , afin de donner mieux le feu ,
& avec un peu plus de Ijenteur.
Cette compofition doit être d'un hui-
tième de poudre , d'un quatrième de faî-
pêtre , & d'un deuxième de foufre ; c'eft-
4-dijre , que pour huit onces de poudre il
PET
faut quatre onces de falpêtre & deux de
foufre. Qn pulvérife ces trois matières
féparément ; & après les avoir mêlées ,
on en charge le porte-feu , qu'on couvre
avec du parchemin ou du linge goudronné
pour le garantir de finjure de l'air.
PÉTARD , {terme d'Artificiers.) On
peut mettre au nombre des garnitures ces
petits pétards que tont les enfans dans les
rues avec du papier & un peu de poudre ,
qu'on appelle aulli péterolles.
Oxi plie une feuille de gros papier fur
fi longueur par plis de ^ ^ io Yignes d'in-
tervalle en trois plis fuccelfifs , qu'on ouvre
enluite pour former une eipece de canal
dans lequel on couche un lit de poudre
de peu d'épaifîeur , étendue bien également ;
on l'y enveloppe en plulieurs doubles en
continuant de plier le refte de la feuille ,
ce qui forme un paquet long & plat qu'on
replie endiite en travers de l'intervalle
d'environ un pouce & demi , par plis
alternatifs en zigzag , en façon de Z d'un
côté & d'autre , frappant fur les bords de
chacun ;avec un marteau dans la largeur
de 2 à 3 lignes , pour écrafer un peu la
poudre qui s'y trouve , afin que le pafïàge
du feu y étant moins ouvert s'y commu-
nique fucceflivement , & non pas tout
d'un coup , comme il arriveroit fans cette
précaution. Le paquet ainfi réduit à cette
petite longueur , doit être ferré par le
milieu avec plufieurs tours de ficelle ; &
pour y mettre le feu , on fait un trou à
côté de la ligature qui pénètre jufqu'à la
poudre grenée , dans lequel on introduit
un peu de poudre écrafée dans feau pour
lui fervir d'amorce. Il n'eft perfonne qui
n'ait vu l'effet de cet artifice , qui efl
tonibé , pour ainfi dire , en mépris , tant
il eft commun , mais qui a fon mérite
lorlqu'on en joint enfemble une certaine
quantité pour faire une efçopetterie fuc-
ceflîve allez amufante.
^ PÊTARDER , V. ad. ( Art milit. >
c'eft attaquer une porte , un château , par
le moyen du pétard.
PÉTARDIER, f. m, ^Art milit.)
officier d'artillerie commandé pour attacher
le pétard & y mettre le feu.
PÉTARRADE , f f. ( Maréchal, )
pet de cheval ou d'âne. Ceft aiuflî un<ç
PET
ruade que le^ cheval fait lorfqu'll efl en
liberté.
PETASITE , r. f . ( Hifi. nat. bot. )
petajites ; genre de planre à Heur en fleu-
rons , compofée de plufieurs fleurons pro-
fondément découpés , & foutenus par un
calice prefque cylindrique , & divifé en
plufieurs parties. Chaque fleuron efl placé
fur un embryon qui devient dans la luite
une iemence garnie d'une aigrette. Ajoutez
aux caraéberes de ce genre que les fleurs
nailTent avant les feuilles. Tournetort ,
Jnji. rei herb. Voye-{ PLANTE.
Tournefort établit quatre efpcces de ce
genre de plante , en anglois bucter-burr ^
dont nous décrirons la grande ou com-
mune ; petafites major y vulgaris , /. R. H^
4-^2 ; tujjîlago fcapo imbricato thyr/ifero y
jiofculis omnibus hermaphrodids y Linncei.
Hort. ClitFort ,411.
La racine de cette efpece de pétafîte ,
ou grand pas-d'âne , efl grofïè , longue ,
brune en dehors , blanche en dedans ,
d'un goCit acre , aromatique , un peu amer ,
& d'une odeur fuave. Elle poufle des tiges
à la hauteur d'environ un pié , de la groflèur
du doigt , creufes , lanugineufes , revêtues
de quelques petites feuilles étroites , poin-
tues , terminées par un bouquet de fleurs
à fleurons purpurins y & femblables à de
petits godets , taillés en quatre ou cinq
parties ; tous ces fleurons (ont foutenus
par un calice prefque cyHndrique , recoupé
jufques vers la baie en plufieurs quartiers.
Les fleurs fe flétrilfent en peu dé temps ,
& tombent avec leur tige f, elles font fuivies
par des femences garnies chacune d'une
aigrette.
Après que la tige efl, tombée, il s'élève
des feuilles grandes & amples , prefque
rondes , un peu dentelées en leur bord ,
d'un verd brun en deflus , attachées par
le milieu à une queue longue de plus d'un
pié , grolfe , ronde ,, charnue ; ces feuilles
ont la figure d'un chapeau renverfé , ou
d'un grand champignon porté fur la queue.
Cette plante, aime les lieux humides ,
les bords des rivières & des ruiflèaux ;
elle fleurit au commencement du prin-
temps , & même quelquefois dès le mois
de février dans les pays chauds. On fait
ûfage de la racine • on l'eflime apéritive ,
PET 543
réfolutive & vulnéraire ; elle entre dans-
l'orviétan , & l'emplâtre diabotanum de
la pharmacopée de Paris. {D. J.)
PETAURE , f f. ( Linér. ) en latin
petaurum ; roue pofée en l'air fur un
aiffieu , par le moyen de laquelle deux
hommes fe balançoient l'un l'autre. On
attribue l'invention de cette efpece de jeu'
aux Germains , félon Ammien JVtarcellin.
Manilius en fait la defcription dans fon
Aftronomie , Uv. V^
Ad numéros etiam ille ciet cognatd
per artem
Corpora , quce valido faliunt excujpi
petauro ,
Alternofque cient motus y elatus & ille
Nu ne jacet , atque hujus cafu fufpen-^
ditur alter.
On noramoit pétaurifies y ceux qui fè
divertifîbient à cet exercice.
PETECHIALE (fièvre) , {Méd,.)
C*efl une fièvre continue , maligne, con-
tagieufe , accompagnée de taches plates,
femblables à des morfures de puces , de
différentes couleurs , & caufées par une
corruption des humeurs , fuivie d'une dillb-i
lution putride.
Les malades éprouvent dès le commen-
cement de ces fortes de fièvres , de grandes
foibleffes , & l'épuifement des forces , la
douleur & la peianteur de tête , l'abatte-
ment & l'inquiétude de l'eiprit ; l'infbmnie
continuelle , la pulfation du pouls, languil^
fante , foible & inégale , l'oppreflion de
poitrine y les vomiffemens , & fouvent la
contradion &: les treflaillemcns de tendons.
Plufieurs-raalades néanmoins ne fe plaignent
que d'un abattement extraordinaire, d'une-
grande infbmnie , & de défaillance. Le
quatrième, cinquième , ou même le fep-
tieme jour , des taches commencent à
paroître, principalement fur le dos & les
reins; elles font plus ou moins abondantes , .
affez femblables a des morfures ^e puces &:
de différentes couleurs & figures , jaunes,
rougeâtres , pourprées, rondes , lenticu-
laires ; on les nomme pétéchies, V. ce mot.
Ces taches paroifïênt fans ardeur , fans
démangeaifon , fans élévation , fans ulcé-
ration de la peau , & fans apporter aucun
544 PET
fouliigement au malade , parce qu'elles font
d'une nature putride ; aufli plus elles l'ont
nombreufes , plus elles marquent le degré
de corruption , & même une corrupiion
fphacéleule , lorfqu'elles font d'une couleur
livide , plombée, & d'un verd noirâtre.
Les autres fignes funeiles dans cette
maladie font une langue feche , crevalîee,
noiiatre, fans defir de boire; le goiier
enriammé , la difficulté d'avaler , le déUre
après l'éruption dts taches ; l'embarras de
la refpiration , l'urine fans aucun dépôt ;
s'il lurvient en même temps des trellail-
kmens dans les tendons , l'écoulement
involontaire des excrémens , la fueur
froide , & les convulfions , il ne Faut point
douter que la mort ne ioit prochaine.
^ La caull- formelle de ces fièvres perni-
cieufes confille dans une dillblution pu-
tride , & dans une colliquation des hu-
meurs , & dans une corruption vicieuie
du fluide lymphatique & liibtii qui eil dans
Je fan g.
Cet état a d'ordinaire pour première
origine une vapeur nuifible qui pafiè de
l'air dans le corps par ks narines , le
goiier & les bronches. Ce venin atlcâe
immédiatement les nerfs , caufe la pelan-
teur de tète , & l'abattement des forces.
Il fe mêle principalement avec la (àlive ,
& defcend avec elle dans le ventricule
& les inreftins ; d'où naiflent le dégoût
pour les alimens , & les inquiétudes par
ia communication des nerfs des parties
voilines du cœur. Hippocrate a déjà attri-
bué autrefois la première origine de ces
fièvres contagieufés à la corruption géné-
rale de l'air ou des humeurs ; delà vient
qu'elles font fréquentes dans les camps ,
& qu'on leur a donné le nom de maladies
d'armées. C'eft aufli par la même raifon
qu'elles font tant de ravages dans les hô-
pitaux , dans les vaifleaux & dans les
priions publiques.
Les médecins doivent agir de concert
avec la nature , & la féconder pour par-
venir à la guérifon de cette cruelle ma-
ladie. Les remèdes volatils & fudorifiques i
augmentent la corruption , occafioncnt i
un orgaime , & abattent les forces ; il *
saut donc les éviter. La bonne méthode
curative confifte à corriger la putréfaâion ,
PET
& à évacuer les humeurs corrompues^
quand elles ibnt en état d'être évacuées,
ce qui arrive depuis le feptieme jufqu'au
quatorzième jour. Les remèdes propres à
cet effet , ibnt ceux qui relâchent le
ventre du malade , fans y caui'er l'éré-
thilme ; tels font la manne , mêlée avec
ia crème de tartre ; le firop iblutif de
roies , mêlé avec le fel poiycrefle dans
quelque véhicule délayant , comme le petit
fait , la pulpe de tamarins îc autres iem-
blables. La iàignée ne doit avoir lieu que
dans les perlonnes pléthoriques , & qui
vivent dans l'abondance de toutes choies.
Les tifanes acidulés font propres à diminuer
la corruption Aes humeurs. Enfin le régime
antiputride convient dans le cours & à la
fin de ces maladies , pour préferver de
dcingereuiès rechutes : la nature elle-même
les guérit quelquefois par des diarrhées
critiques , qui furviennent le feptieme , le
neuvième ou le onzième jour. Quelquefois
ces maladies font populaires^ contagieufés ,
& preique peffilentielles ; alors le plus fur
efl d'éviter la contagion en fe retirant à
temps , & en fuyant un air imprégné
d'exhalaifons vénéneufes. {D. J.)
PETECHIES , f. f. pi. ( Me'dec. )
petechiœ ; taches rouges ou pourprées ,
femblables A àies^ morfures de puces ou
de coufins , qui s'élèvent fur la peau dans
les fièvres malignes & contagieufés , &
qui font toujours d'un très-mauvais préfage.
Sydenham fbupçonne avec raifon qu'elles
font quelquefois excitées par un régime
& des remèdes trop chauds Quoi qu'il en
fbit, les anciens ont appelle ces taches
du nom général ^exanthèmes ,* les Italiens
les ont nommées pèdéchies du mot pedc'
chio ) morfure de puce ; les François taches
pourprées ,* les Efpagnols tabardillo , à
caufe de leur -couleur rouge jaunâtre ; &
les Allemands lenticulaires , à caufe qu'elles
ont la figure & la couleur des lentilles :
ces fortes de taciies confîituent avec d'au-
tres fymptomcs les maladies qu'on appelle
fièvres pétéchiales. Voyei^ PÉTÉCHIALE,
fièvre y Médec.
Au refle , ces taches pétéchies , & la
fîevrc qui les accompagne ont été décrites ;
premièrement & diffinâement , par Fra*
caflor, fous le nom de lenticulce & de
punclicula ^
PET
puncîîcula. J^oye:^ fon traité de morbis con~
tagiofis , /. //, cap. vj ù vij. {D. J,)
PÈTELIA, ou PETILIA , {Géograph.
anc. ) ville d'Italie dans les terres chez les
Brutiens , ^elon Pline , liv. III. cap. x , &
Prolomée , liv. III, ci ; Virgile, Énéid.
liv. III , V. ^oz y attribue fa fondation à
Philodete le Troyen.
Parya Fhiloclstœ fubnixa Petilia
muro.
Elle ne demeura pas toujours dans cet
crar de médiocrité , car elle devint dans
k fuite métropole , ou du moins l'une des
principales villes des Brutiens. Srabon dit
au commencement du VI. liv. page 2,54 ,
que la ville Petilia étoit regardée comme
la capitale des Lucaniens , & que de Ion
temps elle étoit aflez peuplée. li ajoute
qu^elle étoit forte . & par fa lîtuation &
par Ces murailles. Elle étoit voiiine de
Crotone , puifqu'elle avoit été bâtie dans
le lieu où eft aujourd'hui Strongoli , où
l'on a trouvé d'anciennes infciiptions : dans
Pune on ht ce mot P<:tilia , & dans une
autre ceux-ci Reip. Petelinorum. Elle eft
fameufe dans Phiftoire ^ & on la compare
à la ville de Sagunte , tant pour fa fidélité
envers les Romains , que pour fesdéfaftres;
ce qui a fait dire à Silius Italicus , liv. XII ,
V. 4SÎ.
Fumabat ver fis incenfa Petilia teclis ,
Infelix fidei y mijerceque fecunda
Sagunîo.
(D.J.)
* PET-EN-L'AIR , f. m. ( Couturière. )
eft une demi-robe , ou le haut d'une robe
ordinaire , dont la longueur a enviion un
pié ou un peu plus au-de(îbus de la taille ,
tant par devant que par derrière. Pour
ce qui eft de la conftruétion de cet habille-
ment de femme , on peut confulter Yartrcle
Couturière où Pon explique toutes
les opérations de la conftrudtion d'une
obe.
PÉTENUCHE , fubft. f. {Soierie,) om
galette de cocole. C'eft une bourre de foie
d'une qualité inférieure à celle qu'on ap-
pelle/ez/rer. Quand ciie eft filée, teinte ,
Tome XXK
8c bien apprêtée , on l'emploie à la fabrique
de certaines étoffes , comme papelines , 6r.
On s'en fert auflî à faire des padous , des
galons de livrée , des lacets , ôc d'autres
(embldbles ouvrages.
PÉTER , v. n. ( Gram.) lâcher un vent
par derrière , avec bruit. On dit que les
liorciens ne fe gênoient pas là-deflus j cela
me paroit plus des Cyniques.
On dit;?e^er , de tout ce qui fait un bruit
fubit & éclatant.
Peter ,(. m. { Gram. Hijî. nat. Bot. )
efpece de nénufar qui croît dans l'eau ,
dont la racine eft attachée à une fubftance
blanche couverte d'une peau rouge, qui fç
partage en plufieurs gouftès ; il a le goôt
de la noifette quand il eft frais. Son fuc
attaque le cuivre , à ce qu'on dit j cepen-
dant il eft doux.
PÉTERBOROUG , ( Géog. moderne.)
ville épifcopale d'Angleterre , en Nortamp-
tonshire , avec titre de comté. Elle envoie
deux députés au parlement ,' & eft fur le
Neu. C'eft un des fix évêchés établis par
Henri VIII. Longitude ij , zo ; latitude
PETERKOW , PETRIKOW , PE-
TRICO VIE , ou PIELTRICOVV , ( Gécg.
moderne. ) petite ville de Pologne dans la
partie orientale du palatinar de Siradie ,
près de la Pileza , à i6 lieues au nord de
Cracovie. Longit. 37 , 32, ; latit. 52 , îS,
(D.J.)
PETERMANGEN, ( Commerce.)
petite monnoie d'Allemagne, qui fe frappe
dans l'éledtorat de Trêves , & fur laquelle
on voit l'image de l'apôtre laint Pierre ;
elle vaut cinq kreutzers. Voye^ Kreut-
PÉTEROLLE , f f . ( Artificier. ) C'eft
le petit artifice des écoliers , fait avec un
peu de poudre renfermée dans une feuille
de papier repliée de plufieurs plis , pour
tirer plufieurs coups de fuite.
PETERSBOURG , ( G^og. moderne. )
La plus nouvelle & la plus belle ville de
l'empire de Rulïie , bâtie par le czar Pierre ,
en 170^ , à l'orient du golfe de Finlande,
& à la jondion de la Neva 5c du lac de
Ladoga.
Pé:erJbourg , capitale de l'Ingrie , s'é-
leve fiir le golfe de Cronftadt , au milieu
Zzz
S
54^ PET
de neuf bras de rivières qui divifent Tes
quartiers i un château occupe le centre de
la ville dans une île formée par le grand
cours de la Neva ; fept canaux tirés des
rivières , baignent les murs du palais , ceux
de Tamirauté , du chantier , des galères ,
& de quelques manufadures. On compte
aujourd'hui dans cette ville trois cents mille
âmes , trente -cinq églifcs ; &c parmi ces
églifes il y en a cinq pour les étrangers ,
foit catholiques- romains , foit réformés,
foit luthériens : ce font cinq temples élevés à
la tolérance j & autant d'exemples donnés
aux autres nations.
'Les deux principaux palais font l'ancien
palais d'été , fituc fur la rivière de Neva ,
Ôc le nouveau palais d'été près de la porte
triomphale ; les bâtimens élevés pour l'ami-
rauté , pour le corps des cadets , pour les col-
lèges impériaux , pour l'académie des fcien-
ces , la bourfe , le maga/in des marchan-
difes j celui des galères , font autant de
ifionumens uriles. La maifon de la police,
celle de la pharmacie puWique , où tous les
vafes font de porcelaine ; le magafin pour
la cour , la fonderie , Parfenal , les ponts ,
les plans , les caferncs , pour la garde à
cheval , & pour les gardes à pies , contri-
buent à l'embelliflemcnt de la ville , autant
qu'à fa sûreté.
Mais une chofe étonnante , c'eft qu'elle
ait été élevée dans l'efpace de iix mois , &
dans le fort de la guerre. La difficulté du
terrain qu'il fallut raffermir , l*éloignement
des fcGours , les obftacles imprévus qui
renaifloient à chaque pas en tout genre de
travail , enfin les maladies épidémiqucs qui
enlevoient un nombre prodigieux de ma-
nœuvres , rien ne découragea le fondateur.
Ce n'croit à la vérité qu'un aflèmblage de
cabanes avec deux maifons de briques ,
entourées de remparts ; la confiance ôc le
temps ont fait le refle.
Il n'efl pas mains furprenant que, ce foit
dans un terrain défert & marécageux , qui
communique à la terre ferme par un leul
chemin , que le czar Pierre ait élevé Péters-
bburg y atrurément il ne pouvoir choifir
une plus mauvaife pofition.
Quoique cette ville paroifïè d'abord une
«îes belles villes de l'Europe , on eft bien
déAbufc quand ou la voit de près. Outre
PET
le terrain bas Se marécageux , une forêt im-
menfe l'environne de toutes parts ; & dans
cette forêt , tout y efl: mort Se inanimé.
Les matériaux des édifices (ont très -peu
fohdes , & l'architedrure en eft bâtarde.
Les palais des boyards ou grands feigncurs ,
font de mauvais goût , mal conftruits &c
mal entretenus. Quelqu'un a dit que par^
tout ailleurs , les ruines fe font d'elles-
mêmes , mais qu'on les fait à Pétersbourg.
Les habirans voient relever leurs maifons
plus d'une fois en leur vie , parce que les
fondemens ne fout pas durables faute de
piloris.
Ajoutez que cette ville ôc le port de
Croniladt , font en général des places peu
convenables pour la flotte , qui eût été
beaucoup mieux à Revel. L'eau douce de
la Neva fait pourrir les vaifleaux en peu
d'années. La glace qui ne leur permet de
fortir que fort tard dans la faiion , les oblige
de rentrer bientôt , & les expofe à beau-
coup de dangers. Lors mêm^e que la glace
eft fondue , les vailîeaux ne peuvent (ortir
que par un vent d'cù j ôc dans ces m.ers ,
il ne règne prefque que des vents d'ouefi:
pendant tout l'été.
Enfin , les bâtimens ne peuvent être
conduits des chantiers de Pctcrsbourg à
Cronfbadt qu'après bien des périls , & avec
des frais très - coûteux ; mais le czar fc
plaifoit à vaincre les difliculrés , 6c à forcer
la nature. Il vouloir avoir de gros vaif-
feaux, quoique les mers pour lefquelles ils
étoient deflinés n'y fufiént pas propres : il
vouloir avoir ces vaifTeaux près de la ca-
pitale qu'il élevoit. On pouvoir appliquer
à fa flotte. & à fa ville , ce qui a été dit
de Ve'rrailles : votre flotte Se votre ville
"ne feront jamais que des favoris fans
mérite.
-Le bois de confcruâiion qu'on emploie
pour les vaifTeaux de Pétersbourg ,- vient
du royaume de Cafan par les rivières , les
lacs Se les canaux , qui forment la commu-
nication de la Baltique avec la mer Caf-
pienne!: ce bois demeure deux étés en che-
min , & ne fe bonifie pas dans le trajet.
Tout mal fitué qu'efl Pétersbourg , il a
bien fallu que cette ville devînt le fiege
du commerce de la Rufïîe , dès qu'une
fois le fouverain en a iait la capitale dt
PET
Ton empire. Les marchandifes de cet empire
confiitent en pelleteries, chanvres, cendres,
poix , lin , bois , favon , fer ôc rhubarbe.
On y voit arriver annuellement 80 à 90
vailleaux anglois , 3c la balance du com-
merce des deux nations eft en faveur de la
Rulîïe , d'environ cinquante mille livres
fterlings. Les vai{reaux hoUandois ne paf-
fem pas poar l'ordinaire par les ports de la
Neva ou de Riga. La balance eil à-peu-
près égale entre les deux peuples. Le com-
merce avec la Suéde eft prefque entière-
ment à l'avantage des Ruflès , aulîî-bien
que celui qu^'ils font avec les Polonois.
Mais Pétersbourg fait des emplettes très-
confidérables des marchandifes françoifes,
qui fervent à nourrir le luxe de cette cour ■■,
8c l'on peut compter que les P.ufles , pau-
vres en argent , y dépenfent plus que le
profit qu'ils font fur l'Angleterre. Il fau-
droir en RulIïc des loix fomptuaircs , bien
obiervées , qui miflent des bornes à ce
genre de frénéfie , d'autant plus ridicule ,
que dans un pays fi froid , il n'y a que le
îuxe en pelleteries de l'empire, qui y con-
vienne.
Pour comprendre l'âpreté des hivers qui
régnent dans cette ville , il fuffit de dire
que le froid du 27 janvier 1733, obfervé
par M. de Lifle à Pétersbourg , fit def-,
cendre le mercure de fon thermomètre ,
au degré qui répond au 27, au-de(Tbus de
la congélation dans celui de M. de Réau-
mur. En 1748 le froid fut encore plus
grand ; le mercure defcendit au degré qui
répond au 30 de-celui de M. de Réaumur.
Si l'on confidere que le froid de 1709 n'a
fait defcendre le thermomètre de M. de
Réaumur qu'à 1 5 degrés & demi , on ju-
gera fans peine de la rigueur des froids de
Pétersbourg.
Cette ville a deux autres grands incon-
vénicns , les inondations qui y caufent de
temps en temps de grands ravages , ôc les
incendies fréquens , qui ne font pas moins
redoutables , parce que la plus grande par-
tie des maifons font bâties en bois. L'in-
cendie de 1737 confuma un tiers de Péters-
bcurg.
Pétersbourg eft à environ 220 lieues
jiord-oueft de Mofcow , 310 nord-cft de
PET 547
Vienne , 210 nord-eft de Copenhague,
130 nord-eft de Stockolm. Longit. fuivanc
Caffini , 47. 52 . lat. 30. 60. Long, (uivant
de Lifle , 48. i . lat. 55. 57.
Cette ville doit en partie l'éclat dont elle
jouit à Pierre L
A. N. Pierre I , furnommé le Grand ,
né en 1 674 , d'Alexis Michaelowiti^ , czar
de Mofcovie , fut mis fur le trône après la
mort de fon frère aine Fedor , au pré-
judice de Jean fon autre frère ,^ dont la
fanté étoit aufïi foible que rejprit. Les
Strélitz excités par la princefl'e Sophie ,
qui efpéroit plus d'autorité (ous Jean (oa
frère , fe révoltèrent en. faveur de celui-
ci , ic pour éteindre la guerre civile , il
fut réglé que les deux frères régneroient
enfemble. L'inclination du czar Pierre
pour les exercices militaires , fe déve-
loppa de bonne heure. Pour rétablir la
difcipline dans les troupes de Ruiïie , il
voulut donner à la fois la leçon & l'exem-
ple ; il fe mit tambour dans la compagnie
de Lefort , Genevois qui l'aida beau-
coup à policer fes états. Il battit quelque
temps la cailTe , Se ne voulut être avancé
à des grades plus hauts qu'après Pavoir
mérité. En veillant fur le militaire , il
ne négligea pas les finances , & il penfa en
même temps à avoir une place qui fervîc
de rempart à fes états contre les Turcs.
Il s'empara d'Azoph, en 1695, & défen-
dit cette forterefle contre les infultes des
Tartares. Fierre méditoit dès-lors de faire
un voyage dans les différentes parties de
l'Europe , pour s'inftruire des loix , des
mœurs &: des arts. Après avoir parcouru
l'Allemagne , il palTa en Hollande & fe
rendit à Amflerdam & enfuite à Saardam ,
village fameux par fes chantiers & par fes
magafins. Le czar déguifc fe mit parmi
les ouvriers , prenant leurs inftrudtons ,
mettant la main à l'œuvre , & fe faifann
palier pour un homme qui vouloir appren-
dre quelque métier ; il étoit des premiers
au travail. Il fit lui-même un mât d'avant ,
qui fe démontoit en deux pièces , & qu'il
plaça fur une barque qu'il avoir achetée &:
dont il fe fervoit pour aller à Amfterdam.
Il conftruifit aufîi un lit de bois & un
bain. Ce prince fe fit enrôler parmi les
charpentiers de la compagnie des Indes,
Zzz 2.
Wki-
548 PET
fous le nom de Baafpetter , c*eft-à-cîirc,
Maitre-Pierre. Ses compagnons l'appel -
loienc ainfi. Un homme de Saardam , qui
étoit en Mofcovie , écrivit à Ton père , &
découvrir par fa lettre le myftere qui cnve-
ioppoit le czar. Tous les ouvriers , inftruits
de fon rang , voulurent changer de ton ;
mais le monarque leur perfuada de conti-
nuer à l'appeller Maitre-Pierre. Le czar,
toujours amdu à louvrage , devint un des
plus habiles ouvriers & un des meilleurs
pilotes. Il apprit auili un peu de géomé-
rrie & quelques autres parties des mathé-
matiques. Pierre quitta la Hollande en
165)8 j pour palier en Angleterre. On lui
avoit préparé un hôtel magnifique , mais
il aima mieux fe placer près du chantier
du roi. Il y vécut comme à Saardam ,
s'inftruifant de tout , & n'oubliant rien
de ce qu'il apprenoit. Le roi d'Angleterre
lui donna le plaifir d'un combat naval à
la manière européenne j il n'étoit point
polïible de lui procurer une fête plus agréa-
ble. On rravailloit alors en Ruiïie à faire
un canal qui devoir , par le moyen des
éclufes , former une communication entre
le Don. & le Wolga. La jondion de ces
deux fleuves ouvroit aux Rufles le moyen
de trafiquer fur la mer Noire & en Perfe
par la mer Cafpienne. Pierre trouva en
Angleterre des ingénieurs propres à finir
ce grand ouvrage. Enfin Pierre partit de
Londres & fe rendit à Vienne , d'où il
fe difpofoit à palier en Italie 5 mais la nou-
velle d'une fédition l'obligea de renoncer
à fon voyage. C'étoit encore la princclle
Sophie qui l'avoir excitée du fond de fon
cloître. Le czar la calma à force de tor-
tures & de fupplices. Il coupa lui-même
la tête à beaucoup de criminels. La plu-
part des Strélitz furent décimés ou en-
voyés en Sibérie , en forte que ces trou-
pes 5 qui femblables aux Janiffaircs , fâi-
foicnt trembler la Rulïie & le czar lui-
même , furent dilîipées & prefque entière-
ment détruites. Le czar inftitua vers ce
temps-là l'ordre de faint André pour ré-
pandre l'émulation parmi fes gentilshom-
mes. Les Rufies penfoient que Dieu avoit
créé le monde en feptembre , & c'étoit
par ce mois qu'ils commençoient l'an-
née. Mais le czar déclara que l'on dateroic
PET
à l'avenir le commencement de l'année
du mois de janvier 5 il confacra cette
réforme au commencement de ce fiecle
par un grand jubilé qu'il indiqua & qu^il
célébra en qualité de chef de la religion.
Une affaire plus importante l'occupoit.
Entraîné par les follicitations à'AuguJie ,
roi de Pologne , & par l'efpérance que
lui donnoit la jeuneflè de Charles XII ,
roi de Suéde , il déclara la guerre à ce
monarque. Les commencemens n'en fu-
rent pas heureux , mais fes défaites ne le
découragèrent point. Je fais lien , difoit-
il , que les Suédois nous battront long-'
temps ; mais enfin nous apprendrons à les
battre. Evitons les aclions générales avec
eux y & nous les affaiblirons par de petits
combats.
Ses efpcrances ne furent pas trompées ;
après de grands défavantages il remporta ,
en 1705) , devant Pultava , une viéloirc
complète. Il s'y montra aulTi grand capi-
taine que brave foldat , & il fit fentir à
fes ennemis combien fes troupes s'étoienc
inftruites avec eux. Une grande partie de
l'armée fuédoife fut prifonniere de guerre ,
& on vit un héros , tel que le roi de
Suéde , fugitif fur les terres de Turquie ,
& enfuite prefque captif à Bender. Le
czar fe crut digne alors de monter au
grade de heurenant-général. Il fit manger
à fa table les généraux faédois prifon-
niers , & un jour qu'il but à la famé de
fes maîtres dans l'art de la guerre , le
comte de Rhig.child , l'un des plus illuf-
très d'entre fes prifonniers , lui demanda
qui étoient ceux à qui il donnoit un fî
beau titre. Vous , dit-il , mejfieurs les
généraux. Votre majejlé e(î donc bien in-
grate f répliqua le comte , d'avoir fi mal
traité fes maîtres. Le czar , pour réparer
, en quelque façon cette glorieufe ingrati-
tude , fit rendre auiTi - tôt une épée à
chacun d'eux. Il les traita toujours comme
auroit fait le roi qu'ils auroient rendu
victorieux. Pierre profita du malheur 8c
de l'éloignement du roi de Suéde. Il
acheva de conquérir la Livonie de l'In-
gfie , & y joignit la Finlande Se une
partie de la Poméranie fuédoife. Il fur
plus en état que jamais de donner fes
foins à la ville de Pétersbourg dont il
PET
Venoit cîe jeter les fondemens. Cependant
hs Turcs , moins excités par Charles XII
que par leur propre intérêt , rompirent la
rreve qu'ils avoient faite avec le czar ,
qui eut le malheur de Ce laillèr enfermer ,
en 1711 , par leur armée , fur les bords
de la rivière de Pruth , dans un pofte
où il étoit perdu fans relTource. Au mi-
lieu de la confternation générale de fon
armée , la czarine Catherine , qui avoir
voulu le fuivrc , ofa feule imaginer un
expédient ; elle envoya négocier avec le
grand Viiir. On lui fit des projîolltions
de paix avanrageufes : il fe laifla tenter ,
ôc la prudence du czar acheva le refte.
En mémoire de cet événement , il voulut
que la czarine inftituâc Tordre de fainte
Catherine dont elle feroit chef , & où il
n'entreroit que des femmes.
Ses fuccès ayant produit la tranquillité
dans fes états , il fe prépara à recom-
mencer fes voyages. Il s'arrêta quelque
temps à Copenhague en 1 7 1 6 , où il s'oc-
cupa à vifiter les collèges , les académies ,
ies favans , & à examiner les cotes du
Danemarck & de la Suéde : il alla delà à
Hambourg , à Hanovre , à Wolfemburel,
toujours obfervant ; puis en Hollande , où
il parut avec toute fa dignité , & en
France en 17 17. Il fut reçu à Paris avec
les mêmes refpeds qu*ailleurs , mais avec
une galanterie qu'il ne pouvoit trouver
que chez les François. S'il alloit voir une
manufacture , &: qu'un ouvrage attirât plus
fes regards qu'un autre , on lui en faifoit
préfent le lendemain. Il alla diner à Petit-
bourg , chez M. le duc d*Antin , & la
première chofe qu'il vit fut fon portrait en
grand avec le même habit qu'il portoit.
Qiiand il alla voir la monnoie royale des
médailles , on en frappa devant lui de
toute efpece & on les lui préfenroit. Enfin
on en frappa une qu'on lailîà exprès
tomber à les pies , ôc qu'on lui lai (Ta
ramafler. Il s'y vit gravé d'une manière
parfaite avec ces mots : Pierre le
Grand. Le revers étoit une renommée ,
& la légende , Vires acguirit eundo ,
allégorie aulïi jufte que flatteufe pour un
prince qui augmentoit en effet fes mé-
rites par fes voyages. En voyant le tom-
beau du cardinal de Richelieu de la (latue
de ce minifcre , ouvrage digne de celui
qu'il reprelente , le cz;ir laillà paroître
un de ces tranfportî , & dit une de ces
chofes qui ne peuvent échapper qu'à ceux
qui font nés pour être de grands hommes ;
il monta fur le tombeau , erobraOk la
ftatue ; grand minijire , dit-il , que n'afl-tu
né de mon temps ? Je te donnerois la
moitié de mon empire pour m'apprendre
à gouverner l'autre. Le czar , après avoir
ainfi parcouru la France , où tout dif-
pofe les mœurs à la douceur & à l'indul-
gence , retourna dans fa patrie , & y
reprit fà févérité. Son fils lui ayant occa-
fioné du mécontentement , il lui fit faire
fon procès & les juges conclurent à la
mort. Le lendemain de l'arrêt , il eut
une attaque d'apoplexie qui Pemporta.
On raifonna beaucoup fur cet événement
funefte. Cependant il eft probable que le
prince Alexis , héritier de la plus va fie
monarchie du monde , condamné unani-
mement par les fujcts de ion père , qui
dévoient être un jour les fiens , put mourir
de la révolution que fit dans fon corps
un arrêt fi étrange. Le père alla voir
fon fils expirant , & on dit qu'il verfa
des larmes j mais malgré fes larmes , les
roues furent couvertes des membres rom-
pus des amis de fon fils. Il fit couper la tête
à fon propre beau- frerc 5 le comte Zapre-
chin , frère de fa femme , Oitokefa La-
prechin , qu'il avoit répudiée , & oncle
du prince Alexis. Le confefleur du prince
eut auffi la tête coupée. Si la Mofcovic
a été civilifée , il faut avouer que cette
politefTe lui a coijté cher. En 171 1 , il
conclut une paix glorieufe avec la Suéde ,
par laquelle on lui céda la Livonie , l'Ef-
tonie , l'Ingermanie , la moitié de la Ca-
relie &: de Vibourg. Les états de Ruffie
lui déférèrent alors le nom de grand ,
de père de la patrie & d'empereur. Le
refle de la vie du czar ne fut qu'une
fuite de fes grands defleins. On ne peut
que parcourir les différens établiflemens
que lui doit la Mofcovie , & feulement
les principaux. I. Une infanterie de 100
mille hommes , auflî belle ôc aufTi aguerrie
qu'il y en ait en Europe , dont une alïèz
grande partie des officiers font Mofcovites.
II. L^ne marine de 40 vailîèaux de hgne ,
5 50 PET
6 de 400 galères. III. Des fortifications ,
félon les dernières règles , à toutes les
places qui en méritent. IV, Une excellente
police dans les grandes villes , qui aupa-
ravant étoient auili dangereufes pendant
la nuit que les bois les plus écartés.
V. Une académie de marine & de navi-
gation , où routes les familles nobles font
obligées d'envoyer quelques-uns de leurs
enfans. VI. Des collèges à Moskow , à
Pétersbourg &c à Kiof , pour les langues ,
les belles - lettres &l les mathématiques ;
de petites écoles dans les villages , où
les enfans des payfans apprennent à lire
& à écrire. VII. Un collège de médecine ,
6c une belle apothicairerie publique à
Moskow , qui fournit de remèdes les gran-
des villes & les armées.
On vit s'elcver un grand nombre de
maifons régulières & commodes , quel-
ques palais , des bâtimens publics , &c
fur-tout une amirauté , qu'il n'a faite
aufïî fuperbe ôc aulïi magnifique , que
parce que ce n'eft pas un édifice deftiné
à une fimple oftentation de magnificence.
Ses armées ayant conquis prefque toute
la côte occidentale de la mer Cafpienne ,
en 1711 ôc 1725 j il fit lever le plan de
cette mer , Se grâce à ce philofophe con-
quérant , on en connut enfin la véritable
forme , fort différente de celle qu'on lui
donnoit communément. Il envoya à Paca-
démie des fciences de Paris , dont il étoit
membre honoraire , une carte de fa nou-
velle mer Cafpienne. Cependant Pierre
le grand fentoit fa fanté épuifée ; il étoit
attaqué depuis long-temps d'une rétention
d'urine qui lui caufoit des douleurs aiguës,
& qui l'emporta le z8 janvier 174 f , à
5 5 ans. On a cru , on a imprimé qu'il
avoir nomrné fon époufe , Catherine ,
héritière de l'empire par (on teftament ;
mais la vérité eft qu'il n'avoir point fait
de teftament , ou que du moins il n^cn
a jamais paru ; négligence bien étonnante
dans un légiflateur , & qui prouve qu'il
n'avoir pas cru fa maladie mortelle. Pierre
le grand fut regretté en Ru (fie de tous
ceux qu'il avoir formés , & la génération
qui fuivit celle des partifans dès anciennes
mœurs 5 le regarda bientôt comme (on père.
Quand les étrangers ont vu que tous
PET
ces établiffemens étoient durables , ils ont
eu pour lui une admiration conltante ,
&c ils ont avoué qu'il avoir été infpiré
plutôt par une fagefle extraordinaire , que
par Penvie de faire des chofes étonnantes ;
il a forcé la nature en tout , dans fes
fujets , dans lui-même , fur la terre & fur
les eaux : mais il Pa forcée pour l'embellir.
Les arts qu'il a tranfplaneés de fes mains
dans des pays dont piufieurs alors étoienc
fauyages , ont , en frudifiant , rendu té-
moignage à fon génie , & érernifé fa mé-
moire ; ils paroiflènt aujourd'hui origi-
naires des pays mcm.es où il les a portés.
Loix , police , politique , difcipline mili-
taire , marine , commerce , manufadlures ,
fciences, beaux-arts, tout s'efr perfeétionné
félon fes vues •■, &: par une fmgularité dont
il n'eft point d'exemple , ce font quatre
femmes montées après lui fucceiïivement
fur le trône , qui ont maintenu tout ce
qu'il acheva , & ont perfectionné tout ce
qu'il entreprir. Pierre le grand étoit d'une
taille haute ; il avoit l'air noble , la phy-
fîonomie fpirituelle , le regard rude ; il
étoit fujet à des efpeces de convulfions
qui altéroient quelquefois les rraits de fon
vifige : il s'exprimoit avec ficilité , &:
parloir avec feu j il étoit naturellement
éloquent: il haranguoit fouvent. Ce prince
dédaignoit & méprifoir le fafte , qui n'eut
fait qu'environner fa perfonne : c'étoit le
prince ikfe/2:^/^q^' fon favori , qu'il char-
geoit de le repréfenter par fa magnificence.
Jamais homme ne fut plus vif, plus labo-
rieux , plus enrreprenanr , plus infatigable.
Pierre étoit l'homme le plus (avant de
fon^empire i il parloir plufieurs langues ;
il étoit très-habile dans les mathémati-
ques & dans la géographie , il avoit appris
jufqu'à la chirurgie qu'il exerça en plufieurs
occafîons. Il aimoit les projets vaftes ; il
les fuivoit avec une ardeur incroyable ,
avec une conftance à toute épreuve : (on
ambition étoit pour ainfi dire de créer.
Quelques écrivains célèbres onr fait
à l'envi fon éloge , en nous le peignant
comme un des plus grands princes qui
.aient paru dans le [monde. Je me conte-
terai d'obferver , que s^il avoit de grandes
qualités du côté de l'efprit , il avoit audi
de grands défauts du côté du cœur. Quoi-
PET
au^il ait fait des chofes furprenantcs daiis '
jfès états , & qu'il ait parcouru le monde
pour apprendre mieux à régner , il n'a ja-
mais pu dépouiller une certaine férocité qui
conftituoit fon caractère , réprimer à pro-
pos les emportemens de fa colère , adoucir
Ta. févérité , ni modérer Ton derpotifme.
Il obligea les feigneurs de s'abfenter de
leurs terres , ce qui contribua à leur ruine ,
ôc à Taugmentation des taxes. Il dégrada
le fénat pour fe rendre plus abfolu , &
éloigna de fa confiance les perfonnes de
diftinction , pour l'accorder toute entière
à un prince Menzikoft , qui n'étoit d'ail-
leurs qu'un petit génie. Il corrompit les
mœurs de Tes fujcts , en encourageant la
célébration burlefque de ce qu'ils appel-
1 oient la Jlavlenie. En reculant Tes fron-
tières , il détourna les yeux de l'intérieur
de l'empire , fans coniidérer qu'il ne faifoit
que le ruiner davantage, il força les enfans
des meilleures familles , de faire, fans qu'ils
y fuflént propres , le fcrvice de foldats &
de matelors , tandis qu'il introduifoit à fa
cour tous les excès de luxe étranger , qui
n'ont fait qu'appauvrir fon pa^'S. Il tranf-
porta le commerce de l'empire , d'Ar-
changel à Pétersbourg , & la réiidence de
la cour du centre de fes états à une des
extrémités. Sa manière irréguliere def
vivre , & les débauches auxquelles il étoit
accoutumé dès fa jeunefle , abrégèrent fes
jours.
C'eft en vain qu'il a tâché de faire l'uni-
vers juge de fa conduite , en publiant la
raalheureufe hiftoire du prince Alexis , fon
fils i il n'a perfuadé perfonne qu'il n'avoic
rien à le reprocher à cet égard. Il ne par-
loir jamais à ce hls avec amitié ; & comme
il avoit entièrement négligé fon éducation ,
on doit lui attribuer en partie les écarts de
ce malheureux prince. ( Le Chevalier de
Jaucou ET. )
A. N. Pétersbourg efl: gouverné aujour-
d'hui par Catherine II , impératrice 8c au-
îocratice de toutes les Ruflies. Cette prin-
cefle étonnante eft toute occupée de faire ,
par la plus fage des légiOations , le bonheur
d un empire , dont fes conquêtes ont de
beaucoup augmenté la fplendeur. L'auteur
du poëme de l'éloquence , a dit de cette
augufte héioïiie :
PET
551
Oui y j'ai vu la victoire
Attacher à ton front le laurier de la
gloire ;
Sur les Jîots étcnnés ton fceptrè
florijfant ,
A fait pâlir Nérêe & trembler le
Crorjfant.
Des remparts de la Chine aux rives
du Bofphore ,
Tu fécondas les arts que Pierre fit
éclore ;
Et du dédain public tes Tarîares
vengés ,
Triomphent du fultan comme des
préjuges.
PETERSHAGEN , {Géog. mod.) petite
ville d'Allemagne , dans la province de
Minden en Weftphalie, à une lieue de Min-
den , fur le Weler. Long.zG. j6'. lut. ^%. zo,
PETER-VARADIN , ( Géog, mod. )
ou Pétri - Varadin , ou Peter - Wardein ,
Petri-Varadini fojfatum ; ville forte de la
badè-Hongrie , à i(» lieues N. O. de Bel-
grade , 6 E. d'Illok , dans le comté de Eo-
drog fur le Danube , vis-à-vis de Peter-
Vardin en Efclavonie. Elle eft grande &
fermée de murailles ; un évêque du rit grec
y tient fon iiege. C'eft une des places affi-
gnées pour demeure à la nation des Raitzes.
Elle appartient à la maifon d'Autriche. C'eft
près de Peter- Varadin^ que le prince Eu-
gène , en 1 7 1 6 , livra bataille au grand vifir
Ali , favori du fultan Achmet III , & rem-
porta la viétoire la plus fignalée. Long, ^j,
^4. /(2/. ^5-. i8.{D.J.) »
PETESI A , ( Botanique. ) Ce genre de
plante a pour caraélere une fleur monopé-
tale y en entonnoir arrondi j pofé fur un
calice en campane à quatre dents , avec
quatre étamines & un piftil refendu en deux
à l'extrémité , 8c dont l'ovaire devient une
baie à deux loges , remplie de pluiieurs fe-
mences. Linn. gen. pi. teîr. monog. On en
connoît deux efpeces qui font des arbuftes
de la Jamaïque. (D.)
PETEUSE , voyeiç^ Rosière.
PETKQR , ( Géog. ancienne. ) ville de
Méfopotamie , & d'où étoit natif le mau-
vais prophète Balaam. L'hébreu appelle
cette ville Pethura ou Pathura. Pcalomia^
ia uomme P^îtAor/z ^ &: Eufcbe Paihura;
5Î1 PET
il la place dans la haute Méfbpotamîe.
Nous croyons , dit dom Caimet , Diâion.
qu'elle étoic vers Thapfaque , au delà de
l'Euphrace. S. Jérôme, dans fa cradu<5tion
du livre des Nombres . c. xxij , v. 5 , a
omis ce nom ; il dit fimplement , vers
JBalaam , çui demeurait fur le Jleuve des
Ammonites, il lifoit autrement que nous
dans l'hébreu. Les Septante portent : A
Balaam , jils de Beov. Pathura , qui de-
meure fur le fleuve du pays de fon peupl .
(D.J.)
PETIGLIANO , ou PITIGLIANO ,
( Géogr. mod. ) petite ville d'Italie dans le
Siennois , aux confins du duché de Caftro.
Elle avoit autrefois les comtes particuliers ;
elle eft près de la rivière de Lente , à
quatre lieues S. E. de Soanna , 1 8 S. E. de
Sienne , 3. N. E. de Caftro. long, z^, %o.
Ut. 4Z. 5^. (D. J.)
PETIIIA , ( Gécgr. anc.) ville d'Italie
dans le Brutium , à l'entrée du golfe de
Tarente , mais dans les terres. Virgile en
attribue la fondation à Philodtete , com-
pagnon d'Hercule ôc roi de Melibéc en
Theflàlie , qui au retour du iiege de Troye
vint s'établir en Italie.
Il nous repréfente Petilie comme une
petite ville j elle étoit telle dans fa naif-
fance , mais elle fortit dans la fuite de cet
état de médiocrité , & fut regardée comme
la plus forte plaça de la Lucanie. Dans la
deuxième guerre punique, elle fut, comme
Sagonte , vi(Sfcime de fa fidélité envers les
Romains :
Infelixfldeiy miferceque fecunda Sagonto.
Sil. Ital. /. XII.
Petilie ëtoit bâtie dans un lieu appelle
aujourd'hui StrongoH , auprès du Noto ,
dans la Calabre ultérieure. Géogr. de Virg.
p.ziS.iC)
PETILIEN (le bois), ( Géogr. anc. )
Petelinus lucus. C'eft en ce lieu que Ca-
mille , au rapport de Plutarque in Camillo ,
tranfporta le tribunal lorfqu'il fe fut apperçu
de PefFet que la vue du capitole produilbit
fur les juges de Marcus Manlius Capito-
linus. Ce bois devoir être près de Rome ,
à la gauche du Tibre, puifque Tite-Live,
* /. VI , c. XX , le place hors la porte Flu-
menrane. {D. J.)
PET
PETILIENS , f. m. ( Hifl. eccUf ) nom
de feéle. Les petiliens , hérétiques dona-
tiftes , ainlî appelles de Petilianus , faux
évêque de Cyrrhe en Afrique , àc chef des
donatiftes , prétendoicnt que les bons ne
pouvoient être corrompus par les méchans,
& qu'un mauvais miniftre ne conféroit pas
validement un facrement.
PETILLER , v. n. ( Gramm. ) éclater
avec un petit bruit réitéré. On dit que le
Ce\ pétille fur le feu , que le vin pétille dans
le verre , ùc. Il (e prend au iîmple §c ait
figuré. Il pétille d'efprit.
PETILLIERES , f. f. Les gantiers -par-
fumeurs appellent ain(î un endroit dans La
peau moins frappé que le refte , où les po-
res font plus déiunis ôc bourfoufflés , pour
ainii parler.
PETIT , adj. ( Grammaire. ) corelatif
& oppofé de grand. Il n'y a rien qui ^oit
abfolument grand , rien qui foit ablo-
lumentpe/zV. L*éléphant eft grand à l'égard
de l'homme , qui pciit à Pégard de l élé-
phant , eft grand à l'égard de la mouche ,
qui petite à Tégard de l homme , eft grande
à l'égard du ciron. Ce mot a une infinité
d'acceptions différentes : on dit , un p^ti£
homme, un petit e'pace , un petit enfant,
de petites chofes , de petites idées , de petits
animaux , un petit gain , &€. Il fe prend ,
comme on voit , au fimple & au figuré. Il
femble queThomme fe foit établi la com-
mune mefure de tour ce qui l'environne :
ce qui eft au deftus de lui n'eft rien , & il
l'appelle grand ; ce qui eft au deflou&eft
moins que rien , & il l'appelle petit.
Petit, en Anatomie , nom de quelques
mufcles , ainfi appelles par comparaifbii
avec d'autres qui ont plus d'étendue , ÔC
font nommés grands. Fbj^iç^ Grand.
le petit [igomatique, Foye^ Z1G0MA-»
JIQVE.
le petit oblique. Vbye:^ Oblique.
le petit droit. Voye^ Droit.
le petit pectoral. Voye-^^ Pectoral,
le petit dentelé. Voye:^ Dentelé,
le petit rond. Voye-^ Rond.
le fQZxx. feffier. Foye:^ Fessier.
Petits bois des croifées à verre , ( Me
nuiferie. ) c'eft ce qui fait le rempliflage de«
croifées 3 ôc fert à porter les carreaux de
verre.
Petit
PET
Petit corps des marchands ,
terme de corporation. C'eft ainfi que les
trois premiers corps , qui font la draperie ,
l'épicerie & la mercerie , appellent les trois
derniers corps , qui font l'a pelleterie , la
bonneterie & l'orfèvrerie.
Ils fè fervent fans doute de ce terme
petit , non pas par rapport au nombre des
marchands dont ces trois derniers corps
font compofés ; car il eft: certain que
celui des bonnetiers & celui des orfèvres
font chacun féparément beaucoup plus nom-
breux que celui des drapiers , qui a cepen-
dant la préféance ; mais on les appelle />e-
tits-corps par rapport à leur rang.
AuiC l'ufage s'eft introduit infenfiblement,
que de quatre negocians qui entrent chaque
année dans le confulat , il y en a toujours
un de chacun des trois premiers corps ; &
à l'égard des trois derniers , à peine per-
met-on qu'il y en entre un de chaque corps
en trois ans, c'eft-à-dire un de l'un des
trois chaque année. Savary. (Z). /,)
Petit corps, {Sergetterie.) On
appelle ainfi dans la fèrgetterie de Beau-
vais , les fergers qui ne fabriquent que de
petites ferges , & de certaine qualité &
nature.
PetiT-GRIS , terme de Fourreur ^ nom
que l'on donne à une forte de riche four-
rure faite de peaux d'une efpece de rats ou
d'écureuils , dont le poil de l'échiné efl d'un
très-beau gris cendré , & celui de la queue
& du ventre d'un blanc tirant un peu fur
ie gris. Ces fortes de rats ou d'écureuils fe
trouvent communément dans les pays
froids , fur-tout dans la Sibérie , d'où les
Anglois & les Hollandois en tirent quan-
tité par la voie d'Archangel , de Hambourg
& de Lubeck.
Furetiere dit que le petitr-gris étcfit au-
trefois une fourrure précieufe queportoient
les dames & les grands feigneurs , & qu'il
étoit défendu aux courtilancs d'en avoir ;
préfentemcnt elle fe porte indifféremment
par toutes fortes de perfon»es qui veulent
en porter & en ont le moyen.
Le petit-gris dediné pour la Turquie ,
fe vend en Mofcovie par milliers de peaux
aflbrties , depuis n**. i jufqu'à n**. 4 , qui
vpnt toujours en diminuant de beauté &
de prix depuis le premier numéro jufqu'au
Terne XXV.
dernier. Les Turcs , particuhérement ceux
de Conf!antinople , en confomment une
prodigieule quantité pour leurs veftes , dont
ils en font onze d'un millier de peaux en-
tières ; favoir , cinq de l'échiné, qui efl le
plus beau & le plus cher , & fix du ventre ,
qui eft le moins eitiraé.
Prcfquetout le* petit-gris qui fe voit «n
France y efl envoyé ou de Hollande ou
d'Angleterre ; ce font à Paris les marchands
merciers & les pelletiers qui en font tout
le négoce. Les premiers le vendent en gros
au cent de peaux , & les'autres l'cmploienc
en fourrures , comme bas , manchons ,
aumuces , jupons , couvre-piés , manteaux-
de-lit, robes-de- chambre , vefles, juflau-
corps, &c.
On nomme auffi quelquefois , mais mal-
à-propos, petit-gris , les peaux de lapin ,
dont le poil eft un gris approchant de
celui du véritable petit gris ; quoique le
petit-gris de lapin s'emploie aux mêmes
ufages que le véritable petit-gris , il eft
cependant beaucoup moins eftimé. Savary.
[D. /.)
Petit-gris , {PlumaJJler.) fe dit en-
core d'une efpece de duvet ou petites plu-
mes qui fe tirent du ventre & du deffbus
des ailes de l'autruche. Ce petit-gris eft
regardé comme le rebut des autres plumes
de cet oifeau ,^ & par conféquent peu
eftimé : il fe vend au poids.
PETIT-JAN au tricluc , fe dit de
douze dames couvertes qu'un joueur a dans
la table où les autres font en piles. Quand.
ce jan vient par fimples , on le compte
pour quatre , & pour fix par doublets, &
pour huit par d^x moyens fimples > & '
douze par trois moyens , c'eft- à-dire quatre
par chaque moyen , fix par doublet ,•&
douze par deux.
Avant que de faire la café qui refte •
on aura foin de marquer toujours les points
qu'on gagne par le coup qui achevé le
petit-jaiiy qui arrive putôt par les dez
qui amènent quatre & trois , ou cinq &
deux , que par ceux qui amènent iix &
as. Il eft bon de ne point perdre ce petite.
jan autant qu'on le peut , d'autant plus
Ique chaque coup de dez qu'on jet*e on
gagne quatre points par fimples, & fix par.
doublets.
Aaa a
554 PET
PETIT-MAITRE, {Langue françoife .)
nom qu'on a donné à la jeuncffe ivre de
l'amour de foi-même , avanrageufe dans
fes propos , afïèdée dans Ces manières , &
recherchée dans fon ajuflemenr. Quelqu'un
a défini le petit-maître , un infede léger
qui brjile dans fa parure éphémère , papil-
lonne , & fecoue .fes ailes poudrées.
Le prince de Condé devenu riche &
puifTant , comblé de la gloire que Çqs fuc-
cès lui avoient acquife , étoit toujours fuivi
d*un nombreux cortège. Les jeunes fei-
gneurs de fa cour furent appelles^ jPma-
jfiaitres y parce qu'ils étoiept attachés à
celui qui paroilToit le maître de tous hs
autres.
Nos petits-maîtres y dit M. de Voltaire ,
font l'efpece la plus ridicule qui rampe
avec orgueil fur la furface de la terre.
Ajoutons que par-tout' où l'on tolère ces
fortes hommes , on y trouve aufîi des
femmes changeantes , vaines , capricieufes ,
întérelîees , amoureul^s de leur figure » ayant
enfin tous les caraderes de la corruption
àcs mœurs & de la décadence de l'amour.
Aufil le nom Aq petit-maître s'eft-il étendu
jufqu'au fexe taché des mêmes défauts ,
^ qu'on nomme petites-maîtrejfes.
Quand Rome allèrvic n'eut plus de part
aux affaires du gouvernement , elle regor-
gea de petits-maîtres & de*petites-maître(-
ïts , enfans du luxe , de l'oifiveté & de
la molleffe des Sybarites ; ils étoient fard
& cafîblette depuis la tcte jufqu'aux pies ;
c'eil un mot de Seneque : I<lofli illos
jui'enes y dit-il , epifl. ^5^ barbd Ù comd
> nitidos , de capfulâ totos. '
Mais j'aime finguHér^ent le trait qu'il
ci^ d'un petit-maitrc de Rome, qui ayant
été porté par les cfclaves du bain dans une
chaife-à-porteurs , trouva bon de leur
demander d'un ton que nous imaginons
entendre , s'il étoit ajjis , regardant comme
iiap chofè au di^ous de lui de favoir ce
qu'il faifoif. Il convient de tranfcrire ici
tout le pafTage en original. Audio quemdam
ex delicatis yjî modo deliciix vocandce funt^
l'itam & confuetudinem dedifcere _, ciimex
haliieo in ter manus elatus y Ù infellâ po-
Jitus'ejfetj dixijjet interrogando, jam fedco?
Nirnis humilis Ù contempti hominis ejje
f'idetur quidfaciat. iSeneque , de breyitate
PET
vitœ y c. xi). N*y auroit-il point de nos
•aimables qui euffent fait paroH à ce petite
maître romain ? Pour moi , je crois qu'oui.
^ PETIT-OLONE , ( Comm. de toile. )
c'ell le nom que l'on donne à une forte de
toile de chanvre écrue , propre 4 faire àts
voiles de navire , & d'autres'bâtimens de
mer.
Cette toile fe fabrique à Médrignac &:
aux environs de ce petit bourg de Bre-
tagne ; car il ne s'en tait point de cette e(^
pece dans la ville dX)lone en Poitou , quoi-
qu'elle en ait pris le nom , à caufe que ce
font Ic'j Olonois qui en firent les premiers
le négoce.
Ces ïortes de toiles , qui ont vingt pou-
ces de roi de largeur , le vendent à la pièce ,
qui contient ordinairement quatorze *à
quinze aunes , mefure de Paris. Dicl. de
comm. (D, J.)
PETIT-PERE , ^ {Hijf. monach.) c'eft
ainfi qu'on nomme à Paris la congrégation
des Auguflins-Déchauffes. La reine Mar-
guerite, petite-fille de François I \ts éta-
blit en 1^08 au Fauxbourg S. Germain. Le
P. Hilarion, Provençal , les établit Icpt ans
après à là porte de Montmartre , à l'endroit
qu'on appelle aujourd'hui le quartier S.
Jojeph. Il y loua une vieille petite maifon
avec un petit jardin , dont il compofa un
hofpice ; & ce fut la pauvreté & la peti-
tel'fe de cet établiîTemenr qui leur fit don-
ner le nom de Petits-Peres , qui eil un
nom de compaflion fur la mifere de cette
congrégation naiifante ; mais ils ne font
plus dans ce cas-là. Vbje\ Hermites
des Auguftins DéchâuJJes. {D. J.)
PETIT-TEINT , ( Teinturier. ) nom
que l'on donne en France à la commu-
nauté de cette forte de teinturiers qui n'em-
ploient que des drogues communes dans
les teintures , & qui ne peuvent auili tein-
dre que \cs moindres étoffes ; au contraire
àQS teinturiers du bon & grand teint, à
qui les bonnes étoiles font' rélèrvées , mais
qui auffi ne ab'wtnt fe fervir que des meil-
leures drogues ; c'eft au fujet du grand &
du petit-teint que les ordonnances de M.
Colbert ont grand befoin d'être reftifiées.
{D. 7.)
PETIT- VENISE , {Comm. de toite.)
nom que l'on donne à une efpece de linge
PET
ouvré , qui fe fabrique en BafTe-Norman-
die. Il y a aufil une autre forte de linge
ouvré , appellée rofette ou petite-vent fe ,
qui vient de Flandre.
PETITS-GUERRE , eH celle qui fe
fait par détachemens ou par partis , dont
l'objet efl d'éclairer les démarches de l'en-
îierai , d'obferver fes mouvemens , de l'in-
commoder ou le harceler dans toutes fès
opérations ,, de furpraidre {ts convois , éta-
blir des contributions , S'c. Les détache-
mens ou les partis qu'on envoie ainfi à la
guerre font compofés de troupes légères
& de troupes régulières , de cavalerie &
d'infanterie , plus ou moins nombreufes ,
fui van t les diftérentes chofès qu'ils doivent
exécuter. Cette guerre demande beaucoup
d'intelligence &de capacité dans les offi-
ciers qui en ont le commandement. Ils doi-
vent favoir diftinguer le fort & le foible
du camp & de la pofition de l'armée
ennemie , & juger des avantages que la
nature du terrain peut donner pour l'atta-
quer ou la furprcndre , foit dans là mar-
che ou dans les lieux où elle doit fourra-
ger. Il faut aufli qu'ils fâchent pénétrer \^s
deffeins de l'ennemi par fes mouvemens ,
&: qu'ils Tobiérvent affez exa(Sement pour
n'erre point trompés pai* de faulTès ma-
nœuvres , dont l'objet feroit ^tn impo-
1er & de furprendre l'armée qui lui efl
oppofée.
Des partis ou détachemens conduits par
des officiers habiles & expérimentés font
abfolument nécefïârres pour la lûreré de
J 'armée. Un général peut par ce moyen
n'être Jamais fijrpris , parce qu'il eft tou-
jours intormé à temps de tous les mouve-
mens & de toutes les opérations de ion
fidverfaire. Il lui rend les communications
difficiles , de -même* que te tranfport des
vivres & àz^ munitions , & il trouve
le moyen d'étendre les contributions juf-
qu'à 30 , 40 , &: même 50 Heues de fon
camp. Par le moyen des partis , on aflure
aufli les marches de l'armée , & l'on em-
pêche l'ennemi de venir lefs troubler ou les
inquiéter.
Lorfqu'il ne s'agit que de favoir des nou-
velles de l'ennemi , les petits partis font
plus commodes que les grands, parce qu'ils
ont plus de facilité à fe cacher & à roder
PET
ny
avec moins d'inconvénient autour du camp
ennemi , attendu la célérité avec laquelle
ils peuvent s'en éloigner : ces petits partis
doivent être de cavalerie. M. le maréchal
de Saxe ne Içs vouloir point au defîiis èit^
cinquante hommes. Ils doivent marcher par
\t% lieux les moins fréquentés & les plus
détournés , fe cacher ou s'embufquer dans
les bois & autres lieux fourrés de l'armée
ennemie , & tâcher de faire des prifon-
niers. Ceux qui commandent ces partis doi-
vent toujours ie ménager une retraite alî'u-
rée , tSi faire enforte de n'être point cou-
pés & enlevés. On partage fa troupe en
petits détachemens qui fe foutiennent les
uns &: les autres , de manière que fi \zs
premiers font enlevés , les autres puifleoc
?è retirer.
Lorfque les partis ou les détachemens
font deffinés à établir des contributions ,
& à forcer de petites villes , châteaux &
autres lieux' capables de quelque défenfe^
on \ç.% fait plus nombreux. Leur conduite
demande alors à-peu-près la même fcience
& la même intelligence que la guerre qui
fe fait entre les grandes armées. Il faut
vçiller avec d'autant plus de foin à la con-
fervation de fa troupe & à éviter les fur-
'prifes , qu'on fè trouve environné d'enne*-
mis de toutes parts; qu'il efl important de
brufquer les entreprifès que l'on fait , pour
ne pas donner le temps à l'ennemi de raP-
fèmbler des troupes pour s'y oppofer, &
qu'il faut' beaucoup de fermeté & une
grande connoiflance du pays pour éluder
toutes les difficultés que l'ennemi peut em-
ployer pour s'oppofbr à la retraite. (O)
PETIT-VIEUX , dans l'infanterie fraïi-
çoife efî une exprellion bizarre , qui fer t à
diflinguer les fîx régimens qui fuivent les
vieux corps. Par ces régimens , ceux de
la Tour-du-Pin , Boarbonnois & j\u-
vergnc roulent enfemble de la même ma-
nière que le font Champagne , Navarxe &
Piémont. V. RÉGIMENT. (Ç)
PETITESSE , f. f. ( Gramm, ) voyei^
H article PETIT. On dit h petite£e de la
taille , & hpetitejje de l'eiprit. La petitej/e
de l'efprit eft bien voiiine de la méchan-
ceté. Il n'y a prefqu'aucun vice qu'elle n'ac-
compagne , l'avarice , l'intolérance , 2s
faaatifme , &c,
• Aaâa 2.
<<6 PET
PÉTITION, r. f. {Junfpmd.) fignifîe ^
demande ; ce terme eft fur-tout ufité en
matière d'hérédité ; par exemple , on dit
que l'avion en pétition d'hérédité dure
trente ans.
Pétition de principes -, c'eft lorfqu'on
fonde fes demandes fur de prétendus prin-
cipes qui ne font point accordés. VoycT^ ci-
après Pluspétition.
PÉTITOIRE,f.m. (Juri/prud.) c'eû
h contelbtion au fond fur le droit qui efl.
prétendu refpedivement par deux parties
-à un héritage , ou droit réel , ou à un
bénéfice. • ^
Le. p/xitoire efl: oppofé au pojfejjoire ,
lequel le juge parla pofleflion d'an &jour,
-au lieu que le pétitoire fe juge par le mé-
rite du fond fur les titres &: la polTeiiîon
immémoriale.
L'action p^î/VozVi? ou 2U pétitoire ne peut
être intentée par celui contre lequel la
complainte ou réinrégrande '^ été jugée ,
qu'après la ceflation du trouble , & que le
demandeur a été rétabli avec reflitution de
fruits , & qu'il n'ait été payé des dommages
.& intérêts , s'il lui en a été adjugé.
S'il efl en demeure de faire taxer les
dépens & liquider les fruits, dans le temps
ordonné ,, l'autre partie peut pourfuivre le*
pétitoire y en donnant caution de payer le
tout , après la taxe & liquidation conforr
îTiémcnt à l'article z> du tit, XVII de
l'ordon. de 1667.
Uartide v du même titre porte que les
demandes en complainte ou réintégrand;.
ne pourront jêrre jointes ^'apétitoiu yvixXt
pétitoire pourfuiv.i , que le pofTefToire n'ait
été terminé & la condamnation exécutée ;
ce même article défend d'obtenir des let-
tres pour cumuler le pétitoire avec.le pof-
fèffoire.
En matière de régale ,Ja cour connoît
du pétitoire au lieu que dans les autres
cas. les juges, féculiers ne prononcent que
fur le polfelToire ,' mai« cela revient au
même; car quand le juge royal a main-
tenu en pofTeiîîon ,. comme le poiTelîbire
,€fl jiigé fur les titres , le juge d'églife ne
peut plus connoître du pétitoire. Voye^ ci-
jfranrCoMPLAiNTE, Maintenue, &
ciraprès PoSS'iiSSOmE, RÉINTÉGRAN-
PET
•PETIVERE , f ï.petii'eria , {Hifl. nat,.
Bot.) genre de plante , dont la fleur eft
compofée de quatre pétales difpofés pre(-
qu'en forme de croix. Il s'élève du fond
du calice un piftil, qui devient dans la fuite
un fruit découpé ou plutôt échancré à fa
partie fupérieure ; il reflemble à une be-
iace renverlée , & il renferme une femence
oblongue. Fk]vn\çr,noi'a plant, amer gêner.
Koj'f;^ Plante.
Voici les caraderes : fa fi«ur cû com-
pofée de quatre pétales , difpofés prefque
en forme de croix. Il s'élève du calice un
pifFil qui fe change en un fruit découpé à
fon fommet , & qui a la figure d'un bou-
clier renverfé ; ce fruit efl rempli de femen--
ces oblongues.
Cette plante efl très-commune à la Ja-
maïque , aux Barbades , & dans les autres
îles occidentales , où elle croît abondam-
ment dans tous les faillis. Comme elle con-
ferve long-temps fa verdure , elle attire les
befîiaux ; mais elle donne à leur lait une
odeur forte , défagréable , approchante de
celle de l'ail fauvage.
Le P. Plumier ayant découvert cette
plante en Amérique , lui donna le nom de
petii'ere pour honorer la mémoire de Cet
apothicaire & fameux botanifle Anglois.
On ne connoît qu'une feule efpece de cette
plante nommée , par le P. Plumier ,/>«■-
tiveria folanis foliis y loculis fpinojis-,
{D. J.)
PETONCLE, f. m. {Conchyliolog. )
pétongle dans quelques côtes de France y
en latin peciunculus , en Anglois cockles.
Coquille bivalve ^ de la famille des peignes»
Voye\ Peigne.,
Lifler cependant diflingue le pétoncle de
peigne; le pétoncle ^ dit-il , n'a point d'o-
.reille, mais comme iî y ^^w^xs pétoncles
qui en ont, fa difiinâion ne me paroît
pasjufîe. Voye\ cependant fon fyflêmefur
ce fujet au mot CoQUILLE»
Le pétoncle efl recherché pour le co-
quillage qui efl un des meilleurs de la mer ,
foit qu'on le rrftnge cuit , foit qu'on le
mange crud ; c'cfl auffi , je crois, de ce
coquillage dont parle Horace , quand il die
que " Tarente , féjour de la mollefîè , fe
« vante d'avoir les pétoncles les plus dé-^
» licats..
PET
'Bcàm'ihuspatulisjilclatfe moite Tarentum.
Sat.4. /. II.
Le peclen de Tarente efl celui que les
Italiens appellent romia , qui a deux co-
quilles cannelées &: ouvragées. La coquille
du pétoncle eft compofée de deux pièces ;
le ligament à reïïort qui les affembk & qui
feit à \ts ouvrir efl du côté du fomn^et. Quel-
que s/! fVonc/^j n'ont point d'oreilles , d'au-
tres en ont une ,& d'autres deux; il y en
a qui en difFércn-s endroits (ont armés de
petites pointes. La variété efl aufG très-
grande dans la couleur de ces fortes de co-
quilles ; les unes font entièrement blarrches,
d'autres rouges, d'autres brunes , & d'au-
tres tirent fur le violet. Enfin on en voit
où toutes ces couleurs font diverfement
combinées.
Le poifTon de ctUt coquille efl un des
fileurs»de la mer, ayant la puifTance de
filer , c'efl-à-dire de former des fils comme
la moule ; mais ils font beaucoup plus courts
& plus groHiers ; on n'en peut tirer aucun
ufage ; ils ne fervent qu'à fixer le coquillage
à tout corps qui efl voilin , foit que ce foit
une pierre , un morceau de corad , ou quel-
que coquille.
Tous ces fils partent , comme ceux des
moules, d'un tronc commun; ils fortent
de la coquille àî^ns^lts péioncle s qui n'ont
qu'une oreille un peu au dclTous de cette
oreille. Pour prouver qu'il efl libre à ce
coquillage de s'attacher quand il lui plaît
avec fcs fils , il fuffit de dire que fouvent ,
après une tempête , on en trouve dans des
^endroits où l'on n'en trouvoit pas les jours
précédens, &: que cts coquilles qu'on trouve
font fouvent attachées à de grolîés pierres
immobiles.
On prouve de refle que ces coquillages
forment leurs fils de la même manière que
-les moules forment les leurs, en remarquant
qu'ils ont une filière afTez femblable à celle
de la moule, quoiqu'elle foit plus courte,
& qu'elle ait un canal plus large ; aufîi le
poifTon du /J^/o/ïc/f file des fils plus courts
.& plus gros que la moule. {D.J.)
^. PÉ-TONG , {Hijl, nat. Minéral.) les
jéfuités, mifïîonnaires à la Chine , difent
que l'on trouve dans la province de Yun-
Nan. une efpecc de. métal , appçllé pé-tong
PET „7
par If s Chiriois ; on ne nous apprend riea
Fur ce métal , finon qu'il efl blanc àfon in-
térieur , ainfi qu'a fon extérieur , &: .que
d'ailleurs il a beaucoup de rapport avec le
cuivre ordinaire. Peut-être cette fubfiance
n'cfl-elle qu'une pyrite arfenicale dont la
couleur efl blanche , mais elle n'a aucune
des propriétés du cuivre,
PETORRITUMJ. m. {Amiq.rom.)
char àcs anciens Romains à quatre roues.
On veut que fon nom foit grec œblien ,
iTîtofii , quatre , & qu'il palTà des Phcv
céens de Marfeille à Rome ; mais il y a plus
d'apparence qu'il efl purement gaulois \ pe-
ten-ridom fignifie encore aujourd'hui k
même chofe en flamand.
PETOVIO , {Géogr. anc.) on écrit ce
nom fort diverfement ; favoir , Petei'io y
Petai'io , Petobio y Pcetovium ^ Pœtevio'
& Pcetovio , ville de la haute Pannonie ^■
félon Tacite, hijh l. III. c.j. il dit que la'
treizième légion avoit fon quartier d^hiver à
Petovio. La pofition que l'itinéraire d'An-
tonin & la table de Peutftger. donnent à
cette place fait juger que c'efl aujourd'hui
h ville de Pétaw fur la Drave. (JD. /.)
PETRA , {Géogr. anc.) ce mot en grec
& en latin veut dire une roche , un rocher ■
ou une pierre. On l'a appliqué à difiereiis
lieu>;, à caufe de leur fituation fur un ro->-
cher , ou parce qu'ils étoient environnés" de
rochers , ou parce qu'ils avoient quelque'
autre rapport à un ou plufieurs rochers.
I*. Petra , ville capitale de l'Arabie Pé-
trée , autrefois capitale de ce qu'on appel-
loir V ancienne PaleJîine.Sr.rcxhon^liè.Xï^I
dit qu'elle étoit la métropole des Naba-
théens ; qu'elle étoit fituée dans une' plaine'
arrolée de fontaines , & toute environnée'
de rochers: enfin que les Minéens & les
Gerréens débitoienr leurs parfums aux ha-
bitans. Pline, lih. VI. c. axi'iij. en parle"
à^peu-prèsde même ; mais le géographe de
Nubie, nubiens y climat. III. pan. V af-
fure que la plupart des maifons de Petrtp
étoient creufées dans le roc.
2^ Petra , lieu de FElide. Paufanias ,,
/. VI. c. xxip. le place au voifinage de la'-
ville Elis , & dit que le fépulcre de Pyr--
rhon , fils de Piflocrate , étoit dans ce lieu.-
3°. Petra , rocher habité dans la Sog-^
diane. Quinte'-Curce,..//3. VILc :r/.. dit
558 PET
qu'Arimazes le défendoit avec trente mille
hommes armés.
4°. Petra , ville de la Colchide au pays
dcsLazicns. Cet endroit , ditProcope ,n'é-
toit autrefois qu'un village fans nom , fur
Je bord du Pont-Euxin ; mais il devint une
ville confidérablc fous l'empereur Juftinien
qui le fortifia & l'amplifia.
5**. Pstra y lieu clevë proche de Dyrra-
chium; cet endroit, fuivant Céfar , for-
moit une baie médiocre où les vaifîeaux
ctoicnt à l'abri de certains vents.
- 6*^. Petra ^ ville de Sicile, nommée par
Silius Jralicus Petnsa, Le nom des habitahs
éfoit Pe triai.
7°. Petra ^ ville de laPierie , félon Tite-
Livc, Iib. XXXIX. c. xxrj.
8°. Petra ., ville de la Médie , félon le
même Tire-Live , /. XL., c. x:xij.
9°. Petra Achabron , ville de la Galilée
" fupérieure félon Jofeph, de bel. l. II. c. xxv.
io°. Petra divifa y nom que donne le
premier livre des rois , c. xxij. v. z8.
au rocher , ou ^ la montagne du défert de
Mahon.
II**. Petra incifay lieu de Phénicie , au
voifinage de l'ancienne Tyr ; il éroic entre
Capharnaum & Dora , deux villes mari-
times. (D./.)
Petra y {Géogr. tnod.) ville de l'ile
de Métclin , qui n'étoit plus qu'un méchant
village avec un port , du temps de Tourne-
fort; lecnpitaine Hugues Creveliers avoir
piiié cette ville en 1676 , & en avoir em-
porté de grandes richelfes.
PETH»x\S , ( Ge'ogr. mod. ) nom mo-
derne du Pélion , montagne de Thefîhîie.
Voyei PÉLION. {D. J.)
PETR.EA , f. m. ( Hifl. nat. Botan. )
nom donné par Houllon à un genre de
plante , en l'honneur du lord Petre : en
voici les vrais caraâeres d'après LinniEus.
Le calice particulier de la fleur efl large ,
coloré , & compofé d'une feule feuille , di-
vifce en cinq legmens obtus &: déployés ;
ils iubfjflent avec le fruit ; la fleur tfl irré-
guliere , plus petite que le cahce , & tno-
nopérale ; les étâmines font quatre filets iné-
gaux en grandeur, mais tous cachés dans
le calice de la fieur ; les boffettcs des étâmi-
nes font fimples; le germe du piflil efî ovale;
le %le ^ft frmple & de la longueur des
PET
ëf aminés ; enfin le {{y\t du pirtil eft obtus,'
(D. J)
PETRE AU , f. m. {Jardinage.) eft le
peuple qui croît au pié des poiriers & pom-
miers , & qui fert à les replanter & à le»
produire.
PETREL, f. m. {Hifl. nat. Omitho^
log.) Pinçon de mer, oiseau de
TEMPÊTE , plautus minimus procellarius ,
Klein ; oifeau qui a fixpouces de longueur
depuis la pointe du bec jufqu'à l'extrémité
de la queue-, & un pié d'envergeure ; les
ailes étant pliées excedentde plus d'un pouce
le bout delà queue; le bec eft noir,& il a un
pouce de longueur ; les narines fe trouvent
placées dans un tubercule qui efl au milieu
de la pièce fupérieure du bec ; le fommet
de la tête & le dos font noirâtres ; il y a
fur le croupion une grande tache blanche ;
le ventre & les ailes ont une couleur moins
foncée que celle du dos ; la queue a un
pouce & demi de longueur, elle efl com-
pofée de douze plumes qui font toutes bru«
nés ; les pies & les jambes ont une cou-
leur brune folicée. On a donné au pétrel
le nom fïoifeaa de tempête y parce qu'il
vient fc c'acher derrière les vaifîeaux qui
font en mer lorfqu'on efl: menacé d'une
tempête. i/{/?. nat. des oi féaux parUcrham,
tom. III . Voyei OiSEAU.
PETREUX, en Anatomie y nom de
l'apophyfè pierreufe de l'os temporal ; on la
nomme aufli le rocher. V. TEMPORAL.
Les {\T\\s pétreux de la dure-mere font au
nombre de fix, trois de chaque c6té; un
antérieur fur l'angle antérieur du rocher ;
un moyen ou angulaire , Ihr l'angle poflëj
rieur fupérieur du rocher , & un inférieur.
Les deux inférieurs achèvent avec les finus
occipitaux , le finus circulaire autour du
grand trou occipital. Voye\ RoCHER.
PÉTRICHERIE , f. f. {Pêcherie.) terme
de marine qui fe dit de tout l'appareil qui fe
fait pour la pêche des morues , comme cha-
loupes , hameçons , couteaux , lignes , Ùc.
Les Bafques & les autres Terreneuviers qui
vont à cette pcche , ont emprunté ce mot
des Efpagnols qui appellent /'ffrfcAoj, un
équipage de grerre ou de chafTe.
PETRIFIANT, adj. {Phyfiq. ) une
chofe qui a la faculté de pétrifier ou de chan-
ger \qs corps en pierres, F<3xe;^PiERaiS»
PET
Les Phyficiens parlent d'un principe pf'-
trifiant^ d'un ei'prit pétrifiant , d'un lue pé-
trifiant. Les eaux ou {'ontâinQS pétrifiantes ,
font celles qui contenant des parties pierreu-
ses diflôutcs , & qui y nagent ^ les déporent
fur les bois, fur les feuilles , & fur d'autres
corps qu'on y plonge : de forte qu'après que
ces parties s'y font durcies en une efpece
de croûte , on regarde ordinairement ce qui
çn réfulte comme des pétrifications. Voye\
Fontaine', Pétrification.
PETRIFICATION, f. L {Hifl. nat.
Minéralogie. ) c'cil: une opération de la na-
ture^ par laquelle un corps du règne végé-
tal , ou du règne animal , eft: converti en
pierre , en confervant toujours la forme
qu'il avoit auparavant, n
Toutes les pierres ne font formées que-
par la réunion de molécules terreufes qui
ont été ou diflbutes, ou détrempées dans de
l'eau , voye\ V article PlERRES. C'eft donc
aux eaux feules qne l'on doit attribuer la
pétrification; alnfi il s'agit d'examiner de
quelle manière cette opération fe fait. Nous
prendrons pour exemple le bois ; & nous
allons confidérer comment cette fubflance ,
dont le tiilu efl: lâche en comparaifon de
celui des pierres, peut devenir un corps dur,
pefant & compade, fans rien perdre de
fa forme.
Le bois , fuivant les analyfes , efl com-
pofé ; I®. d'une terre qui lui fert de bafe ,
ainli qu'à tous les corps de la nature; 2,0. d'u-
ne portion d'eau qui entre dans fa combi-
najfon; 3^. d'une juoflancc que l'on nomme
eoctraclive , qui efl ou une gopxime , ou uns
réfine , ou qui efU'une & l'autre à la fois ;
4*^. d'une fubdance laline , qui efl tantôt de
la nature du vitriol, tantôt de celle du ni-
tre, tantôt de celle du iel marin. Le bois
art formé par l'alfemblage d'un amas de
filets ou de fibres , qui font aurai-.t de tuyaux
qui donnent pàffage à la fève , & il cft rem-
pli de pores qui vont du centre à la circon-
férence. Lorlqu'un morceau de bois efl
enfoui en terre, il ne tarde point à être
pénétré par l'eau ; ce fluide en s'infinuant
par fes pores & fcs fibres , diiîbut peu-à-
peu les fubflances dont il efl le diflblvant ,
telles que les parties falines,les parties gom-
meufes , &c. & s'unit avec feau qui étoit
déjà contenue dans le bois , & qui faifoit
PET
5 55?
partie de fa combinaifon; par ce moyen
il fe fait une décompofition du bois y fes
parties fe détachent les unes des autres; les
pores & les tuyaux fe dilatent &c s'agran-
dilîènt , f eau y entre comme dans wnc
éponge. Quoique privé de plufieurs de fes
principes ,. le bois confcrvc fon liffu & fa
forme ; il lui relie encore la terre qui lui
fert de bafe. En eflfet lorfqu'on brûle une
plante avec précaution , c'efl-à-dirc en la
garantiffant du vent , il rcfle une cendre
qui efl pour ainfi dire le fquelette de la
plante ; & cette cendre n'*eil autre chofc
que la terre &: la partie falinede cette même
plante. L'eau en circulant fans celfe dans
ces fibres ou tuyaux vidés , y dépofe peu-
à-peu les molécules terreufes dont elle-
même efl chargée ; ces molécules fe com-
binent avec celles qui entroient dans la
combinaifon du bois , elles s'y moulent ,
elles rempliffent , & à l'aide de l'évapo-
ration , ces molécules accumulées fe lient
les unes avec les aufres , & le bois changé
en pierre confervc la même force qu'il
avoit auparavant. Alors le "bois devient une
mafle de pierre qui efl ou calcaire, ou argî-
leufe , ou de la nature dii csillou & de
l'agate, fuivant la nature des molécules ter-
reufes que les eaux ont ou diffoutes, ou
détrempées, & qu'elles ont charriées &:
dépofées dans les fibres du bois.
Pour que cette opération fe faflê , il efl
ailé de concevoir qu'il faut que la terre
dans laquelle efl renfermé le corps qui doit
fe pétrifier , nç foit ni trop feche , ni trop
humide. Trop d'eau pourriroit le bois trop
promptement , & le réduiroit en terre ,
avant que les molécules euffcnt eu le temps
de fe dijpofcr peu-à-peu , & de fe lier les
unes aux autres. D'un aune côté , un.ter-
rtim trop fec ne fourniroic point l'eau qui ,
comme on a vu , efl ablolument nccefîàire
à la pétrification. L'eau ne doit point êtr€
en mouvement , pf.rce- qu'elle ne pourroic
point dépofer les molécules dont elle efl
chargée. Enfin il faut que le corps qui doit
fe pétrifier , foit garanti du contad de l'air
extérieur , dont le mouvement trop violent
nuiroit au travail de la nature.
Quelques perfonnes n'admettent point
de pétrification véritable ; elles paroilîsnt
tonder l^r fentiment fur une djfpute de
m
5^0* PET
mots. Il eu bien certain que toutes les
parties du bois ne font point converties
en pierre , il n'y a que celles qui font ter-
reuîès qui foicnt propres à entrer dans la
nouvelle combinaiibn quife produit. Quant
aux* au très principes , après avoir été chaf-
ies , ils font remplacés par les molécules
que les eaux dépofènt : c'efi: ce remplace-
ment que l'on appelle pétrification. Dans
ce fens , il y auroit de l'abfurdité à nier
l'exiflence des pétrifications. En effet , on
a trouvé en plufieurs endroits de la terre ,
des arbres entiers pétrifiés , avec leurs bran-
ches & leurs racines. On appercevoit en les
coupant, les cercles annuels de leur croif-
fance ; on en a des morceaux fur leiquels
on voit difiindement qu'ils ont été ron-
gés par les vers ; d'autres portent des
marques vilibles de la coignée & de la fcie.
Enfin , ce qui doit fermer la bouche à l'in-
crédulité , on a trouvé , quoique rarement ,
des morceaux de bois dont une portion
étoit encore dans l'état d'un bois véritable
& propre à brûler, tandis qu'une autre por-
tion étoit changée en agate , ou en une
pierre d'une autre efpece.
Ce qui vient d'être dit du bois peut
s'appliquer aux parties des animaux qui fe
pétrifient. Les animaux ont, ainfi que les
végétaux , une terre .qui leur fert de bafe;
e'eil cette terre qui forme leurs os , les
coquilles ; ils contiennent encore àes parties
falines & aqueufes ; ils font remplis de
fibres £v de pores qui peuvent admettre
les eaux de la terre; ces eaux peuvent
dépofer dans les pores &: interftices de
ces fubfcances animales , les molécules ter-
reufes dont elles font chargées , & qui s'y
durcilfent peu-à-peu. Les llibflances ani-
males qu'on trouve le plus ordinairement
pétrifiées , font les coquilles , les madré-
pores , les offemens de poifîons ; cela eïl
.adez naturel , vu que ces fubftances ont
déjà par elles-mêmes beraicoup d'analogie
>iveç les pierres , étant compofées pour la
plus grande partie , de molécules terreufès
■& calcaires. A j'égard des parties gralfes
& charnues des animaux, elles font d'un
tifiu trop lâche , & trop fujettes à la pour-
riture , pour pouvoir donner le temps aux
eaux de dépofer la matière lippidifique dans
leurs fibres.
PET
Quant aux p/m^c-arioni' des quadrupè-
des , elles doivent être très-rares , fi tant
efl qu'il en exifte ; on trouve affez fouvent
leurs oflcmens enfouis en terre , mais ils
ne font point pétrifiés pour cela ; on doit
fur-tout regarder comme très-incertain ce
qui a été rapporté par quelques auteurs ,
d'un cadavre humain pétrifié que l'on dit
avoir ete trouve en
la ville d'Aix en P
583 aux environs de
rovence : on peut en
dire autant des hommes pétrifiés que • l'on
prétend avoir été trouvés dans une mon-
tagne de la Suifle ; ces hommes , dit-on ,
tailoient partie de l'équipage d'un vaiilêau
qui fut trouvé avec fès agrès au même
endroit. Ces faits iont aufii fabuleux que
la prétendue ville de Bidoblo en Afrique ,
dont on nous cdbte que tous les habitans
ont été pétrifiés. Le merveilleux de cette
hiiloire difparoîtra fi l'on fait attention
que fouvent les voyageurs qui pafîent dans
les endroits fablonneux de l'Arabie & de la
Lybie, font tout d'un coup enfevelis fous
des montagnes de fable que le vent élevé ;
quelques fiecles après on rétrouve les cada-
vres durcis & defféchés , événement qui
a pu arriver aux habitans de la ville de
Bidoblo.
Un grand nombre d'auteurs nous parlent
d'offemensde quadrupèdes péfrifiés ; cepen-
dant , en regardant la chofe de près , on
trouvera que r-ien n'efl moins décidé que
leur exiftence , & l'on verra que les ofîè-
mens des quadrupèdes que l'on rencontre
en terre, font ou dans leur état naturel ou
fimplcment rongés & calcinés. Voye^ les
articles OSSEMENS FOSSILES , IvOIRE
FOSSILE , Ùc. Cependant il peut fe faire
que ces os , par leur féjour dans la terre ,
aient acquis une dureté beaucoup plus
grande qu'ils n'avoient auparavant ; mais
cela n'autorife point à les mettre au rang
des pétrifications.
On a aufii raifon de fe défier àes pré-
tendus oifèaux pétrifiés avec leurs œufs ,
que l'on affure fe trouver au pays de Heiîê,
dans le Wefi:erwald ,dans une montagne
appellée Vogelsberg. On doit porter le
même jugement des crapaux , àes lézards ,
& mênie des ferpens pétrifiés qui fè font
quelquefois trouvés en terre ; quajit aux
fçrpens , il y a lieu de foupjronner que
des
PET
cîçf? gens peu tnffruirs auront pu erre trom- '
pé.s pc.r des cornes d'ammon , qui refîcm-
blent afïêz à un lèrpent entortillé.
La chofe ert beaucoup plus certaine pour
les animaux marins, & l'on eft afTuré qu'il
s'en trouve de pétrifiés ; près des villages
de Mary & de Lify , dans le voifinage de
Meaux , on trouve une grande quantité de
crabes pétrifiés ; on rencontre entre plu-
fieurs autres endroits des dents & des palais
de poiflons pétrifiés , Ùc. au point de don-
ner des étincelles lorfqu'on les frappe avec
un briquet. Telles font les pierres que l'on
nomme crapaudines , glojjopetres , &t. V.
ces articles. Les belemnites , les cornes
d'ammon , les ourfins ou échinites , & un
grand nombre de coquilles & de litophytes
font fouvent véritablement pétrifiés ; on en
voit qui font entièrement changés en cail-
loux ou en agate ; d'autres ont fervi de
moule à la matière lapidifique qui a été
reçue dans l'î^ntérieur de et?, corps ; mais
ce feroit fe tromper que de mettre tous
les corps marins qui le trouvent dans le
(éin de la terre 'au rang des pétrifications;
quelques-uns de ces corps n'ont éprouvé
aucune altération , d'autres ont été fimple-
ment rongés , ont perdu leur liaifon , ce
qui ne peut palTer pour un changement en
pierre ; d'où l'on voit qne l'on ne doit pas
donner indiftindement le nom de pétrifica-
tion à toutes les coquilles ou corps marins
qui fe trouvent enfouis dans les couches de
la terre. Voye\ l'article FoSSILLE. Lorf-
qu'on veut parler avec exaditude , il feroit à
propos de diftinguer même les pierres qui
font venues fe mouler dans l'intérieur des
coquilles ou des corps marins , des vraies
pétrifications. En effet , on voit fouvent
des pierres ainfi formées ou moulées , qui
font encore enveloppées de la coquille qui
a fervi de moule à la matière lapidifique ;
la coquille elle-même n'a point été chan-
gée , elle eft fouvent dans fon état naturel.
Il ne faut point croire non plus que l'ani-
mal qui logeoit dans ces coquilles ait été
converti en pierre ; tout ce qu'on peut dire ,
c'eft que le fuc pierreux efî venu ocfliper
la place de l'animal.
Ce feroit encore fe tromper que de pren-
dre pour une vraie pétrification les incruf-
tations ou croûtes pierreufes qui fe forment
Tome XXV.
PET <;6f
à l'entorr de quelques iiibilances qui ont.
féjourné quelque fe;-!Tps- au fond de certai-
nes eaux; les molécules terreufes conte-
nues dans ces eaux fe font dépofées fur
les feuilles ou les plantes , & les ont cou-
vertes d'un enduit qui s'eft durci & changé
en pierre , en confervant la forme du
corps fur lequel cts molécules fe font
dépofées , tandis que le corps lui - même
scïi pourri & a dilparu. Fby^^^ INCRUS-
TATION.
On ne doit pas non plus confondre avec
les pétrifications , les empreintes des végé-
taux ou des poiffons qui fe trouvent fur
quelques pierres ; la pierre qui porte ces
empreintes , étant dans un état de mol-
leflè , a pris la figure du corps qu'elle en-
veloppoit , elle s'eft durcie peu à peu , &
le corps qui a fait l'empreinte a fouvent
entièrement difparu. Voye'{ PhytOLITES
ù Typolites.
Enfin , on ne peut donner le nom de
pétrifications aux pierres à qui des circonf»
tances fortuites ont fait prendre dans le
fcin de la terre des formes bizarres , qui
peuvent quelquefois avoir de la refîera-
blancc avec des corps étrangers au règne'
minéral. Voye^ l'article Jeux DE LA.
NATURE.
Les vraies pétrifications font donc les
iubftances , foit animales , foir végétales ,
qui ont été pénétrées & imbibées du fuc
pierreux , qui eft venu remplacer les princi-
pes dont ces corps étoient originairement
compofés, fans changer leur flruâure &
leur tiffu. Une infinité d'exemples nou«
prouvent que la terre renferme des pétri-
fications de cette efpece ; elles portent fî
diftindement la forme du corps animal ou
végétal qu'elles étoient originairement ,
qu'il efl impoflible de s'y tromper ; c'efî
ainfi que nous avons un grand nombre de
bois pétrifiés. En Franche-Comté, près de
Salins , on a trouvé une afîèz grande
quantité de noix & de noifettes entière-
ment changées eh pierre. On a trouvé aulfi
des châtaignes , des pommes de pin & d'au-
tres fruits (èmblables véritablement pétri-
fiés ; mais il faut convenir que l'on voit
fouvent dans les colledions des curieux
des pierres que l'on veut faire paffer pour
des pétrifications , & qui ne font réeilçr
* ' jBbbb
5^2 PET
ment redevables de leur figure qu*à des
«fïèts du hazard.
Quelques naturaliftesont été très-curieux
de (avoir combien la nature employoit de
temps à la pétrification : ils ont cru que
cela pourroit faire connoîrre l'antiquité de
notre globe. L'empereur François I, aduel-
lement régnant , dont le goût pour l'hiftoire
naturelle eu connu de tout le monde ,
fît tirer du Danube un pilotis qui avoit
fervi à un pont que Trajan avoit fait bâtir
fur ce fleuve en Servie. Ce pilotis étoit
pétrifié tout autour à-peu-près d'un travers
de doigt d^épaifleur. Il paroît que cette
voie feroit très - peu fijre pour nous faire
découvrir l'âge du monde , vu que cer-
taines eaux Ibnt plus chargées que d'au-
tres de molécules lapidifiques ; certains ter-
rains peuvent être plus propres que d'au-
tres à la pétrification , & quelques fubflan-
ces peuvent être plus dirpofées que d'au-
tres à recevoir les fucs pétrifians ; nous en
avons un exemple dans le lac d'Irlande,
que l'on nomme Loughneagh. Voyez cet
article. { — )
PETRIN , f. m. ( Boulang.) efl une
efpece de cofFre dans lequel on pétrit le
pain. Il efl fermé 'd'un couvercle qu'on
appelle tour y parce qu'il fert à tourner le
pain , & qui eÛ environné tout autour ,
excepté fur le devant , d'une bordure de
planche haute d'environ trois pouces , qui
va toujours en rétreciffant fur les côtés jul-
qu à la hauteur du devant.
PÉTRINAL ou POITRINAL , f. ra.
{Artmilit.) étoit , fefon Nicot , une efpece
d'arquebufe plus courte que le moufquet ,
mais de plus gros calibre , qui à caufe de fa
pefanteur étoit attaché à un large baudrier
pendant en écharpe de l'épaule , & couché
fur la poitrine de celui qui le portoit. On
appelloit poitrinatier l'homme de guerre
qui fefervoit du poitrinal dans le combat.
Il efl fait mention de cette arm.e dans une
relation du fiege de Rouen par Henri IV,
en 1592 ;^ il y a long-temps qu'elle n'eft
plus en ufage^ { Q)
PÉTRINIA , (Geogr. med.) petite ville
de la Croatie , lijr la rivière de Pétrinia ,
qui fe jette dans le Kulpe : elle appartient
à la maifon d'Autriche , a été bâtie en
t'y^z , & efl à fcpt lieues E. de Carlelladt.
PET
Longitude ^^ y z < ; latitude 46 > 4^»
(D.J.)
PETRINUM SINUESSANUM,
( Geogr. anc. ) lieu d'Italie , dans la Cam-
panie. Horace, l. I , epijî. v^v. ^ y ^"^
fait mention. Il promit A Torquatus du vin
qui croilToit entre Minturne & Sinuelïè ,
dans le lieu qu'il appelle Petrinum Sinuef-
fanum : c'étoit vraifemblablement une mon-
tagne qui commandoit la ville de Sinuefïe,
& où il y a maintenant un bourg avec un
petit fort , qu'on nomme Rocca di monté
Rago^é y où l'on cueilloit auti'efois un des.
meilleurs vins de l'Italie.
PÉTRIR , (Boulang.) Cefl mêler l'eau ,
le levain & la farine , & former à bras ou
autrement la pâte à faire le pain. L'avan-
tage principal de pétrir confifte à dillribuer
également l'air , l'eau & le levain dans tout
le corps de la pâte , afin que la fermen-
tation s'établiflê par-tout , en même temps ,.
& également dans la raaffe. En conféquenc&
plus le pain eft pétri , meilleur il eft , plus,
il y a d'yeux. Les yeux du pain font-ils
formés par l'ean mife en expanfion par l'ac-
tion du feu , tandis que le pain cuit,- oit
par la dilatation de l'air enfermé dans la
pâte , en le pêtrifTant ? C'eft ce qui n'eft pas.
encore déterminé. Il eft fur que le pain^
mal pétri efi: lourd , mal fain , & l'ans
. yeux. Quant à ces bulles qu'on voit le
former à la. pâte tout en la pêtrilTant, je-
me trompe fort , ou c'eil l'efiTet d'un com-
mencement de fermentation , dans lequel"
une portion d'air le fépare , comme il' arrive
dans toute autre fermentation , dans urï,
fluide même , où l'on voit des bulles fe
former. Or cqs bulles font, toutes chofes
égales d'ailleurs , le phénomène même de»
yeux formés dans la pâte & pendant qu'oa
la pétrit, & quand elle cuit au four.
PEXROBRUSIENS, f. m. pi. (Hifil
eccle'f. ) fede d'hérétiques qui. parurent en
France vers l'an 11 26, & qui prirent ce
nom de leur chef Pierre de Bruys ^ pro-
vençal.
Un moine , nommé Henri^ femît aulîi-i
Feu *tête , ce qui leur fit donner le nom
d'Henriciens. Fqyq HenE-ICIENS.
Pierre / le vénérablie abbé de Cluny , a?
fait un traité contre \ts. Pétrobrujîens y dans-
la: préface duquel il réduit leurs erreurs h
PET
cinq chefs principaux. i°. Ils nioient que
le baptême fût néceflaire ni même utile aux
enfans avant l'âge de raifon , parce que ,
dilbient-ils , c'elî notre propre foi aduelle
qui nous fauve par le baptême. 29. Qu'on
ne dcvoit point bâtir d'églifes , mais au
contraire les détruire , les prières étant fé-
lon eux aulll bonnes dans une hôtellerie
que dans un temple , & dans une étable
que fur un autel. 3*. Qu'il falloit brûler
toutes les croix, parce que les chrétiens
dévoient avoir en horreur tous les inllru-
mens de la paillon de Jefus-Chrift leur chef.
4°. Que Jefus -Chrifî n'efl pas réellement
préfent dans l'Euchariftie. 5*. Que les fa-
crifices , les aumônes & les prières , ne
fervent de rien aux morts.
On les a auiïi accufés de manichéifme ,
& ce n'eft pas à tort ; car il eft prouve
qu'ils admettoient deux principes comme
les anciens manichéens ; il Tell par Roger
de Hoveden dans ^ts annales d'Angle-
terre, qu'à l'exemple de ces hérétiques ,
\qs Pétrobrujiens ne reccvoient ni la loi de
Moïfe , ni les prophètes , ni les Pfeaumes ,
ni l'ancien Tellamenr ; & par Radulphe
Ardens , auteur du onzième fîecle , qui
rapporte que les hérétiques d'Agenois fe
vantent de mener la vie des apôtres , di-
fent qu'ils ne mentent point & ne jurent
point , condamnent l'ufage àts viandes &
iu mariage , rejettent l'ancien Tellament
& une partie du nouveau , & ce qui e(î
de plus terrible , admettent deux créateurs y
difent que le facrement de l'autel n'eft que
du pain tout pur , méprifent le baptême
& la rélùrredion <àts morts : or ces hé-
rétiques d'Agenois du xj liecle n'éroient au-
tres que les Pétrobrufiens & les Henriciens
dont la fede s'étoit répandue en Gafcogne
&:dans les provinces voiiines , & c'étoient-
là fans doute des Manichéens bien marqués,
dit M. Rofnet , Hifi. des Variât, liv.
JCI , num. 42. y pag. 14-6 y tom. II.
C'eft donc à tort que M. Chambers accufe
le P. Langlois d'avoir voulu par un faux
,zele noircir les Pétrobrufiens d'une accufa-
tion de manichéifme ; c'eft contre les auteurs
contemporains qu'il faudroit intenter cette
accufation ; mais on fait le motif qui porte
lesproteftans à écarter le foupçon de ma-
iiicliéiime des hérétiques qui dans le xj
PET yi^5
fîecle ont nié la préfence réelle , & l'on
peut voir ce que M. Bofluet a répondu k
ce fujet au miniflre la Roque. Hifl. des
Variât, tom. II y liv. XI y c. xxx Ù/uiv,
PETROCORES ( les ), ( Géogr. anc )
Petrocorii y peuples de la Gaule , dont
Jules-Céfar fait mention parmi les Celtes ,
& qu'Augufte comprit dans l'Aquitaine. Ils
habitoient les pays que renferment les dio-
celès de Périgueux & de Sarlat ; car Sar-
lat a été tiré de l'ancien diocefê de Péri-
gueux ; le nom moderne de ces peuples eft
corrompu de l'ancien : on les appelle pré-
lèntement Périgourdins ,• le pays fe nomme
Périgord y & leur capitale Périgueux.
PETRO-JOANNITES, f. m. pi. (Hi/f.
eccléf.) nom de quelques fcdaires a{fez
obfcurs , ainfi nommés d'un certain Pierre
Jean ou Pierre fils de Jedn y qui parut
dans le xij?. liecle. Sts opinions ne furent
connues qu'après fa mort , & fon cadavre
fut déterré & brûlé.
Ses erreurs fe réduifoient à dire que lui
fèul avoit la connoifîance du vrai fèns dans
lequel les apôtres avoient prêché l'évangile ;
que l'ame raifonnable n'étoit point la forme
du corps ; qu'aucune grâce ne nous eft infufc
par le baptême , & que Jefus-Chrift étoit
encore vivant fur la croix lorfqu'on lui
perça le côté avec une lance. Prateol.
PETROL, f. m. {Hift. nat. des huiles
miner.) on difoit auparavant p^/reW,* en
Italien petroglio ; en Anglois petroly ou
rock-oil. Huile minérale , fubtile , inflam-
mable , d'une odeur forte de bitume , &
de différente couleur.
Les hommes rapportent fout afîez vo-
lontiers à leurs goûts , ou à leurs pallions.
Il y a peu de nos dames qui ignorent la
caufe à laquelle Roufîêau attribue la mort
d€ l'amoureux fils d'Alcmenc , & peut-être
penfènt-elles comme ce poëte. Pour moi
qui ne fonge qu'à la nature du pétrol y &
qui fuis rempli des détails qu'en racontent
divers auteurs ; je m'imagine , avec quel-
ques-uns d'eux , que la robe fatale qu'on
fuppofoit teinte du fang de Neffus , & que
Déjanire envoya enfuite à Hercule , de
même que celle que Médée envoya à Glaucé,
cauferent la mort du ravifîeur d'Iole , &
de la fille de Créon , parce que ces deux
Bbbbi
5^4 PET
robes avoient été trempées dans le pe'trol,
qu'on trouvoit aux environs de Babylone.
Ce pétrol ou ce naphre de Babylone ,
étoir d'une nature li fubtile , qu'il s'enflam-
moit dès qu'on l'approchoit du feu , & l'on
ne pouvoit l'éteindre qu'en étouflfànt ce feu
avec de la boue, du vinaigre, de l'alun & de
la glu : Alexandre en fit l'expérience fur un
jeune garçon , qu'on eut bien de la peine à
fauver. Ces faits qu'on lit dans l'hiftoire ,
m'ont conduit à rechercher avec avidité les
obfervations de nos meilleurs phyficiens fur
ce bitume liquide.
Les noms du pétrol che:{ les anciens. Le
nom de naphte que porte le pétrel , dérive
du chnldécn nopk y découler ^ parce qu'il
découle & dégoutte des rochers , tantôt
plus liquide , & tantôt moins ; le prophète
Daniel , ch. iij , v. ^6, dit que l'on alluma
lajf fournaifel où l'on devoit jeter Mifack ,
Sidrack & Abdenage , avec du naphte, de
la poix & d'autres matières combuftibles ;
mais le naphte dont il s'agit ici , ell le pif-
fafphalre ou le bitume de Judée. De même,
quand il eft dit dans la genefe , ch. xj y v.
J y que les murs de la tour de Babel éroient
liés avec un mortier où il entroit beaucoup
de naphte ; ce mot défigne du pifTafphalre ,
efpece de bitume qui mêlé avec le limon
argileux , fait un ciment pour joindre \^s
pierres des murailles , lequel tient lieu de
celui que l'on fait avec la chaux. C'eft
avec ce ciment que Virruve penfc que les
murs de Babylone ont été bâtis ; cependant
les Babyloniens nommoient proprement
jiaphte une huile blanche , ou noire , qui
découloit de quelques fontaines auprès de
IBabyloHe.
Les Grecs appelloient commiUnément le
naphte , 'z^irçt^ctiov , c'eft-à-dire , huile de
pierre ; d'autres fimplement huile , ou huile
par excellence , & quelques-uns khctiov
Mnjifiy huile de Médée , ce qui judifie ma
conjedure fur la mort de Creufe ; les La-
tins àiÇo'ient petroleum par fyncope , parce
qu'elle découle des roches. Nicolas Myrcpfe
le nomme /ui-^o-^ 7» ccyns hy.eCrt^n , huile
de fainte Barbe , d'autres, huile de fainte
Catherine f ^ huile fainte y quelques-uns
enfin 'aztcc , âv6-ï , du verbe , t» (x-T'i^ict ,
qui lignifie erre allumé. -Saint Ambroife tire
l'origine du mot naphte y de vytx-aTuv ^
PET
attacher , lier y joindre y parce que le
naphte, dit-il, colle, joint, unit; mais
cela n'eft vrai que du piffafphalte , & l'é-
tymologie chaldéenne de naphte paroit la
feule bonne.
Ses noms dans nos auteurs modernes.
Nos naturahfles modernes nomment l'huile
de pétrol , naphta y naphta alba y & /zi-
^ra y Kempf. Amoen. 274 , petroleum ,
oleum petrx ; hitumen liquidum oleo Ji~.
mile y quod innatat lacubus. Kentm. 20.
Le pétrol efi une huile naturelle. Outre
ces huiles artificielles & végétales , c'eft-
à-dire , tirées des plantes par expreffion ,
il y en a de naturelles & de minérales ,
qui iortent d'elles-mêmes des entrailles de
la terre. On les appelle en général , huiles
de pétrol y parce qu'elles fortent de quel-
ques tentes de pierres. Le pétrol eu. donc
un bitume liquide qui ne diffère que par fa
liquidité des bitumes folides , tels que l'af-
phaltum ou le bitume de Judée, l'ambre >
le jayet , &c. Il e(l de diflërentes couleurs ,
blanc , jaune , roux , verd , noirâtre , lùi-
vant les lieux qui le produifent.
On en trouve aux Indes y en AJie , en
Perfe y &c. Il y a quelques pays chauds
des Indes & de l'Afie qui fourniflènt du
pétrel. Dans l'île de Sumatra , on en re-
cueille une efpece très - célèbre , fort efîi-
mée , & on l'appelle miniar-tannah , qui
fignifie huile de terre. On en tire une
grande quantité de certaines fources qui
Ibnt près de Hit en Chaldée , félon Edrillî.
On en trouve aufli dans les montagnes de
Farganah dans la province de Tonfaxane ,
félon Ebu-Hancal. Oléarius afTure qu'il en
a vu plufieurs fources auprès de Scamachie
en Perfè , aujourd'hui Schirvan , ville ren-
verfée de fond en comble par un horrible
tremblement de terre.
Nous ne voyons point en Europe au-
cun des pétrols dont nous venons de par-
ler , & nous ne connoiflbns que ceux dé
France & d'Itahe. Ce dernier pays abonde
en huile de pétrol y qui fe trouve dans les
duchés de Modene , de Parme & dl
Plaifance.
On tire le pétrol en quantité de difFé-
rens puits & de plufieurs fontaines dans le
duché de Modene , car tout le Modénois
paroît remph de cette huile bitumineufe;
PET
inals fur-toiit elle abonde auprès du fort
de Monr-Baranzon , dans un lieu appelle
il Fiumetto. Qn creufe des puits de 30 ou
40 brafTes de profondeur , jufqu'à ce qu'il
paroifîe une fource d'eau mêlée avec de
î'buile. Les puits que l'on creufe au bas
des collines , fourniiîènt une grande quan-
tité d'huile roufle ; ceux que l'on creulè au
haut donnent une huile blanche , mais en
moindre quantité. Il y a encore dans le
même pays dans une vallée très-ilérile du
bailliage de Mont-Feilin , un grand rocher
à douze milles de Modene , du côté du
mont Apennin , près du mont Gibbius ,
d'où découle continuellement une fontaine
d'eau , où nage le pétrol ,• elle eit li abon-
dante , que deux lois la femaine , on en
retire environ fix livres chaque fois.
On trouve aujjî du pétrol en France ^
mais grojjier.
Nous avons aufli en France de Vhuile de
pétrol dans la Guienne piès du village de
Gabian , qui n'efl pas éloigné de Beziers ;
il découle d^s fentes de certains rochers,
une huile noirâtre, mêlée avec de l'eau,
que l'on recueille avec foin. On appelle
cette huile de pétrol , hiule noire de Gabian.
On la vend ordinairement pour Vhuile de
pétrol noire d'Italie , quoiqu'il s'en faille
bien qu'elle aoproche de fes qualités. Elle
efî d'une confiftance moyenne, d'une odeur
forte & puante , d'une couleur noire ; elle
fe contrefait avec l'huile de térébenthine
qu'on colore avec de la poix noire. Elle
étoit autrefois aflez eftimée , & failoit une
partie du revenu de M. l'Eveque de Beziers,
à qui la roche appartient , & qui la faifoit
recueillir , mais à préfent il ne s'en fait plus
de commerce.
On parle encore d'une fontaine de cette
huile , près de Clermont en Auvergne, dans
un lieu qu'on appelle le puits de Pege ,
mais on n'en peut tirer aucun parti. Elle efl
noire , épaifle , de mauvaife odeur.
Examen du pétrol de Mcdene.hc Ceu\ pé-
trol recherché eft celui d'Italie , & fur-tout
du duché de Modene , qui efl conftamment
le meilleur; c'efl même un bonheur afîez
■finguher d'en poflederqui foit hors de tout
foupçon d'avoir été falfifié , car les drogues
rares & peu connues le font prefque tou-
jours. M. Boulduc profita de ce bonhcur-Ià
PET 5<^5
en 171 ^ , pour faire des obfervations qui ap-
partinffent iûremcnt aux ytms pétrols , & il
a donné ces obfervations dans l'hifloire de
l'académie des Sciences de la même année.
Il s'agit dans les obfervations de M. Boul-
duc , du pétrol qu'on trouve près du mont
Gibbius. Ce fut un médecin de Ferrare ,
nommé François Ariofie , qui le découvrit
en 1640. On a ménagé dans le lieu avec
beaucoup de dépenles , & même de périls ,
difiérens canaux , d^^ù coulent dans de pe-
tits réfervoirs ou balCns , trois différentes
fortes de pétrols.
Le premier eff prefque aufïî blanc , auiîî
clair & aufii fluide que de l'eau , d'une odeur
très-vive , très-pénétrante , & pas défagréa-
ble ; c'efl le plus parfait. Le fécond efl d'un
jaune clair , moins fiuide que le blanc , &
d'une odeur moins pénétrante. Le troifieme
eff d'un rouge noirâtre d'une conliflance
plus parfaite , & d'une odeur de bitume ua
peu défagréable. *
Les Itahens n'envoient guère le pre-
mier hors de chez eux ; on feroit encore
trop heureux qu'ils donnaffent le fécond
pur ; mais fouvent en le mêlant en petite
quantité avec le troifieme , & en y ajou-
tant quelque huile fubtile , comme celle de
térébenthine, ils donnent le tout pour le
premier. L'odeur de cts pétrols efl fi forte
& fi pénétrante , qu'on dit qu'on s'en ap-
perçoit à un quart de mille de la fource.
Quoiqu'il en foit , M. Boulduc a fait fur le
pétrol de la première cfpece ou blanc , les
obfervations fuivantes.
Il s'allume à une bougie dont il ne tou-
che point la flamme , & quand ileff échauffe
dans un vaiffeau , il attire la flamme de la
bougie , quoique élevée de plulieurs pies au
deifus du vaiffeau , & enfuite {z confume
entièrement , c'eff-à-dire qu'une vapeur fub-
tile , qui s'élève de ce bitume Hquide, va
jufqu'à la flamme de la bougie , y prendre
feu , & que le feu qui fe communique à
toute la fphere de vapeur , gagne jufqu'ftu
pétrol du vaiffeau.
Il brûle dans l'eau , & vraifemblablc-
mer , c'étoir-là une des matières du feu
grégeois.
Il fumage toutes les liqueurs , & même
l'efprit de vin reftifié , qui eSS. plus pefànt
de^
^66 PET
Il fe mêle parfaitement avec les huiles
efTentielles de thim , de lavande , de té-
rébenthine , quoiqu'il ioit minéral , & que
ces huiles foient végétales. Mais peut-être
aulll le minéral & le végétal ne diiîèrent-ils
pas en cette matière , car les huiles végéta-
les ont été auparavant minérales , puifque
les plantes les ont tirées de la terre.
Le />eVro/ fortement agité, fait beaucoup
de bulles , mais il fe remet en fon état na-
turel plus promptement que toute autre li-
queur. Cela vient de ce que l'air diftribué
dans toute la fubflance du pétwl , y efl
diflribué d'une certaine manière unique &
néceflâire , & que les parties de la Uqueur
n'en peuvent naturellement foufFrir une
autre ; en effet , les parties d'une huile ont
une certaine union , certains engagemens
de leurs filets , ou petits rameaux les uns
avec les autres ; ce qui oblige l'air qu'elles
renferment, à s'y conformer.
Le pétwl eftd*tme extenlion furprenante :
fur l'eau , une goutte s'étend plus d'une
toife , & en cet état elle donne des cou-
leurs , c'eft-à-dire que fes petits filets de-
viennent àcs prifmes.
La plus forte gelée n'y fait aucune im-
prefîion.
Le papier enduit de pétrol ne devient
franfparent que pour quelques momens \
il cefle de l'être dès qu'il a été féché à l'air.
M. Homberg a fait voir qu'il y a des hui-
les qui s'enflamment par le mélange d'un
clprit acide bien déflcgmé. On auroit pu
attendre le même effet du pétrol , mais il
n'arrive point; feulement les efprits acides
s'y mêlent parfaitement , & le rendent d'une
confiftance très-épaifle ; ces huiles qui s'en-
flamment font à&s huiles efTentielles de
plantes aromatiques des Indes , & il n'efl
pas furprenant que le pétrol n'en ait pas les
conditions.
Il fe mêle & s*unit difficilement avec l'ef-
prit-de-vin , parce que peut-être fa con-
îiftance eft trop grafle.
L'efprit-de-vin redifié , qui eft le grand
difîolvant des foutres&des huiles, ne tire rien
àupétroly même après une longue digeflion.
Parla diflillation, M. Geoffroy l'ainé en
a retiré une liqueur huileufè , qui eft un
peu plus tranfparente , mais qui perd beau-
coup de fon odeur & de fa fubtihté natu-
PET
relie; lorfqu'on l'allume , elle donne une
lueur moins obfcure , mais pluslanguiiîàntc.
Au fond de l'alembic il trouva feulement
un peu de marc jaune.
De même M. Boulduc n'a pu tirer du
pétrol par la diftillation , foit au bain de
vapeur , foit au bain de fable , aucun flegme
ni aucun efprit falin. Tout ce qui eft monté
étoit de l'huile feulement ; il eft refté au
fond de la cornue une très-petite quantité
d'une matière un peu épaiffe & un peu
brune ; d'où il réfulte que le pétrol ne fe
perfedionne point par la diftillation.
On ne peut donc mieux faire quand on
ufera de pétrol ca médecine, que de le lailîèr
tel qu'il eft ; c'eltun remède tout préparé par
la nature, comme plufieurs autres dont nous
avons parlé , & où l'art n'a point lieu d'exer-
cer fon inquiétude.
Examen du pétrol de Plaifance. Le pé-
trol de Plaifance efl d'une même nature
que celui de Modene c'eft pourquoi je
n'en dirai qu'un mot. On le tire en abon-
dance du mont Ciaro , fitué environ à 12.
heues italiennes de Plaifance. Voici comme
on s'y prend.
Il y a dans cette montagne des ardoifès
grifes , couchées prefque horizontalement ,
mêlées d'argile , & d'une efpece de félé-
nite qui paroît d'une nature calcaire. On
perce perpendiculairement ces ardoifes juf^
qu'à ce qu'on trouve l'eau , & alors le pé-
trol qui étoit contenu entre les couches
des ardoifes & dans leurs fentes fuinte , &
tombe fur l'eau de ces puits qu'on a creu-
ilés. Quand il s'y en eft afTez amalîe , comme
au bout de huit jours , on le va prendre
avec des baffins de cuivre Jaune. Il eft
mêlé avec de l'eau , mais on penfe aifé-
ment qu'il eft facile de l'en féparer. Ce
pétrol du mont Ciaro eft clair , blanc , ex-
trêmement inflammable. Il fe conferve fort
bien fur l'eau dans ces puits dont nous
venons de parler , au lieu que dans des
vaift'eaux bouchés , il ronge les bouchons
dont on fe fert ordinairement , il s'évapore
en grande partie.
Origine du pétrol. Il nous manque en-
core beaucoup d'obfervations fur le pétrol y
fur fa nature & fur fon origine ; cependant
on peut conjedurcr avec afTez de vrai-
femblance , qu'il eft l'ouvrage des feux fou-
PET
terrains qui élèvent ou fubliraent les parties
les plus fubtiles de certaines matières bitu-
mineufes qui fe rencontrent dans des ter-
roirs particuliers. Ces parties fe conden-
fent en liqueur par le froid des voûtes des
rochers où elles s'amafïent , & coulent par
les fentes ou les ouvertures que la difpo-
fition du terrain leur fournit.
Examen duprétendupétrol d'Angleterre.
Quelques Anglois ont mis au rang àespé-
trols une fubftance bitumineufe qu'on tire
dans leur pays par art, d'une pierre noi-
râtre qui fe trouve dans les mines de char-
bon. Voici ce que ceû.
A Brofely , Bentley , Pichfort & autres
lieux voifins dans la Shropshire , on trouve
fur la plupart des mines de charbon , une
couche afîez épaifle d'un rocher , ou pierre
noirâtre , laquelle eft poreufe , & contient
une grande quantité de matière bitumi-
neufe.
On tranfporte cette pierre dans l'attelier
où on la moud avec des moulins à cheval ,
femblables à ceux dont on fe fert pour bri-
fer les cailloux dont on fait le verre. On
jette cette poudre dans de grands chau-
drons pleins d'eau , & on l'y fait bouillir ,
de façon que la matière bitumineufe fe fé-
pare du gravier , ce dernier fe précipitant
au fond , & l'autre nageant fur la furface
de l'eau.
Cette fubflance bitumineufe étant recueil-
lie & évaporée , acquiert la confiftance de
la poix ; & à l'aide de l'huile diftillée de
la même pierre que l'on mêle avec elle ,
elle devient auffi liquide que le goudron.
On n'en rire d'autre utilité que pour le
radoub des vaifîêaux ; & comme elle n'é-
clate point , & qu'elle fe conferve noire
& molle , elle peut être propre à empêcher
les vers de s'y mettre.
On tire de femblable pétroî par la dif-
tillation de certaines terres & pierres bi-
tumineufes que l'on rencontre en Allemagne
& en France.
Choix â faire dans les divers pétrots d'I-
talie. Il réfùlte de tout ce que nous avons
^it jufqu'ïci-, que l'huile de pe'trol d'Italie
eft la feule benne-. On eftime le pe'trol qui
eu récent , clair , léger , très-inflamn'kable ,.
d'une odeur forte & pénétrante , appro-
chant dr celle du fguJ[re. On ne peut le toa-
P E T ^^j
trefaire , & il ne foufTre aucun mélange.
Ceux qui en font commerce doivent uïèr
de grandes précautions contre le feu , parce
qu'il s'enflamme du moins auffi aifément que
la poudre à canon.
Le pe'trol jaune efl le plus eflimé après
le blanc, enfuite vient le roux , enfuite le
verd ; le noirâtre efl regardé comme trop
groffier , c'efi le moindre de tous.
Ufage qu'on tire des pe trois. On a cou-
tume de fe fervir en quelques endroits
d'Italie des ;7âro/j- groffiers pour s'éclairer à
la place d'huile ; il s'en emploie auffi une
aflèz grande quantité par les maréchaux &
par ceux qui font des feux d'artifice. Les
Perfans , au rapport de Kempfer , ne tirent
à-préfent d'autre ufage de leur pe'trol que
pour délayer leurs vernis.
Diofcoride faifoit grand cas du naphte
de Babylone dans plusieurs maladies. Il lui
attribue un grand nombre de vertus médi-
cinales très-importantes , qui néanmoins ne
nous inréreflènt point , puifque nous ne
connoiffons plus ce pe'trol. D'ailleurs , on
ne peut guère être prévenu en faveur du
jugement de Diofcoride , quand on voit
qu'il vante le naphte de Babylone pour l'ap-
pliquer fur les yeux afin d'en diffiper les
fluxions & les taies.
Les Italiens font mieux fondés à regar-
der leurs pe'trols comme un remède fort
pénétrant , incifif , balfamique , propredans
quelques maladies chroniques , & plus en-!*
core employé extérieurement , pour forti-
fier les nerts des p-arties affoiblies , donner
du jeu & du reflbrt aux fibres relâchâes,^
Dans ce dernier cas , L'on peut avec fùc-
cès lur fubflitucr en Languedoc le pe'trol
de Gabian.
Je fais tous les éloges que Koenig,Etfmul^
1er , Schroeder , Boeder & quelques autres-
auteurs allemands donnent à l'hujle de p/'
trol : je fais combien ils la vantent dans la.
fuppreffion des règles , l'afl&dion hyfléri—
que , la fièvre quarte , le mal des dents , les^
vers , les douleurs néphrétiques , &c, Mai$.
que de telles ordonnances reffemblent biea
à celles des bonnes femmes , ou- des gens;
du monde qui parleur médecine fans y rien-,
entendre , pnjifque toutes ces maladies pron
venant de différentes cauies , demandcrïT
néceflàireroent des remèdes divei-fifiis-v ^
5<Ç8 PET
oppofés ^ux caufes du mnl ! Dans les en?
même où l'huile de pe'trol pourroit con-
venir , on a de beaucoup meilleurs remè-
des à employer. De plus , il faut avouer
que fi l'on devoir compter fur quelques ob-
fèrvations véritables des vertus du pe'crol ,
ce ne pourroit être qu'en conféquence
d'expériences répétées par d'habiles méde-
cins fur les habitans du pays qui produit
ce bitume liquide ; je veux dire dans le
duché de Modene , ou de Plailance. Par-
tout ailleurs on ne peut guère prefcrirei'huije
de pe'trol avec confiance "par rapport à fes
effets. Cette huile perd toute fa vertu fubtiie
par le tranfport. Nos apothicaires & nos
droguilfes les plus curieux n'en ont jamais
de pure , parce qu'on la leur envoie failiiiée
fur les heux même. Je ne parle pas des
autres falfifications qu'y font les détail-
leurs.
Concluons qu'il faut prefque nous paf-
fer fans regret de l'huile de />/fro/ pour la mé-
decine , nous réduire à fes ufages pour quel-
ques arts , & à la confidération fpécula-
tive de fon origine , & des qualités parti-
culières qui la diftinguent de toutes les
huiles végétales & artificielles.
Auteurs fur le pe'trol. Voflîus a écrit une
favante diflertation fur le naphte ancien
& moderne ; mais c'eft JacobuS Oligerus
qui a le premier publié en 169^? *^ Copenha-
gue , la brochure du médecin François
Arioile fur le pe'trol de Modene , de oleo
montis Zibijiti , feu petrolo agri mutinen-
Jis ; Ramazzini l'a redonnée plus correôe &
plus étendue. Elle ell dans le recueil de (qs
œuvres. [Le Chevalier de Ja uco ur t. )
PETROMANTAL UM,{Geogr.anc.)
ville de la Gaule Lyonnoife. L'Itinéraire
d'Antonin la met fur la route de Ccefaro-
magus ( Beauvais) y à Lutetia. Il marque
de PetrQmantalum à Briva-Ifarce ( Pon-
toife ) , quatorze lieues gauloifès ; ainfi ,
félon M. l'abbé Belley , Me'm. des Infcr.
tom. XIX. in-4°. c'eft peut-être Magny.
M. de Valois croit qu'il faut placer Petro-
mantalum à Mantes ; mais on a de la peine
à croire que la grande toute de Beauvais à
Paris eût defcendu jufqu'à Mantes , pour
paflêr enfuite à 5r/V<2-J/ar^ (Pontoife):
cependant lî les différentes diftances de
i'Itinéraire convenoicnt à Mantes , l'opinion
PET
de M. de Valois féroit plus que probable.
Voici ce qu'en dit un autre auteur.
L'Itinéraire d'Antonin place ce lieu (iir une
route , qui en partant de Carocotinum pafie
par Juliohona & Rotomagus , & conduit
à Lutetia. La table Théodoficnne en fait
aufù mention , Ibus le nom de Pecrum-'
Viaco.
C'ef} Magni , petite ville du Vexin-fran-
çois , ou Magni-tot , à 1400 roifes au-delà
de Magni ; -linfi l'ont penfé Sanfon & le
docte abbé Belley.
M. de Vaiois va chercher Me dunta^ Man-
tes , pour en faire Petromantalum.
En partant de Briva-Ifarce , ou pafïage
de rOile, & fur la même diredion de
voie , il exifîe un lieu appelle Ejîrée , â
via fî rata. (C.)
PETPvO-PHARYNGIEN , f. m. ^^
Anatomie , nom d'une paire de mufcles du
pharynx. Ils viennent de la partie infé-
rieure de l'extrémité de l'apophyfè pier-
reufe de l'os àes tempes.
PETRO-SALPINGO-STAPHYLIN,
f. m. en Anatomie ^ nom de deux mufcles
de la luette. Voye\ S A L p I N G 0-S T A-
P HY LIN.
PETROSILEX, {Bifl. nat. Lithologie.)
nom générique que M. Wallerius donne
à une pierre de la nature du jalpe ou du
caillou , fans cependant avoir tout-à-fait fa
dureté , & fans faire feu auffi vivement que
lui lorfqu'on le frappe avec le briquet '-, on
le trouve par Uts & par couches fuivies :
pour le vitrifier il faut un feu très-violent.
C'efl: une roche Jilicee , ou de la nature du
caillou , mais qui n'ell point en morceaux
ou en mafTes détachées comme lui , le jafpe
en efl une variété. Voye\la Minéralogie de
Wallerius , tome I. p. ij6.
PETS , ( Ge'ogr. ) Funfkirchen , cinq
églifes y ville épilcopale de la Bafïe-Hon-
grie , dans le comté deBarany , & au mi-
lieu des coteaux de vignes très-riches. C'é-
toit autrefois une des meilleures villes du
royaume : elle avoit cinq églifes , dont l'ap-
parence étoif 11 frappante , que les Alle-
mands lui en donnent le nom ; elle étoit
grande , peuplée & commerçante : fon
univerfité jouiflbit de beaucoup de réputa-
tion dans la contrée ; & comme elle
n'étoit
P E T ^
Ti'étoît munie d'aucune fortification , l'on
n'y redoutoit pas les horreurs âes fieges , fi
fréquentes dans le refte du pays. Cepen-
dant par l'effet dequelques autres malheurs,
elle eft tombée en décadence ; fa grandeur ,
fa population 6^ fon commerce ont difpa-
ru ; Ton univerfité n'efi: plus fréquentée, &
l'on néghge la fertilité de fes environs. Elle
réclame enfin en tout fens les fecours pa-
ternels de fes fouverains , aujourd'hui fi
bons , fi fages & fi puifians. fD. G.J
PETSCHERSK OI , ( Géog. ) fameux
monaftere de la Rufiîe européenne, dans
le gouvernement de Novgorod , & dans
la province de Pleskow : il eft fur-tout
connu par les fieges qu'en ont fait en vain
les chevaliers porte-épée, conquérans delà
Livonie, &c par les cavernes fouterraines ,
au moyen defquelles un préjugé vulgaire
portoit que fes moines entretenoienr com-
munication avec les catacombes de Kiovie.
CD. G.)
PETTALORINCHYTESowPETTA-
LORUNCHYTES , f. m. pi. {ïlift. cul.)
fanatiques qui mettoient leur fécond doigt
dans leur nez en priant, prérendant par ce
gefte fymbolique fe conftituer les juges du
monde. Leur nom vient de/^e/^/a/ci, pieux,
& runchos y nez. /
PETTEIA , f. f. dans la muîqtu an-
chmu^ efi: un terme grec, auquel je n'en
vois point de correfpondant dans notre
langue , fi ce n'eft répétition réitérée du
même ton.
La mélopée , c'eft-à-dire , l'art d'arranger
les fons de manière à faire mélodie , fe di-
vife en trois parues , que les Grecs ap-
pellent/^yP/^i, mïxis ôc clirefes : les Latins
fumptio ., mixtio & ufus ; & les Italiens
prefa , mefeolamcnto & ufo : cette der-
nière eft aufii appellée par les Grecs
çrtlTHel.
h^petuia eft donc, félon Ariftlde, Quin-
tilien, l'art de faire un jufte difcernement
de toutes les manières d'arranger 6c de com- .
biner les fons entre eux , enforte qu'ils puif-
fent produire leur effet, c'eft-à-dire, qu'ils
puilfent exciter les différentes pafiTions que-
l'on fe propofe de mettre en mouvement.
Ainfi, par exemple, elle enfeigne de quels
fons on doiit faire ou ne pas faire ufage ,
^combien de fois on en peut répéter quel- I
Tome XXK. ■
iPET 5<^
ques-uns; ceux par où l'on doit commen-
cer, ceux par où Ton doit finir.
C'efl: la petteia qui confl:itue les modes
de mufique ; elle détermine au choix de
telle ou telle pafiîon , de tel ou tel mouve-
ment de l'ame , propre à réveiller dans telle
ou telle occ^on; c'efl; pourquoi la pez/e/iz
efl: en mufique ce que les mœurs font en
poéfie. FoycT;^ Mœurs. ,
On ne voit pas ce qui a déterminé les
Grecs à lui donner ce nom , à moins qu'ils
ne l'aient pris de •mina. , leur jeu d'échecs,
la pcttàa de mufique étant une forte de
combihaifon & d'arrangement de- fons , de
même quelejèu d'échecs eft un arrange-
ment de pièces appellées crg^lai, calculi ,
des échecs. {^S )
PETTINA , {Hift. mod. ) c'eft le nom
que l'on donne en Rufiie à un impôt ex-
traordinaire , par lequel dans des néceflités
preflantes , les fujets de cet état defpotique
font forcés à payer le cinquième de leurs
biens.
PETTA'W , (Gèogr. mod.) ou Pettau ,
petite ville d'Allemagne au cercle d'Au-
triche , dans le' duché de Stirie. Cette ville
eft ancienne , &; fubfiftoit du temps de$
Romains , qui Tont connue fous le nom
Petovio , diverfement orthographié. On
en peut voir les antiquités dans l'ouvragé
latin deLazius, de la république romaine.
Pettaw eft à la frontière de^a bafl!e-Stirie,
à quatre millejiaudefrous de Rackerfpurg^
fur la Drave, qui étoit anciennement U
borne des Romains , à 43 lieues S. de
Vienne , 14 N. E. de Cilley. Long. ^^4 , 4 ^
lat. 46 , 40. ( J9. J.J
VET\JK?dX,{Géogr.anc. ) ville de la
Grande-Bretagne. Ptolomée, /. ///, c. iij ^
la donne au peuple Parifi. Quelques-utis
veulent que c'eft préfentement Peterbon,
& d'autres difent Bcverley.
VETVL^, {^Géogr.anc.) village d'Ita-
lie dans le territoire & au voifinage dé
Mintoue. C'eft un village bien remarquar
b!e, puifqu'il occupe la place de l'ancien
village d'Andes, où naquit Virgile , fous le
coniulat du grand Pompée , & de Mi
Licinius CraflTus ,1e 15 odobre de l'an 685
de la fondation de Rome. Il mourut à Brin-
desle 2Z feptembre 734. Voye^^Us articles
Andex 6'Brundusium. , , .. .. .[
"570 PET
Dans tous les lieux qui nous retraceront
la mémoire de Virgile , nous ne nous laflTe-
rons point d'en parler, parce que nous l'ai-
mons pour la beauté de fon caraftere ,
comme nous l'admirons pour l'excellence
de Ùl mufe. Une penfée heureufe dans les
écrits de Tes rivaux lui plaifolt autant que
s'il l'avoit inventée lui-même. Telle étoit
la générofité de Ton cœur, qu'il n'étoit pas
|)iqué qu'un autre s'appropriât la gloire de
fon travail. Sa modeftie lui valut le beau
furnom qu'il portoit. Enfin il effaçoit tous
les poètes de fon temps, & tous ne pou-
Voient s'empêcher de le chérir. On fait
avec quel art il inféra dans l'Enéide l'éloge
du fils d^Oftavie , &: nous n'oublierons pas
cette particularité , en parlant du théâtre de
Marcellus. fD. J. )
PÉTULANT , adj. {Qram. ) il fe dit
d'un homme incommode par l'agitation
Continuelle où il eft , le mouvement qu'il
ïe donne, &c le trouble où il tient les
autres.
PETUNTSE ou PETUNSE , f. m.
{Hift. nat. Min, & Arts,) c'eft le nom qiie
les Chinois donnent à une pierre , qui ,
pulvérifée & mêlée avec une terre qu'ils
appellent kaolin , fait une véritable porce-
laine. VoycT^ Porcelaine.
hQ pctuntfc eft une pierre dure & opa-
que, d'un gris clair, tirant un peu furie
jaunâtre ou fur la couleur de chamois : il y
en a aufîi qui eft un peu verdâtre. Il fe
trouve par couches dans le fein de la terre ,
& eft aflez fouvent charge de dendrites
ou de figures femblabies à des arbrifleaux
©u à des buiftbns. Cette pierre fait feu
lorfqu'on la frappe avec le briquet , mais
elle ne donne que peu d'étincelles, & elles
font aftez foibles.
Le célèbre M. de Réaumur a cru que le
pétuntje étoit une efpece de caillou , & que
c'étoit comme pierre vitrifiable , qu'il fe
trouvoit propre à entrer dans la compofi-
tion de la porcelaine , qu'il regardôjt comme
une efpece de vitrification; mais la def-
Cription qu'on vient de donner de cette
J)ierre , fuffit pour faire voir qu'elle diffère
du caillou. D'ailleurs la propriété qu'elle a
de donner du corps à la compofitionde la
porcelaine , &: de fe durcir au feu , car^dé-
fife une pierre argilcufe. ' ■*"'
PET
Les Chinois , après avoir réduit le pz'
tuntj'e en une poudre fine, lui donnent la
forme d'une brique , afin de s'en fervir
pour faire la porcelaine. Voye^ cet article.
Comme depuis plufieurs années on a
cherché les moyens de perfeélionner les
porcelaines qui fe font en Europe , on a
tâché de fe procurer les matières employées
par les Chinois. Dans cette vue , feu M. le
duc d'Orléans qui s'occupoit dans fa re-
traite , d'expériences utiles à la fociété ,
fit venir de la Chine du pltuntfe. &: du.
kaolin. Après en avoir reçu des échan-
tillons fuffifans , ce prince n'eut rien plus
à cœur, que de faire examiner fi ces fubf-
tances ne fe trouvoient point en France.
S>ts foins ont été affez infru(ftueux , & de
fon vivant on n'a pas pu trouver de pierre
qui reffemblât en tout point au pétumfc
des Chinois ; mais depuis on a trouvé que
cette matière étoit très -abondante dans
quelques provinces du royaume. Quant au
koaUn , on en avoit déjà trouvé depuis affez
long-temps; ainfi il ne nous manque plus,
rien pour faire de la porcelaine, qui ait tou-
tes les qualités de celle de la Chine , & qui.
ne foit point une vitrification, comme font:
toutes les porcelaines de Saxe , de Chel-
fea , de Chantilly , &c. en un mot , comme-
toutes celles qui ont été faites en Europe
jufqu'à préfeni. Voye^^ Partich Porce-
laine.
On croit devoir avertir qu'il fe trouver
fort communément une efpece de pierre à
chaux , dure, compare , d'un grain fin &
un peu luifatite , qui au coup-d'œil extérieur
reuemble beaucoup au pétuntfe dont nous
parlons ; mais on découvrira bientôt qîfelle
en diffère , vu qu'elle ne donne point d'é*^
tincelles lorfqu'on la frappe avec de l'acier ,
& qu'elle fe diffout avec effêrvefcence dans
les acides^ ce qui caradlérife une pierre,
calcaire , tandis que cqs acides n'agiftent en
aucune manière fur le vrai pauntft.
On trouve dans les mémoires de l'acadé-
mie royale des fciences de Suéde , artnie.
1763 , une differtation de M. Henri Théod.
Scheffer , dans laquelle il prend pour le
pétumfc Aqs Chinois, une pierre feuilletée
luifante, demi-tranfparente, d'une couleur
verdâtre & fort pefante , qui lui avoit été
donnée comme venant de la Chine. U co»-
PEU
clut d'après les expériences qu'il a faîtes Air
cette pierre, qu'elle eft de la nature du
gypfe ; mais la defcription que nous avons
donnée du pétuntfc , fuffit pour faire voir
que ce fentiment n'eft point fondé. (— )
PETUSJA,{Géogr. anc. ) lieu dont
parle iMartial, //V. /^, ^pig^' ^v, dans ces
vers :
Turgent'ipjue lacus Petuficeque ,
Et pan'cz vada pura Vetonijpc.
Je ne fais point ce que c'étoient que ces
deux endroits qu'il appelle Pe£uj7a èc Ve-
tonijfa. Ils ne fe trouvent cités ni l'un ni
l'autre dans aucun auteur. CD. J. )
PETZOR A , (Giog. mod. ) province du
nord de la Mofcovie , le long de la mer
glaciale , vers le levant & le feptentrion.
Elle eft rernplie de hautes montagnes, &
il y fait fi froid , que les rivières n'y dégè-
lent qu'au mois de mai , & recommencent
à geler au mois d'août. La rivière de Pctio-
ra , qui donne le nom à cette province , en-
tre dans la mer par fix embouchures , au-
près du détroit de ^Yeigatz. Les montagnes
qui couvrent ces deux rives , ôc qui nourrif-
fent de belles zibelines , font peut-être les
monts Riphées &: Hyperboréens des an-
ciens.
PÉVAS ( LES ), Glog. mod. peuple de
l'Amérique méridionale, avec une bour-
gade de même nom, fur le bord fepten-
trional de la rivière des Amazones , au def-
fous de l'embouchure du Napo. C'eft la
dernière des miffions efpagnoles fur le bord
de l'Amazone. (27./, )
PEUCÉDANE, r. m. {Hlfl. nat. Bot.)
genre de plante à fleur en rofe ôc en om-
belle, compofée de plufieurs pétales difpo-
fés en rond, & foutenus par un calice qui
devient dans la fuite un fruit compofé de
deux femences prefque plates , d'une figure
ovale , légèrement ftriées & frangées. Ajou"
tez aux carafteres de ce genre , que les
feuilles font ailées , étroites , faites comme
celles du chien-dent, & dlvifées en trois
parties. Tournefort, //z/Z. reiherb. Voye^
Plante.
PeucÉdane, ( Bqtan.J Tournefort
compte quatre efpeces de ce genre déplante
dont la plus commune eft le/'ewc^'^^/zs d'Al-
lemagne i pcucedanum germanicum I. R.
H. 318; en anglois, ihc german hogs
P EU 57,
fcnnel. Se en françois vulgaire , queue de
pourceau d^AlUmagne.
Sa racine eft groffe, longue , chevelue ,'
noire en dedans , pleine de fuc , rendant
par incifions une liqueur jaune & d'une
odeur virulente de poix. Elle pouffe une
tige à la hauteur d'environ deux pies,
creufe, cannelée , rameufe. Ses feuilles fon;t
plus grandes que celles du fenouil , laciniées,
étroites , plates , reffemblantes aux feuillets
de chien-dent. Les fommetsde la tige 5c
des branches portent des ombelles ou pa-
rafols amples , garnis de petites fleurs jau-
nes , à cinq pétales difpofés en rofe. Lorf-
que ces fleurs font pafîées , il leur fuccede
des femences jointes deux à deux , prefque^
ovales , plus longues que larges , rayées fur
le dos, bordées d'un feuillet membraneux,
d'un goût acre & un peu amer.
Cette plante croît aux lieux ombrageux ,
maritimes , fur les montagnes & dans les
prés. Elle fleurit en juillet Se août. Sa graine
mûrit en automne , 6c c'eft alors qu'on la
ramafte.
Sa racine eft très-vivace, difficile à arra-
cher, & elle exhale une odeur forte & ful-
fureufe. Elle pafTe en médecine pour être
incifive, atténuante & convenable dans les
maladies des poumons furchargés d'hu-
meurs vifqueufes. On la recorrimande aufîi
dans les obftru61ions des vifceres. (D. J. )
PEUCELAITIS ou PEUCELAOTIS ,
( Géog. anc. ) contrée de l'Inde , qu'Ar-
rian , liv. 7/^, chap. xxij , place entre les
fleuves Cophenes &c Indus. Il tiroit font
nom de celui dfb fa capitale. Strabon , liv.
XV ^ &: Pline, liv. /^/, ont connu cette
capitale ; mais le premier écrit Peucolcetis
& le fécond Peucolais. CD. J. )
PEUCELLA , (Géog. anc. ) fleuve de
Phrygie. Paufanias , //V. -ST, ch. xxxij ^à\t
que les peuples qui habitoient fur fes bords,
defcendoientdes Azanes, peuples de l'Ar-
cadie , & qu'il y avoit chez eux une caver-
ne, 011 étoit un temple confacré à la
déeffe Cybele.
PEUCETII^ ( Géog. anc. Jpevples d'I-
talie appelles aufft Fediculi par les Latins ,
& Daunii par les Grecs. Ils habitoient au
nord du golfe de Tarente ,c'eft-à-dire , une
partie de la terre d'Otrante, & la terre
de Bari. Il ne faut pas les confondre avec
C c c c 2
57^ PEU
les Pcuutîœ , peuple de la Liburnie, félon
Callimaque, cité par Pline, /iv. ///, ch.
xxj , qui dit que leur pays étoit de fon
temps , compris fous l'Illyrie. {D.J.)
PEUCITES , ( Hift. nat. ) nom donné
par quelques naturaliftes à une pierre char-
gée d'une empreinte femblable aux feuilles
d'un pin,
PE VETTI, CBoi. exot, ) arbre baccifere
du Malabar, caraflérifé par P. Alpin : arbor
hacc'ifcra indica^fionhus adfollorum exor-
tis , fruclu fulcaio decapyreno , folanum
fomnifcrum antiquorum exhibcnu. {D. J. )
PÉVÎGUÉ , i. m. rerms de pêche ; ufité
dans le relTort de l'ainirauté de Bordeaux.
Xes pécheurs de la baie d'Arcaffon com-
prennent fous ce nom toutes les pêches
■■qu'ils font en mer. Ils défignent par le nom
de pêche à la petite mer , celles qu'ils font
dans lebaffin d'Arcaffon.
' PEUILLES ^ {à la Monnole. ) A près la
délivrance de chaque brere , les juges-gar-
des prennent un certain nombre de pièces
<|u'ils font effayer pour conftater le titre
"de la fonte. Ces efpeces ainfi effayées pren-
nent ie nom de peuilUs : on les envoie au
receveur Aqs boîtes, qui les garde juf-
qu'au jugement du travail que prononce la
xrour clés monnoiesj enfuite on les remet
■au direfteur.
11 y a quatre différens effais pour chaque
fonte. Le premier fe fait lorfque la ma-
tière eft en bain , pour favoir fi elle eft au
titre prefcrit , & pour en affurer le direc-
teur. Le fécond, pour la fureté des juges-
jgardes qui font la délivrance : c'eft de cet
effai que proviennent les peuilles. Le troi-
ïieme eft fait par la cour des monnoies fur
-ces mêmes peuilles , & auiîi fur quelques
pièces prifes au hazard , pour éclairer la
conduite des officiers, & voir (i les direc-
teurs , contrôleurs &; juges-gardes , ne font
point d'intelligence, pour délivrer des ef-
Î')ecesau-deiïbusdu titre, & enfin conftater
zs peuiltes au i\t\^.
PEULE ("la) , Giograph. mod. ou la
PUELE, en latin , Pahula; petit canton de
France , dans la Flandre : c'efl un des cinq
^quartiers qui ccmpofent la châtellenie de
Lille, il s'étend entre la Deule & l'Efcaut.
L'abbaye de Chifon en eu le chef- lieu.
tD.j:)
PEU
PEUPLADE ,(J,{ Gramm.) colonie
d'étrangers qui viennent chercher des ha-
bitations dans une contrée.
Peuplade, ( Pêche.) On fe fert de ce
terme pour parler du frai , de l'alvin , ôc en-
fin de tous les petits poiffons que l'on met
dans un étang pour le rempoiffonner.
PEUPLE ( LE ) , f. m. Gouvern. polit,
nom colleftifdifficile à définir, parce qu'on
s'en forme des idées différentes dans les di-
vers lieux , dans les divers temps , & félon
la nature des gouvernemens.
Les Grecs & les Romains qui fe connoif-
foienten hommes, faifoient un grand cas
du peuple. Chez eux , le peuple àonnoii fa
voix dans les élevions des premiers magif-
trats , des généraux , & les décrets des prof-
criptions ou des triomphes, dans les régle-
mens des impôts, dans les décifions de la
paix ou de la guerre , en un mot , dans
toutes les affaires qui concernoient les
grands intérêts de la patrie. Ce même peu-
ple entroit à milliers dans les vaftes théâtres
de Rome & d'Athènes , dont les nôtres ne
font que des images maigres, & on le croyoit
capable d'applaudir ou de iiffler Sophocle,
Eurypide , Plante Se Térence. Si nous je-
tons les yeux fur quelques gouvernemens
modernes, nous verrons qu'en Angleterre
\q peuple élit fes repréfentans dans la cham-
bre des communes, & que la Suéde compte
l'ordre des payfans dans les affemblées na-
tionales.
Autrefois en France , le peuple étoit
regardé comme la partie la plus utile , la
plus précieufe, & par conféquent la plus
refpeftabîe de la nation. Alors on croyoit
que le peuple pouvoir occuper une place
dans les états-généraux; & les parîemens
du royaume ne faifoient qu'une raifon de
celle du peuple & de la leur. Les idées ont
changé, ôc même la claffe des hommes
faits pour compofer le peuple , fe rétrécit
tous les jours davantage. Autrefois \t peuple
étoit l'état général de la nation , fimplement
oppofé à celui des grands & des nobles. Il
renfermoit les laboureurs , les ouvriers ,
les artifans , les nég?)cians , les financiers ,
les gens de lettres & les gens de loix.
Mais un homme de beaucoup d'efprit, qui
a publié il y a près de vingt ans une dif-
fertation fur la nature du peuple , penft
PEU
que ce corps de la nation fe borne a(5luel-
lement aux ouvriers & aux laboureurs.
Rapportons Tes propres réflexions fur cette
matière , d'autant mieux qu'elles font plei-
nes d'images & de tableaux qui fervent à
prouver (on fyftême.
Les gens de loix , dit-il , fe font tirés
de la claffe du peuple , en s'ennoblifl'ant
fans le fecours de l'épée : les gens de let-
tres , à l'exemple d'Horace , ont regardé
\e peuple comme profane. Il ne feroit pas
honnête d'appeller peuple ceux qui culti-
vent les beaux arts , ni même de laifTer
dans la claffe du peuple cent efpece d'ar-
tifans , difons mieux, d'artiftes maniérés qui
travaillent le luxe ; des mains qui peignent
divinement une voiture , qui montent un
diamant au parfait , qui ajuftent une mode
fupérieurement ^ de telles mains ne reffem-
blent point aux mains àwpeuple. Gardons-
nous auffi de mêler les négocians avec le
peuple ; depuis qu'on peut acquérir |a no-
bleffe par le commerce , les financiers ont
pris un vol fi élevé, qu^ils fe trouvent côte
à côte des grands du royaume. Ils font
faufilés, confondus avec eux*, alliés avec
les nobles, qu'ils penfionnent, qu'ils fou-
tiennent , & qu'ils tirent de la mifere : mais
pour qu'on puiffe encore mieux juger com-
bien il feroitabfardede les confondre avec
\e peuple^ il fuffira de confidérer un mo-
ment la vie des hommes de cette volée &c
cqWq au ptupU^
Les financiers font logés fous de riches
plafonds; ils appellent l'or &c la foie pour
îîler leurs vêtemens ; ils refpirent les par-
fums , cherchent l'appétit dans l'art de
leurs cuifiniers ; & quand le repos fuccede
à leur oifiveté, ils s'endorment noncha-
lamment fur le duvet. Rien n'échappe à
■ces hommes riches & curieux ; ni les fleurs
•d'Italie, ni les perroquets du Bréfil, ni les
toiles peintes de Mafulipatan, ni les ma-
gots de la Chine , ni les porcelaines de
5axe , de Sève &: du Japon. Voyez leurs
palais à la ville & à la campagne , leurs
iiabits de goût , leurs meubles élégans ,
leurs équipages leftes , tout cela fent-il le
peuple ? Cet homme qui a fu brufquer la
fortune par la porte de k finance, mange
noblement en un repas la nourriture de
cent familles au peuple , varie fansjceffe fes
PEU. 573
plaifirs, réforme un vernis, perfectionne
un luftre par le fecours des gens du métier ,
arrange une fête , & donne de nouveaux
noms à fes voitures. Son fils fe hvre aujour-
d'hui à un cocher fougueux pour effrayer
les paffans; demain îî eft cocher lui-même
pour les faire rire.
j II ne refle donc dans la maffe du peuple
j que les ouvriers & les laboureurs. Je con-
j temple avec intérêt leur façon d'exifter;
j je rrouve que cet ouvrier habite ou fous
I le chaume , ou dans quelque réduit que nos
villes lui abandonnent, parce qu'on a be-
j foin de fa force. Il fe levé avec le foleil , & >
fans regarder la fortune qui rit au-deffus
de lui , il prend fon habit de toutes les
faifons , il fouille nos mines & nos carriè-
res , il defféche nos marais , il nettoie nos
rues, il bâtit nos maifons, il fabrique nos
meubles ; la faim arrive , tout lui efi bon ;
le jour finit , il fe couche durement dans
les bras de la fatigue.
Le laboureur , autre homme du peuple ,
eft avant l'aurore tout occupé à enfemen-
cer nos terres , à cultiver nos champs , à
arrofer nos jardins. Il fouffre le chaud , le
froid , la hauteur des grands , l'infolence
des riches, le brigandage des traifans, le
pillage des commis , le ravage même .des
bêtes fauves , qu'il n'oie écarter de fes
moiffons par refped pour les plaifirs i\qs
puiffans. Il eft fbbre , jufîe , fidèle , reli-
gieux, fans confidérer ce qui lui en revien-
dra. Colas époufe Colette , parce qu'il
l'aime ; Colette donne f^n lait à (qs enfans ,
fans connoîrre le prix de la fraîcheur & du
repos. Ils grandi fient ces enfans, & Lucas
ouvrant la terre devant eux , leur apprend
à la cultiver. Il meurt , & leur laifl'e fbn
champ à partager également ; fi Lucas n'é-
toit pas un homme du peuple^ il le laifié-
roit tout entier à Tainé. Tel eft le portrait
des hommes qui compofent ce que nous
appelions /?e///?/e, & qui forment toujours
la partie la plus nombreufe & la plus né-
cenaire de la nation.
Qui croiroit qu'on a ofé avancer de nos
jours cette maxime d'une politique infâme ,
que de tels hommes ne doivent point être
àkuraife, fi l'on veut qu'ils foient indul-
trieux & obéiffans } Si ces prétendus poli-
tiques, ces beaux génies pleins d'humanité j
574 P E tJ
voyageoîent un peu , ils verroient que
Pinduftrie n'eft nulle part fi aélive que dans
les pays où le petit peuple eft à fon aife ,
ik que nulle part chaque genre d'ouvrage
ne reçoit plus de perfedion. Ce n'eft pas
que des hommes engourdis fous le poids
d'une mifere habituelle ne puiTent s'éloi-
gner quelque temps du travail , fi toutes
les impofitions ceftbientfnr le champ : mais
outre ia ^différence fenfible entre le chan-
i^ement du peuple & l'excès de cette fup-
pofition , ce ne feroit point à l'aifance
qu'il faudroit attribuer ce moment de pa-
refle , ce feroit à la furcharge qui l'auroit
précédé. Encore ces mêmes hommes ,
revenus de l'emportement d'une joie inef-
pérée , fentiroient-iis bientôt la néceilité de
travailler pour fubfifter; & le defir naturel
d'une meilleure fubfiftance les rendroit fort
aélifs. Au contraire , on n'a jamais vu & on
ne verra jamais des hommes employer toute
leur force & toute leur induftrie, s'^s font
accoutumés à voir les taxes engloutir le pro-
duit des nouveaux efforts qu'ils pourroient
faire , & iisfe borneroient au foutien d'une
vie toujours abandonnée fan^s aucune efpece
-de regret.
A l'égard de l'obéiiïance , c'eftune in-
i'jftice de calomnier ainfi une multitude in-
finie d'innocens; caries rois n'ont point de
fujets f lus fidèles, &, fi j'ofe le dire, de meil-
leurs amis. Il y a plus d'amour public dans
cet ordre peut-être , que dans tous les au-
tres ; non point parce qu'il eft pauvre , mais
parce qu'il fait très-bien, malgré fon igno-
rance , que l'autorité & la prote6lion du
prince font l'unique gage de fa sûreté &
de fon bien-être; enfin, parce qu'avec le
refpeft naturel des petits pour les grands ,
avec cet attachement particulier à notre
nation pour la perfonne de fes rois , ils
n'ont point d'autre bien ,à efpérer. Dans
aucune hiftoire, on ne rencontre un feul
trait qui prouve que l'aifance du peuple par
Xq, travail j a nui àYon obéiffance.
Concluons que Henri IVavoitraifonde
defirer que (on peuple fût dans l'aifance , &
■d'afTurer qu'il travailleroit à procurer à tout
laboureur les moyens d'avoir l'oie grafife
P E U
quantité proportionnée que perfonne né
regrettera : mais lui arracher de force l'ar-
gent que fon labeur & fon induftrie lui onc
procuré , c'eft priver l'état de fon embon-
point &de fes refifources. ("Z). /.J
Peuple ROM AINj/j/e^i romana{Hlfi.
rom. ) Tout ce qui par l'établififement de
Romulus n'étoit pas fénafeur ou chevalier,
étoit peuple, /?/^^5 , habitant de la ville ou
de la campagne, ruflica vel urhana. Le
peuple de la campagne la cultivoit, &
tenoit le premier rang : d'où il arriva que
dans les commencemens de la répubhque ,
les praticiens eux-mêmes , dans le feinde la
paix , travailloient à la culture à^^s, terres ,
parce que chacun cultivoit fans déshonneur
fon propre champ, ou celui qui lui étoit
aflîgné fur les terres romaines.
Une partie du peuple qui habitoit la
ville, exerçoit le trafic , les arts , les dif-
férens métiers; &: les plus diftingués d'en-
tre eux s'appliquoient au miniftere du bar-
reau pour s'élever à la magiftrature.
La populace de Rome , qu'il ne faut pas
confondre avec le peuple proprement dit ,
plebs^ étoient des vagabonds, fans feu ni
lieu , toujours prêts à exciter des troubles
&: à commettre àzs crimes. Tite-Live
nomme cette troupe vagabonde , turha.
forenfis\, la troupe au forum ^ parce qu'elle
fe tenoit dans les places publiques , criant
qu'on partageât les terres fuivant la loi
agraire. CAzéronW^^QWQ plebs urbana^ la
populace de la ville , & Horace popellum
tunicatum , la populace à tunique , parce
qu'elle ne portoit qu'une fimple tunique.
Pour foulager la ville de ces miférables,
on les envoyoit dans les champs publics ;
mais une partie les quittoit pour revenir à
Rome. C'étoit-là que les féditieux , qui ne
cherchent qu'ù troubler l'état pour envahir
les biens des honnêtes gens , ameutoient
cette canaille , & ^qx\ fervoient à leurs
fins, comme des coquins qui n'avoient rien
à perdre. {D.J.)
Peuple , Ç Jardinage.) fe dit des jetons
ou talles qui viennent aux pies des arbres
& des plantes bulbeufes. V'oyei Talles.
PEUPLER, v.aa. ^n.{ Grammaire.)
gent dans les mains au peuple , il en reflue
nécefiairement dans le tréfor public une trée. f^oye7^^ L'article Population.
dans fon pot. Faites palier beaucoup d'ar-'^Il fe dit des hommes, des animaux & des
plantes. C'eft fe multiplier dans une con-
PEU
Peupler, v. ad. ( Charpent. )c'eflen
charpenterie, garnirun vulde de pièces de
bois, efpacées à égale diftance. Ainfi , on
dit peupler de poteaux une cloifon, peu-
pler de fblives un plancher , peupler de
chevrons un comble , &c. { D. J.)
Peupler une éwjfc en boutons , ( Eai-
nage. ) c'eft la frifer par l'envers comme
certains draps , ou par l'endroit comme des
racines. On dit qu'une étoffe eftbien peu-
plée , lorfque les boutons de la friiure y
îbnt fi épais & fi durs, que l'on a peine à
appercevoir le fond de l'étoffe. C^- ^ - )
PEUPLIER , f. m. populus en latin ,
popular en anglois, papdbaum en alle-
Kiand , ( Hlfl, nat. bot. ) genre de plante
à fleur en chaton, compolée de plufieurs
petites feuilles qui ont des fommets. Cette
fleur eft f^érile ; les jeunes fruits naiffent
fur des efpeces de peupliers qui ne portent
point de fleurs : ils font dilpofés en épi ,
& compofés de plufieurs petites feuilles,
fous lefquelles on voit une forte de cloche
qui embraflfe un embryon ; cet embryon
devient dans la fuite une filique membra-
neufe & en épi , qui s'ouvre en deux par-
ties , & qui renferme des femences aigret-
tées. Ajoutez aux cara61eres de ce genre le
port des efpeces du peuplier, qui diffère
de celui des faules. Tournefort, //z/?. rti
herb, Voye^ Plante.
Peuplier,/?o/7w/w5,( /^rt///z<z^^.) grand
arbre qui croît naturellement dans les cli-
mats tempérés de l*Europe & de l'Améri-
que feptentrionale. Il fait une tige droite ,
quiloinde fe confondre avec fes branches,
conferve toujours une pointe jufqu'à la plus
grande élévation de l'arbre. Sa tête eft garnie
de quantité de rameaux qui font grêlés &
un peu courbes, à caufe de leur difpofition
naturelle à fe dreffer du côté de la princi-
pale tige. Son écorce , d'une couleur jau-
nâtre , eft long- temps lifte & unie : il rie
s'y fait de gerfures que quand l'arbre eft
avancé en âge. Ses racines font fortes , &
s'enfoncent afi!ez profondément dans la
terre. Sa feuille eft lifte, dentelée, & d'un
verd brun ; elle eft légèrement arrondie
par le bas , & fe termine rapidement en
pointe. Tous les peupliers ne produifent pas
de graines ; les fleurs mâles viennent fur
àçfi ajbres différens de ceux qui produifent
PEU 57f
leurs fleurs femelles propres à donner des
femences. Les fleurs mâles font des cha-
tons d'une couleur rougeâtre d'aftez jolie
apparence , qui paroiftent au commence-
ment d'avril , ôc qui tombent au bout de
quinze jours ou trois femaines. Les fleurs
femelles qui donnent la graine, font raffern-
blées fur un filet commun , de même forme
que les chatons , mais de couleur d'herbe ,
& qui ne tombe que long-temps après ,
lors de fa maturité, vers la fin de Mai ou
le commencement de juin : dans ce temps ^
les graines qui font fort petites & termi-
nées par une aigrette , font difperfées par
le vent.
Le peuplier doit être mis au nombre des
plus grands arbres, & il m.érite de tenir
le premier rang parmi ceux qui fe plaifent
dans un terrain aquatique. Cet arbre croît
très-promptemenr, fe multiplie avec la plus
grande facilité; Se réfiftè à toutes les intem-
péries des faifons. Son utilité s'étend à
divers ufages très-profitables à la fociéré.
Le peuplier peut venir dansdi/férens ter-
rains ,*lnais il réufîît infiniment mieux dans
les lieux aquatiques , autour des étangs ,
le long des rivières, fur le bord desruif-
féaux , &: il fe plaît finguliérement fur les
berges des foftes remplies d'eau. Cet arbre
vient mieux dans les vallons que dans les
plaines , & il fe contentera plutôt de cette
dernière pofitionque de celle des coteaux;
il dépérit dans les terrains fecs & fabîon-
neux , & il ne dure pas long-temps dans
les terres argileufes , trop fortes ou trop
dures..
Cet arbre fe multiplie de rejetons, de
plançon & de boutures ; mais ce dernier
moyen étant la voie la plus facile, la plus
prompte & la plusafturée, c'eft celle dont
on doit fe fervir. Ces boutures fe font
après l'hiver, aufll-tôt que la terre com-
mence à être praticable ; il Ihut choifir de
préférence abfolue, les rejetons de la der-
nière année , les plus forts , les plus vigou-
reux & les plus unis , car le bois de deux
&: trois ans n'eft point propre à cet ufage.
On coupe les boutures d'un pié ou de
quinze pouces de longueur; on les pique
dans la terre en les couchant &: les tour-
nant de façon qu'il y ait un œil en deffus
qui puifîe pouftTer perpendiculairement, Ces
57^ PEU
boutures ne doivent fortir de terre que dé
deux ou trois yeux : on peut les planter
dans la place même oij on veut les élever,
à un pie ou quinze pouces les unes des
autres , en rangées de deux pies ou de deux
pies & demi de diftance. On les laiffera
pouffer à leur gré la première année; mais
au printemps fuivant on coupera tous les
réjetons , à l'exception de celui qui mar-
quera le plus de difpofition pour fe dreffer :
les années fuivanres on élaguera les jeunes
plants à mefure qu'ils prendront de la force ;
mais chaque année on rabattra jufqu'au pié
ceux qui feront d'une mauvaile venue ,
pour les obliger à former une nouvelle tige.
Ces arbres au bout de quatre ou cinq ans
auront communément dix à douze pies de
haut, ^ feront en état d'être tranfplantés
à demeure ; ils font à leur perfection 325
00 30 ans.
Le peuplier réuffit fort aifément à la tranf-
plantation , & on peut le tailler dans tou-
tes les faifons fans inconvénient; non pas
à la fa^on des faules que l'on étête entiè-
rement, mais en coupant toutes le* bran-
ches près de la maîtreffe tige , au-deffbus
de laquelle on laiffe un bouquet. Cette
façon de tailler le peuplier tous les quatre
ou cinq ans, eft la meilleure pour en reti-
rer de l'utilité ; on peut même le couper
plus fouvent en menus branchages pen-
dant le mois d'odobre : on fait fécher ces
rameaux avec leurs feuilles , c'eft une ex-
cellente nourriture pour le bétail pendant
l'hiver.
Le bois de peuplier eft jaunâtre, fouple,
affez dur , paflablement folide , mais un peu
difficile à la fente ; on en peut faire des pie-
ces de charpente pour des bâtimens de peu
de conféquence ; on en tire aufli des plan-
ches de durée, ft on les garantit de Ihu-
midité. Les fculpteurs l'emploient à défaut
du tilleul; il eft aufli de quelque ufage pour
les menuifîers , les tourneurs , les fabo--
tiers, &c. ,
Cet arbre a quelques propriétés qui font
d'ufage en Médecine. Les yeux ou les bou-
tons des branches du peuplier, lorfque le
mouvement de la fève fe fait fentir au prin-
temps, fe chargent d'une efpece de gomme
d'une odeur allez agréable ; les bonnes qua-
lités dç ce fuc vifqueux le font entrer dans
■ p E ir
la compofïtion du baume que l'on notrttne
popuUum , qui eft recommandable à plu-
(ieurs égards.
Les différentes efpeces ou variétés de
peupUers', font :
i". Le peuplier noir; c'eft à cette ef-
pece que l'on doit particulièrement appli-
quer tout ce qui a été dit ci-defi'us.
"i.^. Le peuplier noir, que Ton nomme
vulgairement l'ofier blanc. Il a plu aux gens
de la campagne de l'appeller ainfi, parce
qu'ils emploient dans les travaux de la vigne
les jeunes branches de cet arbre en place
del'olier; pour cet effet, ils l'affujettif-
fent à la tonte comme l'ofier, mais il
n'eft pas fi convenable que ce dernier pour
l'ufage que l'on en fait. Les feuilles de cet
arbre font dentelées plus profondément &
ondées fur les bords; & c'eft ce qui fert
principalement à le diftinguer du peuplier
noir ordinaire. - •
3*^. Le peupher noir de Lombardie; c'eft
une très-jolie variété nouvellement venue
d'Italie , où on en fait grand cas. Sa beauté
confifte en ce que {q% feuilles , qui ont beau-
coup de reflemblance avec celles de l'ofier
blanc , font d'un verd brillant très-vif, quoi*
que foncé; & cette verdure qui eft ftable,
ne s'obfcurcit point fur l'arriére faifon
comme celle des feuilles du peuplier noir or-
dinaire; mais un autre agrément plus re-
commandable, c'eft que le peuplier de Lom-
bardie forme naturellement la pyramide
bien plus que les autres arbres de fon genre ,
au moyen de ce que fes branches affedent
de fe rapprocher de la maîtrefte tige, ce
qui rend cet arbre des'plt^s propres à for-
mer des avenues d'une grande & fingu-
liere apparence.
4°. Le peuplier de Canada, autre va-
riété du peuplier noir quia fon mérite. Il
prend plus de corps, fa tête eft plus garnie
de rameaux fort épais , qui fe dirigent plus
en deborsque ceux du peuplier noir ordi-
naire, mais lamaîtreflfe tige ne pointe pas
& l'arbre prend moins d'élévation. Ses
jeunes rameaux ont [des cannelures, mais
dont les arêtes font bien moins faillantes
que dans le peupher de la Caroline , dont
il fera parlé ci-après ; fon écorce eft jaunâ-
tre, elle eft fujette à contrafter prompte-^
ment beaucoup de gçrfures très-profondes.
PEU
Sa feuille éft plus grande, plus épaiffe,
plus obtufe à la pointe , & d'un verd plus
clair que celle du peuplier noir ordinaire.
Celui <ie Canada dont il s'agit ici , ed
encore rare en France : je ne connois pas
Tefpece mâle ^ tous les plants que j'ai de
cet arbre font de refpece femelle. Le plus
gros qui eft âgé de ii ans ,335 pies de
hauteur , fur trois de circonférence : fa
tète eft auffi ronde que celle d'un tilleul.
Il a 18 pies de tige , dont fécorce eft
extrêiïiement & profondément fîllonnée ^
cependant l'afpeâ n'en eft point défagréa-
bîe , parce que les gerçures fè rappellent
l'une l'autre en s'adoucilfant j elles font
un compartiment varié , & la couleur
jaunâtre eft uniforme. Quand l'arbre entre
en fève au printemps, fès boutons fe gon-
flent & répandent au loin une odeur bal-
iàmique extrêmement agréable ^ au mois
de- juin fuivant , on voit tomber les filets
qui portent la graine , & qui font de trois ,
quatre & cinq pouces de longeur \ mais
ce qu'ils ont de remarquable , c'eft que
chaque loge qui contient ou doit contenir
les graines , eft remplie d'un duvet plus
foyeux que le coton , & tout auffi blanc ,
qui fe tient ralferablé autour des filets.
L'arbre en produit une fi grande quan-
tité, que la terre en eft couverte au pié
de l'arbre lorfqu'ils font tombés. Peut-être
pourra - 1 - on trouver moyen d'employer
cette matière dans les arts. Par la com-
paraifon qui a été faite de groiTcs branches
de neuf pouces de tour que l'on a coupées
de cet arbre, avec des branches de pareille
force de peuplier noir & de tremble , il
paroït que le bois du peuplier de Canada
tient le milieu entre celui du peuplier noir &
du tremble , pour la couleur & la confiftance.
Cet arbre feroit très- propre à former des
avenues ; il a phrs de foutien que le peu-
plier noir 5 il eft de plus belle apparence ,
& il eft tout aufli robufte. Il fè plaît dans
un terrain frais &humide j car ceux que l'on
avoit plantés dans un terrain fec & élevé ,
y ont bientôt dépéri , & font morts enfin.
5**. Le peuplier noir odorant , le taca-
mahaca , le baumier ; cet arbre eft origi-
naire de la Caroline , où il ne fe trouve
que le long des rivières : il y devient fort
élevé 9 & il étend coiuQdérablemeut fes
PEU 577
branches ; mais il s'en faut bien que ce
peuplier fafie de tels progrès en Europe.
M. Miller, auteur anglois , afTure que les
plus grands arbres de cette efpece que l'on
ait vus en Angleterre , n'avoient que 1 5 ou
16 pies de hauteur ; & on n'en a point en-
core vu en France qui aient atteint cette
élévation. Ce peuplier fait une tige affez
droite , & il affeite de diriger Ces bran-
ches en dehors. L'écorce des jeunes ra-
meaux eft d'une couleur rouffe très-obfcure ;
fes boutons font fort gros , & toujours
remplis d'une gomme jaune , épaiflè &
baifàmique , do4it l'odeur, quoique très-
forte , n'eft point défâgréabie ^ mais cette
gomme eft plus abondante quand l'arbre
entre eu lève , & elle regorge à l'infertioti
des feuilles dans les tendres rejetons : alors
elle eft plus liquide , & d'une odeur plus
pénétrante. Ses feuilles paroiffent de bonne
heure au printemps , & dès la fin de
février ^ dans ce teirps elles font d'un jaune
vif qui fe change en 4in verd clair , puis
en un verd brun & terne. Le defîbus de
la feuille eft d'un blanc fale, mat & ua
peu jaunâtre j elle eft grande , figurée ea
cœur , légèrement dentelée & pointue. Je
n'ai encore vu que les chatons de l'arbre
mâle de cette efpece de peuplier ; ils pa-
roiflcnt en même temps que les feuilles j
ils font plus gros & plus longs que ceux
du peuplier noir ordinaire, & d'un rouge
plus apparent. Cet arbre veut abfolument
un terrain humide , fans quoi il languit :
il eft fujet à poufter des rejetons fur fès
racines , qui peuvent fervir à multiplier ;
mais il eft plus court de le faire venir de
boutures , qui réulîilfent fort bien quand
on les fait de bonne heure dans un endroit
abrité , c'eft-à-dire , dès le mois de no-
vembre. Au lieu que fi on les fait à la
fin de l'hiver , le fuccès en eft bien moins
alftiré. On peut encore l'élever des branches
couchées , mais il ne réufiît pas à la greffe
fur le peuplier noir j car en ayant fait faire
plufieurs écuftbns à la pouflè fiir des fujets
de cette efpece , ces écuflbns reprirent &
pouffèrent bien pendant l'année , mais au
printemps fuivant , tous les fujets fe trou-
vèrent morts & defféchés. Ceci ièrt à
prouver qu'il ne fulîit pas , pour le fuccès
de la greffe, que les parties folides U
Dddd .j
57^ PEU
configurantes du iîijet & de la greffe fe
correipondent , & qu'il faut encore de
Tanalogie entre les fiics féveux de l'un &
de l'autre. Cet arbre m'a paru jufqu'à
préfent-iliffifamment robufte pour réfiller
en plein air dans ce climat. Ses feuilles
fe iiétriffent & tombent de bonne heure
en automne, même dès la fin de feptem-
bre j il eft vrai que cette feuille eft aflcz
belle au printemps & en été. Mais cet arbre
tire Ton principal mérite de fa gomme bai-
fîimique , qui pourroit être d'ufage en mé-
decine ^ ce qu'il y a de certain , c'eil que
cette gomme eft fouveraine pour guérir les
coupures.
6°. ]-.c peuplier noir de la Caroline ; c'eft
fans contredit la plus belle efpece de peu-
plier , qui n'eft pourtant connue que depuis
peu d'années en France , non plus qu'en
Angleterre. Cet arbre eft fur-tout remar-
quable par la grandeur admirable de fes
feuilles , qui ont fouvent lo pouces de
longueur , fiir 8 à 9 de largeur ^ elles font
auiîî légèrement qu'agréablement campa-
lîées fur les bords : la verdure en eft vive ,
brillante & ftabl^: elles tiennent à l'arbre
par de longs pédicules , qui étant applatis
lijr les côtés , s'inclinent à contre-fens des
feuilles ordinaires ^ ce qui fait que la feuille
de ce peuplier eft fufpendue de côté. Vers
la fin de l'été les principales côtes de fa
furface fe teignent d'une couleur rougeâtre ,
qui fait avec la verdure un contrafte fin-
gulier 'j mais l'accroifTement ds ce peuplier
eft un phénomène digne d'admiration : c'eft
de tous les arbres qui peuvent venir dans
les climats tempérés de l'Europe , celui
qui croît le plus promptement ^ il s'élève
& grolîit d'une vîtefte furprenante. De
jeunes plants d'un demi - pié de haut ,
plantés dans une terre meuble & fraîche ,
ont pris en deux ans 1 5 pies de hauteur ,
fur huit à neuf pouces de circonférence j
ayant des têtes de huit à dix pies de
diamètre , garnis de fix , fept ou huit
branches de cinq , fept & jufqu'à neuf pies
de longueur. On peut regarder cet arbre
comme un prodige de végétation. Ce peu-
plier eft encore remarquable par fès pro-
fondes cannelures , au nombre de quatre
' ou cinq , qui font fur le bois de l'année ,
èi dont les arêtes font faillantes &: très-
P E U
vives j ces arêtes s'adouciflent avec Page ,
& laiftent encore des traces fur le bois de
deux & de trois ans. On ne connoît en-
core ni les fleurs mâles , ni la graine ,
ni la qualité du bois de cet arbre ; quoi-
que originaires des contrées méridionales
de la Caroline & de la Virginie , il eft
néanmoins fort robufte ^ il "vient à toutes
les expoiitions dans les lieux bas ^ il pro-
fite alfez bien dans une terre franche ,
meuble & douée , mais il fe plaît (iir-tout
dans l'humidité , pourvu qu'elle ne foit pas
permanente : c'eft- là fur -tout qu'il profî^ere
& qu'il fait de grands progrès. On le mul-
tiplie de branches couchées , qui font peu
de racines en un an , mais qui ne lailîent
pas de reprendre de boutures , qui rculfi-
fent paffablement quand on les fait dès
le Commencement du mois de novembre j
& par la greffe, qui prend aifez bien fur
le peuplier noir ordinaire. Il çi'a paru que
le peuplier de Lombardie n'étoit pas , à,
beaucoup près , fi propre à lui fervir de
fujet. Le peuplier de la Caroline eft extrê-
mement convenable poi;r former des ave-
nues , des allées , & fiir-tout des /ailes en
verdure & des quinconces , où cet arbre fe
défend mieux contre les vents impétueux ,
qui lui rompent quelquefois des branches.
y^. Le peuplier blanc a larges feuilles ,
que l'on nomme aufii grifaille d'Hollande ,
ou ypreau , ou franc picard , & en Angle-
terre abele , eft un grand arbre qui ne
pointe pas autant que le peuplier noir or-
dinaire , mais qui s'étend beaucoup plus ,
&; qui grofiit davantage : fcn accroiifement
eft aufti plus prompt , mais moindre pour-
tant que celui du peuplier de la Caroline.
Son écorce , qui eft blanche & fort unie ,
ne fe ride que dans un âge très-avancé.
Sa feuille en général , eft figurée en cœur ,
& découpée par les bords d'échancrures ,
les unes plus , & les autres moins profon-
des \ elle eft d'un verd fort brun en def-
fous , & d'une extrême blancheur j>ar
deflbus , qui eft veloutée. Ses fleurs mâles
& les filets qui portent la graine , paroif-
fent & tombent en même-temps que eews.
du peuplier noir ordinaire. Les racines du
peuplier blanc s'étendent beaucoup à la
furface de la terre , ce qui le rend fijjet
I à cire quelquefois renverfé par les vents.
PEU
II a le mérite particulier êe rénfTir dans
tous les terrains , même dans • les lieux
aflez fecs & élevés ^ il ne redoute que la
craie , le g-ravier maigre & le fable pur ^
il fe plaît dans les terres noires , graffes &
argileufès ; mais il profite beaucoup plus
dans les lieux bas &: aquatiques, où il
croît avec une extrême vivacité. Les in-
tempéries des faifons ne peuvent rien
contre cet arbre , que l'on peut multi-
plier très-facilement de boutures , mais
plus promptement en fe fervant des reje-
tons qui viennent en quantité fur fes raci-
nes j il ne leur faut que trois ans de pépi-
nière pour les mettre en état d'être plantés
à demeure. Il fe garantit par lui-même
des beftiauxj car ils ne. veulent point de
fon feuillage , à ce que rapporte Ellis ,
auteur anglois. Le bois de ce peuplier eft
très-blanc ^ auffi eft-il tendre , léger , &
facile à fendre ^ mais il eft moins fîjjet
à fe gercer que beaucoup d'autres eipeces
de bois blancs : c'cft ce qui le fait em-
ployer par les tourneurs , les luthiers &
les layetiers. Les menuifiers font aufTi ufàge
de ce bois , qui eft excellent pour la boi-
fèrie , & fur-tout pour parqueter. Il {èrt
auHl aux charrons pour faire des trains de
voitures légères. Enfin le peuplier blanc
eft très-propre à former de grandes ave-
nues le long des canaux & dans des fonds
marécageux , où quantité d'arbres refùfènt
de venir.
8°. Le peuplier blanc h petites feuilles.
Cet arbre ne diffère du précédent que par
la figure de fes feuilles , qui font plus pe-
tites & moins échancrées , ce qui le rend
fort inférieur pour l'agrément.
9°. Le peuplier blanc à petites feuilles
panachées. II fuit que cette variété foit d'un
agrément bien médiocre , car les auteurs
anglois n'en font aucun détail , quoiqu'en
Angleterre on foit fort curieux de raifem-
bler les arbres panachés.
io°. Le tremble. C'eft un grand arbre ,
& l'efpece la plus ignoble des peupliers :
il a prefque toujours un air chenu & dé-
périffant qui le dégrade 5 il vient com-
munément dans les bois dont le fol eft
froid , humide , argileux j il fait une tige
afîez droite . qui ne grofîît pas à proportion
de fa longueur. Sa tête eft allez ronde.
P E U J7,
Ses rr.cnies tracent à fleur de terre , &
pouffent une grande quantité de rejetons.
Son écorce de couleur cendrée , paroît
terne , matte , & feche comme fi elle était
morte. Ses feuilles ibnt prefque rondes ,
fort unies , légèrement campanées fur les
bords 5 & d'un verd clair cendré affez joli ;
elles font foutenues par de longs pédicules ,
fi minces , que léis feuilles font agitées
au moiudre mouvement de l'air. Ses fleurs
mâles ou chatons paroiffent des premiers ,
& plus d'un mois avant ceux des autres peu-
pliers ; ils ibnt d'une couleur roufle-obfaire)
les filets qui portent la graine , tombent à
la fin de mai. Nul agrément à attendre
de cet arbre , & encore moins d'utilité ,
•fi ce n eft celle qu'on peut retirer de foà
bois , qui n'eft guère propre pour le
chauffage : c'eft le moindre de tous les
bois de différens peupliers pour l'uJ^ige des
arts j cependant, les menuifiers , les tour-
neurs & les fabotiers , l'emploient , & les
ébéniftes s'en fervent pour les bâtis propres
à recevoir les bois de placage.
11°. Le tremble à petites feuilles. C'ell
une variété de l'efpece^qui précède , dont
elle diffère par fâ feuille , & de plus par
fon volurtfe. Le tremble ne devient ni fî
grand ni fi gros que l'efj^ece à large feuille;
mais ce diminutif eft compenfë par la fa-
cilité qu'il a de venir avec quelque fuccès
dans des terrains fecs & élevés , & d'aifez
mauvaife qualité. ( M. d'Aubenton le
fubdélégué. )
Supplément h tarticle peuplier.
Caraâere générique.
Les fleurs mâles & les fleurs femelles
font portées par des individus différens •
les fleurs mâles font grouppces fur un
filet commun qui eft tout garni d'écaillés :
fous chacune eft une feule fleur , fans pé-
tale , pourvue d'un neftarium d'une feule
pièce , applati par le bas , & cylindrique
par le haut ; on y trouve huit étamines
furmontées par de grands fommacts à quatre
cornes ; les fleurs femelles font aufïï ren-'
fermées dans àes chatons^ elles n'ont qu'iwi
embryon aigu qui n'a pîjcfque point de.
ftyle , & un ftigmate à quatre pointes.
Cet embryon devient une capfùle ©varie
Dddd 2
^jîo PEU
a deux cellules renfermant phCieun {k-
menées ovales , pourvues d'aigrettes coton-
aeuiès.
Efpects,
1. Peuplier à feuilles découpées en lobes
& dentées , cotonneufes pardclïbus» Peu-
plier blanc à feuilles ., large-abele.
Populus foins lohatis dentatis , fubtus
tcmentofis. MilL
Abele-tree,
2.. Peuplier à feuilles arrondies , décou-
pées en angles , velues pardeiibus. Peuplier
ManC à feuilles oblongues.
Populus fo lits fubrotundis dentato-angu-
îatis , fubtus tomentofis, Hort, Cliff\
White poplar.
7. Peuplier à feuilles arrondies , , décou-
pées en angles y unies des deux côtés.
Peuplier tremble.
Populus foliis fubrotundis dentaîo-angu-
latis utrinquè glabris, Hort, Cliff'.
The afpen-tree.
4. Peuplier à feuilles ox'ales-cordifor-
. mes , ppintues &.^ crénelées.. Peuplier noir
commun.
Populus foliis ovato-cordatit^acuminatis
crenatis, Mill.
The black poplar,
5. Peuplier à feuilles ovaîes pointues &
crénelées à branches raffemblées en faifceau.
Peuplier d'Italie;
Populus foliis ovato-cordàtis acuminatis
crenatisy ramis- i:i fafîigium convol'utis-,
Italian poplar».
6. Peuplier noir à feuilles ondées».
Populus Iteterophilla,
7. Peuplier à feuilles ovales y approchant
•de la forme d'un coin à écorce blanche.
Oiier blanc.
Populus foliis ovato-cuneiformibus , cor-
tice albicante. Mort, Colomb.
8. Peuplier à feuilles oblongues à dents
obtufes, blanchâtres pardeflbus. Peuplier
leard. Peuplier de la Louifîane.
Populus foliis oblongis ù obtus} dentatis
fubtus albicantibus. Hort, Colomb,
9. Peuplier a feuilles rondes crénelées,
vertes des deux côtés, à très-longs pédi-
iules. Peuplier d'Athènes.
Populus foliis roiundioribus crenatis
Mfin^uc viridibus» HQrt, Colomi^
PEU
ïo. Peuplier à feuilles cordiformcs ntt
peu crénelées , unies des deux côtés. Peu'
plier de Virginie.
Populus foliis CQrdatis obfolitè crenatis ^
utrinquè glabris,.
Virginian poplar,
II. Peuplier à feuilles prefque cordl-
formes-oblongues & crénelées. Peuplier
de la Caroline.
Populus foliis fabco-rdatis'oblongis en-,
natis. Hort, Clijjf^.
Carolina poplar.
11, Peuplier à feuilles prefque cordifor-
mes , blanches pardeflbus , d'un verd noir
pardeffus. Baumier. Tacamahaca.
Populus foliis fubcordatis , infernè /Vt-
canis , fupernè atroviridis, iVlilL
Tacamahaca.
Quoique les peupliers aiment à couvrir
les eaux de leur feuillage , ils croiffent
néanmoins fort bien dans les terres médio-
crem.ent humides , particulièrement les trois
premières efpeces. Le /i°. i. a de très-
larges feuilles agréablement découpées , Ôc.
fi blanches pardeflbus , que l'arbre paroît
tout blanc lofque le vent les foulcve :
effet qui varie agréablement la fcene diamr
pctre*
' Le n°, 2 a les feuilles un peu oblongaies ;
elles font moins blanches pardeflbus que
celles du-/2°. i: l'arbre prend moias de
corps y vient plus haut , Se s'élance plus
droit.. Le tremble habite les bois & les
coteaux , & parvient à une hauteur aifez
confidérabîe , lorfqu'il fe trouve à une
certaine diilance des autres arbres. Le doux
frémiifement de fes feuille? inquiètes qu'a-
gite le moindre fouille de l'air , n'inter-
rompt le filence des forêts que pour les.
' rendre plus propres à nourrir cette mélai>
colie où fe plaifent les âmes feniibles.
Le /z*^. 4 eft le peuplier commun. Cet
arbre devient d une hauteur & d'une grof-
feur prodigieufès aux lieux où il iè plaît ^
nous en avons abattu un qui des bords
d'^un vivier élevoit fa tête étendue bien
au deffus d'un coteau voifln très-élevé. îl
pous a donné àQS planches pour la valeur
de cent francs , deux cordes de bois , &
deux ou trois cents de fagots : il n'avoit
que trente ans. On écime ce peuplier pour
iè procurer toas les cinq ans une récolMt
PEU
«îe perches & de menu bois : la meilleure
méthode eft celle en ufage en Champa-
gne : on forme des têtes latérales , & on
lailFe à la flèche tout fon effort ; ainfi
on jouit des récoltes de l'arbre , en fe mé-
nageant pour la fuite , dans fon corps vi-
goureux & fain , des planches & des bois
de conftru^ion.
Le n^. S eft le peuplier d'Italie ; fa cime ,
qui reifemble à un clocher , fait un bel
effet dans les lointains , &: fur - tout au
haut des cêteaux. Cet arbre ne mérite ni
ïenthoufiafme dont on l'a d'abord accueilli,
ni le mépris dans lequel il eft près de
tom.ber. Son bois eft aufli bon que celui
du peuplier commun , mais il a le défaut
de ne pas groiîir en proportion de la
hauteur qu'il acquiert. Le terrain le moins
propre à cet arbre eft celui qui n'étant
humide que par fa configuration qui lui
fait retenir des eaux une partie d^ l'année ,
devient d'autant plus fec, plus compacte,
& fe crevaife plus profondément durant \qs
fécherelfes de l'été.
J'ai vu une feule fois le /z°. 6 en Cham-
pagne ; c'eft tout ce que je puis dire de
ce peuplier , qui n'eft peut être qu'une
variété du /i®» 4 : il forme un fort bel
arbre.
Le /z®. 7 a les branches encore plus
étendues que celles du n^. 4j fes jeunes
branches font liantes ôc couvertes d'une
ëcorce unie &; blanchâtre. Son verd eft plus
clair de quelques nuances : il vient fort
vite 5 fon bois eft d'une bonne qualité.
Le n^. 8 , naturel de ia Louilianc , ne
paroît pas devoir venir aufli haut que les
autre» j il croît lentement , & ne poulfe
qu'une prem.iere fève. Son écorce eft
brune ^ ks feuilles paroiflfeat dès la fin de
mars , & font alors âi\ii\ verd tendre &
glacé qui réjouit finguliérement la vue j
il exhale une odeur balfamique qu'on refpire
volontiers avec l'air printauier. S«n bois
eft eftimé en Amérique.
Le /2**. <^ n'eft qu'un petit arbre ^ ('QS
feuilles font larges , prefqae rondes , épaif-
iès & d'un verd très obicur. Les pédicules
font applatis ^ 1 écorce eft d'un brun noi-
râtre r les boutons font petits , & relTem-
blcnt à ceux du tremble 5 ils ne ibnt
<:ouvcrts que d'une couclie légère de
PEU . jti
baume : fes branches deviennent un peu
noueufes.
Le /z°. 10 eft le plus beau Se le plus
utile de tous -, fa tête eft fuperbe ; fon
bois eft dur & excellent \ il vient vite ,
& prend- une grolfeur "confidérabie ^ foii
écorce eft fort raboteufe ^ fes feuilles ,
moins larges que celles du peuplier de la
Caroline , le font beaucoup plus que celles
du peuplier noir : elles font très - rappro-
chées \qs unes des autres j & comme cet
arbre eft très - rameux , fà touffe , qui
aifcâie la figure d'un dais , eu impé-
nétrable aux rayons du foie il.
Le peuplier de la Caroline eft un des
plus beaux arbres d'ornement qu'on puiife
cultiver. Ses feuilles larges , épaiilès , gla-
cées , inquiètes , fonores 6c partagées par
une veine de corail , font d'un effet fii-
perbe ;, elles ne tombent qu'à la mi-décem-
bre , & elles tombent vertes. Cet arbre
eft d'un effet admirable dans \qs bofquets
d'été & d'automne _j on a tor^. de croire
qu'il ne puiffe pas réfifter aux vents. II
faut lui' procurer dans fa première éduca-
tion un tronc robufte, des branches baffes
& égales qui balancent leur propre poids,
& il faura les braver.
Le /i°. 12, ne s'élève guère qu'à dix
ou douze pies ^ fes gros boutons font
chargés d'un baume très - odorant , qui
feroit fans doute d'un excellent ufage en
pharmacie.
Tous les peupliers fe multiplient, par les.
boutures , hors le tremble y le peuplier de
la Caroline & celui d'Athènes. , dii moins
les boutures de ceux-ci ne reprennent que
difficilement. L'àbele & le tremble fe rc-
produifent abondamment par les furgeons
qu'ils poulîent de leurs racines latérales
fupérieures. Le peupUv de la Caroline &
celui d'Athènes peuvent fè marcotter : cui
les greffe auffi fur le peuplier d'Italie. Il
faut choifir \ixi moment où la fève n'a
qu'une aâ;ivité moyenne \ fà trop grande
abondance noieroit les écuifons au bout
de quelques jours.
Les peupliers noirs , l'ofier blanc , &
même le peuplier blanc à petites feuilles^
peuvent fè planter à demeure de plan-
çons , comjne les faules. ( Vaye^-ci-aprls-
Saule.; il ne faut pas retrancher la
^ni PEU
flèche des branches dont on fait les
plançons.
Les peupliers blancs forment vite de
gros arbres. Leur bois eft employé en
FJanare à la charpente des maifons & à
plu fleurs autres ufages ^ aufîi toute cette
province en eft couverte.
On a une variété du n°. i & une de
Tofier blanc , dont les feuilles font pana-
chées j mais à moins que la terre ne foit
très - mauvaife , ces panaches s'effacent
bientôt. ( M. le baron DE Tschoudi, )
Peuplier, (Mat. méd.) peuplier noir: le
peuplier noir fournit à la pharmacie (qs yeux
ou bourgons naiffans , en latin oculi feu
gemmae populi nigrce. Ces yeux fout enduits
& pénétrés d'un fuc balfamique d'une odeur
fort agréable : Tournefort recommande'
contre les diarrhées invétérées & les ulcè-
res internes, l'ufage intérieur d^une tein-
ture tirée des yeux de peuplier. Plufieurs
auteurs en recomm.andent encore l'ufage
extérieur \ par exemple , leur application
en forme de cataplafme fur les hémor-
rhoïdes , ^-c. mais l'un & l'autre de ces
ufages eft abfolument négligé , & les bour-
geons de peuplier ne font abfolument em-
ployés que dans la préparation de l'onguent
populeum^ auquel ils donnent leur nom ,
& dont voici la defcription d'après la
pharmacopée de Paris.
Onguent populeum. Prenez des bour-
geons de peuplier une livre & demie 5
broyez les dans trois livres de iàin-doux ,
& gardez ce mélange dans un vaiffeau de
terre ver nilfé, à orifice étroit & bien bouché
dans un lieu tempéré , jufqu'à ce que vous
puilTiez vous procurer dans le courant de
l'été les matières fuivantes : favoir, feuilles
de pavot noir , de mandragore , ou à fon
défaut, de belle de nuit , de jufquiame,
de grande & petite joubarbe , de laitue ,
de glouteron , de violette , de nombril
(de Vénus , ou à fon défaut d'orpin , de
jeunes pouces de roHces , de chacun trois
onces '■) de morelle des boutiques , fix
onces '■) pilez toutes ces matières ; mêlez-
les exaôement avec votre fain- doux chargé
de bourgeons de peuplier , mifes à feu
doux , les agitant de temps-en-temps dans
un vailTeau couvert ^ paffez , exprimez à
la prelTe , 6c yous aurez votre onguent
P EU
Cet onguent eft d'un ufage très-commun
contre les tumeurs inflammatoires exté-
rieures , & principalement contre les
hémorrhoïdes très-douloureufes , dont il
eft regardé comme le calm.ant fpécifique.
L^onguent populeum entre dans la com-
pofition de plufieurs médicamens officinaux
externes ^ par exemple , dans le baume
hypnotique , l'onguent contre la gale ,
l'onguent hémorrhoïdal , & l'onguent épif-
paftique de la pharmacopée de Paris, {â)
PEUR , FRAYEUR , TERREUR ,
(Syno'n.) Ces trois exprefllons marquent
par gradation les divers états de l'a me
plus ou moins troublée par la crainte.
L'appréhenfion vive de quelque danger ,
caufe la peur j fi cette appréhenfion eft
plus frappante , elle produit la frayeur ;
fi elle abat notre efprit , c'eft la terreur.
La peur eft fouvent un foible de la ma-
chine pour le foin de fa confèrvation ,
dans l'idée qu elle a du péril. La frayeur
eft une épouvante plus grande & plus
frappante. La terreur eft une pafllon acca-
blante de l'ame , caufée par la préfence ,
ou par l'idée très-forte de l'effroi.
Quelques exemples tirés de Vhijioire
romaine , vont juftifier la diftiné^ion qu'on
vient de donner de ces trois mots.
Pyrrhus eut moins de peur des forces
de la république , que d'admiration pour
fès procédés j au contraire dans la fuite
des fiecles , Attila faifoit un trafic cooti-
nuel de la frayeur des Romains ^ mais
Julien par fa fageife , fa conftance , fon
économie , fa valeur , & une fuite perpé-
tuelle d'aélions héroïques, rechalfa les
Barbares des frontières de fon empire 5
& la terreur que fon nom leur infpiroit,
les contint tant qu'il vécut.
Augufte armé , craignoit les révoltes
des foldats ^ & quand il fut en paix , il
redoutoit également les conjurations des
citoyens. Dans la peur qu'il eut toujours
devant les yeux d'éprouver le fort de foa
prédéceffeur , il ne fongea qu'à s'éloigner
de fa conduite. Voilà la clé de toute la
vie d'Oâiave.
On lit qu'après la perte de la bataille
de Cannes la frayeur fut extrême dans
Rome i mais il n'en eft pas de la conf^
ternatiou d'un peuple libre & belliqueux.
PEU
qui fe trouve toujours des refTources de
courage , comme de celle d'un peuple
efclave qui ne fent que fa foiblefTe.
Le célèbre fénatus-confulte que l'on voit
encore gravé fur le chemin de Rimini à
Cézene , par lequel on dévouoit aux dieux
infernaux quiconque avec une cohorte feu-
lement paiïeroit le rubicon , prouve com-
bien le fénat appréhendoit les deifeins de
Ccfar. AufTi ne peut- on exprimer la terreur
qu'il r paiidit iorfqu'iî paifa ce ruiffeau.
Pompée lui-même éperj^u ne fut que fuir ,
abandonner l'Italie , & gagner prompte-
ment la mer. ( D. J. )
Peur é' Pâleur , ( MythoL MédcML
Lktérat ) divinité': païennes qui avoicnt
des autels chez lej Grecs & les Romaiiis ,
afin qu'elles préfervafîent de l'c^jprobre êc
de i'i-ifamie. Théfée leur facrifîa dans cette
vue : Maxandrc en fit de même ^ & par
les 1! l'i'^es principes , la peur avcit une
chapelle à Sparte 5 payions à Rome.
La ville cî'Albe ayant été foumife aux
Romains par un traité fait après la victoire
à^'i Horaces , la paix ne dura pas long-
temps j elle fut rompue par la trahifon du
diûateur Metius SufFetius , & par la révolte
àQ% Albains , qui attirèrent dans leur parti
les Fidénates & les Veïens. Le roi Tuilus
ayant pris la réfoiution de les combattre,
il s'apperçut , au milieu du combat , qu'à
la follicitation du dictateur , les Albains
qui s'étoient d'abord déclarés pour les
Romains , tournèrent leurs armes contre
eux. Tuilus , pour prévenir l'épouvante
qui pouvoit fe répandre dans fbn armée ,
voua dans le moment , ditfhiftorien , douze
Saliens & des temples à la peur & à la
fâleur. Ce vœu eut fon effet, Tuilus fut
vainqueur , ùc.
Il y a deux médailles de la famille
Hoftilia , rapportées dans les familles ro-
maines de Fuîvius Urfinus , de Patin ,
& de Vaillant , ierquelles repréfèntent la
peur & la pâleur. La première offre une
fête avec des cheveux hériffés , un vifage
étonné , une bouche ouverte , &: un regard
qui marque l'épouvante dans une occafîon
périlleufe. La féconde offre une face mai-
i^xt , alongée , les cheveux abattus , & le
regard *fixe \ c'eft la pâleur , laquelle eft
l'effet ordinaire de la peur : le fang 6c la
P E Y 5!)
couleur fe retirent au dedans de nous ,
lorfque nous l'éprouvons j le vifage devient
pâle , la fueur froide , le tremblement ,
l'immobilité , fuccedent , &c. Aufll Lu-
crèce applique ingénieufèment à la peur
les mêmes effets que Sapho attribue à un
violent amour.
Verum ubi vehementi magis efl c6m-
mota metu mens ,
Confentire animam totam per membra
videmus :
Sudores itaque , & pallorem exijiere
toto
Corpore , 6* infringi linguam , vocem-
que cboriri ,
Caligare oculos , fonare aures , fucci'-
dcre anus ;
Denique concidere ex animi terrore
videmus
Scepè homines,
(D.j.)
PEUREUX , adjeâ:. cheval peureux ,
voyei Ombrageux.
PEWTER , ( Métallurgie.) nom -que
les Anglois donnent à un alliage dont
l'étain fait la baie , & dans lequel fur un
quintal d'étain , on joint quinze livres de
plomb , & lîx livres de cuivre jaune j on
en fait des vaiffcaux & des uftenfiles de
ménage.
On fait audi une autre compofition ou
alliage d'étain , dans lequel on fait entrer
du régule d'antimoine, du bifmuth & du
cuivre , dans des proportions différentes.
On prétend que Jacques II , roi d'Angle-
terre , étant en Irlande , fit faire de la
monnoie de pewter ou d'étain 3 on y lifoit
la. légende melioris tejfera fati,
PEYER (GLANDES de), [Anatom.)
Peyer de Schafoufe s'eft attaché à la re-
che'rche des glandes inteftinales répand'jes
dans \ç.s inteftins grêles \ ces glandes por-
tent fon nom. Il a , outre cela , fait diffé-
rentes découvertes , & nous a laiffé diffé-
rens traités.
PEYQ , f. m. {Hift. mad. ) valet-de-
pié du grand- feigneur. Ils portent à leur
tête un bonnet d'argent doré , avec unQ
plume griiè ou blanche qui pend par der-
rière.
5^4 P E 2^
PEVREHOURADE , {Ghgr, mod,)
en latin du inoyen âge , Petra-Forata ,
petite ville de France , dans le pays des
l-andes , au confluent de l'Adour & du
Gave, Elle eft chef - lieu du vicomte
d'Orthez.
PEYRUSSE, {Géog. anc) petite
ville de France dans le Rouergue : elle
eft fur une montagne , au pié de laquelle
palî'e la petite rivière de Diege , à 4 lieues
de Capdenac , 109 de Paris. Long, 18. 40.
lat. 44. 36. ( D. /. )
PEYSE , {iibll. fém. ( Monnaie. ) petite
iTîOnnoie de cuivre qui a cours dans les
ludes orientales , particulièrement à Ama-
dubath , ville des états du Mogol. Les
l6 peyfes font un mamoudis , & les 54 une
roupie ^ ainfi lapeyfe eft environ deux fous
de France. {D. J.)
PEZGALLO , ( Ichthyolog, ) c'eft-à-
dire , poifTon-coq \ c'eft un poiflon de la
mer du Sud , ainfi nommé par les créoles
de l'Amérique méridionale , de la crête ou
trompe qu'il porte iiir le mufeau. Les Fran-
çois l'appellent demoifelU , ou éléphant ;
toutes dénominations qui ne font f>as meil-
leures les unes que les autres. Il a fur le dos
im aiguillon fi dur , qu'il pourroit fervir
d'aleine pour percer les cuirs les plus durs.
M. Frefier auroit dû entrer dans d'autres
particularités fur la ftruâure de ce poillbn,
aii lieu de fe contenter de nous dire , qu'on
en pêche quantité à Quillota , & qu'on les
fait fécher pour les envoyer à San - Jago.
{D.J.)
P F A
PFAFFENHOFEN , ( Géogr. mod. )
ville du bailliage d'Allemagne , dans la
haute Bavière , fur l'Un , à 12 lieues d'Li-
golftad, 18 de Munich. Long. 28. 35 j
latit. 49. 5. {D. A )
PFEFFERS , f. m. ( Géog. Hiji. nat. )
abbaye célèbre de la Suifle , fituée dans
le voifinage des Grifons , à deux lieues
de Coire , dont l'abbé eft prince de l'em-
pire. C'eft auprès de cette abbaye que l'on
trouve une fource d'eau thermale très-
renommée par fon efficacité. Cette fource
eft au fond d'un précipice affreux , entouré
de tous côtés par les Alpes j fon eau cefte
file couler vers le commencement d'o6iQbre ,
P FO
& elle recotnmence au mois de mai. Le»
eaux de Pfejf'trs fe nomment en latin
thenncc fabarice , ou thermce piperînje.
PFIN , C Géog. mod. ) en latin i-'ines ,
ou ad Fines , petite ville de Suifle , dans
le Thourgaw , fur le bord du Thour , près
de Stein , chef-lieu d'un bailliage de même
nom , dépendant du canton de Zurich ,
qui y envoie un bailli , dont la réfidence
eft dans le château. Les romains avoient
bâti là une place pour arrêter \qs incur-
fions des Germains & des Helvétiens. On
voit encore les murailles de l'ancienne ville ,
& l'on a déterré quelques médailles dans le
voifinage. Les comtes d'Ebcretein pofle-
doient cette place dans le xvj fiecle. \Jn.
gentilhomme nommé Wambould ^ en fit
l'acquifîtion , & après fa mort, fès héritiers
la rendirent à M. de Zurich.
PFŒRTEN , ( Géogr. ) ville d'Alle-
magne dans la bafle Luface, au cercle de
Guben , chef - lieu d'une feigneurie de
vingt villages , que les comtes de Bruhl ont
acquife de ceux de Promnitz. Le château
dont cette ville a été long-temps munie ,
fut à -peu -près détruit par les Prufiiens
l'année 1758. { D.G.)
PFÛRTZHEIM , ( Géog. mod. ) petite
ville a Allemagne , dans la Suabe , au
marquifat de Bade-Dourlach , aux fron-
tières du Craischsgow j elle eft fur la rive
d'Entz , à 42 milles eft de Dourlach ,
8 nord eft de Haguenau , 7 fud-oueft de
Heidelberg , 6 fud-eft de Spire. Long. 27.
17.^ lat. 48. 55. ,
Reuchlin ( Jean ) , l'un des (avans hom-
mes en langues latine , grecque , & hébraï-
que , que l'Allemagne ait produit dans le
xvj fiecle , naquit à Pfortiheim. On le
connoît aufli fous le nom de Fumée , & de
Capnion , parce que reirch en allemand ,
& KA^rvioven grec , HgniRent fumée. Il s'at-
tira beaucoup d'ennemis , pour avoir obtenu
de l'empereur qu'on ne brûlât pas les livres
des Juifs j où il n'étoit point queftion de
religion. Il donna lui - même plufieurs
ouvrages où règne l'érudition des lan-
gues , aufil loin qu'elle avoit été portée
jufqu'alors. Il mourut en 1512 , 367 ans.
Quelques écrivains lui attribuèrent les
Litterœ obfcurorum virorum , dans lel-
quelles on tourne plaifamment en ridicule
ks
P F R
les théologiens fcholafliques ; mais ce bacîi-
nage eft de Henri Huttcn. Reuchlii! ne pol^
fédo'iî point l'eiprit de raillerie ; il étoit tou-
jours grave & lërieux dans {es écrits.
PFPxEIMBD, ( Geog. mod. ) petite
ville d'Allemagne , au cercle de Bavière ,
dans le ^loïà-Go^. Long. z$, 57 ,• lat.
PFULLENDORFF , ( Geogr. mod. )
petite ville irxipériale d'Allemagne , au
cercle de Suabe , dans le Hégow , fur la
rivière d'Omdel'rpach , à 7 lieues nord de
Confiance, 12. fud-oueft d'Ulra , 4 nord
d'Uberlingen. Long. zG. £8 ; lat. 4.8.
PFULLINGEN , ( Geogr. ) ville d'Al-
lemagne dans le cercle de Suabe & dans
k ductté de Wirtemberg, à l'extrémité de
l'Alb , dans un vallon riant & fertile. C'eft
le liege d'une furinrendance eccléfiaftique,
ainfi que d'un grand bailliage, où l'on trouve
les eaux minérales d'Engilingen , & la
caverne appellée Nebelloch , remarquable
par fa profondeur , & par les corps diver-
fement figurés que les eaux gravent fur
Ces parois , ou rafïemblent dans fon vuide.
(D.G.)
P H A
PHABIRANUM, ( Géog. anc. ) ville
de la Germanie, dans fa partie la plus fepten-
trionale , félon Ptolomée , qui la met liv.
II P c.vj. entre Ecclefia & Treva. Gn croit
que c'eft préfentement la ville de Brème.
PHACÉE , qui ouvre, ( Hifl. facr. )
fils de Romélie , général de l'armée de
Phacéias , roi d'Ifraël , ayant confpiré
contre fon maître, le tua dans fon palais ,
& fe fit proclamer roi. Il régna vingt ans ,
& fît le mal devant le Seigneur , fuivant
les traces de Jéroboam , qui avoit fait
pécher liraël. Dieu , irrité contre les crimes
d'Achaz , qui régnoit alors en Judée , y
envoya Rafin , roi de Syrie , & Phacée ,
qui vinrent tout-d'un coup , fans que rien
les arrêtât, mettre le fiege devant Jéru-
falem , dans le deffein de détruire le
royaume de Juda. Mais Dieu , qui ne les
avoit envoyés que pour châtier fon peu-
ple , & non pour le perdre , ne leur
permit pas pour lors de prendre Jérufa-
lera , & ils furent contraints de s'en
retourner dans leurs états. Cependant
Tome XX K
PHA 585
AchaZ,' malgré le bienfait ïnefpéré qu'il
vcnoit de recevoir de la bonté de Dieu ,
s'endurciffant dans fon impiété, & Ces fujets ,
ci Ion exemple , lé livrant à toutes les f*.
perditions de Tidolâtrie , Dieu rappella
Us minières de fa jullice , Ralin & Phacée ,
qui firent chacun de leur côté une irrup-
tion dans le royaume de Juda , & le
réduifirent à l'extrémité. Phacée tailla en
pièces l'armée d'Achaz , lui tua en un
jour lix vingts mille combattans , fit deux
cents mille prifon-niers , & revint à Samarie
chargé de dépouilles. Mais , fur le chetnin ,
un prophète nommé Obed y vint faire de
vives réprimandes aux Ifraélites , des excès
qu'ils avoient commis contre leurs frères >
& leur perfuada de renvoyer à Juda tous
les captifs qu'ils emmenoient. Les vain-
queurs , touchés des reproches du prophète,
relâchèrent aulli-tot les prifonniers, avec
tous les témoignages de la plus tendre
compaffion , donnant des habits à ceux
qui n'en avoient point, & mettant fur des
chariots ceux qui étoient trop las pour
s'en retourner à pié. Quelque temps après
Phacée perdit la couronne , & fut affaffiné
par un de fes fujets nommé Ofé, fils
d'Ela , qui régna en fa place , l'an du
monde 32.65. (-f-)
PH ACEIAS, c'e^ le Seigneur qui ouvre ,
{Hifi.facr. ) fils & fucceflèur de Mana-
hem , roi d'Ifraël , ne régna que deux ans >
& imita les impiétés de fon père : il en
fut puni par Phacée , qui l'afTaflIna dans un
fefhn.(-f)
PHACOLITHUS , ( Hifl. nat. ) nom
que quelques naturahfles ont donné à la
pierre lenticulaire. Voye-{ LENTICU-
LAIRE.
PH^ACIE , ( Géogr, anc. ) Phœacia ;
île de la mer Ionienne , qu'Homère appelle
tantôt Phœacia , & tantôt Pheria : dit-
fut enfuite appellée Corcyra ; mais fon-
premier nom étoit Drépané ; c'efl aujour-
d'hui Corfou , près des côtes d'Albanie ,
à l'entrée du golfe de Venife.
Du temps qu'Alcinolis régnoit dans cette
île i la brillante jeunefle n'y refj)iroit que
la volupté. Alcinolis lui-inême le recon-
noît en parlant de fa cour , dans le VIII
lit', de VOdiJffée. «Lesfeftins, dit-il, la
» mufiquc , la danfe , les habits , les bains
E eee
^86 P H A
« chauds , le fommeil & l'oifiveté , voîIA
*y toute notre occupation ». C'eft d'après
Homère , qu'Horace , Epift. ij y Ub. I y
voulant peindre les défordres des Romains,
dit :
IJos numents fumus y &fruges confu-
mere nati y
Sponfi Peneîopes , nebulones y Alcl-
noique y
In cute curandd plus œqub optrattx
fujentus y
Cui pukhrum fait in medios dormire
dus y &
Adfirepitum dtharce cejfantem ducere
fomnum^
** A quoi foiïjmes-nous bons nous autres,
» fjnon à boire & à manger? Semblables
» aux amans de Pénélope , ou aux cour-
» tifans d'Alcinous, tous vrais débauchés,
« qui n'avoient d'autre occupation que
» celle de leurs plaifirs , & qiù faifoient
ti conlîfter tout leur bonheur à dormir
>y juiqu'â midi , & à rappeller le fommeil
7i fugitif au bruit des inllrumens de mufi-
9> que ». ( D. J.)
^ PH^CASIE,.f. f. (Litt&at. ) phaza/isy
c étoit le nom d'une efpece de chauflûre des
anciens. Hefycchius dit que c'éroit une
«hauflure de laboureur , Icmblable à àcs
Brodequins de toile. D'autres dîiènt qu^on
nommoit ainfi les fouhers des philofophes.
App'icn y de bello y prétend que c'étoit la
chaufTure des prêtres d'Athènes & d'Ale-
xandrie ; mais il ajoute que les philofophes
qui fijyoient le luxe , la pôrtoient ainfi , de
même que les gens de la campagne, y^oye:^
de plus grands détails dans-.Hofoan jLexic.
univerf.
PH^CASIËN , adj. ( Littérat. ) On
donnoit à Athènes ce nom à quelques divi^
■ités , foit parce qu'elles étoienr repréfentées
avec des phœcafi^ns aux pies , foit parce
que leurs prêtres en portoient , ou qu'ils en
prenoient lorfqu'Us oôroient des facrifices
â ces dieux.
PH^NICITÉ , ( Hifl. nat. ) c'efl ainfi
que quelques auteurs ont nommé la pierre
jfudaique, Vovez cet article.
" PHAENNA , f f. {Mythol. ) l'une des
^ t&jet.Qraces que les Lacédémoniens recon-
P H A
noiflôient , f#Ion Paufanias. L'autre éroîé^
Clita. Ces deux dénominations étoient ,
dit-il , fort convenables aux Grâces : ea
effet, phaenna iignifie éclatante y & clita
fignifie célèbre.
PH^STUM , ( Géog. anc. ) ou Pha:f^
tus y ville de l'ile de Crète. Diodore da
Sicile , liv. V y c. Ixocix y dit qu'elle fut
bâtie par Minos fur le bord de la mer : Stra-
bon , /. Xy p. 4^9 y & Plixne, l. IV y c.
xij y la mettent dans les terres : le premier
dit même qu'elle en étoit éloignée, de 2.0
llades , & qu'elle étoit à 60 flades de Gor-
tyna. Denis le Periégete, v. 88 , confirme
ce fèntiment :
Juxta facram Gortynam & Méditer^
raneam Phaflum..
2*. Phœflum ou Phaftus y village àts
Locres Ozoles , félon Phne , liv. IV y c. ii/-.
3*. Phaefium y ville de la i>lacédoine.
Ptolomée , liv. III y c. xiij. la donne aux
Erflioles. C'efl' apparemment la même que
Tite-Live liv. XXVI y c. xiij. dit qui fut
prife par Bxbius.
C'cfV à Phaefle , ville de Crète , que
naquit Epiménide , fuivant le témoignage
de Strabon, quoique Laërce & Valere-
Maxime difent que cet ancien poëte & phi-
lofophe étoit de GnoiTe. On fait la fable de
fbn long (brameil , que quelques auteurs
réduifent avec raifon au naturel , edimant
• qu'il employa ce temps à voyager pour fc
perfeâionner dans la connoiiTance des fim-
ples ; cependant fon aventure merveilleuse
ayant été répandue dans toute la Grèce ,
chacun regarda Epiménide comme le favoji
des dieux. Les Athéniens étant affligés de
■k pefte, l'oracle leur ordonna de purifier
folemnellement leur ville , & ce fut Epimé-
nide qui fit cette expiation dans la qua-
rante - fixierae olympiade. Paufanias &
Lucien en parlent fort amplement.
Cet homme fage lia une grande annitié
avec Sqlon , & lui donna de bons avis-
' pour l'établilîemcnt de It s loix. Laërce nous,
aconfèrvé une de (çs lettres que voici..
Epiménide à Selon. " Ayez bon cou-
yy rage , mon cher ami ; fi Pifillrate avoir-
» réduit des gens accoutumés à la fer-
;> vitude. , peut-être que fa dominadoo^
P H A
« p&urroit durer long-temps : mais II a affaire
» à des hommes libres , qui ne manquent
>^ p^s de cœur. Us ne tarderont guère à (è
» relîourcrjir des préceptes de Solon; ils
9} auront honte de. leurs chaînes, & ne
» foufFriront pas qu'un tyran les tienne
i> plus long-temps en efclavage. Enfin
>j quand Pififtrate refteroit le maître pen-
»j dant toute fa vie , fbn royaume ne paf-
« fera jamais à Tes enfans ; car il eft im-
» poflible que des gens accoummés à vivre
*> librement fous de bonnes loix , puiflent
» jamais fe réfoudre à relier éternellement
f> dans la fervitude. Pour ce qui efl de
j> vous, je vous prie de ne point demeurer
w errant de côté & d'autre : dépêchez-
>i vous de nous venir trouver en Crète ,
>f où il n'y a aucun tyran qui tourmente
» perfonne; car je crains fort que fi les
9) amis de Pififirate vous rencontroient
» dans leur chemin , ils ne vous fiflènt un
f> mauvais parti » .
Les Athéniens rendirent de grands hon-
neurs à Epiménide, & lui offrirent de
riches préfens , qu'il retufa. Il retourna en
Crète , où il mourut bientôc après dans
un âge avancé. Il a écrit plufieurs ouvrages
en vers , dont Laërce nous a confervé les
titres. Saint Jérôme fait mention d'un de
{es traités , intitulé : oracles & réponfes.
C'eft de ce traité que S. Paul , rih I. v. l 2.^
a cite le vers fuivant :
Les Cretois font menteurs y mauvais &
hêtes y ventres parejjeux. Les anciens s'ac-
cordent à attribuer aux Cretois le caraftere
-que S. Paul en donne, d'après Epiménide ;
car S. Chryfofiome , Théodoret , & quel-
ques autres pères de Téglife fe font trompés
en attribuant à Callimaque le vers qu'on
vient de citer.
Paufanias rapporte, in Corinthiâ y ch.
xxj y qu'on voyoit à Argos , devant le tem-
ple de Minerve trompeue y le tombeau
d'Epiménide; & Plutarque nous apprend
que ce poète philofophe étoit mis au nom-
bre des fept fages , par ceux qui en excluoient
Périandre. Laërce nomme deux autres Epi-
ménide , l'un généalo^ifte , & l'autre qui
«écrivit en dialede dorique un ouvrage liir
l'île de Rhodes. (JO.Jv)
P H A ^gf
Pïî^tELINUS , ( Ge'og, ànc.) fleure
de Sicile , félon Vibius Sequelîef , dont
voici le paflage : Sicilice fiuvius y juxtà
Peloridem , confinis tempLo Diance. Au
lieu de Phaetelinus y quelques manufcrits
portent Fœcelinus. J'aimerois mieux, dit
Ortelius , lire Fœcelinus , parce que la
Diane qui éioit adorée dans ces quartiers ,
s'appelloit Diana Facelina, M. de Lille ,
dans fa carte de l'ancienne Sicile , nomme
ce fleuve Mêlas y ou Facelinus ; il met
fon embouchure à l'orient du temple de
Diane Facehne , & pour nom moderne,
lui donne celui de Nuciti,
PH7ETlALUCI,(Ge'og.anc.)lac de
1 Attique. Wehler , daiia fon voyaae rl'A-
thenes , liv. III ^ p. za.3 y dit qu'en
rodant autour de la bâte qui s'étend au
nord , depuis Porto-Lione & le détroit de
Saiamine , il arriva à un petit lac d'eau
falée & bitumineufe, qui fe décharge dans
la mer par un courant , que Paufanias ,
liv. ly ch. xxi'J y appelle Schirus. Il ajoute
qu on nommoit autrefois ce lac Phcetialuci.
Paufanias en fait les limites des Athéniens
& des Eleufiniens.
PHAETON , f m. {Mythol ) fils du
foleil & de Chimene ; fa fable eft connue
de tout le monde.
Eurypide avoit fait , fous le nom de
Phaétony une tragédie qui s'efl perdue ,&
dont Longin nous a conlèrvé les vers où le
foleil parle ainfi à Phaétony en lui mettant
entre les mains les rênes de (ts chevaux :
Prens garde qu'une ardeur trop/unejk
à ta vie
Ne t'emporte au dejjus de Varidc
Lybie ;
Là jamais d'aucune eau le Jillon
arrofé
Ne rafraîchit mon char dans fa courfe
emhrafé...
Aufji-tôt devant toi s'offriront fept
étoiles :
Dreffe par4à ta courfe y Ùfuis le droit
chemin.
Phaéton à ces mots prend les rênes en
^ main y
Defes chePaux ailù il bat les flatici
agiles:
E<^e£ ^
588 P H A
Les courjiers du foleil à fa voix font
dociles.
Ils vont p le char s* éloigne y Ù plus
prompt qu'un éclair y
Pénètre en un moment les vafîes
champs de l'air.
Le père cependant y plein d'un trouble
funefie,
Le voit rouler de loin fur la plaine
célefie y
Lui montre encor fa route y ^ du
plus haut des deux y
Le fuit ^ autant qu'il peut y de la voix
h des yeux ;
Va pardà , lui dit-H y reviens ,
détourne y arrête. _
Defpréaux.
Ne penferiez-vous pas , obferve Longin ,
que l'ame du poëte monte fur le char avec
Phaéton ; qu'elle partage tous fes périls ,
& qu'elle vole dans l'air avec les chevaux ?
Les mythologues moralifles trouvent
dans la fable de Phaéton remblêrae d'un
jeune téméraire , qui forme une entreprife
au delà de Çts ïorccs , & qui veut l'exécuter,
fans prévoir les dangers qui l'environnent.
Plutarque aflûre qu'il y a eu réellement
un Phaéton y qui régna fur les Moloffes ,
& qui fe r/oya dans le Pô; que ce prince
s'étoit appliqué à l'aflronomie , & qu'il avoit
prédit une chaleur extraordinaire qui arriva
de fon temps , & qui caufa une cruelle
famine dans fon royaume. { D. J.)
PHAETONTIADES , f. i\{Mjthol. )
ou les fœurs de Phaéton changées en peu-
pliers , après avoir pleuré long-temps la
mort de leur frère. Fqy^^ HÉLIADES.
PHAGEDENE, PHAGEDENIQUE,
en chirurgie, &c. fe dit d'un ulcère pro-
fond & bouribufiié , qui mange & corrode
les parties voifines. Voye^ Ulcere.
Ce mot eft grec y <çecyi<i'eciva, , formé de
^ttyïtv y manger.
Médicamens phagédéniques y ce font
ceux dont on fe lert pour manger les chairs
fongueufes , ou des exctefcences. Voye:^
EpulotiqueSj Sarcotique, Caus-
tique , &?.
Ulcère phagédénique y voyeT;^ Phage-
pENE & Ulcère. *
Les éphéraérides de racadémie des
P H A
curieux de la nature , rapportent que les
ulcères phagédéniques y ont été fouvent
guéris avec la fiente des brebis.
^ûu phagédénique y en chym^^ » le dit
d'une eau que l'on tire de la. chaux vive ;
elle efl ainfi appellée de la vertu qu'elle
a de guérir les ulcères phagédéniques.
Voyei Chaux & Eau.
Pour préparer cette eau , on met deux;
livres de chaux vive dans une grande ter-
rine , & l'on verfe deflus environ dix livres
d'eau de pluie. On laifle cette compofition
pendant deux jours , en la remuant fort fou-
vent : enfin après avoir laifle bien raffeoir
la chaux , on vQxît l'eau par inclinaifon ,
on la filtre , & on la met dans une bou-
teille de verre ; l'on y ajoute une once
de liiblimé corrofif pulvérilé , qui change
alors fa couleur blanche en jaune , & tombe
au fond de la bouteille. Quand cette eau efî
raffife , elle eft propre à nettoyer les plaies
& les ulcères , & manger les chairs fuper-
flues , particulièrement dans les gangrenés ^
auquel cas on peut y ajouter une troii^eme
ou une quatrième partie d'efprit-de-v4n.
^oy^:^ Gangrené. j
PHAGEDENIQUE , eau, { mat. me'd. )
voye\ fous le mot Eau , & l'article MER-
CURE , mat. méd.
PHAGESIES, f f pi. (Mythpl.) ou
PHAGESIPOSIES , fêtes de Bacchus ,
dans lefquelles on faifoit de grands feftins ;
c'efl ce que fignifie leur nom dérivé de
?at>s/v , manger.
PHAIOFNÉE, f f. ( Marine. ) c'efl
un bâtiment du Japon dont les grands
feigneurs fe fervent pour aller fe promener ,
à-peu-près comme on fe fert des yachts
en ce pays-ci. Il y a dans le milieu une
chambre pour le maître du bâtiment. Elle
eft couverte de nattes , & les armes du
propriétaire font élevées au deffus.
PHALAIA , ( Chymie. ) c'eft un mot
barbare , dont s'eft fervi le premier Bafile
Valentin pour défigner un remède pan-
cbrefte , catholique , univerfel , une pa-
nacée infaillible , dont Fufage intérieur
guérilîbit de tous les maux. Ce remède
n'étoit autre chofe , fuivant lui , que le
mercure philofophiqiîe , dont on peut voir
l'éJoge dans Y introduction à une longue lie:
de J»p....où cet auteur enthoufiafie met
P H A
le mercure , ainfi préparé , le phaîaia , à
la tête des remèdes dont l'effet eft de pro-
longer le nombre des années; ainfi il eft
intérieurement ce que leur aia eft applique
à l'extérieur. Rolfinkius a aufll employé le
mot phalaia , mais dans un autre iens : il
a donné ce nom à la teinture de jalap ,
formant par anagramme pWa/'a , de ;/ia-
lapa. Traclat. de purgat. feclitm. ij , artic.
j. Voyei Caftcll. '/ex/c.
PHALANGE , f. f . {Anat. ) les trois
pièces dont chaque doigt eft compofé , por-
tent le nom de phalanges; chacune de ces
phalanges eft divifée à-peu-près comme le
doigt entier , en bafe , en corps , en por-
tion moyenae , en tête , en deux faces ,
une convexe & l'autre concave , & en
deux bords. La première phalange a plus
de longueur & d'épaifléur que la féconde ,
& les bafes des phalanges paroifTent très-
long-temps épiphylès , comme^les têtes
des os du métacarpe. Voye^ DoiGT.
{D.J.)
Phalange , la, {An mdit.) chez
les Grecs étoit un corps d'infanterie com-
pofé de foldats armés de toutes pièces ,
d'un bouclier & d'une fariffe , arme plus
longue que n'étoient nos piques qui avoient
douze pies. Chaque file étoit de feize loldars,
& elles étoient julqu'au nombre de 1024.
Ainfi la phalange étoit une efpece de ba-
taillon de 1024. hommes defrontfur 16 de
hauteur , c'efl-à-dire , de 16384 foldats
pefamment armés. On y joignk la moitié
de ce nombre de troupes légères , c'eil-à-
dire , que ces troupes étoient de 8192
hommes , lorfque la phalange étoit de
16384. A l'égard de la cavalerie , elle
étoit la moitié de ce dernier nombre y ou
de 4096 cavaliers.
Ainfi , dans les armées des Grecs , le
rapport des pefamment armés aux troupes
légères , étoit celui de 2 à i , & celui de
toute l'infanterie a la cavalerie de 6 à i ; en
forte que la cavalerie faifoit la feptieme
partie de l'armée y comme on l'a déjà dit
au mot Infanterie.
Le nom de phalange paroit avoir été
donné, chez les Grecs , à tout corps d in-
fanterie pelàmmeat armé ; mais Philippe ,
père d'Alexandre , s'aj^pliqua à en tormer
ua corps réguher,^ qui lubulîa chez l£s>
Macédoniens jufqu'à la défaite de Perfee
parles Romains.
Polybe attribue la défaite de la phalange
par les Romains , à l'avantage de leur
ordre de bataille , qui étoit formé de plu-,
fieurs parties plus petites que la phalange ,
& qui fe mouvoient plus aifément. Les
généraux romains furent l'attirer dans des
lieux difficiles & raboteux y où la phalange
ne pouvant conferver cette union qiu en
faifoit la force , ils profitoient des vides
qu'elle laiflbit à caufè de l'inégalité du
terrain , & ils la combartoient ainfi avec
beaucoup d'avantage. M. de Folard ajoute
encore une autre raifon à celle de Polybe.
Selon cet auteur , " la longueur àts farifles
» ou des piques des foldats de Va phalange ,
» fut la principale caufe de fà défaite ^
ii parce qu'il n'y avoir guère que les piques
M du premier & du fécond rang dont on
yy pût fe fervir dans la défenle & dans
» l'attaque, &.que celles des autres rangs
" refioient comme immobiles & fans effet *
fi elles fe trouvoient toutes ramaffées ea
» faifceaux entre l'intervalle de chaque
« file , fans qu'il fût prefque pofllble aux
>j piquiers du troifieme rang ( car le refie
)j ne fervoit que d'appui ) ,. & même aa
» fécond , de voir ce qui fe pafibit hors du»
n premier rang , ni de remuer leurs lon-
» gués piques , qui fe trouvoient comme en-
iy châiîées & emboîtées entre Les files , fans
» pouvoir porter leurs coups à droite ou i
yy gauche ', ce qui donnoit une grande
yy facilité aux Romains de furmonter ua
yy obfiacle redoutable en apparence , & aa
» fond très-méprifable. » Folard , traité
de la colonne. Voye\ pour ce qui concerne
la fora^arion & la compofition de la pha^
lajige y la tœclique t/'Elien & celle d'Ar-
rien. (Q)
Addition d t article que tojt. vient de lire,.
Les Grecs donnoienr le nom de /"Âai-
lange au corps qui réfultoit de l'aiïemblagç:
de toutes \qs files jointes enfemble , dans
l'ordre qu'on peut voir au mot FiLE. La-
ligne droite que formoient les chefs de
file, étoit la longueur de la phalange , &
ils la nommoient aulfi le front, la face: ^
h bataille ,, ou fimplemeiit un ran^ ,. & le.-
5^0 P H A
rang des chefs défile. La hauteur qae les
fiîes occupoient depuis le chef de file juf-
qu'au ferre-file , s'ai^elloit la hauteur de
la phalange.
Ce terme fignlfioit originairement, dans
la taûique greque , l'ordre de bataille de
i'infanteriepefante. On le donna quelque-
fois depuis aux troupes de fantaffins pe-
famment armés , fournies par difFérens
peuples de la Grèce alliés : il ne devint que
fous Philippe , père d'Alexandre, le nom
diftindif d'un corps particulier.
Former des rangs, c'étoit mettre à côté
les uns des autres les premiers foldats de
toutes les files , & de même tous les fé-
conds , dans le fens de la longueur de la
phalange ; & former des files , c'étoit
placer de fuite les foldats de chaque file ,
dans le fens de la hauteur, entre leurs
chefs de file & les ferre-files.
Si l'on fait tomber une perpendiculaire
du milieu du front de la phalange A l'autre
extrémité de fa hauteur , on a la divifion
en deux parties égales , dont l'une forme
l'aile droite ou la tète , & l'autre l'aile
gauche ou la queue. Le point d'où part
la ligne de divifion , fe nomme le centre ,
la bouche , la force de la phalange.
Dans l'ufage ordinaire , les armés à la
légère étoient rangés derrière les oplites ,
& la cavalerie formoit la troifieme ligne.
Quoiqu'pn trouve bien des exemples de
cette diipoiition , fur-tout par rapport à
l'infanterie , il efi cependant vrai qu'elle
la rendoit fouvent inutile , de même que
ia cavalerie. Les armés à la légère , dit
Onolander , c'eft-à-dire ^ les [aculateurs ,
les archers , les frondeurs , doivent être
mis en première ligne ; s'ils font placés à
la féconde , ils feront plus de mal à leurs
gens qu'aux ennemis ; & fi on les met au
milieu des autres fantallins , ils ne rendront
aucun fervice : car comment pourroient-
ils fe porter en avant ou en arrière , pour
lancer avec plus de roidcur leurs javelots ,
ou agiter circulairement leurs frondes ,
làns atteindre les foldats qui les environ-
nent? Quant aux archers mis en avant
de la bataille , ils tirent l'ennemi comme au
blanc ; mais quand on les place ailleurs ^
ils font obligés de diriger leurs coups ep
haut ; & avec quelque vigueur que ceux-ci
P H A I
fbient pou (Tés , ils n'arrivent à l'ennemi
qu'après avoir perdu ia plus grande partie
de leur force.
Les Grecs préféroient tous les nombres
qui font fuccelfivement divifibles jufqu'à
l'unité , à deux autres nombres égaux.
Fondés fur ce principe , la plupart des
auteurs taftiques compofoient la phalange ,
ou la, troupe des opUtes , de 16384 hom-
mes. Ils donnoient aux corps des armés à
la légère la moitié du nombre précédent,
&■ feulement la moitié de cette moitié ,
ouïe quart du premier nombre, à la ca-
valerie.
Cette proportion varioit félon les temps
& les lieux. Par exemple , à Marathon il
n'y avoit aucune infanterie légère; à Platée,
les Lacédémoniens menèrent fept foldats
armés à la légère , contre un pefamment
armé ; & dans le refte de l'armée des
Grecs , îf y avoit autant d'infanterie pe-
fante , que d'infanterie légère. Le nombre
de celle-ci a quelquefois été doublé ; mais
il étoit moindrs pour l'ordinaire. L'infan-
terie légère diminua même chez les Grecs ,
comme chez les Macédoniens , jufqu'à ne
faire qu'un cinquième de l'autre infanterie.
Les Grecs fe bornèrent donc au nombre
de 16384 , parce qu'il peut être toujours
partagé en deux autres nombres égaux ,
jufqu'à ce qu'il foit réduit à l'unité.
Quant aux noms & à la force des trou-
pes particulières de la phalange , toutes
les décuries fervoient à former plufieurs
troupes auxquelles les Grecs donnoient des
noms particuliers.
Deux décuries faifoient une dilochie ,
ou une troupe de 32- hommes, dont le
chef fe nommoit dilochite. V^oye\ nos pL
de r art militaire y taclique des Grecs ^fig.
5 , dans lefuppl. des pi.
Quatre décuries formoient une tétrar-
chie , ou une troupe de 64 hommes^
commandée par un tétrarque , fig. 4.
Deux tétrarchies formoient une taxiar-
chie , qui contenoit huit décuries , ou 128
hommes , donc le chef s'appelloit taxiarqucy
fis- S-
La fyntagme fe formoit de deux taxiar-r-
chies ou de feize décuries, & de 2.Ç6 hom-
mes ^fig. 6. Son principal oflicicr étoit
. le fyntagmatarqué. Quelques - uns ont
P H A
Tioftîraé cette troupe xénagie , & foh clief
xe'nague. Aux 2ç6 foldats dont elle étoit
compofée , on ajoutoit toujours cinq fur-
numéraires : Tavoir , un porte-cnfeigne , un
trompette , un fourrier , un héraut & un
(erre -file extraordinaire. La fyntagme
étoit cxaâement quarrée , . puifqu'elle
avoit i6 hommes de front fur autant de
protonaeur.
Les cinq furnuméraires dont je viens de
parler, n'entroient point dans les rangs:
les quatre premiers le plaçoient à la tête
de la troupe , & l'autre tout-à-fait à U
queue. La fonftiondu héraut étoit de faire
à la voix le commandement des manœuvres:
le porte-enfeigne le faifoit au moyen de
fon enfeigne , lorfque la voix du hérattt
ne pouvoit être entendue , & lorfque la
pouffiere & le tumulte interccptoient égale-
ment l'ufage de la voix & celui de Fenfeigne ;
les commandemcns étoient faits au fon de la
trompette.
Quant au fourrier , il étoit chargé de
pourvoir aux befoins des foldats , & de
leur porter ce qui pouvoit leur être nécef-
faire étant fous les armes , afin qu'ils n'eul-
fent aucun prétexte pour quitter leurs rangs.
Le ferre-file extraordinaire avoit foin de les
y contenii , ou d'y faire rentrer ceux qui
en étoient (brtis.
Deux fyntagraes formoient une penta-
cofiarchie , troupe de 5^^ hommes en
trente-deux décuries , dont le chef étoit
le pcntacofiarqae.
Deux pentacofiarchies formoient une clii-
liarchie , dans laquelle il y avoit foîxante-
quatre décuries , & 1024 hommes , dont le
chef s'apptWon chiliarque.
Deux chiliarchies étoient appellées une
mérarchle , & quelquefois une téléarchie.
Cette troupe qui contenoit cent vingt-huit
décuries & 204.8 hommes , étoit aux ordres
d'un mérarque ou d'un téléarque.
Une phalangarchie ou phalange fimple ,
ctoit compofée de deux téléarchies , de
deux cents cinquante - fix décuries & de
4096 hommes , dont le commandant étoit
\e. phalangarque. Ce corps fe nommoir en-
core une firatégie y &: fon premier officier
Uitjiracigue.
Deux phalanges fimples formoient une
phalange double, de 81 £2- hommes, en
P H ^ y^,
cinq cents douze décuries : oh lui donnok
aufii le nom à^aile ou dtfeclion.
Enfin deux doubles phalanges formoient
une phalange quadruple , qui retenoit le nom
de phalange ; elle éaoit compofée de mille
& vingt -quatre décuries , & de 16384
hommes.
Il y avoit donc dans une phalange i
Deux ailes.
Quatre phalanges fimples.^
Huit mérarchies.
Seize chiliarchies»
Trente-deux pentacofiarchies.
Soixante-quatre fyntagmes.
Cent vingt-huit taxiarchies.
Deux cents cinquanie-fix tétrarchies^.-
Cinq cents douze dilochies.
Et mille ving-quatre files ou décuries y
■fi^' S: . .
Voici quels étoient les poftes des prin-
cipaux officiers & autres chefs de la pha-
lange.
Le premier phalangarque , par le mérite
& par lafupériorité de Tes talens , fe plaçoip
à la pointe de l'aile droite ; le fécond à-
la pointe de l'aile gauche. Le pofle du
troifieme phalangarque étoit encore à i'ailt
gauche , mais contre la droite de cette
aile , & dans l'intervalle qui étorrau centre:
de la phalange. Le quatrième qui étoit ^
ainfi que le premier , à l'aile droite, s'ap-
puyoit fur la gauche de l'aile, en entrant
auîfi dans le même intervalle.
L'aile droite fe trouvant ainfi conduite-
par le premier & le quatrième phalangar-
que , & l'aile gauclie par le fécond & le:
troifieme , c^nt difiriburion des chefs éta—
bliffoit entr'elles une égalité parfaite , par
raifort au mérite de ceux qui les com-^
mandoienr..
Les premiers mérarques de chaque ph§r-
lange firaple , fe plaçoient conformément à.
» ce principe ; ceux de la première &: de la».
troifieme , à la gauche de ces troupes ;,
ceux de la deuxième & de la quatrième,.
à leur droite.. On obfervoit lies mêmes
proponions dans les tétrarchies , en mettant
à la tête de la première décurie le premier
;Ou le plus brave des quatre décurions; Iff;
: fécond , à la tête de la quatrième ; le
'^troifieme, à la xhc de la- troifieme ^ &.
Ile quatrième,, à. la. tête, de la. deuxième.^
5pi P H A
Ils rangeoient de même les chefs des
quatre rétrarchies qui étoient dans la fyn-
tagme : le premier , à la droite de la pre-
mière ; le fécond , à la gauche de la qua-
trième ; le troifieme , à la droite de la troi-
fieme; & le quatrième , à la gauche de la
féconde. Les Grecs obfervoient iavioiable-
mem le même ordre dans les autres troupes
de la phalange.
Les diflances ou intervalles font de trois
fortes : le foldat occupe quatre coudées
en tous fens , lorfqu'il elt fimplement mis en
rang , deux coudées , lorfqu'il elt en ordon-
nance ferrée ; une coudée feulement , quand
il €Û en ordonnance prelfée.
L'ordonnance de la phalange efl ferrée ,
îorfque les premières diftances ayant été
diminuées également en tous lens , il refte
encore entre les foldats un eipace fuffi-
fant pour qu'ils puilTent fe mouvoir &
tourner de tous- côtés.
Elle eft prcfTée , Iorfque les foldats fe
reflêrrent au point de fe toucher , & de ne
pouvoir plus faire de mouvement , ni fur Isur
droite, ni fur leur gauche.
■ Les Grecs chargoient l'ennemi en or-
donnance ferrée ; mais lorfqu'ils vouloient
attendre qu'il attaquât, ils le recevoient
en bataille preffée , & la raifon en eft ,
qu'on a dans cette difpofition plus de force
ou de fermeté pour foutenir , & même
pour rompre l'impétuofité d'un premier
effort.
Comme le front de la phalange contc-
noit 1024. décurions, ils occupoient par
conféquent , lorfqu'ils étoient dans la pre-
mière difpofition , une longueur de 4096
coudées , ou de 10 ftades & 96 coudées ;
dans la féconde, ^ ftades & 48 coudées,
& dans la troifieme , 2. ftades & demie &
2.4 coudées.
Dans le premier cas , la phalange occu-
poit en longueur 853 toifes 4 pies , &
12 toifes 8 pies de profondeur ; dans le
fécond , 426 toifes 5 pies de longueur , &
6 toifes 4 pies de hauteur, & dans le
troifieme, 213 toifes 2 pies & demi de
longueur, & 3 toifes 2 pies de profondeur.
V Les principales armes de la phalange
étoient la pique & le boucher : il étoit de
cuivre , rond , médiocrement convexe , &
deS palmes ou 20 pouces de diamètre.
P H A
La longueur des piques étoit au moins
de 8 coudées ou de 10 pies , &. quelque-
fois plus.
Comme les décurions fe trouvoient ,
en qualité de chefs de files , toujours placés
au front de la jihalange , les Grecs n'éle-
voient à cet emploi que d'excellens (oldars.
Non-feulement il hlloit qu'ils fuflènt grands
& vigoureux, mais encore qu'ils eufîent
donné des preuves certaines de valeur &
d'intelligence ; car c'eft le premier rang qui
agit avec le plus d'etiicacité , & qui réunit
leul tout l'eftbrt & toute l'aftivité de la pha-
lange. Les Grecs le regardoient comme le
tranchant de ce corps *, & ia mafle conden-
fée & lerrée des autres rangs qui s'appuyoient
fur lui , comme un redoublement de charge
& de pefanteur , qui multiplioit la force de
(on a^ion.
Ils ne plaçoient au dernier rang que des
foldats d'élite , parce que la pointe de leurs
piques n'étant pas fort éloignée de l'extrémi-
té des premières , cette proximité leur don-
noit le moyen de féconder les efforts du
premier rang. D'ailleurs, Iorfque quel-
ques décurions venoient à être bleffés ou
tués, les foldats du fécond rang remphf-
foient auflî-tô^ les vuides du premier ; ils
diftribuoient , pour la même raifon , les
foldats dans le troifieme rang, & fuccef-
fivement dans les autres , félon qu'ils leur
connoiffoient plus ou moins de vigueur &
de courage..
La phalange macédonienne dut à la
difpofition de l'es rangs , cette force éton-
nante à laquelle il étoit impoffible de ré-
fifter. Lorfqu'elle étoit fur le point de
charger , les rangs & les files fe ferroient ,
& les foldats ne laifîbient entr'eux que
deux coudce:« de diftance. Leurs piques en
avoient 14 de long ; & comme la partie
que les mains en occupoient étoit de deux
coudées , ils en préfentoient encore 12 en
avant. Les farilfes du fécond rang débor-
doient le front de la phalange de 10 cou-
dées; celles du troifieme de 8 ; celles du
quatrième , de 6 ; celles du cinquième ,
de 4 ; enfin celles du fixieme , de 2 ; car
les piqu£s des rangs poftérieurs ne pouvoient
plus déborder le premier. Ce front, ainfi
hérifle dans fa vafte étendue de fix rangs
de piques, fornjôit un afped effrayant,
mais
P H A
snals qui en même temps qu'il infpiroit la
.terreur à l'ennemi, augmentoit l'ardeur &
i'affurance du Toldat qui fe voyoit protégé
par toutes ces pointes.
On choififToit, pour l'emploi de ferr^-
file extraordinaire, un homme entendu &
plein de prudence ; c'étoit à lui de faire
<jen forte que les rangs & les files fuffent
toujours exatleraent drefTés , de contenir
les- foldats dans leurs rangs , & de les
contraindre d'y rentrer lorfqu'ils en for-
toient. Il les obiigeoit encore à fe ferrer
de fort près , iorfqu'il faHoit preffer
les rangs & les files ; la force de la pha^
lange dépendant beaucoup de la préci-
•fion avec laquelle ces manœuvres s'exé-
<utoieRt.
Outre les fbldars dont je viens de parler,
& qui compofoient la phalange, il y €n
avoit d^autres armés à la légère, qu'on pla-
çoit en avant du front , fur les ailes ou à
la queue.
Ils en formoient 1014 décuries , c'eft-
à-dire , autant qu'il y en avoit dans la
phalange, &: ils les plaçoient derrière
celles-ci : la première décurie àes vélites ,
à la fuite de la première des oplites ; la
féconde en file de la ieconde, .& ainfi
des autres ; mais avec cette différence , que
les décuries des vélites n'étx)ient que de
.8 hommes au lieu de 16; en forte que
les 1024 décuries ne contenoient que 8191
liommes.
Voici les noms des troupes particulières
-dont la réunion formoit le corps entier des
-vélites.
Quatre^écuries ou irente-deax vélite*
faifoienr une fyftafe.
Deux fyiîafes , une pentacontarchie de
64 hommes.
Deux pentacontarchies , une hécaton-
tarchie de 118 hommes.
On ajoutoit toujours dans cette troupe
cinq furnuméraires , l'enfeigne , le ferre-
file extraordinaire, le trompette, le héraut
& le fourrier.
Deux hécarontarchies compofoient Une
pfilagie de i'^6 hommes.
Deux pfilagies , une xénagie de ^iz
hommes. -
Deux xénagies , un fyflêmfi de 1080
hommes.
I Deux fy firmes, une épixénagie de 2048
i hommes.
Deux épixénagies, une ftiphe de 4096
hommes.
Enfin , deux ftiphes , une épitagme , qui
contenoit 10x4 décuries, & 8191 vélites.
Ce corps avoit de plus huit otficiers fu-
périeurs , quatre épixénagues , & quatre
fyflémarques.
La phalange eft oblongue ou tranrverfe,
lorfque fa longueur excède fa hauteur ;
elle eft droite , lorfqu'elle a plus de hauteu^
que de front : telle eft' une phalange qui
marche par l'aile. Ainfi l'ufage a tranfporté
aux différentes difpoiitions de la phalange,
les noms que Ton donne aux figures qu'on
lui fait imiter ; car on appelle oblongue
toute figure dont la longueur furpaflTe la
hauteur ; & droite , celle qui a beaucoup
plus de hauteur que de longueur.
La phalange oblique eft celle qui , por-
tant plus près de l'ennemi fa droite ou fa
gauche, n'engage le combat qu'avec cette
ai!e feulement , & tient l'autre comme en
réferve dans un certain éloignement, juf-
qu'au moment favorable de la faire agir ,
jig. 11. Voyt\ les mots INSERTION,
Préposition , Postposition , Ap-
position, Imposition 6* Subjonc-
tion.
La phalange antiftome ou à deux fronts
par -la tête & par la queue, eft ainfi nom-
mée du double front qu'elle préfente en
même temps. Les Grecs étoient dans l'u-
fage d'appeller/ro/2/ toutes les parties d'une
troupe qui regardent l'ennemi direflement.
Dans cette ordonnance, les foldats du
centre fe tournent mutuellement le dos ,
& ceux de la tête & de la queue qui fe
trouvent par ce moyen faire face en même
temps vers les côtés oppofés, foutiennent
à la fois le double effort de l'ennemi. Une
troupe d'infanterie, pour éviter d'être en-
veloppée , ne fauroit oppofer une meilleure
difpofition à un corps de cavalerie qui lui
eft fupérieur.
L,ts Grecs empîoyoient cette difpofition
contre les barbares qui habitoient fur les
bords du Danube , &: qu'on nommoit
AmphippUns , parce que chacun d'eux
menoit à la guerre deux chevaux avec
i lui j ils avoient acquis , par l'effet de.
594 P H A
Thabitude , tant d'adrefTe & de légèreté , '
que dans la chaleur du combat ils pafToient
de l*un à l'autre avec une rapidité furpre-
nante. Dans ces fortes de cas , la troupe
de cavalerie fe trouvoit dans la nécefîité de
divifer fes forces , & pour pouvoir charger
en même temps les deux fronts de l'infan-
terie , elle étoit obligée de former deux
efcadrons oblongs , dont la longueur étoit
double de la hauteur , fig. 50.
La phalange amphiftome ou à deux fronts
par les flancs , étoit, à quelque différence
près , femblable à la précédente ; & fon
objet éroit de réfifter à un corps de cava-
lerie plus confidérable. Toute leur diflfé-
rence confiftoit en ce que , dans la pha-
lange antiftome , la double attaque étoit
foutenue par la tête & par la queue , &
que dans celle-ci c'étoient les deux flancs
qui combattoient en même temps. Les
■' Grecs oppofoient dans toutes les deux , de
très-longues piques à la cavalerie ; dans
toutes les deux , chaque demi-file prenoit
un afpeft contraire à l'autre , & leurs fol-
dats faifoient face vers les côtés oppofés.
D'un côté c'étoient les chefs de file qui
faifoient front, & de l'autre c'étoient les
ferre-files. Quelquefois la troupe fe parta-
geôit en deux divifions, & la féconde alloit
fe porter à la queue de la première , en di-
rigeant fon front du côté oppofé,y?g-. 31.
Dans la phalange doublée antiflome , à
fronts oppofés par la tête & la queue . les
/ chefs de file n'étoient point en dehors ,
comme dans la colonne indirecte ; ils fe
trouvoient à fronts oppoles fur les flancs
intérieurs des deux divifions , & les i'errî-
files couvroient les flancs extérieurs de la
droite & de la gauche ; on employoit
cette difpofition contre un corps de cava-
lerie ordonné en forme de coin. Comme
le but de l'efcadron étoit de rompre , avec
la pointe & les faces du coin oit étoient
également diftribués les chefs & les meil-
leurs cavaliers , l'intanterie ; de même le
but de celle-ci étoit de vaincre, par une
ferme réfiftance , l'impétuofité de l'efca-
dron , ou de la rendre vaine en lui cédant
à propos.
Le coin dlrigeoit toujours fa principale
aftion contre le centre d'une troupe ,
parce que l'ayant une fois enfoncée, la
P H A
déroute devenoit générale. L'infanterie qui
jugeoit du deiïein de l'ennemi par fa ma-
nœuN>re, ne le voyoit pas plutôt prêt à
fondre fur elle , .qu'elle s'ouvroit par I»
milieu ; au moyen de quoi l'efcadron qui
ne pouvoir modérer tout-à-coup la rapidité
de fon mouvement , fe trouvoit porter au
delà de deux divifions , fans avoir pu les
entamer ; ou bien les chefs de files des
deux troupes failant face au terrain vuide
qu'ils laifioient enrr'eux, préfentoient de
part &c d'autre comme un mur inébranla-
ble, & rompoient par leur fermeté tout
l'effort delà cavalerie, _/%. 32.
La phalange doublée amphiftome ou
périflome, étoit celle dont les deux divi-
fions ordonnées en colonne indirecte s'a-
vançoient l'une & l'autre obliquement par
l'aile , ayant les chefs de files en dehors &
les ferre-files en dedans. Lorqu'une troupe
ennemie rangée en bataille quarrée , fe
voyoit attendue de pié ferme par une autre,
mife dans une difpofition femblable , elle
fe partageoit en deux fec^ions , dont cha-
cune , au moyen d'une marche faite de
biais, tâchoit de tourner la troupe oppo-
fée , & de la prendre en même temps 6c
en flanc & en queue. Celle-ci ne s'apper-
cevoit pas plutôt du danger qui la mena-
çoit , qu'imitant la même manoeuvre, elle
fe féparoit aufli en deux divifions, qui fe
mettoient tout de fuite en mouvement , ^
dont Tune s'avançoit contre la droite de
l'ennemi , tandis que l'autre alloit faire tête
à fa gauche.
On nomma cette ordonnance amphiflo-
/72e, à caufe des deux fronts que les deux
divifions d'une troupe ainfi diipoiëe , pré-
fentent en même temps à l'ennemi par
leurs flancs extérieurs , fig. 35. Les deux
divifions a a ayant marché obliquement
devant elle, après s'être féparées , & fe
portant de plus en plus fur leur droite 6c
leur gauche pour tomber fur les flancs de
la troupe oppofée , celle-ci s'ouvroit par
le centre au moyen de quelques pas de côté
que la divifion de la droite failbit à droite
5c l'autre à gauche ; & faifant enfuite tou-
tes deux un quart de converfion, la pre-
mière à droite , la féconde à gauche , elles
dirigeoient l'obliquité de leur marche fur
celle de l'autre troupe.
*r
PH A
Pour avoir une phalange homocoftome,
11 falloir que , fi Ton mettoit en tête une
décurie entière de i6 hommes, elle fût
immédiatement fuivie d'une même décurie
femblablement pofée, 6c que toutes les
décuries marchaffent ainfi fuccefllvemeut
Tune à la queue de l'autre , & formaffent
chacune leur rang. C'eft de l'égalité par-
fiiite qui fe trouve par ce moyen entre
tous les rangs , qu'une phalange ainfi or-
donnée a pris le nom d'homocofiome. On
employoit cette difpofition contre la plin-
the, ( yoyei Plinthe) Jig. 36.
Lorfque deux troupes formées en co-
lonne indirefte marchent à même hauteur,
ayant l'une & l'autre leurs décurions , ou
fur le flanc droit , ou fur le flanc gauche ,
cette difpofition femblable leur fait donner
le nom de double phalange homocofiome ,
Une phalange étoit appellée hétérQJiome,
lorfque marchant en colonne indireâ:e,
les décurions de la première de Tes troupes
particulières étoient placés fur le flanc
droit , ceux de la féconde fur le fl-jnc gau-
che , ainfi de fuite des autres troupes , en
forte qu'aucune n'eût fes décurions du mê-
me cô:é que celle qui la précédoit , mais
qu'ils fuflent difl:ribués alternativement fur
les deux flancs ,j^g*. 38.
La phalange creufc ou recourbée en avant
étoit ainfi nommée de ce que (^s deux ailes
repliées en avant de fon front, imitent en
quelque façon la courbure d'un arc. Le fruit
de cette manœuvre étoit, que fil'efcadron
continuoitde s'avancer &de vouloir com- .
battre de près, il fe trouvoit tout-à-coup
enveloppé 6c pris de toutes parts : s'il rel-
toit de pié ferme , l'infanterie qui le cho-
quoiticn flanc, au moyerudefes ailes avan-
cées, l'ébranloit, mettoit le défordre dans
{ts rangs , & venoit enfuite aifément à
bout des meilleurs cavaliers qui étoient à
la tête de l'efcadron , ^^. 41.
, Cette manœuvre fe faifoit au moyen
d'un quart de converfion fait à droite par
la feftion de la gauche, & fait à gauche
par celle de la droite , celle du centre ne
bougeant point.
On donnoit quelquefois à la phalange
une difpofitioa contraire à la précédente ,
c*eft-àdire , qu'elle de venoit alors recour-
P H A 59f
bée en arrière , &c qu'au lieu de fléchir fes
ailes en avant du front, elle les ramsnoU
& les replioit fur fon centre du cbxé de la
queue. On employoit cette manœuvre
pour furprendre l'ennemi. Le centre feul
d'une troupe fe montrant à découvert, 6c
i'ervant à cacher ce qui fuivoit par derrière,
il comptoit n'avoir affaire qu'à une poignée
de gens : fi ce petit nombre fuffifoit pour
foutenir Tattaque & pour vaincre, on n'en
oppofbit pas davantage ; s'il étoit trop
foible , en développant fes ailes de part
ôc d'autre , on fe trouvoit bientôt en
état de défertfe fur un front trois fois plus
grand.
Le Lacédémonien Cléandre ayant ainfi
formé fes troupes fur un front très-étroit ,
à ce que dit Frontin , pour que le nombre
en parût moindre , les Lycaoniens trompés
par l'apparence, vinrent l'attaquer ; mais
les Lacédémonienss'étant dépliés à l'inftant
par l'un & l'autre flanc , enveloppèrent les
Lycaoniens , 6>c les taillèrent en pièces.
On combattoit cette rufe par une autre
femblable , au moyen d'une troupe con-
vexe ou arrondie pardevant , en portion
de cercle : difpofition qui la faifoit auffi
paroître moindre qu elle n'étoit , fa con-^
vexité fervant à cacher une partie de fgi
ioxcQ, fig. 44.
On employoit contre le pléfion la pha~
lange implexe , qui préfentant à l'ennemi
un front inégal & tortueux dans toute l'é-,
tendue de fa longueur, l'invitoit à fondre
fur quelques-unes de (es parties faillantes ,
& à défunir l'ordonnance du pléfion; mais
il falloir que les décurions qui étoient à la
tête de la phalange implexe , euflfent atten-
tion à régler leurs mouvemens fur ceux de
l'ennemi ; car fi celui-ci conférvoit , fans
la rompre, fa difpofition ferrée, ils dé-
voient le recevoir de même , &: ne garder
l'inégalité de leur front que dans le cas ou
il avoit défuni le fien ,Jtg. 44.
Les Grecs difoient qu'une phalange étoic
environnante , lorfqu'elle excédoit de part
& d'autre le front de l'ennemi , & qu'elle
pouvoir , en fe repliant fur lui , l'enfermer
dans la courbure de fes ailes.
C'étoit une méthode particulière aux
Lacédémoniens d'étendre beaucoup le front
de leur bataille , & de plier leurs ailes en
Ffff i
Kç)6 PHA
lorme de crôlffant , pour envelopper leurs
adverfaires. Pour cet effet , ils donnoient
à leurs troupes moins de hauteur que le
refte des Grecs. IVleur étoit ordinaire de
fe mettre fur Huit rangs , au plus fur
douze , tandis que les autres peuples de la
Grèce fe formoientcommunanenrfur feize
de profondeur.
On défignolt par la même expreffion
l'une ou l'autre aile de la phalange , .quand
on ne débordoit l'ennemi que par un feul
côté.
Toute phalange mife en bataille fur un
front plus étendu que celui «de la troupe
qui lui eft oppofée , la déborde néceffai re-
ment , au moins par l'une de fes ailés ;
mais de ce qu'on déborde i'ennemi par une
aile , il ne s^enfuirpas toujours que l'on
foit en bataille fur un plus grand front ;.
car la même chofe peut a-rriver , quoiqu'on
ïui prélénte im front moins étendu que le
fien. (K)
Phalange, C^îft. nat. &med.J efpece
d'araignée venimeufe , dont là piquure fait
tomber dansun affoupiiTement léthargique;
les remèdes à ce poifon font l'otviétan, les
fels volatils de vipères , de corne de cerf ,
d'urine , la dânfe , la fymphonie.
La tarentule eft une phalange dont pîu-
fieurs auteurs ont donné Thiftoire , &; dont
la morfure fe guérit par le fondes inftru-
mens & la danfe.
Le venin des phalanges confifle en un
fel acide qu'elles élancent dans les vénules
des chairs par leur piquure , & qui eft
porté enfuite dans les grands vaifleaux ,
où il intercepte la circulation en figeant
le fang; d'où vient que les fels volatils
alkalins,& tous les autres remèdes propres
à raréfier les humeurs , & à les rendres
fluides , font bons pour diflSper ce venin.
Les phalanges écrafées & appliquées au-
tour du poignet, à l'entrée de l'accès d'une
fîevre intermittente , la guériffent quelque-
fois à caufe de leur fel volatil qui entre par
les pores , & qui diffout ou emporte par fa
volatilité l'humeur qui caufoit la fièvre.
PH A»L ANGIUM , f. m. {ffijî. nat. Bot.)
genre ae plante à fleur liliacée , & com-
pofée de fix pétales. Le piflil fort du mi-
lieu de cette fleur , & devient dans la fuite
UJi fruit arrondi Ôc divifé en trois loges ,
V^ H A
F qui renferme des femences anguîeufési
.Ajoutez au caja^Lere de ce genre, que la^
racine efî fibreufe ; ce qui fera diftinguer
'a.\{émentAe phalangium de l'ornitogalum,
Tournefort , Infl. rei herè. V. PLAI^fTE..
P H A L A N G O S E , f. f. ÇMédec.}
i^^KetvyÔ7t{ ; nous dirions en françois , ra/z—
gée d'un grand nombre de cils des paupiè-
res, qui fe portent au dedans de l'œil &
l'ofFenfent , félon Paul Eginete ,hphalan*
gofe efî un renverfement du bord de la-
paupière au dedans de l'œil, fans aucune
relaxation de cette paupière ; ce vice de la
paupière efl une efpece de tricliiafe. ^<3>'^î
ce mot. >
PHAlANNA,- {Géog, anu^ i^: ville.-
de la Perrhébie. Lycophron écrit Pliala'
numy.v\\\e. de fîie de Grete ; Etienne le
géographe dit que Pbagiadès lepéripatéii*-
cien étoit natif de cette ville. (D. J .)
PHALARIQ0E , f. f. {An milit. dest
anc.) pkala.rica.\ c'étoit un dard d'une
efpece particulière. V-oici la defcriptiorrque
Tite-Live en fait , /. XXI. Phalarica crac
Sûguntinis miJJlU telum , hafliii oblongOy
& cetera ureù , praterquàm ad extremum,^
uhi ferrum extahat. Et Jicut in pilo qua^-
dratumin fïupâ cïrcumligabant , linchant^
que pice. Ferrum autem très in longum ha*^
bebat pedes , ut ciim arrnis transfigcre cor-
pus po([ct. Sedid maximh ., etiatnjihcefij[tt<
infcuto , nec penetrajjet in corpus^ pauo-
rem fnciehat- : quod cîim médium acccnfum^
mitttretur ^ eonceptumque , ipjh motunuUtà
majore m ignemferret , arma omitti coge^
bat y. nudumque militem ad infequentes:
iBus pr(Bî>ibat,
La phalarique étoit doue une longue
lance , une efpece de perturfane ; & il fal-
loit qu'elle fût groffe , puifque Silius Ita-
licus l'appelle trabs. Son fer avoir trois '
pies de longueur ; c'étoit une arme blan-
che, & une arme à feu. EXans le combat de
Turnus , décrit par Virgile , Enéid. L IX,
?/. 702^, la phalarique ne paroit pas une
arme à feu. Dans d'autres occafions, on
enveloppoit le fer qui étoit quatre, d'étou-
pes poiffées: on y mettoitle feu, ôc onle-
lançoit avec la ballifl:e contre les tours de
bois appellées^^/i , & contre les machines
de guerre , quelquefois méjne contre des
hommes, dont on perçoit le bouclier, la
P H A
Ciiîraffe , Se le corps en même temps. Ce
fut cette forte particuiiere d'armes dont Te
fervirent les Sagontins dans la défenfe de
leur ville , comme dit Tite-Live , que j'ai
cité ci-defl\is. (D. J,)
PHALARIS , f. m. (Botan) genre de
plante dont voici lescarafteres, (eion Ray.
Il porte un gros épi compofé d'un amas
écailleux de gouffes pleines de lemences ;
deux de ces goufTes Ibnt creufes , carinées,
contenant une graine enveloppée de fa
coffe. Le même botanifte établit huit elpe-
ces de pkalaris , dont la plus connue eft à
graines blanches ; c'eft le gramcn fpica-
tiini^ femine miliaao albo , de Tourne-
fort. /. R. H. <fi8.
Mais le phalaris , dans le fyAême de
Linnaeus , renferme tous les phalaroïdes ,
& forme un genre diftinft de plante qu'il
caradérifeainfi.Le calice , qui ne conrient
qu'une fleur, eft large , obtus, app'ati ,
formé de deux pièces ^ dont chacune eft
applatie , obtufe en deflus , avec des bords
qui fe rencontrent en lignes parallèles-, La
ileur eft aufîi à deux pièces, & plus petite
que le calice. Les étamines font trois filets
capillaires , plus courts que le calice. Les
Boftettes des étamines font oblongues ;
Fembryon du piftil eft arrondi; les ftyles
font au nombre de deux , & très-déliés;
les ftigmates font chevelus r la fleur fcrt
d'une enveloppe ferrée à la femence. Cette
graine eft unique , lifte , arrondie , mais
pointue aux deux bouts. (Z>; /.)
PHALARNA , ou plutôt PHALA-
SARNA , (Géogr. anc. ) comme lit Ca*
/aubon dans Strabon , liv. X ^ p. 479,
Décéarque parle de Phalafarna en cts
termes : on dit qu'il y a dans l'île de Crète
. wne ville nommée Phalafarna^ fituée à
^occident de cette île; qu'elle a un port
qu'onpeut fermer, &un temple de Diane
Diétynne. Oh croit que c'eft préfentement
le bourg Concarïni,
PHALERE , Phalcrum, ÇGéogr. anc.)
ancien port &: ville de l'Aîtique, nommé
auparavant P/uzno5 , félon Suidas. C'étoit
ie port de la ville d'Athènes ; il étoit extrê-
mement habité avant-que Thémiftoele eût
entrepris de fortifier le Pyrée , & d'y
tranfporter la marine.
C'eft au Phalere qu'on avoit mis les
t' H A 597
' auteU des dieux inconnus , dont a parlé
5 Paul. « En paffant, dit cet apôtre, &
»» en contemplant vos dévotions, .j'ai trouvé
» même un autel , où il y avoit cette inf-
» criptton , <Xu dieu inconnu \ Je vous
» annonce donc celui que vous honorez
» fans le connoître. »
L'infcription n'étoit pas telle que S. Paul
la rapportoit, au dieu inconnu ; Cay il y
avoir, aux dieux de UAfie^ de V Europe
6 de l^ Afrique , dieux inconnus 6* étran-^
gifs ; mais comme l'apôtre n'avoit pas be^
foin de plusieurs divinités inconn'.ies , &
qu'il ne lui falloir qu'un dieu inconnu , il-
s'eft fervi du fîngulier au lieuidi; pluriel.
Paufanias , Phiioftrate & Suidas fe fer-
vent du nombre pluriel, quand ils parlent
de l'infcription de cet autel , & Diogene'
Laërce attribue à Epiménide d'avoir fait
bâtir des autels fans nom : or c'eil à Epi-
. ménide qu'on attribue ordinairement l'autel
de* dieiix inconnus; mais il ne lailTe pas
d'être vrai que Théophilaâê, Ifidore- de
'Pélule, ^cumenius & Chryfoftome, fe
font fervi du fingulier en parlant de cet
autel; Môurfius afîure que les habitans^
d'Athènes s'étant convertis à l'évangile,-
confacrerent au dieu inconnu lé temple où"
l'autel d'Eprménide avoit été élevé.
On voit encore , à la diftance d'un mille"
de P/w/ere fur le rivage ,■ le lieu où étoir
jadis la forterefie de Mùnichia, dont il ef^"
ft fouvent parlé dans l'hifioire ancienne ,-
tant paria beauté de fon temple de Diane ,.
qu'à caufe que les gens qu'on maltraitoit au-
Pyrée & à -PAa/^rtf, y trouvoient un fiir
afyle.
Le Phatere fe lîomme aujourd'hui PortOy
& eft à cinq quarts de lieue d'Athènes ,
mais fans avoir un feul habitant. Whtha'
dit qu'il y refte feulement quelques vefti-
ges des murailles qui fermoient autrefois
ce port. Il eft aujourd'hui plein de fable,
tout à découvert , tant au vent du fud en
été, qu'au vent d'aval en hiver; & les
vaiftéauxquiy mouillent font forcés de fe
tenir au large, parce qu'il n'y a pas de fond;
en forte que les Athéniens eurent raifon
d'abandonner ce port , pour retirer leurs
vaiflTeaux dans le Pyrée,
Cependant on eft toujours tenté d'y
débarquer , quand on fe rappelle que le
59? P ^ A
poëîe Mufée, qui inventa ia fphere , y a
ïa répuhure depuis trois mille ans; & plus
encore , .quand on fonge que c'eft dans ce
lieu que vit le jftur un des plus grands hom-
mes qu'Athènes ait jamais produits ; je
parle de Démétrius de PhaUre^ philofo-
phe péripatéricien, homme d'état , favant
& plein de modération. Il s'éleva par Ton
mérite , devint archonte d'Athènes , &
gouverna cette réjîublique pendant dix
ans avec un pouvoir abioiu , dont ii n'a-
bufa jamais.
On ne fait pas précifément l'année qu'il
naquit , mais il paroît par Çicéron , qu'il
ne devoit pas être âgé lorfqu'il parvint au
gouvernement de la république ibus Caf-
fander , roi de Macédoine , la troiliemc
année de la \i^*. olympiade.
Il fut non-feulement le difcipie , m^is en-
core l'ami intime de Théophrafte ; fous un
auffi favant maître , il perfedionna les ta-
lens naturels qu'il avoir pour l'éloquence ,
& fe rendit encore habile dans la philofo-
phie, la politique ôr l'hiftoire. On peut
voir dans Diogene Laërce, le catalogue
des ouvrages qu'il avoir compofés fur dif-
férens genres de fciences. Il eft le feul des
Grecs, dit Cicéron, qui ait pris foin de
cultiver en même temps la philofophie &
l'éloquence ; & pour s'être attaché à trai-
ter des matières philofophiques, &: l'avoir
fart avec toute l'exaftitude & la fubtihté
que demande ce genre d'écrire, il n'a pas
laifTé d'être orateur. Il eft vrai , ajoure-t-il,
qu'il n'eft pas des plus véhémens ; cepen-
dant il a fes grâces , on reconnoît aifément
en lui le génie de fon maître Théophrafte.
Cette douceur , qui faifoit le caradere de
fes ouvrages, étoit auffi celui de fon efprit;
il étoit d'ailleurs très-bien fait dans fa per-
fonne , & la beauté de (qs fourcils lui
valut le nom de p^«tc/]oi?x%?ofp«?.
Pendant les dix années qu'il gouverna
fa patrie , il s'acquit tant de gloire , qu'il
n'eft pas facile , ajoute Cicéron , de trou-
ver quelqu'un qui ait excellé comme lui
tout enfemble dans l'art du gouvernement
& dans les fciences. Il augmenta les reve-
nus de l'état, il embellit la ville d'Athènes
d'édifices. Il diminua le luxe qui n'étoit
que pour le fafte , &: laifta au peuple la
liberté d'ufer de i^s richeffes pour les ce-
P H A
rémoniesreîigieufes , & les (ète% publique^
que l'antiquité avoit confacrées. Il régla
les moeurs , & les pauvres citoyens ver-
tiîeux furent l'objet de (q^ attentions. C'eft
ainfi , dit Elien , que fe pafta glorieufe-
j ment radnimiftration de ce grand homme,
{ jufqu'à'ce que l'envie, fi naturelle à fes
compatriotes, l'obligea de fortir d'Athènes.
Au commencement de la féconde année
de la centdix-huitieme olympiade, Démé-
trius Pohorcetes vint aborder au port de
Pyrée, avec une flotte de deux cents cin-
quante vaifleaux , annonçant aux Athé-
niens qu'il venoit pour rétablir chez eux les
loix de ia liberté , & chafTer de leurs villes
les garnifons de CafTander. En vain Dé-
métrius de PhaUre repréfenta au peuple
d'Athènes , que le fils d'Antigonus ne fe-
roit rien de ce qu'il promettoit ; ils n'é-
coutèrent point leur archonte, qui prit le
parti de fe retirer de la ville , & de de-
mander à ce prince une efcorte pour le
conduire à Thebes. Démétrius Poliorcète»
lui accorda fa demande , refpeâiant , dit
Plutarque , fa réputation & fa vertu.
Bientôt les Athéniens renverferent les
trois cents foixante ftatues qu'ils avoient
élevées à fa gloire, & l'accufant d'avoir
fait beaucoup de chofes contre les loix
pendant fon gouvernement, il fut con-
damné à mort ; ceux qui avoient eu une
étroite liaifon avec lui , furent inquiétés;
& peu s'en fallut que le poëte Ménandre
ne fût appelle en jugement , pour la feule
raifon qu'il avoit été de (qs amis.
Démétrius de PkaUre , après avoir refté
quelque temps à Thebes , fe retira vers
Ptolémée Soter, la première année de la
cent vingtième olympiade. Ce prince ,
recommandable par fa libéralité, la nobleffe
de fes fentimens , & fa débonnaireté à
l'égard de fes amis , étoit le refuge de tous
les malheureux. Démétrius en fut bien
reçu ; & , félon Elien , Ptolémée lui donna
la fondion de veiller à l'obfervation des
loix de l'état. Il tint le premier rang parmi
les amis de ce roi ; ii vécut dans l'abon-
dance de toutes chofes , & fe trouva en
état d'envoyer Aqs préfens à fes amis d'A-
thènes : c'étoit de ces véritables amis, dont
Démétrius diibit , « qu'ils ne venoient ,
» dans la profpérité, qu'après qu'on les
P H A
Vh avoit mandés ; mais que dans l'adverfîtë
» i!s fe préfentoient toujours fans qu'on
y> les eut priés.
H s'occupa pendant fon exil à compo-
fer plulieurs ouvrages Tur le gouverne-
ment , fur les devoirs de la vie civile ; &
cette occupation étoit pour fon efpiit iMp
efpece de nourriture, qui entretenoit en
lui le goût de l'urbanité attique. Mais un
ouvrage dont pîafieurs auteurs lui font
honneur ,c'eft i'établiiTement de la fameufe
bibliothèque d'Alexandrie.
Ariftée ; Ariftobule , philofophe pérlpa-
téticien, juif; Jofeph» Tertullien , Clé-
ment d'Alexandrie , S. Cyrille de Jérufa-
lem , S. Epiphane, S. Jérôme, S. Auguf-
tin & plufieurs autres écrivains chrétiens ,
qui ont parlé de cette bibliothèque , & de
la tradu<5i:ion des fepîanre, difent tous que
cet établiffement tut commis aux foins de
Démétrius de PhaUrc. Les auteurs païens
ont à la vérité parlé de la bibliothèque
d'Alexandrie, mais ils ne font point men-
tion de Démétrius. Jofeph Scaiiger s'eft
déclaré ouvertement contre le fentiment
des auteurs chrétiens , fondé fur ce que
Démétrius ayant été l'objet de la haine de
Ptolémée Philadelphe , il n'avoit pu être
l'inftrument dont ce prince s'étoit fervi
pour cet établilTement.
Quoi qu'il en foit, Démétrius àe Pha-
Urc vécut paisiblement en Egypte pendant
dix-neuf ou vingt ans , fous le gouverne-
ment tranquille de Ptolémée Soter. Ce
prince, deux ans avant fa mort, prit la
réfolution d'abdiquer la royauté, &c de la
céder à Ptolémée Philadelphe, malgré les
raifbns qu'employa Démétrius pour l'en
difTuader ; bientôt après, il eut tout lieu
de fe repentir de fes avis ; car Soter érant
mort l'année fuivante , Ptolémée Phila-
delphe , inflruit du confeil que Démétrius
avoit donné à fon père , le relégua dans
une province , où*<il mena une vie fort
trifte , & mourut enîîn de la piquure d'un
afpic i âgé d'environ 67 ans , dans la troi-
sième ou quatrième année délacent vingt-
quatrième olympiade. Cicéron nous ap-
prend qu'il mourut volontairement, & de
la même manière que •Cléoparre fe fit
mourir depuis. Vid&o , dit-il , (^Orat. pro
Rabirio ) Demetrium , & ex republicd
P H A 55,^
Athtnunjîum , quam optlml Sgejferat ^
& ex doclrinâ nobiUm & clarum ; q,.i
PhaUreus vocitatus efi , in eodem iflo
u£gyp!ii regno, afpide ad corpus admotdj
vitd ejfe privatum. II fut enterré près de
Diofpolis dans le canton de Bu(ms. Eoctrait
des mém. delitUrat. t. VIII ^ in-40.
2^. Phalerum efl encore le nom d'une
ville deTheffalie , félon Suidas & Etienne
le géographe. Les habitans de cette ville
font appelles PjiaUrenfes par Strabon. Le
chevalier DE JaUCOURT.
PHALEUCE , ou PHALEUQUE ,
f. m. (^Belles-lettres.) dans la poéfie gre-
que (k latine. C'eft une forte de vers de
cinq pies , dont le premier eft un fpondée ,
le fécond \xn da6iyîe , &c les trois derniers
font des trochées : on l'appelle aufli hende-
cafTyllabe , parce qu'il eft compofé d'onze
fyliabes, comme
Numquam diyitlas deos rogavi ,
Contcntus modicis , meoque Icctus,
Martial.
Ce vers eft très-propre pour l'épigramme
& pour les poéfies légères. Catulle y ex-
celloit. On prétend qu'il a tiré fon nom de
Phaleiicus, qui l'inventa.
• PHALLIQUES , (Antiq. greq.) fêtes
que l'on célébroit à Athènes en l'honneur
de Bacchus. Elles furent inftituées par un
habitant d'Eleuthere nommé Pégafe , à
l'occafton qu'on va dire. Pégafe ayant por-
té des images de Bacchus à Athènes, s'at-
tira la ri fée & le mépris des Athéniens.
Peu après ils furent frappés d'une maladie
épidémique , qu'ils regardèrent comme une
vengeance que le dieu tiroit d'eux. Ils en-
voyèrent aufti-tôt à l'oracle pour avoir le
remède au mal préfent , & pour réparer
l'injure qu'ils avoient faite à Bacchus. On
leur répondit , qu'ils dévoient recevoir
dans leur ville ce dieu en pompe, & lui
rendre de grands honneurs.. On fit faire
des figures de Bacchus , qu'on porta en
proceffion dans toute la ville, & on atta-
cha aux thyrfes des repréfentations des
parties malades, comme pour marquer que
c'étoit à ce>dieu qu'on en devoit la guéri-
fon. Cette fête fut continuée dans la fuite
un jour chaque année, .
éoo P H Â
PHALLOPHORE, f. m. (Ant. gref.
& rom.J le; pkallophores étolenc les mi-
niflres des Grgye-s, ceux qui pojtoicnt le
phallus dans les fêtes de Bacchiis, ils coù-
roient les rues barbo«ll!és de lie de vin,
couronnés de lierre , & chantant, en l'hon-
neur du d.ieu , des cantiques dignes de ieurs
PHALI^CJS , fubft. G3. ÇLittératJ c'eft
.cette figure fcandaleufe à nos yeux , du
<lieu des jardins , la même que l'on portoit
en Grèce aux fétçs de Bacchus , & plus
Boriennement encore aux fêres d'Ofiris.
La coutume des Bramins qui portent encore
^n procefiion le phallus des Egyptien? , eft
bien étrange pour nos mqsurs. Nos idées
de bienféance i?ous font penfer, dit M. de
Voltaire, qu'une céréiiionie qui nous paroît
Ç\ infâme , n'a été iriventée que par la dé-
bauche ; mais , ajoute le même écrivain,
il n'eft guère croyable que la dépravation
des mœurs ait jamais , chez aucun peuple,
.établi des cérémonies religieufes. Il eft
probable au contraire que cette coutume
îiit introduite dans des temps de {implicite ,
& qu'on ne penfa d'abord qu*à honorer la
divinité dans le fymbole de la vie qu'elle
nous a donnée. IJne telle cérémonie a dû
enfuite infpirer la licence à la jeunefTe, &
paroîrre ridicule aux eijprits iàges , dans
à^s temps plus rafinés , plus corrompus
êc plus éclairés-; mais lancieii ufage a
Aibfifté malgré les abus , & il n'y a guère
jde peuple qui n'ait confervé quelque cé-
rémonie qu'.on ne peut ni approuver , ni
pbolir. (D.J.)
PHALMAN , f. m. IJfifi. jiat.) monf-
îre marin dont il eft fait mentiori dans
les auteurs arabes. Selon eux , on le trouve
^ur la côte de Tartarie, en une contrée
jappellée /)(/?.
PHALTZBOURÇ, (Ghgraph. mod.J
petite ville de France , eiitre l'Alface &: la
Lorraine , avec titre de principauté, Ç'eft
june place d'import^ace pour la communi-
.çation des trois évêchés de Metz , Toul
& Verdun. Elle eft fur une hauteur au pié
.des montagnes de Vofge , à % lieues de
Saverne , ii N. O. de Strasbourg, 91 E.
.de Paris. Long. 34 , 56 , 17 ; lat. 48 , 46.
La ville de PhaLi-^hoiirg appartenoitaux
4,ucs de ^^Qrraine , niçiij e^le à étp ççdçp à
P H A
la France avec {^^ dépendances , par !«
traité de Vincennes, en 1661 ,enfuite par
celui de Ryfvv'ii; en .1697 , & finalement
par celui de Paris en 171 8. {D. J.)
PHAMENOTH, f. m. {CaUnd.égypt.)
nom que les Egyptiens donnent au feptiem©
<||pi$ de leur année. Il commence le 2Ç
f^rier du calendrier Julien.
PHANEyS , (Mytkol.J les peuples de
l'île de Chio honoroient Apollon fous le
nom de Pkantits\ c'eft-à-dire, celui qui
donne, la lumière , de ^aûm , luire., éclairer,
PHANTASE, f. m. (MythoL)<X\y\.
nité trompeufe qui enchantoit les léns de
ceux qui veilioieni ou qui dormoient. Ce
dieu njalFaifant , environné d'une foule in-
nombrable de menfonges ailés qui volti^
gent autour de lui , répandoit de nuit oa
de jour une liqueur fubrile fur les yeux de
ceux qu'il vouloir décevoir.. Dès ce mo-
ment leurs rêves les abufoient ; & quand
ils étoient levés, ils neprouvoient pas de
moindres illufions , ils ne voyoient rien de
véritable; enfin de faufles images de cç
qu'ils regardoient , fe préfentoient égale-
ment à leur vue pour les tromper. Ce font
là les erreurs de l'imagination, & c'eft à.Q$
phant.ômes qu'elle fe fait , que le mot de
phantafe a tiré fa naiffance.
PHANT ASTIQUE , en mufique , ftyle
phantafiiaue , e'eft-à-dire, manière de
compofttion libre & aifée, propre aujf
inftrumens, Foye^ StyLE & COMPOSI-
TION. fi'J)
PHANTOME, Ç m, (Thcol. païenne.)
fpedre efFrayanr. La même fource d'où font
venus les oracles , a donné naiifance aux
phantômes. On fe forgea des dieux qui
n'infpirojent que la terreur & la crainte àts
maux qu'on les croyoit capables de faire :
ayant plus de part à la religion des peuples,
que la confiance & l'amour de la juftice ,
les efprits s'occupèrent des idées de leurs
divinités redoutables , fous des fi^gures
monftrueufes, qui ne pouvoient manquer
d'altére.r l'imagmation des çnfans. Ces
vains phantômes les tenoient dans une
frayeur terrible , qui durpit quelquefois
autant que leur vie.
Mais les poètes ôter^nt aux phantômes
leur appareil lidicule, pour ne les confi-
, dérer que çomiiie des illuftons que les dieux
ç.mpjoyoient
PH A
employoient quelquefois à tromper les
hommes ; c'eft ainfi que dans Virgile ',
Junon voulaîit fauver Turnus , &c le tirer
de la mêlée où il expofoit témérairement
fa valeur , forma d'une épaifle nuée , le
phantôme d'Enée , auquel elle donna les
armes , la démarche &: le Son de voix du
prince troyen. Elle préfente ce phantôme
devant Turnus , qui ne manqua pas d'abord
de Tattaquer ; le faux Enée fe fauve , &
Turnus le pourfuit jufques dans un vaifleau
qui fe trouvoit au port : alors la déefle
poulie le vaifleau en pleine mer , &: fiit
difparoître le rival imaginaire du prince
Rutule.
QuofugJs y JEnea ? thalamos ne défère paâos.
T^lia vociferans fequitur , jîriBumque ce-
rufcat.
JMucronem , nec ferre videtfua gaudia ventos.
Antià. lib. îo. V. 64^.
« Où fuis-tu ', Enée , s'écrie-t-il , n'aban-
»> donne pas l*époufe qui t'eft promile » î
En parlant ainfi , il pourfuin un phantôme ,
lYpce à la main , éc ne volt pas que les
vents emportent fa fauflè joie. ( D. /.)
PHAR^ , ( GSogr. anc. ) il y a plu-
sieurs villes de ce nom , favoir , 1°. celle
de TAchaïe propre , félon Polybe , lïv. II.
/i°. 42. & Etienne le géographe , quicon-
noît dans la même contrée une ville nom-
mée Pharœ.
Il fe pourroit fort bien faire que cette
dernière feroit la même que Phares , que
Ptolomée , liv. III. ch, xvj. appelle aulTî
Pheriv. Il la met dans les terres : mais
fuivant l'ordre dans lequel Strabon , livre
VIII y pagr^SS , qui écrit Phara , place
cette ville , elle ne devoir pas être bien
éloignée de la mer. ^
2**. Pharce du Péloponefe , près du
golfe Mefféniaque : Ptolomée , liv. III.
chap. xvj. qui écrit Pherœ , la place au
delà du fleuve Pamifus ; & Paufanias , liv.
Meffen. c. xxxj. dit qu'elle étoit preique à
6 ftades de la mer.
3°. Pharce de l'ile de la Crète , félon
Etienne le géographe , qui dit que c^étoit
une colonie de MelTéniens. Pline , /. IV.
Tome XXV,
PHA 6o\
chap. xij. fait aufTi mention de cette ville.
(£>./.)
PHARAN , ( Géogr. anc. ) i«. défert
de l'Arabie pétrée , au midi de la terre
promile , au nord & à Torient du golfe
Elanitique. Il en eft bsaucoup parlé dans
l'écriture ; la plupart des demeures de ce
pays étoient creufées dans le roc.
1°. Pharan. , ville de l'Arabie pétrée ,
fituée à trois journées de la ville d'Elat ou
Ailat , vers l'orient : c'eft cette ville qui
donnoit le nom au défert de Pharan.
PHARANGIUM , ( Gécgr. anc. )
forterefl'e de la Perfe arménienne. Procope ,
liv. II. chap, XXV. dans fon hiftoire de la
guerre contre les Perles , dit qu'il y avoir
des mines d'or aux environs , & q ue Cavadc
à qui le roi de Perfe en avoir donné la
direârion , livra le fort de Pharangium
aux Romains , à la charge qu^il ne leur
donneroit rien de l'or qu'il tiroit des mi-
nes. Procope dit plus bas , liv. II. chap.
xxix. que le fleuve Boas prend fa fburce
dans le pays des Arméniens qui habitent
Pharangium , proche des frontières dzs
Traniens. {D. /.)
PHARAON , f. m. ( Jeu de hafard. )
les principales règles de ce jeu font ,
Que le banquier taille avec un jeu entier
conipofé de cinquante-deux cartes.
Qu'il tire toutes les cartes de fuite ,
mettant les unes à fa droite , & les autres à
fa gauche.
Qu'à chaque main on taille , c'eft-à-dire,
de deux en deux cartes : le ponte a la
liberté de prendre une ou plufieurs cartes ,
& de hafarder deflus une certaine fommc.
Que le banquier gagne la mife du ponte ,
lorfque fa carte du ponte arrive à la main
droite dans un rang impair , 8c qu'il perd ,
iorfque la carte du ponte tombe à la maia
gauche , ôc dans un rang pair.
Que le banquier prend la moitié de ce
que le ponte a mis fur la carte , lorlquc
dans une même taille , la carte du ponte
vient deux fois ; ce qui fait une partie de
davantage du banquier.
Et enfin que la dernière carte qui devroit
être pour le ponte , n'cft ni pour lui , ni
pour le banquier î ce qui eft encore ua
avantage pour le banquier.
D'où l'on voit , 1°. que la carte du ponte
GSSS
^oi P H A
n'étant plus qu'une fois dans le talon , la
différence du fort du banquier & du ponte
eft fondée fur ce qu'entre tous les divers
arrangemens poffibles des cartes du ban-
quier , il y en a un plus grand nombre qui
le font gagner , qu'il n'y en a qui le font
perdre , la dernière carte étant confidérée
comme nulle ; 2°. que l'avantage du ban-
quier augmente à mefure que le nombre
des carres du baTiquier diminue; 5°. que la
carte du ponte étant deux fois dans le ta-
lon , l'avantage du banquier fe tire de la
.probabilité qu'il y a que la carte du ponte
viendra deux fois dans une même taille ;
car alors le banquier gagne la moitié de
la mife du ponte , excepté le feul cas où
îa carte du ponte viendroit en doublet
dans la dernière taille , ce qui donneroit
au banquier la mife entière du ponte ;
4°. que la carte du ponte étant trois ou
"" quatre fois dans la main du banquier , l'a-
vantage du banquier eft fondé fur la pof-
iîbilité qu'il y a que k carte du ponte^ fè
Trouve deux fois dans une même taille ,
avant qu'elle ioit venue en pur gain ou en
pure perte pour le banquier. Or cette pol-
fibilité augmente ou diminue , félon qu'il
y a plus ou moins de cartes dans la main du
banquier , & félon que la carte du ponte
s'y trouve plus ou moins de fois.
D'où l'on conclud encore que pour con^
noître l'avantage du banquier , par rapport
aux pontes , dans toutes les différentes
circonftances du jeu , il faut découvrir dans
tous. les différens arrangemens poflîbles des
cartes que tient le banquier , & dans la
fuppolition que la carte s'y trouve ou une ,
ou deux , ou trois , ou quatre fois , quels
font ceux qui le font gagner , quels font
ceux qui lui donnent la moitié de la mife du
ponte , quels font ceux qui le font perdre ,
& quels (ont ceux enfin qui ne le font ni
perdre ni gagner.
On peut former deux tables de tous ces
différens hazards. Pour en connoître l'u-
fage , dans la première , le chiffre ren-
fermé dans la cellule n exprimeroit le
nombre de cartes que tient le banquier ; &
le nombre qui fuit , ou la cellule dans la
première colonne , ou deux points dans
les autres colonnes , exprimeroient le
nombre de fois que la carte du ponte
P H A
efl fuppof^e fê trouver dans k main du
banquier.
L'ufage de la féconde table feroit de
donner des exprefïions , à la vérité moins
exactes , mais plus fîmples ôc plus intelligi-
bles aux joueurs : pour entendre cette ta-
ble , il faut favQJr q,ue ce fîgne ^ marque
excès j & que celui-ci ■< marque défaut j
en forte que >■ ^ ^f lignifie plus grand
que:^ , & plus petit que |.
En examinant ces tables , on verroit
dans la première colonne , que l'avantage
du banquier eft exprimé dans la première
colonne par une fraction dont le numé-*
rateur étant toujours l'unité , le dénomi-
nateur eft le nombre des cartes que tient
le banquier.
Dans la fecoçde colonne , que cet avan-
tage eft exprimé par une fraction dont le;
numérateur étant lelon la fuite des nombres
naturels , i , 2 , 3,4, &c. le dénomina-
teur a pour différence entre ces termes ,
les nombres 8 , 26 , 34, 42 , 50 , j8, dont
la différence eft 8.
Que dans la troifieme colonne le numé-^
rateur étant toujours 3 , la diffirence qui
règne dans le dénominateur eft 8.
Que dans la quatrième colonne k difTé-^
rence étant toujours 4 dans le numérateur ,
le dénominateur a pour différence entre Ces
termes les nombres 24 , 40 , 56 , 72 , 88 .
dont la différence eft 16.
Qu'une autre uniformité afîez fingulier«
entre les derniers chiffres du dénominateur
de chaque terme d'une colonne , c'eft que
dans la première les derniers chiffres du,
dénominateur font, félon cet ordre: 4, 6^
8,0,2,14,6, 8,0, i i & dans la fé-
conde , félon cet ordre ,2,0,6,0,2,
[2,0,6,0,2, 1 2 , a, 6 , o, 2 j & dan^
la troifieme , félon cet ordre ,
2,0,8,6,4,12,0, 8,6, 4; Se dans
la quatrième , félon cet ordre, 6 , 0,0,6,
8 , I 6 , o, o, 6 , 8 , &c.
On pouiroir , parle moyen de ces tables*
trouver tout d'un coup combien un ban-
quier a d'avantage fur chaque carre , com-
bien chaque taille complète aura dû , à
fortune égale , apporter de profit au ban-
quier , fi l'on le fouvient du nombre de
cartes prifes par les pontes , des diverfes
P H A
circonftances dans lefquelles on les a mifcs j
au jeu , & enfin de la quantité d'argent |
Jiafardé fur ces cartes.
On donncroicde juftes bornes à cet avan-
tage , en établiffanrque les doublets fuiîènt
indifférens pour le banquier ôc pour le
ponte , ou du moins qu'ils valulïènt feule-
ment au banquier le tiers ou le quart de la
mile du ponte.
Afin que le ponte prenant une carre ait
le moins de défavancage pofïible , il faut
qu'il en choififlc une quiairpalFé deux foisi
il y auroit plus de défavantage pour lui ,
s'il prenoit une carte qui eût paflé une
fois; plus encore fur une carte qui auroit
pafle trois fois , &c le plus mauvais choix
feroit d'une carte qui n'auroit point encore
paiïé.
Ainfi , en fuppofant ^=une piftole ,
l'avantage du banquier qui feroit 19 fous 2
deniers , dans la fuppofition que la carte
<lu ponte fût quatre fois dans douze cartes ,
deviendra 1 6 fous 8 deniers , fi elle n'y eft
qu'une fois ; 1 5 fous 7 deniers , fi elle y eft
trois fois ; & ig fous 7 deniers , Ci elle n'y
eft que deux fois.
Les perfonnes qui n'ont pas examiné le
fond du jeu demanderont pourquoi on n'a
arien dit des maflès , des parolis , de la
paix , & des fept & le va : c'eft que tout
cela ne fignifie rien , qu'on rifque plus ou
moins , & puis c'eft tout ; les chances ne
changent point.
L'avantage du banquier augmente à
pr(lf)ortion que le nombre de fes cartes
diminue.
L'avantage du banquier fur une carte
qui n'a point paffé , eft prefque double de
celui qu'il a fur une carte qui a paflé deux
fois; fon avantage fur une carte qui a pafte
trois fois eft à fon avantage fur une carte
qui a pafte deux fois dans un plus grand
rapport que de trois à deux.
L'avantage du banquier , qui ne feroit
qu'environ 14 fous , fi le ponte mettoit fix
piftoles ou à la première taille du jeu , ou
fur une carte qui auroit pafte deux fois ,
lorfqu'il n'en reft^oit plus que vingt-huit
dans la main du banquier ( car ces deux cas
reviennent à-peu-près à la même chofe )
fera 7 liv. t fous, il le ponte met fix pif-
toles fur une caice, qui n'aie point encore
P H A éo^
pafte , le talon n'étant compofé que de dix
cartes.
L^avantage du banquier feroit précifë-
ment de fix livres, fi la carte du ponte ^-
dans ce dernier cas , paflé trois fois.
Ainfi , toute la fcience du pharaon (e
réduit , pour les ponces, à Tobièrvation des
deux règles fuivantes.
Ne prendre des cartes que dans les pre-
mières tailles , & hafarder fur le jeu d'au-
tant moins qu'il y a un plus grand nombre
de tailles paftées.
Regarder comme les plus mauvailès car-
tes celles qui n*ont point encore pafte , ou
qui ont pafte trois fois , & préférer à toutes
celles qui ont paflé deux fois.
C'eft ainfi que le ponte rendra fon défa-
vantage le moindre poftible.
PHARE , fubf. m. ( Littérature. ) tour
conftruite à l'entrée des ports ou aux en-
virons , hquelle , par le moyen des feux
qu'on y tient allumés , fert fur mer à
guider pendant la nuit ceux qui approchent
des côtes.
Ces tours éroient en ufage àQ% les plus
anciens temps. Lefchès , auteur de la pe-
tite Iliade , qui vivoit en la trentième
olympiade , en mettoit une au promon-
toire de Sigée ', auprès duquel il y avoir
une rade oij les vaifleaux abordoiciit. Il y
avoir des tours femblables dans le pyrée
d'Atkenes &: dans beaucoup d''autres ports
de la Grèce. Elles étoient d'abord d'une
ftruifture fort fimple j mais Ptolémce Phi-
ladelphc en fit faire une dans Pile de
Pharos , Çi grande & fi magnifique , que
quelques-uns l'ont mife parmi les mer-
veilles du monde. Cette tour , élevée Tan
470 de la fondation de Rome , prit bien-
tôt le nom de Pile ; on l'appella le phare ,
nom qui depuis a été donné à toutes les
autres tours fervant au même ulage. Voici
Phiftoire àtsphares d'après un mémoire de
dom Bernard de Montfaucon, inféré dans
le recueil de Lit ter. tom. VJ.
Les rois d'Egypte joignirent l'île de
Pharos à la terre par une chauffée , & par
un pont qui alloit de la chauflee à Pile.
Elle avoir un promontoire ou une roche
contre laquelle les flots de la mer fe bri-
foienr. Ce fut fur cette roche que Ptolé-
mée fie bâcir de pierre blanche k tour du
GgSg i
^o4 P H A
phare , ayant pluheurs étages voûtés , a-
peu près comme la tour de Eabylone ,
qui étoit à huit étages , ou plutôt , comme
Hérodote s'exprime , à huit tours Tune fur
Tautre.
L'extraordinaire hauteur de cette tour
faifoit que le feu que Ton allumoit deflus
paroiflbit comme une lune j c'eil ce qui a
fait dire à Stace :
Lumina ncBivagce tollit Pharos cemuîa lunce.
Mais quand on le voyoit de loin , il fem-
bloit plus petit , & avoit la forme d'une
étoile aflèz élevée fur Phorizon , ce qui
trompoit quelquefois les mariniers , qui
croyant voir un de ces aftres qui les gui-
doient pour la navigation , tournoient leurs
proues d'un autre coté , & alloient fe jeter
dans les fables de la Marmarique.
Le géographe de Nubie , auteur qui
écrivoitil y a environ 650 ans , parle de la
tour de p/^ûre comme d'un édifice qui fub-
liftoit encore de fon temps ; il l'appelle
un candélabre , à caufe du feu & de la
flamme qui paroiffoit toutes les nuits. Il
13'y en a point , dit-il , de femblable dans
tout l'univers ; quant à la folidité de fa
ftrudure , elle eft bâtie de pierres très-
dures jointes enfemble avec des ligatures de
plomb. La hauteur de la tour , pourfuit-it,
eft de trois cents coudées ou de cent fta-
tures 5 c'tft ainfi qu'il s'exprime pour mar-
quer que la tour avoit la taille de cent
hommes , en comptant trois coudées pour
la taille d'un homme. Selon la defcription
du même auteur , il falloir qu'elle 'îixx. fort
large en bas , puifqu'il dit qu'on y avoit
bâti des maifons. Il ajoute que cette partie
d'en bas , qui éroit li large , occupoit la
moitié de la hauteur de cette tour ; que
l'étage qui étoit au deflus de la première
voûte étoit beaucoup plus étroit que le
précédent , en forte qu'il laiflbit une ga-
lerie où l'on pouvoir fe promener. Il parie
plus obfcurément des étages iupérieurs , &
il dit feulement qu'à mefurc qu'on maontc ,
les efcaliers font plus courts , & qu'il y a
des fenêtres de tous côtés pour éclairer les
montées.
Pline dit que ce phare coûta huit cents
talens , qui à laifon de quatre cents cin-
PH A
quante livres fterlings pour chaque talent y
fuppofé que ce foit monnoie d'Alexandrie ,
font la fomme de trois cents foixante mille
livres fterlings. Softrare Gnidien , qui en fut
l'architecte , fentant tout le prix de fon
travail , craignit l'envie & la bafte jalou-
fie 5 de tout temps ennemies du vrai mé-
rite , s'il en faifoit parade , & s'il ne l'ap-
puyoit d'une puiftante proie6bion. Touché
également de l'amour de la gloire ôc de
celui du repos, il voulut concilier l'un avec
l'autre. Dans cette vue il dédia ce phare
au roi , par une infcription toute à fon
avantage ; mais il ne la grava que fur du
plâtre , proprement plaqué fur une autre
infcription contenant ces mots : Soflrate
Gnidien , fils de Dixiphane , a confacrê
cet ouvrage aux dieux nos confervateurs &
au falut des navigateurs. Par cet artifice
la première dédicace ne fubfifta guère que
pendant la vie du roi , le plâtre fe détrui-
fànt peu-à-peu j l'autre parut alors , &:
a tranfmis le nom de Softrare à la poftérité.
Fifcher a repréfenté le phare de Softrate
dans fon • Ejfai d* architecture hiftoriqut >
pl.iyi.liv.I.
Le phare d'Alexandrie , qui communi-
qua (on nom à tous les autres , leur fervit
aufïî de modèle. Hcrodien nous apprend
qu'ils étoient tous de la même forme.
Voici la defcription qu'il en donne à l'oc-
cafion de ces catafalques qu'on drefloit aux
funérailles des empereurs. " Au deftiis du
■•> première quarré il y a un autre étage plus
'> petit , orné de même , & qui If des
» portes ouvertes j fur celui-là il y en a
» un autre , H fur celui-ci encore un
» autre, c'eft-à-direjufqu'à trois ou qua-
y> tre , dont les plus hauts font toujours
" de moindre enceinte que les plus bas >
» de iorte que le haut eft le plus petit
" de tous ; tout le catafalque eft 1cm-
" blable à ces tours qu'on voit fur les ports
» & qu'on appelle phares , où l'on met
» des feux pour éclairer les vaiftcaux , &
» & leur donner moyen de fe retirer en
'> lieu sûr. »j
il y a eu plufieurs^iécrcjen Italie. Pline
parle de ceux de Ravenne & de Pouzzot j.
Suétone fait aufïî mention du phare de
l'île Capréc , qu'un tremblement de terre
fit tomber peu de jours avant la mort de
P H A
Tibère. Il ne faut pas douter qu'on n'en ait
fait encore bien d'autres.
Denys de Byfance , géographe , cité par
^Pierre Gilles , fait la delcription d'un phare
célèbre , fitué -à l'embouchure du fleuve
Chiytorrhoas , qui fe dégorgeoir dans le
.rofphore de Thrace. Au fommet de la
colline , dit-il , au bas de laquelle coule le
Chry forrhoas , on voit la tour Timée d'une
hauteur extraordinaire , d'où Pon découvre
une grande plage de mer , & que l'on a
bâtie pour la sûreté de ceux qui navigeoient,
en allumant des feux à ion fommet pour
les guider ; ce qui étoit d'autant plus nécef-
faire, que l'un & l'autre bord de cette mer
efl: fans ports , &c que les ancres ne fau-
roient prendre à fon fond : mais les Bar-
bares de la côte allumoient d'autres feux
aux endroits les plus élevés des bords de la
mer , pour tromper les mariniers &c profiter
de leur naufrage, lorfque fe guidant par
ces faux fignaux , ils alioient le briler fur
la cote ; à préfenr , pourfuit cet auteur , la
tour eft à demi ruinée , & l'on n'y met
plus de fanal.
Un des plus célèbres phares que l'on
connoiflè, écqui fubfi doit encore en 1645 ,
c'eft celui de Boulogne fur mer , Bcnonia ,
qui s'appelloir aufïi autrefois Gejforiacum.
Il femble qu'il n'y ait pas lieu de douter que
ce ne foit de et phare dont parle Suétone
dans la vie de l'empereur Caïus Caligula
qui le fît bâtir. Il y a d'autant plus lieu
de le croire , que l'hiftoire ne fait mention
que d'un phare bâti fur cette cote , &
qu'on n'y a jamais remarqué de trace d'au-
cun autre.
Cette tour fut élevée fur le promontoire
ou fur la falaife qui commandoit au port de
la ville. Elle étoit oftogone j chacun des
côtés avoir , félon Bucherius , vingt-quatre
ou vingt-cinq pies. Son circuit étoit donc
d'environ deux cents pies , & fon diam^etre
de foixante-iîx. Elle avoit douze entable-
mens ou efpeccs de galeries qu'on voyoit
au dehors , en y comprenant celle d'en bas
cachée par un petit fort que les Anglois
avoient bâti tout autour quand ils s'en ren-
dirent maîtres en 1545. Chaque entable-
ment ménagé fur l'épaifléur du mur de dei-
fous , faifoit comme une petite galerie d'un
pié & demi j ainfi cq phare alloit toujoi^
P H A ^05
en diminuant , comme nous avons vu des
autres p/îûrei-.
Ce phare étoit appelle depuis plufieurs
fîecles tiirris ordans , ou turris ordenfis.
Les Boulonnois l'r.ppelloientla tour d'ordre,
Plufieurs croient , avec aflez d'apparence ,
que turris ordans ou ordenfis , provenoic
de turris ardens , la tour ardente: ce qui
convenoit parfaitement à une tour où le
feu paroiffoit toutes les nuits.
Comme il n'y a point d'ouvrage fait par
la main des homm.es qui ne pétille enfin ,
foi: par l'injure du temps , foit par quel-
que autre accident , la tour &: la forte-
reflè tombèrent. Voici commuent : cette
partie de la falaife ou de la roche qui
avançoit du côté de la mer , étoit com.me
un rempart qui mettoit la tour & la for-
terefîe à couvert contre la violence des
marées & des flots \ mais les habitans y
ayant ouvert des carrières pour vendre de
la pierre aux Hoîlandois & à quelques villes
voifines , tout ce devant fe trouva à la fin
dégarni, & alors la mer ne trouvant plus
cette barrière , venoit fe brifer au deflôus
de la tour , & en détacboit toujours quel-
que pièces d'un autre côté, les eaux qui
découloient de la falaife , minoient infe»-
fiblement la roche , & creufoient fous
les fondemens du phare & de la foriereffe,
de forte que l'an 1647, le 29 de juillet ,
la tour & la fortefle tombèrent en plein
midi. C'eft encore un bonheur qu'un Bou-
lonnois , plus curieux que fes compatrio-
tes , nous ait confcrvé la figure de ce
phare; il feroit à fouhaiter qu'il fe fut
avifé de nous inftruire de même fur fes
dimcnfions.
Ce phare , bâti par les Romains , éclai-
roit les vaifl'eaux quipafibient de la Grande-
Bretagne dans les Gaules. Il ne faut point
douter qu'il n'y en eût aufïi un à la côte
oppofée , puifqu'il y étoit auiîi néceflrûre
pour guider ceux qui pafïôient dans l'ile.
Plufieurs perfonnes croient que la vieille
tour qui fubfîfte aujourd'hui au milieu du
château de Douvres , étoit le phare des
Romains; d'autres penfent que ce phare
étoit fitué où eft le grand monceau de
pierres & de chaux qu'on vo^Éuprès diï
château de Douvres , & que ^Ç gens du
pays appellent la goutte du diabk.
'ëo$ P H A
L'archevêque de Cantorbéry envoya au
P. Momfaucon un plan de ce qu'il croyoit
être le phare de Douvres. En fouillant dans
un grand monceau de mafures, par l'ordre
de cet archevêque , on trouva un p/inre
tout-à-fait femblable à celui de Boulogne ,
fans aucune différence ; ce qui fait juger
que celui qui eft encore aujourd'hui fur
pié , ne fut fait que quand l'ancien eut été
ruiné.
Le i:om â^ phare s'étendit bien davan-
tage que celui de maufolée. Grégoire de
Tours le prend en un autre fens. On vit ,
dit-il, un phare de feu çui fortit de Véglife
de faint Hilaire , & qui vint fondre fur
le roi Claris. Il fe fert auffi de ce nom
pour marquer un incendie : ils mirent ,
dit -il , le feu à VégUfe de faint Hilaire ,
Ù firent un grand phare , & pendant que
Véglife brûlait , ils pillèrent le monajîere :
tîn brûleur d'églife étoit par conléquent un
faifeur de phares.
On appella phares dans des temps pof-
térieurs , certaines machines où l'on met-
toit pluiieurs lampes , ou pluiieurs cierges ,
& qui approchoient de nos luftres : elles
étoienr de diverfes formes.
Ce mot phare a encore été pris en un
feus plus métaphorique ; on appelle quel-
quefois phare tout ce qui éclaire en inftrui-
fant , Ôc même les gens d'efprit qui fervent
à éclairer les autres : c'eft en ce fens que
Ronfard difoit à Charles IX.
Soye':^ mon phare , ù garde d'abymes ,
Ma nef' qui tombe en fi profonde mer.
{Le chevalier DE J au court.)
PHARE'S , ( Gévgr. ancienne. ) ville
d'Achaïe , où Mercure & Vefta avoient
conjointement un oracle célèbre. Augufte
réunit cette ville au domaine de Patra :
voici ce qu'en dit Paufanias.
On compte de Pharh à Patra , environ
cent cinquante ftades ; & de la mer au
continent , on en compte environ foixante
& dix. Le fleuve Piérus pafle fort près des
murs à^Phar}s \ c'eft le m.ême qui baigne
les ruin^p'Olcne , &:qui ed appelle P/'eVi/j
du côté de la mer. On voit fur fes rives
comme une forêt de platanes , vieux , creux
PH A
pour la plupart , & en même temps d'une
fi prodigieulè groflTeur , que plufieurs per-
fonnes y peuvent manger & dormir comme
dans un antre.
La place publique de Phares , continulj^.
Çaufanias , eft bâtie à l'antique , & forjkï^^
circuit eft fort grand. Au milieu vous^ y
voyez un mercure de marbre qui a une
grande barbe ; c'eft une ftatue de médio-
cre grandeur , de figure quarrée , qui eft
debout à terre , fans piédeftal. L'infcrip-
tion porte que cette ftatue a été pofée
là par Simylus Meflenien , & que c'eft
Mercure Agoreus , ou le dieu du marché :
on dit que ce dieu rend là des oracles.
Immédiatement devant fa ftatue , il y
a une Vefta qui eft aulTi de m.arbre ; la
déeile eft environnée de lampes de bronze ,
attachées les unes aux autres , & fondées
avec du plomb. Celui qui veut confulter
l'oracle , fait premièrement fa prière à
Vefta , il Pencenfe , il verfe de l'huile
dans toutes les lampes Se les allume ; puis
s'avançant verslautel , il met dans la main
droite de la ftatue une petite pièce de
cuivre , c'eft la monnoie du pays ; ehfuire
il s'approche du dieu , & lui fait à l'oreille
telle queftion qu'il lui plaît. Après toutes
ces cérémonies , il fort de la place en fe
bouchant les oreilles avec les mains -, dès
qu'il eft dehors , il écoute les pafTans , &
la première parole qu'il entend , lui tient
lieu d'oracle. La même chofe fe pratique
chez les Egyptiens dans le temple d'Apis.
Une autre curiofité de la ville de Pharh ,
c'eft un vivier que l'on nomme hama , &
qui eft confacré à Mercure avec tous les
poiflbns qui font dedans ; c'eft pourquoi
on ne le pêche jamais. Près d^ la ftatue
du dieu , il y a une trentaine de grofies
pierres quarrées,dont chacune eft honorée
par les habitans fous le nom de quelque
divinité ; ce qui n'eft pas fort furprenant ,
car anciennement les Grecs rendoient à
des pierres toutes brutes les même hon-
neurs qu'ils ont rendus depuis aux ftatues
des dieux.
A quinze ftades de la ville , les Diof-
cures ont un bois facré tout planté de lau-
riers : on n'y voit ni temples , ni ftatues j
jnais (i l'on en croit les habitans , il y a
"eu autrefois dans ce lieu nombre de ftatues
P H A
qnî ont cté tranfporrées à Rome ; préfen-
tement il n'y refte qu'un autel qui eft bâti
de très-belles pierres. Au rerte , je r/ai pu
favoir fi c'eft Pharh , fils de Philodamie ,
& petit-fils de Danalis , qui a bâti la ville
de Phares , ou fi c'en eft un autre. Ce
récit de Paufanias contient bien des chofes
Gurieufes , entre lefquelles il faut mettre
l'oracle fingulier de cette ville. ( D. 7. )
PHARICUM , r. m. ( HiJÎ. despoifons.)
nom d'un poifon violent, qui par bon heur eft
inconnu aux modernes. Scribonius Largus
nous apprend, n°. 195 , qu'il étoitcompofé
de plufieurs ingrédiens ; mais on n'en con-
noït aujourd'hui aucun. { D, J.)
PHARINGEE , en anatomie , nom des
artères qui fe diftribuent aux pharinx.
Haller , icon. Anat. faf. ii. 6" J.
PHARINGO-PALATIN DE
SANTORINI, en anatomie , eft le
fkaringo-fîiiphilin de VVinllow , de Wal-
ilier , d'Heifter , de Valfava , ùc. & une
partie du mulcle thryro-palatin. F'oye^
Thyro - Pal ATiN.
PH ARINGO-STAPHILIN,e/2
anatcmie , nom d'une paire de mu'cles de
la luette , qui viennent de chaque coté des
parties latérales de pharinx , de le terminent
au voile du palais^
PHARÏNGOTOME , f. m. inftrument
de chirurgie, dont on fe fert pour fcarifier
les amygdales enflammées & fi gonflées,
qu'elles empêclient la déglutition & mena-
cent de fuflàcation , ou pour ouvrir les
abcès dans le fond de la gorge.
Ce mot eft grec ^tpvyyarouot , formé de
»âf L^l > pharinx , go(ier , & de lo/xiî , fe3io ,
incifio , fedion , incifion.
Cet inftrument , imaginé par M. Petit ,
eft une lancette cachée dans une canule
ou gaine d'argent , & que l'on porte dans
le fond de la bouche fans aucun ri! que ,
& fans que les malades , qui pour l'ordi-
naire craignent beaucoup les inftrumens
tranchans, s'en apperçoivent ,^^. ? , PL
XXIII.
Le pharingoîome eft compofé de trois
parties ; d'une canule , d'un ftylet & d'un
lefîort. f^eye:^ la fig.
La canule ie divife en deux parties ; la
fupérieure qui forme le manche de Pinf-
trument relfemble à une petite feringue à
P H A éoj
injedion 5 c'eft une petite canonnfere exac-
tement cylindrique. Ce cylindre eft creux ,
fort poli en dedans , &c Umg de deux
pouces fur fix lignes de diamètre. On fait
Moudcr fur le milieu de cette canonnière
un anneau , exaébement rond & poli fur
Je coté parallèle au tranchant de la lan-
cette : on palîe le doigt du m.ilieu dans
cet anneau lorfqu'on tient TinAru ment.
La partie inférieure de la canule eft un
fourreau ou gauie d'argent , de même que
le cyhndrc. Sa longueur eft de quatre
pouces 6c demi , là largeur de quatre
lignes , & ion diamètre dune ligne &c
un tiers , y compris la cavité. Ce fourreaa
ne doit pas être foudé à la partie infé-
rieure da la canonnière ; il faut qu'il s'y
monte par le moyen d'une vis , pour
pouvoir nettoyer l'inftrument avec facilité,
après une opération qui a couvert de pus
ou de fang la lancette , qui rentre dans le
fourreau dès que les incifions convenables
fi^nt faites.
La gaîne doit être légèrement courbe,
de façon que la convexité fe trouve formée
par un des cotés du fourreau , & la
cavité par l'autre ; cette légère courbure
permet à l'œil de voir l'endroit abcédé
ou gonflé où l'on veut opérer , avantage
que n'auroit point une gaine droite.
La féconde partie du pharingoîome eft
le ftyiet , on pour mieux dire , le mandrin, j
fa matière eft d'argent comme toute la
gaine , & il eft de deux ou trois lignes
plus long qu'elle 3 les deux tiers de fon
corps doivent être applatis , afin de
cadrer avec la cavité du fourreau ou
gaîne. Ses deux extrémités font diffé-
remment conftruites , car l'une eft émincée
pcHix y fonder une lancette à grain d'orge*
aftez forte pour réfifter & ne pas s'émou-
cheter j l'autre extrémité eft exaéxeraent
ronde , & reprélente un petit cylindre
dans*l'étendue de deux travers de doigt ,
au bout duquel on. fait faire un petit bou-
ton en forme de pommette , & garni lur
fon fommetde petites cannelures radieufes^
pour recevoir le pouce par une furface
ijîégale..
Un ponce ou environ au deftbus de
cette pomme , il y a une plaque circu»»
laire 3 placée horizontalement & foudéc^
^o8 P H A
dans cet 'endroit ; l'ufage de cette plaque
eft de pefer fur le redore à boudin , de
le pou (1er vers la partie inférieure de la
canonnière , & d'empêcher le ftylet de
s'élever plus qu'il ne faut.
Enfin la troiiieme partie du pharin-
gotome eft un relfort à boudin fait avec
un reflort de montre tourné en cône ;
on met ce boudin dans la canonnière ,
de forte que lorfqu'on poufle le bouton
du ftylet , la petite plaque circulaire ap-
proche les pas de ce rellbrt Tun de
l'autre , ce qui permet au ftylet d'avancer
vers l'extrémité antérieure de la gaine ,
& à la lancette de fortir tout - à - fait
dehors pour faire des fcarifications ou
ouvrir des abcès. Aullî-tôt qu'on celle de
poulfer le bouton avec le pouce , le
reftbrt l'éloigné de la canonnière , &: la
lancette rentre dans fa gaine. {Y)
PHARINX , f. m. terme d'anatomie ,
qui fe dit de l'ouverture fupérieure de
rœfophage ou du gofier , qui eft placée
au fond de la bouche , & que Ton appelle
auffi fauces, Voye^ (Ssophage &
Bouche.
Le pharinx eft cette partie que l'on
appelle plus particulièrement le gojier ,
par où commence l'acSbion de la dégluti-
tion , & où elle reçoit fa principale forme.
Cette fonftion eft aidée par tous les
mufcles qui compofent principalement le
pharinx. V'oye:^ Déglutition.
Pharinx , maladie du , ( Médec. )
Toute la cavité poftérieure du gofier ap-
puyée fur les vertèbres du cou , recouverte
à l'extérieur par les artères carotides qui
font couchées deffus , par les veines jugu-
laires , & par la fîxieme paire des nerfs ,
ayant pour enveloppe intérieure une mem-
brane enduite de mucofité , rendue mo-
bile par pluficurs mufcles qui lui (ont
propres , le terminant à l'œfophage , def-
tinée à la déglutition des alimens , 6?*con-
nue fous le nom de pharinx , eft fujette
à grand nombre de maladies.
Qiiand cette membrane fe tuméfie à la
fuite d'une inflammation , d'une éréftpelle ,
ou d'une hydropifie , maladies qu'on diftin-
guera les unes des autres par leurs fignes
caradtériftiques , elle rend la déglutition
douloureufe ou impolïibîe i elle repoufle
P H A
les aliraenç par les narines , la falive s'é-
coule de la bouche ainli que la mucolité ;
comme elle comprime le larinx qui lui
eft adjacent & les autres vaideaux , elle
caufe pluficurs fymptomes irréguliers; cette
maladie doit être traitée par des remèdes
appropriés & convenables à la partie.
Si cette cavité fe trouve bouchée par
la déglutition de quelque bol, il le faut
tirer , chafl'er , ou ôrer par Popération
de la pharingotomie ; mais la mucofité
concrète , la pituite , le grumeau , les
aphthes qui rempliflent le pharinx , doi-
vent être détruits par le moyen des déter-
fifs , ôc rejetés au dehors par l'excrétion ;
il faut avoir recours à Part pour déraciner
le polype qui remplit ces parties.
Le refterrcmcnt naturel de ces mêmes
parties eft incurable ; mais celui qui eft
occafioné par la convulfion trouve (a
guéri(bn dans l'ufage des anrifpafmodiques :
dans la curation de la comprelTion exté-
rieure , il faut avoir égard à la caufe qui
la produit. L'afpérité , la ficcité , Se Pex-
coriation du pharinx , fe diilipent par les
boiftbns adouciflantes ; les ulcères , les
bleflures , la rupture demandent les confo-
lidans pris en petite dofe. Dans la dégluti-
tion , il faut éviter tous les alimens trop
durs , de n'en prendre qu'avec ménage-
ment. La paralyfie des mufcles a fa caufe
ordinairement dans le cerveau , d'une ma-
nière peu connue : toute métaftafe qui
arrive à cette partie , eft toujours dange-
reufe. L'acrimonie catarreufe fe trouve
foupent diflipée par un gargarifme émol-
lient , & par une boillbn mucilagineufe.
{D.J.)
PHARISIENS , {Hiji. & critiq.facrk. )
les Pkarifiens formoient la fecte la plus
nombreufe des juifs ; car ils avoient non
feulement les fcribes & tous les favans
dans leur parti , mais tout le gros du
peuple.' Ils différoient des Samaritains , en
ce qu'outre la loi , ils recevoient les pro-
phètes , les hagiographes , &: les tradi-
tions des anciens. Ils différoient des Sad-
ducéens , outre tous ces articles , en ce
qu'ils croyoient la vie à venir & la réfur-
reétion des morts ; & dans la doéVrine de
la prédeftination & du franc arbitre.
Pour le premier de ces points , il eft dit
• da(is
P H A
dans Pcfcriture, qu'au lieu que les Sad-
ducéens afT.irenr q 'il n'y a point de réfur-
redion , ni d'anges , ni d'etprits , les Pha-
rijîens confelîl-nt l'un & l'autre; c'eft-à-
dire , i®. qu'il y a une réiurredion de-
morts ; 2°. qu'il y a des anges & de
efprits. A la vérité , félon Joleph , cette
rélîirreâion n'étoit qu'une réfunedion à la
pythagoricienne , c'efl-à-dirc , fimplemenr
un paffage de i'ame dans un autre corps , où
elle renaifîbit avec lui.
Pour ce qui eft de l'opinion des Pha-
rijîens fur la prédeftination & le franc
arbitre , il n'efl pas aifé de la découvrir au
jufle; car, félon Jofeph , ils croyoient la
prédefîination abfolue , auffi-bien que les
Elîeniens , & admet tôient pourtant en même
temps le libre arbitre , comme les Saddu-
c^ens. Ils attribuoient à dieu & au deflin
tout ce qui fe fait , & lailfoient pourtant à
l'homme fa liberté. Comment faifoient-ils
pour ajufter enfemble ces deux chofes qui
paroiflènt fi Incompatibles? C'efl ce que
perfonne n'expliquera.
Mais le caradere diftindif des Pharijîens
étoit leur zèle pour les traditions des an-
ciens , qu'ils croyoient émanées de la même
(burce que la parole écrite ; ils préten-
doient que ces traditions avoient été don-
nées à Moïfe en même temps que la
parole fur le Mont Sinaï ; & aufli leiu-
attribuoient - ils la même autorité qu'à
celle-là.
Cette fede qui faifoit fon capital de
travailler à leur propagation , & à les faire
obferver où elles étoient déjà établies ,
commença en même temps qu'elles^ &
les traditions & la fede s'accrurent fi bien
avec le temps , qu'enfin la loi traditionale
croufFa la loi écrite , & Çts fedateurs de-
vinrent le gros de la nation juive. Ces
gens-là , en vertu de leur obfervation
rigide de la loi, ainfi groffie de leurs tra-
ditions , fe regardoient comme plus faints
que les autres , & fe féparoient de ceux
qu'ils traitoient de pécheurs & de profanes ,
avec qui ils ne vouloient pas feulement
manger ou boire : c'eft delà que leur eft
venu le nom de Pharijîens , du mot de
pharas , qui fignifie /epare, quoique cette
féparation , dans leur première intention ,
eût été de s'écarter du petit peuple , qu'ils
Tome XXV.
P H A 600
appelloîent am-haaret7^ , le peuple de la
'"erre", & qu'ils regardoient avec un fou-
verain mépris , comme les balayures du
nonde. Leurs prétentions hypocrites d'une
'ainteté au defîus du commun , impofc«-ent
à ce petit peuj^le même & l'entraînèrent,
par la vénération & l'admiration qu'elles
lui cauferent.
Notre-Se'gneur les accufe (buvent de
cette hypocrifie , & d'anéantir la loi de
dieu par l?urs traditions. Il marque plu*
fieurs de ces traditions , & les condamne ,
comme nous le voyons dans l'évangile ;
mais ils en avoient encore bien d'autres ,
outre celles-là. Pour parler de toutes, i!
faudroit copier le talmud , qui n'a pas-
moins de douze vol. in-fol. Ce livre n'efl
autre chofe que les traditions que cette
kàt impofoit & commandoit, avec leurs-
explications. Quoiqu'il y en ait plufieurs
qui font impertinentes & ridicules , & que
pre'que toutes foient onéreulès , cette fede
n'a pas laifle d'engloutir toutes les autres ;
car depuis plufieurs fiecles , elle n'a eu
d'oppofans qu'un petit nombre de Caraïtes,
A cela près , la nation des Juifs , depuis la'
deftrudion du temple jufqu'à préfènt , a
reçu \ts traditions pharijiennes , & les ob-
ferve encore avec refped.
Les Pharijîens ne fe contentèrent pas des
vaines fpéculations fur la réflirredion , les
anges , les efprits , la prédeftination &; les
traditions ; ils s'intriguoient dans toutes les
affaires du gouvernement , & entr'autres
chofes ils fbutinrent, fous main, le parti
qui ne vouloit point d'étranger pour roi.
Delà vient que pendant le minifiere de
notre fauveur , ils lui propoferent maligne-
ment la qucilion , s'il étoit permis de
payer le tribut à Céfar ou non ; car quoique
la nécefilté les obligeât de le payer , ils
prétendoient toujours que la loi de dieu
le défendoit ;. mais ce n'efl pas à Notre-
Seigneur feulement qu'ils tendirent des
pièges ; long-temps avant fa naifîànce , ils
perlécuterent avec violence tous ceux qui
n'étoient pas de leur fadion. Enfin leur
tyrannie ne finit qu'avec le règne d'Ariflo-
bule , après avoir tourmenté leurs compa-
triotes depuis la mort d'Alexandre Jannée.
( Le chevalier DE Ja uco urt. )
PHARMACIE , f. f. ( Ordre encydop. \
Hhhh
€io P H A
La pharmacie ç{ï la fcience ou Part de
recueillir , conferver , préparer & mêler
certaines matières pour en former des mcdi-
camens efficaces & agréables.
Il eu déjà clair , par cette définition , que
lu pharmacie peut être divifée en quatre
branches ou parties principales. La recette
ou choix , eleciio , la conlèrvation , la pré-
paration , & le mélange ou compofition.
Nous avons répandu dans les articles
de dérail , dellinés à chaque drogue ou
rr.atiere pharmaceutique , toutes les obferva-
tions qui regardent la recette ou le choix.
Nous avons traité de la confervation , de
la préparation & de la compofition des
médicamens , dans des articles exprès &
généraux , & dans un grand nombre d'ar-
ticles fiibordonrés à ceux-là , & défîmes
aux divers fijjets , aux diverfes opéra-
tions, aux di\ ers inftrumens pharmaceuti-
ques , aux divers produits , c'ell-à-dire ,
aux diverfes hDrmes de remède. On trou-
vera donc un corps afîez complet de
doârine pharmaceutique , dans les articles
GONSE R V ATI ON , DeSSICATION ,
Composition , Dispensation,
Fruits , Fleurs , Semences , Ra-
cines , Cuite , Clarification ,
Despumation , Décantation,
Filtre, Manche, Tamis ^ Mor-
tier , Electuaire , Emulsion ,
Emplâtre, Sirop, ô'c.
Il ne nous refte ici qu'à préfenter un
tableau abrégé de ces fujets^ de ces opé-
rations ,. de ces infirumens , de ces pro-
duits, & à propofer quelques notions gé-
nérales fijr l'efTence même de l'art.
Les fijjets pharmaceutiques font toutes
les fijbflances naturelles fimples des trois
règnes ; & un grand nombre de produits
chymiques , dans lefquels les hommes ont
découvert des vertus médicamenteuies. Ils
font tou^ compris Tous le nom 6 1 madère
médicale. Voy. MATIERE MÉDICALE Ù
Simple Pharmacie.
Les opérations pharmaceutiques onr^
toutes pour objet de préparer ces divers
corps, de manière qu'ils deviennent àts
remèdes efficaces , mais à un certain degré
déterminé, & aufîi agréables qu'il efl pol-
fible. Les pharmaciens rempliflènt ces deux
©bjets, i°. en extrayant: deis> corgs leurs.
PHA
principes vraiment utiles , & rejetant leufi
parties inutiles ou nuifiblcs ; la diflillation ,
la décodion , l'infijfion , la macération ,
l'expreffion > la filtration , l'adion de
monder , la dépuration , la clarification ,
la cribration , opèrent cette utile fépa-
ration : 2°. en mêlant enfemblc diverfes
matières qui s'aident ou fe tempèrent mu-
tuellement ; la compofition , la correôion ,
l'aromatifation , l'édulcoration , la colora-
tion , font \qs ouvrières de cet effet phar-
maceutique : 3°. en donnant diverfes formes
aux remèdes corapofés , ce qui s'opère par
les jufles proportions des divers ingrédient ,
qui efî: la même chofe que la difpenfation ,
par la cuite , la pulvérifation , l'ai^ion de
brader , de malaxer. Les diverfes formes de
remèdes compolés , font divilées , félon un
ancien ufàge , en formes liquides , formes
molles & formes feches. Les liquides fe fiib-
divifent en formesde remèdes magiflraux, &:
formes de remèdes officinaux , dont le carac-
tère effenfiel & diflinûif confifie en ce que
les premiers n'ont pas befoin de rendre le
remède durable, & que cette qualité cil
au contraire effentielle aux dernières. V^..
Officinal & Magistral.
Les remèdes magifiraux liquides, font
la décodion , l'infufion , qu'on appelle-
théiforme , lorfqu'elle efl courte , & qu'on
emploie l'eau bouillante i la macération , ap- •
pellée plus communément infufion à froid ;:
le julep , l'émulfion , la potion , la tifàne ,-,
la mixture, le gargarifme , le collyre, le.
clyflere , l'injedion > k fomentation, l'cm^ —
brocation , l'épitheme liquide , le bain , Je,
demi-bain , l'inceiîus , le vin & les vinair--
gres médicamenteux magiflraux.
Les remèdes olHcinaux liquides , Çont*
les vins- & les vinaigres médicamenteux,,
les teintures , les élixirs , les baumes, les.
firops , les ioochs , les huiles par infufion &:
décodion , les eaux diflillées & compofées , ,
les efprits diflillés -&■ corapofés , les efprits .
volatils , aromatiques , huileuXi
Les remèdes mous font pareillement^
divifés en magiflraux- & officinaux. Les pre-^-
miers font les gelées , les opiars magiflraux , .
les cataplafraes. Lés féconds for. t les clec —
tuaires mous , les conferves molles , ie^ ex--
traits compolés, les miels mcdicamenteux,les .
linimens , onguents & cérats , les emplâtres^ ,
P H A
Les remèdes fecs ou folicfes peuvent
être tous prefcrits fur le champ par le
médecin , & être dans ce cas regardés
comme magiftraux ; mais comme ils font
tous , par leur confiibnce , capables d'être
confervés dans les boutiques , ils font eflen-
tiellement officinaux. Ce font les poudres ,
les efpeces , les bols , les tablettes , les
trochilques , les conl'erves folides , les pi-
lules. Il y a dans ce didionnaire des arti-
cles particuliers fur toutes les chofes nom-
mées dans ces confidérations générales.
J^oye^ ces articles.
Le ledeur doit s'être appcrçu que nous
avons confondu la pharmacie y appellée
vulgairement galenique , avec celle qu'on
appelloit chymique , lélon la même divi-
fion. Nous l'avons fait , parce que cette
divilion efl: mal-entendue ; car les décoc-
tions, les infufions , la cuite des emplâtres,
celle àts firops , qui appartient à la phar-
macie appellée galenique , font des opé-
rations tout auiii chymiques , que la dif-
tillation Ats efprits , que la préparation
des régules , Ùc. qu'on renvoyoit à la
pharmacie chymique. Il eft vrai que les
fimples mélanges & les fimplcs difgréga-
tions foat des opérations méchaniques ;
mais la chymie elle-même emploie des
moyens de cet ordre, [b )
PHARMACITIS , ( Hifl. nat. ) nom
donné par quelques auteurs à une terre
imprégnée de bitume , & qui eft propre
à s'enflammer , avec une odeur délagréa-
ble. On lui a auflï donné le nom ^am-
pelitis. Il paroît que Ion nom lui a été
donné à caufe qu'on en faifoit ufage dans la
médecine.
PHARMACOLOGIE , f f. [Médec. )
fcience ou traité des médicamens & de
leur préparation. C'efl une branche de la
partie de la médecine appellée thérapeu-
tique. Voye\ Thérapeutique. Elle
embraffe l'hidoire naturelle chymique &
médicinale de la matière médicale. Voye-^
Matière médicale , & la pharmacie.
Fbye:^ -Pharmacie. {B)
PHARMACOPEE , fubil. fém. vcyei
Dispensaire.
PHARMACOPOLA , ( Lang. lat. )
Le mot de pharmacopola ne defigne pas
chez les Laeias- nés pharmacopoles , nos
P H A ^ir
apothicaires d'aujourd'hui : il fe dit égale-
ment chez eux des pharmaciens , des dro-
guifles , des épiciers & des parRjmeurs.
Il efl fynonyme à ungiLentariui , ;wjfê4'f »
vendeurs de drogues & de parRims , autant
de gens qui étoient ordinairement de la
bande des débauchés , parce qu'outre les
parfums qu'ils fourniffoient , ils donnoient
aulE des drogues pour faire avorter , &
pour empêcher les groffeflês. En Grèce
il étoit défendu par une loi de Solon ,
qu'aucun citoyen d'Athènes exerçât cet
art ; & Séneque nous apprend que tous
\cs parfumeurs , pharmacopoîce , furent
chaffés de Lacédémone. Ils n'étoient pas
moins méprifés à Rome qu'en Grèce : c'efi
pourquoi Horace les range avec les joueur^
de flûtes , les porteurs de beface , les bate-
leurs , les danlèurs , Ùc. fatyr. z y lip. I ,
vers i .
Ambuhajarum colîegia y Pharmaco*
pol^ ,
Mcndici y mimi y balatron-es y hoë
genus omne
Maîflam ac follichum efl cantor'n
morte Tigelli,
Le muficien Tigellius efl mort. Les
joueufes de Çi\xiç.% , les parfumeurs , \t^
porte-befaccs , les bateleurs , & toute la
canaille de même efpece , en font en deuiL
PHARMACOPOLE, f. m. {Hifl.de
la médecine anc. ) Pharmacopoh étoit
chez les anciens tout vendeur de médi-
camens. Mais il faut entrer dans quelques
détails de la médecine ancienne , pour
donner au ieûeur une idée jufl^ de la
différence qu'il y avoir entre un pharma-
ceure , un pharmacopoh y un pharmaco-
tribe, un herborifle , & autres mots, qui
concernoient chez eux la matière àti
médicamens.
Ceux qui s'attachèrent à la pharmaceu-
tique ou à la médecine médicamentaire ,
furent appelles pharmaceut^ ; car le nom
de pharmacopceus fe prenoit alors en mau-
vaife part , & iignifioit dans l'ufagc ordi-
naire , un empoifonneur : il «toit fynonyme
à na.^'fj.cf.yfç & ttt^iAayCoi , dérivé de p fAA'/}Vf
mot générique pour toute forte de drogues ,
^hhh i
_6i3, P H A
ou de compofirion bonne , ou mauvalfe ,
ou pour tout médicament ou poifon , tant
fimple que compofé. Les Latins entendolent
auflî par medicamentum , un poifon , &
j>ar me dicamentarius y un empoifonneur ;
quoique le premier fignifiât encore un mé-
dicament, & le dernier un apothicaire.
Les pharmacopoles , ( pliarmacopoliX )
formoient encore chez les anciens un corps
différent des premiers. En général on ap-
pelloit de ce nom tous ceux qui vendoient
'des médicamens , quoiqu'ils ne les préparaf-
fent point ; en particulier , ceux que nous
nommons aujourd'hui charlatans , bate-
leurs , gens drefîant des échafauds en
place publique , allant d'un lieu en un
autre , &: courant le monde en diflribuant
des remèdes ; c'cft delà que dérivent les
dénominations de circulatores , circuitores
et circum/canei. Ils avoient encore celle
à^agynœ , du motccyv^Tul , qui ajfemble ,
parce qu'ils aflembloient le peuple autour
ti*eux , & que la populace , toujours avide
du. merveilleux j accouroit en foule, auffi
crédule à leurs promefles , qu'elle l'efl:
encore aujourd'hui à celles des charlatans
qui les rcpréientent, C'eff par la même
raifon qu'on les appelloit ^^aa^-oj^sî. On leur
donnoit enfin le nom de médecins fédentai-
resyfellularn medici, 7n<f.fi: i ï 'tu.T(oi , parce
qu'ils attendoient les marchands aflls fur
leurs boutiques. Ce fut le métier d'Euda-
mus , d'un certain Charlton , de qui Galien a
tiré quelques defcriptions de médicamens ,
& à qui il donne l'épithete d'J^A<>o>-o ; &
de Clodlus d'Ancone , que Cicéron appelle
pharmacopola circumfoianeus.
On ne l'ait fi les pharmacorrites , phar.
macotritœ y ou mêleurs y broyeurs de
drogues ,, étoient les mêmes que les phar-
maceutes , pharmaceutce ; ou fi ce nom
ne convenoit qu'à ceux qui compofoient
\^s médicamens fans les appliquer. Ces
derniers pourroient bien avoir été les va-
lets des droguiftes ^ ou ces gens appelles
par les Latin s/e;?/a/zan'/ & pigmentarii y &
par les Grecs r.'VTo'râhat.i ou (cm. oAi^oi , ou
vendeurs de drogues;, & dans, les derniers
temps de la, Grèce > vïi/jiiVTct.pm , terme dé-
rivé du latin.
Les boutiques .ou magafîns de ces mar-
chands , s'appelloient feplajia au neutre
P H A
piuriei , & leur métier feplafia au féminin
fmgulier. Ils vendoient aux médecins , aux
peintres , aux parfumeurs & aux teintu-
riers , toutes les drogues tant {impies que
compofées , dont ils avoient befoin. Ils
étoient , ainfi que les charlatans , fort fujets
à débiter des compofitions mal condition-
nées & mal faites. Pline reprochoit aux
médecins de fon temps de négliger la con-
noilTance des drogues , de recevoir les com-
portions telles qu'on les leur donnoit , &
de les employer fur la bonne foi d'un mar-
chand , au lieu de fe pourvoir des unes , &
de compofer les autres à l'example des an-
ciens médecins.
Mais ce n'étoit p§s feulement des dro
guifîes que les médecins achetoient '•> ils
tiroient les plantes communes des herbo-
rifles , herbarii en latin , en grec p](,o'roy.oi ,
ou coupeurs de racines y & ^jto.: ohoyc) , ou
(^oToLvtKoi , cueilleurs d'herbes , & non pas
(ioTAiiçici y nom propre à ceux qui mondoient
les blés , ou qui en arrachoientles mauvaifcs
herbes. Les herborises , pour faire valoir
leur métier , afFeâoient fuperflitieufement
de cueillir les fimples en de certains temps
particuliers , avec diverfes précautions &
cérémonies ridicules. Ils étoient fort atten-
tifs à tromper les médecins , en leur don-,
nant une herbe , ou une racine pour une
autre.
Les herboriftes , & ceux qui exerçoient
la pharmaceutique , avoient des lieux
propres pour placer leurs plantes , leurs
drogues & leurs compofitions ; on appel-
lolt ces lieux en grec «.To^yua», apothecce ,
d'un nom général , qui Ggnlfîe place où
Ton renferme quelque chofe.
Les boutiques des chirurgiens, fe nom-
moientengrec i^yç'riri , de icnç]-.^ médecin ,
parce que tous ceux qui fe mêlolent de
quelque partie de la médecine que ce fût,
s'appelloient médecins y & que tous les,
médecins excrçolenr anciennement la chi-
rurgie. Plaute rend le terme It-rf i^ , par ce-
lui de medicina ; & comme de fon temps
la médecine n'étoit point encore partagé'' ,.
& que le médecin ,. le chirurgien , l'apo-
thicaire & le droguiHe , n'étoient qu'urie
feule perfonnc ,, ce i*om s'étend dans ce
poëte à toutes les boutiques en générai',
fojt qu'on y penfât des biclTés , qu'on, y
P H A
vendît des drogues & des médlcamens ^ '
foit qu'on y étalât des plantes & des
herbes ; de même que medicus fignifie
dans le même poëte un vendeur de mé-
dicamens.
Le partage de la médecine tel qu'on
vient de rexpofer , cft celui qui fubfiftolt
au temps de Celle. L'ufiige changea dans
la fuite ; les uns ayant empiété fur la
proleflion des autres, ou en ayant exercé
plus d'une j les mêmes noms reflerent ,
quoique les emplois ne fuflent plus les
mêmes. Quelques iiecles après CcKe , ceux
que l'on nommoit en grec 'TDiuivTa.pioî , & en
latin pimemarii , ou pigmentarii , qui dé-
voient être des droguiftes , faifoicnt auflî
la fonction d'apothicaires ; ce que l'on
prouve par un palîlige d'Olympiodore ,
ancien commentateur de Platon. Le mé-
decin , dit-il , ordonne , & le pimentarius
prépare tout ce que le médecin a ordonné.
On ne peut marquer avec exaûitude la
date de ce changement ; mais Olympio-
dore vivoit environ 400 ans après Celfe.
iD. J. )
..PHARMACUSE, Pharmacufa ,
( Geogr. anc. ) 1°. île de la mer Egée ,
félon Pline , lU'. IV ^ chap. ij. On croit
que c'efl dans cette île que fut tué Attalus.
Aujourd'hui , félon l'opinion commune ,
cette île fe nomme Pafmafa. C'eft auprès
de l'île Pharmacufe que Jules-Céfar fut
pris par des pirates. iP, Etienne le géo-
graphe met deux îles d« ce nom proche
celle de Salamina ; & Strabon , Uv. IX y
pag. 38 ^ y dit que ce font deux petites
îles , dans la plus grande defquelles on
voyoit le tombeau de Circé. ( D. J. )
PHARMUTHI, f m. (Calend. égypt.)
nom du huitième mois de l'année égyp-
tienne ; il répondoit au mois d'avril de
l'année julienne. Théon dit que le tempo
de la moiffon tombait vers le 25 de ce
mois. {D. J.) ' ^
PHARxMACES, ( G/ogr.anc. ).peuples
d'Ethiopie, félon Pline , Iw. VII y c. il y
qui dit , après Damon , que la fueur de ce
peuple cauioit la phthilie à ceux qu'elle
touchoit. Quelques miinufcrits portent
pharmaces pour phirnaces.
PHARNAK, {Mjthol. ) dieu adoré
dans k Pont. Strabon nous apprend que
P H A ^13
le dieu adoré fous ce nom dans IToérie
& dans le Pont , étoit le même que le
dieu Lunus , ou que l'intelligence qui
préfidoit au cours de la lune. Ce diea
avoit un temple célèbre à Cabira ou
Sebafiopolis y Ibus le nom de Mhv (fetovAy^oi y
&c les iermens qui fe failoient en joignant
fon nom à celui du roi régnant , paflbient
pour inviolables. Strabon ajoute que ce
dieu Lunus avoit des temples en Phrygie
& en Pilidic , fous le titre de Mnv A^/etiot,
On voit dans Haun , fur une médaille
de Sardis , le bufte de ce dieu , coëfïe
d'un bonnet phrygien , & porté dans un-
croiflant , avecje titre de MHN A2KHN02.
Il y a beaucoup d'apparence que la figure
en pié qui fe voit au revers des médailles
de Pharnace & de fon fils Mithridate , eft
celle du MHN *APN AX02 , ou du dieu Lunus
de Cabira , repréfenté à-peu-près comme-
on le voit fur plufieurs médailles publiées
par M. Vaillant. On compte, dans ces
médailles greques des empereurs , jufqu'à
19 villes de l'Afie mineure , de la Thrace
& de la Sjrie ,. qui ont mis ce dieu Lunus
fur leurs médailles. ( D. J. )
PHARODENI, ( Geogr. anc. ) peuples
de Germanie. Ptolomée, lii'. Il, ch. xj ,
dit qu'ils habitoient après les Saxons , depuis
le tieuve Çlialafus y juiqu'au fleuve Suei'us,
Peucer croit que les Pharodeni de Ptolomée
Ibnt les Suardones de Tacite.
PHAROS , ( Geogr. anc. ) île d'Egypte,
vis-à-vis d'Alexandrie ; je dis île y_ parce
que Pharos étoit au commencement une
véritable île,, à fept lîades de la terre-
ferme , & on n'y pouvoit aller que par
eau ; mais enfuite on la joignit au conti-
nent par une chauifée , comme cela s'étoit
lait à Tyr : cette chauifée fut appellée
ïheptafidde y à caufc des. fept ftades qu'elle
avoit de longueur-
Cet ouvrage ordonné par Ptolémée
Fhikdclphel, & non par Cléopatrc, comme
le dit Ammien Marcellin y fut exécuté l'an
284 avant Jefus-Chrift y à-peu-près en
même temps que la tour du phare , par
Soflrate , fils de Dixiphane ; & fans
doute que ce ne tut pas le plus facile des
deux ouvrages. Ainfi , pour les difHnguer
quand on parle de la peninfule , on dit
l'île ou la £eninfule de Pharos y & q^uand
-on parle 6u fanal ou du phare qui étoit
dans Pharos , on dit iimplemenr le phare.
L'iie de Phuios avoir un promontoire
ou une roche , contre laquelle les flots
de la mer ie briioient. Ce fut fur cette
roche que Ptolemée Philadelphe I fit bâtir
de pierre blanche la tour du phare , ou-
vrage d'une magnificence furprenantc , à
plufieurs étages voûtes , à-p-u-près comme
la tour de Babylone , qui étoit à huit étages ,
Ou , comme HerocTote s'exprime , à huit
tours l'une fur l'aurre.
L'extraordinaire hauteur de cette tour
faifoif paroître comme une lune le feu qu'on
allumoit au dcffus ; c'efl ce qui fait dire à
jStace :
Lumina noBU'agiX toll'u Pharos œmula
lunce.
Le géographe de Nubie , qui écrivoit
al y a environ 650 ans , parle de la tour
;du phare comme d'un édifice qui fubfifîoit
encore de fon temps. Un fcholiaffe de
Lucien , manufcrif , cité par Ifaac Voflius ,
dit que ctnt four éroit quarrée , &: que
ïts côtés avoicnt près d'un ffade de long.
Tous les anciens auteurs ont parle de
l'île de Pharos. Voye^ Céfar , comment,
de bell. cil', c. iij. Strabon , Uî-'. XP II ,
pag. JSZ. Pomponius Mcla , //V. II, ch.
vij. Plmc, //V. V y chap. xj , éc In'. XIII ,
fihap. xij. Ce dernier lui donne le titre de
fiolonie de Jules-Céfar.
Homère a bien chagriné fes admirateurs ,
iCnfaifant dire à Ménéias , dans ^'Odyjjle ^
liu. IV y vers J55 , que l'île de Pharos
«jcff éloignée d'une journée de l'Egypte ,
cciyvT/la. Plufieurs critiques ont açcufé le
jpoëte grec d'une énorme bévue ; mais
xfautres leur ont répondu que le mot
^îEg-yptus défignoit ici le Niî , & qu'en
-effet l'île de Pharos efl éloignée d'une
journée de la principale embouchure du
ileuve j^gyptus , qui efl le Nil. Strabon
,;€Ût peut-être adopté cette explication , s'il
y eût fongc; mais en homme d'efprit , il
a entrepws de juflifier fon poète tavori de
»tout reproche d'ignorance. " C'efî , dit-il ,
9i. Ménéias qui raconte ^ts voyages; il
-»> ufe du privilège des voyageurs ^ il ment.
99 D'ailleurs , c'efl un poëte qui le fait
P H A
» parler , qui favoit bien que cette dif^'
« tance n'étoit pas aufli confiderable que
M le dit iMenélas , mais il veut intéreflcr
»> le ledeur par le merveilleux de la fic-
r> tion. »
Ortelius dit qu'on nomme aujourd'hui
l'île de Pharos Farion , & qu'elle efl
appellée Magrah par les habitans du pays.
l». Pharos y ou Ijfa - Pharos , île de
la mer Adriatique , fur la côte de flllyrie ,
lèlon Phne , lip. III , c. xxj , qui dit qu'on
la nqmmoit auparavant Pa'os. Le père
Hardouin retranche cette île dans fon
édition de Pline ; mais c'eff un retranche-
ment bien hardi , d'autant plus que Dio-
dore de bicile , //>. XV. Strabon, lh\ VII,
p. 5 2 5 , & Polybe , //>. Vyp. 1 08 y ta.
font mention.
3*^. Pharos y île fur la côte d'Italie ,
vis-à-vis de Brundufium. Pomponius
Mcla , liv. II y chap. l'ij , en parle , & dit
qu'en l'appella Pharos y à caufe du phare
qui y fut élevé pour guider les vaifleaux^
{D. J.)
PHARPHAR , ( Geogr. anc ) un àçs
deux ileuver de Damas ; ou plutôt c'efl
un bras du Barrady ou du Chryforrhoas ,
qui arrofe la ville & les environs de Damas.
Le fleuve de Damas a fa iource dans \ts
montagnes du Liban ; étant arrivé près
de la ville , il -fe partage en trois bras >
dont l'un traverle Damas , les deux autres
arroiènt les jardins qui font tout autour ;
puis le réuniflanC , ils vont ié perdre à
quatre ou cinq lieues de la ville , du côté
du nord.
PHARSALE , Pharfalusy ( Ge'ograph.
anc. ) 1°. ville de Theffilie , que certaines
cartes attribuent mal-à-propos à l'Effréo-
tide , puilque Strabon, lu'. IX y la range
parmi les villes de la Phthiotide. Elle étoit
à fix lieues de Larida , &: à l'extrémité d'une
. plaine très- fertile qui a plus de quatre
lieuesi^'étendue. Imaginez - vous , dit la
Guillctiere , fi je pus traverfer cette plaine
lans me rappeiler que j'étois lur les lieux
où Céiar & i-'orapée terminèrent le plus
grand différend qui ait jamais troublé l'u-»
; nivers , & que la bataille qu'ils y donnè-
rent renverfa la plus puifîànte de toutes
les républiques , & fonda la plus formi-
dable de t0ute;s les monarchies ? Noranje^
à
P H A
fflDÎ tant de batailles qu'il vous plaira ,
celle-ci efl fans contredit la plus fameufe ;
elle fè donna 48 ans avant la naiflance
de Jefus-Chrift. C'^lt cette journée mé-
morable où , félon Corneille ,
Quand lej Dieux étonnés fembloient
fe partager,
Pharlale décida, ce qu*ils n'of oient
juger.
Pompée ayant perdu la bataille, fe retira
rers Larifîa , comme la ville la plus voi-
fîne , où il n'entra pas néanmoins. Le
i!euve Enipus arrofoit Fharfale ; & ce
fleuve qui le jetoit dans l'Apidenus , étoit
différent de l'Enipus de Macédoine. Ap-
pien , lip. II , cii'it. pag. y y8 y rapporte
que l'armée de Pompée étoit campée entre
la ville de Pharfale & le iîcuvc- Enipée :
ce qui femble contredire ce que Srrabon ,
lir. IX y avaiice , que l'Enipée baignoit la
ville de Pharfale '-, mais comme il y avoit
deux villes de ce nom , la nouvelle & la
vieille , il eft apparent que l'une éroit bâcie
fur le bord du fleuve, & que l'auu-e en
étoit peu éloignée.
La bataille entre Céfar & Pompée fe
donna auprès de la ville de Fharfale,
appellée P alxpharfalus par Tite-Live,
liv. XLIV, chap. ij y & c'etoit celle-là ,
iàns doute , qui fe trou voit à quelque, dil-
tance du fleuve.
2°. Pharfalus étoit auffi un lieu de
TEpire où Céfar arriva avec fa flotte , &
où il débarqua fes ioldats. Quelques ma-
nufcrifs , au lieu de Pharfalus , portent
Pharfalia , d'autres difent Palefiina ; &
c'eft de cette dernière façon qu'écrit Lucain,
liv. V y V. 4.G0 y en parlant de la Ibrte de
Céfar :
Lapfa Paleflinas uncis confixit arenas-.
3^. II y avoit encore une ville de Pam-
phylic qui portoit le nom de Pharfalus.
p Fharsale , batadle dé y ( Hifl. rom. )
nom de cette laineufe bataille qui termina
\sl guerre civile des Romains , , & \ qui : lè
donna l'an 705 de Rome , entre Célar
& Pompée , auprès de Pharfale , ville de
.Xheûâlie , voiliae de Lariilê. Il faut lire , ^
P H A ^if
fùf cette bataille , Lucain , Denis d'Ha-
licarnaffe , liv. XLI y Appian , Hp. II y
Plutarque , dans la l'ie de Céfar , Fiorus ,
Eutropius , Velleius Paterculus , Cicéron ,
Céfar , de bello cii^'ili , liv. I &i II y &:c.
C'efi atîez pour moi de faire deux ou trois
remarques.
_ On fait que l'empire ne coûta , pour
ainfi dire , à Céfar qu'une heure de temps ,
& que la bataille de Pharfale en décida.
La perte de Pompée, qui périt depuis en-
Egypte , entraîna celle de fon parti ; mais-
on ne peut afîez s'imaginer quels étoient
alors le luxe & la mollelTe des Romains.
Le pauvre officier languifToit dans les.
honneurs obfcurs d'une légion , pendant
que les grands tâchoient de couvrir leur-
lâcheté te d'éblouir le public par la magni-
ficence de leur train , & par l'éclat de leur'
dépenfe. Lucain difoit :
Sasvior armis
Luxuria incubuit , viciumque ulcifcitur'
orbenu
Les jeunes gens ne connoifToient que des
chanteufcs & àf^ baladines, dont ils fai*>
foienr l'objet de leurs ridicules nflèclions ;
ifs fe friloient comme elles ; ils affedoient
même d'imiter le fon de leur voix & leur
démarche, lafcive ; ils ne furpaffoient ces
femmes perdues que par leur molleffe &
leur lâcheté. Auffi Jules-Céfar , qui con-
noiffoit la faufle délicatefl'e de cette jeu-
neife efféminée qui fuivoit le parti de
Pompée,, ordonna à fes foldars , dans
la bataille de Pharfale y au lieu de lancer
de loin leurs javelots , de les porter droit
au vifage : Miles faciem feri. C'eft une
anecdote que raconte Fiorus, liv. IV y
c- ij y & il arriva que ces jeunes gens ,
idolâtres de. leur beauté, prirent la fuite,
de peur de s'expofer à être défigurés par-.
des blclTures &. des- cicatrices.-
Le lux'e & la mollcffe régnoient dàns^
leur camp comme à Rome : on voyoit-
une foule de valets & d'efelaves avec tout ^'
l'attiraii de la volupté, luivre l'armée
comme une autre armée. Pompée étoit ^
ainfi campé délicieuiemcnt entre la ville
de Pharfale & le fleuve Ènipée , dont il;
tirgic toutes fes pjrovifiûDs. - Ccfar , . après
^i6 ■ ï> H A
avoir forcé (on camp , y trouva les tables
• dreifées comme pour des feftins. Les buf-
fets-, dit -il, de belLo civili y lib. V,
plioient Ibus le poids des vafes d'or &
d'argent. Les tentes étoient ornées de
gazon verd ; & quelques-unes, comme
celles de Lentulus , pour confcrver le frais,
croient ombragées de rameaux &. de lierre.
En un mot, il vit du côté qu'il força,
le luxe & la débauche , & dans l'endroit
où l'on le bartoit encore , le meurtre &
le carnage. Alibi prcelia Ù vulnera , alibi
popinûE ) Jimiil cruor Ù flrues corporum
juxtcL fcona Ù fcords Jîmile.
On a remarqué que Céfar régla à certe
bataille la difpofition de fon armée fur le
modèle de la dilpoiïtion que Cyrus a\oir
faite à la bataille de Thimbrée ; & c'eit
à cette dilpofition qu'il dut fa vidoire
complète.
Prefque tous nos auteurs ne font que
louer la modération & la clémence que
Céfar fit paroître après fa vidoire. Quoi-
qu'il tût élevé par Alarius fon oncle , nous
difènt-ils , il facrifia ks reflênrimens à
l'établi fîemcnt de là domination , & par-
donna à tous les partifans de Pompée.
Mais Dion n'en parle point fur ce ton là.
Voici (qs propres paroles , livre XLIX':
Equités Ùfenatores qui Pompeio favijj'ent
fupplicio affecli y paucis exceptis. Legio-
narios milites ingenuos Cœfar in Juas
legiones adfcripjit ; fervos dominis reddi-
dit y ut pocnas durent ; qui non ingénie-
bant dominos fuos ^ incrucem acii. « Tous
V \t^ fénateurs & les chevaliers qui lui
w avoient été attachés , furent punis de
» mort, à l'exception d'un très - petit
» nombre. Ses légions furent incorporées
i} dans celles d'Odavien : on donna les
w efclaves à leurs maîtres pour les punir ;
M & ceux qui ne trouvoient point de maî-
« irt^ rnoururent en croix. >»
Ainfi la liberté de Rome ," H précleufè
a,ux premiers Romains, & qui avoit été fi
long-temps Ions la garde de la pauvreté ,
de la tempérance , & de l'amour de la
patrie , fut enfevelie par Céfar dans les
champs de Pharfale. Tout pha depuis fous
fa puifîance ; & deux ans après le pafTage
du Rubicon , on le vit entrer dans Rome
trioinphant, , & bientôt juflement afTaliiné
PHA
au milieu d'une république dont il étoit de-
venu le tyran. { D. J.)
PHARUSES , LES , Pharufii , ( Ge'ogr,
anc. ) peuples de la Lybie , (elon Sirabon,
/. Xî^II y & Etienne le géographe. Pora^
ponius Mêla , liv. III ^ c. x y les met au
deffus des Nigrites , & les étend julqu'à
l'Ethiopie. Pline, lii^. V, c. viij , d^t .:)ue
CCS peuples étoient Perles d'ongin", &
qu'ils accompagnèrent Hercule lorlqu'il en-
treprit de palTer dans le jardin dts Hcipé-
rides. {D J.)
PHASES , f f. en AJÎron. fe dit àts
diverfes apparences de la lune , de venus ,
de mercure & des autres planètes , ou
des diiférentes manières dont elles paroif-
lent éclairées par le foleil. Voye\ Pla-
nète.
Ce mot efl formé du grec ^'. Ua , je pa-
rois y je brille.
La variété des phafes de la lune efl fort
remarquable , quelqîielois elle croît , quel-
quefois elle décroît , quelquefois elle efî
courbée en forme de corne , puis paroîc
comme un demi-cercle , enfuite elle paroît
boffue , & reprend enfin une face circu-
laire pleine. Voye\ CROISSANT , Bossu,
Dichotomie, Faux, ùc. Quant à la
théorie des phafes de la lune , voye\
Lune.
Pour celles de venus , on n*y découvre
aucune diverfifé à la vue fimple , mais on
y en remarque avec le télefcope : Copernic
prédit que les fiecles à venir découvriroient
que venus 4prouveroit les mêmes change-
mens que la lune : Galilée fut le premier
qui accomplit cette prédidion ; en diri-
geant fon télefcope fur venus y il obferva
que les phafes de cette planète étoient
Jemblables à celles de la lune , que tantôt
elle étoit pleine , tantôt en croiffant. V^oy,
Vénus.
Mercure fait voir les mêmes apparences ;
toute la différence entre celles-ci & celles
de la lune , efl que quand ces planètes
font pleines , le foleil efl entr'elles &
nous ; au lieu que quand la lune efl pleine ,
nous fommes entr'elie &: le foleil. Voye^
Mercure.
Saturne a embarrafTé long - temps les
aflronomes par fon étrange diverfité de
phafes : Hevelius & d'autres la trouvent
i**. monofphériquc g
P H A
1°, monorphérique , 2,°. trifphérique , 3°.
fphëricb-anl'é , 4*. elliptico-anfé ,5® pointu-
ipherique. Huygfiens crut d'abord que ces
phafes prétendues ne venoient, pour la plu-
part , que de i'imperf'edion des téieicopes de
CQs oblèrvateurs ; cependant il a remarqué
lui-même des variétés réelles dans la figure
de cette planète , & les a expliquées. Ce
grand homme, avec le (ecours des meilleurs
téieicopes , y remarqua trois p/îû/e^ princi-
pales : lavoir , le 16 Janvier 1656 , cette
planète lui parut ronde; le 13 Odobre, il la
vif comme li elle avoit des bras ; & le 17 de
décembre 1^57 , comme fi elle avoit des
anles.
Il expliqua ces différentes irrégularités par
la luppofition d'un anneau lumineux dont
faturne eft entouré , & publia fa décou-
verte dans Ton iyilême de làturne , imprimé
parmi les autres ouvrages dans les recueils
qu'on en a faits ; les différentes polirions de
cet anneau , par rapport à notre œil , occa-
lionent ces irrégularirés apparences. V^oye^
Saturne ik Anneau.
Un obferve aulii beaucoup de changemens
iùr le dilq.ie de Jupiter. Vvy. JuPITER &
Bandes. Chamrers. (O) -
Les piidfes de la lune prouvent que la
furface do cette planète efl fenliblement
iphérique : car en la luf^poiant fphérique ,
oirtrou\ e que la plus grande largeur de
la phafe doit être à-peu-près comme le
iinus verlè de l'elongation au foleil ; or ,
Vivant les obfervvnions d'Hevelius , \qs
largeurs des phafes luivent à-peu-près ce
rapport. Voye\. mes Recherches fur le fyf-
tême du monde y II partie y page z 6*5
Ù Z64.
Phase , ( Géog, anc. ) 1°. Phajîsy grand
& célèbre fleuve de TAiie qui traverfe la
Colchide , aujourd'hui la Mingrelie, & fe
rend dans la mer Noii'e. Hérodote le donne
pour la borne entre l'Afie & l'Europe. M. de
Liile ^'eff trompé en ioutenant*quele P/za/e
é'oit le mîme que l'Araxe. Les Turcs l'ap-
pellent Frachsy &c les gens du pays le nom-
ment Rione.
On l'appelloir anciennement Areturus ,
& il ne prit le nom de Phajisy que depuis
qu'un jeune homme s'y fut précipité '-, ce
jeune homme etoit fils d'Apollon & d'O-
c^roë , fille de l'Océan. Après avoir tué
Tome XXy^,
P H A gij
fa mère qu'il avoit furprife entre les bras d'un
amant , \qs furies le tourmentèrent à un tel
point , qu'il fe jeta dans VAreturus.
Mais il n'y a rien qui ait fait autant parler
du PhaJiSy que l'expédidon des Argonautes ;
puifque tous les Poètes qui'onr chanté cette
expédition , ont été obligés de fe fouvenir du
grand fleuve qu'il fallut que les Argonautes
remontaflent pour fe rendre maître de la
toifon d'or.
Cette rivière étoir encore célèbre , parce
qu'on trouvoit fur (es bords la plante nom-
mée leucophyllus y qui étant cueillie avec
quelques précautions , avoit la vertu d'em-
pêcher les femmes de tomber dans l'adul-
tère. Voyei LeUCOPHYLLUS.
Pour revenir à la topographie du Phafe y
le P. Archange Lamberti , relat. de la Min-
grelie y & Chardin, qui tous deux ou par-
couru les bords de ce fleuve , depuis Ion
embouchure jufqu'à fa fource , difent qu'il
court d'abord rapidement dans un lieu étroit,
mais que dans la plaine , fon cours qui efî
d'orient en occident, devient très-imperctp-
tiblc. Il fè décharge dans la mer par deu-x
embouchures qui font éloignées de fa fource
d'environ 90 milles , & qui font féparées
par une île que forme cette rivière.
On ne trouve aujourd'hui dans cette île
du Phafe y aucun vefHge du temple de
Rhea , qu'Arrien dit qu'on y voyoit de
(on temps. On cherche avec aulIi peu de
luccès les ruines de l'ancienne Sebafle ;
qu'on dit avoir été bâtie à l'embouchure
du Phafe. Tout ce qu'on y remarque de
conforme A Ce que les anciens ont écrit de
cet endroit de la mer Noire , c'eft qu'il y
a beaucoup de faifans , & qu'ils font plus
gros &: plus beaux qu'en aucun autre en-
droit. Martial prétend que les Argonautes
apportèrent de ces oifeaux en Grèce où
on n'en avoit jamais vu auparavant , &
qu'on lesappella ^u.7ixvot , en latin phajiani y
parce qu'on les avoit pris, fur le bord du
Phafe.
Les anciens difent qu'on avoit été obligé
de jeter defîijs cette rivière jufqu'à fix-
vingts ponts , à caufè de fes fréqu'ën tes cour-
bures. Strabon raconte que la plupart de
ce^ ponts étoient aux environs d'une forte-
reflê delà Colchide, nommée Sarapanes y
& qui étoit le premier des quatre palTascli
liii
par où l'on entroit dans l'Ibérie. Ces ponts ,
ajoute-t-il , font néceiFaires , parce que "h
rivière coAile rapidement dans ces lieux rem-
plis de rochers , & tout creufés par les tor-
rens qui fe précipitent des montagnes voiii-
nes. Une pareille defcription montre qu'on
avoit une aflez exade connoifTance de La
contrée dont on parloit: & il falloit bien qu'on
Feût , puifqu'on y avoit cherché un palTage
dans un pays dont toutes les entrées étoierjt
^ extrêmement difficiles,, &. qu'on l'y avoir
trouvé.
Le Phafe fépare aujourd'hui la Mingr^lie
de la principauté de Guriel ,. & du petit royau-
me d'Imirette. La côte eft par-tout unterrain
bas , fablonneux ,, chargé de bois & de peti-
tes îles habitées ça & là. Il reçoit dans fon
cours trois rivières aiTez confidérables , fa-
voir l'Hippus des anciens , appelle par les
gens d\i p^ys Scheni-Scliari j le Gl^cus.,
appelle AbaJJla. ; & le Sicamen ,, qu!on
nomme aujourd'hui Tachur._
2". Phjjls eil encore le nom d'un fieuve de
l'ile de Taprobane. Ptoloméc en parle., Uu.
VIL c. U\ {D. /.)
Phase , ( Critique facr/c.^ terme hé-
breu , qui répond au mot François pajfpage.
Vous mangerez l'agneau pafchal prompte-
ment , car c'eft le phafe ^ c'eft-à-dire , le
pajjage du Seigneur , Exod. zJHp il .ha
raitbn de cet ordre , c'efl que l'agneau pafchal
fut immolé à l'occafion de l'ange qui pafla les
maifons marquées du fang de cet agneau, &
entra dans celles des Egyptiens , pour y tuer
les premiers nés. Delà vient que phafe dé-
. iîgne auffi l'agneau pafchal qu'on immoloit
en mémoire de ce paj/age de l'ange. Im-
molez le phafe y Exod. iz. 2.1,, c'eft-àr-
dire , V agneau pafchal ; de pJus y ce mot fe
prend pour le jour qu'on, immoloit cet
agneau , favoir le quatorzième de la lune;
& finalement pour toutes, les vidimes
qui étoient immolées pendant la femaine de
Pâque. Vous immolerez au Seigneur le
phafe de vos bœufs & de vos hrçhïs..Deu-
téronome xvj. a,.
^ PHASELIS, (Géog. me.) ville mari-
time dans la Lycie , fur les confins de la
Pamphylie , près d'une montagne nommée
Climan, félon Strabon, /. XIF". p. 66 S.
Pomponius Mêla , liv. I. c. xiv , prétend
flu'elk avoit été bâtie par Mopfus. Etience
P H A
le ge'ographe dit qu'on l'appella première-
ment Petyujfay & enfiiite Phafelis. Elle
fubfifloit d'elle-même y. & n'entroit point en
communauté avec les Lyciens.
Ce fut l'une des villes qui s'enrichirent le
plus des pirateries des Ciliciens ; & Florus
nous apprend que c'eft par cette raifon qu'elle
fut ruinée par Publius ServiUus., après les
viftoires qu'il remporta fur ces corfaires,
Phafelim y dit cethiftorien, Ù. Olympon
evertity Ifaurumque, ipfajn arcem Ciliciûe:.
Elle éfoit dans un pitoyable état lorfque
Pompée y aborda après la bataille de Phar-
falejcar Lucain , /. ï>^///^ raconte qu'il, y
avoit plus de gens dans le vaifleau de Pomr
pée que dans cette ville..
Te primùm^ parva. PhafèU ,,
Magnus adit ; nam te nutui vetajt
incola rarusy
Exauflceque- domus popuUs y major--
que carince
Quà/ri tua. turhafuiu,
Ainfi quand Straboir , qui vivoit après.
Pompée, parle de Phafelis comme d'une
ville eonfidérable , & à trois ports, il avoit
égaxd. apparemment à ce qu'elle avoit é.té ;.
mais il auroit dû ne pas s-'exprimer au temps
préfent , car: il n'y a point d'appar^ence que
depuis la bataille de PAar/à/e jufqu'au temps
de Sîrabon , cette ville eût été rétablie.
Elle pouvoit néanmoins toujours fe van-*
ter d'avoir été le lieu de la naiffance & du;
raaufoléc de Théodede ,. contemporaiîj
d'Arillote , un des plus beaux hommes clç
fon.terhps.; mais la beauté de réfprit fur-
paffoiten lui celle du corps. Ilétoit égale-
ment grand poète , & grand orateur. Il avoit
fait cinquante tragédies. & plufieurs oraifons,
qui toutes ont péri. ( D. J.)
PHASELUS, L m, {Litter.) forte dç
bâtiment à voiles & à rames , dont les Ro-
mains faifoieat ufage pour n'être point arrêr-
tés dans leurs expéditions; ce bâtiment avoijt
tiré .fon.nom de la.ville de. Phafelis en Pam»-
philie, qui avoit fervi long-temps de retraite
aux pirates (D.J.)
PHASEOLE, f.f. {Botan.) ce genre
de plantes que les auteurs appellent en
latin phafeolus ^ & qui porte une longue
^gouife remplie de femences faites en forna^
PH A
d'un petîl tein , conftitue un genre tth-
étendu dans le fyftême de Tournefort , puif-
qu'il renferme cmquante-neuf efpeces. Nous
en avons décrit çà & là quelques-unes d'é-
trangères , fous leurs noms propres ,^Sc en
particulier la plus commune connue dans nos
jardins fous le nom de haricot.
PHASEOLOIDE, f. f. {Botan. exot.)
genre de plante , que les Anglois nomment
kidnei-beaa-tree ; en voici les caraderes :
fès feuilles font ailées , compofées d'un
nombre inégal d'autres feuilles découpées.
Sa fleur eft légumineufe ; le piflil qui fort
du calice devient une longue goufle, ren-
fermant plufieurs femences faites en forme
de rein. On ne connoît en Europe qu'une
feule e(pece de ce genre de plante ; on la
nomme phafeoloides carolinianap frutef-
cens , fcandens , foliis pinnatis y jîoribus
caruleisfpicatis. Les graines de cette plante
ont été envoyées de la Caroline en Angle-
terre par M. Catesby , en 172.4, & diftri-
buées aux curieux ; il s'eft élevé de Çqs
graines plufieurs phafeoloides dans les jar-
dins des environs de Londres , & on les a
multipliées par des rejetons que la racine
fournit en abondance. Ils viennent en tou-
tes fortes de terres, fur- tout dans une
bonne terre légère , & ne craignent rien
de la dureté des hivers , pourvu qu'on les
abrite des vents les plus rudes. On peut
placer cette plante avec les arbrifleaux
grimpans ; & en la foutenant par des piquets,
elle grandit à la hauteur de douze ou qua-
torze pies , & produit plufieurs épis de
très-belles fleurs bleues. Dans une faifon
favorable , (ts graines viennent à parfaite
maturité. (D. /.)
§ PH ASÉOLOÏDE,(5of. Jard.) en latin
glycine y en anglois knobbed - rooted li-
quorice vetch.
Caractère générique.
La fleur efl: papilionacée ; l'étendard efl
courbé par les bords , & denté au bout ;
les ailes font tournées en arrière ; la na-
celle efl: figurée en faucille, & fa pointe
fe haufl^e vers l'étendard. Le calice a deux
lèvres. On y trouve dix étamines , dont
neuf font jointes enfemble , & une fépa-
rée. Au centre efl fitué un embryon oblong
P H A ^i^
qui devient une filique de la même forme >
laquelle s'ouvre en deux valves , & con-.
tient des fenaences réniformes.
Efpeces^
1. Phaféoloïde à feuilles ailées , à tige
pérenne.
Glycine foliis pinnatis y caule perennî,'
Hort. Ciiff.
Glycine with à perennial fialk.
2. Phaféoloïde à feuilles ailées ovale-Ian*
céolées.
Glycine foliis pennatis ovato-lanceolatis^
Hort. Cliff.
Glycine with oral fpear shaped winged
leavçs.
3 . Phaféoloïde à feuilles ailées conjuguées,
à lobes ovales / oblongs , obtus.
Glycine foliis pennatis conjugatisy pen-
nis ot'dtis y oblongis y ohtufis. Flor. ZeyU
IVhite liquorice in the wefi Indies.
4. Phaféoloïde à feuilles à trois lobes ve-«
lus , à grappes latérales.
Glycine foliis ternatis hirfutisy racemis
lateralibus.ïÂn. Sp. pi.
Glycine with hairy trifoliate le ave s.
5. Phaféoloïde à feuilles à trois lobes
laineux , à grappes axillaires très -cour-
tes , dont les filiques n'ont que deux {è*
mences.
Glycine foliis ternatis tomentofis y ra-
cemis axillaribils breyifjîmisy leguminibiu
difperniis.
Glycine with woolly trifoliate leavesy &cc.
La première efpece efl: naturelle de la
Caroline, la Virginie , &î quelques autres
parties de l'Amérique lèptentrionale. C'efl
un arbrifleau farmenteux , qui s'élève ea
s'entortillant autour des fupports voifins ,
à la hauteur d'environ quinze pies. Ses
feuilles font compofées d'un grand nombre
de folioles d'un verd un peu argenté. Les
fleurs naiffênt à l'aiflelle des feuilles ; elles
font d'une couleur purpurine, & paroifl!ênc
en été. Cet arbrifleau ië multiplie par les
marcottes qu'il faut faire au mois de juillet ,
& qui feront bien enracinées la féconde
automne. Il faut mettre, l'hiver, delà litière
autour des glycines , pour empêcher le
grand froid de pénétrer jufqu'aux racines
qui , fi les tiges périflent , en poufTcrom
lii.ii
éio P H A
de nouvelles au printemps. Cet arbriiTeau
ddir être employé dans les bofquets d'été ;
ou fi l'on en garnit le tronc des arbres ,
les builTons , les cintres & les tonnelles,
il produira un effet & une variété très-
agréables.
. La (èconde efpece eu une plante vivace
naturelle de la Virginie ; elle s'élève , en
grimpant , à environ dix pies de haut ; les
fleurs font de couleur de chair. Elle fè inulti-
plie en (éparant , au commencement d'avril,
{çs racines charnues qu'il faut couvrir de li-
tière pendant l'hiver.
La troifieme èfl naturelle des deux Indes
"& de l'Egypte. C'ell une plante vivace &
volubile qui s'élève , en rampant , à huit ou
dix pies. Les fleurs ibnt d'un pourpre clair ,
& reflémblantes à celles des haricots. Les
iemences font d'une couleur écariate vive ,
& marquées d'un point noir. Cette plante
demande là ferre chaude : elle a les mêmes
qualités que la réglilîe.
Le /2*. 4 eft auffi une plante vivace volu-
bile, qui ne s'élève qu'à deux ou trois pies.
. Les fleurs font d'un beau bleu: elle efl
naturelle de l'Amérique feptentrionale. Ainii
©n peut l'élever en pleine terre dans nascli-
niats , en lui donnant une fituation chaude
& abritée. Il faut la femer & la traDfplanter
an .printemps. On la multiplie aiiément en
feparanc fcs racines.
La cinquième efpece , naturelle de la
Virginie , s'él ve a cinq ou flx pies : fes
fleurs font Jaunes. On la multiplie par les
femences , mais elle demande d'être arbritée
durant l'hiver. {Monfieur le baron de
TSCHOUDI.)
. PH ASS ACH ATES ,, ( Hifl,. nat,) nom
donné par les anciens à une agate dont ils
né nous ont tranlmis que le nom.-Cepen-
dant M. Hill prétend que c'eit la même
pierre que les anciens nommoient auffi
Leucdchates y agate blanche eu perilmcBs .
Il dit que le fond de la couleur de cette
agate .eîK d'^un gris pâle & bleuâtre , au
gorge de pigeon , & que fou vent on y
voii des veines noires & blanche; qui for-
ment des cercles aflez concentriques ; ce
qui fait que les morceaux de ce'ite pierre
reflerablent à des cnyx. Il s'en trouve aux
Indes orientales , en Bohême , &: en plu^
P H A
Ceufs endroits d'Europe. Voy, Hill , naniK
hifiory offojjils.
PHATZISIRANDA , {Botan. exot.)
plante de la Florîde > qui paroît être une
efpece de porreau ; mais les voyageurs ne
nous en. donnent que des defcriptions infi-
dèles & fabuleules. Ses feuilles font fem-
blables à celles des porreaux , mais plus lon-
gues & plus menues. Sa tige efl noueufe , &
s'élève fulement à une coudée & demie.
Sa fleur ell petite , étroite , compofée de
flx pétales , difpofées en hs ; la racine eft
toute boutonnée. Les habitans broient les
feuilles de cette plarue entre deux pierres ,
pour en tirer un iuc dont ils fe frottent
tout le corps pour fe peindre & fe fortifier.
('£>./.)
PHAUSDAR OM FAUSDAR, {Hifi,
mod. ) Nom que l'on donne dans l'in-
doflan aux fermiers des domaines du grand
Mogol.
PHAUSIA , ( Géog. anc. ) nom com-
mun à plufieurs endroits. i°. C'efi: un lieu
du Cherionnefe desRhodiens , c'efl-à-dire ,-
dans la partie de la Carie oppofée à l'île de
Rhodes, félon Pline ,/. XXX/. c. ij. 2«.
C'efl une ville de Médie; Pline, /. VI. c.
XIV. en fait mention. 3'*' Ceii une ville de-
la. grande Arménie , quePto'oméê, /. V.
c. xiij. place entre Sogocaria & Phânda-
lia. {D.J.)
PHAZEIV ONITIS , ( G^bgr.a/ic.) con-
trée du Pont. Elle s'ettndoit ,. félon Srra—
bon , /. XII. p. ^60. depuis le fleuve d'A»
myius julqu'à celui d'Halys. Pompée chan-r
gen le nom de cette contrée en celui de Me-
gaK pohs ; & du bourg Phazemont il fit une-
ville qu'il iippelia Neapolis. EnennQ le gco--
graphe écrit Phamizon pour Phazemont, &
place cette ville près de l'Amylus , vers le-
.raidi. ( D. 7. )
PHEA, {Ge'og.anc.) nom d'une ville •
de l'Elide , d'un fleuve peu confidérable du;
Péloponefe ,. & d'une ville de Theflfalie,,
ielon Ortelius. (D, /.);
PHÉBUS, (ATy/Â.) rojq Apollon..
PHEDRE , {Mj'tkol ) fille de Pafii^haé,
& de Minos, roi cie Creie, fœur. d'Ariane:
& de Deucalion, fécond du nom , époufa-
Théfée ,. roi d'Athènes. Ce princf avoit-r
eu d'une première femme un fils nommé-
Hipolyte y qu'il failbit éiev-er à Trézene. i.
P H E
chVigè d'aller faire quelque fôjouf en cette
ville , il y mena fa nouvelle époufe. Phèdre
n'eur pas* plurof vu le jeune Hipolyte ,
qu'elle fut éprife d'amour pour lui ; mais ,
n'olant donner aucun indice de là paflîon
en préiènce du roi , & craignant qu'après
ion retour à Athènes elle ne iùî privée de
la vue de l'objet qui Texcifoit , elle s'avifa
de faire bâtir un temple à Vénus fur une
montagne près de Trézene , où, fous
prétexté d'aller ofîrir fes vœux à la déefïè ,
elle avoit occaiion de voir le jeune prince
qui tailoic (es exercices dans la plaine
voifine.
Selon Euripide, Phèdre fait d'abord
tous fes efforts pour étouffer cet amour
naifTant. " Dès que je fentis les premiers
r> traits d'une criminelle flamme, dit-elle,
je n'eds d'autre vue que de lutter avec
ferrr
rmete contre un m
uil
mvolontaire
ri je commençai à i'cnfeveiir dans un
?) filence profond.... je me ûs enfuite
un devoir de me vaincre,, & d'être hêtre célèbre qui fervoit à un oracle , &
charte en dépit de Vénus. Enfin mes
efforts contre cette puilîante divinité
devenant inutiles, ma dernière reiîourct
« eif de recourir à la mort.... L'hon-
n neur , fondé lur la vertu , efi plus pré-
» Cîeux que la vie. ». Mais la malheureuiè
confidente , qui lui avoir arraché le fiua]
fecret de fon amour , fe charge de le faire
réuiîir & d'en faire la déclaration à Hipolyte.
Gelui-ci tû faifi d'horreur à cette afireuiè
propofition^ & veut s'exiler du palais
jufqu'à l'arrivée de fon père. La reine ,
inrtruite des fentimens d'Hipolyte, & au
délefpoir de fe voir diffamée ,- a recours
à un lâche artifice pourfauv^r fon honneur:
** J'expirerai , dit -elle , fous les traits de
y> l'amour ;: mais cette mort même me
» vengera , & mon ennemie ne jouira
?> pas du triomphe qu'elle fc promet : l'in-
« grat, devenu coupable à fon tour, ap-
» prendra à réprimer la fierté de fa fa-
** rouche vertu ». Elle fc donne la mort;
mais en mourant ellç tient dans fa main une
lettre qu'elle écrit à Théfée , par laquelle
elle déclare qu'Hipolyte avoit voulu la
déshonorer,. & qu'elle n'avoit évité ce
malheur que par fa morr. .
tXans le fameux tableau de Polygnote ,
Mhedre. étoit peinte élevée, de -terre &
fufpendue â une corde qu'elle tient des
deux mains , femblant fe balancer dans
les airs. C'éft ainfi , dit Paufanias , que le
peintre a voulu couvrir le genre de more
dont la malheureufe'PA^^rf finir lés jours;
car elle lé pendit de défefpoir. Elle eue
fa fépulture à Trézene , près d'un myrte
dont les feuilles étoient toutes criblées. C&
myrte , difoit-on , n'étoit pas venu ainfi ;
mais dans le temps que Phèdre étoit poP
fédée de fa paillon , ne trouvant aucun'
foulagement , elle trompoit* fon ennui*
en s'amufartt à percer les feuilles de ce-
myrte avec fon aiguille de cheveux,
PHEGITES , {Hifi. na:. ) nom donné"
par quelques auteurs au bois de hêtre'
pétrifié.
PHEGONÉE , ( Mythol. )^ Jupiter de
Dodone efl quelquefois appelle Phe'sçoneey.
c'eft-à-dire , qui habite dans un hérre ,.
■noi parce qu'il fe trouvoirà Dodone un
dans lequel le peuple s'imagina que Jupiter'
avoit choifi fa refidence. { D. J. )
PHEGOR , (Ge'og.. anc.) nom d'une-*
montagne , félon Ortehus, qui cite Ifidore.-
Delà, ajoute-t-il , vient le nom de Baal-^
Phc'gor y 11. X^. J. & £. D£uter. iv. j..
Jofaé y xxij. r/.- c'^fî-à-dire , Baal fur la-
montagne de Phégor.. Béel-Phégor figni-
fie , lelon Suidas , le lieu où Saturne éroir
adoré. Béel-Phégor, dit dom Calmet , efl-
le dieu Phégor ou Phogor. On peut voir
les conjedures qu'il a rapportées fur cette
faufîe divinité. Dans une difïertarion que
ce lavant bénédidin a faite exprès à la tête
du livre des Nombres , A tâche d'y mm--
trer que c'eft le même dieu , Adonis ou
Crus , adoré par les Egyptiens & par la
plupart des peuples d'Orient.- L'Ecriture
dit que les Ifraéhteâ étant campés au défèrt
de Sen , fe laifferenf aller à l'adoration de
Béel-Phégor,. qu'ils participèrent, à fes
facrifices , . & qu'ils tombèrent dans l'im--
pndicité avec les filles de Moab. Et le
Pfalmlfle racontant le même événement,
dit que les Hébreux furent initiés aux myf^
teres de Béel-Phégor,- & qu'ils partici--
perent aux facrifices des morts- Phégor ou^^
Pé-or , ajoute dom Calmet , ell le même
qu'Or ou -.Crus V CQ retranchant de ce
ëii P H E
mot l'article pe\ qui ne fîgnifie fien. A
l'cgard d'Orus , dit - il , c'eft le même
qu'Adonis ou Ofiris. On célébroir les fêtes
d'Adonis comme des funérailles , & l'on
comraettoit dans ces fêtes mille diflblu-
tions , lorfqu'on chantoit qu'Adonis qu'on
avoit pleuré mort étoit vivant. Ainfi dom
Calmet eft bien éloigné de dire que Phégor
foit une montagne. {D> J.)
PHEHUAME, fubf. mafc. {Bot.)
cette plante qui , félon Hernandez , efl
une efpece d'ariftoloche , croît au Mexique ;
fes feuilles ont la figure d'un cœur ; fes
fleurs font purpurines ; fa racine efl: lon-
gue , grofle , couverte d'une écorce rou-
geâtre. Elle eft acre , odorante , chaude.
Les fauvages s'en fervent pour guérir la
toux invétérée & pour difliper les vents.
{D.J.)
PHELLANDRIUM , f.m. (Hifi.nat.
■Botan. ) genre de plante auquel on a donné
le nom de ciguë d'eau , & dont la jfleur efl
enrôle &.en ombelle , compofée de plu-
Ceurs pétales faits en forme de cœur, dif-
pofes en rond & foutenus par un calice ,
qui devient dans la fuite un fruit compofé
de deux petites femences relevées en boffe ,
légèrement ftriées d'un côté & plates de
l'autre. Tournefort, infi, rei herb. Voye^
Plante.
Tournefort ne compte que deux efpeccs
de ce genre d.e plante : le phellandrium
des Alpes , phellandrium alpinum y um-
bellâ pUrpurafcente ; & le phellandrium
aquatique. La première efpece a une vertu
approchante de celle du meum. Ses racines
font apéritives , incilives & difcuffives. La
féconde efpece eft au contraire fufpede
dans {es effets , & pafTe pour avoir les
mêmes qualités que la ciguë aquatique ;
c'eft pourquoi \ts Angloisla nomment //tf
Water-hemlock. Elle vient dans les marais,
& s'élcve au-deflus de l'eau à la hauteur
de deux ou trois pies ; fà tige eft cannelée ,
nouée, vide, divifée en plufieurs rameaux
qui s'étendent en ailes. Ses feuilles font
amples , découpées comme celles du cer-
feuil, d'un goût afTez agréable, un peu
acre. Ses fleurs naiffent en ombelles au
fommet des branches ; elles font difpofées
en rofè , â cinq feuilles blanches ; il leur
fuccede des femences jointes ideux à deux ,
ï> H E
un peu plus grofTes que celles de l'anis ;
prefque ovales , rayées , convexes , noi«-
râtres , odorantes ; (ts racines font fibrées.
On n'emploie eette plante qu'extérieure-
ment, pour arrêter les progrès de la gan-
grené. {D. J.)
PHELLODRYS , f. m. {Botan. ) arbre
que nous pouvons nommer laurier-chêne ;
il croît en Dalmatie , & , fuivant quelques-
uns , en Grèce. C'eft le phellodrys alba ,
latifolia y & anguflifolia de Parkinfon ,
théat. î^S9- Ses feuilles , fon écorce.&
Çts glands font employés au même ufage
que ces mêmes parties du chêne ordinaire»
II paroît que Phne a confondu le phello-
drys de Théophrafte , qui eft la même
plante que celle qu'il appelle aria , avec le
fuber y nommé phellos ; car il attribue au
fuber toutes les propriétés que Théophrafte
donne au phellodrys. { D. J.)
^ PHELLOÉ, {Géogr. anc.) ville de
l'Achaïe. Paufanias , /. VII. c. xxij\ qui
la met au voifinage d'^gira , dit que s'il
y a un lieu dans la Grèce , qui puiflè être
dit arrofé d'eaux courantes , c'eft Phelloé. Il
ajoute qu'on y voyoit deux temples , l'un
confacré à Bacchus , & l'autre à Diane,
La ftatue de Diane étoit d'airain , & dans
l'attitude d'une perfonne qui tire une flèche
de fon carquois : celle de Bacchus étoit de
bois peint en vermillon. { D. J.)
PHELLUS , ( Géogr. anc. ) c'eft le
nom de plufieurs lieux : i°. d'une ville de
Lycie, oppofée à Antiphellus , ou plutôt,
comme dit Pline, liv. V. chap. xxvij ^
dans l'enfoncement, ayant Antipbellus k
l'oppofite ; car Phellus étoit à quelque dif-
tance dans les terres , au lieu qu'Antiphel*-
lus étoit fur le rivage. Le périple de Scy-
lax, pag. je;, donne un port à Phellus,*
mais ou ce port étoit celui d'Antiphellus ,
ou il n'étoit pas contigu à la ville. A la vé-
rité Strabon , /. XIV. p. G 66 , femble
mettre l'une & l'autre de ces villes dans les
terres ; mais on ne peut le dire que de Phel-
lus ; & s'il y place Antiphellus , ce n'eft
qu'à caufe du voifinage de ces deux places»
Elles étoient toutes deux épifcopales ,
fuivant la notice d'Hiérocles. 2*>. Nom
d'une ville du Péloponefe , appellée au-
trement Phello y dans i'Elide. Strabon ,
Ur. VJIJ. pag. 334^ la mec au voifinage
P H E
id'OIympia. 3*. Nom d'une montagne
d'Italie. Le grand étymologique qui en
parle , dit qu'on y voyoit beaucoup de
pefles , forte d'arbre d'où découle la poix.
(n.j.)
PHELONÉ , f. m. ( Critique facree. )
^■-yovt] ou çî^oA» : faint Paul , dans fa féconde
cpître à Timothéc , chap. iv. v. zj, dit:
** apportez avec vous le phelone'iôv (pi^ôvttv ,
« que jai laifîe à Troas chez Carpus , avec
»y mes livres , & fur-tout mes parchemins».
On varie dans l'explication de ce mot
çê^3f^) ; quelques - uns l'entendent d'une
caflette où faint Paul avoit rais les livres,
mais la plupart l'entendent d'un manteau
qui fervoit contre le froid & la pluie;
auffi la vulgate rend (piKovn par penula^
qui étoit une forte de manteau romain
dont nous avons parlé fous ce mot. L'au-
teur du commentaire fur les épîtres de
faint Paul , qui fe trouve parmi les œuvres
de faint Ambroife , & qu'on croit être
faint Hilaire , diacre de Rome , dit qu'à
la vérité faint Paul , en qualité de Juif,
pe devoit point avoir de penula ^ parce
que ce vêtement n'étoit point à l'ufage
des Juifs ; mais que comme les habitans
de Tharfe avoient été admis à. l'honneur
d'être citoyens romains , ils le fervoient
HuQl du vêtement appelle penula: : il ajoute
que les. habitans de Tharfe avoient obtenu cg
privilège , pour avoir été au deyarxt des
Romains, & leur avoir fait des préfens-
La bourgeoifie romaine , dont faint Paul
{è glorifie, venoit , félon le même auteur,
de ce qu'il étojt bourgeois dp Xharie.
PHELYP^A, f.f. (,Hifi;nat.Bùt.)
genre de plante à fleur monopétale, ano-
male, en mafque , divifée en deux lèvres ,
dont la fupérieure efl droite & partagée
çn deux parties, & l'inférieure en trois.
Le pifljl fort du calice ; il eft attaché
comme un clou à, la partie pof|érieure de
la fleur, & il devient dans la, fuite un
Cruit arrondi qui s'ouvre en deux portions ,
&. qui. renferme des femences petites pour
l'ordinaircTcMirnefor t , infi.js.i, herb. . V^oj^,
Plante.
PHENEUS,, ( Géog. anc) i». Lac ou
étang de l'Arcadie. C'étoit dans ce lac que
k, fleuve Ladon prenoit fafQwrce.a felpn
P H E ^23
Paufanias , /. VIII. c. xx. Ovide attribue
aux eaux du Pheneus une vertu merveilleufe .
Si on buvoit de ces eaux la nuit , elles
donnoient la mort \ mais on pouvoit en boire
le jour fans aucun péril :
Efi lacus Arcadiœ , Pheneum dixêre
priores y
Ambiguis fufpeâus aquis > quas nocle
timeto ;
Nocle nocent potx , ^ne noxâ luce
bibentur,
2.^. Pheneus ou Pheneum , ville du Pé-
loponefe dans l'Arcadie , proche de No-
marus. Selon Strabon, L VIII y c'elt entre
ct^ deux villes que fe trouve le rocher d'où
ccw-jle l'eau du Styx. Virgile , jS,neid. lib.
VIII^v î G ^ , fait entendre que Pheneus,
fut la demeure d'Evander & celle de (es
ancêtres. Plutarque , in Cleomen. & Pau-
fanias ,. /. VIII y c. xiv y font aufll men-
tion de cette ville ; & le premier parle d'une
ancienne Phénéon qui avoit été détruite par
une inondation. {D-J<)
PHENGITES , ( Hifloire naturelle , ).
■om donné, par Agricola & quelques autres
naturalises à un marbre jaune d'une feule
couleur.
M. Hill croît que c'étoi^ un marbre ou
un albâtre d'un blanc un peu jaunâtre &
tranfparent , à-i.peu-près comme de la cire.
Il prétend qu'il n'étoit point fortcompade ,
& que le temple de la Fortune en étoit
entièrement bâti. Gomme ce marbre étoit
tranfparent, le temple étoit éclairé, quoi-
qu'on n'y, eût point fait de fenêtres.. Selon
lui, il. le trou voit en. Gappadoce , & il
en rencontra encore en Allemagne , ea
France & en, Angleterre , dans la pro-
vince de Derby, Voye\ Hjll , natur. hijîor.
offo/ds.^
PHENIGIE; ( Geogr. anç.)Phc£mcia.,
province, de;. Syrie , dont les limites n'ont
pas toujours.été.lûs mêmes.. Quelquefois o«a
lui donne l'étendue du. nord au midi , de-
puis Orthofie jufqu'à. Pélufe ; d'autres fois
on la borne , du côté du midi , au mont
Garmei , & à Çtolémaïde. Il efl certain
qu'anciennement, c'efl-à-dire , depuis la
conquête de la Palefline par les Hébreux ,
elle étoit aûez bornée , & ae pofTcdgic.
^14 P H E
xien transie pays des Philiftins, quîoccu-
po^ienr prefque tout le terrain y depuis le
monr Carmei , le long de la Médit rranee,
jufqu'aux frontières de 1 Egypte. Elle avoif
aulii trèfc-peu d'étendue du côic de la terre ,
parc-' quii les liraélites qui occupaient la
Galilée, la reflèrroicnt fur la Méditerranée."
Ainii lorlqu'on parle de - la Pnénicie , il
faut bien diilinguer le temp.>. Avant que
Jofué eût fait la conquête de la Palciline,
tour ce pays étoit occupé par les Cbana-
néens , fils de Cham , partagés en onze
familles, dont la plus puilfante etoit celle de
Chanaan , fondateur de Sidon , & chct
àiQs Chananéens proprement dits , aux-
quels les Grecs donnent le nom de Pké-
niciens.
Ils fe maintinrent k)ng-tcmps dans l'in-
dépendance ; mais enfin ils lurent ajj^ujéttis
par les rois d'AlFyrie & par ceux de Chaî-
née. Ils obéirent enfuite fuccelfivement
,aux Perles*, aux Grecs & aux Romains,
& aujourd'hui la Phenicie e{ï foumife aux
Ottomans , n'ayant point eu de rois de
leur nation , ni de lorme d'état indépen-
dant depuis trois mille ans; car les rois
que les AîTyriens , les Chaldéens , les Per-
fes , les Grecs & les Romains y ont quel-
quefois laifîes , étoient tributaires de' ces
conquérans , & n'exerçoient qu'un pouvoir
emprunté.
Les principales villes de Phenicie étoient
Sidon, Tyr , Proie naïde, Ecdippe , Sa-
repra , Bérythe , Bibiis , Tripoli , Oflno-
iie , Siraire > Arade. Les Phéniciens po(-
fédoient aulli anciennement qudques villes
dans le Liban , & perlonne n'ignore que
Cartha^e fut une de leurs premières co-
lonies.
Quelquefois les auteurs grecs compr^n-
ment toute la Judée fous le nom de Phé-
jîicie. Dans les janciennes notices ecclé-
^alfiques , on dillingue la Phenicie de
deflus la mer , ^ la Phenicie du Liban.
L'une étoit dans les terres , & l'autre lur
|e bord delà mer. Hérodote , /. IV. c. çiv , .
dit que les Phéniciens habitèrent d'abord
ilir la mer Rouge , & que delà ils vinrent
^'etabhr lùr la Méditerranée entre la Syrie
§f l'Egypte.
Le nom de Phenicie ne fe trouve point
4^an^ rE^riuiçç , 4î»ns les Uv/es écrits e;»
P H E
I hébreu , mais feulement dans ceux dont
i l'original eit grec , comme les Machabees
j & les livres du nouveau teltament. L'hé-
J breu dit toujours Ckanaan. Moïie fait
venir ks Phehiciens de Cnam , qui peupla
l'Egypte & le.s pays voilins. S. Matthieu
qui écrivoit en hébreu ou en fyriaqua ,
appelle ckanantemie , une femme que
S. Mcirc qui ecnvoit en grec , a appellée
fyro - phénicienne , ou phénicienne de
Syrie , pour la diftinguer des Phéniciens
d'Afrique , ou àes Carthaginois.
On dérive le nom de phénicien , ou
de palmiers , appelles en grec phoinix ,
qui iont communs dans la Phenicie ^ ou
d'un Tyrien, nommé Fhœnix , dont parle
la lable ; ou de la mer Rouge , des bords
de laquelle on prétend qu'ils étoient venus,
Phanix lignifie quelquetois rouge ; d'où
vient paniceus & phtjiiceus color.
On attribue aux Phéniciens plufieurs
belles inventions , par exemple , l'art d'é-
crire. Le poëte Lucain s'exprime ainfi :
Phœnices primi , famce Jî creditur ,
auji
Manfuram rudibus vocem fignart
figuris.
C'e/I-à-dire : « Les Phéniciens , fi l'on
»> en croit la tradition , lurenr les pre iers
» qui fixèrent par des fignes durables les
« accens lugitils de la parole. >> On dit de
plus qu'ils ont les premiers inventé la navi-p
gation , le trafic , l'alironomie , les voya-
ges de long cours. Bochart a montré, par
un rravail incroyable , qu'ils avoient en-
voyé des colonies , & qu'ils avoient laifî^
des velliges de leur langue dans prefque
toutes lesiles & dans toutes les côtes de la
Méditerranée.
Ils ont les premiers habité l'île de
Délos. Leur trafic avec les Grecs intro-
duifit chez ce peuple la corruption & le
luxe. Leurs colonies portèrent dans les
heux où elles s'établirept le culte de Jupiter
Ammon , d'Ifis , & des déefî'es-meres. Ils
lurent \es feuls , au commencement, qui
culTent la liberté de trafiquer avec l'Egypte.
Dès le règne de Necos , ils firent le rour
de l'Afrique , & en connurent les côres
niéridionaies» Jls échangèrent fur les côte j
^'gi^agn^
P HE
d*Efpagne le fer & le cuivre , contre de
l'or & de l'argent qu'ils reccvoient en
retour.
On peut ajouter qu'ils ont ouvert le
commerce àes îles britanniques. Quelques
modernes ont voulu faire honneur aux
Grecs des commencemensde ce commerce;
mais outre qu'il eu très-incertain que les
Grecs l'aient jamais fait , Strabon dit net-
tement que les Phéniciens l'ont commencé,
& qu'ils lefaifoient feuls ; termes précis qui
détruifent toutes les conjedures des mo-
dernes en faveur des Grecs & de toute
autre nation.
Strabon nous donne le détail de ce com-
merce. Les Phéniciens , dit-il, portoient
aux îles britanniques de la vaifTelle de terre ,
du fel , toutes fortes d'inftrumens de fer
ou de cuivre , & ils recevoient en échange
des peaux , des cuirs & de l'étain : mais
il y a apparence que ce commerce étoit plus
étendu ; car le même Strabon nous dit ,
dans un autre endroit , que ces îles étoient
fertiles en blé & en troupeaux ; qu'.elles
avoient des mines d'or , d'argent & de
fer , & que toutes ces chofes faifoient par-
tie de leur commerce , aufll-bien que les
peaux , les efclaves , & les chiens même
qui étoient excellens pour la chalîè , &
dont les Gaulois , quelquefois auffi les peu-
ples de l'orient , fe fervoient à la guerre.
Quoi qu'il en foit de l'étendue de ce com-
merce , il efl: certain que celui de l'étain
fcul étoit une fource inépuifablc de richefî'es
pour les Phéniciens. (Le chevalier de
Jaucourt.)
^ PHENICIENS, {Philofophie des)
{Hifi. de la. philofoph. ) voici un peuple
intérefîe , turbulent , inquiet , qui ofe le
premier s'expofer fur des planches fragiles ,
traverfer les mers , vifiter les nations , lui
porter {es connoiflTances & fes produdions ,
prendre les leurs, & faire de fa contrée
le centre de l'univers habité. Mais ces
entreprifes hardies ne fc forment point
fans l'invention des fciences & des arts.
L'aftronomie , la géométrie , la méchani-
que , la politique (ont donc fort anciennes
chez les Phéniciens.
Ces peuples ont eu des philofophes &
même de nom. Mofchus ou Mochus elt de cc
nombre. Il eft dit de Sidon: il n'a4)as dépendu
Tome XXy,
PHE ^15
de Pofljdonius qu'on ne dépouillât Leucippc
& Démocrite de l'invention du iyflêmc
atomique en faveur du philofophe Phéni-
cien ; mais il y a mille autorités qui récla-
ment contre le témoignage de PoÙidonius.
Après le nom de Mofchus , c'efl celui de
Cadmus qu'on rencontre dans les annales
de la philofophie phénicienne. Les Grecs le
font, fils du roi Agénor ; les Phéniciens ,
plus croyables fur un homme de leur
nation , ne nous le donnent que comme
l'intendant de fa mailon. La mythologie
dit qu'il fe fauva de la cour d' Agénor avec
Harmonie , célèbre joueufe de flûte ; qu'il
aborda dans la Grèce , & qu'il y fonda une
colonie. Nous n'examinerons pas ce qu'il
peut y avoir de vrai & de faux dans cette
fable. Il efl certain qu'il efl l'inventeur de
l'alphabet grec , & que ce fervice feul
exigeoit que nous en fifllons ici quelque
mention.
Il y eut entre Cadmus & Sanchoniaton ,
d'autres philofophes ; mais il ne nous refle
rien de leurs ouvrages.
Sanchoniaton ell très-ancien. Il écrivoit
avant l'ère troyenne. Il touchoit au temps
de Moïle. Il étoit de Biblos. Ce qui nous
refte de fes ouvrages eft fuppofé. Voici
fon fyftême de cofmogonie.
L'air ténébreux , l'eiprit de l'air ténébreux
& le chaos , font les principes premiers de
l'univers.
Ils étoient infinis , & ils ont exifîé long-
temps avant qu'aucune limite les circonf-
crivît.
Mais l'cfprit anima Ces principes ; le mé-
lange fe fit ; les chofes fe lièrent ; l'amour
naquit , & le monde commença.
L'efprit ne connut point fa génération.
L'efprit liant les chofes , engendra mot.
Mot efl: félon quelques-uns , le limon ;
félon d'autres , la putréfadion d'une mafîê
aqueui'e.
Voilà l'origine de tous les germes , &
!e principe de toutes les chofes ; delà forti-
rent des animaux privés d'organes & de
!ens, qui deviiirent avec le temps 6es êtres
intelligens , contemplateurs du ciel ; ils
étoient fous la forme d'œufs.
Après la production de mot ^ fuivit celle
iu foleil , de la lune& àts autres afîres.
De Tair éclairé par la mer & échauffé
Kkkk
6i6 P H E
par la terre, ilréfulta les vents ^les nuées
il les pluies.
Les eaux furent féparées par la chaleur
du (bleil , & précipitées dans leur lieu ; &
il y eut des éclairs & du tonnerre.
A ce bruit les animaux afToupis font
réveillés ;. ils fortent du limon & rempli!^
fent la terre , l'air & la mer , maies &
femelles.
Les Phéniciens font les premiers d'entre
les hommes ; ils ont été produits du vent
& de la nuit.
Voilà tout ce qui nous a été tranfmis de
la phllofophie des Phéniciens. C'elî bien
peu de chofe, Scroit-ce que l'efprit de com-
merce eft contraire à celui de la piiilofophie?
Seroit-ce qu'un peuple qui ne voyage que
pour s'enrichir, ne fonge guère à s'inftruire ?
Je le croirois volontiers. Que l'on compare
les efTaims incroyables d'européens qui ont
palTé de notre monde dans celui que Colomb
a découvert , avec ce que nous connoifîons
de l'hilloire naturelle des contrées qu'ils
ont parcourues, & l'on jugera. Que de-
mande un commerçant qui defcend de fon
vailTeau fur un rivage inconnu ?Eil*-ce , quel
dieu adorez-vous ? avez-vous un roi ?
quelles font vos loix ? Rien de cela. Mais ,
avez-vous de For? des peaux ? du. coton ?
des épices ? Il prend ces fubftances , il
donne les fiennes en échange ; & il recom-
mence cent fois la même chofe, fans daigner
leulement s'informer de ee qu'elles font ,
comment on les recueille. Il fait ce qu'elles
lui produiront à fon retour , & il ne fe foucie
pas d'en apprendre davantage. Voilà le
commerçant hoUandois. Et le commerçant
françois? Il demande encore , vos femmes
lont-elles jolies ?
PHENINDE , f. f. ( Sphérifliq. des
anciens. ) nom d'un jeu chez les anciens
Romains , nommé plus communément la
petite balle. Ce jeu ie jouoit avec une petite
balle que les joueurs fe pouiîoient , mais en
tâchant de fe tromper, faifant femblant
de vouloir la jeter à l'un , & cependant
la jecaHt à l'autre. Voye^ SphÉris-
TIOUE.
§^ PHENOMENE , f. mafc. {Phyf.) Ce
mot eft formé du grec ?!« /'«>« , '{apperçois ;
il fe dit dans l'ufage ordinaire de quelque
chofe d'extraordinaire qui paroît dans les
P H E
cieux^ comme les comètes, l'aurore bo-
réale, ^'c. Mais les philofophes appellent
phénomènes tous les effets qu'on obferve
dans la nature , ou plutôt tout ce que nous
découvrons dans les corps à l'aide des fens.
Les phénomènes concernent la fituation ,
le mouvement, les changemens & les effets
des corps. Lorfque nous confidcrons ^.par
exemple , l'ordre & la combinaifon de fept
étoiles que l'on remarque à la grande ourfe ,
c'eft un phénomène de fituation : le lever
du folcil , fon midi & fon coucher, nous
offrent un phénomène de mouvement : la
lune qui commence à paroître , qui croît
enfuite fenfiblement , devient demi-pleine ,
paroît après cela dans fon plein , & qui
foufîre enfuite en décroiflant , mais dans
un ordre renverfé y les mêmes variations
qu'elle a fubies pendant fba accroiffance ,
nous préfente un phénomène de change-
ment. Lofqu'un corps eft pouffé contre
un autre, il agit fur lui;, là même chofe
arrive lorfqu'un corps en tire un autre, 6c
c'efî ce qu'on appelle un phénomène
Les phénomènes font la pierre de touche
des hypothefes ;, pour qu'une hypothefè
acquière quelque degré de probabilité, il
faut qu'on puifle par fon moyen expliquer
quelques phénomènes ; & la probabilité de
l'hyporhefe augmente dans la même raifon
que le nombre des phénomènes y e.}ip[iqués
par fon moyen.
Newton nous a donné des règles admi-
rables pour l'explication des phénomènes de
là nature ; elles font trop importantes ,
pour ne pas les donner ici avec quelques-
exemples.
- 1°. On ne doit admettre pour véritable s^^
caufes des phénomènes de la nature , que
celles que Pon connolt pour être véritables ^
& dont la vérité eft démontrée par des
expériences , par des obfervations pLuJieurs
fois réitérées & de différentes manières ^
& qui fiiffifent pour rendre raifon des phé-
nomènes que Von doit expliquer.
On ne doit donc admettre pour caufes que
celles que les phénomènes de la nature
indiquent manifeftement. Elles font véri-
tables : i*^. s'il ell conftanr qu'elles exiflent
dans la nature, & fi tous les phénomènes
concourent à démontrer leur exiiîencc ;
P H E
s.*. £i non feulement les phénomènes peu-
vent erre déduits , mais encore s'ils ont
une connexion nécelTaire avec les caufes ;
3". fi les corps éprouvés & traités de diffé-
rentes manières, nous indiquent coniîam-
ment les mêmes cauies des mêmes phe'-
nomenes i 4°. fi on ne peut fupprimer ces
cauies , lans détruire \ts phénomènes eux-
mêmes.
Nous allons mettre cette théorie dans
toyt fon jour pas l'exemple fui van t. Si on
plonge dans l'eau d'un réfervoir la queue
d'une pompe afpirante ^ & qu'on fafTe
mouvoir le piflon , l'eau s'élèvera dans le
corps de la pompe & le remplira : or ,
la caufé de l'élévation de l'eau , dans
cexie occafion , eft manifeflement la
preflîon que l'air exerce fur la furface de
l'eau du réfervoir , à l'exception de la
colonne qui répond à la cavité pratiquée
félon la longueur de la queue de la pompe ,
& dont le pifîon raréfie l'air par fon élé-
vation. Une preuve incontefiable que c'eft
« la preflîon de l'air que l'on doit rapporter ,
comme à fa véritable caule , \e phénomène
-que nous venons d'expofer ; c'eft que ,
I*. on fait que la furface de l'eau du réfer-
voir eft foumife à la prelTion de l'air qui
pcfe fur cette furface ; 2°. parce que
la preflîon de l'air efl capable de faire
jaillir l'eau à une certaine hauteur ; 3®. parce
que l'expérience nous apprend que fi on
lupprime l'air qui efi: compris dans le
rélèrvoir , ou qu'on le remplifïè exacle-
ment d'eau , & qu'on le bouche de manière
que l'air n'y puifl"e point pénétrer ; Fexpé-
ricnce , dis-je, démontre que l'eau ne
s'élèvera point dans la pompe , malgré les
fuccions réitérées du pifton ; mais qu'elle
s'y élèvera aulli-tôt , fi on donne entrée
À l'air dans le réfervoir. Il arrive encore
ia même chofe 5 lorfqu'on fait agir une
pompe fur tout autre fluide que fur l'eau , .
avec cette différence , que la preflîon de
l'air l'élevé plus ou moins haut , fuivant
qu'il efl plus ou moins pefant qu'un pareil
volume d'eau. D'après ces obfervations ,
peut-on fe retufer à croire que c'eft à^ la
preflîon de l'air qu'on doit attribuer l'élé-
vation de l'eau , ou de tout autre liquide ,
dans les pompes ? Il fuit de tout ce que
., nous venons de dire , que dès qu'il eu
P H E ^17
démontré qu'une caufe exifîe réellement
dans la nature , que c'eft elle qui a opéré
un phénomène quelconque , &.qu'elb fuffit
à 'fà produdion : il cft inutile de recourir
à une autre caufe quelconque , quoiqu'il
fût pofiîble d'en imaginer une autre qui
eût pu produire le même efiet.
S'il arrive que la nature , quelquefors
jaloufe de (es fecrets , dérobe à nos re-
cherches les caufes des effets qu'elle nous
permet de confidérer , il convient alors
d'avouer fon infufîîfance , plutôt que d'ima-
giner fur le champ quelques caufes pure-
ment probables au premier abord , & de
s'en fervir pour fâcher de rendre raifon
àes phénomènes qu'on fe propofe d'expli-
quer. Une fcience fimple , mais fiable &
certaine efl toujours préférable à une
autre qui feroit incertaine , vague &
erronée , quoiqu'elle fût établie fur des
fondemens ingénieufement imaginés , &
ornée d'argumens fpécieux & propres à
induire en erreur : cette vérité peut être
confirmée par plufieurs exemples. Quand
je remue les doigts , ce mouvement efî
produit par l'aclion de certains mufcies qui
fe contradent : c'efl un fait confiant. Mais
quelle efl la caufe de la contraftion de
ces mufcies? Seroit-ce la feule affluencc
de la partie rouge du iang qui aborderoic
dans les vaifleaux & dans les véficules
mufculaires , ainfi qu'on l'a prétendu ?Non
certainement , puifqu'on remarque que les
mufcies pâhfîent lorfqu'ils fe contraâent.
Seroit-ee donc les efprits animaux , qui fè
portant avec rapidité dans les nerfs , ex-
citeroient la contradion mufculaire? Ce
ièntiment n'efl pas mieux fondé que le
précédent , puifque ces efprits animaux
font des êtres chimériques qui n'exillent
pas : & comment d'ailleurs , en fùppofant
feur exiflence, pourroit-on concevoir leur
manière d'agir , puifque les nerfs font de
fibres folides & non valculeufes , indépen-
damment de l'autorité de plufieurs méde-
cins , qui ont adopté l'un & l'autre fluides ,
favoir , le fang & les efprits animaux , pour
expliquer l'action mufculaire ? En eflèt ,
on remarque conflamment fi on pique, ou
qu'on pince , ou qu'on prefi'e , ou enfin
qu'on irrite , de quelque manière que ce
ibit , un des nerfs d'un animal vivant ou
Kkkk2
€iB P H E
récemment mort , ou même appartenant à
une partie féparée du tronc , aufïi-tôt on
obferve que tous les mufcles , dans lefquels
ce nerf fournit des rameaux , fe gonflent ,
fe diirciiîênt , fe contradent ; & tous ces
cfïfets ont lieu , & s'opèrent de la même
manière qu'ils ont coutume de s'opérer
jnatureliement dans le vivant : cette expé-
rience peut fe répeter avec le même fuccès
pendant plufieurs heures ; & lorfque la
contradion du mufcle commence à s'airbi-
blir , on peut la rétablir en jetant de l'eau
tiède fur le nerf. L'huile de vitriol &
J'éledricité produiroient le même efîèt.
Quelle cft donc, dans cette occafion , la
caufe de l'irritabilité des nerfs , des fibrilles
mufculaires , enfin de la contradion de ces
mufcles ? C'eft ce que perfonne ne fait
encore : c'efi: pourquoi il convient , & on
doit fufpendre fon jugement & ne rien pro-
noncer fur cela , jufqu'à ce qu'on ait fait
de nouvelles découvertes plus certaines &
plus propres à déceler la caufe de ces phé-
nomènes. Je tiens, par exemple , un corps
Iblide dans la main ; j'ouvre la main^ & le
corps , abandonné à lui-même , tombe
alors par terre : pour quelle raifon ? C'eft
qu'il eft grave. Mais fi je veux pouffer
mes recherches plus loin , & découvrir
la caufe de la gravité , je fuis alors arrêté ,
& je ne trouve rien de certain & de
démontré: je m'arrête donc aufîî-tôt ; je
fufpends mon jugement , & j'attends qu'un
temps plus heureux me faffe part de cette
- découverte : je fais cependant , à n'en
pouvoir douter , qu'il n'y a aucun effet
dans la nature qui n'ait une caufe à laquelle
il doit fon exiltence.
C'efl pour ces raifons que l'on doit
profcrire & bannir de la pnyfique toutes
les hypothefes & les conjedures; tout ce
qu'elles nous aprennent eu vague & in»-
certain , & ne doit point fe ranger dans
la clafle des vérités démontrées. Outre
cela il cfi confiant que les hypothefes fer-
vent plutôt à embarrafTer & à furcharger
une fcience , qu'à reculer fes bornes : elles
excitent àes difputes inutiles ; les phéno-
mènes en deviennent plus difficiles à faifir ;
elles font néghger , & fouvent même rejeter
les circonfiances les plus importantes qui
accompagnent ces phénomènes , bien plus ,
P H E
on en imagine de fauflès , pour donner du
poids & du crédit aux hypothefes qu'on
veut défendre ; car parmi les phjlofophes ,
il s'en trouve plufieurs qui font plus flattés
par l'efpérance d'une vaine gloire , qu'oc-
cupés de l'amour de la vérité : jaloux de
fe faire admirer, ils veulent fe faire paff!er
pour être plus favans qu'ils ne le (ont
véritablement : ils imaginent des opinions
fauffes , qu'ils foutiennent hardiment , &
ils abufent de la confiance de ceux qui ne
font pas en état d'éviter l'erreur dans
laquelle elles les entraînent.
Des gens de cette cfpece font plus de
tort aux fciences , qu'ils ne peuvent fervir
à leurs progrès. Les obfervations & les
expériences font les feuls fondemens de la
phyfique. Lorfqu'on les examine d'une ma-
nière géométrique , elles nous fournifTent
fouvent le moyen de découvrir les caufès
des phénomènes que nous obfervons , de
connoître toute l'intenfité & l'étendue de
ces caufes , ainfique leurs propriétés : nous
en avons un exemple dans les pompes dont
on fe fert pour tirer de l'eau des heux
profonds ; mais nous ne pouvons pas tou-
jours découvrir les caufes des effets que
nous obfervons : c'efi pourquoi on ne peut
exphquer que peu de chofes dans la phy-
fique. Cela fait, à la vérité , une dodrinç
maigre & ûér'ûe dans bien des points ;
mais auffi elle eft sûre & inconteftable.
Celui qui s'attache aux obfervations & à
l'expérience , & qui les répète avec toute
l'attention qu'elles exigent , parvient à
acquérir du dégoût pour les hypothefes &
pour tout ce qui n'efi que conjedure ; car
il découvre à chaque infîant , que les opé-
rations de la nature font bien différentes
des idées qu'il s'en étoit formées : il ap-
prend que la véritable conffitution des
parties , & les qualités des corps , ne
reffemblent en rien à ce qu'il avoit ima-
giné à cet égard ; ce qui paroît évident ,
par les idées qu'on s'étoit formées fur les
faveurs , fur la flrudure des rayons de la
lumière , &c.
Nous nous trouvons à chaque infîant
arrêtés par des difficultés infurmontables ,
dans la recherche des caufès des différens
phénomènes de la nature , parce que nous
n'avons jufqu'à préfcnt aucune règle cer-
P H E
tainc , aucun moyen sûr, qui puifTent nous
faire juger que nous foyons parvenus à
/Livre , fans interruption , toute la férié
des caufes qui fe précèdent mutuellement ,
& que l'enchaînement de nos raifonne-
rnens nous ait conduits de la première
jufqu'à la plus éioignse des caufes , en
commençant ce développement par la
coniidération des phénomènes. Quand il
arriveroit même que nous ferions parvenus
jufqu'à la dernière, qui ne dépend que de
la feule puiffance du créateur , nous n'en
comprendrions pas mieux pour cela la
liaifon qu'il y auroif entre cette caufe
& la puiffance divine qui l'auroit établie ;
parce que l'efprit de l'homme ne pourra
jamais comprendre de quelle manière
Dieu , qui efl un efprit infini , peut agir
fur un corps.
L'auteur de la nature a fu tellement
ibuftraire à notre connoiflfance les moyens
qu'il emploie pour régir l'univers , qu'il n'eft
pas poflible aux philofophes de percer les
ténèbres épaifl'es qui les dérobent à leurs
recherches. Delà , de quelque côré que
nous portions nos regards , nous décou-
vrons aulTi-tôt les bornes de notre génie ;
de forte que notre refped pour l'Etre
fuprême s'accroît à chaque infîant , & que
nous ne pouvons nous empêcher de recon-
noitre & d'avouer la diftance infinie qui
le fépare de la créature , lui qui eft la
fource & l'origine de tous les elïèts , de
leurs caufes , & de toutes les puiflances
quelconques ; de forte que nous ne pouvons
ne nous pas foumcttre de plein gré à tout
ce qu'il nous a révélé dans les faintes écri-
tures , & ne pas refpeder bien des chofes
qu'elles contiennent , qui furpalTent les
lumières qu'il a données à l'homme.
2°, Les phénomènes ou les effets de la
nature y qui font du même genre y recon-
noijfent les /fiêmes caufes.
C'elî: par le même moyen , & félon la
même méchanique , que la refpiration
s'opère dans l'homme , & dans tout autre
animal terreftre. La chute des corps graves
dépend de la même caufe dans l'Europe ,
ainfi que dans toutes les régions de la
terre. La difFufion de la lumière & de la
chaleur , foit du foleil , foit du feu de nos
foyers, reconnoît les mêmes caufes. La
P H E ëi^
réflexion de la lumière s'exécute de la
même manière par les planètes y que par
les corps terrc^res. Il en efl de même de
l'ombre que jettent derrière eux les corps
opaques , foit qu'ils appartiennent à notre
globe , foit qu'ils foient fufpendus dans
l'immenfité des cieux , tels que les planè-
tes , &c. Si des effets aufli fimples , &:
qui font les mêmes , dépendoient de diffé-
rentes caufes , il faudroit admettre plufieurs
caufes pour produire les mêmes effets ; ce
qui eft tout-à-fait contraire au génie de
la nature , ou plutôt à la fagefîe infinie
de l'Etre fuprême. Car ç'eft opérer quelque
chofe en vain , que de faire par une com-
plication de moyens , ce qu'on peut taire
à moins de frais. Cependant quand les efïèts
font compofés , les caufes peuvent être
différentes, & on peut parvenir à les dé-
couvrir par une obfervation attentive. Par
exemple , le vent d'efl peut venir de diffé-
rentes caufes : quelquefois le mouvement
du foleil &: les vapeurs chaudes peuvent
le produire : quelquefois il doit fon origine
au concours de deux autres vents ; favoir ,
l'aquilon & le vent du midi. Quelquefois
l'équilibre de l'air étant rompu ou troublé
dans la partie occidentale de l'atmofphere j
le vent d'orient s'élevç alors. D'autres fois
il fe trouve encore d'autres caufes parti-
culières dans la partie orientale du ciel qui
l'excitent & le produifent : par exemple ,
un efpace libre entre des montagnes fufîit
pour déterminer un courant d'air , ^c. C'efl
pourquoi on doit ufer de beaucoup de
prudence , lorfqu'il s'agit de diftinguer les
caufes fimples de celles qui font compofées,
3**. Les qualités des corps qui ne fouf-
frent ni du plus ni du moins y & qui
conviennent à tous les corps que nous
pouvons foumettre à l'expérience , doivent
être regardées comme des qualités générales
des corps.
Quelques corps qui fe préfentent à nos
recherches , foit célefîes , foit terreflres ,
grands ou petits , folides ou fluides , tous
ces corps nous paroiffent & font réelle-
ment étendus : nous pouvons donc conclure
avec certitude , que tous les autres , ceux
que les entrailles de la terre recèlent , ceux
que nous ne verrons & nous ne toucherons
jamais , font pareiilemeat étendus ; puifque ,
é^o PRE
conjointement avec les autres , ils concou-
rent à former l'étendue du globe terreftre.
Mais rétendue des parties de la matière
ne foufFre jamais aucune augmentation ; le
volume d'un corps peut bien augmenter
par la raréfadion à^^Qs parties intégrantes ,
mais l'étendue des parties matérielles
n'augmente pas pour cela. Par exemple ,
concevez un pouce cubique de matière
totalement folide ; que toute fa fubflance
devienne parfemée de pores , & qu'il fe
«•aréfic de manière que fon volume (oit cent
fois plus grand : quelque grand que foit ce
volume , il ne contiendra néanmoins qu'un
pouce cubique de matière folide , & fon
étendue en folidiré ne fera point augmen-
tée : que cette maffe raréfiée foit com-
primés & qu'elle foit réduite à un plus
petit volume , on retrouvera encore un
pouce cubique d'étendue matérielle ; cette
étendue ne fera point diminuée: d'où on
peut conclure que l'étendue doit être rangée
parmi les propriétés générales de la ma-
tière. Pareillement fi tous les corps que
nous avons confidérés & examinés, font
figurés impénétrables & inadifs , nous pou-
vons conclure que ceux fiir lefquels nous
n'avons pas encore porté nos recherches ,
font également figurés impénétrables &
inadifs; car ces propriétés ne foufFrent ni
plus ni moins : elles ne peuvent être
augmentées ni diminuées.
Si tous le^ corps qui font placés fur la
Superficie de la terre ont une tendance
qui les maîtrife vers fon centre ; fi la lune
gravite vers la terre , & que celle-ci ait
iauffi une gravitation vers la lune ; fi les
planètes , ainfi que [qs comètes , font fou-
mifès à la même loi , & qu'elles aient
toutes une tendance mutuelle \qs unes vers
les autres , & vers le centre du foleil ; fi le
Ibleil lui-même efi maîtrife par la même
force, & qu'il gravite vers les corps célefles
dont nous venons de paiier , on pourra con-
clure univerfellement que tous les corps
-qui font partie du fyftême planétaire , gra-
virent les uns vers les autres , & que
l'attradion efi une propriété générale de la
jTiatiere.
Mais fi on remarque que certaines pro-
priétés s'afFoibliffent & diminuent avec le
,ccrnps , elles pourront , par cette railbn.
P H E
difparoître tout-à-fait ; de forte qu'on ne
doit point les ranger parmi les propriétés
générales de la matière : par exemple , de
ce que la tranfparence du verre & de quel-
ques autres corps s'afFoiblit infenfiblement
& à la longue , de ce que la chaleur diminue
par degrés dans les corps , on peut croire
que ces deux qualités pourront être totale-
ment détruites ; d'où il fuit que , ni la
tranfparence , ni la chaleur ne peuvent
être rangées parmi les propriétés générales
de la matière. Et c'cfï de cent manière
que plufieurs qualités que nous appelions
fenjibles y conviennent à la matière.
4°. Les propojidons que Von déduit des
phénomènes que Von obfen'e dans lu phi-
lofophie expérimentale , peuvent être re-
gardées comme ahfolument vraies y ou au
moins comme approchant très-fort de la
vérité y nonohflant les opinions contraires
qui paroijfent les détruire ^jufqu^ à ce qu*on
ait découvert de nouveaux phénomènes
qui concourent à les établir plus folide-
ment y ou qui indiquent les exceptions qu'il
y faut faire.
En effet , l'examen de nouvelles décou-
vertes doit toujours fe faire par la voie
de l'analyfe , avant d'employer la méthode
fynthétique. Par le moyen de l'analyfe , on
raffemble tous les phénomènes & tous les
effets de chaque chofe qui fè préfente à
nos recherches. Cette méthode nous con-
duit iàgement , & autant que faire fe peut ,
à la connoifîance des puifïances & des
caufes de tous les efFers que nous obfer^
vons. De l'examen des phénomènes y fui-
vent immédiatement des propofitions qui
ne font d'abord que particulières , mais qui
deviennent enfuite univerfelles par induc-
tion : par exemple, lorlque je connoisque
le feu ordinaire de nos foyers , & que
celui du foleil ont la propriété de raréfier"
l'or , j'établis aufli-tôt cette propofitioa"
finguliere , le feu raréfie Vor ; mais fi
enfuite , portant mes recherches plus loin ,
je découvre que le feu produit le même
effet fur Its autres métaux , fur les demi-
métaux , fur plufieurs fofliles , fur les parties
animales & fur les végétaux , alors j'établis
cette propofition univerfelle , le feu a la.
propriété de raréfier tous les corps ; &
cette propofition , toute générale qu'eilç
P H E
foît , doit être reconnue pour vraie. Con-
tinuant encore mes recherches , fi je
trouve quelques corps qui réfiftent à l'adion
du feu , & qui ne fe dilatent point , ou
que j'en obferve quelques-uns qui , au lieu
de fe dilater , fe reflèrrent & fe renfer-
ment dans de plus petites bornes y ma
propofition générale n'en fera pas moins
vraie pour cela ; mais elle foufti-ira une
exception , relativement aux fubdancesdont
Pnous venons de parler. De ce que nous
obfervons conftamment , que jG on fond
plufieurs métaux enfemble , le mélange
formera une mafTe plus dure que chaque
métal en particulier , nous concluons en
général , que les métaux hétérogènes (ont
plus durs que les métaux homogènes: or
comme on obferve aufS que l'alliage de
l'érain fin d'Angleterre avec celui de Malac
forme une maflè moins dure ^ cette obler-
vation donne lieu à une exception qui
reflreint l'étendue de la. propofition uni-
verielle. Cette exception a encore lieu
dans le mélange de plufieurs métaux , félon
certaines proportions ; la malTe qui en
réfulte forme un m^ixte d'une moindre {o-
lidité que fès parties cqnltituantes : aulîi
dans tous ces cas doit-on indiquer ces
exceptions , ainfi que leurs bornes.
Ayant beaucoup avancédans ïts recher-
ehes par la voie de l'analyfe , & ayant
découvert par fon moyen les caufes de
plufieurs phe'nomenss , c'efl alors qu'il eft
permis de mettre en ufage la méthode
contraire ,. c'eft-à-dire , la méthode fyn-
thétique. On fe.fert de ce moyen ,. lorf-
qu'ayant déjà découvert plufieurs caufès , &
que \ts ayant mifes dans toute leur évidence,
on les regarde com.me des principes cer-
tains , propres à développer \qs phénomènes
qui y ont rapport. Par exemple , lorfque
j'ai découvert que les corps que l'on fou-
met à l'acHon du feu , (è lailTent pénétrer
par la matière ignée , & que le feu fe
développant & agiiTant en toute forte de
fens , les dilate ; je conclus , qu'une pierre
que je tiens en ma main fe dilatera fi je
l'expofc à l'ardeur du feu ; & chaque fois
que je me propofe de dilater un corps ,
& d'augmenter fon volume , j'ai recours
au feu , comme à une des caufes que je
reconnois pour être propres à produire cet
P H E ^3t
effet. Les philofophes ne font en cela que
fuivre la méthode des mathématiciens , qui
procèdent d*abord par la voie de l'analyfe ,
îorfqu'il s'agit de découvrir des chofes
difficiles & inconnues , &; qui n'ont re-
cours à la fynthefe qu'après avoir profité
des fecours de l'analyfe.
Il n'efl guère p^Ëible , dans la philo-
fbphie , de porter ks recherches plus loin ;
cependant on tâche d'employer utilement
l'analogie pour augmenter le nombre des
connoiflànces philolophiques.En (uppofanr,
par exemple , une harmonie étabhe entre
les différentes parties de l'univers , & que
\qs qualités que nous favons appartenir aux'
lubilances que nous connoifibns , appar-
tiennent également à celles que nous-
n'avons pas encore examinées , nous ju-
geons que les propriétés que nous décou-
vrons dans les corps célelîes conviennent
également aux corps fublunaires , & alter-r-
nativement. Bien plus , dans la conduite
ordinaire de la vie, nous raifonnons foL»-
vent par analogie , & nous conformons
nos adions à cts raifonnemens. Par exem-
ple , nous marchons aujourd'hui avec tran-
quillité fur un terrain fur lequel nous vî-^
mes plufieurs perfonnes fè promener hier ^,
nous mangeons aujourd'hui d'un mets y.
parce que nous le trouvâmes' bon hier, éc
que nous éprouvâmes que c'étoit une bonne
nourriture.
Ce fut conformément à cette méthode ,
que Hermès établit fa philolbphie , & plu-
fieurs philofophes modernes l'ont imité-
en cela. Cependant il efî bon d'obferver
qu'on ne doit fe fervir de l'analogie qu'avec
prudence, fi on veut éviter l'erreur où
cette méthode peut conduire , & qu'il ne
faut pas toujours fe confier aveuglément à
un railonneraent qui ne feroit établi que-
.fur l'analogie , parce que la nature n'agit
pas toujours de la même manière dans la
produâion dts effets femblables ^ mais
compofés. Par exemple , de ce que plu-
fieurs efpecès de mouches font ovipares ,
efl-ce une raifen fuffifante pour conclure
qu'elles le font routes ? Le célèbre M. de
Réaumur en a découvert plufieurs , dont
il nous a donné une très-belle dcfcription>
qui font vivipares. De ce que plup j
animaux périflènt lorfqu'on leur p^^ ^*
^3i P H E
tête , efl-ce une raifon ruffifante pour con-
clure que tous ceux à qui on coupera la
tête mourront ? non certainement , & on
fait aduellement qu'il y en a plufieurs ,
tels que les polypes de rivière & plulieurs
autres encore , qui furvivent à cette opé-
ration. De ce que le concours du mâle &
de la femelle eft nécfiTaire pour la pro-
pagation de plufieurs efpeces , ce n'eft pas
une raifon fufïifante pour conclure que cet
accouplement foit néceflâire pour la pro-
pagation de tous les infedes. On trouve
plufieurs animaux qui font hermaphrodites ;
on en trouve d'autres qui , quoique fe-
melles , ont la faculté d'engendrer jufqu'à
cinq fois, fans le concours du mâle. De ce
que les rameaux de prefque toutes les
plantes s'élèvent en haut & ne retombent
point vers la terre, eft-ce une raifon d'affir-
mer que le gui de chêne fuit la même
diredion dans foa accroiflance ? Non cer-
tainement , car l'expérience démontre qu'il
croît & qu'il fe dirige en toute forte de
fens. Dans l'hiver , une forte gelée s'op-
pofe à l'accroifîânce des plantes ; l'agaric
néanmoins continue à pouffer. D'où il
paroît qu'on ne doit point faire ufage , ou
au moins qa'on ne doit ufer qu'avec la
dernière circonfpedion , de l'analogie , ainfi
que Needham- nous le confeille fort pru-
demment. {D. F.)
Phénomène électrique , {étoile
tombante) ( Phyjiq. ) MM. Morton &
Meret croyoient que la matière vilqueufe ,
tenace & d'un blanc tirant fur le jaune, que
l'étoile tombante laifle à l'endroit où elle
tombe , n'étoit autre chofe que les ex-
crémens de quelques oifeaux, tels que des
corbeaux , Ùc. qui après avoir mangé àes
grenouilles en rendoienr les inteftins fans
les avoir pu digérer ; ce qui n'eft guère pro-
bable , puifqu'on en voit dans àts lieux
fouvent où les oifeaux ne vont jamais.
Quant à M. Muifenbroeck , il lui paroît
vraifemblable que ces étoiles doivent leur
origine à une matière huileufe , qui a été
élevée par la chaleur du jour , qui fe con-
çlenfè par le froid , qui retombe par ion
propre poids & s'enflamme : il appuie fa
conjedure fur ce que l'on voit ces feux en
tomne après les fortes chaleurs de l'été.
^^'^ il c'çtoit là la véritable caufe , on
m
P H E
ne les devfolt pas voir au printemps avant
les chaleurs , ni en hiver , comme M. Kraftt
l'a obfèrvé en Ruflie dans le mois de no-
vembre pendant la nuit , qui étoit d'ail-
leurs des plus froides.
Le P. Bellaria a été plus heureux dans
^^ts conjedures , à ce qu'il nous paroît ;
il croit que les étoiles tombantes ne font
que des phénomènes éleBriques ^ & voici
le fait fur lequel il fè fonde ; il efl d'ail-
leurs afTez curieux pour trouver place ici.
Un jour qu'il étoit affis en plein air avec
un ami , une heure après le coucher du
foleil , ils virent une de ces étoiles tom-
bantes qui dirigcoit fa courfe vers eux , &
qui groiiiiroit à vue d'œil à mefure qu'elle
approchoit d'eux , jufqu'au moment où elle
difparut à peu de diflance de l'endroit où
ils étoient: leurs vifages , leurs mains, &
leurs habits , ainfi que la terre & tous les
objets voifîns , furent alors illuminés d'une
lumière difFufe & légère , mais fans aucun
bruit. Ayant eu peur ils fe levèrent , & fe
regardèrent l'un l'autre , furpris de ce phe'-
nomene. Un domeftique accourut à eux
d'un jardin voifin , & leur demanda s'ils
n'avoient rien vu ; que pour lui il avoit
apperçu briller dans le jardin une lumière
fubite , principalement fur l'eau dont il fe
fervoit pour arrofer.
Toutes ces apparences étoient évidem-
ment éledriques ; & le P. Bellaria fut
confirmé à penfer que l'éledricité en étoit
la caufe , par la quantité de la matière
éledrique qu'il avoit vue , dans d'autres
ocçafions , avancer par degrés vers {on
cerf- volant ; car , dit-il , elle avoit toute
l'apparence d'une étoile tombante. Il vit
auiîi quelquefois une efpece de gloire au-
tour du cerf-volant , qui le fuivoit quand
il changeoit de place , mais qui laiffoit un
peu de lumière , à la vérité pour fort peu
de temps , dans le lieu qu'il venoit de
quitter.
Il nous paroît que cette différence fa-
tisfait parfaitement à tous \ts phénomènes
des étoiles tombantes. Car , i°. il y a dans
l'atmofphere , en tout temps & dans toutes
les faifons , une circulation du fluide élec-
trique , comme on l'a fait voir à Y article
Cerf-volant. Aufîi l'on voit de ces
étoilçs dans toutes les {âifons ^ comme il
paroît
PME
paroit par les obferyacions de M. Gadendi
Ce de M. Krafft , que nous avons rapportées.
z°. On a aufTi faïc voir dans le même article ,
que réled:ricité pofitive régnoit dans les ré-
gions Tupérieures de l'atmofphere dans un
temps ferein. Cette obfervarion , qui eft
de M, Kinnerfley , nous découvre laraifbn
pour laquelle ces étoiles dirigent toujours
leurs courfès contre la terre ; c'eft que le
feu électrique abonde dans ces régions fu-
périeures , ôc il s'ouvre un paflagc au
travers de 1 atiriorphere inférieur , pour
venir jufqu'à la terre , qui cft éledrifée
en moins j de c'eft un phénomène que les
autres hypotheles n'expliquent point. 5°. Le
mouvement progreilif de ces étoiles , qui
cft quelquefois lent , d^autres fois rapide ,
quelquefois en ligne droite , d'autres fois
en zigzag , s'accorde très- bien avec celui
du fluide éle6trique , quand il Ce propage
d'un lieu à un autre ; car Pon fait qu'en
général le fluide fuit toujours les meilleurs
conducteurs , & qu'il ne fuit pas le chemin
le plus court d'un endroit à un autre : de-
là vient Pirrégularité de (on mouvement;
ôc s'il éprouve moins de réfiftance en les
pénétrant , fuivant qu'ils fe trouvent plus
ou moins parfaits , il fe meut plus ou
moins vite ; mais fa vîteflè dépend encore
de la quantité de fluide mife en mouve-
ment à la fois ; car fi cette mafle eft confi-
dérable , on apperçoit une vive lumière,
lorfque l'irruption fe fait , ôc même il arrive
fouvent qu'on entend alors quelque éclat ,
comme il arrive quand il paroît des globes
de feu : enfin quand cette mafle devient
encore plus confîdérable , fa force & fa
vîtcfle augmentent , & elle porte alors le
nom de foudre ( voyei^ ce /nor.) Nous ajou-
terons que fi ce feu abonde dans les hautes
légions de l'atmofphere , pourvu qu'il ne
foit pas réuni en une feule maflè , & que
les vapeurs foient féparées par des parties
jd'air pur , en forte que fon mouvement
foit alors retardé , & qu'aucune quantité
confidérable ne puiflc s'écouler à la fois ,
il y aura alors des irruptions continuelles ,
& l'on verra tous les phénomènes que l'on
a décrits à l'article Aurore-bore ale , ou
plutôt il y aura alors une aurore-boréale.
4°. Nous remarquerons enfin , qu'on fent
quelquefois une odeur de foufre , quand
Tome XXV,
PH E 6^^
on fe trouve dans l'endroit où ces phéno-
mènes ont lieu : mais on ne doit pas
en inférer qu'ils (oient produits par des va-
peurs fulfureufes qui s'enflam.ment d'elles-
mêmes ; car nous favons que le fluide
électrique enflamme les fubftances huileufes
éthérées , au travers deiquelles il pafle.
Ainfi ceux qui jugent de la caufe par l'o-
deur qu'ils fentent , courent rifque de
prendre l'effet , qui eft pureraenr acciden-
tel , pour la caufe même. (P. B.)
PHEONS , en terme de Blafon , ce font
des fers , des dards , des flèches ou d'autres
armes barbelées.
« Dans les planches de blafon on voit la
figure des phéons. D'Egerton de fable , à la
fafce d'hermine entre tïo'is phéons.
PHEOS , f. m. {Botan. anc. ) nom donné
par Théophrafte , Diofcoride & autres , à
une plante dont fe fervoient les foulons
pour apprêter leurs draps , c'eft peut-être
le gnaphalium des modernes \ mais les an-
ciens donnoient auffi le nom de phéos au
filago , c'eft-à-dire à notre herbe de coton.
Ils eraployoient cette dernière à faire les
matelas de leurs lits , & à empaqueter leur
poterie pour l'empêcher de fe cafler.
PHERECRATE , ou PHEREGRA-
TIEN , f. m. ( Belles-Lettres. ) dans l'an-
cienne poéfie , forte de vers compofé de
trois pies ; favoir d'un daCtyle entre deux
fpondées , comme :
Cràs dZ\nàleris\hce dô
FëfsJs 1 vômërë \ tàurïs.
On conjecture que ce nom lui vient de
Pherecrate fon inventeur.
PHEREPHATTE , f. f . ( Mythologie. )
c'étoit le premier nom de Proferpine , &
fous lequel elle avoit des fêtes chez les
Cycicéniens , appellées phéréphatties.
PHEREPOLE , adj. ( Mythologie. ) ou
celle qui porte le pôle. Pindare donne ce
furnom à la fortune , pour marquer que
c'eft elle qui fouticnt l'univers , & qui le
gouverne. La première ftatue qui fut faite
de la fortune pour ceux de Smyrne , la
repréfèntoit ayant le pôle fur la tête , &
une corne d'abondance à la main.
PHERE'S , ( Géog. anc. ) Pherce ; il y
avoit de ce nom plu fleurs villes : favoîr ,
une dans l'Achaïe , une dans le Pélopo-
LIU
^34 P H E
nefe , une <^ans la Macédoine , une dans
l'A fie , une dans la Baotie , une dans la
lapygie , une dans la Laconie , ùc.
PHÉRÉZÉENS , ( Géographie facrk, )
anciens peuples qui habitoient la Paleftine ,
& qui étoient mêlés avec les Cananéens \
mais comme ils navoient point de demeure
fixe , & qu'ils vivoient dirperles , tantôt en
un lieu du pays , & tantôt dans un autre , on
les nomma ThéreT^ens , c'ert-à-dire , épars.
Phéra-^t fignifie des hameaux, des villages.
Il eft beaucoup parlé des Théré'^éens dans
l'écriture , & même du temps d'Efdras ,
après le retour de la captivité de Babylone ;
plufîeurs ifraélites avoient époufé des fem-
mes de cette 'nation. {D.J.)
PHESANE , ( Géog. anc.) ville d'Arca-
die , félon le fcholiafte de Pindare , & le
fentiment de tous les auteurs , excepté Di-
dime , qui prétend , fans aucun fondement ,
que c'étoit une ville de TElide.
PHESTI , ( Géog. anc.) lieu d'Italie dans
le Latium , à cinq ou (ix milles de Rome.
C''étoit autrefois l'extrémité du territoire
de cette ville ; ce qui fait que du temps de
Strabon , les prêtres y faifaient les (àcrifices
nommés ambarralia , comme dans les au-
tres lieux qui étoient aux frontières des Ro-
mains.
PHEUGARUM , ( Géog. anc. ) ville de
la Germanie , entre Tulifurgium &c Cen-
iuum , félon Ptolomée , liv. II , ch. xj. On
croit que la ville d'Halberftadt , dans la
Saxe , a été bâtie de fes ruines.
PHIAGIA , ( Géog. anc. ) i°. ville ou
bourgade de l' Attique. Elle eft attribuée par
quelques-uns à la tribu Egéide , & par d'au-
tres à l'Aïantide ; mais une infcription dont
parle M. Spon , la met fous l'Hadrianide.
2°. Bourgade de TAttique , dans la tribu
Pandionide , félon Etienne le géographe.
(P./.)
PHI ALE , ( Géog. anc. ) en grec ç/aA» ;
ce mot qui veut dire une coupe plate , rem-
plie jufqu'au bord , a été donné à divers
lacs ou réfervoirs d*eau , à caufe de leur
reflemblance à un balïîn plein d'eau.
1°. Thiale , fontaine ou lac célèbre au
j>ié du mont Hermon , & d'où le Jourdain
prend fa fource. Joieph j de bel. hb. LU,
c. xviij , raconte qu'à cent vingt ftadcs de
Céfaxée de Phiîippes , fur le chemin qui
PHI
va à la Tranchonite , on voit le lac de
Phiale , lac rond comme une roue, & dont
l'eau eft toujours à pleins bords, fans dimi-
nuer ni augmenter. On ignoroit que ce fût
la fource du Jourdain , jufqu'a ce que Phi-
lippe , tétrarque de Galilée , le découvrit
d'une manière à n'en pouvoir douter , en
jetant dans ce lac de la menue paille qui fe
rendit par des canaux louterrains à Panium,
d'où jufqu'alors on avoit cru que le Jour-
dain tiroit fa (ource.
1°. Phiale , ou Fhiala , eft un Heu d'E-
gypte fur le Nil & dans la ville de Mem-
phis.Touslesans, dit Pline,/. VIII,c.xlviJ ,
on y jetoit une coupe d'or & une coupe
d'argent le jour de la naiftance du dieu Apis.
3°. C'eft encore un heu d'Egypte dans la
ville d'Alexandrie, On donnoit le nom de
phiale au lieu où l'on ferroit le blé qu'on
amenoit d'Egypte fur des bateaux par le
canal que l'on avoit creufé depuis Chérée
jufqu'à Alexandrie ; mais comme le peuple
étoit accoutumé à exciter dans cet endroit
de fréquentes féditions , Juftinien , pour
arrêter le cours de ce défordre , fit enfer-
mer ce lieu d'une forte muraille.
4°. Phiale eft auiïi le nom de la fource
du Nil.
5°. Phiale , ou Phialia , ou Phigalia >
étoit une ville de l'Arcadie fur les bords du
fleuve Néda , auquel les enfans de cette ville
coniacroient leurs cheveux. Le nom mo-
derne de cette ville eft , à ce qu'on croit ,
Davia. ( Z>. /. )
PHIBIONITES , f. m. pî. ( Wft. eccléf, >
c'eft une branche des gnoftiques.
PHIDITIES , f. m. pi. ( Antiquités gre^
ques Ù de Lacédémone. ) Phiditia , les phi-
dities étoient des repas publics qui fe don-
noient en Grèce. Ils furent inftitués par Ly-
curgue. Ce légiflateur voulant faire plus
vivement la guerre à la moileiTè & au luxe ,
& achever de déraciner l'amour des richef-
fes , fit à Lacédémqne l'établiftèment des
repas publics. Il en écarta toute fomptuo-
fité de toute magnificence : il ordonna que
tous les citoyens mangeroient enfemble des
mêmes viandes qui étoient réglées paflb loi ;
& il leur défendit expreftement de manger
chez eux en particulier.
Les tables étoient de quinze perfonnes
chacune ^ uu peu plus ou uu peu moins > &
PHI
clucun .ipportoit par mois un hoitîeaa de
farine , huit mefures de vin , cinq livres de
fromage , deux livres & demie de figues , &
quelque peu de leur monnoie pour acherer
de la viande. Il cft vrai que quand quelqu'un
faifôit chez lui un facrifice , ou qu'il avoic
été à la chalTe , il envoyoic une pièce de (a
vicSbime ou de (à vénaifon , à la table dont
ilétoit i car il n'y avoir que ces deux occa-
fîons , oît il fur permis de manger chez loi ,
favoir , quand on ctoit revenu de la chalîè
fort tard , & que l'on avoit achevé fort tard
fon facriiice : autrement on étoit obligé de
fc trouver au repas public ; ôc cela s'obièrva
fort long-temps avec une très-grande exac-
titude , jufques-là que le roi Agis , qui
revenoit de l'armée , après avoir défait les
Athéniens , & qui vouloit fouper chez lui
avec fa femme , ayant envoyé demander
fès portions dans la falle , les polémarques
les lui refuferent ; 8c le lendemain Agis
ayant négligé par dépit d'offrir le facrifice
d'ad;ions de grâces, comme on avoit accou-
tumé après une heureufe guerre, ils le con- i
damnçrent à une amende qu'il fut obligé
de payer.
Les enfans même fe trouvoient à ces re-
pas , & on les y menoit comme à une école
de fagelTe Se de tempérance. Là , ils enten-
doient de graves difcours fur le gouverne- j
ment ; ils voyoient des maîtres qui ne par-
donnoient rien , Ôc qui railloient avec beau-
coup de liberté, 8c ils apprenoient eux-mê-
mes à railler fans aigreur & fans ballèflfè ,
ôc à fouffrir d'être raillés ; car on trouvoit
que c'étoit une qualité digne d'un Lacédé-
monien , de fupporter patiemment la rail-
lerie. S'il y avoit quelqu'un qui ne pût la
fouffrir , il n'avoir qu'à prier qu'on s'en
abftint-, & l'on ceflbit fur l'heure,
A mefure que chacun entroit dans la
falle , le plus vieux lui difoit en lui mon-
trant la porte , rien de tout ce qui a été dit
ici 5 ne fort par -là.
Quand quelqu'un vouloit être reçu à une
table , voici de quelle manière on procé-
doit à fon élection , pour voir s'il étoit
agréé dans la compagnie. Ceux qui dévoient
le recevoir parmi eux , prenoient chacun
une petite boule de mie de pain ; l'efclave
qui les fervoit , pafloit au milieu d'eux ,
portant un vaifïèau fur fa tête : celui qui
PHI ^35
agréoit le prétendant , j ctoit fimplemenc
la boule dans ce vailleau ; & celui qui le
refufoit , l'applariflbit auparavant entre fcs
doigts. Cette boule aînfi applatie valoit la
fève percée qui étoit la marque de condam-
nation ; 8c s'il s'qxï trouvoit une feule de
cette forte , le prétendant n'étoit point reçu ;
car on ne vouloit pas qu'il y en eût un fcul
qui ne plût à tous les autres. Celui qu'on
avoit refufé étoit dit decaddé , parce que le
vaifîèau dans lequel on jetoit les boules ,
étoit appelle caddos. ■
Après qu'ils avoient mangé & bu très-
fobrement , ils s'en retournoient chez eux
fans lumière ; car il n'étoit pas permis de fc
faire éclairer , Lycurgue ayant voulu que
l'on s'accoutumât à marcher hardiment
par-tout de nuit 8c dans les ténèbres. Voilà
quel étoit l'ordre de leur repas.
Par cet établiflement des repas com-
muns , 8c par cette frugale fimplicité de
la table , on peut dire que Lycurgue fit
changer en quelque iorre de nature aux
richeffes , en les mettant hors d'état d'être
defîrées , d'être volées , 8c d'enrichir leurs
pollèlîèurs ; car il n'y avoit plus aucun
moyen d'ufer ni de jouir de fon opulence ,
non pas même d'en faire parade , puifquc
le pauvre 8c le riche mangeoient enfemble
en même lieu ; 8c il n'étoit pas permis de
venir fe préf6iter aux falles publiques , après
la précaution d'avoir pris d'autre nourriture,
parce que tous les convives obfervoient avec
grand foin celui qui ne buvoit 8c ne man-
geoit point , & lui reprochoient fon intem-
pérance ou fa trop grande délicateflc , qui
lui faifoient méprifer ces repas publics.
Les riches furent extrêmement irrités de
cette ordonnance , 8c ce fut à cette occafion
que dans une émeute populaire , un jeune
homme , nommé Alcandre , creva un ceii à
Lycurgue d'un coup de bâton. Le peuple
irrité d'un tel outrage , remit le jeune
homme entre les mains de Lycurgue, qui
fut bien s'en venger ; car d'emporté 8c de
violent qu'étoit Alcandre , il le rendit très-
fage 8c très-modéré.
Les repas publics étoient aufTî fort en
ufage parmi les philofophes de la Grèce.
Chaque fe6te en avoit d'établis à certains
jours avec des fonds 8c des revenus , pour
en faire la dépenfe j 8c c'étoit , comme le
LUI 1
è^é PHI
remarque Athénée, « afin d'unîr davantage
w ceux qui s'y trou voient , afin de leur inf-
»» pircr la douceur & la civilité fi nécef-
« faircs au commerce de la vie. La libertç .
w d'une table honnête produit ordinaire-
» ment tous ces bons effets. « Et qu on ne
s'imagine point que ces repas fullènt des
écoles de libertinage , où Pon rafinât fur
les mets & fur les boitions enivrantes , &
Gii Ton cherchât à étourdir la févere raifon :
tout s'y pafioit avec agrément &c décence.
On n'y cherchoit que le plaifir d'un entre-
tien libre & enjoué : on y trouvoit une com-
pagnie choifie , &: aufifi fobre que fpiri-
tuelle : on y chantoit l'hymne qu'Orphée
adrefle aux mufes , pour faire voir qu'elles
préfident à toutes les parties de plaifir dont
la vertu ne rougit point. Timothée , géné-
ral des Athéniens , fut un jour traité à
Tacadcmie par Platon. Un de Tes amis Par-
rêta en fortant , & lui demanda s'il avoir
fait bonne chère. Quand on dîne à l'acadé-
mie , répondit-il en fouriant , on ne craint
point d'indigefiion.
Rien ne reflembloit mieux à cts feftins
philofophiques , que les agapes ou repas de
charité des premiers chrétiens, qui fiàfoient
même une partie du fervice divin dans les
jours folemnels j mais comme les meilleures
chofes dégénèrent infenliblement , le luxe
y prit la pince de la modeftie , & la licence
q à ofe tout , en chifla la retenue. On fut
enfin obligé de les liipprimer.
Meurfius a épuifé tout ce qui regarde les
phidities \ lifez-lc. {D. J.) ,
PHILA , r. f. ( Mythol.) un des noms
de Vénus , qui caraétériie la mère de l'a-
mour i car (fiKih 5 c'eft aimer. {D. J.)
Phila , ( Gécg. anc.) i°. île de la Libye.
Elle étoit formée par les eaux du fleuve
Triton , & on y voyoit la ville de Nyfa ,
dans laquelle on ne pouvoit entrer que par
un feul endroit appelle portas Nyfiae , les
portes de Nyfa. i'^. Il y avoir une ville nom-
mée Phila en Macédoine, à moitié chemin
entre Dium &c Tempe^ , fur un rocher au
tord d'un fleuve qui iemble être PEnipée ,
fuivant la narr^^rion de Tite-Live, livre
XLIV, c. viij. (D.J.)
^ PHILADELPHE , ( Hifoire anc, ) nom
tiré du grec <f,ih'i , amateur , & d'«<lê^(fof ,
Jrejre, Il tut donné copime une marque de
PHI
diftin^tion par les anciens àquelques princes
qui avoient marqué beaucoup d'attache-
ment pour leurs frères. Le plus connu eft
Ptolémée Philadelphe , roi d'Egypte , dont
la mémoire ne périra jamais , tant que du-
reront les lettres , qu-'il honora toujours
d'une protedbon éclatante , foit en formant
la magnifique bibliothèque d'Alexandrie ,
compofée de 400C00 , & félon d'autres ,
de 7000G0 volumes , fous la direétion de
Démétrius de Phalere ; foit en fàifant tra-
duire en grec les livres faints ; traduction
qu'on appelle communément la verfon des
feptante , parce que ce prince y employa
foixante & dix favans.
Le P.Chamillart avoir une médaille d'une
reine de Comagene , avec le titre àephila~
delphe , fans aucun autre nom ; & M. Vail-
lant dit que Philippe , roi de Syrie , avoit
pris le même titre.
PHILADELPHIE , ( Géogr. ancienne ^
moderne, ) Fhiladelphia , ou Philadelphea ^
ville de l'Alie mineure , à 27 milles de Sar-
des vers le fud-eft , au pié du Tmolus , d'où
la vue eft: très-belle fur la plaine : elle riroic
fon nom d'Attalus phiîadelihe , frère d'Eu-
ménès fon fondateur. Les habitans s'appel-
loicnt philadelphei & philadelphini. Cette
ville fut célèbre , entr'autres par des jeux
pubhcs ; Georges Wheler rapporte une inf^
cription , où , entr'autres chofes > on y lit
KOINA ACIAC EN 4>IAA:lEA$EIA , c'eft-à-
dire , les fêtes communes de l'Ajie a Thila-
dclphie , ou l'aflémblée folemnelle pour les,
jeux de PAfie à Philadelphie^
Philadelphie a été dans le premier fiecle
un ficgc épifcopal. Les Grecs modernes,
confervent l'ancien nom de Philadelphie y
&c les Turcs l'appellent -^//ûA/cAeyr, comme
pour dire , la ville de Dieu. Lorlqu ils vin-
rent pour s'emparer du pays , les habitans
fe défendirent vigoureu'ement j mais les
Turcs , pour leur donner de la terreur ,
s'avifercnt de faire un retrap.chemenr par
une muraille toute d'os de morts , fiés en-
femble avec de la chaux j les habitans fe
rendirent en faifant une capitulation plus
douce que celle de leurs voifins. On leur
laiflà quatre égliles qu'ils ont encore ; (a-
voir , Panagia , S, George , S. Théodore &
■>. Taxiarque , qui eft le mêm.e que S. Mi-
jchel. Il y a dans Philadelphie cinq à ^\
P HI
mille habitans , entre lefquels on peut
compter mille Chrétiens. Long. 47. latit.
28. &.
Il y a eu une ville de Cilicie , & une
ville d'Egypte , qui ont porté le nom de
Philadelphie. {D.J.)
Philadelphie , ( Géogr. mod. ) ville
de l'Amérique feptentrionale , capitale de
la Penfylvanie ( ^ j j c'eft aujourd hui une
de plus belles , des plus riches & des plus
florillantes villes que les Anglois aient dans
le nouveau monde. Elle ctl (îtuée entre
deux rivières navigables , à deux milles
de leur jonction. Elle attente rues , dont
il y en a dix de deux milles de long , qui
traverient d^une rivière à Pautre. Les vingt
autres qui les coupent à angles droits , ont
la moitié delà longueur des premières. On
a laiflé autour du centre de ce parallélo-
gramme , un quarré de dix arpens {acres );
ôc au milieu de chacun des quatre quartiers
de ce parallélogramme , il y en a un de
cinq. Ces places font deftinées à y élever
des éghfes , des écoles , d'autres édifices
publics , & à fervir de promenade aux
habits ns , comme font les mourfields à
Londres,
C'eft !e fameux Guillaume Pen qui a
tracé les alignemens de fa ville de Philadel-
phie. Les Anglois ne fauroient trop honorer
fa mémoire ; &; en mon particulier , je lui
ai déjà rendu mes homma- es en parlant de
la Penfylvanie. Il y a trois à quatre mille
maifons bâties dans la capitale de cette
PHI 6ij
province de l'Amérique feptenrrional :
angloife. Sa pofition eft très-avantageufe
pour le commerce, à caufe des deux rivières
qui y amènent les vailleaux par celle de la
Ware , dans laquelle elles (e déchargent ,
à deux milles delà. On pourroit dans la
fuite , pour exécuter le plan du fondateur ,
former un quarré parfait des deux cotés du
parallélogramipe ; & pour lors Philadelphie
rcdémbleroit à Babylone, excepté (ts murail-
les & la grandeur de fonenceinte;mais elle la
furpafleroit de beaucoup pour la commo-
dité de fa fituation. Long. ^01,^^0. latit,
5^. ^o. {D.J.)
PHILADELPHIES , ( Littérat. & Art.
numifm. ) (pihaJ\ih<p-.Kt j c'eft ainiî qu'on
nommoit des jeux inftitués à Sardes , pour
célébrer l'union de Caracalla & de Géta ,
fils de Septime-Sévere , (piha.S'zK'pict.
Les Sardiens ayant élevé un temple en
l'honneur de Septime & des princes fes
enfans , ils y offrirent des facrifices , &
célébrèrent des jeux lolemnels qu'ils nom-
mèrent Philadclphies , pour engager les
deux frères à la concorde , ou plutôt
pour demander aux dieux cette union
tant defirée , & qui étoit l'objet principal
des vœux de l'empereur leur père. Sur un
médaillon frappé à Sardes , fous Septime ,
la Concorde paroît debout entre Caraça^ia
& Géta , avec cette légende : Etti f^riyuout
t)a.fj[i<tvav Jii vîM^c^av iptha/iihtpia.
Ces jeux n'étoient point différens des
anciens jeux confacrés aux dieux ; il paroic
( *) Cette ville merveilieule , fur lafin du dernier fîecle, s'éleva prefque fubiremcntau milieu des
fauv.iges de l'Amérique , & ne ceffe de s'érenHre de jour en jour. L'amour fraternel eft (on unique
loi fondamentale : fes portes font ouvertes atout le monde , & fon fondateur n'en a formellement
CxgIu que deux fortes d'hommes , le fainéant & l'athée.
Les Tiembleurs ou Quakeis , perfécutés en Angleterre , s'étant réfugiés en Amérique fous la
conduire de Guillaume Pen , y fondèrent cette colonie. L'enthoufiafme que Fox leur avoient com-
muniqué n'avou pour objei que les' vertus morales, fans aucun dognie mctaphyfique. Ils s'exci-
toieiit au trt ir.olement pour confulter le Seigneur , & ils fe cioyo^en: tous autant de prophètes Se
de ptophcrefTcs. Pen paya !e terrain dtfert où il vouloit bâtir fa ville , afin que fon ctablifiemenc
fût bénit de Dieu & des hommes. Ces Trembleurs ont beaucoup rabattu de leur enthoufiafme j
mais ils ont confervé leurs m.iximes & leurs ufages.
Cette ville eft la patrie du célèbre M. Franck! in , dont M, Barbeu du Boarg vient de pub'ier les
<E«^r«, traduites fur la quatiienie édition angloife, en i vol. in 4°. 1773 , avec le poiuait de
l'auteur , au bas duquel on lit ces quaite vers :
// a ravi le feu des deux ,'
Jl fait fleurir les arts en des elimats fauvages :
L'ylmeriqtie le place a la tête des fages :
La Grèce l'aurait mis au namhe de fes dieux.
ic.y
^j8 PHI
même qu'ils étoientpythiques , c'eft^à-dire,
qu on cëlébroit: les jeux pythiques pour la
concorde de Caracalla & de Géta ; la cou-
ronne de laurier qui eft fur la médaille , en
eft une preuve vifible : & même ces jeux
font expreflTémenr nommées pythiens fur
une médaille de Périnthe , (p/A*cflrA(pÊ/« -rgf 9«
'TTipsvriùjv y avec une urne qui indique que ces
deux noms expriment la même efpece de
jeux. S'ils avoicnt écédifFérens , ilsauroient
été défignés par deux urnes , fuivaiit un
ufage reconnu par les plus favans anti-
quaires.
Les deux temples couronnés font con-
noîrre qu'on célébra à Sardes les jeux
<{iiKo!.lih.(piia. , en même temps que lesauguf-
taux , comme ils le furent fous le même
règne à Nicée. On lit fur une médaille de
cette ville , ctvyovçta x,aî <t>'ihat</\:h(piict vikuhkv.
Les deux temples couronnés paroifîènt fur
une autre médaille de Sardes , avec la tête
de Julia Domna , mère des deux princes.
Au refte ces vœux furent bien inutiles.
Caracalla , peu après la mort de Septime ,
eut Tinhumanité monftrueufe de poignar-
der Géra entre les bras de l'impératrice
leur mère ; & fi les deux temples font
encore repréfentés avec leurs couronnes ,
fur une médaille de Caracalla , on n'y lit
plus le titre de (piha.S'îh^uit.
On pourroit , dit M. de Montefquieu ,
appeller Caracalla , non pas un tyran ,
mais le de(lruâ;eur des hommes. Caligula ,
Néron & Domitien bornèrent leur cruauté
dans Rome ; celui - ci alla promener fa
fureur dans tout l'univers. Ayant com-
mencé fon règne par tuer , comme nous
l'avons dit , Géta fon frère entre les bras
de l'impératrice leur mère , il employa fes
richelîèsà faire fouffrir (on crime aux fol-
dars qui aimoient Géta \ & difoient qu'ils
avoient fait ferment aux deux enfans de
Sévère , non pas à un feul ; qu'enfin les
temples qu'ils avoient bâtis , 6c les Phila-
delphies qu'ils avoient célébrées , regar-
doient les deux fils de l'empereur , & non
pas un feul.
Caracalla , pour les appaifer , augmenta
leur paie , & pour diminuer l'horreur du
meurtre de fon frère , il le mit au rang des
dieux : ce qu'il y a de fingulier , c'eft que
cela lui fut exad;ement rendu par Macrin ,
P H I
qui , après l'avoir fait poignarder , lui fît
bâtir un temple , & y établit des prêtres
flamines 'en fon honneur. Cela fit que fa
mémoire ne fut pas flétrie , & que le fénat
n'ofant le juger , il ne fut pas mis au rang
des tyrans , comme Commode , qui le
méritoit moins que lui. Mém. de Littérat,
tom, XVIÎI y ind. 4. fag. î^^. {D. J.)
Philadelphie , pierres de , { Hifi.
nat. ) les murs de Philadelphie , ville de
l'Afie mineure , font bâtis d'une pierre
qui renferme des concrétions femblables
à des os ; ce qui a donné lieu à une
fable qui dit que les Turcs , après s'être
rendus maîtres de cette ville , la fortifiè-
rent avec les os des chrétiens , dont ils
élevèrent des murailles.
PHILtE , ( Géogr. anc. ) ville d'Egypte,
proche de la cataraélé du Nil , félon
Ptolomée , liv. IV , c. v. Il y avoit auilî
une île de même nom ; & c'eft dans cette
île que la ville étoit bâtie , lelon Séncque ,
liv. IV y quefi. nat. c.ij. Le Nil , après
s'erre répandu dans de vaftes déferts j &
y avoir formé divers marais , fe raflemble
au deflus de Vkilœ , île efcarpée de tous
côtés. Deux bras du fleuve font cette île ,
& fe réunifiant au dcflous , ne forment
plus qu'un feul lit , qui efl: le Nil , & qui
en porte le nom. (D. /. )
PHILAKI , f. m. ( Ant. greq. ) nom
que les Grecs modernes donnent à la prifon
publique de Mififtra : c'eft la même prifon
où le roi Agis finit malheureufement fes
jours. Ces fortes de lieux changent peu
d'ufage , fur-tout quand ils font près d'un
tribunal fouverain , comme celui-ci l'étoic
autrefois des Nomophylaces , & comme
on dit qu'il l'eft encore aujourd'hui du
Mula. Quoique ce foit un réduit effroya-
ble , il n'y en a point de plus renommé
chez les auteurs. Strabon rapporte qu'il
s'appelloit cœades , & pour nous figurer
un cachot , il le repréfentc comme une
caverne. Dion , Chryfoftome , Euftathius,
Suidas , & plufieurs autres , en ont parlé;
mais auffi c'étoit la prifon de Sparte. Plu-
tarque m'attendrit fans ceflè , quand je
relis dans fa vie d'Agis , de quelle façon
ce jeune roi & les deux princelîès Archi-
damia & Agéfiftrata moururent dans cette
petite prifon. Elle eft fitueé près de la rue
PHI
du grand-bazar , cette fameufc rue qu'on
appelloit autrefois y^pA^/û/j , & qu'Ulyfle
contribua tant à rendre célèbre , quand elle
lui fervit de carrière pour difputer à la
courfe la poflelïîon de Pénélope contre Tes
rivaux. Icarius , père de cette belle Lacé-
démonienne , voyant plufieurs amans qui
la recherchoient , incertain du choix , leur
propofa des jeux de courfe dans ce même
lieu 5 & promit Pénélope pour prix de
la vidoire , qu'Ulyfle eut la gloire de rem-
porter. En reconnoiflance de cet avan-
tage , il confacra dans Sparte trois temples
à Pallas , fous le nom de Cékutée. {D. J.)
PHILANDRE, PHILANDER,
OPOSSUM , f. m. ( Zoologie. ) animal
très-remarquable d'Amérique. Il a été fort
mal décrit par divers auteurs fous le nom
de maritacaca , caregoi , ropo'^a , care-
gueia , jupatuma , îlaquafj^n , farigoi ,
femi vulpa , marfupiale , &C.
C'eft un animaûde la grofl'eur d'un gros
chat. Sa tête eft faite comme celle d'un
renard. Il a le nez pointu , & la mâchoire
fupériaure plus longue que Pinférieure. Ses
dents font petites , mais femblables à celles
du renard , excepté qu'il en a deux grandes
comme le lièvre au haut du mufeau ; fes
yeux font petits , ronds , & pleins de vi-
vacité. Ses oreilles font grandes , H (l'es ,
douces , droites , comme celles du renard ,
minces , & comme tranfparentes. Il a
comme le chat des mouftaches noires , &
d'autres poils de même efpece lur la face
& au deflus des yeux ; èâ. queue eft ronde
& d'un pié de long , pleine de poils à fon
infertion , enfuite toute chauve , de cou-
leur en partie noire , & en partie d'un
brun cendré \ fes pies de derrière font
beaucoup plus longs que ceux de devant ,
ils relTemblcnt à des mains , & onr chacun
cii>q orteils armés d'onglesblancs& crochus;
l'orteil de derrière eft le plus long , ainfi
que dans les finges. Son dos 6c Çts côtés
font de couleur noirâtre avec un mélange
de gris , & d'un faux jaune fur le ventre.
Uopcjfum répand une odeur puante
comme le renard^; il fe nourrit de cannes
de fucre , & d'autres végétaux ; il mange
auHi ks oifeaux qu'il va prendre juique fur
ks arbres , & imite fouvent les rufes du
lenard pour piller la volaille.
PHI 6^^
Mais ce qui le diftingue de tous lesautres
animaux du monde , c'eft le fac ou la
poche dans laquelle la femelle fait entrer
les petits lorfqu'elle met bas ; alors le petit
opojfum n'eft pas plus gros qu'une noix ,
quoique deftinéà l'être autant qu'un chat;
Ce fàc eft placé fous le ventre près des
jambes de derrière. Les petits s'y trouvent
à l'abri jufqu'à ce qu'ils foient en état de
fe tirer d'affaire ; & quand ils commen-
cent à être forts , ils en fortent , & y
rentrent librement pendant quelques fe-
maines. Enfin lorfqu'ils font grands , la
mère les en chafle pour toujours , comme
font les femelles des autres animaux
à l'égard de leurs petits. L'opojfum mâle a ,
de même que la femelle , cette efpece de
poche fous le ventre , & prend de temps-
en- temps fur lui le foin d'y porter fes
petits , pour les tirer d'un danger prellant ,
&c foulager fa femelle.
Cette poche hnguliere mérite bien que
nous la décrivions. C'eft un corps mem-
braneux af[ez mince , quoique compole
de plufieurs membranes ; il y a quatre
paires de mufcles qui (ervent à la reflèrrer
& à l'étendre , à ouvrir Se à fermer l'ou*
verture. Deux os particuliers à cet animal,
& qui font placés dans cette partie de fon
corps 3 fervent à l'infertion des mufcles
dont nous venons de parler. La poche
paroît être en partie mufculeufe , &c en
partie glanduleufe , car elle a la double
aétion de mouvement &c de fecrétion.
L'intérieur de cette poche eft tapilîe de
quelques poils , qui font ça & là couverts
d'une matière jaune & gluante , produite
par diverfes petites glandes , dont la poche
eft femée ; cette matière cérumineufe eft
d'une odeur forte 8c délàgréable.
Le (ac de VopoJTum , outre fa tunique
glanduleufe &: mulculaire , eftpourvu d'une
troilieme tunique vafculaire , dans laquelle
les vaifleaux fanguins découlent en grand
nombre. j
L'opojhm fent aulTî mauvais pendant
quM eft en vie que le putois » & même
davantage. Cette odeur virulente , vient
principalement de la matière contenue dans
fa poche , qui eft d'une nature ii fembla-
ble à celle du fac de la civette , qu'après
avoir été expofée à Pair pendant quelques
^40 PHI
jours,elle perd fou odeur forte , Se devient
un parfum des plus agréables , approchant
de celui de la civette.
La ftrudure des jambes , des pies & des
ongles de Vopojfum , femble lui avoir été
donnée pour grimper avantageufement fur
les arbres ; & c'eft auffi ce qu'il exécute
avec beaucoup de vitefle.
Enfin , la nature a employé une méchani-
que admirable dans les épines ou crochets
qui font au centre du coté inférieur des
vertèbres de fa queue. Les trois premières
vertèbres n'ont point d'épines i mais on
les voit dans toutes les autres. Elles font
placées iuftement au milieu &c à coté de
chaque jointure. Je crois qu'on ne fauroit
rien imaginer de plus propre à cette fonc-
tion que de le fufpendre par la queue j
car la queue étant une fois tournée autour
d'une branche , foutient aifément le poids
de l'animal par le moyen de ces épines
crochues : cette a6tion ne demande qu'un
peu de travail dans les mufcles pour cour-
ber ou fléchir la queue.
J'aurois beaucoup d'autreschofescurieu-
fes à ajouter , mais je les fupprime en
renvoyant le ledteur à l'anatomie de l'o-
pcjfum par le dodeur Tyfon , en 1698 ,
dans les Tranf. philof. n. 2.^9. Le chev.
deJaucourt.
Il y a plufîeurs efpeces de philandres
que Pon a réunies fous un même genre.
Leurs caraderes communs font d'avoir ,
dans la mâchoire du deflbus , huit dents
incifivcs , & dans celle de deflus dix ( les
deux du milieu (ont plus grandes que les
autres ) , & d'avoir les pies conformés
comme ceux des finges. Les efpeces de
philandres font au nombre de neuf ; favoir
1°. le philandrt amplement dit , c'eft celui
qui a déjà été décrit dans cet article ;
z°. le philandrt oriental , qui a une cou-
leur brune foncée fur le dos , & jaune
fous le ventre , avec des taches jaunes
au deflous des yeux : il eft plus grand que
le philandrt fimplement dit ; car il a onze
pouces de longueur depuis l'occiput ju (qu'à
l'origine de la queue , tandis que l'autre
n'a que huit pouces ; 3°. le philandrt
d'Amboine , qui eft d'un rouge bai noi-
râtre fur le dos , & de couleur cendrée
|?lanchâtre fous Iç ventre , avec des taches
PHI
d'un brun fcncé ; fa longueur eft de treize
pouces. Les femelles de la fecoiîde & de
la troilieme efpece de philandres ont une
poche fous le ventre , comme celle de la
première eipece ; mais les femelles des
cinq elpeces fuivantes n'ont pas cette
poche , &c on ne fait 11 les individus ,
tant mâles que femelles de ces cinq efpeces,
ont les autres caractères de ce genre feu-
lement ; il eft certain qu'ils refîèmblent
aux philandres des trois premières elpeces
par la forme de la tête , du mufeau ,
de la queue , des pies , ùc. & par la
façon de vivre : ces cinq efpeces font le
philandrt du Bréfil , le philandrt d'Amé-
rique , \e philandrt d'Afrique , \q philandrt
de Surinam , le philandrt à grolfe tête , &
le pkilaadre à courte queue. Regn. anim.
par M. Briiibn.
PHILANTHROPIE , f. f. ( Moral. ) la
philanthropie eft une vertu douce , patiene
&c délmtéreflée , qui fup porte le mal fans
l'approuver. Elle fe fert de la connoillànce
de (a propre foibleflè , pour compatir à
celle d autrui. Elle ne demande que le bien
de l'humanité , & ne fe laflè jamais dans
cette bonté défintéreflee -, elle imite les
dieux qui n'ont aucun be'oin d'encens ni
de vidimes. Il y a deux manières de s'atta-
cher aux hommes ; la première eft de s'en
faire aimer par fes vertus , pour employer
leur confiance à les rendre bons , & cette
philanthropit eft toute divine. La féconde
manière eft de fe donner à eux par
l'artifice de la flatterie , pour leur
plaire , les captiver & les gouverner.
Dans cette dernière pratique , fi com-
mune chez les peuples polis , ce ne font
pas les hommes qu'on aime , c'eft foi-
même. ( D. J.)
PHILARMONICI , ( Hi/l. littér. ) c'eft
le nom que prend une (ociété littéraire
établie à Vérone en Italie , en 1543. Elle
a quatre préfidens ou directeurs , que l'on
nomme pères. Cette académie embrafte
tous les objets des fciences. Elle s'aftèmble
dans un édifice dans lequel on voit plu-
fîeurs falles ornées de portraits des prin-
cipaux membres de la fociété , avec cette
infcription : anno MDXLIII , cœtus phil-
harmonicus academicas leges fancit , ac
mujis omnibus litat,
PHILAUTIE ,
PH I
PHILAUTIE , f. f. ( Morale.) c\a ce
que l'on entend dans les écoles par V amour
de foi-même , qui eft une afFeâion vi-
cieufe , & une complaifance démefurée
pour fa propre perfonne.
Ce mot ell: formé du grec <ptMt , aniicus y
ami , & ttvjoi , ipfe y foi - même. Voye\
Amour-propre.
PHILELIE, f. f. (Belles -Lettres.)
cKanfon dei anciens Grecs en l'honneur
d'Apollon. La philelie , dit Athénée , liv.
XIV y chap. iij y étoit une chanfon à
l'honneur d'Apollon , comme l'enfeigne
Telefilla. Elle fut ainfi appellée , obferve
Cafaubon , du refrain propre à cette chan-
iôn, o|ï* Q^iKi y a çiK\ht:j leve\-vous y lei'e^-
vous y charmant foie il; le nom feul de cette
chanfon peut terminer la queftion par
laquelle on a quelquefois propofé , fî le
foleil eft dans l'ancienne fable le même
qu'Apollon. Mém. de Vacad. des belles-
lettres , tom. XI y page 3^5'
PHILÉT^RE,f. m. {amiquit. greq.)
Les Pliilétceres formoient une fociéré de
plufieurs perfonnes qui avoient une elpece
de magiflrature à Cyzique ; mais on ignore
en quoi conlilloient leurs fondions. On
connoît plufieurs monnoies des rois de
Pergame fur lefquelles on lit le nom de
Philétcere y (piMretipov autour de différentes
têtes ; mais ces monnoies n'ont aucun
rapport à la fociété de Cyzique. Elles
tirent lear nom de Philétœre y premier roi
de Pergame ; & cependant comme il
feroit bien fingulier que ces monnoies
fulfent toutes de ce prince , quelques an-
tiquaires croient que i^Qs fuccelFeurs prirent
le même nom fur leurs monnoies , comme
les rois d'Egypte adoptèrent le nom du
premier Ptolemée. Voye\ les antiq. de
M. de Caylus.
PHILÉT^RIENNE, adj. {Bot.anc.)
cpithere donnée par les anciens botaniltes
à une plante qui avoit quelque refïêm-
blance avec la rue. Pline en fait mention ;
& le P. Hardouin , dans ^ts notes , penfe
que cette dénomination lui a été donnée
par rapport à Philetsre , roi de Cappa-
doce : elle pourroit également avoir reçu
fon nom de Philetsrus , roi de Pergame ;
mais le principal feroit de connoître la plante
même. { D. J.)
Tottu XXV.
PHI 6^1
PHILIADES , {Gc'ogr. anc.) Philiadœ^
bourgade de TAttique. Elle prenoit fbn
nom de PhilîEus , fils d'Ajax , & étoit la
patrie de Pififtrate. On lit aujourd'hui à
Athènes , au rapport de M. Spon , lifle
de VAttique , l'infcription fuivantc : Kiynii
AVJlfay niKA j Eua^/ic/JiK Ktjit-'iou fiKiJïm ^X^?^^
Ayi7//-Jrtp^/^îî ET/</lit/<cr/«ê nvKit Xa.{ihA o! ^oK^of
tJliMTKiEjSvKçnof n^x «'jc'eft-à-dire,"la tribu
« -/Edéide des hommes a eu la vidoire ;
>j Evadiges , fils de Ctéfias de Philiadoé ,
« a préfidé aux jeux ; Lyfimachidès Epi-
M damnien a eu foin de la raufique ;
>i Charilaiis Locrien a fécité ; Euthycritus
» a été archonte.» {D. J.)
PHILIPPE , {Médailles.) médaille &
monnoie de Philippe , roi de Macédoine.
On donne fur-tout ce nom aux monnoies
d'or & d'argent de ce prince. Les philippes
d'or étoient célèbres dans l'antiquité, parce
que c'étoit une fort belle monnoie & d'ex-
cellent or. Snellius , dans fon livre de re
nummariâ , parle d'un phdippe qui pefoit
179 grains de Hollande. 11 y en a parmi
les médailles du roi qui pêfent i^S grains,
& nos grains font plus pefans que ceux
de Hollande , dont Snellius fe fervoit ; les
179 grains de Hollande reviennent à 160
de France, & à 154 d'Angleterre. Il y a
aufli àts philippes ôi' argent & àts philippei
de bronze. {D. J.)
Philippe, famt , ( Géogr. mod. )
forterefle de l'île de Minorque , au àe^xxs
de Port-Mahon , fur un rocher près de
la côte. Les rois d'Efpagne l'avoient fait
bâtir dans le fiecle dernier pour la défenfc
de cette île , dont les Anglois s'emparè-
rent en 1708 ; les François leur ont enlevé
le fort & l'île en 17^7 , mais la paix leur
a rendu cette île.
Philippe, (Monnoie.) ou philippus,
monnoie d'or de Flandre , d'un titre affcz
bas. On la nomme rider en Allemand.
Il y a eu aufli des philippus d'argent
qui pèlent près de fix deniers plus que les
écus de France , de neuf au marc , mais
qui ne prennent de fin que neuf deniers
vingt grains.
Les philippus d'Efpagne , qui ont eu un
grand cours en plufieurs villes d'Allema-
gne , où on les appelloit philippe-thaler y
particulièrement à Francfort & à Nurera-
M m ra m
€^1 PHI
berg ) s'y récevoient fur le pië de cent
creutzers communs , ou de 81 creutzers
^e change : c'eft ordinairement fur cette
efpece de monnoie , que fe réduifoient &
s'évaluoient les paiemens , au commence-
ment de ce fieclç. {D. J.)
PHILIPPE {Saint), { Hifi. facr.)
apôtre de Jefus-Chrill, naquit à Betzaïde ,
ville de Galilée , fur le bord du lac de
Généfàreth. Il fut le premier que Jedis-
Chrift appella à fa fuite: Philippe le fuivit ;
& peu de temps après , ayant trouvé Na-
thanaëi , il lui dit qu'il avoit trouvé le
Meffie , & l'amena à Jefus-Chrifl. Ils fui-
virent enfemble le " Sauveur aux noces de
Cana , & Philippe fut bientôt après mis
au rang des apôtres. Ce tut à lui que
Jefus - Chriïl: s'adreiîa , lorlque voulant
nourrir cinq mille hommes qui le fuivoient ,
Jl demanda d'où l'on pourroit acheter du
pain pour tant de monde ; Philippe lui
répondit qu'il en faudroit poui" plus de
deux cents deqjjprs. Dans ie long difcours
que Jefus - Chrift tint à i'ts apôtres la
veille de fa paffion , Philippe le pria de
leur faire voir le père ; mais le Sauveur
lui répondit : Philippe , celui qui me
voit y voit aujji mon père , Joan. xiv. ^.
Voilà tout ce que l'évangile nous apprend
<î« ce faint apôtre. Les auteurs eccléliafti-
^ues ajoutent qu'il étoit marié & avoit
plufieurs filles ; qu'il alla prêcher l'évan-
gile en Phrygie , & qu'il mourut à Hiéraple,
ville de cette province. (+)
Philippe , {Hifi. facr.) le fécond des
fept diacres que les apôtres choifirent
après Pafcenfion de Jefus-Chrift. On croit
qu'il étoit de Céfarée en Palelline ; au
moins efl-il certain qu'il y demeuroit, &
qu'il y avoit quatre filles vierges & pro-
phéreifès , Act. xxj. g. Après le martyre
de faint Etienne , les apôtres s'étant dif-
perfés , le diacre Philippe alla prêcher
J'évangile dans Samarie , où il fit plufieurs
converfions éclatantes. II y étoit encore ,
îorfqu'un ange lui commanda d'aller fur le
chemin qui defcendoit de Jérufalem à
Gaze. Philippe obéit , & rencontra l'eu-
Duque de Candace qui étant venu à Jéru-
zalera pour y adorer le vrai Dieu , s'en
retournoit lifant dans fon char le pro-
fhete Ifaïe. L'efprit de Dieu dit alors à
PHI
Philippe de s'approcher , & le iàint dia-
cre ouit que l'eunuque hibit ce paflâge du
prophète : // a été mené comme une brebis
à la boucherie , & n'a point ouvert la
bouche non plus qiùun agneau qui demeure
muet devant celui qui le tond. Il a été
dans fon abaifjement délivré de la mort ;
qui pourra raconter fa génération & fon ori-
gine ? Act. vil]. 52.. L'eunuque lui ayant
demandé de qui parloit le prophète en cet
endroit : Philippe commença à lui annon-
cer Jefus-Chrifl ; & ayant trouvé un ruif*
feau fur la route , l'eunuque touché des pa-<
rôles du diacre , demanda à être baptifé y
& ils defcendirent tous deux dans l'eau ,
où Philippe le baptifa ; après quoi , l'efprit
du Seigneur le tranfporta à Azot , où il
prêcha la parole de Dieu , jufqu'à ce qu'il
vint à Céfarée de Paleftine. On croit qu'il
y mourut , quoique quelques-uns le faflent
aller à Tralles en Afie , où ils prétendent
qu'il fonda une églife dont il fut l'apôtre &
l'évêque. ( -}- )
Philippe I, ( Hifi. am. Hifi. de
Macédoine. ) troifieme fils d'Amyntas ,
roi de Macédoine , >& fon fucceffeur au
trône , naquit l'an du monde 3621. Son
père, pour gage de Tobfervation des trai-
tés , le remit aux Thébains , qui confièrent
fon éducation au fagc Epaminondas. Le
•jeune Macédonien formé par les leçons
d'un fi grand maître , en eut tous les
talens , fans en avoir les vertus. Lorfqu'ii
parvint à l'empire , il eut honte de ne
commander qu'à des barbares : il entreprit
d'en faire des hommes , en leur donnant
des loix & des mœurs. Les moyens dont
il fe fervit pour monter fur le trône , ma-
nifeflerent qu'il en étoit digne. Appelle de
Thebes pour prendre la tutele de fon
neveu , il profita de fon enfance pour pré-
parer fa grandeur. Les Macédoniens, en-
vironnés d'ennemis , avoient juiqu'alors
combattu fans courage & fans gloire; &
s'ils n'avoient point encore été fubjugués ,
c'eft que leurs voifins avoient dédaigné d'en
faire leur conquête. Philippe afFedant une
confiance que peut-être il n'avoit pas , re-
leva les courages abattus. Le foldat fier de
marcher fous un difciple d'Epaminondas ,
fe foumit , fans murmurer , à une difcipline
févere. Ses manières affables & prévenantes
PHI
adoucirent la rigueur du commandement :
les Macédoniens , heureux & triomphans
le placèrent fur le trône que Ton ambition
dévoroit en fecret^ & dont il afFedoit de
redouter les écueils.
Le choix de la nation fut Juflifîé par les
plus brillans fuccès ; Philippe , âgé de
2.4 ans , développa tous les talen^ qui font
le fruit de l'expérience. Tous fes concur-
rens au trône furent fubjugués par fcs bien-
faits : il n'y eut ni murmurateurs , ni
rebelles ; ics vidoires impoferent Clence
aux rivaux de fa grandeur , & firent ou-
blier par quels degrés il étoir parvenu à
l'empire. Sobre & tempérant, il introduifit
la frugalité dans le camp ; fa cour fimple
& même auflere n'offroit point cet éclat
impofleur dont les rois indignes de l'être
mafquent leur petitefle. La févérité de la
difcipline miltaire n'eut rien de pénible ,
parce qu'il en donna lui-même l'exemple.
Sts fbidats , honorés du titre de fes com-
pagnons , fe précipitoient dans tous les
périls pour mériter les diflindions dont il
rccompenfoit la valeur. Ce fut lui qui créa
cette fameufe phalange qui prcfentoit à
l'ennemi un rempart impénétrable ; ce ba-
taillon formoit un quarré long de 400 hom-
mes de front fur 16 de profondeur ; il
étoit 11 ferré dans fa marche , que le choc
de l'ennemi ne pouvoit l'ébranler ni réfifîer
au fien. Chaque foldat étoit armé d'une
pique longue de vingt & ùnpiés : ce fut
cette phalange redoutable qui éleva les Ma-
cédoniens à un fi haut degré de fplendeur.
Une armée aulll bien difciplinée lui injP-
pira la paflîon des conquêtes ; il contint la
Grèce en répandant le bruit artificieux , que
le monarque Perfan méditoit d'y faire une
invafion ; ce fut ainli qu'en réalifant à^s
dangers imaginaires , il fe rendit l'arbitre
des rivaux de fa puiflance. Les Illiriens
étoient maîtres de plufieurs places dans la
Macédoine ; il les en chafîà , &pour mieux
les afFoiblir , il porta le feu de la guerre
dans leur pays. Après leur avoir livré plu-
fieurs combats , toujours fuivis de la vic-
toire , il s'empara d'Amphipolis , colonie
des Athéniens , que cette hoftilité rendit Çts
ennemis. Philippe , fans leur déclarer la
guerre , leur enleva Potidée. Son infidieufe
. éloquence leur perfuada qu'en perdant ces
P H I ^41
places , ils ne perdoient rien de leur puif-
fance. La plus utile de i^ts conquêtes fut
^celle de Cnidé , à qui il donna foi> nom »
& qui devint dans la fuite célèbre par la
mort de Brutus & Caffius. Cette acquifi-
tion , fans être glorieufe à (ts armes »
fervit de degré à fa puiflance ; il fit ouvrir
près de cent ville une mine d'or d'où il
tira par an trois millions. Cette fource de
richefles le mit en état d'acheter des efpions
& des traîtres qu'il entretint dans toutes
les villes alarmées de fçn ambition. IJ
avoit coutume de dire qu'il n'y avoir de
villes imprenables que celles où un mulet
chargé d'or ne pouvoit entrer ; en effet ,
ce fut avec ce métal , plutôt qu'avec fes
armes, qu'il fubjugua la Grèce.
Il efl: un héroïfme domeftique que le fàge
feul peut apprécier : l'ambitieux Philippe ,
du tumulte du camp , veilloit aux devoirs
d'un père de famille. Sa femme Olympias
ayant mis au monde Alexandre , il n'en
eut pas plutôt appris la nouvelle , qu'il
écrivit à Arifiore pour le prier de fe char-
ger un jour de fon éducation. " Je vous
w apprends , lui dit-il , qu'il m'eft né un
» fils ; je rends grâces aux dieux , moins
» pour me l'avoir donné que pour m'avoir
»> fait ce préfent de votre vivant : je me
» flatte que vos foins en feront un prince
» digne de fes hautes defiinées.»
La guerre facrée qui embrafa la Grèce >
y donna le fpedacle de toutes les atrocités
qu'entante le zèle religieux ; Philippe ,
tranquille fpeâateur de cette fcene horri-
ble , laiflia aux dieux le foin de venger
leur injure. Sa politique ténébreufe attifbit
en fecret le feu qui dévoroit les différentes
contrées de la Grèce. Tandis que fes
voifins s'affoibliflbient par leurs défaites
& même par leurs vidoires , il affèrmiflbit
fa puiflance dans la Thrace ; il établiflbit
fes droits fur tout ce qui paroiflpit lui con-
venir. Ce fut au fiege de Methone qu'un
novavcà. Ajler ^ extrêmement adroit à tiret
de l'arc , vint s'offrir à^ lui : Philippe j,
plein de mépris pour un fi foible talent ,
lui dit qu'il le prendroit à fon fervice
lorfqu'il feroit la guerre aux hirondelles.
After irrité de ce dédain , fe jeta dans la
ville affiégée , d'où il tira contre le mo-
narque une flèche où étoit écrit , à Vacil
Mmmm 2.
^44 PHI
droit de Philippe y dont l'œil en efFet fut
crevé. Philippe renvoya la iîeche dans !a
ville , avec cette infcription : -^Jler fera
pendu aujfi- tôt que la ville fera prife.
Cette menace fut bientôt fuivie de l'exécu-
tion. Ce prince , fi au deflus du refte des
hommes , fe rapprochoit d'eux par quelques
foiblefles ; depuis qu'il avoit perdu un œil ,
il ne pouvoit entendre prononcer le nom
de cyclope fans fe fentir humilié.
Philippe appelle par fes voifins pour
être l'arbitre de leurs querelles , en profitoit
pour les aflervir. Les habitans de Pherès
implorèrent fon fecours contre Lycophron ,
beau-frcre du cruel Alexandre , dont il
imitqit la tyrannie. Le monarque Macédo-
nien , flatté du titre de protedeur d'un
peuple opprimé , remporta deux vidoires
fur le frère du tyran. Comme ces peuples
s'étoient déclarés contre les violateurs du
temple d'Apollon , Philippe qui les pro-
tégeoit fut regardé comme le vengeur de
la religion. Les Grecs acharnés à fe dé-
truire, fe préparèrent eux-mêmes des fers.
Philippe inflruit de leur foiblefîè , conçut
Je defîein de les fubjuguer : un feul homme
réprimoit les vœux de fon ambition, c'étoit
l'orateur Démoflhene, dont l'éloquence lui
paroiffoit plus redoutable que toutes les
Bottes & les armées de la Grèce. Ce fut
lui qui détermina les Athéniens à difputer
le paflage des Thermopiles à CQt ambitieux ,
qui vouloit s'en emparer pour s'ouvrir l'en-
trée de la Grèce ; mais ne quittant qu€ pour
un moment les jeux & les fpedacles , ils
fe plongèrent bientôt dans leur premier
fommeil. Tandis qu'ils perdoient le temps
en déhbérations ftériles , Philippe inondoit
la Tlirace , & fe rendoit maître' d'Oiin te,
colonie Athénienne , qui fut contrainte
d'abandonner fes foyers pour errer fans
patrie» Les traîtres qui lui livrèrent la
.ville , ne reçurent pour liiiaire que les rail-
leries des Macédoniens ; ils s'en plaignirent
à Philippe .* ce prince, railleur lui-même,
leur répondit : " Les Macédoniens font fi
« groffiers , qu'ils appellent tout par leur
j) nom.w Cette conquête fut célébrée par
des jeux & des fpedacles..
Les Thébains , après avoir efîùyé diffé-
rentes défaites , crurent fe relever par l'ap-
|Hii de Philippe : rechercher un allié £
PHI
puilîant , c'étoit foUiciter des fers. Leur
haine contre les Phocéens égara leur poli-
tique ; Philippe , fous le titre de hbéra-
teur , fe vit l'arbitre de toute la Grèce ,
dont les Thébains venoient de lui ouvrir
les portes. Ce fut fous le fpécieux prétexte
de protéger Ces nouveaux alliés , qu'il rentra
dans la Phocide, & que maître des Ther-
mopiles, il répandit la terreur dans toute
la Grèce. Les Phocéens , trop foibles pour
oppofer une digue à ce débordement , s'a-
bandonnèrent à fa difcrétion ; leurs villes
furent démohes ; on leur impofa un tribut
fi rigoureux , qu'ils aimèrent mieux s'exiler
eux - mêmes , que d'être réduits à vivre
malheureux pour enrichir leur oppreffeur.
Philippe y fans foi dans les traites , fans
frein dans fon ambition , fans modération
dans le traitement des vaincus , eut encore
le fecret d'être regardé par le vulgaire
comme le vengeur des autels & de la
religion. Les Amphidions , dont il avoit
acheté les fuf&ages , applaudirent à tous
fes décrets , & même ils lui donnèrent
féance dans leur aifemblée. Sa fombre po-
htique craignoit de réveiller l'amour de la
liberté dans le cœur des Grecs ; & au heu
de les fubjuguer , il les façonna à l'obéif-
fance par de fages délais ; il parut refpeder
la hberté pubhque en tournant {qs armes
contre les Barbares. Après s'être aflliré
de la Theffahe , il tranfporta le théâtre de
la guerre dans* la Thrace , d'où Athènes
tiroit fes fubfifiances , & qui , privée de
cette refl'ource , tomboit dans le depérifle-
ment , làns qu'il lui fournît de juftes motifs
dé fe plaindre.
Son ambition allumée par des fuccès,
lui fit tenter une expédition dans la Quer-
fonnefe , prefqu'île fertile en toutes les
produdions néceflaires à la vie. Cette ré-
gion , alors prefqu'inconnue , avoit paffé
de la domination des Spartiates lôus celle
des Macédoniens : c'étoit le théâtre des
révolutions ; Athènes y avoit encore quel-
ques colonies : mais les habitans impatiens
d'un joug étranger , avoient remis lùr le
trône les defcendans de leurs anciens rois*
Les Athéniens qui regardoient cette région
comme une partie de leur domaine j mur-
murèrent de l'irruption des Macédoniens i
leurs ofareurs tonnèrent dans la tribune ;,
PHI
Philippe les laifla dire , & ils lui laifTerent
tout exécuter.
Les Mefleniens , les Argicns & les
Thébains , fatigués d'efluyer l'orgueil fa-
rouche des Spartiates , lui portèrent leurs
plaintes , qui lui fournirent un prétexte de
tourner fes armes contre la Laconie. Cette
entreprife fut autorifée par un décret des
Amphidions , dont les intentions pures
éroient de tirer Argos & Meflene de
l'oppreffion de Lacédéraone. Au bruit de
cette irruption , l'alarme fe répandit dans
la Grèce , dont les forces réunies le dé-
L. terminèrent à fufpendre l'exécution de Ton
*' entreprife ; mais toujours ennemi du repos ,
il alla fondre fur l'Eubée ; & a la faveur
des intelligences qu'il avoir fu fe ménager ,
il prit quelques places où il établit des gou-
verneurs pour commander fous fon nom.
Les Athéniens lui oppoferent Phocion ,
philofophe guerrier dont on admiroit au-
tant l'intégrité que l'éloquence. Sa fagefle
& fon courage ramenèrent la victoire fous
les drapeaux des Athériiens , qui conferve-
rent l'Eubée , d'où les lieutenans de Phi-
lippe furent chafîes. Ce prince , pour fe
venger de cette difgrace , porta fes tem-
pêtes dans la Thrace , dont le falut inte-
reflbit les Athéniens ; il fe préfenra devant
les murs de Perinthe , ville de la Propon-
tide , à la tête d'une armée de trente mille
hommes accoutumés à vaincre fous lui :
la place eût été forcée de fe rendre , 11 elle
n'eût été fecourue par les Bifantias.
Philippe , fenfible à cet afFront , tourna
fes armes contre Bifance ; & ce fut à ce
fiege que fon fils Alexandre fit fon appren-
tif&ge. La Grèce alors fortit de fon (om-
meii , (^ la Perfe vit avec inquiétude les
cntreprifes d'un prince fi ambitieux. Pho-
cion fut envoyé avec une armée au fecours
de Bifance ; la fagelFe de ce général dé-
concerta tous les projets de l'ennemi com-
mun , qui fut contraiat de lever le fiege,
& d'abandonner l'Hélelpont. Philippe ,
fécond en relTources , fe relevoit prompte-
ment de fes pertes 'y. fon or qu'il prodi-
guoit, fervoit à. corrompre ceux dont il
ne pouvoir triompher par les- armes ou
fon éloquence.. Tandis- que (ks minières
amufoient les Athéniens par des négocia-
tions artilicieufes , il fit une irruçtion dans
PHI ^45
la Scythie , d'où il revint chargé d'un
riche butin. Au retour de cette expédition
il fut attaqué dans fa marche par les Tri-
bailcs , peuples de Mœfie , qui vivant de
leurs brigandages , tentèrent de lui enlever
Ces richefîês ; il fut forcé de leur livrer un
combat , où couvert de blefTures il fe vit
fur le point d'être fait prifonnier. Son fils
Alexandre voyant le péril , perce les ba-
taillons les plus épais , & parvient à le dé-
livrer des mains des barbares ; cette vidoire,
en le rendant plus puifTant , ne fit que lui
fufciter de nouveaux ennemis. Les divifions
des Grecs l'en rendirent l'arbitre , il fuc
engager les Amphiétions à le déclarer gé-
néral dans la guerre que les Grecs déclarè-
rent aux Locriens , accufés d'avoir envahi
quelques terres appartenantes au temple de
Delphes. Tous les peuples féduits par la
fuperftition , s'engagèrent par piété dans
cette guerre facrée : Philippe à la tête de
ceux qu'il ambitionnoit d'avoir pour fujets ,
entra dans la Phocide , où il s'empara
d'Elatée ; les Athéniens s'apperçurent trop-
tard que cette conquête le rendoit maître,
des pafîages de l'Attique. L'orateur Dé-
moflhene fut envoyé à Thebes où les Grecs»
étoient affemblés , il déploya toute fon<
éloquence pour leur repréfcnter que la
hberté étoit prête d'expirer ; en vain on
lui oppofa les réponles des oracles que l'or
de Phjlippe avoit corrompus, il répondit
que la Pythie philippifoit. Les Grecs en-
traînés par l'impétuofité de fon éloquence y
fe déterminèrent à la guerre ; leurs forces,
réunies étoient à-peu-près égales à celles^
de leur ennemi , mais elles leur étoient
bien inférieures en expérience & en difci-
pline. Les deux armées rivales en vinrent:
aux mains près de Chéronée dans la Béotie ;
l'habileté de Phihppe & le courage du
jeune Alexandre , qui commandoit l'aile:
gauche, décidèrent de la vidoire. Ce fuccès-
tranfporta de joie le monarque vainqueur
qui , après des facrifices offerts aux dieux ,.
récompenfa. avec magnificence les foldats
& les otficiers qui s'étoientdiffingués ; plu-
fieurs jours fe palfer^enf en tefîins , où il
le livra à l'intempérance. Ce fut dans un^
de ces excès qu'il fe tranfporta fur le champ'
de bataille , où chantant & danfant comme:
.un bouffon, il outragea les. morts. L^Athil-
6^6 PHI
nicn Demacle , qui étoît (on prifonnier ,
eut le courage de lui repréfenter qu'étant
Agamamnon , il fe déshonoroit en jouant
le rôle de Therfite. Philippe , revenu de
Ibn ivrefTe , en répara l'erreur par la liberté
qu'il rendit aux Athéniens , & par le par-
don qu'il accorda aux Thébains dont il
avoit juré la perte.
Ha bataille de Chéronée décida du fort
de la Grèce ; les Spartiates avilis n'étoient
plus que l'ombre de ce qu'ils avoient été
autrefois. Les Athéniens , fans émulation ,
préFéroient les jeux aux ajBTairçs : ces deux
peuples qui tour - à - tour avoient été les
dominateurs de la Grèce , furent obligés
de reconnoître un étranger pour chef de
l'expédition qu'on méditoit contre les
Perles. Philippe fatisfait de ce titre qui lui
donnoit la réahté du pouvoir , n'ambitionna
pas celui de roi , qui eût réveillé dans les
efprits le fentiment de la liberté dont il
ne refloit que le fantôme. Tandis qu'il
triomphoit au dehors , fa vie étoit empoi-
fonnée de chagrins domeftiques ; l'humeur
jmpérieufe & chagrine de fa femme Olim-
pias le contraignit de la répudier , pour
époufer Cléopatrc , fille d'un de fes prin-*
cipau'x officiers ; la folemnité de la noce
fut troublée par l'indifcrétion d'Attale ,
père de la nouvelle reine, qui dans l'ivrefle
du feftin invita les convives à prier les dieux
d'accorder à Phihppe un légitime fuccef-
feur. Alexandre, indigné de cette audace,
s'élança fur lui , en difant , malheureux ,
me prends-tu pour un bâtard ? & dans le
moment il lui jette fa coupe à la tête.
Philippe courroucé s'élance fur fon fils
l'épce à la main ; & comme il étoit boi-
teux , il fit une chute qui le préferva de
l'horreur d'un parricide. Alexandre qui fans
doute avoir participé à l'ivreffe , infulta à
la chute de, fon père : Quoi, lui dit-il,
vous prétendez aller en Perfe , & vous
n'avez pas la force de vous tranfporter
d'une table à une autre ! Il fe retira en
Epire avec fa mère , d'où il fut bientôt
rappelle.
Phihppe , roi «de la Grèce , fans en
avoir le nom fafiueux , célébra les noces de
fa fille avec une magnificence afiatique ;
tous les Grecs diflingués par leur naifTance
pu leurs dignités , furent invités à cette
PHI
fête. Cqs républicains-, autrefois fi fierf J
& devenus les .complices de leur dégrada-
tion , lui firent préfent de couronnes d'or
au nom de leurs villes ; Athènes donna
l'exemple de cet hommage fervile. Dans
le temps qu'il jouiffoit de toute fa gran-
deur , Paufanias , jeune Macédonien , perce
la foule , & liii-plonge fon poignard dans
le fein : cet affaffin avoit inutilement de-
mandé à Philippe juftice d'un outrage
(ànglant , & ce refus en fit un régicide.
La nouvelle de cette mort laifla refpirer
la Grèce , qui fe flatta de rentrer dans fa
première indépendance. Les peuples cou-
ronnés de guirlandes chantoient des canti-
ques d'alégrefle au lieu d'hymnes funérai-
res ; cette indécence qui étoit le témoignage
de la foiblefîc de Ces ennemis , étoit le
plus grand honneur qu'on pût rendre à fa
cendre.
Ce prince fut un aflcmblage de vices &
de vertus : ambitieux fans frein , & fans
délicatefTe dans les moyens , il poulToic
la prudence jufqu'à l'artifice & la per-
fidie , femant par- tout les troubles pour
avoir la gloire de les pacifier. Ses plaifirs
étoient des débauches ; il profiituoit fa
confiance & fes grâces aux complices
de Ces excès ; contempteur des dieux &
de leur culte , il aflfedoit de refpeder leurs
miniftres pour en faire les agens de fes
defleins. Son éloquence éblouiflante fit
croire aux peuples qu'il vouloir aflervir ,
qu'il ne combattoit que pour leurs intérêts
& leur liberté. Il ne dut (es profpérités y
ni aux négociations de fes miniftres , ni à
la capacité de fes généraux : il voyoit tout
par Ces yeux ; & comme il étoit fon propre
confeil , il exécutoit tout par lui - même.
Libéral jufqu'à la prodigalité , il fe débar-
rafîbit du poids des richefles en les verfanc
fur ceux qui pouvoient lui être utiles.
Egalement chéri & refpefté du foldat, il
fe rendoit populaire & favoit prévenir
l'abus de la familiarité. Un de fes officiers
étoit chargé de lui répéter tous les matins
ces mots : Phihppe , foui'ene\-vous que
vous êtes mortel. Perfide envers (es enne-
mis , il fepiquoit d'équité envers (es fujets :
un jour qu'il fortoit de table , où il avoiç
bu avec excès , une femme qui vint lui
demander juffice , n'en put obtenir une
PHI
tdécifîon favorable : J'en appelle , dit-elle
au roi , de Philippe ivre à Philippe à ]cun ;
le monarque, au lieu de la punir, reâiiîa
fon jugement. Une autre femme à qui il dit
qu'il n'avoit pas le temps de lui rendre
juftice , lui répliqua : Si vous n'avez pas le
temps de protéger vos fujets , cefTez d'être
roi. Démocharès , Athénien , lui ayant été
député, le monarque lui dit, faites-moi
connoître le fervice que je puis rendre aux
Athéniens ? L'orateur impudent lui répliqua,
c'eft de t'aller pendre. Philippe armé du
pouvoir , le renvoya fans le punir , & le
chargea de dire à {es .maîtres que ceux
qui (àvent entendre & pardonner de fem-
blables outrages , font plus eflimables que
ceux qui les prononcent. Inllruit des ca-
lomnies dont les orateurs d'Athènes tâ-
choient de flétrir fss adions , il leur fit
dire qu'il feroit fi circonfpeâ dans Ces
adions & dans fes paroles , qu'il les con-
vaincroit de menfonge & d'impoflure aux
yeux de toute la Grèce. Ce fut le mérite
d'Alexandre qui mit le comble à la gloire
de Philippe ; le fils jeta un plus grand
éclat , mais le père , en applanifîant les
obflacles qui s'oppofoient aux fuccès de fon
fils , montra plus de folidité : l'un , comme
dit Cicéron , fut un plus grand conquérant ,
mais l'autre fut un plus grand homme : ce
prince fut aiïaffiné à l'âge de quarante-fept
ans , après en avoir régné vingt-quatre.
Philippe II, roi de Macédoine , après
la mort de fon père Antigone , monta
fur lé trône de Macédoine 220 ans avant
Jefus-Chrift. L'aurore de fon règne fut
brillante : la Macédoine déchue de fon
ancien éclat reprit fa première fplendeur.
La guerre des Achéens lui fournit l'occa-
fion de développer fes talenspour la guerre ;
ces peuples implorèrent fon fecours contre
les Etoliens, Philippe flatté du titre de
protedeur d'un peuple opprimé ^ entra dans
i'Etolie , à la tête de quinze mille hom-
m-es , qui le rendirent maître de plufieurs
places importantes : il réuffit dans toutes
its entrcpriics tant qu'il écouta les confeils
d'Aratus , général des Achéens , habile
général , & plus habile encore dans l'art
de gouverner. Philippe avoit laiffé pren-
dre un grand afcendant fur fon efprit à
Apelle , qui après avoir été fon tuteur ,
PHI 64J
étoit devenu fon favori ; cet Apelle , obf-
curci parle-mérite d'Aratus qui partageoic
la confiance de fon maître , traverfa tous
leurs projets , perfuadé qu'en les faifanc
échouer , il fupplanteroit le rival de fa
faveur. Le jeune monarque , avec une flotte
puiiTante , defcendit datis l'île de Cépha-
lonie , où il forma le fiege de Palée^ qu'il
eut la honte de lever , par la faute des
Lcontins , dévoués au traître Apelle ; après
cet échec il marcha contre Therme, ville
où toutes les richefîês de l'Etohe étoient
accumulées. Les Macédoniens , vainqueurs
facrileges , brûlèrent le temple , briferent
les flatues , & fe retirèrent chargés des
dépouilles des dieux & des hommes ; ils
faccagerent dans leur marche la Laconie ;
& de retour à Corinthe , Philippe décou-
vrit la trahifon d' Apelle , qui fut condamné
à la mort avec fon fils.
Phihppe enivré de fes profpérités ,
s'abandonna à la bafléffe des penchans qui
jufqu'alors êtoit reffée cachée dans fon
cœur : infblent & cruel dans la vidoire ,
fans pudeur dans la débauche , il devint
l'exécration des peuples dont il avoit été
l'idole : fon humeur aigrie par les revers ,
le rendit févere jufqu'à la férocité. Après
fa défaite à la journée d'Apollonie , il fè
vengea fur fts alliés de la honte d'avoir
été battu par les Romains. Aratus lui
repréfentant l'horreur de les excès y lui
parut un cenfeur importun ; il eut la
cruauté de le faire empoifonner , oubliant
qu'il étoit redevable de fes profpérités aux
talens de ce gr^hd homme.
Quoique privé de fon fecours , il enleva
aux Etoliens la ville d'KTus , devant hiquelle
les plus grands capitaines avoient échoué :
cette conquête fut fuivie de deux grandes
vidoires remportées fur les EtoHens. L'anc
de fuccès lui faifoient efpérer l'empire de
la Grèce , lorfque Ptolémée , roi d'Egypte,
les Rhodiens & les Athéniens ligués le
forcèrent de foufcrire à la paix , qui fut
rompue auflî-tôt que jurée. Les Romains
commandés par Sulpitius , lui livrèrent un
combat, ou la vidoire fut vivementdifputéc;
le téméraire Philippe fe précipita au milieu
de l'infanterie romaine ; & cette efpece
de défefpoir occafiona un grand carnage
pour lé délivrer. Philippe , après avoir
^4» P H ï -
ravagé les terres des Rhodiens , fondit fur
les provinces d'Attale , allié des. Romains.
Quelques échecs efluyés le rendirent plus
barbare y il fembloic ne faire la guerre que
pour changer en défcrts les contrées ^les
plus floriflantes. S'étant rendu maître
de Cios en Bythinie , il fit périr au
milieu des fupplices les principaux ha-
bitans : ceux qui n'expirèrent point par
le fer & le feu , furent réfervés pour
i'efclavage. Après avoir afTouvi fa ven-
geance brutale , il fit mettre le fiege devant
Abydos , ville fituée fur FHéiefpont , dans
l'endroit que nous appelions le détroit des
Dardanelles. Les habitans voyant qu'il cxi-
geoit d'eux de fe rendre à difcrétion ,
réfoiurent de périr les armes ;\ la main ;
il fut arrêté qu'auffi-tôt que les affiégeans
feroient maîtres des remparts , cinquante
des principaux citoyens égorgeroient les
femmes , les enfans & les vieillards dans
le temple de Diane , après qu'on auroit
jeté dans la mer les effets & les métaux
qui pouvoient flatter la cupidité de l'en-
nemi. Cette délibération fcellée par des
ferraens , eut une prompte exécution : les
Macédoniens étant entrés dans la ville ,
virent avec horreur des furieux égorger
leurs femmes & leurs enfans , pour les
fouftraire à I'efclavage; tous dans chaque
famille firent l'office de bourreaux.
L'humetsr inquiète & guerrière de Phi-
lippe le rendoif incapable de repos ; il
fond , le fer & la flamme à la main , fur
l'Attique : les Athéniens demandent du
fecours aux Roraaips , qui envoyèrent Va-
Iprius-Levinus .avec une flotte fur les côtes
^e la Macédoine. ^Philippe , (ans être
étonné du nom de fcs nouveaux ennemis ,
fe préfente devant Athènes : fon arrivée eft
Cgnalée par une viâoire. Les Athéniens
forcés de rentrer dans leur ville , y dé-
fièrent impunément leur vainqueur. Les
Etoliens & les Thébairts raflurés par la
préfence des Romains , fe déclarèrent
pour eux : Quintius-Flaminius , fécondé
de leur alliance , engagea un combat près
de Cynofcéphale dans . la ThefîIiKe ; l'iné-
galité du terrain rendit inutile la phalange
Macédonienne. Philippe vaincu fe vit dans
âa néceflîté de foufcrire à toutes les con-
.ditions que le vainqueur daigna lui im-
PHI
pofcf ; & il ne fut plus qu'uti fantôme ie
roi , qui ne parut fenfible qu'au fouvenir de
fon ancienne grandeur.
Des chagrins domeftiques femerenf une
nouvelle amçrtume fur {qs jours ; le mérite
de fon fils Démétrius excita fa jaloufie :
fon frère Perfée , pour rapprocher l'inter-
valle qui le féparoit du trône , l'accufa de
former des complots pour hâter le moment
de régnera Le foupçonneux Philippe le
fit empoifonner ; mais ce parricide rendit
fon cœur la proie des remords : fa vie ne
fut plus qju'un fupplice , & il eût exhé-
rédé Perfée pour le punir de fa délation ,
fi la mort n'eût prévenu la jufte ven-
geance : il mourut 178 ans avant notre
£re.(T-N.)
Philippe, (Marc-Jule) (Hift. rom.)
pafîa des plus bas emplois à la première
dignité du monde ; né en Arabie de parens
obfcurs , il fut l'artilan de fa fortune , &
il eût paru digne de l'empire romain , s'il
ne Tavoit point acheté par le meurtre de
fon bienfaideur. Gordien , qui l'avoit fait
capitaine de Ç^s gardes & le dépofitaire de
its fecrets , alluma dans fon cœur une
ambition dont il fut la viâime , & à force
de lui parler des douceurs de commander,
il aiguifa le poignard qui lui perça le fein.
Philippe , par (ts largelTes , corrompit
les légions dont les fufFrages ['élevèrent à
l'empire. L'impatience de fe montrer aux
Romains pour faire confirmer fon éledion
par le fénat , lui fit trahir les intérêts de
l'état par la ceflîon de la Méfopotamie aux
Perfes. Dès qu'il fut arrivé dans la capi-
tale du . monde , il captiva le cœur du
peuple par fa popularité & (es largefTes.
Le tréfor public fut ouvert pour faire des
établiffemens utiles , & fur-tout pour la
conflrudion d'un canal qui fournit de l'eau
H un quartier de Rome qui en manquoit.
Il favoit qu'il ne falloit aux Romains que
du pain & àçs fpeâacles .; ce fut pour leur
complaire qu'il célébra [es jeux féculaires
avec une magnificence qui éclipfa tout ce
qu'on avoit vu jufqu'alors. Deux mille
gladiateurs combattirent jufqu'à la mort.
Chaque pays fournit àts bêtes féroces dans
le cirque. Le théâtre de Pompée offrit des
fcenes variées pendant trois jours & trois
nuits. Ce fut en carefîànt le goût du
peuple ,
PHI
peuple , qu'il fe maintint fur un trône fouillé
du iang de fon bienfaiteur : mais cette
complaifance ne put le dérober à la fureur
des foldats , qui le malFacrerent près de Vé-
rone , après fa défaite par Dece , qui s'étoit
fait proclamer empereur par l'armée de
Pannonie. Il étoit alors âgé de quarante-
cinq ans, & il en avoit régné cinq & demi.
( T-N. )
Philippe de Suabe , ( mji. d'AlUm, )
XV^. roi ou empereur de Germanie de-
puis Conrad I , XXI». empereur d'Occi-
dent depuis Charlcmagne , né en 1180 ,
de Frédéric Barberoulfe & de Béatrix de
Bourgogne , duc de Tofcane en 1 195 , de
Suabe en 1196, élu empereur en 1197,
mort en 1228 , le 22 juin.
Si l'on en excepte rére(5èion de la Bo-
hême en royaume , le règne de Philippe
ii'eft marqué par aucun événement mémo-
rable. Né avec tous les talens du cmiqué-
rant & de l'homme d'état , ce prince parut
infènfible à fa gloire, & ne fongea qu'à
rendre le calme à l'empire. Nommé tuteur
de Frédéric II, & régent du royaume pen-
dant fa minorité , il fut obligé de prendre
la couronne pour lui - même , parce que
les états & le pppe ne vou-lant pas recon-
noître le jeune Frédéric , il étoit à crain-
dre que le fceptre ne pafsât dans une fa-
mille ennemie de la fienue. Il eut d'abord
à efliiyer toutes les contradié^ions de la
cour de Rome , qui haiïToit les Suabes ,
moins par rapport aux cruautés exercées
par Henri VI , qu'à leur puiffauce & à leur
fierté , qui ne leur avoit jamais permis de
reconuoître un maître dans un pontife.
Innocent III , fi fameux par l'éredlion du
iànglant tribunal de l'inquifition ,' occupoit
alors le fiege apoftolique \ il expliqua lui-
même fes motifs : fi Frédéric, difoit-il,
déjà roi de Sicile , étoit encore empereur ,
il feroit à craindre que , fon royaume étant
uni à l'empire , il ne refusât un jour d'en
faire hommage à l'églife. Ce pape s'étoit
propofé d'affoiblir la maifon de Suabe : fes
îiicceffeurs firent plus , ils l'anéantirent.
Pour réufiir dans fon projet , Innocent III
fit une ligue avec plufieurs princes d'Al-
lemagne en faveur d'Othon de Brunfwik ,
refte d'une famille illuftre & puiflante ,
mais ruinée par les derniers empereurs.
TomeXXr,
PHI 64^
Le pape defiroit , avec une ardeur fi vive
d'opérer une révolution , qu'il écrivit au
roi de France ( Philippe- Augufte ) , qu'il
falloit que Philippe perdît l'empire ou qu'il
perdît le pontificat. Quelques princes d'Al-
lemagne avoient vendu la couronne à un
troifieme concurrent , qui ne la pouvant
confèrver , fut obligé de la revendre à
Philippe qui , après, avoir défait Othon IV
dans plufieurs combats , convoqua une
afi"emblée générale : il fit un difcours aux
états pour leur infpirer des fêntimens paci-
fiques \ il dépofa les marques de fa dignité ,
s'offrant généreufement à defcendre du
trône , s'ils connoiflbient quelqu'un qui fût
plus digne d'y monter. Cette magnanimité
lui concilia tous les cœurs, & tous les
fuffrages fe réunirent pour l'engager à con-
fèrver une couronne dont il étoit vraiment
digne. On prétend qu'il confentit qu'Othon
régnât après lui : mais eft-il croyable que
ce prince eût voulu écarter Frédéric II ,
fon neveu , d'un trône où ce jeune prince
avoit déjà été appelle par les vœux de la
nation ? Philippe mit tous fès foins à fè
réconcilier avec Innocent III. Ce pape
étoit bien capable d'exciter {^^ inquiétu-
des : c'étoit l'ame de Grégoire VII , qu'il
fiirpafibit encore par la force de fon génie.
C'eft ce pape que l'on vit dans les croifàdes
abandonner avec adrefle le foin ftérile de
délivrer la terre - fainte pour fe faifir de
Conftantinople , conquête bien plus im-
portante pour fon fiege. L'accommodement
fe fit , à condition que l'empereur don-
neroit fa fille en mariage à Richard , neveu
du pontife , avec tous fos droits fur la
Tofcane , la Marche-d'Ancone 5f le duché
de Spolettte. Les uns prétendent qu'Othon
fut compris dans le traité ^ d'autres qu'il
fut oublié. Philippe ne put recueillir le
fruit de cette paix qui étoit fon ouvrage ;
il fut aflafiîné par Othon de Vitelsbak ,
qui le furprit au lit comme on venoit
de le iaigner , & lui coupa la gorge d'un
coup de fabre. La haine de cet aflàfliu
étoit excitée par le refus qu'avoit fait l'em-
pereur < de lui donner une des princeffes
fès • filles , parce qu'il s'étoit déjà fouillé
d'un parricide* Philippe avoit le vilàge
beau , les cheveux blonds , le corps ïo)b\^
& un peu maigre j ^a taille étoit médio-;
^N una
é^o PHI
cre. Les avantages de fon efprit étoient
bien au deffus de ceux de fon corps. Il
étoit doux , huinain , libéral ; il favoit
pardonner à propos ;, il avoit une éloquence
naturelle & peu ordinaire dans un prince.
Inftruit par la nature & par l'art à difîî-
muler , il ne fe fit jamais une funefte
étude de tromper ou de trahir. L'hiftoire
ne lui reproche aucun crime politique.
Sa valeur qui lui afTura le trône , avoit
facilité les fuccès de Henri VI , fon frère
& ion prédécefleur. Son corps fut enterré
dans l'églife de Bamberg , d'où fon neveu
Frédéric le fit tranfporter dans celle de
Spire. Il eut , de fon mariage avec Irène ,
fœur d'Alexis , empereur de Conftantino-
ple , quatre filles , Cunegonde , femme de
Winceflas , roi de Bohême ^ Marie , femme
de Henri , duc de Brabant ^ Ethie ou
Elife , femme de Ferdinand III , roi de
Caitille -, & Béatrice , femme d'Othon IV.
On prétend que fa mort caufa celle de
l'impératrice , qui ne put vaincre fa dou-
leur. C M-r. )
Philippe I, (Hijî.de France.) étoit
né en 1052. Il parvint à la couronne de
France en 1060. Pendant la minorité du
roi , la régence fut confiée à Baudouin fon
oncle , comte de Flandr». Après la mort
de Baudouin , Philippe âgé de quinze ans ,
gouverna par lui-même. La fougue, natu-
relle à fon âge , lui mit les armes à la
main j mais il fut vaincu par Robert , fils
puîné de Baudouin , qui avoit ufurpé le
patrimoine de fes iieveux. En 1091 ,
Philippe répudia la reine Berthe , fit
enlever Bertrade de Montfort , femme du
comte d'Anjou , & l'époufa publiquement.
Rome lança fes foudres ^ Philippe paroît
les braver ^ Rome l'excommunie de nou-
veau. Incapable de contenir par lui-m.ême
le peuple que les prélats excitoient à la
révolte , il alfocie à fou trône Louis-le-
Gros fon fils , l'amour de la nation. La
préfence du jeune prince fait rentrer les
fadlieux dans le devoir. Philippe reçoit
enfin fon abfoluîion , promet de i;envoyer
Bertrade , & continue de vivre avec elle.
Il ne paroît pas que la cour de Rome ait
jamais approuvé fon mariage. Mais le
comte d'Anjou , plus intéreflé que le pape
à cette aflfaire 5 fembla y confeiitir, Phi-
P H I
lippe mourut à Melun , le 29 juillet iioS,
C'étoit un prince livré à fes plaifirs , efclave
de ks paiîions , incapable de céder à {^qs
remords , 8c de les étouffer.
Philippe II , fumommé Auguste ,
roi de France , n'avoit que quinze ans
lorfqu'il parvint à la couronne en 11 80.
Né avec des pallions vives , des talens
précoces , un defir infatiable de gloire ,
fon caraftere indocile hii fit rejeter les
confeils de fa micre , qui vouloit rompre
le mariage projeté avec la fille de Bau-
douin , comte de Flandre. La reine , plus
injulle que fon fils , arma contre lui le
roi d'Angleterre. Philippe battit les An-
glois , époufa fa maîtrefle , & força fa
mère au filence : plufîeurs valTaux fe révol-
tèrent , il les vainquit &: leur pardonna ;
mais bientôt les villes du Vexin , qui
dévoient retourner à la couronne après la
mort de Marguerite , fœur de Philippe ,
époufe de Henri II , roi d'Angleterre ,
rallum.crent la difcorde entre les deux rois
en II 86. Riciiard , fils de Henri , fe jeta
dans le parti de Philippe. La guerre fe
réveilla encore entre Philippe & Richard ,
fijcceifeur de Henri. La cour de Rome ,
qui avoit befoin des àcviSi rois pour com-
battre les infidèles , réufilt enfin à rap-
procher leurs intérêts. La paix fut à peine
lignée , qu'ils allèrent porter la guerre eii
Afîe : Acre fut pris ^ mais les querelles
fans celle reuailîantes de Richard & de
Philippe fufpendirent plus d'une fois les
opérations des Chrétiens. Le roi revint en
France en 11 92 , & s'empara de la plus
belle portion de la Normandie. Richard,
échappé des fers où l'empereur le rete-
noit , tourna fes armes contre la France,
Un traité ne produifit qu'un calme mo-
mentané ^ on fe remet en campagne ,
Philippe enveloppé par les Anglois , lè
fait jour l'épée à la main , court à Gifor-s ,
le pont fë rompt fous lui , il tombe dans
la rivière , & fon cheval \m fauve la vie»
Richard meurt ; Jean-fans Terre fait jeter
dans un cachot Artus fon neveu , qui avoit
des droits fur la couronne : le jeune prince
périt ^ Jean , qyi s'étoit emparé du royaume
d'Angleterre , eft cité à la cour des pairs
de France : il ne comparoît point , ies
biens fout coufifqués , la Normandie cSl
PHI
réunie à la couronne ^ le Maine eft con-
quis , la Touraine Ce foumet , & les habi-
tans du Poitou impatiens de fêcouer le
joug Anglois , reçoivent Philippe avec
des acclamations de joie ^ ce fut l'an 12.02
que ces provinces changèrent de maître.
Philippe fut affez fage pour ne pas
s'engager dans la quatrième croifade , qui
fut publiée en 1204^ mais il fut allez
imprudent pour autorifèr celle qui le pré-
paroit contre les Albigeois. Ce fut dans
cette guerre que les Chrétiens montrèrent
qu'ils font plus acharnés contre eux-mêmes
que contre leurs ennemis ^ jamais les Sarra-
iias n'elTuyerent autant de maux que les
malheureux hérétiques du Languedoc.
Cependant les Anglois font, en 1213 ,
«ne irruption dans la Flandre ^ Philippe
y court , & brûle leur flotte. L'empereur
Othon IV fè ligue avec l'Angleterre , &
paroît à la tête d'une armée de deux cents
mille hommes ^ on en vient aux mains
près de Bouvines. On prétend qu'avant le
combat Philippe dit aux foldâts ; « Fran-
» çois , voilà ma couronne \ s'il en eft
» un parmi vous plus digne que moi de
» la porter , qu'il fe montre , je la lui
» mets fur la tête , mais fi vous me
3) croyez digne de vous commander ,
» fongez qu'il y va aujourd'hui du falut
» & de l'honneur de la France. » Philippe
fit éclater tout le génie d'un général , tout
le courage d'un Toldat \ renverfé fous les
pies des chevaux , il fe releva plus terrible
& gagna la bataille.
Jean venoit d'être détrône en Angle-
terre j Louis fils de Philippe y fut appelle ^
. mais cette révolution palfagere ne lui
offrit la couronne que pour la lui ravir
aufll-tôt.
La cour de Rome pria Philippe d'a-
jouter à Cts domaines tout ce qu'on avoit
conquis fur Raimond, comte de Tou-
loufè , & fur les Albigeois j le roi méprifà
les dons des papes , comme il avoit méprifé
leurs foudres. Ce prince mourut Je 15
juillet 1223, âgé'de 59 ans. Si l'on n'en-
vifàge en lui que les qualités guerrières ,
c'eft un des plus grands hommes qui aient
gouverné la France : il conquit la Nor-
mandie , l'Anjou , le Maine la Touraine ,
ie Poitou , l'Auvergne , le Vermandois ,
PHI. ^51
\ l'Artois , ô'c.... Infatigable dans les travaux
de la guerre , faiîs luxe dans Ces camps ,
fans molleffe dans fa tente , fàge & calme
avant le combat , terrible dans la mêlée ,
doux après la vi^loire , il avoit toutes les
qualités que l'on appelle héroïques. Il avoit
coutume de dire qu'il ne tenb^t fa couron-
ne que de Dieu & de fon épée. Ce fut
d'après ce principe qu'il lutta contre l'am-
bition de la cour de Rome avec une {a-
^qKq que l'on traitoit alors d'audace &
même d'impiété. Mais on lui reprochera
toujours une croifade inutile , les Juifs
injuftement chalfés & dépouillés , iès
éternels démêlés avec l'Angleterre , ou
l'on apperçoit autant de jaloufie contre
Henri & Richard , que de zèle pour la
défeniè & la fplendeur de l'état.
Philippe III, furnommé le Hardi,
naquit en 1245 , époufa Ifabelle d'Aragon
en 1262, &. fuiviî S. Louis, fon père ,
dans fa dernière croifade en Afrique. Ce
prince étant mort en 1270 fous les murs
de Tunis , Philippe III fut proclamé par
toute l'armée : c'étoit moins un camp qu'ua
hôpital ou plutôt un cimetière ^ la pefte
avoit enlevé des milliers de foldats , le
refèe languiffoit. Les Sarrafins étoieut
devenus agreffeurs *, leur multitude fem-
bloit devoir accabler les François. Philippe
mérita le fiirnom de Hardi par l'audace
avec laquelle il les repouffa : il conclut
avec eux une trêve de dix ans , & revint
en France, où il fut facré e^ 12,71^ il
y trouva quelques révoltes que l'ablènce
du maître avoit favorifées , & les calma
fans violence. La guerre qu'il déclara à
Alphonfè , roi de Caftille , parce que ce
prince avoit dépouillé de leurs droits les
enfans de Blanche , fceur de Philippe ,
ne fut pas plus funefte ^ elle fut bientôt
terminée. Philippe eut la .foibleffe de fb
laiffer gouverner par la Brofi^e , fon favori j
inais il eut le courage de le faire pendre ,
lorfque ce vil calomniateur accufa Marie
de Brabant , féconde femme du roi ,
d'avoir empoifbnné Louis , l'un de Ces
enfans du premier lit. Ce prince mourut
en 1285, dans la quarantième année de
fbn à^. La gloire de fon règne fut entiè-
rement èlïàcée par celui qui l'avoit pré- '
eéd(é j il eût paru grand peut- être , s'il"
N n n n i
^5î PHI
avoit remplacé un prince foible ou mé
chant ;, mais c'étoit beaucoup , en fuccédant
à Louis IX, de ne pas fe montrer indigne
d'un tçl père. Ce fut fous fon. règne que
Pierre , roi d'Aragon , fit égorger tous les
François qui étoient en Sicile , époque qui
n'eft que trop connue fous le nom de
vêpres Jiciliennes.
Philippe IV, furnommé le Bel,
fîjs & fucceffeur de Philippe III ^ il par-
vint à la couronne en 1285 ^ il pofîédoit
déjà celle de Navarre ^ Jeanne fon époufe ,
la lui avoit apportée pour dot. Charles de
Valois , roi de Sicile , étoit dans les fers ;,
Jacques , frère d'Alphonfe , roi d'Aragon ,
l'y retenoit. Philippe obtint fa liberté ^
inais à peine échappé de fa priibn , Charles
alla mettre l'Italie en feu , & reprit fes
prétentions auxquelles il avoit renoncé.
Cependant une infiilte faite par les An-
glois à quelques vaillèaux Normands , excite
une querelle férieufe : l'Angleterre & l'em
pire fe liguent contre la France : Edouard
eft cité à la cour des pairs , comme vaiTal
de la couronne : il ne comparoit point ;,
on le déclare convaincu de félonie , & fon
duché de Guienne eft confifqué. Philippe
y envoie des princes de fon fàng à la
tête d'une armée i pour lui il pénètre dans
la Flandre , & fe faifit de la perfonne du
comte Guy , fanatique partifan du roi
d'Angleterre. Edouard demanda la paix^
on négocia ; le pape Boniface VIII voulut
dans cette querelle jouer le rôle d'arbi-
tre des rois; fa bulle fut déchirée en
France ^ Philippe fut excommunié , mais
il brava les foudres de Rome , & fut
en lancer de plus réelles. De plus grands
intérêts afîbupirent ce différend pour quel-
que temps ^ la guerre continuoit entre
l'Angleterre & la France ^ on fe menaçoit
en Champagne ,* on fè battoit en Guienne 3
une trêve fùfpendit les hoftilités , & l'on
convint, en 1297, que Marguerite fœur
de Philippe , épouferoit Edouard I ^ qu'Ifà-
belle de France s'uniroit à Edouard ,
héritier préfomptif de la couronne d'An-
gleterre , & que cette princefTe lui appor-
teroit pour dot la Guienne , dont fon
époux devoit rendre hommage au roi de
France.
Philippe avoit défendu aux feigne urs de
PHI
prendre les armes contre eux-mêmes , tant
qu'il les auroit à la main contre l'Angle-
terre. Puifqu'il avoit aiTez d'autorité pour
affoupir ces guerres privées pendant quel-
ques années , que ne les éloignoit-il pour
toujours ? Ces petits combats minoient
lentement l'édifice de l'état : ce n'étoient
que des elcarmouches ; mais elles étoient
fi fréquentes , qu'en livrant une bataille
chaque année , on auroit perdu moins de
{àng , & caufé moins de ravages.
Cependant en Flandre toutes les gar-
nifons françoifes font maffacrées. L'an
1302 , un tilferand , à la tête d'un ramas
de payfans , taille en pièces une armée de
cinquante mille François , qui dédaignoient
de îe tenir en garde contre cette troupe
indifciplinée. D'un autre côté , Boniface
VIII ne pardonnoit pas à Philippe de
n'avoir pas voulu partager avec lui les
décimes levées fur le clergé de France \
il l'excommunia , & jeta fur le royaume un
interdit général. Philippe envoya Nogaret
en Italie^ fidèle miniftrede la vengeance de
Ion maître , cet officier fe faiiît de la per-
fonne du pontife : la mort de Boniface qui
arriva peu de temps après , prévint les
fuites de cette affaire.
Il reftoit encore à Philippe un affront
à venger , c'étoit la défaite de Courtrai.
Il entra en Flandre à la tête d'une armée ,
& préfenta la bataille aux Flamands près
de Mons-en-Puelie. Ce prince fit des pro-
diges de bravoure , & demeura maître du
champ de bataille , le 18 août 1304. A
fon retour , il attaqua des ennemis plus
difficiles à vaincre que les Flamands \ c'é-
toient \^% préjugés de fon fiecle : il tqita
d'abulir cet ufage atroce de prendre la bra-
voure ou l'adreffe pour juge de toutes les
conteftations \ mais malgré cette fage ordon-
nance , le duel fe renouvella encore.
L'ordre des templiers étoit parvenu à
un degré de puiffance qui excitoit la ja-
loufie de tous les corps de l'état. Il feroit
difficile de prononcer , d'une manière déci-
five , fur \ts motifs qui déterminèrent Phi-
lippe ^ en 13 12, à anéantir cet ordre.
Des accufations ridicules furent le prétexte
de cette perfécution , peu s'en faut , auffi
affeeufè que le fut depuis le maffacre de
la làiut Barthelemi. Ou reproche eucore
PHI
à Philippe d'avoir altéré la monnoie ^ on
l'appelloit à Rome faux monoyeur. Ces
fautes ne Tont point alFez réparées par les
loix qu'il établit contre le luxe , & par les
titres de noblelfe qu'il accorda aux François
qui avoient bien fervi l'état. Il mourut
le 20 novembre 13 14. Ce prince avoit de
grandes qualités \ mais il étoit facile à ré-
duire , opiniâtre dans ion erreur, impla-
cable dans fes vengeances j il fit tant de
mal , qu'on ofe à peine le louer du bien
qu'il a fait.
Philippe V , furnommé le Long ,
étoit frère de Louis X , & lui fiiccéda
l'an 1316. Un parti confidérable voulut,
au m>épris de la loi falique , placer fur le
trône Jeanne , fille de Louis ^ mais Phi-
lippe triompha de cette faction: il avoit
époufé Jeanne , fille & héritière d'Othon ,
comte de Bourgogne , & de Mahaud ,
comtelTe d'Artois. Robert d'Artois pré-
tendoit encore à ce comté ^ il fut déclaré
déchu de fes prétentions , & prit en vain
les armes pour les foutenir : les Flamands
ne tardèrent pas à lever l'étendard de la
révolte qu'ils avoient tant de fois arboré j
la paix fut l'ouvrage de la cour de Rome j
elle fut conclue le 2 juin 1320. Cette
guerre , qui avoit duré feize années ,
avoit fait couler beaucoup de fang, fans
rendre ni les Flamands plus libres , ni les
rois de France plus puifTans. Un des projets
de Philippe- le-Long ^ étoit d'établir dans
toute l'étendue du royaume , une même
monnoie , un même poids , une même
mefure. Peut-être le fuccès de cette opé-
ration lui auroit-il fait featir au/Ti la ,iié-
celTîté de donner un même code à toutes
nos provinces. . Mais la mort le prévint
avant qu'il eut même achevé la première
entreprife. Elle l'enleva le 3 janvier 1322 ,
à l'âge de 28 ans. Ce prince donuoit les
plus belles efpérances. Sa modération eft
d'autant plus fublime , qu'il étoit né vif
& impétueux. Les courtifans l'excitoient
un jour à châtier l'archevêque de Paris ,
prélat inquiet , ennemi (ecret de ion
maître. « Il eiî beau , répondit Philippe ,
)) de pouvoir ie venger éc de ne le pas
w faire. »
Philippe VI ( de Valois ,) roi de
France. Charles -le-Bel étoit mort faiis
PHI ^53
enfans mâles en 1328. Philippe-de-Valois
étoit fils de Charles , frère de Philippe-
le-Bel ; Edouard III , roi d'Angleterre
étoit , par fa mère Ifabelle , petit- fils du
même Philippe- le-Bel. Si les femmes
avoient pu fuccéder à la couronne de
France , elle lui auroit appartenu j mais
la loi étoit pofitive ^ Philippe-de- Valois
étoit l'héritier du trône. Edouard ci"ut
que quelques viâoires lui tiendroient lieu
des droits qu'il n'avoit pas j il prit les
armes , & vint diiputer la couronne à
Philippe. Celui - ci fe montra digne de
régner . par un adle d'équité bien rare. Il
rendit à^ Jeanne , fille de Louis-le-Hutin ,
le royaume de Navarre , dont , fous le
nom de tuteurs , Philippe IV & Charles
IV s'étoient emparés. Au lieu de ralfem-
bler fes forces contre l'Angleterre qui
exerçoit déjaxles fiennes, Philippe j moins
attentif à fes intérêts qu'à ceux de iès
valiâux 5 alla foumettre les Flamands qui
s'étoient révoltés contre Louis leur comte.
Il s'avança jufqu'à MontcaiTel ^ les rebelles
vinrent fondre iùr fon camp , & y por-
tèrent le défordre. La bravoure du roi
rétablit le combat^ l'IlFue en fut glorieufe
pour les François ^ le chainp de bataille
leur demeura , & toute la Flandre ie
fournit ^ mais il falloit réferver tant de
bravoure & de bonheur pour la journée
de Créci. « Mon çoufîn , dit Philippe au
» comte , fi vous aviez gouverné plus
» fagement , je n'aurois pas été forcé de
)) répandre tant de fang pour rétablir
» votre autorité : fongez à l'avenir que
w Çx le devoir du fujet eft la foumiifion ,
w celui du fouverain eft la juftice. w Phi-
lippe avoit achevé d'épuifer , dans cette
guerre , fes finances & iès forces j
Edouard augmentoit les fiennes par tous
les fecours que lui envoyoient l'empereur ,
le comte de Hainaut & d'autres princes.
La guerre fut bientôt alluinée. Edouard
paiTa la mer & ravagea la Flandre. Ce-
pendant en 1329 il avoit rendu au roi un
hommage- lige , comme duc d'Aquitaine,
Mais les rois ne craignoient pas de lailfer
entrevoir des contradiéiions dans leur
conduite. Ce qu'il y a d'inconcevable ,
c'eft que dans la trifte fîtuation où la
France & le roi ie trouvoieut, Philippe
<J54 PHI
fongeolt à aller attaquer les Sarrafïns , au
lieu de fe défendre contre les Anglois. Heu-
reufement cette croifade, projetée par Phi-
lippe & par le pape , ne trouva d'autres par-
tifans qu'eux-mêmes.
Tandis que le roi méditoit des con-
quêtes en Afie , Edouard en faifoit en
JF.landre \ mais les troubles d'EcofTe le
forcèrent à repaffer en Angleterre. A la
favsur de la difcorde qui régnoit entre la
cou/ de Paris & celle de Londres , Jean
IV , comte de Montfort , avoit ufurpé le
duché de Bretagne fur Jeanne , époufè
de Charles , comte de Blois , & nicce de
Jean lïl. Jean IV avoit rendu hommage
de ce duché à Edouard \ il falkrt porter
la guer/e en Bretagne ç, Philippe la fit
avec fuccès. Mais les viôoires qu'il rem-
portoit iur ies fujets , étoient autant de
pertes réelles ^ Montfort fut pris & mourut
dans les fers. P/z/7//>/j^ , l'an 1343, conclut
avec Edouard une trêve dont ce prince
profita pour faire des préparatifs de guerre.
On reprit les armes en 1 346. On en vint
aux mains près de Créci ^ les Anglois fe
fervirent avec avantage de leur artillerie ,
învenrion nouvelle dont les François ne
faifoient point encore ufage \ ceux-ci
furent entièrement défaits. Edouard aflié-
•Çea Calais : on connoît la géiiéreule réfif-
taiice des habitans , l'emportement d'E-
donarxl , le dévouement héroïque d'Euf-
tache Sîde k^ compagnons, enfin la prifè
de la ville. Toute la France fut indignée
de ce que Philippe n'avoit point fecouru
ces braves aiîiégés \ pour prix de leur
fidélité , il leur donna tous les offices qui
viendroient à vaquer , foit à la nomina-
tion , foit à celle de ^^% enfans , jufqu'à
ce qu'ils fulTent dédommagés de leurs
pertes.
Pour comble de malheurs , une pefte
afFreufè ravagea l'Europe. On crut appai-
ièr le ciel par des macérations. Tandis
que l'épidémie détruifoit l'efpece humai-
ne , la fedte des Flagellans la désho-
noroit. Avec quelques coups de difcipline
on croyoit guérir des maux incurables , &
çffâcer les plus grands crimes. Ces péni-
tens devenus voleurs , furent un fléau
plus terrible que la pefte qui les avoit
fait naître. 11 fallut toute l'autorité des
PHI
pontifes & des rois pour réprimer leurs
excès. ,
Si les armes de Philippe étoient mal-
heureufcs au nord de la France , fa poli-
tique étoit heureufe au midi. Humbert H ,
prince de la maifon de la Tour-du-Pin ,
lui céda le Dauphiné en 1349. Il acquit
encore le comté de Montpellier , domaine
du roi de Majorque , & jouit peu de ces
paifibles conquêtes. Il mourut le 22 août
1350. On l'avoitfurnommé le/orrw/2/ après
la bataille de Montcaffel \ mais il fut dans
la fuite le plus malheureux des princes ,
& le peuple reconnut qu'il s'étoit trop hâté
de lui donner un furnom. Philippe avoit la
bravoure d'un foldat , les vertus d'un ci-
toyen ; mais il n'avoit pas les talens d'un
roi. Inexorable pour les financiers lorfque
leurs concuflions éclatoient au grand jour ,
il oublioit qu'il vaut mieux prévenir le
crime que de le punir j téméraire à la
guerre , mal-adroit dans la plupart de fes
négociations , il croyoit que toutes les
grandes qualités d'un prince peuvent être
fuppléées par la bravoure & la probité.
S'il eût été fécondé par la nation dans
fon projet de croifade , s'il eût amené avec
lui en Afie toutes les forces de l'état , c'en
étoit fait , la France étoit perdue , &nous
étions Anglois. ( M. de Sacy. )
* Philippe I , ( Hijîoire d'Efpagne. )
furnommé le Beau ou le BeL , à caulè
des grâces de fâ figure , étoit fils de l'em-
pereur Maximilien I & de Marie de
Bourgogne. Il monta fur le trône d'Ef-
pagne en 1 504 , par Ion mariage avec
Jeanne , furnommée la Folle , reine d'El^
pagne , féconde filie & principale héri-
tière de Ferdinand V , roi d'Aragon , &
d'Ifabelle , reine de Caftille. Il ne régna
pas deux ans , étant mort à Burgos en
1506.
Philippe II , fils de Charles-Quint
& d'Ifabelle de Portugal, fiiccéda à ion
père en i55<5 , après l'abdication de ce-
lui-ci. Jamais règne ne flit plus fécond
en événemens ^ jamais prince ne forma
tant & de fi vaftes projets ^ & quoiqu'il
ne manquât ni de génie , ni de reflburces
pour les faire réuffir , levénemeut juftifia
prefque toujours cette maxime , qu'une
ambition démefurée eil la ruine des états.
PHI
Ce prince commença par faire la guerre
à la France j mais il ne fut pas profiter
des vi61oires de Saint - Quentin & de
Gravelines. La paix glorieufe de Cateau-
Cambrefis , chef-d'œuvre de fa politique ,
Taveugla fur des intérêts plus réels. Il
alluma les bûchers de l'inquifition , & prit
un plaifir barbare à voir blûler fes mal-
heureux fujéts. Il conquit le Portugal ',
mais cette conquête ne le dédommageoit
pas de la perte d'une partie des Pays-Bas.
Il fe déclara le protecteur de la ligue ^
& , en voulant démembrer la France par
les faftions que fon argent y fomentoit ,
il lailfa entamer fon patrimoine, & couper
des fburces d'où cet argent couloit dans
fes coffres. Il porta (es vues ambitieufes
fur la couronne d'Angleterre , entreprife
malheureufe qui coûta à l'Efpagne quarante
millions de ducats , vingt-cinq mille hom-
mes Se cent vaiffeaux : c'étoit acheter bien
cher la honte de ne pas réuflir. Enfin il
afix)iblit fes forces en Efpagne pour s'en-
richir en Amérique ;, & malgré les tréfors
immenfes qu'il tira du nouveau monde ,
il ne lailfa à fon fucceffeur que cent qua-
rante millions de ducats de dettes. Il mou-
rut le 13 feptembre 1598 , après qua-
rante-quatre ans & huit mois de règne ,
dans la foixante-quatorzieme année de fon
âge.
Philippe III, fils du précédent
& d'Anne d'Autriche , fut obligé de re-
connoître l'indépendance des Provinces-
Unies , de rétablir la maifbn de Naffau
dans la polfefllon de tous fes biens , &
de lailfer aux Hollandois la liberté du
commerce dans les grandes Indes. Aveuglé
par la confiance entière qu'il eut pour des
miniflres avares & defpotiqucs , il chafla
les Maures d'Efpagne , & avec eux l'in-
duftrie & les arts. Il eft vrai qu'il accorda
enfuite les honneurs de la nobleffe &
l'exemption d'aller à la guerre , à tous
les Efpagnols qui s'adouneroient à la cul-
ture de la terre ^ mais quel bien pouroit
produire une telle prérogative , fiir une
nation qui fe faifoit gloire de fa parelfe
& du funelle métier des armes ? Ce prince
mourut eu 1621 , âgé de quarante-trois
ans.
Philippe IV ,• fils de Philippe III &
P H î ^5 j
de Marguerite d'Autriche , fuccéda à fou
père. Il fit la guerre aux Hollandois 9
d'abord avec avantage , puis avec perte.
Il voulut s'en venger {iir la France : ics
armes eurent le même fort ;, & il vit des
provinces entières pafTer fous la domination
de fon ennemi. Le Portugal fccoua aufîî
le joug de l'Efpagne , & recontuit poiM-
roi le duc de Bragance : ce qui lui reftoft
du Brefil lui échappa de même. Peu feii-
fible à tant de pertes , il s'en confoloit
dans le fein des plaifirs. Ainfi vécut dans
une molleffe honteufe Philippe IF , m.
aimé , ni craint, ni refpeâé de (qs fujets.
Ils parurent avoir pour lui l'indifférence
qu'il eut pour eux. II mourut en 1675 ,
âgé de foixante & dix ans.
Philippe V , duc d'Anjou , fécond fils
de Louis , dauphin de France , & de
Marie- Anne de Bavière , né à Verfailles
en 1683 , fut appelle au trône d'Efpagne
par le teftament de Charles II ; mais il
eut bien de la peine à s'y affermir. Il
oppofà à tous les obftacles une confiance
inébranlable , qui à la fin en triompha.
Après la paix d'Utrecht , Philippe eut la
confolation de voir la couronne d'Efpagne
affurée pour jamais à fa poftérité dans la
ligne miafculine. En 1720, ce monarque
fe dégoûta du rang fuprôme qui lui avoit
tant coûté. II abdiqua en faveur de Louis
fon fils. Celui-ci ne régna que quelques
mois. Sa mort précoce rappeila Philippe
fur un trône qu'il n'eût jamais dû quitter :
alors il fe montra vraiment digne de ré-
gner. II réforma la juftice , mit les loik
en vigueur , fit fleurir le comnîerce, anima
l'indufirie , appella les arts , établit àes
manufadhircs , rétablit là marine & la dis-
cipline inilitaire , encouragea hs fciences ,
fut aimé de iès fiijets , & s'acquit des
droits aux hommages de la poftérité. Phi-
lippe V mourut en 1746 , âgé de foixante
quatre *is , dont il en avoit régné qua?
rante-cinq.
Philippes , bataille àe , ( Rifi. rom. )
Cette bataille fe donna l'an 71 1 de Rome
fiir la fin de l'automne. Brutus & Cafllus ,
les derniers Romains , y périrent , & leurs
troupes furent entièrement défaites par
celles d'Oâavien. Cette ville de Philippes
étoit de Phthiotide , petite province de
6^6 P H T
ThelTalie ^ &: c eft une chofe afTez remar-
quable , que la bataille de Pharfale & celle
de Philippes qui porta le dernier coup à
la liberté des Romains , fë foieut données
dans le même pays & daus les mêmes
plaines.
Philippes , ( Géogr. anc, ) en latin
Thilippi , ville de la Macédoine , félon
quelques-uns , & de la Thrace , félon le
plus grand nombre, entre le Strymon &
le Neftus ou Neiîus , affez proche de la
mer. Pline , Uv. IV , chap. xj , Pompo-
nius Mêla , Uv. Il , chap. ij , & d'autres
anciens géographes ont eu raifon de mettre
Thilippi dans la Thrace , parce qu'elle
étoit à notre égard au delà du fleuve Stry-
mon qui fépare la Macédoine proprement
dite , d'avec la Thrace.
Avant que Philipppe la fortifiât , elle fe
nommoit Dathos , & auparavant encore
on la nommoit Crénides , félon Appien ,
civil. Uv. IV , p. 650 , qui nous apprend
qu'elle étoit iituée fur une colline efcar-
pée, dont elle occupoit tout le fommet.
Les Romains y établirent une colonie. Le
titre de colonie lui ell donné dans les aétes
des apôtres , c. xvj , verf. 12 , & dans
Pline , Uv. IV , chap. xj , de même dans
plufieurs médailles. Aujourd'hui cette ville
s'appelle Philippigi , & conferve encore
quelques relies d'antiquités.
Elle eft célèbre à d'autres égards , &
particulièrement dans le Chriftianifme ,
par l'épître que faint Paul adreffa à fes
.habitans. Elle eft encore bien mémorable
dans l'hiftoire par la bataille qui s y donna
l'an de Rome 712 , & qui fut fatale à
Brutus & à Caflîus , cutn fracla vinus ,
6» minaces turpe folum tetigére mento ,
dit Horace ^ cette bataille où la valeur
même fut contrainte de céder à la force.
Caiïîus périt dans cette malheureufe jour-
née , & Brutus s'y donna la mort , défef-
pérant trop tôt du falut de fa pa||ie.
Comme l'occafion fè préfentera de pein-
dre ailleurs le caraélere de Brutus , je me
contenterai de rapporter ici ce que Célar
en augura dans la conjondiure fuivante.
Le roi Déjotarus eut une grande affaire à
Rome , dont perfonne n'ofoit entrepren-
dre la défenfc : Brutus s'en chargea ^ &
Céiàr l'a/ant entendu plaider cette caufe
PHI
dont il étoit juge , dit en fe retournant
vers fes air.is : ce il eft de la dernière impor-
» tance d'examiner fi ce que cet homm.e-
» là veut eft jufte ou non ; car ce qu'il
» veut , il le veut bien fort. )> Le roi de
la petite Arménie n'oublia jamais le fèr-
vice de Brutus ^ il fe déclara hautement
en fa faveur après l'affafîinat de Céfàr 5
mais malheureufement pour Brutus , ce
prince ne furvécut guère lui-même à cet
événement. ( JD. /. )
PHILIPPEVILLE , ( Géogr. mod. )
petite ville de France dans le Hainaut,
fur une hauteur auprès des ruiffeaux de
Jaimagne & de Bridon , à 6 lieues N. O.
de Charlemont , à 3 N. de Marienbourg ,
à 10 S. E. de Mons , & à 56 de Paris.
Ce n'étoit autrefois qu'un bourg , nommé
Corbigni , que Maris , reine de Hongrie ,
fœur de Charles - Quint , fit fortifier en
1555 î ^ qu'elle nomma Philippeville , eu
l'honneur de Philippe II , roi d'Efpagne ,
fon neveu. Il y a de nouvelles fortifications
de la façon de M. de Vauban. Long. 22.
6. lat. 50. 10. {D. J.)
PHILIPPINE , ( Géogr. ) petite ville
àcs états de la généralité , dans la Flandre
holJandoife , au bailliage de Bouchoute ,
fur la rivière de Brackman : elle n'eft que
d'environ foixante & dix maifons ^ mais
elle eft munie de fortifications confidéra-
bles. Le comte Guillaume de Naffau la
prit auxEfpagnols l'an 1633. Ceux-ci ten-
tèrent la même année de la reprendre ,
mais en vain ;, & ce fut encore en vain
qu'ils en formèrent le fiege en 1*535. Les
François furent plus heureux en 1747 ^ ils
y entrèrent alors , comme dans tant d'autres ,
pour en fbrtir à la paix de 1748. {D. J.)
PHILIPPINES {LES),{Géogr. mod.) îles
de la mer des Indes , au delà du Gange, pref-
que vis-à-vis les grandes côtes des riches
royaumes de Malaca , Siam , Camboia ,
Chiampa , Cochinchine , Tunquin , & la
Chine. Elles font fituées dans fa mer que
Magellan appella t archipel de S. Lazare ,
parce qu'il y mouilla ce jour-là fous la zone
Torride , entre l'équateur & le tropique du
Cancer.
Ces îles anciennement connues fous le
nom de Maniolœ , furent découvertes en
1521 par le même Magellan dont je viens
de
ée parier , & qui y fut tué. Elles furent
appellées Philippines du nom de Philippe
II , roi d'Efpagne , fous le règne duquel
les Efpagnols s'y font fixés en 1564'
Quand ils y entrèrent , ils y trouvèrent
trois fortes de peuples. Les Maures Malais
ëtoient maîtres des côtes , & venoient ,
comme ils le difoient eux-mêmes , de
Bornéo & de la terre-ferme de Maiaca.
De ceux-ci font fortis les Tagales , qui
font les originaires de Manille & des en-
virons , comme on le voit par leur langage
qui eft fort fembiable à celui des Malais ,
parleur couleur, par leur taille , par leurs
coutumes & leurs manières. L'arrivée de
ces peuples dans ces îles a pu être fortuite
& caulée par quelque tempête^ parce qu'on
y voit fouvent aborder des hommes dont
on n'entend point le langage. En 1690 ,
par exemple , une tempête y amena quel-
ques Japonois. Il pourroit bien fe faire
auiîi que les Malais feroient venus habiter
ces îles d'eux-mêmes y foit pour le trafic
ou autres raifons ; mais tout cela efi in-
certain.
Ceux qu'on appelle Bifayas & Pintados
dans la province de Camerinos , comme
auili à Ley te , Samal , Panay & autres
lieux, viennent vraifemblablement de Ma-
cafTar , où l'on dit qu'il y a plulieurs
peuples qui fè peignent le corps comme
des Pintados.
Pierre Fernandez de Quiros , dans la
relation de la découverte des îles de Sa-
lomon en i ^9 ^ y dit qu'ils trouvèrent à la
hauteur de io<i.nordà 1800 lieues du Pérou,
à-peu-près à la même diftance des Phi-
Uppines , une île appellée la Magdeleine ,
habitée par àts Indiens bien faits f plus
grands que les Efpagnols , qui ailoient nus ,
& dont le corps étoit peint de la même
manière que celui des Bifayas.
On doit croire que les habitans de Min-
danao , Nolo , Bool & une partie de Cébu ,
font venus de Ternate. Tout le perfuade :
le voifmage , le commerce , & leur reli-
gion , qui efl fembiable à celle des habitans
de Ternate. Les Efpagnols , en arrivant ,
les trouvèrent maîtres de ces îles.
Les noirs qui vivent dans les rochers
& dans les bois , dont l'île de Manille
cil couverte , différent entièrement des
Tome XXV.
PHI ^57
autres. Us font barbares , ^ nourrifîênt
de fruits , de racines , de ce qu'ils pren-
nent àia chaffe , & n'ont d'autre gouver-
nement que celui de la parenté , tout
obéifîànt au chef de la famille. Ils ont
choifi cette forte de vie par amour pour
la liberté : cet amour eft fi grand chez eux ,
que les noirs d'une montagne ne permettent
point à ceux d'une autre de venir fur la
leur ; autrement ils fe battent cruellement.
Ces noirs s'étant alliés avec des Indiens
fauvages , il en efl venu la tribu des Man-
ghiens y qui font des noirs ^i habitent
dans les îles de Mindora & de Mundo.
Quelques-uns ont les cheveux crépus
comme \ts nègres d'Angola , d'autres \qs
ont longs. Les Sambales , autres fauvages,
portent tous les cheveux longs , comme
[ts Indiens conquis.
Du refle , il efl encore vraifemblable
qu'il a paffé dans les Philippines des ha-
bitans de la Chine , de Sia*Ti , de Cam-
boya , & de la Cochinchine. Quoi qu'il
en foit, les Efpagnols ne poffedent guère
que \ts côtes de la plupart de ces îles.
Le cHmat y efl chaud & humide. Il y
a plufieurs volcans , & elles font fujettes
non feulement à de fréquens tremblemens
de terre , mais à des ouragans fi terribles ,
qu'ils déracinent les plus gros arbres. Ces
accidens n'empêchent point que les arbres
ne foient toujours verds , & qu'ils ne
portent deux fois l'année. Le riz vient
alfez bien dans cts îles , & les palmiers
y croiffent en abondance. Les bufles fau-
vages y font communs ; les forêts font
remplies de cerfs , de fangliers ^ & de
chèvres fauvages femblables à celles de
Sumatra. Les Efpagnols y ont apporté de
la nouvelle Efpagne , du Japon & de la
Chine , des chevaux & des vaches qui ont
beaucoup multipHé.
On tire de ce pays des perles, de
l'ambre gris , du coton , de la cire & de
la civette. Les montagnes abondent en
mines d'or , dont les rivières charrient àts
paillettes avec leur fable ; mais les. Indiens
s'attachent peu à les ramaflér, dans la
crainte qu'ils ont qu'on ne les y force par-
l'efclavage.
Les principales d'entre les Philippines
font Manille ou Luçon , Mindanao >
Oo 00
^58 PHI
Ibabao , Leytc , Paragua , Mlndoro j 1
Panay, Cébu , Bool & l'île des Noirs.
Les cartes géographiques mettent toutes
les Philippines entre le 13^ ^ ^^ ^45
degré de hongitude^ & leur latitude depuis
5 degrés jufqu'à 20. ( le chevalier DE
JaU COURT.)
Philippines, les nouvelles, ou les
iles de Palaos , ( Ge'ogr. mod. ) îles de
la mer des Indes , fituées entre les Mo-
luques , les anciennes Philippines & les
Mariannes. Le hafardles fit découvrir, au
commencâïtoenr de ce fiecle , par la vio-
lence des vents , qui portèrent à la pointe
de l'île du Samal , une des plus orientales
àes Philippines y quelques-uns des infu-
laires qui s'étoient embarqués pour fe
rendre dans une de leurs propres îles.
On en peut voir le récit dans les lettres
édifiantes.
Elles nous apprennent qu'on compte
plus de quatre-vingts nouvelles îles Philip.-
pines 5 qui forment un des beaux archipels
de l'Orient &' qui font fort peuplées. Les
habitans vont à moitié nus à caufe de la
grande chaleur. Ils ne paroiflent avoir
aucune idée de la divinité _, & n'adorent
aucune idole, ils ne connoiflent aucun
métal , fe nourriflent de poiflbns & de
fruits. Ils laiflent croître leurs cheveux
qui leur flottent fur les épaules. La cou-
leur de leur vifagc efl à-peu-près la
même que celle des Indiens des anciennes
Philippines ; mais leur langage eft en-
tièrement différent de tous ceux qu'on
■parle dans les îles efpagnoles , & même
dans les îles Mariannes. C'efl dommage
que nous n'ayions aucune connoiflance de
ces nouvelles îles & des peuples qui les
habitent ; car les Efpagnols ont fait juf-
qu'ici des tentatives inutiles pour y aborder j
les ouragans & les brifes qui régnent dans
ct?i mers , ont fait périr tous \qs vaiiTcaux
qu'ils avoient équipés pour s'y rendre.
Long, i^.^ 160 i latit. z juf qu'au 2 i.
{D. /.)
PHILIPPIQUES , f. f. plur. ( Litte'r. )
nom qu'on donne aux oraifons ou harangues
de Démofthene contre Philippe _, roi de
Macédoine. Voye\ OraISON.
■ On regarde les philippiques comme les
pièces les plus importantes de ce célèbre
PHI
orateur. Longin cite un grand nombre
d'exemples du f^yle fublime qu'il tire de
ces oraifons , & il en développe parfai-
tement les beautés. En eflfet -, la véhé-
mence & le pathétique qui faifoient le
caradere de Démoflhene , ne fe produifent
nulle part ailleurs avec plus de force que
dans ces interrogations pj cflântes , & dans
ces vives apoftrophes avec lefquelles il
tonnoit contre l'indolence & la molleiïè
des Athéniens. Quelque délicatefle qu'il
y ait dans le diicours du même orateur
contre Leptines , les philippiques l'em-
portent encore , foit par la grandeur du
fujet, foit par l'occafion qu'elles fournif-
fent à Démofthene de déployer fon princi-
pal talent , celui d'émouvoir & d'étonner.
Denys d'HalycarnafTe met l'oraifon fur
l'Halonefe au nombre des philippiques ,
& la compte pour la huitième ; mais quel-
que refpeîtable que foit l'autorité de ce
critique, cette oraifon fur l'Halonefe n'a
ni la force , ni la majefié qui , félon Cicé-
ron , caradérilènt les philippiques de Dé-
mofthene; aulli les favans la regardent-ils
généralement comme un ouvrage fuppofé.
Libanius , Photius , & d'autres l'attri-
buent à Hégéfipe , fondés principalement
fur la longueur du ftyle & liir la bafteiîe
d'expreflions qui régnent dans cette pièce ,
& qui font diamétralement oppofées à
l'énergie & à la nobleffe de l'élocution de
Démofthene.
M. de Tourreil a donné une excellente
traduéfion àts philippiques de Démofthene^
c'eft une cholè extraordinaire que de voir
tant d'efprit dans une tradudion , & de
trouver dans une langue moderne une auffi
grande partie de la force & de l'énergie
de Démofthene , & cela dans une langue
auflî toible que la langue françoifè. .
Tel eft le jugement que M. Chambcrs
a porté de la tradudion de M. de Tourreil ,
triais nos meilleurs écrivains en penfent
bien différemment.
« On a laiflc, dit M. Rollin , dans la
» dernière édition de M. de Tourreil,
» quoique beaucotfp plus travaillée 6^ plus
« correde que les précédentes , beaucoup
» d'expreflions baffes, triviales; & d'uti
»} autre côté le ftyle en eft quelquefois
» enflé & empoulé ( & il doiine à^s exera-
P H ï
» pies Je l'un & de ~ l'auttc ) ; défauts ,
$i ajoute-t-il , diredement oppofés au ca-
w radere de Démofthene dont l'élocution
fi réunit en même temps beaucoup de lim-
w plicité & beaucoup de noblefïè. M. de
w Maucroix en a traduit quelques difcours;
» fa tradudion , moins correde en quelques
» endroits, me paroît plus conforme au
^5 génie de l'orateur grec » . Traité des
études p tome II ^ p^ge ^J ^.
Cependant cette tradudion de M. de
Maucroix , félon M. l'abbé Maffieu dans
fa préface des œuvres de M. de Tourreil ,
n'efl: rien moins que parfaite , puisqu'on
n'y trouve pas autant de fidélité & de
force qu'on y rencontre d'élégance &
d'agrément : or qu'cf}-ce qu'une traduc-
tion qui manque de fidélité ? & qu'efl-ce
qu'une tradudion de Démoflhene, fur-tout
quand elle manque defor^?
Le même abbé Maffieu , dans des re-
marques (dont l'original fe garde manufcrit
à la bibliothèque du roi ) fur la féconde
édition de M. de Tourreil , parle ainfi de
ce dernier tradudeur. " Le privilège d'cn-
f) tendre M. de Tourreil n'eft pas donné
>> à tout le monde. En beaucoup d'en-
»> droits , on doute qu'il s'entende lui-
9) même. Il quitte le fens pour les mots ,
» & le folide pour le brillant. Il aime les
» épithetes qui emplifTent la bouche , les
» phrafes fynonymes qui dîfent trois ou
» quatre fois la même chofè , les expref-
py fions fingulieres , les figures outrées ,
» & généralement tous ces excès qui font
» les écueils des écrivains médiocres. Il
9) ignore fur - tout la naïveté du langa-
p> ge , &c fi. Préface de M. l'abbé d'Oli-
vet fur fa traduction des philippiques de
Démofthene. Seroient-ce toutes ces qualités
qui auroient féduit M. Chambers , & dé-
cidé fon admiration pour la tradudion de
M. de Tourreil.
Il fufRra d'ajouter que dans les remarques
dont on a parlé , M. l'abbé Maffieu compte
treize fautes dans la tradudion que M. de
Tourreil a donnée de la première /^Az/^'p-
pique y & que le P. Jouvenci en compte
vingt-neuf dans celle de la première. On
peut voir ces obfervations dans un ouvrage
de M., l'abbé d'Olivet , intitulé p/iilippiques
de Démofthene , &. catilinaires de Cicé-
PHI ^59
ron , imprimé à Paris en 1744 , où l'on
trouve auffi une tradudion latine de la
premkre philippiqae , parle P. Jouvenci.
On a auffi donné le nom de philippiq:'es
à quatorze oraifons de Cicéron contre
Marc- Antoine. C'efl Cicéron lui - même
qui leur donna ce titre dans une épître
à Brums où il en parle '■, & la pofterité
l'a trouvé fi jufte , qu'il s*eft perpétué jtif-
qu'à nous.
La féconde de ces harangues a toujours
été la plus eflimée. Juvenal ne craint pas
de l'appeller un ouvrage divin,
Quam te confpicuce divina philîppica
famœ
Volveris à prima quce proxima,
Satyr. x.
Le nom même que Cicéron donna a ces
pièces, qu'il eût dû naturellement appeller
antoniques y marque afTez le cas qu'il en
taifoit , & combien il s'y étoit propofé
d'imiter Démofthene, dont on dit qu'il avoit
traduit la première philippique ; mais cetta
tradudion n'a pas pafTé jufqu'à nous.
Les philippiques de Cicéron lui coûtè-
rent la vie , Marc - Antoine en ayant
été fi irrité , que dans la profcription qui
fignala fon triumvirat avec Augufle &
Lepide , il obtint qu'on lui abandonneroit
Cicéron , le fit poignarder , & attacher
la tête & les mains de cet orateur fur la
tribune aux harangues où il avoit prononcé
les philippiques.
Durant la minorité de Louis XV , &
fous le règne de M. le duc d'Orléans , il
paruf contre ce dernier prince un libelle
en vers très-injurieux fous le nom de phi-
lippiques y par allufion au nom de Phi-
lippe que portoit M. le régent. Plufieurs
poètes furent foupçonnés d'en être ks au-
teurs , mais fur-tout la Grange , auteur de
plufieurs tragédies , qui fut envoyé aux îles
de Sainte-Marguerite , & ne s'en fauva
que pour s'expatrier. M. de Voltaire en
parle ainfi dans fon épître fur la calomnie :
Vous ave^ bien connu y comme je
penfe ,
Ce bon régent qui gâta tout en
France :
O 000 2.
66o PHI
// etoit ne pour lafocïetêy
Pour les beaux arts Ù pour la vo-
lupté ;
Grand y mais facile y ingénieux y
affable ,
Peu fcrupuleux y mais de crime
incapable :
JEt cependant y ô menfonge ! ô noir-
ceur !
jNous avons vu la ville & les pro-
vinces
'Au plus aimable y au plus clément
des princes y
Donner les noms . . . Quelle abfurde
fureur !
Chacun les lit , ces archives d* horreur y
Ces vers impurs y appelles philip-
piques,
De Vimpofture éternelles chroni-
ques !
Et nul François n\fl ajfe\ généreux
Pour s^ élever y pour dépofer contre
eux.
I|s auront le fort de tous les libelles ,
ils feront oubliés , & la mé.iioire du prince
qu'ils outrageolent ne périra point.
PHILIPPISTES , f. m. pi. {Hift. eccL)
nom que quelques Luthériens ont donné à
ceux de leur fefte , qui fè font attachés
aux fentimens de Philippe Melanchton.
Voye:{ LUTHÉRANISME.
Ce réformateur s'étant oppofé vivement
aux Ubiquiftes ou Ubiquitaires qui s'éle-
vèrent de fon temps ; & la difpute , loin
de ccfler après fa mort , n'en étant devenue
que plus opiniâtte , les Flacciens ou dif-
ciples de Flaccus , fon antagonifle ,* don-
nèrent ce nom de Philippines aux théo-
logiens de l'univerlité de Wirtemberg , qui
P H ï
fôutenoient le fentiment de Melancbton;
Voye:[ Ùbiquiste oz/Ubiquitaire.
PHILIPPOPOLI, (G%r. mod.) ville
de la Turquie Européenne , dans la Ro-
manie , dont voje^ l'article au mot Phi-
LIPPOPOLIS. {D. J.)
PHILIPPOPOLIS , {Géogr. anc.) ville
de Thrace au nord , dans les terres , &
fur l'Hebrus. Elle reconnoiflbit Philippe ,
fils d'Amyntas , pour fon fondateur , ou
plutôt pour fon reftaurateur , & elle étoit
déjà célèbre , lorfque la ville de Philippe ,
Philippi y commença à faire figure dans
le monde.
Cette ville fubfifle encore , & s'appelle
Philippopoli y ville de la Turquie en Eu-
rope , dans la Romanie , à 2,4 lieues au
defTus d'Andrinople , au nord-oueft , & à
68 de Conftantinople. Elle eft fans mu-
railles , & bâtie fur trois hauteurs qui ,
félon les apparences y lui fervoient autre-
fois de forterefîes. Elle a au ponent la
Marife, quiefl THebrus des anciens, &
qui lui fournit les commodités de la vie ;
elle efl habitée par un petit nombre de
turcs , de juifs & de chrétiens. Long. 4.Z
50, • lat. 4z z A.{D.J.)
PHILIPSTAD, {Géogr. mod) petite
ville de Suéde dans la partie orientale du
Vermeland. Elle efl entre des marais &
des étangs , à 7 lieues nord de Carlcfladt ,
42. nord-ouefl de Stockolm. Longit. J2. ,
5,- latit. S9 y30.{D, J.)
PHILISBOURG ou PHILIPSBOURG,
{Géogr. mod.) ville d'Allemagne , dans
le cercle du haut Rhin y fur iur la rive orien-
tale du Rhin , à l'embouchure de la Saltza ,
à 2. lieues au raidi de Spire, ^ eft de
Landaw , 9 efl de Worms , 16 nord-eft
de Strasbourg, & no fud de Paris. (*)
(*) Louis XIV apprit la reddition de cette place par M. de Louvois , étant au fermon qui fut in-
terrompu , le premier novembre itf88 ; enfuite le roi dit au père Gaillard: te Mon père , continuez
»î quand il vous plaira, c'eft la prife de Pè/7«^(7«r^, il faut en remercier Dieu, « Le Jéfuice reprit fon
fermon , & il fit encrer les louanges de Monfeigneur; ce qui plut fort à tout le monde. « 11 faut croire,
35 dit l'éditeur du journal de Louis XIV , en 1770 , qu'on étoit bien indulgent alors j car la vérité eft
» que le pcre Gaillard étoit un aflez plat prédicateur, n
C'eft à l'occafîon de la prife de Fhilisbour^ , que le duc de Montaufier écrivit au dauphin cette lettre
digne d'un Romain, te Monfeigneur, je ne vous fais pas compliment fur la prife de cette place ; vous
M avez une bonne armée , une excellente artillerie & Vauban ; je ne vous en fais pas non plus fur les
» preuves que vous avez données de bravoure & d'intrépidité , ce font des vertus héréditaires dans
« votre maifon ; mais je me réjouis avec vous de ce que vous êtes libéral, généreux , humain , faifaac
p. valoir les ferviccs d'amrui & oubliant les vôtres ; c'eft fur q^uoi je vous fais mon compligicnt. ?i (0)
P H I
Ce n'étoit autrefois qu'un village appelle
Udenheim, où Jean-George, comte palatin,
bâtit un palais pour l'évêque de Spire , en
13 13: Philippe-Chriflophe de Sotteren ,
évêque de Spire , fortifia ce lieu de fept bâf-
rions, & l'appella Philippo-burgum.En forte
que cet endroit eft devenu une place très-im-
portante qui appartient à l'évêque de Spire ,
mais où l'empereur a droit de mettre gar-
nifon en temps de guerre : c'efl auffi pour
cela qu'elle a fouvent été prife & reprife ;
par les Suédois, en 1^33; parles Impé-
riaux , en 1635 i par Louis de Bourbon ,
alors duc d'Enghein , en 1644 ; par les
alliés , en 1676 ; par Louis dauphin de
France , en i588 ; par les François , en
1734 ; mais cette place fut rendue bientôt
après à l'empereur , par le traité de Vienne.
long. z6. S', l 5" ,' latit. 4S. 13'. £o".
(D. J.)
PHILISTINS (les) , (Geog. facrée.)
peuples venus de Tîle de Caphtor dans
laPaleftine , & defcendus des Caphtorims ,
qui font forcis des Chafluims , enfans de
Mizraïm , fuivant le récit de Moyfe , Gen.
Dom Calmet a tâché de prouver dans
une dijfertation fur l'origine & les divi-
nités des Philiftins , que l'île de Caphtor
défignoit l'île de Crète. Le nom de phi-
lifiin n'efi point hébreu. Les feptante le
traduifent ordinairement par allophyli ^
étrangers. Les Péléthéens & les Céréthéens
étoient auffi philifiins ; & les feptante tra-
duifent quelquefois , comme dans Eiech.
XXV y i6. Sophron. xj y 5 , 6* , céréthim
par x-priJut , Cretois. Les Chafluims , pères
^es Caphtorims , demeuroient originaire-
ment dans la Pentapole cyrénaïque ; félon
le Paraphrafle Jonatham , ou dans le can-
ton pentafchenite de la bafle Egypte ,
félon le paraphrafte jérofolymitain.
Nous trouvons dans la Marmarique , la
ville d'Axilis , & dans la Lybie Sagylis ,
noms qui ont quelque rapport avec Chaf-
luim. Ce pays ell fitué près de l'Egypte ,
où les enfans de Mizraïm ont eu leur de-
meure ; & il eft affis vis-à-vis de l'île
de Crète. Strabon , /. XVII , pag. 83 j ,
ne met que mille flades de dillance entre
le port de Cyrene & celui de Crète ,
nommé Criou-Metvpou ou front de bélier.
PHI 66t
Le commerce étoit grand entre la Cyré-
naïque & l'île de Crète , comme ilparoît
par Pline & Strabon. il y a donc beau-
coup d'apparence que les Chafluims en-
voyèrent de la Cyrénaïque des colonies
dans cette île , lefquelles paflTefent delà
fur les côtes de la Palçfl^ine.
Ce fyflême ingénieux de dom Calmet ,
efl: encore appuyé par la conformité qui
fe trouve entre les noms de Céréthim &
des Cretois , & par plufieurs traits de ref*
femblance entre les mœurs , les armes ,
les divinités , & les coutumes de ces deux
peuples.
Les Philifiins avoient déjà des villes
dans la Paleftine du temps d'Abraham. Au
commencement du règne de David , leur
état étoit divifé en cinq petites fatrapies ;
ils furent aflujettis par David , & fournis
au roi de Juda pendant environ 240 ans.
Pfammiticus ,• roi d'Egypte , prit leur ville
Azoth , après un fiege de 29 ans , fuivanc
Hérodote, /. II, c. clvij ; & c'efl le plus
long fiege de ville que l'on connoifle.
Nabuchodonofor affujettit vraifemblable-
ment les Philiftins avec les autres peuples
de la Syrie , de la Phénicie , & de la
Palefline. Ils tombèrent enfuite fous la
domination des Perfes , puis fous celle
d'Alexandre le grand , & enfin les Afmo-
néens les foumirent à leur domination. Le
nom de Palefline efl: venu des Philifiins ,
quoique ces peuples n'en pofledaiTent qu'une
petite partie. {D. J.)
PHILLUS , ( Géog. anc. ) ville de la
Theflàlie^ Strabon, /. IX y pag. 45^ ,
dit que c'étoit dans cette ville qu'étoit le
temple de Jupiter Phyllcen. (Z). /.)
PHILLYREA , {Botan. Jardinage.) en
anglois mockprivet y en siHcmund fteinlinde.
Caractère générique.
Un calice permanent découpé en cinq .'
foutient une fleur monopétale , dont le
tube efl^ très-court & divifé par le bord en
cinq fegmens renverfés ; on y trouve deux
étamines courtes , oppofées l'une à l'autre ,
& terminées par des fommets droits &
fimples ; au centre efl fitué un embryon
arrondi , furmonté d'un flyle délié que
1' couronné un gros fligmate ; l'embryon
devient une baie globuleufe à une feuift
(?(f2 P H I
cellule qui contient un^ femence arroti-"
die. (*)
Efpeces.
1. Phillyrea A feuilles ovale-lancéolces
entières ; vrai filaria des jardiniers.
Phillyrea folio opatç-lanceolatis , inte-
gerrimis. Mill.
Trice phillyrea.
2. Phillyrea à feuilles ovales , prefque
entières.
Phillyrea foliis oyatis fubintegerrimis.
Mill.
Broadleav*d phillyrea.
3. Phillyrea à feuilles cordiformes ,
ovales & dentées.
Phillyrea foliis cordato-ovatis ^ferratis
Hort. Clif.
Broad leaved prickly phillyrea,
4. Phillyrea à feuilles lancéolées , entiè-
res. Phillyrea à feuilles de troène.
Phillyrea foliis lanceolatis inte gerrimis.
Hort. Clif.
Prii>et leaif*d phillyrea.
5. Phillyrea à feuilles lancéolées , ovales
&: entières , à fleurs raflembiées en bou-
quets axillaires.
Olive leaved phillyrea.
6. Phillyrea à feuilles lancéolées étroites
& entières , à fleurs raflembiées en bou-
quets axillaires.
Narrow-leavd phillyrea.
7. Phillyrea à feuilles étroites.
Phillyrea foliis linearihus.
Rofe mary leav'd phillyrea.
P H I
8. Phillyrea à feuilles étroites & cré-
nelées.
Phillyrea foliis linearihus crenatis.Hort,
Colomb.
Les trois premières efpeces s'élèvent fur
un tronc droit à près de vingt pies , &
peuvent être plantées fur de petites allées
dans les bofquets d'hiver , les déferts à
l'angloife & les parcs. L'efpece /z®. 6 par-
vient à la hauteuir de dix ou douze pies ;
les /z"*. 4. 8)C ^ atteignent à peine à dix
pies , & la taille du n°. 7 n'excède guère
une toife : quoique tous foient indigènes
des parties méridionales de l'Europe , ils
fupportent néanmoins les rigueurs de nos
hivers ; & quoiqu'un froid exceflif leur
faflè quelquefois perdre leurs feuilles &
quelques branches, ils fe rétabliflent pen-
dant la belle faifbn. Les grandes efpeces
font très-touffues , & forment des arbres
d'un afped fort agréable , qui procurent
des afyles aux oifeaux & les invitent à
faire plutôt leurs nids. Les efpeces baflès
forment des buiflbns très-agréables ; toutes
contribueroient flnguliérement à la décora-
tion des bofquets d'hiver , par la variété du
ton de leur verd obfcur & glacé dans cer-
taines efpeces , d'une nuance plus herba-
cée dans d'autres , & tirant fur le glauque
dans la pénultième , ainfi que par leurs
feuilles différemment figurées & de diverfe
grandeur , & leurs rameaux » tantôt rai-
(èmblés & tantôt épars.
Les phillyrea peuvent fe multiplier par
leurs baies qu'il faut fe procurer des pays
(*) Tournefort compte treize efpeces de ce genre de plante. Décrivons ici la plus commune qui
eft à feuille de troène , fhillyrea folio ligtijîri ; C. B. P. 476 & /. R. H. 50^.
Sa racine eft ferme enfoncée profondément en terre. Elle pouffe phifieurs tiges à la hauteur de
fîxàhuit pies , rameufes, revêtues d'une écorce blanchâtre , un peu ridée. Ses feuilles font^affez fem-
blables à celles du troène , mais plus amples & plus longues , charnues , d'un verd brun , oppofées
les unes aux autres , ou deux à deux le long de la tige & des branches , toujours vertes , d'un goût
aftringent.
Ses fleurs naiffent plufiaurs enfemble des aiffelles des feuilles , petites, femblables à peu-près à
celles de l'olivier ; chacune d'elles eft un godet découpé en quatre parties , de couleur blanche ver-
dâtre. Après que ces fleurs font paffées, il leur fuccede des baies fphériques groffes comme celles
du myrte noir, quand elles font miîres , difpofces en petites grappes , d'un goût douçatre, accom-
pagné de quelque amertume , & approchant des baies de genièvre ; elles contiennent chacune un
petit noyau rond àc dur.
Cet arbriffeau croît dans les haies & les bois aux environs de Montpellier. Il fe plaît dans les
endroits pierreux , rudes & incultes : il fleurit en mai & juin , & fon fruit eft mûr en feptembre.
Comme fon feuillage eft toujours verd, on en fait des berceaux & de jolie-s palifladcs. Elle s'eleve
facilement de graine & de bouture. On la tond comme on veut , en buiffon , en boule , en haie,
ea efpalier. La médecine ne fait point ufage de cette plante ; oa ne pcnfe pas même que o* foit la
même plante que la philljrea de Diofcoiidc. {D.J.)
.¥'
PHI
chauds ; fi on les feme dans de petites
caifTes en automne , elles lèveront , pour la
plus grande partie , le printemps ibivant ,
pourvu qu'on mette les caifTes fur une
couche tempérée : à la fin de feptembre
du troifieme été , on les mettra en pépi-
nière , à deux pies & demi les uns des
autres , & on les y cultivera jufqu'à ce
qu'ils aient une force convenable: alors
on les enlèvera en motte pour les fixer
aux lieux où ils doivent demeurer. Ces
arbres fe multiplient auffi très - ailément
par les marcottes ; il faut coucher en
terre , au mois de juillet , les branches
inférieures les plus jeunes & les plus fou-
pies , avec toutes les attentions déraillées
à ïan. AlatERNE^ la féconde automne
elles feront fuffifamment garnies de raci-
nes : on pourra les enlever pour les mettre
en pépinière ou les planter en pot , jufqu'à
ce qu'elles foient en état de figurer dans
les bofquets pour lefquels on les defline :
on peut auiii les greffer les uns fur les
autres ;, & j'ai fait reprendre les boutures
de quelques efpeces : une terre franche ,
ni feche , ni humide , mais douce , onc-
tueufe & un peu fraîche , elf celle qui
leur convient le mieux ; mais ils n'en
rebutent aucune , fi ce n'eif celles qui
font trop abreuvées. La fin de feptembre
ou le commencement d'oftobre eftle temps
le plus propre à leur tranfplantation , qu'il
faut toujours faire avec la motte ; & à
l'égard des marcottes^ en laiflant autant
de terre que l'on pourra après les racines ,
& les confervant bien entières ; car cgs
arbres ne reprennent fûrement qu'avec
ce.<: précautions. J'en al planté à la mi-
avril avec affrz de luccès. (M. le Baron
DE TSCHOUDI.
FHÎL030ETUS , ( Geogr. anc. )
montagne de la Béotie , dans la plaine
d'Ela:ée , félon Ortelius, qui cite Plutar-
que ; mais Plutarque, in Syllâ y dit fim-
plement qu'il y avoit dans la plaine d'Elatée
une éminence , où Hortenfius & Sylla cam-
pèrent. Cette éminence étoit très-fertile ,
couverte d'arbres , & au pié couloit un
ruifleau. Plutarque avance que Sylla van-
toit extrêmement la fituation de ce lieu.
Au refîe, le texte grec porte ^'AoiHsiwrof ,
PhUoboews. {D,J^
P H I 66^
PHILOCANDROS , {Gcog. anc.) ÎI«
de la m£r Egée , & l'une des Cyclades ,
félon Ptolomée , /. /// , c, xv. Pline ,
/. IV y c. xij y & Etienne le géographe
écrivent Pholecandros , & la mettent
parmi \ts îles Sporades. Hefyche écrit
Phlegandos. On la nomme aujourd'hui
Policandro : elle elf entre les îles de Milo
& de Sikino. [D.J.)
PHILOGEE , f. m. {Mythol) c'eflle
nom d'un des chevaux du foleil : ce mot
fignifie qui aime la terre , de (?/aw , 'faime ,
& yn y terre j il prend ion nom du foleil à
fon coucher , où il paroît tendre vers là
terre. Quand cet afire s'abaifle, qu'il femble
s'élargir par degrés au déclin du jour ; que
les nuages entourent avec magnificence le
trône du couchant , comme difent nos
poètes; c'eft dans cet infiant, fi l'on en
croit les chantres fabuleux de la Grèce ,
que Phébus donnant relâche à fes cour-
fiers fatigués , Philogee , Pyroeis , Eous
& Ethon , cherche les bofquets d'Amphi-
trite pour fe repofer lui-même avec las
nymphes océanides. Il baigne (es rayons à
moitié plongés , & bientôt montrant un
demi -cercle doré, il donne un dernier
regard lumineux , & difparoît enfin tota-
lement dans le fein de Téthis. {D.J.)
PHILOLAUS , ( Mythol. ) Efculape
avoit un temple près de la ville d'Afope
dafltt|^ Laconie , où il étoit honoré fous
le imm de Fhilolai/s y c'efi-«-dire 3o« &
falutaire aux hommes. Il ne pouvoit avoir
un fùrnom plus glorieux. {D. J.)
PHILOLOGIE ,f. f. {Littér.) efpe^e
de fcience compofée de grammaire , de
poétique, d'antiquités , d'hifloire , de phi-
lofophie , quelquefois même de mathéma-
tiques, de médecine, de jurifprudence ,
fans traiter aucune de ces matières à fond,
ni féparément, mais les effleurant toutes
ou en partie.
Ce mot eil dérivé du grec (^l^of & Koyof ,
amateur des difcours j des lettres ou des
fciences.
La philologie efl une efpece de littéra--
ture univerfelle, qui traite de toutes les
fciences , de leur origine , de leur progr«ès ,
des auteurs qui les ont cultivées , Ùc.
Voye^ POLYMATHIE.
La philologie n'efl autre chofe que ce
é^4 PHÎ-
que nous appelions en France les lelles-
lettres , & ce qu'on nomme dans les uni-
verfiiés les humanités y humaïuores litterœ.
Elle faifoit autrefois la principale & la plus
belle partie de la grammaire. V. GRAM-
MAIRE (& Grammairien.
PHILOLOGUE , f. m. {Lit.) on appelle
ainfi quiconque embraflè cette littérature
univerlèlle qui s'étend fur toutes fortes de
fciences & d'auteurs ^ comme ceux qui ont
travaillé fur les anciens autCurs pour \ts
examiner , les corriger , les expliquer &
les mettre au jour.
Eratoflhene , bibliothécaire d'Ale^fan-
drie , fut le premier qui porta le nom de
philologue y fî l'on en croit Suétone , ou
celui de critique y lelon Clément alexan-
drin. Il vivoit du temps de Ptoléraée
Pliiladelphe , & mourut fort âgé dans la
cxlvj olympiade. ^
On compte encore parmi \ts philologues
fameux dans l'antiquité , Varron , Afco-
nius Pedianus , Pline l'ancien , Lucien ,
Aulugele , Athénée , Julius Pollux , Solin ,
Philoltrate , Macrobe , Donat , Servius ,
Stobée , Fhotius, Suidas, Ùc.
Entre les modernes, les deux Scaliger,
Turnebe , Cafaubon , Lambin , les VolTius
& les Heinfius , Erafme , Jufte-Lipfe ; les
PP. Sirmond , Petau & Rapin , Grono-
vius , Graevius , Spelman , ô'c. fe font fort
diftingués dans la philologie. Elle eflUlès-
cultivée en Angleterre , en Allemagne &
en Italie. Notre académie de belles-lettres
s'efforce de la remettre en honneur parmi
nous , & rien n'y efl plus propre que les
mémoires curieux dont elle enrichit le
public.
PHILOMELE, f. f. {Mythol) Les
mythologues ont parlé de Progné & de
JPhilomele d'une manieretrcs-peu uniforme.
L'opinion généralement reçue par les mo-
dernes , eft que Progné fut changée en
hirondelle , & Philomele en roflignol , &
c'eft auffi le fentiment de quelques anciens;
cependant d'autres , en grand nombre , ont
dit le contraire. Homère , par exemple ,
au XIX livre de Vodyjfe'e ; Ariffophane
& fon Tcholiaffe , dans la comédie des
oifeaux ,* Anacréon , dans fa xij ode ;
Ovide , dans Vépitre de Sapho , & Var-
ron , au IV livre de la langue latine. Ce
P H I
contrafte forme une double tradition fa-
buleufe , & met les poètes en droit de
choifir. Virgile a fait plus , car il a luivi
tantôt l'une & tantôt l'autre tradition ;
dans la vj bucolique il change Philomele
en hirondelle , & au IV livre de fes
géorgiques , il en fait un roffignol.
On fait que Progné & Philomele étoient
deux fcEurs extrêmement belles , & filles
de Pandion. Térée , roi de Thrace , époufa
Progné , & fe livra à la brutalité de fa
paflion pour Philomele , après l'avoir con-
duite dans un bois écarté. Ovide vous dira
les fuites de cette déplorable aventure ;
le changement de Philomele en roflignol ,
de Progné en hirondelle, & -de Térée
en huppe. Il fcmble que la mythologie ,
par ces métamorphofes , ait voulu peindre
le caradere de ces différentes pcrfbnnes ;
mais la Fontaine, en adoptant la fable , a
fu en tirer un parti bien plus heureux
dans la réflexion fine & judicieufe qu'il
prête à Philomele. Progné la trouvant
enfin dans un féjour folitaire , lui dit :
Vene:^ faire aux cités éclater leurs
merveilles ,•
AuJJl-bien en voyant les bois y
Sans cejfe il vous fouvient que Térée
autrefois
Parmi des demeures pareilles ,
Exerça fa fureur fur vos divins appas.
Eh ! c'ejî le fouvenir d'un Ji cruel
outrage
Qui fait y reprit fa fœur y que je ne
vous fuis pas ;
En voyant les hommes y hélas !
Il m'en fouvient bien davantage.
(D.J.) ^
PHILONIUM , f. m. (Mat. méd.anc.)
efpece d'opiat anodin & fomnifere, ainfî
nommé de Philon fon inventeur. Galien
dit que le philonium jouiflbit d'une grande
réputation depuis long-temps , & que ce
médicament étoit un des plus anciens de
ce genre , ce qui fignifie plus ancien que
le mithridate , la thériaque , la hiere &
autres femblables. Cependant il efl permis
de douter que la compofition du Philonium
fût tout-à-tait auflî ancienne que le mi-
thridaltc ; mais elle alloit apparemment de
pair
PH ï
pair pour le temps , avec la hlere fimpîe ,1
inventée par Thémifon qui vivait fous le
règne d'Augufte. La thériaque étoit plus
nouvelle , car ce ne fut que fous Néron
qu'on commença à la compofer. Ce qui
fait croire que le phiLonium étoit un peu
poftérieur au mithridate, c'eft que Philon
recommande fon remède pour la collique.
Or cette maladie n'a pas été connue fous
ce nom , long-temps avant le règne de
Tibère. Il eft donc aHez vraifemblable que
Philon a vécu fous Augufte , à-peu-prèsen
même temps que Thémifon , & les pre-
miers difciples d'iA-fclépiade ;• cette date
n'empêche pas que Galien n'ait dû parler
an philoniumcomme d'une ancienne com-
pofition, puifqu'il n'a écrit qu'environ deux
cents ans après le temps auquel nous fup-
pofons , avec M. le Clerc , que cette com-
poiition a été inventée. Au refte , elle efl
très-mal digérée ; mais quiconque , du temps
de Galien , fe iéroit aviié de le dire , eût
pifTé pour atteint du crime delefe-pharma-
cie , & rarement les médecins en ont été
coupables. fD. J.)
PHILO NIUS FORTUS,{ Géograp,
anc.J port de l'île de Corfe. Ptolomée ,
/. ///, c. ij , le place fur la côte méridio-
nale , près d'Alifta. Niger & Léander di-
fent que c'eft aujourd'hui Porto-Vecchio.
(D.J.)
PHILOPARABOLOS , ( Méd, anc. )
çro7*p4ê?oAor,épithetequ'Afclépiade donne
à l'une des deux méthodes dont il fe fervit
dans la cure de la frénéfie ; & cette épi-
thete fignifie une méthode violente, par
oppofition à l'autre qu'il pratiquoit. Or
cette méthode violente qu'il novamoM phi-
loparaholos , terme dont Plutarque cnfuite
s'ert fervi pour défigner un homme qui fe
jette fans ménagement dans les plus grands
dangers, confiftoit à donner au malade,
dès la première viiïte , un grand verre de
via pur, mêlé avec de l'eau falée. Ce re-
mède , dit le médecin grec , eft fort à la vé-
rité , mais il a cet avantage fur le mulfum
& les autres liqueurs femblables , d'arrêter
les fueurs coliquatives , d'élever le pouls ,
& d'opérer par la détention du ventre , la
guérifon du malade. ( D.J. )
PHILOPATOR, {Hifi. anc. ) furnom
donné par les anciens à quelques prmces
Tome XXV, ' ~ '
PHI éS^
qui s'étolent diftingués par leur tendrefTe
pour leurs pères ; comme l'exprime ce
mot tirédeç/'/of, amateur , & <T<AT«f ,perc.
On connoît dans l'hiftoire d'Egypte, Pto-
Xirviio. F hilopator , & dans celle des rois de
Syrie, un Seleucus & un Antiochus diftin-
gués des autres princes du même nom, par
le titre de Philopator.
PHILOPEMEN, {Flift. anc. Hifl. de
la Grèce. J né à Mégalopolis, ville d'Arca-
die , mérita par fes vertus d'être appelle le
dernier des Grecs. Le camp fut, pourainfi
3ire, fon berceau ; mais quoique (es pen-
chans fuiTent tournés vers la guerre, il prit
les leçons d'Arcéfilas , qui avoit ouvert une
école pour former de véritables citoyens :
fa philofophie n'avoit point pour but d'éta-
ler des préceptes faftueux, ni d'exciter une
curioiité ftérile-, il apprenoit à fervir la patrie
dans les difFérens emplois du gouverne-
ment. Épaminondas fut le modèle qu'il
choifit , & il allia , comme lui , les devoirs
de la philofophie aux.exercices de la guerre :
lesmomens qui n'étoientpas confacrés au
fervice de la république, étoient employés
à lachaiTe, à l'agriculture, & à d'autres
exercices propres à endurcir le corps &
à former un véritable homme de guerre :
on le voyoit conduire fa charrue , &
faire lui-même ce qu'il pouvoir com-
mander aux autres ; toujours occupé dans
fon loifir , il fe déîaffoit de (es travaux
par la leélure d'Homère ou de la vie
d'Alexandre , où il puifcit de grandes le-
çons d'héroiïme.
Ce fut contre Cléomene , roi de Sparte ,
qu'il fit fon apprentiffage de guerre; (q^
manœuvres favanres & fon courage tran-
quille décidèrent de la viftoire à la jour-
née de Selafie. La trêve rendant (qs talens
inutiles , il fe tranfporta dans la Crète
pour fe perfeftionner dans l'art militaire ;
à fon retour dans fa patrie , il fut nommé
général de la cavalerie ; ce n'ouveau grade
le mit dans l'exercice de (qs taléns. La
difcipiine militaire fut mife en vigueur,
tous les citoyens devinrent foldats ; les
infracleurs furent punis avec févérité, ÔC
l'oblervation des devoirs fut récompenfée
parles mêmes diftinélions dont on honore
la valeur. Le changement qu'il fit dans
l'armure du foldat , le nouvel ordre de
PPPP
^5(5 ^ PHI
bataille qw'il établit , les rangs devenus plus
ferrés &c plus difficiles à rompre , affurerent
la Tupériorité aux Athéniens fur tous les
peuples de la Grèce. Général & légiflateur,
il ht dés loix fomptuaires pour réprimer le
luxe qui amoUifToit les courages ; fafimpli-
cicé & fon défintéreffement donnèrent de
la force à Tes loix ; & il établit dans, la
fociété civile une difcipline auffi auftere
que celle du camp; mais il laiffa fubfifter
dans l'armée un certain luxe militaire qui
lui parut néceffaire ; il voulut que tou^
les équipages fufient riches ^ magnifi
ques : chacun fe livra à l'ambition d'avoir
Xes plus beaux chevaux & les plus belles
armes : il crut , comme Céfar & Plutarque ,
que cette pompe militaire étoir propre à
élever le courage du foldat , & à lui donner
une plus haute idée de lui - même ; on
conferve avec loin ce qu'on chérit. Il fut
le feul qui ne participa point à ce luxe;
toujours iimple & négligé , il dédaigna les
ornemens qui pouvoient déguifer l'irrégu-
larité de fes traits ; fa phyfionoraie étoit
baffe &: ignoble ; la nature avoit tout
épuifé pour former fon ame , il en fit
Fexpérience un jour qu'il fut invité à un
feftin, chez un de fes amis dont la femme
jugeant à fa figure qu'il ne 'pouvoir être
que d'une vile condition , lui dit : gar-
içon , foyez bon à quelque ehofe , aidez-
moi à faire la cuifine; le philofophe guer-
rier, fans fe fentir humilié , fe mita fendre
du bois : fon ami étant furvenu , s'écria
avec étonnement : feigneur Philopemeriy
que faites- vous là? Je paie, répondit-il,
l'inrérêt de ma mauvaife mine.
Les Achéens l'ayant élu pour leur géné-
ral , il fe montra bientôt digne d'occuper
ce premier grade de la milice , par la dé-
faite des Lacédémoniens dans les plaines
de Mantinée. Les fuyards qui avoient cru
trouver un afyle dans Tégée, furent ou
maffacrés, ou faits efclaves , lorfque cette
ville eut été prife d'affaut. Le tyran Ma-
chanidas fut tué dans la chaleur du com-
bat : cette viftoire rendit la fupériorité
aux Achéens qui , pour immortalifer leur
reccnnoiffance , érigèrent une ftatug de
broiize à leur général, qui reçut encore
un hommage plus flatteur dans la célé-
braticii dies jeux Nétnéens; il parut ûir
PHI
le théâtre accompa-gné de la jeuneffe bel-
liqueufe qui compofoit fa phalange , dans
le temps que le muficien Pilade chantoit
ces vers.
Ce/? met qui couronne vos têtes
Des Jlcurons de La Liberté,
Tous les fpe(5lateurs fixèrent leurs regards
fur PhiLopemen ; & un grand battemetit
de m.ains fut le témoignage non fufped de
l'amour public pour ce héros.
Nabis , fucceffeur de Machanidas , le
furpaffoit encore en cruauté ; fléau de l'hu-
manité , il en étoit devenu l'exécration.
Les Achéens, pour délivrer la Grèce de ce
monftre , lui déclarèrent la guerre, ÔC
PhiLopemen fut nommé général : la valeur
trahit fa prudence dans une bataille navale j
mais prorapt à réparer fes pertes , il fe pré-
fenta devant Sparte, & remporta une
grande viftoire fur le tyran , qui fut con-
traint de fe tenir enfermé dans la ville. Le
défordre où l'avoient jeté les différentes
faélions , donna à PhiLopemen la facilité
d'y entrer avec un corps de troupes; aufl[i-
tôt il convoque l'affemblée , &: perfuade
les Spartiates qu'il eft de leur intérêt d'em-
^braffer la querelle des Achéens : cette ac*
tion qui le couvroit de gloire, fervit en-
core à faire éclater fon défintéreffement;,
les Spartiates lui firent préfent de ving^t ta-
lens qu'il eut la générofité de refufer.
Cette alliance fut bientôt rompue par les .
intrigues de la faftion turbulente de Na-
bis. Les Achéens offenfés de cette perfidie ^
fe préparèrent à la guerre. PhiLopemen^ à
la tête d'une armée ^ fe préfenta devant
Sparte , étonnée de fa célérité ; il exigea,
qu'on lui livrât les artifans des troubles r
étant enfuite entré dans la ville , il en fit
fortir les foldats étrangers qui en troubloient
la tranquiUi;é. Les murs furent démolis ,^&C
les loix de Lycurgue furent pour jamais,
abrogées..
Ce fiit dans ce temps-là que les Meffé-
niens fe détachèrent de la ligue des
Achéens r PhiLopemen fe mit à la tête
d'une armée pour les punir de cette infidé-
lité; il étoit alors âgé de foixante ans y.
&: il avoit encore tout le feu de la jeuneffe t
le combat s'euigaga fous les murs de Mef-
PHI
fene ; ra£î:ion fut vivement difputée; Phi-
lopemcn s'y furpafTa lui-même ; il auroit
fixé la fortune du combat, s'il ne fût tombé
de cheval couvert de bleffures. Les Meffé-
niens le chargèrent de fers, & le jetèrent
dans un fombre cachQt. Quelques jours
après ils le condamnèrent à terminer fa
vie par le poifon ;il fe fournit fans murmu-
rer, à fon arrêt ; il prit la coupe empoi-
fonnée avec la même tranquillité qu'il auroit
bu une liqueur délicieufe , &: il mourut
quelques momens après.
Les Achéens ne lalfferent point cette
atrocité impunie ; ils entrèrent dans la
Meffénie, dérerminésàenfairele tombeau
de (q5 habirans. Tous les auteurs de la
mort du héros expirèrent dans les fupplices
auprès de fon tombeau : on lui fit des
obfeques magnifiques ; {es cendres furent
tranfportées à Mégalopolis où il avoit
pris naiffance. La pompe funéraire ref-
fembloit à la marche d'un triomphateur;
toute l'armée fuivoit le convoi , oc les
liabitans des villes & des villages s'em-
preifoient fur le paffage pour y jeter des
fleurs. L'année de fa mort fut encore re-
marquable par la mort de Scipion & d'An-
nibal. ( T-nJ
PHILOSÉB ASTE , {Ant. greq & rom.)
çi\B<TS^ct(rjo{, c'eft-à-dire , ami d'Augufie.
C'étoit un titre que des princes & des villes
prenoientafin de témoigner publiquement
leur attachement à quelque empereur. Ce
titre fe trouve fur des marbres de Cyzique ,
& fur d'autres infcriptions. Il ne faut pas
s'étonner que la ville de Cyfique s'en foit
décorée , puifque l'empereur Adrien l'avoit
comblée de bienfaits. Il y a dans Mura-
tori , P. DXC. 1, une infcription qui
montre que la ville d'Ephefe avoit auffi
pris la qualité de philoftbafie. Plufieurs
villes & plufieurs princes ont pris fem-
blablement la qualité ôi^ami des Romains ,
Çi>.of cftstof , & à' ami de Cèfar ^ ç/a ntifct^,
&c. CD.J.)
PHILOSOPH ALE (pierre), voye^ Us
articles HERMÉTIQUE , PHILOSOPHIE ,
Chymie.
PHILOSOPHE , f. m. Il n'y a rien qui
coûte moins à acquérir aujourd'hui que
le nom de phdojophe \ une vie obfcure &
P H I 6C-f
retirée, quelques dehors de fageiïe, avec
un peu de leâiure , fuffifent pour attirer ce
nom à des perfonnes qui s'en honorent
fans le mériter.
D'autres en qui la liberté de penfer tient
lieu de raifonnement , fe regardent comme
les feuls véritables philojophes , pa ce
qu'ils ontofé renverfer les bornes facrées
pofées par la religion, & qu'ils ont brifé
les entiaves où la foi mettoit leur raifon.
Fiers de s'être défaits dei préjngés de l'é-
ducation , en matière de religion , ils re-
gardent avec mépris les autres comme des
âmes foibles , des génies ferviles , des ef-
prits pufillanimes qui felaiffent effrayer par
les conféquences où conduit l'irréligion ,
& qui, n'ofant fortir un inftant du cercle
des vérités établies , ni marcher dans des
routes nouvelles , s'endorment fous le
joug de la fuperftition.
Mais on doit avoir une idée plus jufte
du philofophe , & voici le caraftere que
nous lui donnons.
Les autres hommes font déterminés à
agir fans fentir ni connoître les caufes qui
les font mouvoir , fans même fonger qu'il
y en ait. Le philofophe au contraire dé-
mêle les caufes autant qu'il eft en lui , &
fouvent même les prévient , & fe livre à
elles avec connoifîance : c'eft une hor-
loge qui fe monte, pour ainfi dire , quel-
quefois elle-même. Ainfi il évite les oÎDJets
qui peuvent lui caufer des fentimens qui
ne conviennent ni au bien-être, ni à l'être
raifonnable , & cherche ceux qui peuvent
exciter en lui des affeâ:ions convenables à
l'état où il fe trouve. La raifon eftà l'égard
du philofophe ^ct que la grâce eft à l'égard
du chrérien. La grâce détermine le chré-
tien à agir ; la raifon détermine le philo-
fophe.
Les autres hommes font emportés par
leurs pafllons , fans que les avions qu'ils
font foient précédées de la réflexion ; ce
font des hommes qui marchent dans les
ténèbres; au lieu que \t philofophe ^ dans
fes paflions mêmes , n'agit qu'après la ré-
flexion ; il marche la nuit^ mais il eft pré-
cédé d'un flambeau.
Le philofophe forme fes principes fur
une infinité d'obfervations particulières.
i Le peuple adopte le principe fans penfçr
Pppp 2
I
658 PHI
aux obfervations qui l'ont produit r 11 croît
que la maxime exifte , pour ainfi dire , par
eile-même ; mais le philofophe prend- la
maxime dès fa fource ; il en examine l'o-
rigine ; il en connoît la propre valeur , &
n'en fait que l'ufage qui lui convient.
La vérité n'efl: pas pour \e philofophe Mne
jnaurefTe qui corrompe fon imagination ,
& qu'il croie trouver par-tout ; il fe con-
tente de la pouvoir démêler où il peut l'ap-
percevoir. Tl ne la confond point avec la
vraifemblance ; il prend pour vrai ce qui
eft vrai , pour faux ce qui eft faux , pour
douteux ce qui eft douteux , & pour Vrai-
femblable ce qui n'efl que vraifemblable. Il
fait plus, & c'eft ici une grande perfection
àw philofophe , c'eft que lorfqu'il n'a point
de motif propre pour juger, il fait demeu-
rer indéterminé.
Le monde eft plein de perfonnes d'ef-
prit & de beaucoup d'efprit, qui jugent
toujours; toujours ils devinent, car c'eft
deviner que de juger fans fentir quand on
a le motif propre du jugement. Ils ignorent
la portée de l'efprit humain; ils croient
qu'il peut tout connoître : ainfi ils troiivent
de la honte à ne point prononcer de juge
ment , & s'imaginent que l'efprit confifte
à juger. hQ philofophe ex o\i qu'il conftfte à
bien juger : il eft plus content de lui-même
quand il a fufpendu la faculté de fe déter-
miner, que s'il s*étoit déterminé avant
d'avoir fenti le motif propre à la décifton.
Ainfi il juge & parle moins , mais il juge
plus fûrement & parle mieux; il n'évite
point les traits vifs qui fe préfentent natu-
rellement à l'efprit par un prompt affem-
blage d'idées qu'on eft fouvent étonné de
voir unies. C*eft dans cette prompte liaifon
que confifte ce que communément on ap-
pelle cfprit ; mais aufti c'eft ce qu'il recher-
■che le moins , & il préfère à ce brillant le
foin de bien diftinguer fes idées , d'en
connoître la jufte étendue & la liaifon pré-
cife , & d'éviter de prendre le change en
portant trop loin quelques rapports parti-
cu-liers que les idées ont entr'elles. C'eft
dajîs ce dîfcernement que confifte ce qu'on
appelle justement &; jufieffe d'efprit : à
cette juftefie fe joignent encore \d.foupUffe
& la netteté. Le philofophe n'eft pas telle-
meat attaché à un fyitême ^ qu'il ne fente.
P H I
toute la force des objeélions. La plupart des
hommes font fi fort livrés à leurs opinions ,
qu'ils ne prennent pas feulement la peine
de pénétrer celles des autres. Le philofo"
phe comprend le fentiment qu'il rejette ,
avec la même étendue &: la même netteté
qu'il entend celui qu'il adopte.
L'efprit philofophique eft donc un efprit
d'obfervation & de jufteft^e , qui rapporte
tout à (es véritables principes ; mais ce n'eft:
pas l'efprit feul que le philofophe cultive 9
il porte plus loin fon /attention & fes
foins.
L'homme n'eft point un monftre qui ns
doive vivre que dans les abymes delà mer,
ou dans le fond d'une forêt : les feules né-
ceflités de la vie ^lui rendent le commerce
des autres néceftaire ; dans quelque état qu'il
puift'e fe trouver, fes befoins , & le bien-
être l'engagent à vivre en fociété. Ainfî la
raifon exige de lui qu'il connoiffe , qu'il
étudie , &: qu'il travaille à acquérir les qua-
lités fociables.
Notre philofophe ne fe croît pas en exrl
dans ce monde; il ne croit point être en
pays ennemi ; il veut jouir , en fage écono-
me , des biens que la nature lui offre ; il
veut trouver du plaifir avec les autres ; &
pour en trouver , Il en faut faire : ainii il
cherche à convenir à ceux avec qui le ha-
zard ou fon choix le font vivre ; & il trou-
ve en même temps ce qui lui convient t
c'eft un honnête homme qui veut plaire &C
fe rendre utile.
La plupart de? grands à qui les diftîpa-
tions ne laiftent pas aflez de temps pour
méditer , font féroces envers ceux quils
ne croient pas leurs égaux. 'LesphUo/ophes
ordinaires qui méditent trop , ou plutôt
qui méditent mal , le font envers tout le
monde; ils fuient les hommes, & les
hommes les évitent. Mâ-s notre philofophe
qui fait fe partager entre la retraite & le
commerce des hommes , eft plein d'huma-
nité. C'eft le Crémès de Térence, qui fent
qu'il eft homme, & que la feule humanité
intérefte à la mauvaife ou à la bonne foE-
tune de fon vbifin. Homo fum , kumani à
me nihil alienum puto ,
II feroit inutile de remarquer ici com-
bien le philofophe. eft jaloux de tout ce
PHI
qui s'appelle honneur & probité. La fociété
civile eft , pour ainfi dire , une divinité
pour lui fur la terre ; il l'encenfe , il l'ho-
nore par la probité , par une attention
exacte à fes devoirs , Se par un deiir fincere
de n'en être pas un membre inutile ou
embarraffant. Les fentimens de probité en-
trent autant dans la conftitution mécha-
nique du philofophe , que les lumières de
l'efprit. Plus vous trouverez de raifondans
un homme , plus vous trouverez en lui
de probité. Au contraire où régnent le fana-
tiime & la fuperftition , régnent les pafïions
& l'emportement. Le tempérament du
phiiofophe , c'eft d'agir par efprit d'ordre
ou par raifon ; comme il aime extrême-
ment la fociété , il lui importe bien plus
qu'au refte des hommes , de difpofer tous
{qs refforts à ne produire que Aqs effets
conformes à l'idée d'honnête homme. Ne
craignez pas que, parce que perl'onne n'a
les yeux fur lui , il s'abandonne à une aftion
contraire à la probité. Non. Cette aclion
n'eft point conforme à la difpofition mé-
chanlque du fage; il eft pé^i , pour ainfi
dire , avec le levain de l'ordre &: de la
règle ; il eft rempli des 'idées du bien de
la i'ociété civile ; il en connoît les princi-
pes bien mieux que les autres hommes. Le
crime trouveroit en lui trop d'oppcfîtions ;
il auroit trop d'idées naiurelies , & trop
d'idées acquifes à détruire. Sa faculté d'agir
eft, pourainfi dire, comme une corde d'inf-
trument de mufique montée fur un certain
ton ; elle n'en fauroit produire un contraire.
Il craint de fe détonner, de le défaccorder
avec lui-même; &ceci me faitrefTouvenir
de ce que Velleius dit de Caton d'Utique.
« Il n'a jamais , dit-il , fait de bonnes
» aftions pour paroître les avoir faites ,
» mais parce qu'il n'étoit pas en lui de
» faire autrement. »
D'ailleurs dans toutes les aftions que les
hommes font , ils ne cherchent que leur
propre fatisfaclion aéluelle ; c'eft le bien
ou plutôt l'attrait préfent , fuivant la difpo-
iition méchanique où ils fe trouvent, qui
les fait agir. Or le phiiofophe eft difpofé plus
que qui que ce foit par fes réflexions à trou-
ver plus d'attrait & de plaifir à vivre avec
vous , à s'attirer votre confiance & votre
eftime , à s'acquitter des devoirs de l'amitié
PHI 66<)
& de la reconnoiffance. Ces fentimens
font encore nourris dans le fond de fon
cœur par la religion , où l'ont conduit les
lumières naturelles de fa raifon. Encore un
coup , l'idée de mal-honnête homme eft
autant oppofée à. l'idée de phiiofophe >
que l'eft l'idée de ftupide ; ôc l'expérience
fait voir tous les jours que plus on a de
raifon Si de lumière, plus on eft sûr &:
propre pour le commerce de la vie. Un
for, dit la Rochefoucault, n'a pas affez
d'étoffe pour être bon ; on ne pèche que
parce que les lumières font moins fortes
que les pallions ; & c'eft une maxime de
théologie vraie en un certain fens , que tout
pécheur eft ignorant.
Cet amour de la fociété, fi effentiel au
phiiofophe , fait voir combien eft véritable
la remarque de l'empereur Antonin : « Que
» les peuples feront heureux quand les rois
» feront philofophes, ou quand les philo-
» fophes feront rois I »
Le phiiofophe eft donc un honnête hom-
me qui agit en tout par raifon, & qui joint
à un efprit de réflexion & de juftefte les
mœurs & les qualités fociables. Entez un
fouverain fur un phiiofophe d'une telle
trempe , & vous aurez un parfait fouverain.
De cette idée il eft aifé de conclure com-
bien le fage infenfible des ftoïcienseft éloi-
gné de la perfeélion de notre phiiofophe !
un tel phiiofophe eft homme , & leur
fage n'étoit qu'un phanrôme. Ils rougif-
foient de l'humanité , & il en fait gloire j
ils vouloient follement anéantir les pallions,
& nous élever au-deflus de notre nature
par une infenfibilité chimérique ; pour lui,
il ne prétend pas au chimérique honneur
de détruire les pallions , parce que cela eft:
impoflible ; mais il travaille à n'en être pas
ryrannifé, à les mettre à profit, & à en-
faire un ufage railbnnable , parce que
cela eft pofllbie , ôc que la raifon le lui
ordonne.
On voit encore, par tout ce que nous
venons de dire , combien s'éloignent de
la jufte idée du phiiofophe ces indolens ,
qui , livrés à une méditation parefteufe ,
négligent le foin de leurs affaires tempo-
relles , 6c de tout ce qui s'appelle fortune^
Le vrai phiiofophe n'eft point tourmenté
par l'ambitiori , mais il veut a-voif W*
6-jo PHI
commodités de la vie ; il lui faut , outre le
nécelTaire précis , un honnêie fuperflu
nécefiaire à un honnére homme, & par
lequel feui on eft heureux : çtù. le fonds
6.Q'i bienîéances & des agrémens. Ce font
de faux philofophes qui ont fait naître ce
préjugé , que le plus exaél nécefTaire lui
îuffir, par leur indolence & par des maxi-
mes éblouiflantes.
Philosophe Chrétien. Foy^:^
Système dI; PhilosopheChrétien.
Philosophes , (ALchym'u & Chym'u.)
Ce mot, dans !e langage a!chy mique , figni-
fie la même chofequ'^z^^/^/^ on poffejjeur de
la. pierre phiLofophale. Les alchymiftes
n'ont pas manqué de fe décorer de ce grand
nom , &: de cefui de fage.
II exifte dans la chy mie ordinaire plufîeurs
préparations & opérations, la plupart affez
communes, & qui font apparemment àts
préfens de l'alchymie , qui font fpécifiées
par le nom de leurs inventeurs, qualifiés
du titre de philofophes, Ainlî il y a une
huile des philofophes, appellée autrement
huile de brique , oLcum laterinum , qui
n'eft autre chofe que de l'huile d'olive dont
on a imbibé des briques rougies au feu , &
qu'on a enfuite diftillée à feu nu; une édul-
coration philofophique , qui eft une diftil-
lationdes fels métalliques à la violence du
feu. ( Voje:{ Distillation;) une pul-
vérifation philofophique, une calcination
philofophique. V'oyei PULVÉRISATION
& Calcination. ( bj
Philosophes, hui/e des ÇPharm.)
c'eft l'huile de brique. Ce nom lui a été
donné par les alchymiftes , qui fe difent
les véritables philofophes, à caufe qu'ils
emploient fouvent de la brique dans la
conftru6lion de leurs fourneaux , dont ils
fe fervent pour faire ce qu'ils appellent le
grand-œuvre , ou la pierre philofophale,
Voyei Brique.
PHILOSOPHIE , f. f. Philofophie
fîgnifie, fuivant fon étymologie, X amour de
lafagejfc. Ce mot ayant toujours été allez
vague , à caufe à,ts diverfes lignifications
qu'on y a attachées , il faut faire deux
chofes dans cet article ; i°. rapporter
hiftoriquement l'origine & les différentes
acceptions de ce terme ; 2°. en fixer le fens
par une bonne définition.
PHI
1°. Ce que nous appelions aujourd'hui
philofophie , s'appelloit d'abord fophie ou
fageffe ; & l'on fait que les premiers phi-
lofophes ont été décorés du titre de fagcs.
Ce nom a été dans les premiers temps ce
que le nom de bel efprit eft dans le nôtre ;
c'eft-à-dire , qu'il a été prodigué à bien des
perfonnes qui ne méritoient rieii moins
que ce titre faftueux. C etoit alors l'en-
fance de l'efprit humain , & l'on étendoit
le nom de fageffe à tous les arts qui exer-
çoientle génie , ou dont la fociété retiroit
quelque avantage ; mais comme le favoir,
l'érudition eft la principale culture de l'ef-
prit , & que les fciences étudiées & réduites
en pratique apportent bien des commodités
au genre humain, la fagefle &. l'érudition
furent confondues ; & l'on entendit par
être verfé ou inftruit dans la fageffe, pof^
féder l'encyclopédie de ce qui étoit connu
dans le (iecle oii l'on vivoit.
Entre toutes les fciences , il y en a une
qui fe diflfngue par l'excellence de fon
objet ; c'eft celle qui traite de la divinité ,
qui règle nos idées & nos fentimens à
l'égard du premier être, 6c qui y conforme
notre culte. Cette étude étant la fageffe
par excellence , a fait donner le nom de
fages à ceux qui s'y font appliqués , c'eft-à-
dire, aux théologiens 5c aux prêtres. L'é-
criture elle-même donne aux prêtres chal-
déens le titre de fages , fans doute parce
qu'ils fe l'arrogeoient , 6c que c'étoit un
ufage univerfellement reçu. C'eft ce qui a
eu lieu principalement chez les nations
qu'on a coutume d'appeller barbares ; il
s'en falloir bien pourtant qu'on pût trouver
la fageffe chez tous les dépofitaires de la
religion. Des fuperftitions ridicules , àt%
myfteres puériles , quelquefois abomina-
bles ; des vifions & des menfonges deftinés
à affermir leur autorité, & à en impofer à
la populace aveugle, voilà à quoi fe réduifoit
la fageffe des prêtres de ces temps. Les
philofophes les plus diftingués ont effayé
de puifer à cette fource,; c'étoit le but de
leurs voyages, de leur initiation aux myf-
teres les plus célèbres ; mais ils s'en font
bientôt dégoûtés ; Se l'idée de la fageffe
n'eft demeurée hée à celle de la théologie ,
que dans l'efprit de ces prêtres orgueilleux
§c de leurs imbécilles efdaves.
PHI
. De fublimes génies fe livrant donc à
leurs méditations , ont voulu déduire des
idées & de*-f«-4ncTpes que la nature & la
raifon fourniffent , une fageffe folide, un
fyftême certain & appuyé fur des fonde-
mens inébranlables ; mais s'ils ont pu fe-
couer par ce moyen le joug des fuperfti-
tions vulgaires , le refte de leur entreprife
n'a pas eu le même fuccès. Après avoir
détruit , ils n'ont fu édifier , femblables en
quelque forte à ces conquérans , qui ne
laiH^ent après eux que des ruines. Delà
cette foule d'opinions bizarres & contra-
diftoires , qui a fait douter s'il reftoit en-
core quelque fentiment ridicule , dont
aucun philofophe ne fe fût avifé. Je ne
puis m'empêcher de citer un morceau de
M. de Fontenelle , tiré de fa dilTertation
fur les anciens & fur les modernes , qui
revient parfaitement à ce fujet. « Telle
» eft notre condition, dit-il, qu'il ne nous
» eft point permis d'arriver tout-d'un-
» coup à rien de raifonnable fur quelque
» matière que ce ibit ; il faut avant cela
>» que nous nous égarions long-temps , &
» que nous paftions par diverfes fortes
» d'erreurs , & par divers degrés d'imper-
» tinence. II eût toujours dû être bien
» facile de s*avifer, que tout le jeu de la
» nature confifte dans les figure« & dans
» les mouvemens des corps ; cependant
» avant que d'en venir là, il a fallu effayer
» des idées de Platon , des nombres de
>♦ Pythagore , des qualités d'Ariftote ;
» & tout cela ayant été reconnu pour
» faux , on a été réduit à prendre le vrai
» fyftéme. Je dis qu'on y a été réduit ,
» car en vérité il n'en reftoir plus d'autre ;
>» & il femble qu'on s'^eft défendu de le
» prendre auffi long-temps qu'on a pu.
i> Nous avons Tobligation aux anciens de
» nous avoir épiiifé la plus grande partie
>t des idées faufîes qu'on fe pouvoir faire;
» il fal'oit abfolumenr payer à l'erreur &
» à l'ignorance le tribut qu'ils ont pr.yé ,
» &L nous ne devons pas manquer de re-
» connoiffance envers ceux qui nous en ont
» acquittés. Il en eft de m'ême fur diver-
» fes matières > oii il y a je ne fais com-
» bien de fottifes qi.}Q nous dirions fi elles
>f n'avoient pas été dites , & fi on ne nous
» Iqs avoit pas, pour ainfi. dire, enlevées^
PHI Syi
» Cependant il y a encore quelquefois
» des modernes qui s'en reftaififtent'^^eut-
» être parce qu'elles n'ont pas encore été
» dites autant qu'il le faut. »
Ce feroit ici le lieu de tracer un abrégé
des] divers fentimens qui ont été en vogue
danslaplîilofophie ; mais les bornes de nos
articles ne le permettent pas. On trouvera
l'ellentiel des opinions les plus fam^ufeî
dans divers autres endroits de ce diftion-
naire , fous les titres auxquels elles fe rap-
portent. Ceux qui veulent étudier la ma-
tière à fond , trouveront abondamment de
quoi fe fatisfairè dans l'excellent ouvrage
que M. Brucker a publié d'abord en alle-
mand , & enfuite en latin fous ce titre :
Jacobi Bruckeri hiftoria critica phllofo-
phice , à mundl incunabuUs ad nofiram
ufque œtaiem dtdiicta. On peut au(Ii lire
l'hiftoire de la philofophic , par M. Des-
landes.
L'ignorance , la précipitation , l'orgueil ,
la jaloufie , ont enfanté des monftres bien
flétriffans pour la plùlofophu , & qui ont
détourné les uns de l'étudier, ou jeté les
autres dans un doute univerfel.
N'outrons pourtant rien. Les travers de
l'efprit humain n'ont pas empêché la phi'
lofophu de recevoir des accroiftem.ens
confidérables, & de fendre à la perfeftion
dont elle eft fufceptible ici-bas. Les anciens
ont dit d'excellentes chofes , fur-tout fur
les devoirs de la morale , & mètre fur ce
que l'homme doit à Dieu ; &c s'ils n*ont
pu arriver à la belle idée qu'ils fe formoient
de la fage/Te , ils ont au moins la gloire
de l'avoir ccnçue & d'en avoir ten'é l'é-
preuve. Elle devint donc entre leurs mains
une fcience pratique qui embrafloit les véri-
tés divines & humaines, c'eft- à-dire, tout
ce que l'entendement eft capable de décou-
vrir au fujet de la divinité , & tout ce qui
peut contribuer au bonheur de la iociété.
Dès qu'ils lui eurent donné une force fyf-
tématique , ils fe mirent à l'enfeigner , &
l'on vit naître les écoles & les fedes; &c
comme pour faire mieux recevoir leurs pré-
ceptes , ils les ornoient des embeiliflemens
de l'éloquence , celle-ci fe confondit infen-
fiblement avec la fagefte , chez ks Grecs
fur-tout, qui faifoient grand cas dé l'art
de bien dire , à caufe de fon influence fur
6-11 PHI
les affaires d'état dans leurs républiques.
Le nom de fage fut travefti en celui de
fophlfte ou maître d'éloquence ; & cette
révolution fit beaucoup dégénérer une
fcience qui ,dans fon origine , s'étoit pro-
pofé des vues bien plus nobles. On n'é-
couta bientôt plus les maîtres de la fagef-
fe, pours'inftruire dans des connoifiances
folides & utiles à notre bien-être , mais
pour repaître fon efprit de queftions cu-
rieufes, amufer Tes oreilles de périodes
cadencées, & adjuger la palme au plus
opiniâtre, parce qu'il demeuroit maître du
champ de bataille.
Le nom de fage étoit trop beau pour
de pareils gens, ou plutôt il ne convient
point à l'homme : c'eft l'apanage de la
divinité, fource éternelle & inépuisable de
la vraie fageffe. Pythagore, qui s'en ap-
perçut , fiibflitua- à cette dénomination
faftueufe, le titre modefte de philofophe,
qui s'établit de manière qu'il a éré depuis
ce temps-là le feul ufité. Mais les fages
rai Tons de ce changement n'étouffèrent
point l'orgueil des philofophes , qui con-
tinuèrent de vouloir paffer pour les dépo-
fîtaires de la vraie fageffe. Un des moyens
les plus ordinaires dont ils fe fervirent pour
fe donner du relief, ce fut d'avoir une pré-
tendue doftrine de réferve, dont ils ne
faifoient part qu'à leurs difciples afîidés ,
tandis que la foule des auditeurs étoit re-
pue d'inftrudions vagues. Les philofophes
avoient fans doute pris cette idée & cette
méthode des prêtres, qui n'initioient à la
connoiffance de leurs myfleres qu'après de
longues épreuves ; mais les fecrets des uns
& des autres ne valoient pas la peine qu'on
fe donnoit pour y avoir part.
Dans les ouvrages philofophiques de
l'antiquité qui nous ont été confervés ,
quoiqu'il y règne bien des défauts , & fur-
tout celui d'une bonne méthode , on dé-
couvre pourtant les femences de la plupart
des découvertes modernes. Les matières
qui n'avoient pas befoin du fecours des
obfervations & des inftrumens, comme le
font celles de la morale , ont été pouffées
aufli loin que la raifon pouvoit les conduire.
Pour la phyfîque, il n'eft pas furprenant
que favorifée des fecours que les derniers
iîecles ont fournis , elle furpaife aujourd'hui
PHI
de beaucoup celle des anciens. On doit
plutôt s'étonner que ceux-ci aient fi biei)
deviné en bien des cas où ils ne poavoient
voir ce que nous voyons à préfent. On en
doit dire autant de la médecine & di^%
mathématiques ; comme ces fciences font
compofées d'un nombre infini de vues, &c
qu'elles dépendent beaucoup des expé-
riences , que le hazard feul fait naître , &
qu'il n'amené pointa point nommé, il eft
évident que les phyficiens , les médecins
& mathématiciens doivent être naturelle-
ment plus habiits que les anciens.
Le nom de philofophie demeura toujours
vague , & comprit dans fa vafte enceinte ,
outre la connoifïance A^s chofes divines
&: humaines , celle des loix , de la méde-
cine , & même àts diverfes branches de
l'érudition, comme la grammaire, la rhé-
torique , la critique , fans en excepter
l'hifîoire & la poéfie. Bien plus, il paflfa
dans l'églife ; le chriftianihr.e fut appelle la
philofophie lainte; les doéleurs de la reli-
gion qui en enfeignoient les vérités, les
afcetes qui en praiiquoient les auftérités,
furent qualifiés de philofophes.
Lesdivifions d'une fcience conçue dans
une telle généralité , furent fort arbitrai-
res. La plus ancienne & la plus reçue
a été celle qui rapporte la philofophie
à la confidération de Dieu & à celle de
l'homme.
Ariflote en introduifit une nouvelle; la
voici. Tria gênera funt theoreticarumjcien-
tiarum^ mathemaùca , fhyjica^ theologica»
Un paffage de Séneque indiquera celle de
quelques autres feéles. Stoici verb philo-
fophice très panes ejfe dixerunt , moralem ,
naturalem , 6* rationalem : prima corn-
ponit animum ; fecunda rerum naturam
fcrutatur , tertia proprietatis verborum
exigit & ftrucluram & argumentationes^ m
pro veris falfa fubrepant. Epicurù duas
panes philofophife putaverunt ejje , natu-
ralem atque moralem ; rationalem remo-
verunt. Deinde ciim ipjîs rehus cogercntur
ambigua fecernere , falfa fub fpecie veri
latentia coargxere , ipji quoquc locum ,
quem de Judicio & régula appellant , alio
nomine rationalem induxerunt : fed eam
acce(Jionem efjenaturalis partis exiftimant.
Cyrenaici naturalia cum rationalibus
fufiuUrunc ji
P H I
fufiulerunt ) & contenu fueriint morallbus y
Ê'c. Seneca , epifl. 8g.
Les écoles ont adopté la divifion de la
philofophie en quatre parties , logique ,
métaphyiique , phyfique & morale.
2°. li ell temps de pafler au fécond point
de cet article , où il s'agit de fixer \é fens
du nom de la philofophie , & d'en donner
une bonne définition. Philofopher , c'eft
donner la raifon des chofes , ou du moins
la chercher ; car tant qu'on fe borne à
voir & à rapporter ce qu'on voit, on n'eft
qu'hiflorien. Quand on calcule & mefure
\ts proportions des chofes , leurs grandeurs ,
leurs valeurs , on eft mathématicien ; mais
celui qui s'arrête à découvrir la raifon qui
fait que les chofes font , & qu'elles font
.plutôt ainli que d'une autre manière , c'eft
le philofophe proprement dit.
.Cela pofé , la définition que M. Wolf a
donnée de la philofophie y me paroît ren-
fermer dans la brièveté tout ce qui carac-
térife cette fcience. C'efi , félon lui , la
fcience des pojfibles en tant que poffibles.
C*efl une fcience, car elle démontre ce
qu'elle avance. C'eft la fcience des poffi-
bles , car fon but efl de rendre raifon de
• tout ce qui eft , & de tout ce qui peut
être dans toutes les choies qui arrivent;
le contraire pourroit arriver. Je hais un
tel , je pourrois l'aimer. Un corps occupe
une certaine place dans l'univers , il pourroit
<;n occuper une autre ; mais ces diHérens
poffibles ne pouvant être à la fois , il y a
-donc une raifon qui détermine l'un à être
•plutôt que l'autre ; & c'ell cette raifon que
le philofophe cherche & affigne.
Certe définition embralTe le préfent , le
paffé & l'avenir , & ce qui n'a jamais exiflé
&: n'exifiera jamais , comme font toutes
les idées univerielles , & les abllradions.
,Une telle fcience eft une -véritable ency-
clopédie * tout y eil lié, tout en dépend.
Ced ce que les anciens ont fenti , lorf-
qu'ils ont appliqué le viom àz philofophi&^
comme nous l'avons vu ci-deifus , à toutes
fortes de fciences & d'arts ; mais ils ne
juftifioient pas l'influence univerfelle de
cette fcience fur toutes les autres. Elle ne
fauroit être mile dans un plus grand jour
que par la définition de M. Wolf. Les
poffibles comprennent les objets de tout
PHI €yi
ce qui peut occuper l'efprit ou l'induftrie
des hoj-nmes : auffi toutes les fciences ,
tous les arts ont-ils leur philofophie. La
chofè eft llairc : tout fe fait en jurilpru-
dence , en médecine , en poHtique , tout
fe fait , ou du moins tout doit fe faire par
quelque raifon. Découvrir ces raifons Se
les affigner , c'efl donc donner la philo-
fophie des fcieaces fufdites ; de même l'ar-
chitede , le peintre , le fculpteur , je dis
plus , un fimple fendeur de bois , a its
raifons de faire ce qu'il fait , comme il le
fait , & non autrement. Il eft vrai que
la plupart de cqs gens travaillent par rou-i
tine , & emploient leurs inftruraens fahss
fentir quelle en eft la méchanique , & la
proportion avec les ouvrages qu'ils exé-
cutent ; mais il n'en eft pas moins certain
que chaque inftrument a fa railbn , & que
s'il étoit fait autrement , l'ouvrage ne réuf-
firoit pas. Il n'y a que le philofophe qui
fafle CQs découvertes, & qui foit en éràt:
de prouver que les chofes font comme elles
doivent être , ou de les redifier, lorfqu'elles
en font fufceptibles , en indiquant la
railon des changemens qu'il veut y ap-
porter, f'
Les objets de la philofophie font les
mêmes que ceux de nos connoifiances eu
général , & forment la divifion naturelle
de cette fcience. Ils fe réduifent à trois
principaux , dieu y Uame & la matière.
A ces trois objets répondent trois parties
principales de la p/ii/q/bp/zze. La première,
c'efl la théologie naturelle , ou la fcience
des poffibles à l'égard de Dieu, hes poj/i-'
blés à l'égard de Dieu , c'efl ce qu'on peut
concevoir en lui & par lui. 11 en efl de
même des définitions àes poffibles à l'égard
de l'ame & du corps. La féconde , c'çfl
la pfychologie , qui concerne les poffibles à
, l'égard de l'ame. La troifieme cîk la phy-
fique qui concerne les poffibles à l'égard
des corps. .^
Cette divifion générale foufFre enfuite
des fubdivifions particulières' ; voici la
manière dont M. Vv olf les amené.
Lorfque nous réfiéchiflbns fur nou^-
mêmes , nous nous convainquons qu'il; y
a en nous une faculté de former des idées
des chofes poffibles , & nous nommons
4ettc f^çulîé.te^</zi<:/7Ztr/zr; mais il .n|^il
^74 PHI
|>as aifé de connoitre jufqu'où cette faculté :
«'étend, ni comment on doit s'en fcrvir,
-pour découvrir par nos propres médita-
tions, des vérité inconnues pour nous,
& pour juger avec exaditude de celles,
que d'autres ont déjà découvertes. Notre
première occupation doit donc être de re-
chercher quelles font les forces de l'enten-
dement humain , & quel eft leur légitime
ufage dans la connoiiîance de la vérité :
3a partie de la philofophie où l'on traite
cette matière , s'appelle logique ou Van
de penfer.
Entre routes les chofes poffibles , il faut
de toute néceffité qu'il y ait un être fub-
fiHant par lui-même ; autrement il y auroit
des chofes pofllbles, de la poflîbiiité AtÇ-
quelles on ne pourroit rendre raifon , ce
qui ne fauroit iè dire. Or, ctt être fub-
fiftant par lui-même , efî ce que nous
nommons Dieu. Les r.utrcs êtres qui ont
la raifon de leur exiflence dans ctt être
fubliftant par lui-même, ont le nom de
créatures ; mais comme la phiîofopkie doit
rendre raifon de la poflibilité à^s chofes ,
il convient de faire précéder la dodrine
qui traite de Dieu , à celle qui traite des
créatures : j'avoue pourtant qu'on doit déjà
avoir une connoiflance générale àts créa-
■ tures ; mais on n'a pas befoin de la puifèr
' dans \2i philofophie y parce qu'on l'acquiert
dès l'enfance par une expérience continuelle.
La partie donc de la philofophie , où l'on
traire de Dieu & de l'origine des créatures ,
qui eft en lui , s'appelle théologie naturelle
ou doctrine de Dieu.
Les créatures manifeftent leur adivité ,
ou par le mouvement , ou par la penfée.
Celles-là fonr des corps, celles-ci font
des efprits. Puis donc que la philofophie
s'applique à donner de tout des raifons
fuffifantes , elle doit aufli examiner les
forces ou les opérations de ces êtres , qui
agilTent ou par le mollement ou par la
penfée. La philofophie nous montre donc
ce qui peut arri^-er dans le monde par les
forces des corps & par la puilfance des
«fprits. On nomme pneumatologie ou doC'
trine des efprits , la partie de la philofo-
phie où l'on explique ce que peuvent
rfFeftuer les efppits ; & l'on appelle phyfi-
%u^ Qït. d^Brtnt de ia natun cette autre
PHI
partie où [l'on montre ôe qui cfl poflîble en
vertu Ats forces des corps.
L'être qui penfe en nous s'appelle ame ,
or comme cette ame cft du nombre des
efprits , & qu'elle a , outre l'entendement ,
une volonté qui eft caufe de bien des évé-
nemêns , il faut encore que la philofophie
développe ce qui peut arriver en confc-
quence de cette volonté : c'eft à quoi l'on
doit rapporter ce que l'on enfeigne du droit
de la nature , de la morale & de la po-
litique.
Mais comme tous les êtres , foit corps ,
ou efprits , ou âmes , fe refiêmblent a
quelques égards , il faut rechercher auôi ce
qui peut convenir généralement à tous les
êtres , & en quoi confifte leur différence
générale. On nomme omhologie aufcience
fondamentale j cette partie et la philofo-
phie qui renferme la connoifîânce générale
de tous les êtres ; cette fcience fonda-
mentale , la doctrine des esprits & k
théologie naturelle , compolènt ce qui
s'appelle me'taphyfique ou fcience princi"
pale.
Nous ne nous contentons pas de poufîêr
nos connoiifances jufqu'à favoir par quelles
forces le produîfcnt certains effets dans la
nature , nous allons plus loin , & nous
mefurors avec la dernière exaditudc les
degrés des forces & àts efFers, afin qu'il
paroiiïè vifiblemcnt que certaine force peut
produire certains effets. Par exemple , il
il y a bien des gens qui fe contentent de
favoir que l'air comprimé avec force dans
une fontaine artificielle , porte l'eau jufqu'à
une hauteur extraordinaire ; mais d'autres
plus curieux font des efîorts pour décou-
vrir de combien s'accroît la force de l'air ,
lorfque par la compreffion il n'occupe que
la moitié , le tiers ou le quart de l'efpace
qu'il remplifibit auparavant , & de Combien
de pies il fait monter l'eau chaque fois :
c'efl poulTer nos connoiflances à leur plus
haut degré , que de favoir mefurer tout
ce qui a une grandeur , & c'eff dans
cenç vue qu'on a inventé les mathéma-
tiques.
Le véritable ordre dans lequel les par-
ties de la philofophie doivent être rangées ,
c'eft de faire précéder celles qui contien-
, lient \t5 principes , dcmt la^ conncîflânflç
PHI
crt néfitflâire p(^r l'intelligence & U dé-
monflrarion des fuivantes j c'eft à cet ordre
que M. Wolfs'eftreligieulèment conformé;
comme il parole par ce que je viens d'ex-
traire de lui.
On peut encore divifer la philofophle
en deux branches , & la confidércr fous
deux rapports ; elle efl théorique ou pra-
tique.
La philofophie théorique ou (péculative
fc repofe dans une pure & fimple con-
templation des choies ; elle ne va pas plus
loin.
La philofophie pratique efl celle qui
donne à^s règles pour opérer fur fon objet ;
elle eft de deux fortes par rapport aux
deux efpeces d'aûions humaines qu'elle fe
propole de diriger ; ces deux efpeces font
la logique & la morale : la logique dirige
les opérations de l'entendement , & la
morale les opérations de la volonté. Voye\
Logique ù Morale. Les autres parties
de la philofophie font purement Ipécula-
tives.
La philofophie fe prend auffi fort ûf di-
nairement pour la doctrine particulière. ou
pour les fyflêmes in\«entés par des philo-
iophes de nom , qui ont eu des fedateurs.
La philofophie ainll envilâgée s'efl divifée
tx\ un nombre infini de (cà^s , tant an-
ciennes que modernes ; tels font les plato-
niciens , les péripatéticiens , les épicuriens ,
les floïciens , les pythagoriciens , les pyr-
rhoniens & les académiciens j & tels
font de nos jours les cartéfiens y les nev-
toniens. Voye\ Forigine y le dogme de
chaque fecle , à V article qui lui ejl par-
ticulier.
La philofophie fe prend encore pour une
certaine manière de philofopher , ou pour
certains principes fur lefquels roulent toutes
les recherches que l'on fait par leur moyen ;
en ce fens l'on dit , philofophie corpufcu-
iaire , philofophie méchanique , philofophie
expérimentale.
Telle eft la faine notion de \2i philofophie;
fon but eft la certitude, & tous Ç^s pas y
tendent par la voie de la démonftration.
Ce qui caradérife donc le philofophe
& le diftingue du vulgaire , c'eft qu'il
n'admet rien fans preuve , qu'il n'acquiefce
point ;\ des notions trompeufcs , & qu'il
pofe exadement les limites du certairj, du
probable & du douteux. Il ne fe paie point
de mots , & n'explique rien par des qualités
occultes , qui ne font autre chofc que l'effet
même transformé en caufe ; il aime beau-
coup mieux faire l'aveu de fon ignorance,
toutes les fois que le raifonnement & l'ex-
périence ne fauroient le conduire à la vé*
ritablc raifon des chofes.
La philofophie eft une fcience encore
très-imparfaite , & qui ne fera jamais com-
plète ; car qui cft-ce qui pourra rendre
raifon de tous les poflîbles ? L'être qui a
tout fait par poids & par mefure , eft le
feul qui ait une connoifîancé philofophi-
que , mathématique , & parfaite de fès
ouvrages ; mais l'homme n'en eft pas moin^
louable d'étudier le grand livre de la nature ,
& d'y chercher des preuves de la fageflc
& de toutes les perfedions de fon auteur :
la fociété retire aufli de grands avantages
des recherches philofophiques qui ont occa-
lioné & perfedionné plulieurs découvertes
utiles au genre humain.
Le plus grand philofophe eft celui qui
rend raifon du plus grand nombre de cho-
fes , voilà fon rang afiîgné avec précifion :
l'érudition par ce moyen n'eft plus confon-
due avec la philofophie. La connoilîànce
àes faits eft fans contredit utile j elle eft
même un préalable elîêntiel à leur expli-
cation ; mais erre philofophe , ce n*eft pas
fimplement avoir beaucoup vu & beaucoup
lu ; ce n'eft pas auffi pofTéder l'hiftoire de
la philofophie , des fcj^nces & des arts 5
tout cela ne forme fouvent qu'un chaos
indigefte ; mais être philofophe , c'eft
avoir des principes folides , & fur-tout
une bonne méthode pour rendre raifon
de ces faits , & en tirer de légitimes
conféquences.
Deux obftaclcs principaux ont retardé
long-temps les progrès de la.philofophie y
l'autorité &refprit fyftématique.
Un vrai philofophe ne voit point par
les yeux d'autrui , il ne fe rend qu'à la
convidion qui naît de l'évidence. B eft
allez difficile de comprendre comment il
fe peut faire que des gens qui ont de l'et*
prit , aiment mieux (e fervir de l'efpric
àcs autres dans la recherche de la vérité ,
que de celui que Dieu leur a donné. 11^^
Qqqq Z
^7^ .PHI
a fans ioute infiniment plus de pïalfir &
plus d'honneur à fe conduire par {es pro-
pres yeux que par ceux des autres , & un
homme qui a de bons yeux ne s'avifa
jamais de le les fermer ou de fe les arra-
cher , dans l'efpérance d'avoir un Conduc-
teur ; c'efi cependant un ufàge aflez uni-
verfel : le père Mallebranche en apporte
diverfes railbns.
1°. La pareiîe naturelle des hommes ,
qui ne veulent pas fe donner la peine de
méditer.
2°. L'incapacité de méditer dans laquelle
on cft tombé , pour ne s'être pas appliqué
dès la jeuneffe , lorfque les fibres du cer-
veau étoient capables de toutes fortes
d'inflexions.
3®. Le peu d'amour qu'on a pour les
vérités abllraites , qui font le fonde-
ment de tout ce qu'on peut connoître
ici- bas.
4.'^. La fofte vanité qui nous fait fou-
îiaiter d'être eiîimés fa vans ; car on appelle
fayans ceux qui ont plus éle ledure : la con-
noifi'ancc des opinions eu bien plus d'ufage
pour la converfation & pour étourdir les
efprits du commun , que la connoifTance de
l'a vraie philofophie ^ qui elt le fruit de la
réflexion.
5°; L'^admiration exceffive dont on eu
prévenu pour les anciens , qui fait qu'on
s'imagine qu'ils ont été plus éclairés que
nous ne pouvons l'être , & qu'il n'y a rien
à faire où ils n'ont pas réulli.
6"^. Un je ha^fais quel refped , raêlé
d'unie fotte curlofité , qui fait qu'on admire
davantage les cBofes les plus éloignées de
nous , les cbofes les plus vieilles , celles
qui viennent de plus loin , & même les
livres les plus obfcurs r ainfi on eftimoit
autrefois Heraclite pour fon obfcurité. On
recherche les médailles anciennes , quoique
rongées de la rouille , & on garde avec
grand foin la lanterne & lapantouffle de
quelques anciens ; leur antiquité fait leur
prix. Des gens s'appliquent à la lè£ïure
des rabbins , parce qu'ik ont' écrit- dans
une langue étrangère , très-cor rompue &
frès - obfcure. On eflime davantage les-
opinions les plus' vieilles , parce qu'elles
ibnt les plus éloignées de nous ; & fans
-jdoure li Nembroi avoir écrit i'hiiîoire de
P H !
fon fegtie', toute la politique la plus fîné
& même toutes les autres fciences y fe--
roient contenues , de même que quelques-
uns trouvent qu'Homère & Virgile avoient
une connoifïànce parfaite de la nature. Il
faut refpeder l'antiquité , dit-on ; quoi !
Ariflote , Platon , Epicure , ces grands hom-
mes fe feroient trompés ? On ne confidere pas
qu'Ariflote , Platon , Epicure étoient des
hommes comme nous , & de même efpece
que nous , & de plus , qu'au temps où nous
fommes , le monde eit îigé de plus de deux
mille ans ; qu'il a plus d'expérience , qu'il
doit être plus éclairé i & que c'efî la vieil-
leffe du monde & l'expérience qui font
découvrir la vérité.
L^n bon efprit cultivé & de notre fiecle ,
dit M. de Fontenelle , efl, pour ainfi dire ,
compofé de tous les efprits des fiecles
précédons , ce n'efl qu'un même efprit qui
s'efî cultivé pendant tout ce temps-là:
ainfi cet homme qui a vécu depuis le com-
mencement du monde jufqu'à préfent , a
eu fon enfance, où il ne s'eû occupé que
de^i^foins les plus prtffans de la vie; fa
jeurièfTe , où il a affez bien réufS aux chofes
d'imagination, telles que la poéfie & l'é-
loquence, & où même il a commencé à
raifonner , mais avec moins de folidité
que 'de feu , & il ell maintenant dans l'âge
de virilité , où il raifonne avec plus de
forces & plus de lumières que jamais. Cet-
homme même , à proprement parler ,.
n'aura point de vieillelîe , il fera toujours:
également capable àes chofes auxquelles
fa jeuneflè éroit propre , & il le fera
toujours de plus en plus de celles qui
conviennent à l'âge de virilité, c'efl-à-
dire , pour quitter" Tallégorie , les hommes
ne dégénèrent jamais , &• les vues faines
de tous les bons eiprits , qui fe fuccé-
deronr, s'ajouteront toujouFS les unes ai>x
auti'es. )
Ges réflexions folides & judicieufès d-s—
vroient bien nous guérir des préjugés ridi-
cules que nous avons pris en faveur des
anciens. Si notre rai fon , foutenue de» la-
vanité qui rjous cff fi naturelle , n'eit pas-
capable de nous cter une humilit-é fi maL
entendue, comme fi en qualité d'homm«s-
nous n'avions pas droit de prétendre à "une
aiiffi grande perfeâion ; l'expérience- du..
>s
P H ï
Tfioiûs fefa affez forte pour nous convain-
cre que rien n'a tant arrêté le progrès
àes chofès , & rien n'a tant borné les eC-
prits , que cette admiration exceflive des
anciens. Parce qu'on s'étoit dévoué à l'au-
rorité d'Arifiote ,. dit M. de Fontenelle ,
& qu'on ne cherchoit la vérité que dans
ûs écrits énigmatiques , & jamais dans la
nature , non-feuiement la philofophie n'a--
vançoit en aucune façon , mais elle étoit
tombée dans un abyme de galimathias &
d'idées inintelligibles , d'où l'on a eu toutes
les peines du monde à la retirer. Ariiiote
n'a jamais fait un vrai philofophe , mais
il en a beaucoup étoutfë qui le fuflént
devenus, s'il eût été permis. Et le mal
eft qu'une fantaifîe de cquq efpece une
fois établie parmi les hommes , en voilà
pour lo«g-temps; on fera des fîccles entiers
à en revenir , même après qu'on en aura
connu le ridicule. Si l'on alloit s'entêter
un jour de Defcartes , & lé mettre à la
place d'Ariftote , ce feroit à-peu-près le
même inconvénient.
Si ce rcfped outré pour l'antiquité a une
fi mauvailé influence , combien- devient-
il encore plus contagieux pour les commen-
tateurs des anciens ? Quelles beautés ,. dit
l'auteur ingénieux que nous venons de citer,
ne fe tiendroient heureufes d'infpireràleurs
•amans une paffion aulil vive & auffi ten-
dre , que celle qu'un grec ou un latin inl-'
pire à fon refpedueux interprète? Si l'on
commente Arillote , c'efi le génie de la
nature : fi l'on écrit fur Platon , cefi le
divin Platon. On ne commente guère les
ouvrages des hommes tout court-; ce font
toujours les ouvrages d'hommes tout divins ,
d'hommes qui. ont été l'admiration de leur
liecle.- Il en efî de même, de la matière
qu'on traite , c'eft toujours la plu5 belle,
la plus relevée , celle qu'il efl le plus nécef-
làirede favoir. Mais depuis qu'il y a eu des
Defcartes , des Newton, des- Léibnitz ,
& des Woif , depuis qu'on a allié les
mathématiques à h philofophie , la manière
de raifonner s'efl extrêmement perfec-
tionnée.
7^. L'efprit fyflématique ne- nuit pas
moins au progrès de la vérité : par efprit
{fûémanque , je n'entends pas celui qui
iieies V élites entre - elles. , , poui former des
PHI ^77
I démonfîratîons , ce qui n'efî autre chofe
j que le véritable efprit phiIolbphi.:^ue , mais
■ je défigne celui qui bâtit des plans , &
\ forme des fyftêmes de l'univers , auxquels
S il veut enfuite ajuller , de gré ou de force;,
I les phénomènes ; on. trouvera quantité de
I bonnes réflexions là-deiîlis dans le fécond
tome de l'hiftoire du ciel , par M. l'abbi'
Pluche. Il les a pourtant un peu trop pouf-
fées , & il lui feroit difficile de répondre iV
certains critiques. Ge qu'il y a de certain,*
c'elè que rien n'ell plus louable que le parti-
qu*a pris l'académie des fciences , de voir,,
d'oblèrver, de coudier dans i&s regiflres
les obfervations & les expériences , & de'
laifTer à la pofîérité le foin de faire un fyl--
tême complet ,_ lorfqu'il y aura affez de-
matériaux pour cela ; mais ce temps eQ'
encore bienéloigpé ,. fi t^nt eii qu'il arrive
jamais^
Ce qui rend donc l'clprit fyflématique C;
contraire au progrès de la vérité , c'efl qu'il
n'efl plus poitibledc détromper ceux qui ont
imaginé un fyftême qui a quelque vraifem-
blance. Ils coniervent & retiennent très--
chèrement routes les chofes qui peuvent
fervir- en quelque maniera a le confir-
mer i & au contraire ils n'apperçoivent-
pas pr^fque toutes les objedions qui lui font-
oppoiëes', ou bien ils s'en défont par- quel--
que difiinâion frivole. Us feplailent inté-
rieurement dans la vue de leur OQv^-age &
de l'eliime qu'ils efperent en recevoir. Ils
ne s'appliquent qu'à confidérer l'image de"
la vérité que portent leurs opinions vrai-
ferablablesi Ils. arrêtent- cette image fixe
devant leurs yeux', mais ils ne regardcr^t
jamais d'une vue arrêtée les autres faces de
leurs fentimens,- lelquelles leur en décou-
vriroient la fauffeté.
Ajoutezi^icela les préjugés & les paffions.
Les préjugés occupent une partie de l'efpric
& en infedent tout le refîe. Les paffions
confondent les idées en mille manières-
Qc nous font prefque toujours voir dans les
objets tout ce que. nous délirons d'y trou-
ver: la pafllonmême quenous avons pour
la vérité nous trompe quelquefois , lorf^
qu'elle efl trop ardente. Malle branche.
Philosophie, f.f. feptieme corps des
•caractères d* Iniprimerie ; fa propon'ion efl^
.d'une ligpe 5 points , raefurc de i'échella^v
^7« î^ H I
fon corps double eft le gros parangon.
Voje:;^ PROPORTION des cara^eres d' Im-
primerie.
La philofophie eft un entre-corps ; on
emploie ordinairement , pour le faire , l'œil
de cicero fur ledit corps àt philofophie qui
cil de peu de chofe plus foibîe. Voye\
Mignonne & l'exemple à Tar/ic/^ Ca-
ractères.
PHILOSOPHIQUE (esprit) ,
( Morale. ) L'efprir philofophiqiie eft un
don de la nature perfedionné par le travail ,
par l'art & par Thabitude , pour juger faine-
ment de toutes cliofes. Quaad on poflede '
cet ,efprit fupérieurement , il produit une
intelligence merveilleufe , la force du rai-
fonnement , un goût sûr & rélicchi de ce
qu'il y a de bon ou de mauvais dans le
monde ; c'eft la règle du vrai & du beau.
Il n'y a rien d'eftimable dans les différens
ouvrages , qui fortcnt de la main des hom-
mes , que ce qui eft animé de cet efprit. De
lui dépend en particulier la gloire des belles-
lettres ; cependant comme il eft je partage
de bien peu de favans , il n'eft ni poflible ,
ni nécefîaire pour le fuccès des \tnxcs ,
qu'un talent fi rare fe trouve dans tous ceux
qui les cultivent. Il fuffit à une nation que
certains grands génies le pofledent éminem-
ment , & que la fupérioriré de leurs lumières
les rendent les arbitres du goût , \ts oracles
de la critique, les difpenfateurs de la gloire
littéraire. Ve/prit philofophiqiie réfidant
avec éclat dans ce petit nombre de gens,
il répandra , pour ainfi dire , fes influences
fur tout le corps de l'état , fur tous les
ouvrages del'efprit ou de la main , & prin-
cipalement fur ceux de littérature. Qu'on
banniflê les arts & les fciences , on oan-
nira cet efprit philofophique qui les pro-
duit^ dès-lors on ne verra plus perfonne
capable d'enfanter l'excellence ; & les
lettres avilies languiront dans l'obfcurité.
iD.J,)
PHILOTE , f. f. {Mythol ) Tune des
filles de la nuit, félon Héfiode dans fa
Théogonie , 2.2.4. ^^ poëte a entendu par
philote y l'abus du penchant que les deux
hxts ont l'un pour l'autre. Hygin a rendu
ce mot par celui ai incontinence.
PHILOTESIE ,(. ï.{ Littérat. ) c'eft
ainfi que s'appelloit , chez les Grecs , la
PHI
cérémonie de boire à la fanté les uns àei
autres ; elle fe pratiquoit de cette manière.
Dès que le roi du feftin , ou celui qui don-
noit un grand repas avoit verfé du vin dans
fa coupe , il en répandoit d'abord en Thon*
neur àts dieux ; enfuite après l'avoir porté
à (es lèvres , il préfentoit la coupe à fon
voifin ou à la perfonne à qui il vouloit
faire honneur , en lui fouhaitant toutes
Ï^OYtQS de profpérités ; celui-ci en buvoit »
la préfentoit enfuite à Un autre, & ainft
la coupe alloit de main en main , jufqu'à ce
que tous les conviés en euiTent bu. Les phi"^
lote'fies fe prariquoicnt encore à l'arrivée de
quelque hôte , mais il n'étoit permis qu'aux
étrangers de boire à la fan té de la femme
du roi de feftin. A l'égard des autres règles
de cette cérémonie de table , on peut con-
fultcr la lettre du P. Fronteau à M. de Bel-
lievre. Le mot uKÔrtiaïf , veut dire amitié',
^ PHILOTI , ( Iliff. littéraire. ) fociété
établie à Véronne en Italie ^ pour les pro-
grès des exercices convenables ù la nobleflê,
comme le manège , les armes , la danfe ,
&c. elle eft gouvernée par des préfidens.
PHILTRE , f. m. ( HiJ^. anc. &
Divinat. ) breuvage ou autre drogue pour
donnsr de l'amour ; ce mot eft grec, çiATpor,
& vient du verbe ^1^7 v , aimer.
On diftingue les philtres en faux & en
véritables ; & l'on tient pour faux ceux que
donnent quelquefois les vieilles femmes ou
les femmes débauchées ; ceux-là font ridi-
cules , magiques & contre nature , plus
capables d'infpirer de la folie que de l'amour
à ceux qui s'en fervent ; les fyraptomcs en
font mcrae dangereux.
Tous les démonographes conviennent
qu'on emploie de ces fortes de philfres ^
& les mettent au nombre des maléfices. Il
eft certain que \ts anciens les connoiflbient,
& que dans la confeftion de ces poilbns ils
invoquoient les divinités infernales. Il
entroit dans leur compofition diverfès
herbes ou matières , telles que le poiflbn
appelle remore , certains os de grenouilles ,
la pierre aftroïtès , &: fur-tout l'hippomanès.
Voy. HiPPOMANès. Delrio ajoute qu'on
s'y eft aufll fervi de fpcrme ou femence
humaine , de fang menftruel , de rognures
d'ongles , des métaux , des reptiles , des
^ PHI
inteftins de poifTons & d'oîfeaux , & qu'il
y a eu des hommes aflez impies pour mêler
avec tout cela de l'eau bénire , du fainr-
chrême , des reliques des faints , des frag-
mens d'ornemens d'égliic , &c. On a des
excmpl-s de perfonnes ainfi maléficiëes &
précipitées dans une rage d'amour^ mais
î'auteur que nous venons de citer prétend
qu'un philtre ne peut pas agir k moins qu'il
n'y ait dans la perlonne à qui on l'a donné ,
un penchant & des dirpofitions à aimer la
perfonne qui le lui a donné , & encore
qii'un ferme refus de confentement de la
part de la première empêche FclFet du
philtr£. Delrio , Difquijit. magie, lié. Jlly
pjrt. I y quivfi. iij y fecl. 2 & z.
On entend par véritables philtres ceux
qui peuvent concilier une inclination mu-
tuelle entre une perfonne & une autre , par
l'interpofition de quelque moyen naturel &
magnétique qui tranlplaate , pour ainfi
dire , ralFedion. Mais on demande s'il efl
des philtres de cette nature ; & d'ordi-
naire on répond que non. Quelques-uns
croient avoir des expériences contraires.
On dit que fi un homme met un morceau
de pain fous fon aiflèlle , pour l'imbibar de
fa ilieur & de la matière de l'infenfible
tranfpiration , le chien qui en aura mangé
ne le quittera jamais. On tient qu'Hartman-
nus ayant donné unphdcre tiré des végétaux
à un moineau , cet oifeau ne le quitta plus
depuis , demeurant avec lui dans fon cabi-
net , & volant pour le fuivre quand il
viiitoit (ts malades. Vanhelmont a écrit
qu'ayant tenu une certaine herbe dans fa
main durant quelque temps , & pris enfuire
la patte d'un petit chien de la même main,
cet animal le fuivit par-tout 6l quitta fon
premier maître. Le même auteur ajoute
que Us philtres demandent une confermen-
tation de mumie , pour attirer l'amour à
un certain objet, & rend par -là raifon
pourquoi l'attouchement d'une herbe échauf-
fée , tranfplante l'amour à un homme ou à
iine brute. C'eft , dit-il , parce que la cha-
leur qui échauffe l'herbe n'étant pas feule ,
mais animée par les émanations des clprits
tiaturels, détermine l'herbe \crs foi & fe
l'identifie ; & ayant reçu ce ferment ,
«lie attire magnétiquement l'efprit de l'autre
oh'i^t j âc le force d'aimer ou de prendre
PHI 6jc,
un mouvement amoureux ; delà il conclut
qu'il y a des philtres déterminés. Les ma-
lades , après avoir mangé ou bu quelque
chofe , foupçonnent quelquefois certaines
perfonnes de leur avoir donné quelque
charme , & fe plaignent, principaien«nt
du défordre de l'eftomac & de l'elprit. On
dit encore que la paflion ^moureufe caufée
par un philtre revient périodiquement. Le
docteur Langius témoigne qu'il a guéri un
jeune homme , qui ayant mangé à quatre
heures après midi , la moitié d'un citron
qu'il îivoit reçu d'une femme , fenroit tous
les jours , à la même heure , un amour em-
preflé qui le falfoic courir de côté & d'au-
tre , pour la chercher & la voir. Cela lui
durcit une heure ; & comme il ne pouvoit
iatisfaire fon envie , à caufe de l'abfence
de cette femme , fon mal augmenta & le
jeta dans un état pitoyable. Les philtres
caufent de fréquentes manies & afltz f^u*-
vtm la perte de la mémoire. Il peut y avoir
des breuvages qui produifent cet effet ; mais
il efl difficile de croire qu'il y en ait qui inf-
pirent de l'amour plutôt pour une perfonne
que pour une autre. Dicfionn. des arts.
PHILYRA , f. f. {Lme'rat. ) peau
fort déliée qui fe trouve entre l'écorce
des arbres & l'aubier ; les anciens en fai-
foient des bandelettes , -dont ils entrek-
çoient leurs couronnes de fleurs : le tilleul
étoit particulièrement eftimé pour cet ufase.
(D.J.)
PHILYRES , ( Ge'ogr. anc. ) peuples
qui habifolent fur le Pont-Euxin , (èlon
Etienne le géographe. Valerius Fla.cus
Appoliinius, lip. JI , met dans le Pont-
Euxin une île appellée Philyrida y qui
pouvoit tirer fon nom de celui de ces
peuples , ou lui avoir donné le fien ; & il
y a apparence que ce font les malfbns des
Philyres qu'Ovide , Me'tamorph. Uv. VJI,
appelle philyrea tecla. {D. J.)
PHIMOSIS , f m. ( Chirurgie. ) c'c/l
une maladie de la verge , dans laquelle le
prépuce eil collé & fortement reflèrré fur
le gland , de manière qu'on ne peut pas le
tirer en arrière , pour découvrir le gland.
Voyc\ Gland , Prépuce. Ce mot eft
grec ; il fignifie proprement une ligature
avec une ficelle , (piuaTu , fignifiaot ligature
faite ai'ec itni corde^
ao p H I
Quelquefois unphimojîs cache des cha-n-
jcres qui ionr fur le gland , ou qui l'envi-
ronnent. Il eft quelquelois il v'olenr, qu'il
caille une inflaramation & enfin la gangrené
^dans cette partie.
^n dillingue le phirr\oJis en naturel &
en accidentel. Le naturel vient de naif-
fancej il n'eil point ordinairement dange-
reux , à moins qu'il n'y iurvienne une in-
flammation par l'acrimonie de l'urine , fi
jclle féjourne long-temps, entre le gland &
Je prépuce- L'accidentel eft bénin ou malin.
Le premier vient de quelque caule externe
.qui irrite le prépuce , y attire une inflam-
jnation & un gonflement , & le fait telle-
inent reiTerrer , qu'il (è forme à fon -extré-
jnité un bourrelet circulaire qui l'empêche
de fe renverler & de découvrir le gland. Le
f)hLmoJis malin efl femblable à celui - ci ;
mais il reconnoît pour caufe un virus véné-
.rien ; il fur vient fou vent à la chaudepifle ,
âux chancres , & à d'autres maladies véné-
riennes qui attaquent la verge.
Le pJumoJis naturel peut mettre dans le
.cas d'une opératjon , même làns qu'il y
iurvienne d'inflammation. Si l'ouverture
.du prépuce ne répondoit pas précifément à
l'orifice de l'urètre , l'urine ne fort iroit point
j)ar un jeu continu , mais s'épancheroit
entre le gland & le prépuce. Le défaut de
foin dans ce cas a fouvent donné lieu à la
concrétion de l'urine , & conféquemment
,à la formation àts pierres dans cette partie.
Si l'on â foin de preflTer le prépuce après
.qu'on a uriné , on évitera cet inconvénient^
jnais on fent que ces perfonnes font hors
d'état d'avoir des enfans , parce qu'il arri-
vera à la liqueur féminale ce qui arrive à
l'urine. Une petite fcarificarion au prépuce
,à l'un des côtés de la verge , lui donnera la
facilité de découvrir l'orifice de î'uretre , &
ievera les obilacles qui s'oppofent à réjacu-
îation.
On a imaginé un petit inftrument d'acier
^laftique , pour dilater le prépuce trop
jétroit. Voyeifig. £ y planche VI'. L'ex-
;trémiré antérieure fe met dans le trou du
prépuce , & ou dilate Its branches , en la-
chant la vis qui les contient.
Lorfque le phimojis eft accidentel , il
faut laigner le rnalade relativement à la
mmxb S aux "prcgrçj^ de Tinflapirçatipn j
P H I
fair€ àe^ injeâions adoucifïàntes entre le
prépuce & le gUnid , appliquer des cata-
plalmes anodins & reiolutits , en obfer-
vant la iituation de la sQxgt , qui doit
être couchée fur le ventre , pour les raifons
que nous avons dltee au mot Paraphi-
MOSIS : ce n'eft qu'après avoir employé
tous ces moyens fans fuccès , qu'on doic
en venir à l'opération.
Le malade peut être aflîs dans un -fau-
teuil , ou refter couché lur le bord de fon Ht^
Le chirurgien prend la verge de fa main
gauche , & tient de fa main droite des
cileaux droits & moufles; il introduit une
des deux lames à plat , entre le prépuce & le
gland au delà de la couronne ; on en relevé
enfuite la lane , & on coupe tout ce qui elî
compris entre deux. Cette inclfion doit fè
faire au milieu de la partie fupérieure , à
l'oppofite du filet. Si le prépuce étoit chan-
creux ou infiltré d'une lymphe gangreneufe f
comme je l'ai vu prefque toujours lorfque le
pkimofis ^ été néglige , il faut emporter
tout le prépuce en ôtant les lèvres de la
plaie obliquement, pour aller mourir au
filet qu'il n'efl point néceflairq de couper.
Céd fe tait avec les cifeaux ou avec le
biftouri.
La perfedion de l'opération du phimojis
confifle à couper également la peau & la
membrane interne du prépuce. Pour cet
effet , il ne faut point tirer la peau vers le
gland ; car par la fedion on mettroit une
partie des corps caverneux à découvert :
il faut au contraire retirer la peau de la
verge vers le pubis , avant de couper.
Feu M. de la Peyronie a corrigé l'ancien
biflouri herniaire pour cette opération.
Voye:{ Bistouri herniaire. L'ufagc
des cilèaux doit, autant qu'il eflpoifible, être
profcrit de la chirurgie opératoire. L'inci-»
fion du prépuce le fait bien plus facilement
avec un biflouri qui coule le long d'une
fonde cannelée qu'on a introduite prélimi-
nairement entre le prépuce & le gland.
Le premier appareil de l'opération du
phimofis confifle à arrêter le fang avec de
la charpie feche. La plaie qui en réfultc
fuppure les jours fuiviins ; & l'on dirige
les foins pour en obtenir la cicatrice , Iç
plutôt qu'il efl polfibie. Voye\ PlAlE,
I Ulcère.. [Y) . ,
- PHINÈE,
P H I
^ PHINÉE , {Mythol.) fils d'Agénor ,
rcgnoic à Salmidede dans la Thrace : il
avoir époufé Cléobule oa Cléopatre , fille
de Borée & d'Orithie , donc il eur deux
fils , Plexippe &c Pandion ; mais ayanc
répudié dans la faire cecre princeffe pour
époufer Idéa , fille de Dardanus , cette
marârre , pour fe défaire de fes deux
beaux-fils , les accufa d'avoir voulu la
déshonorer , & le trop crédule Phinée
leur fit crever les yeux. Les dieux , pour
l'en punir , fe fervirent du miniftere de
l'Aquilon pour l'aveugler. On ajoute qu'il
fur en même temps livré à la perfécution
àts Harpies qui enlevoient les viandes fur
la table de Phinée , ou infedtoient tout
ce qu'elles touchoient , & lui firent fbuf-
frir une cruelle famine. Les Argonautes
étant arrivés en ce temps-là chez Phinée ,
en furent fivorablement reçus , & en
obtinrent des guides pour les conduire à
travers les roches Cyanées. En reconnoif-
fance , ils le délivrèrent des Harpies ,
auxquelles ils donnèrent la charte.- Dio-
dore dit qu'Hercule follicita La liberté des
jeunes princes que Phinée tenoit en prifon ,
& que , n'ayant pu le fléchir , il l'emporta
de force , tua le père ,, & partagea fes
f tats aux deux enfans. ( -f- )
Phinée , ( Mythol. ) frère de Céphée ,
jaloux de ce que Perfée lui enlevoit fa
nièce Andromède qui lui avoir été promife
en mariage , réfolut de troubler la foîem-
nité de leurs noces \ il rafîembla fes amis ,
entra dans la falle du f^ftin , & y porta
le carnage & l'horreur. Perfée auroit fuc-
combé Ibus le nombre , s'il n'eni eu re-
cours à la tête de Médufe , dont la vue
pétrifia Phinée & fes compagnons. ( + )
PHINÉE S , face de la confiance,
( Hijl. facr. ) fils d'Eléazar , & petit-fils
d'Aaron , fut le troifieme grand-prêtre des
Juifs , & eft célèbre dans l'écriture par
fc)n grand zèle pour la gloire de Dieu. Les
Madiani tes ayant envoyé leurs filles dans
le camp d'Ifraël , pour faire tomber les
Hébreux dans la fornication & dans l'ido-
lâtrie , & Zambri , un d'entr'eux , étant
entré publiquement dans la tente d'une Ma-
dianite , nommée Coi^^i , Phiné}s le fuivit
la lance à la main , perça les deux cou-
pables & les tua d'un feul cod|. Alors la
Tome XX y.
PHI €Si
maladie dont le Seigneur avoir déjïPIrom-
mencé à frapper les Ifraélites , ccfTâ auflî-
tôt. Dieu , pour récompenfer le zèle
ardent que Phinéh avoit témoigné pour
la loi dans cette occafion , lui promit d'éta-
blir la grande facrificature dans là fa-
mille. Cette promefïe que le Seigneur fit
à Phinéh , de lui donner le facerdoce
par un padc éternel , fut exaéfcement ac-
complie. Cette dignité demeura fans in-
terruption dans fa famille pendant enviroH
5 35 ans jufqu'à Héli , par lequel elle pafià
à celle d'Ithamar , fans que l'écriture
nous apprenne la manière ni la caufe de
ce changement. Mais cette interruption
ne dura pas ; car le pontificat rentra
bientôt dans la maifon de Phinéh par
Sadoc , à qui Salomon le rendit , & donc
les defcendans en jouirent jufqu'à la ruine
du temple , l'efpace de mille quatre-vingt-
quatre ans. Cependant cciiç. interruption ,
èc l'extinction entière du (acerdoce même,
nous font voir qu'il manque quelque chofe
à l'exadte vérité de la parole de Dieu , fi
elle n'a d'autre objer que Phinéh de Ca,
poftérité. Il faut donc chercher l'entier
accompliflément de cette parole dans
Jefus-Chrift , qui a brûlé de zèle pour la
gloire de Dieu , jufqu'à réparer par fa
mort l'outrage que nos crimes fiifoient à
la divinité , &z que Dieu a élevé à un
facerdoce érernel , auquel toute fa poftérité
eftaflbciée pour offrir avec lui & par lui des
(acrifices fpirituels dans tous les fiecles."
L'auteur de Vhccléfiafte fait un très-grand
éloge de cet illuftre grand-prêtre, (-f- )
PHINTHIA, {Géogr.anc.) i°. ville
de Sicile , que l'on juge avoir été dans l'en-
droit où eft aujourd'hui Licata , &où l'on
découvre un grand nombre d'antiquités.
i°. Phinthia eft encore une fontaine de
Sicile ; Pline raconte d'après Appien , mais
fans en rien croire , que tout ce qui y étoic
jeté furnageoit. Elle étoit apparemment au
voifinage de la v'^t Phinthia.
PRÎNTONIS ,infula, (Géogr.anc.)
île de la mer Méditerranée , entre la Sar-
daigne & l'île de Corfe , félon Pline , liv,
III , • c. vij. , & Ptolomée liv. III , c.
iij. Les uns croient que c'eft aujourd'hui
Pile de Figo , ifola di Fign , & d'autres la"
prennent ^m- ifola Roffa. ( D. J.) ' ' -
R r r r
6%i PHI
PUfOLE , r.f. ( (krammairc. ) c'eft ime
pente bouteille de verre mince. Voy&i^
Verre. Ce mot eft formé du grec çi«A«
qui fignifie la même chofe.
Phiole élémentair e , ( Fhyfique. )
vafe dans lequel on met divers folides &
liquides , dont chacun fe place félon fa dif-
férente gravité fpécifique , de manière que
le tout repréfente les quatre élémens ainfî
nommés vulgairement j favoir , la terre ,
Veau y Vair , & le/ez/.
Il y a différentes manières de faire la
phiole des quatre élémens ; voici une des
meilleui"es. Prenez de Pémail noir groflié-
rement caflé , qui ira au fond du vaitleau
de verre , & il repréfeutera la terre. Pour
l'eau , ayez dm tartre calciné , ou des cen-
dres gravelées \ laillez-les à Phumidité ,
& prenez la difiblution qui s'en fera , &
fur- tout celle qui fera la plus claire : mêlez
y un peu d'azur de roche, pour y donner la
couleur d'eau de mer. Pour l'air , il faut
avoir de l'eau-de-vie la plus fubtile , que
l'on teindra en bleu célefte avec un peu de
îournefol. Enfin pour repréfenter le feu ,
prenez de l'huile de lin , ou de Phulle de
térébenthine qui fe fait ainfi. Diftillcz de la
-térébenthine au bain-marie , l'eau & l'huile
monteront cnfemble également blanches &
Uanfparentes , cependant l'huile furnagera.
Il la faut féparer avec un entonnoir de
verre j enfuite teignez -la en couleur de
feu , avec de l^orcanette & du fafran. Si
vous la diftillez au fable dans une cornue ,
il viendra de la térébenthine reftée au fond
de l'alembic , une huile épaifle & rouge ,
qui eft un très- excellent baume. Toutes
ces matières font tellement différentes en
poids & en figures , que quand on les brouille
par quelque violente agitation , on voit à la
vérité pour un peu de temps un vrai chaos,
& une confufion telle , qu'on s'imagineroit
que tous les j>etits corps de ces liqueurs font
pêle-mêle , fans aucun rang \ mais à peine
a-t-on cefiTé d'agiter ces fubftanccs, qu'on
voit chacune retourner en fon lieu naturel,
&ç tous les corpufcules d'un même ordre
s'unir pour compofer un volume féparé
abfolument des autres. Cette expérience
fait donc voir , comment les corpufcules
les plus légers cèdent aux plus pcfans , &
f aUeut ïécipro^emenç enuc \x% poics Us
P H î
uns des autres , pour aller prendre leur
place naturelle. La différente figure empê-
che tellement que les corps qu'on mêle ne
fe confondent , que quelque inféparables
qu'ils paroilTènt les uns des autres dans le
mélange qu'on en fait , ils ne laiflènt pas de
le démêler ; de manière que fî on met de
l'eau dans du vin , on peut en retirer l'eau
afTèz facilement. Il ne faut qu'avoir une
taflè faite d'un tronc de lierre , on y verfè
le vin & l'eau mêlés ; à peine font-ils de-
dans , que l'eau pafïè , le filtre au travers
des pores de la tafîe , & laiflé le vin qui ne
peut pafîcr , parce que la figure de fes cor-
pufcules n'a point de proportion avec les
interfticesqui font dans le bois de lierre ^
c'eft ainfî enfin qu'il y a des fleuves qui
confervent leur cours , &: même la douceur
de leurs eaux durant plu fîeurs lieues , après
être rentrés dans la mer. Article de M.
Formey.
PHISIQUE , r. f. Voyei PnYsiauE.
PHISON, étendu , ( Géogr.fac.) un
des quatre grands fleuves qui arrofoient
le paradis terreftre. Pli;fieurs ont cru que
le Phifcn étoit le Gange \ mais ce fleuve
eft trop éloigné de l'Euphrate & du Tigre ,
que Moïfe dit avoir été dans le paradis
terreftre. Ceux qui mettent le paradis tcr-^
reftre dans l'Arménie , entre les fources du
Tigre , de l'Euphrate , de l'Araxe & du
Phafis , qu'ils croient être les quii.re fleu-
ves défîgnés par Moïfe , expliquent le
PA(/c/2par le Phafis , fleuve delaColchide,
célèbre par fon or. Mais dans le fyftême
de M. Huet , le Fhifcn & le Géhon ne
font que deux bras que forment le Tigre
&c l'Euphrate , après que ces deux grands
fleuves ayant uni leurs eaux , les divifent
de nouveau , & coulent féparément. Il y
a de l'apparence que le Phifori eft celui
qu'on appelle le Pafuigris , d'un mot com-
pofé de Phi fon & de Tigris , parce qu'ils
mêlent leurs eaux enfemble. ( H- )
PHITON , leur morceau , ( Géogr.
fûcrée. ) une des villes que les Hébreax
bâtircjit aux Egyptiens On croit que cette
ville eft Pathmos , fur le canal que les rois
Necho & Darius avoient fait pour joindre
la mer Rouge au Nil , ôc par-là à la Mé-
diterranée. ( + )
PHLAQUSA y ( Ci^ogr, mt, ) villit
P HL
de la Cherfonnefc , voifine de la ville de
Troye , où l'on voyoïc le tombeau de
Protéfîlaiis ; cette ville ayoit un port nommé
Crater , félon Hygin. {D. J.)
PHLÉBOTOMIE , f. f. en mtdédn& &
en chirurgie , c'efl: ce que l'on appelle
faignêe , c'eft-à-dire i Part ou l'opération
de tirer du fang. Voye[ Sang.
Ce mot eft compoic du grec çhl4- , veine
& Tifjivèiv , couper.
La phlibotomie eft une efpece d'évacua-
tion de la plus grande importance en méde-
cine ; fur ce que nous allons dire , on peut
prendre une idée de fes effets, avec la
raifon de fes ufages.
Il eft évident que le fang poufle hors
dik cbeur , en frappant fur le lang qui le
précède , & la chaftant en avant , lui com-
munique une partie de fon propre mouve-
ment , & qu'ainfî ce mouvement en eft
rallenti d'autant : par conféquent fi Ton tire
du fang de la veine bafilique du bras droit,
celui qui lui fucqede , ou celui qui eft porté
par l'artère axillaire ou la fous - claviere
droite , fera moins embarrafte dans fbn
mouvement qu'il ne l'étoit auparavant que
cette veine (nx. ouverte ; car une partie du
faHg étant ôtéc par l'ouverture de cette
veine , il en refte une moindre quantité
dans la veine axillaire , ou bien il y a
moins de fang contenu entre l'extrémité la
plus éloignée de l'artère axillaire & le cœur,
qu'il n*y en avoir auparavant \ c'eft pour-
quoi en faifant fortir le fang par la veine ,
ce qui en refte dans l'artère fera moins
cmbarrafle dans fon mouvement qu'avant
cette ouverture. Voye^^ Pouls.
Ainfi le fang de cette artère qui commu-
nique avec la veine qui eft ouverte, coulera
avec plus de vîtefîe après cette ouverture
qu'il ne faifoit auparavant; par conféquent,
lorfque le fang fort par la veine du bras,
celui qui eft pouffé du cœur dans l'aorte ,
trouve moins de réfiftance dans le troijic
afcendant que dans le tronc defcendant j
il coulera donc plus vite dans l'afcendant
que dans le defcendant ; & par conféquent
auffi , il trouvera moins de réfiftance dans
l'artère fous-clavicre droite , que dans la
gauche.
Enfin il paroît delà , qu'après avoir
tiré du fàng d'une veine du bras droit ,
PH L ^^^
celui qui refte dans l'artère axillaire
droite coulera avec une plus grande
vîteffe dans l'artère de ce bras qui lui
eft contigu , que par l'artère thorachi-
que ou la fcapulaire droite , qui' lui eft
aufli contiguë ; parce que quand on ne
fuppofe pas que le fang eft tiré de
quelque veine correfpondante à l'attere
thorachique , ou dans laquelle cette artère
fe décharge , il y a à proportion un plus
grand obftacle au mouvfpient du fang dans
Partere thorachique , que dans celle du
bras ; mais comme la vîteffe du fàng dans
l'artère fous-claviere ou dans- Paxilkirc
droite eft plus grande que dans la gauche »
la vîteffe dans l'artère thorachique droite
fera auffi plus grande que dans l'artère tho-
rachique gaucha. D'où il eft clair , qu'en
tirant du fang par une veine du bras droit,
la plus grande vîteffe du fmg reftant fera
dans l'arrere de ce bras , à caufe qu'il
décharge fon fang immédiatement dans
la veine qui eft ouverte ; & la plus grande
vîteflc après celle-ci , fè trouvera dans l'ar-
tère thorachique ou la fcapulaire , du même
côté qui fort de l'artère axillaire j mais
la vîtertè du fang fera beaucoup moindre
dans l'artère brachiale , axillaire & thora-
chique , du côté gauche àc oppofé , Se la
moindre de toutes dans les artères qui vien-
nent du tronc defcendant de Paortc.
Sur ces principes , on peut aifément
inférer ce qu'il faut faire dans pîufieurs cir-
conflances de la faignée : par exemple , G.
l'on veut empêcher le progrès de quelque
humeur provenant du Hmgftagnant dans la
jambe gauche , ou fi l'on veut parvenir à
faire couler dans cette jambe en un efpace
de temps donné quelconque , une auffi
petite quantité de fang qu'il eft poffible ,
on doit premièrement tirer du fang par le
bras ou la jambe du côté droit ; car c'eft-là
le véritable moyen de faire ce que l'on
appelle révulfion.
De plus , fi l'on tire du fang du même
côté , & par quelque veine qui, reçoit le
fang d'une branche de ce tronc qui le tranf-
raet à la partie enflée , on occafionera
une plus grande dérivation de fang à ce
membre.
Quant à ce qui regarde toute la confti-
tutio» du corps , daj>6 tous les cas où le
Rrrr z
a4- PHL
fang coule avec lenteur , ou quand il efl
vifqueux , s'il y a encore aflez de force &
d'élafticité dans les folides , la phléboîomie
fera circuler plus vite le fang qui refte , le
rendra plus coulant & plus chaud ; mais
dans une pléthore qui vient de débau-
che & d'une trop grande quantité d'alimens
fpiritueux , ou d'une diminution de tranf-
piration , dans laquelle cependant le fang
conferve fa fluidité naturelle , la phUbotomie
fera circuler le reft#de la malle plus lente-
ment & le rafraîchira.
Dans le premier cas , une diminution de
réiiftance dans les vaifTeaux fanguins , aug-
mentera les puiflances contradtives de ces
, vaifîèaux ; elle les fera battre plus vite , &
fera circuler avec plus de rapidité les hu-
meurs qu'ils contiennent ; mais dans le
dernier cas , une diminution de la quantité
d'un fang fpiritueux fera auiïi diminuer la
quantité d'efprits , dont la fecrétion fe fait
dans le cerveau : il s^enfuivra que le cœur
& les artères ne fe contracteront plus fi
fouvent , rîi fi fortement qu'auparavant ;
ainfi le fang circulera plus doucement &
deviendra plus frais. Vcye^ XH ce u r ù
Artère j & voilà les principes fur Icfquels
loule toute la doArine de la faignée. Voye:^
Évacuation , Dérivation ù Ré-
vulsion.
Pour la manière de faire la phléhoromie.
ybye^ Saignée.
PHLEGETON , f. mafc. {Mythol.)
fleuve d'enfer , qui non feulement rouloit
des torrensde flammes , mais qui em'!j:on-
noit de toutes parts la pri(on des fcéiérats;
fon nom vient de ^Xs'jw ,;e brûle. Les habi-
tans , voifins du marais Achérufè plein
d'eaux croupiflantes , débitoient fur ces
eaux mille fables ridicules , dont les p&è'tes
fe jouèrent en les ennobiiflànt. {D.J.)
^ PHLEGM AGOGUE , adj. ( Médecine. )
c'eft un médicament propre à purger !c
pblegme ou la pituite. . Voye^^ Purgatif.
Ce mot eft formé du grec <p?À'yfj(.tt phuita ,
piruire , & of^av , chajfer ou tirer. L'agaric,
Phermodadyle , le 'urbith font répuiés des
drogues phlegmagogues.
PHLLGMASIE , f. f. ( Médecine. )
<îans_ Hipocrate , fignifie non feulement
«ne inflammation en général, mais quel-
quefois encore une chaleur violente excitée
PHL
par une fièvre : ailleurs il fignifie une cfpece
d'urine piruiteufe qui contient beaucoup
d'humeurs froides (5c grofïieres.
On peut dire que l'inflammation attaque
la lymphe , comme le fang. Les inflamma-
tions lymphatiques ne font pas connues des
médecins ordinaires , qui ne caraderifent
que les maladies dont ils ont étudié , ou fé
(ont accoutumés à reconnoître les fympto-
mes dans les livres des anciens , ou dans le
courant de leur pratique ordinaire. Voyei^
Lymphe 6f Inflammation.
PHLEGMATIQUE , adj. ( Médecine. )
tempérament dans lequel le phlegmeouk
pituite eft: l'humeur dominante. Voye^^
Tempérament ù Phiegme.
Les tempéramens phîegmatiques fofit
fujets aux rhumes , aux fluxions , &c.
Voye^ Constitution & Complexion.
PHLEGME, f. m. ( Médecine.) Une-
humeur morbifiquc , fecréroire , tenace ,
glutineufe j blanche , fansaârion, produite
peu-à-peu par une augmentation de cha-
leur , ou de mouvement du corps , s'ap-
pelle phkgme.
Les humeurs naturelles , albumineufes j^.
gélatineufes, mucilagineufes , muqueufes ,
& peut-être la graiflè elle-même , par une
dirpofition morbifique du corps, paroiflènt
dégénérer en cette matière.
Comme dans la diftillation , après l'af-
cenlion de la partie volatile , monte le
phiegme (ans aclion j de même lej humeurs
de bonne qualité qui ont fouffert une lon-
gue agitation par la force de la circulation
& la chaleur du coips , fe changent en cette
humeur tenace 6c glutineufc
Le phiegme , difficile à fe réfoudi e après
la cellàtion d'une violente inflammation .3c
de la fièvre , prétage toujours la longucuf
de la maladie , produit des aphtes de durée ,
un fédiment maqueux dans l'urine , des.
crachats abondans & tenaces dans les pou-
mons, des -ordures dans les ulcères, dans,
la bouche , fur lalangue , &; dans les yeux ,
des (elles muqueuies & tenaces que le-
malade rend (ans aucun (ouln^ement.
Pour divifè:- le phiegme , il faut employer
les déterfifs (avonneux , incapables de trop
échauffer ou de trop rafraîchir : par le
moyen de femblables antifeptiques , on
prévient le trop grand progrès ôc. U corrup-
P H L
tion <îu phkgme \ enfin dn le diilîpe très-
doucement.
Phlegme , dans les anciens , comme dans
Galien , fîgnifie toute humeur froide &
humide 3 mais dans Hippocrate ce mot ne
déligne pas feulement une humeur blanche
éc froide , mais encore une inflammation.
De plus (f\iy/^cta'iv , dans le même auteur ,
lignifie quelquefois une chaleur violente
excitée par la fièvre. Enfin , dans le même
Hippocrate , (pAiyixctivuv ne fîgnifie pas feu-
lement caufer une tumeur , mais exténuer.
{D.J.)
PHLEGMON , f. m. terme de chirurgie ,
inflammation fanguine qui fait éminence
au dehors , & qui s'étend profondément
dans la partie qu'elle occupe. On définit
ordinairement le phlegmon , une tumeur
circonfcrite avec rougeur , chaleur , dou-
leur & puKation.
. La caufc du phkgmon eft un engorge-
ment dans les extrémités capillaires , arté-
rielles , fanguines , avec conflriclion &
ëréthifme des vailïeaux engorgés. Voye'^
[i Inflammation ù Éréthisme, L'amas
dm fangdansdesvaiiTeauxdontradionleroif
abolie ou empêchée, ne produit point une
tumeur inflammatoire. Voye-;^ Aposteme.
Lesfignesqui fontconnoitre Xtphlegmon ,
font la rougeur , la chaleur , la circonfcrip-
tion , la tumeur , la dureté , la tenfion ,
la douleur , la pulfation , la fièvre & l'in-
fomnie. L'application du doigt fur la
tumeur ne fait pas évanouir pour un mo-
ment la rougeur, comme dans Péréiîpelle.
Voye'^ ErÉsipelle.
Pour guérir le phlegmon , il faut tâcher
de piocurer la réfolution de l'humeur arrêtée
dans la partie : aucun remède ne peut fup-
pléér à la fàignie ; & fi la plupart des
phlegmons fe terminent par fuppuration ,'
c'éfl parce qu'on n'a point employé les
faignées aufïî promptement & auffi abon-
damment qu'iîl'auroit fallu. On ne peut que
parune fouftradion fort confidérable delà
partie rouge , rendre la mafie du fang aflèz
féreufe Se afiez fluide , pour que cette
partie rougç qui contribue à. l'étranglement
& à l'embarras , fe trouve inondée ou
détrempée au point d'êrfefiicilenient dépla-
cée & entraînée par ion véhicyle. devenu
plus abondant. Tout coufifl-edoiic à rendic
P H L - . a^
le fàrig fort aqueux, coulant, & moins
inflammable j & il n'y a d'autre moyen
pour y réufïir , que d'abondantes faignées
pratiquées aflez promptement.
Qiioique la faignée foit le principal re-
mède que Pon puifle employer pour pro-
curer la réfolution du phlegmon , il faut
la féconder par d'autres remèdes dont l'ex-
périence a fait connoître l'utilité.
Dans le commencement de la maladie ,
on peut fe fervir avec fuccès des re-
percuffifs. J^oye:^ Repercussifs.
Ces médicamens , en reffèrrant par leur
vertu afl:ringente les vaiflèaux fanguins ,
empêchent non feulement une partie du
fang d'entrer dans les vaiflèaux refier-
rés , mais ils forcent celui qui y eft arrêté
d'enfler les vaiflèaux collatéraux . où la
circulation n'eft pas empêchée. Pour peu
que l'inflammation ait fait de progrès ,
ces remèdes ne doivent point être em-
ployés ; ils attireroient la mortification :
il faut avoir recours aux émolliens réfolu-
tifs , pour relâcher Pctranglement qui arrête
le cours du fang dans les capillaires ar-
tériels. On fe fert fort efficacement du
cataplafme avec la mie de pain cuite dans
le lait , ou de celui des quatre farines
cuites pai;eillement dans le lait ou dans
de l'eau. Ces remèdes farineux contien-
nent une huile muciîagineufe , relâchante ,
qui , fécondée par les mêmes qualités qui
fe trouvent dans le bit , procure la dérente
des vaiflèaux : ces remèdes contiennent
aufïî un fel acefcent qui leur donne une
vertu légèrement repère ufTîve.
C'eft: l'expérience qui a fait conncître
l'excellence de ces remèdes ; car en fui-
vant l'idée qu'on s'efl toujours faite de la
réfolution des tumeurs , on a donné le
nom de réfolutifs à des médicamens qui
ont une vertu atténuante , incifive , pé-
nétrante , propre à fubrilifer Phumeur &:
à la faire évaporer par les pores de la
peau ; tels que font tous les remèdes rem-
plis de fels volatils , d''huiles éthérées , les
liqueurs fpirirueufes , chargées d'huiles al-
kooHfées & d'huiles e(îèntielles, oud'huile$
éthérées diftillées. Mais tous cts remèdes
n'ont aucunement la vertu qu'on leur attri-
bue ; loin de diffoudre & d'atténuer k fang , '
ils Pépaifïîfl^èut & le condenfeut poux k
6Sé P H L
plupart: cts remèdes font des ftimulans '
violens , qui n'agiflent qu'en irrifanc les
folides , & qui font capables d'augmenter
beaucoup l'inflammation , & d'en caufer
même où il n'y en a point.
Il i^mble cependant que ces remèdes , en
excitant le jeu des vai(îèaux , devroient
procurer le même effet que s'ils atténuoient
les humeurs en agiflant fur elles immé-
diatement ; parce que l'avion des vaifTeaux
augmentée paroît devoir les brifer ôc les
fubtilifer : cet effet peut avoir lieu à l'égard
des tumeurs œdémateufes, cauféespar une
crudité piruiteufe ; mais il n'en eft pas de
même du fang qu'un jeu des vaitTeaux trop
violent durcit &c racornit. Si l'aftion vio-
lente des vaifTeaux étoit un remède contre
l'inflammation , la maladie , félon l'expref-
fîon de M. Quefnay , feroit à elle-même
fon propre remède , puifqu'elle confiftedans
cette action même devenue exceffive ; il ne
feroit pasnéceflaire d'avoir recours à des
remèdes capables d'exciter cette a6tion
déjà trop animée. L'ufage inconfidéré des
femedes réfolutifs procure l'induration des
tumeurs inflammatoires. V. Induration.
Lortque le phlegmon eft dans fon état ,
on applique les émolliens tout fimples en
forme de cataplafme , voye^ÉMOLLiENs ;
& fi la maladie donne des fignes de réfolu-
tion , on joindra les réfolutifs aux émol-
liens , pour paflér enfuite par degrés aux
réfolutifs feuls. f^oye^ Résolutifs Ù
RÉSOLUTION.
S>ï la tumeur donne des fignes qu'elle
fuppurera , voye[ Suppuration , on (c
fert des remèdes gras & ondueux , voye:^
SuppuRATiFs i & lorfque le pus efl:
formé , le phlegmon eft dégénéré en abcès.
Voye[ AbcÉs. (Y)
Antrax , charbon , clou , furoncle ,
font quatre mots prefque fynonymes qui
défignent tous des efpeces de phlegmon ,
avec cette différence , que le charbon efî
le furoncle tombé en pourriture , 5c qu'il
eft un fymptome ordinaire des maladies
peftilentielles.
Le mot antrax eft tout grec & défigne
proprement les véficules fphacéleufcs , qui
s'élèvent fur la peait en temps de pefte ,
& qui font fcmblables à celles qu'auroit
fait une brûlure.
PH L
Le mot clou eft le terme dont le vul-
gaire fè fert à la place de celui à^ fu-
roncle. Le clou eft proprement une tubé-
rofité dure , qui fe forme par tout le corps
dans la graifîè fous la peau , & eft accom-
pagnée d'inflammation , de rougeur & de
douleur ; non feulement les adultes , mais
aufTî les jeunes perfonnes , & même les
enfans nouveau - nés , y font fujets. Les
clous demandent extérieurement d'être
oints d'efprit de vitriol mêlé avec du miel ;
ils exigent enfuite les emplâtres digeftifs ,
tels que le diachylon fimple , l'emplâtre
de mélilot , de fperma ceti, ùc. s'ils ré-
fiflent à ces remèdes , il faut les amener
àiuppuration par les maturatifs, en déloger
la matière corrompue , nettoyer l'ulcère ,
& enfin confolider la plaie.
Les puftules que les Latins nomment
vari , clous du vifàge, font des diminutifs
an furoncle f 5c ils demandent fur-tout les
remèdes internes qui tendent à dépurer
& à purifier la mafle viciée du fàng»
(£>./.)
PHLEGRA, ( G^og. anc.) ville de la
Theflalie, félon Martianus .Capella. Ce
fut , difent les poètes , dans les champs de
cette ville , que les géans combattirent
contre les dieux , & qu'il furent fou-
drovés. ( Z). 7. )
PHLEGYAS , ( Mythol. ) chef des
Phlégicns , peuple belliqueux de la Béotic ;
après les avoir raflemblés de toutes parts ,
il porta fon audace , dit Paufanias , jufqu'à
marcher avec eux contre Delphes , pour
piller le temple d'Apollon mais ils
furent exterminés par le feu du ciel , par
des tremblcmens de terre , & par la pefte.
^ -" poètes , pour punir Phlégyas , le
Les
mettent dans le Tartare , & nous repré-
fentent TiCphonc toute enfanglantée ,
gbûtant aux mets qu'on lui préfentoit ,
afin qu'il en eût horreur , malgré la faim
qui le dévoroit. {D. J.)
PHLÉGYiC , ( Geog. anc. ) peuple de
la Theffalie , félon Strabon ; il y avoit
auflî dans la Béotie , une ville appelles
Phlegya : le mot Thlegyœ fe Ht dans
Virgile, Mneid.l. VI, verf, 6i8.
Admonet,
Phlegyaf^z/e miferrimus omnef
P HL
■ Le poète défigne vraifèmbîablement îci ,
ces gens de la Bœotie , qui , félon Paufa-
nias , ayant voulu piller le temple d'Apol-
lon à Delphes , périrent prefque tous par
la foudre , par des tremblemens de terre ,
6c par la pefte. Delà vient que Phkgyce
a fignific en généraU des impies Se fa^cri-
leges; & ctd en ce fens qu^il faut prendre
ce mot dans le palTage de Virgile.
PHLEUM, f. m. {Botan.) c'eft dans
le fyftéme de Linnaeus , un genre de plante ,
dont voici les caraderes. Le calice eft une
balle contenant une fleur ; cette balle eft
bivalve, oblongue , comprimée & ouverte
au fommet ; la fleur eft com.pofée de deux
piecesplus courtes que celles du calice ; les
étamines font trois .filets capillaires, qui
s'élèvent au deftus du calice ; les boflèttes
des étamines font oblongues & fendues en
deux à leur extrémité 5 Tembryon du piftil
eft arrondi ; les ftyles font au nombre de
deux , petits & penchés ; le calice & h
fleur renferment une feule graine qui eft
de figure arrondie. {D.J.)
PHLIUS , ( Géog. anc.) nous tradui-
fons en françois Phlionte ; il y a trois villes
de ce nom de Phlius , toutes trois dans le
Péloponefe.
La première cft^ une ville du Pélopo-
nefe enSicyonie , félon Ptolomée , /. ///,
c. xvj , qui la place dans les terres. Stra-
bon , /. VII r, p. ^8z , dit " que la ville
»> d'Arœthyrée , que Ion appcUoit de fon
» temps Phlyafia , étoit dans une con-
»» trée de même nom , près de la montagne
»> Cœ/cjfa : il ajoute que dans la fuite les
» habitans changèrent de place , ôc alle-
»' rent à trente ftades de ce lieu , bâtir
y une autre ville, qui fut aufti nommée
M Phlius. " •
^ La féconde Phlius eft une ville mari-
time du Péloponefe dans TArgie, placée ,
félon Ptolomée, /. /// , c. xvj , entre
Nauplia - Navale , <5c Hormioné. Pinet
prétend que c'eft Focia , de Sophien Yri.
La troiiieme Phlius eft une ville du
Péloponefe dans l'Elide , félon Pline , qui
la met à cinq milles de Cyllene. Le P.
Hardouin prétend que c'eft la même qui
eft placée dans la Sicyonie par Ptolomée
& par Strabon.
J'ignore laquelle de ces trois villes du
P H L 6^-;
Péloponefe , étoit la patrie du poète
muficien Thrafylle , dont parle Plutarque
dans fon dialogue fur la mufique , outre
qu'il y a trois Thrafylles fameux chez les
Grecs par leurs talens. Le premier étoit
le Phlionte ; le fécond eft un philofophe
cynique , contemporain du vieil Antigo-
nus, l'un des fucceftèurs d^ Alexandre le
gïand ; le troifiemc étoit de Mendès, ville
d''Egypte.
Al. Pabbé Sévin dans les mém. des
Infcri^. tom. X , pag. 8c, , prend ce
dernier Thrafylle, homme vcrfé dans
pre.que toutes les fciences , pour le Thra-
^y\de Phlwnte y mais ce favant eft vrai-
lemblablement dans l'erreur. Le Thrafylle
de aMendès étoit à la vérité muficieîi ,
mais un iimple muficien fpéculatif ; au lieu
que le Thrafylle de Phlionie étoit mufi-
cien praticien , comme Pindare & Simo-
mde, comme Efchyle & Phrynique
comme Pancrate & Tyrtée. Il joignoïc ]
com.me eux , le mérite de lapoc/îe lyrique
a celui de la mufîque ; c'eft-à-dire , qu^il
compofoit comme eux , des airs Ôc de$
chants de plus d'une efpece , qui s'exécu-
toient auiïî lur les inftrumens.
Cette mu/îque des Grecs dans les /îecles
d Augufte , de Tibère & de Thrafylle le
mmdélien , étoit bien déchue de la belle
/implicite qui en faifoit autrefois le prin-
cipal mérite. Mais fi Thrafylle de Mnidès
ne le diftingua pas dans la mufique il
joua un grand rôle auprès de Tibère, Vir
Ion étude de Paftrologie judiciaire Ce
prince, quoique naturellement rrès-réfêrvé
l'honora delà confiance la plus intime, &
Il fur la conferver jufqu'à fa mort qui ne
précéda que d'un an celle de l'empereur.
Tous les hiftoiiens romains, Su-rone
Tacite Dion Çamifi parlent beaucou;
de ce Thrafy le ; il le méritoit par fon
elprit , par la bonté de fon cœur , & par
la droiture de Ces intentions.
Il ne s'en tint pas là : les mêmes auteurs *
rapportent que plufieurs illuftres romains
furent redevables de leur confervarion
a la figefle de Thrafylle. Les défiances
5^/'Jf^''i"gmenterenf avec l'âge, & le
delir d aflurer à fa maifohPautori'té fouvc-
ranie excita un violent orage contre les
membres du fénat les plus diftingucs, de
62S P H L
par la naiflance , ôc par le mérite perfonnel.
On les arrêta, & ils auroient péri infail-
liblement , fi Thrafylle n'eût pas trouvé le
fecret de perfuader à l'empereur que les
aftres lui proraettoicnr une vie extrême-
ment longue. Ce que l'on fbuhaite avec
ardeur , eft cru fort aifémcnt: Tibère con-
vaincu de la vérité de cette prédidiion ,
différa toujours d'immoler à Ces foup-
çons un fi grand nombre de vidimés.
Enfin , attaqué de la maladie qui le con-
duifit au tombeau , il rejeta les fecours
de la médecine qu'on lui offrit , & fa mort
combla les vœux de tout le monde.
C'eft à Phlionte en Sycionie , que na-
quit Afclépiade , difciple de Stilpon , &
le tendre ami de Ménédeme. Tous deux
fort pauvres , ils gagnèrent leur vie com-
mune à 11 fueur de leur vifage , & devin-
rent par leur génie &: par l'étude , de
grands. & d'eftimables philofophes; ils le
furent encore par les liens d'une amitié
rare , &qui dura jufqu^au tombeau. Ré-
iblus tous deux de fe marier & de ne fè
•jamais féparer , ils jugèrent nécefîàire, pour
réufïir dans ce delTein , de choifir leurs
femmes , avec une précaution qui leur
pût promettre la concorde domeftique ; &c
ils trouvèrent ce bonheur dans une fa-
mille où il y avoir une femme & une fille ,
l'une & Pautre en âge d'être mariées. Mé-
nédeme prit la mère , Se Afclépiade la fille;
celle-ci étant morte au bout d'un an ,
Ménédeme céda fon époufe à fon ami ,
& fe maria avec une riche & vertueufe
héritière, qui dépofa le fonds & l'admi-
niftration de fes biens entre les mains de
fa belle-fœur. Les amcs des deux amis &
des deux femmes fe réunirent encore , &
fe confondirent avec leur fortune ÔC l'édu-
cation de leurs enfan%( Xe Chevalier de
Jaucourt. )
PHLOGINOS , ( Hifi. nat. ) Pline
donne ce nom à une pierre qui fe trouvoit
'en Egypte , dont la couleur étoit d'un
jaune vif. Quelques modernes ont cru. que
cette pierre eft la même que les anciens
nommoient û/!r{/r/?m.
PHLOGISTIQUE , f. m. ( Phyfique. &
Chymie. ) A mefure que la chymie fait des
progrès , les termes qui lui font propres
devieniicnt communs à la phyfique , ou
P H L
font relégués dans le vocabulaire des
adeptes. L'expérience & l'obfervation . ont
rapproché & confondu ces deux fciences ,
long-temps divifées par un faux efprit de
fyftême: on a fenti que la nature devoir
être la même pour celui qui l'admire dans
(ts grands ouvrages, & pour celui qui
l'étudié dans les parties infenfibles des
compofés. Si quelques écrivains , imbus
d'anciens préjugés qu'ils prennent pour des
principes sûrs , dont ils forment une bar-
rière au devant de ceux qui travaillent à
reculer les bornes de nos connoifiances ,
ofent encore réfider à la voix du génie
qui leur a révélé que la nature n'avoir
qu'une loi pour les grands comme pour
les petits effets ( Voye-^ Affinité ) ,
bientôt cette unité , chit fimplicité , cette
harmonie , deviendront les types infaiUi-
bîes, d'après lefquels le chymifte & le
phyficien d'accord viendront eflàyer leurs
découvertes.
Sous ce point de vue , Yartkîe Phlo-
GiSTiQUE auroit peut-être dû être ren-
voyé à V article Feu ; mais leur identité
n'eft point encore généralement avouée
par les phyficiens; 6c cttx.e diverfité d'opi-
nions exige que l'on conferve à ce principe
une dénomination indéterminée , comme
le dit très-bien l'auteur de V article Feu ,
( Chymie. ) Il feroit à defirer qu'il eût
rempli lui-même la tâche qu'il s'étoit don-
née , en renvoyant au //zor Ph logistique .
Nous allons eflayer d'y fuppléer.
Le feu qui brûle n'eft autre chofe qu'une
matière mife en mouvement : lïiais toute
matière n'eft pas propre à recevoir , à
entretenir, à communiquer ce mouvement
d'ignition , caufe prochaine de la chaleur.
On a été forcé de reconnoigre qu'il y avoir
dans la nature une fiibftanceeflentiellement
douée de cette propriété, & des corps plus
ou moins pourvus de principe inflammable.
C'eft ce principe , confidéré dans la com-
pofition des corps , abftradion fiite du
mouvement , que Stahl a nommé phlo-
gijlique.
Suivant quelques-uns , le phlogijlique
eft un principe fecondaire , compofé de
l'élément du feu & d'une terre vitri-
fiable : d'autres au contraire le regardent
^ comme la pure matière du feu, non qu'ils
prétendent
P H L
prétendent qu'il ne puifTe jamais être con-
lîdéré comme déjà combiné avec d'autres
fubflances , lorfqu'il entre dans la formation
d'un compoié ; mais comme , en exami-
nant fa nature & Tes caractères dans tous
les mixtes où il exille abondamment , dans
toutes les opérations oii il joue le rôle
principal , ils l'ont toujours retrouvé fem-
blable à lui-même, ils penfent que c'eft
un être fimple dont les propriétés font
indépendantes des différentes matières où
il eft engagé'; & ce Tyliéme nous paroît
tonde fur la raiion & fur robfervation.
Si l'on efl encore livré à des conjec-
tures & à des doutes à ce fujet, c'efl:
probablement parce que l'on a trop perdu
de vue la loi primitive de la nature & fa
marche univoque. Toute combinailbn n'efi
que le produit d'une attradion {imultanée
des parties conftituantes. Cette attradlon
refpedive ne peut s'exercer qa'enlùite de
diifolution {Voye'^ AFFINITÉ); & le
teu eu le plus grand diffolvant , le feul
dans la nature , s'il eft le feul fluide eflen-
riel. Dès-lors on ne doit pas être furpris
que le feu exifle dans, tous les corps , puis-
qu'il n'y a point de difTolution fans un
fluide ; puifqu'il efl: impoffible de conce-
voir le palîage de l'état fluide à l'état
folide, fans qu'une partie quelconque du
fluide dilîblvant y demeure retenue &
fixée.
Ainfl dans ce fyflême , la divifîon de
corps combuftibles & non combuflibles ,
n'eft plus qu'une comparaifon indétermi-
née de proportions différentes , & d'effets
plus ou moins viiibles y ( Voye:[ COM-
BUSTION. ) Ainfi l'eau elle-même reçoit
fa fluidité & fa qualité difîblvante du feu ;
& fi l'on peut prendre confiance dans une
analogie que tout confirme , que rien ne
dément , qui dérive des conféquences im-
médiates des première? loix de la nature,
on fe formera une jufle idée du phlogijîi-
qiie , en difant qu'il efl aux métaux &c à
tous les corps dont il efl le diffolvant pro-
pre, ce que tout autre diffolvant compole
efl aux fubflances qu'il attaque , ce que le
mercure efl à l'or dans l'amalgame, ce que
l'eau efl aux fels.
On leur ôte ce principe par la calcina-
tion fcche , ou par la calcination humide-,
Tome XXK
P H L ég9
& leur terre demoure dans un état pulvé-
rulent , d'autant p!us indiifoluble par le feu,
ou même par tout autre menflrue , qu'acné
efl plus complètement dépouillée de phlo-
gifilque.
Veut-on leur rendre la forme métalli-
que , il faut les rediffoudre par le feu :
cet élément environnant cha^e molécule
tcrreule, forme un tout homogène dont
les parties fufpendues par l'équipondérance,
ne gravitent que toutes enlèmble vers le
centre de la terre , & cèdent à la loi de
i'attraélion prochaine réciproque.
^ mcfure que le fluide ignée furabon-
dant s'évapore , les atomes métalliques fe
rapprochent , les points de contad fe
mukiphent , l'adhérence naît , la portion
de la matière du feu qui a perdu Ion mou-
vement par la combinaifon y demeure , &
la maffe efl redevenue folide. .
Si la rapidité de l'évaporatian ou quel-
qu'autre circonftance méchanique n'a point
troublé l'adion progrefïive de fattradion
réciproque , le loHde prend une figure
régulière déterminée par la forme généra"*
trice des parties conflituantes: c'efl une
vraie cryflallifation bien frappante dans
le culot d'antimoine étoile , & dont on
a déjà obfervé d'autres exemples moins
fenfibles.
Comme il y a des fels dont la cryflal-
lifation cft plus parfaite , quand l'évapora-
tion efl plus rapide , l'acier exige un re-
froidifîement plus fubit.
Comme il y a des fels efflorefcens , il
y a des métaux qui perdent plus aifémenî
le feu qu'il ont pris dans leur cryflalli-
fation.
Enfin la fluidité du mercure eft une forte
de déliquefcence ignée.
Ceux qui nient que le phlogiftique foit
le feu pur élémentaire , fe fondent princi-
palement fur ce que le feu qui traverfè les
vaiffeaux ne peut réduire les métaux, c'efl-
à-dire , leur rendre la forme métallique ,
en leur reflituant le principe qu'ils ont
perdu : mais s'il efl bien prouvé qu'un feul
métal puifîe reprendre ce principe , étant
Amplement expofé au feu , fans contad
d'aucune fubflance huileufe ou charbon-
ncufe , c'en eft affez pour faire voir que fi
les autres ne fe revivifient pas dans les
S s s s
6^0 P H L
mêmes circonftances , ce n'efl pas la ma-
tière propre qui manque , mais le moyen
d'union : or , la nature particulière de la
terre mercurielle fournit à cet égard une
preuve décifive. Il y a plufieurs moyens de
la dépouiller de Ton phlogiftique , & de
la convertir en chaux , comme les autres
métaux : fi l'on préfère le procédé du tur-
bit , c'eft-à-dire , de déphlogifliquer \t
mercure par l'acide vitriolique , on a
l'avantage de s'affurer en même temps
que le principe qu'on lui enlevé ed bien
le même que celui qui exifle dans tous les
autres métaux imparfaits , puifqu'il com-
munique toutes les mêmes propriétés fèn-
libles ; cependant cette chaux traitée feule
en vaifTeau clos , reprend la forme métal-
lique , redevient capable de fulfurer de
nouvel acide '-, la même quantité de mer-
cure peut fubir , fans aucune diiFérence ,
autant de ces alternatives que l'on voudra '-,
c'efl une éponge que l'on peut imbiber &
prelîer à volonté.
On a obfervé que le plomb (e revivifioit
nufli en partie par le feu , fans contad de
matière charbonneufe ni huileufe ; mais fi
cet accident fuffit pour établir un rapport
entre la terre du plomb &: la terre du
mercure , & pour confirmer la théorie de
l'identité du feu pur & du principe métal-
lifant , c'eft au mercure qui poflède fi
éminemment la propriété de le combiner
avec le feu , en quelque érat qu'il foit ,
que l'on doit la dcmonftration d'une vé-
rité auffi importante, que l'on n'eût peut-
être jamais ioupçonnée , fi la nature n'eût
placé ce métal iingulier hors la clafîè ordi-
naire des fubftances minérales. Cette pro-
priété avoit indu?t en erreur la plupart Aqs
chymifles ; ils croyoient devoir en con-
clure que le mercure étoitun métal parfait
à qui l'on pouvoit faire éprouver difierens
changemens extérieurs & apparens , mais
qui ne fe calcinoit pas réellement , puifqu'il
fe revivifioit feul en vaifî'eau clos , c'étoit
en effet à cette condition unique que l'on
étoit convenu d'attacher l'idée de perfec-
tion. Cependant la calcination du mercure
une fois reconnue > il faut abandonner cette
opinion démentie par les faits; & la pré-
tendue indefîruâibiliré de l'or , de la pla-
^îaejde l'argent , n'efl plus qu'une dilpo-
P H L
lition à s'unir au feu ou principe métalll-
iant fans intermède , tout de même que
le mercure. Cette explication naturelle ne
laifTe fubfiflcr aucune de ces prétendues
contradictions dans la dodrine de Sthal ,
qui ont frappé ceux qui n'ont pu concevoir
pourquoi le feu agiflbit fur le phlogijil-
que du fer , & n'agiffoit pas fur le phlo-
giftique de l'or ; la raifon en efl évidente
dans nos principes ; cqs deux métaux font
également attaqués & difTous par le feu ;
caria fufion eft une difîblution parle fluide
ignée : tant que leurs molécules terreufes y
nagent difperfées par l'équipondérance >
leur métallifation efl: également parfaite ,
parce que la quantité de feu aÉBuente
remplace la portion précédemment com-
binée qui s'échappe , & qui dans cet érat
n'eft pas plus fixe que le feu nouveau ;
mais dans tous les inflans , dans tous les pro-
cédés, l'oi* retient toujours la quantité de ce
fîuide nécelîaire à fa métallifation , au lieu
que la terre du fer fe laiffe enlever par
l'air cette quantité ( que l'on peut nommer
feu de cryftallifation , comme on dit par
rapport aux fels , eau de cryflaUifation ) y
fi fà furface n'efl défendue par le con-
taâ: immédiat de matières propres à la
retenir.
Peu de temps après que l'auteur de cet
article eut publié les expériences qui l'a-
voient convaincu que le turbit minéral
étoit une vraie chaux méralhque , M. le
comte de Buflbn , dont la vue femble ne
s'arrêter fur un objet que pour deviner
ce qui efl au delà , lui propofa de vérifier
encore l'identité du feu métallifant & de
la lumière , en elfayant de revivifier le
turbit au foyer d'un miroir ardent : le
luccès a été tel qu'il i'avoit prévu. Une
feuille d'or fufpendue au bouchon d'une
bouteille au tond de laquelle on avoit mis
du turbit minéral bien pur , fut complè-
tement blanchie en quelques minutes par
révaporation de cette chaux réduire par
les feuls rayons du foleil afTemblés au foyer
d'un miroir concave de feize pouces de
diamètre.
Je ne crois par devoir omettre id une
autre obfervation également importante,
qui annonce que la feule chaleur du corps
humai» peut rcflufciter le mercure de
P H L
l'état de chaux , ou , ce qui eft la même
chofe , de l'état falin. Je faiiois part à
l'académie de Dijon , à la féance du 29
novembre 177 1 , d'une conjeâure que j'a-
vois formée d'après les faits que l'on vient
de voir , de la manière d'agir du mercure
dan3 les maladies dont il eft le fpécifique ;
& ayant rapproché plufieLirs circonftances
qui prouvent que fa vertu^ curative eft
indépendante des différentes préparations
qu'on lui donne , des dififérens acides aux-
quels on l'unit, pourvu toutefois qu'il foit
éteint ; j'en concluois que l'on pourroit
attribuer fon efficacité à cette propriété
ftnguiiere de s'emparer du phlogifiique en
tout état , tellement qu'il ne rétablit la
fluidité de la lymphe , qu'en lui enlevant
ce principe furabondant. M. Hoin , mem-
bre de cette académie, connu par plu-
iieurs bons ouvrages de chirurgie , afTura
k cette compagnie avoir vu un de ^es
malades rendre du mercure coulant par
les pores de la peau ; ce' qui l'avoit d'au-
tant plus étonné , qu'il ne le lui, avoit
donné qu'intérieurement, & fous forme
faline. Cette obfervation fut retenue fur
le regiftre.
Ainfi le feu , la lumière , la chaleur
raême réduifent le mercure ; & comme
il eft d'ailleurs prouvé que le principe qu'il
perd dans la calcination , qu'il reprend
dans la rédudion^ eft bien le même qui
métallife les autres métaux , il paroît que
l'identité du phlogifiique avec la lumière
& le pur élément du feu, ne peut plus
être révoquée en doute. Il y a toute
apparence que le fluide éledrique n'eft
encore quela raême matière dans un au-
tre état.
Le phlogifiique ou feu fixe entre nécef-
fairement comme partie conftituante dans
tous les corps compoies ; il fe trouve fur-
tout en abondance dans le foufre , les
huiles, les charbons & autres matières
combuftibles : ce font auifi celles qu'on
emploie le plus communément pour rédiiire
les métaux.
Dire que dans tous ces mixtes le phlo-
gifiique eft le même & dans le même état ,
c'eft peut-être une propofition hafardée ,
du moins trop générale & fufceptible de
quelques controverfes j parce que, conwnc
PHL 6<^t
on Ta déjà dit , il eft très-poftlble qu'il ne
foit admis dans quelques-uns , qu'après
une combinaifon précédente: mais que
de toutes les différentes fubftarices que
l'on peut employer arbitrairement , Ici
terres métalliques ne reçoivent conftam-
ment que le même principe identique &
fans mélange , c'eft une vérité dont l'évi-
dence frappera tous ceux qui feront affez
initiés pour voir enfemble tous les faits
fans nombre qui l'établifTent , les rapports
néceffaircs qui les lient , & les caufes fea-
fibles des exceptions apparentes.
Une goutte d'huile quelconque , un mor-
ceau de métal , un peu de charbon fuffifenc
également pour fulfurer l'acide vitriolique:
le feu appliqué à la cornue où on le diftille ,
ne (ert qu'à le faire monter avec le p/z/o—
gifiique , & à les féparer ainfi des autres
matières plus fixes. La vapeur du foie de
foufre refîùfcite la chaux de plomb ; une
terre métaUique précipitée de l'acide qui
la.tenoit en diffolution , par un autre mé-
tal , reprend le phogifiique qui l'aban-
donne , & reparoît avec le brillant métal-
hque : la fimple digeftion d'une chaux de
fer dans l'huile ^ la rend attirable à l'ai-
mant : la même chofe arrive fi on l'éva-
poré au foyer de la lentille ; enfin le fer
fe convertit en acier , c'eft-à-dire , fe
fature de phlogifiique y lorfqu'on le plonge
dans du fer de gueufe en fufion , parce
qu'il y a d'une part alTez de chaleur
pour le dilToudre ^ & de l'autre une ma-»
tiere environnante propre à retenir ce
difTolvant. •
Le phlogifiique du charbon s'unit à l'a-
cide vitriolique , lorfqu'on diftille enfem-
ble ces deux fubftances ; & au contraire
il s'en fépare , lorfqu'on laifTe l'acide ful-
fureux expofe à l'air , lorfqu'on brûle le
foufre , lorfqu'on calcine l'hépar, &c. Ces
efïèts fe concilient très-bien par la feule
différence méchanique : dans le premier
cas , ce font deux corps inégalement vo-»
latils qui font forcés de monter & de s'ar*-
rêter enfemble : dans les autres , le plus
léger a la liberté d'abandonner le plus
pefant ; l'acide eft retenu par l'alkali , où
s'unifTant à l'eau qu'il rencontre dans l'air,
fa combinaifon avec le principe inflam-
mable devient d'autant plus foiblç. Si h
^ s ss %
6^% P H L
foufre , quoique abondamment pourvu de
phogiftique , n'eft pas propre à la réduc-
tion des métaux , c'efî que ce principe y
eft engagé dans un acide trop puiflant &
trop fixe ; l'adion refpedive de ces trois
fubflances tend à former -un hépar métal-
lique : cette affinité compofée diminue
Heceflairement l'adhérence , le feu s'échap-
pe , & l'acide qui demeure recalcineroit à
chaque inftant la partie de la terre mé-
tallique qui auroit pu fe revivifier.
Dans le charbon , le phlogiflique eft auffi
engagé dans un acide ( Kqytf^^ HÉPAR ) ;
maiscet acide fe trouve précifément afîez
fort pour le retenir , allez foible pour
' céder à l'affinité de la terre métallique;
& c'efi là fans doute ce qui forme la
condition la plus avantageufe pour les ré-
duûions.
Il ne faut pas croire , comme quelques-
uns l'afllirent , que l'aftion du feu dans \ts
cvaporations , dans les calcinations , ne
foit qu'un fimple relîichement d'agréga-
tion ; c'eft encore une vraie difîolution ,
fmon complète & fimukanée , du moins
partielle & fucceffive : la preuve en ré-
fulte de l'identité de l'efiDet de la calcina-
tion par le feu , & de la calcination par
les acides. Dans la première , la terre du
métal eft (éparée du phlogiflique y parce
que la tufion eft ménagée pour favorifer
la diflipation de ce principe volatil ; dans
la féconde ^ parce que la terre mctalhque
l'abandonne pouf s'unir à l'acide. Si l'on
^êne la cryfiallifation d'un fel , en l'agi-
tant , par exemple , pendant i'évapora-
xion , ■ on n'a plus , au lieu <le cryilaux
iblides & réguliers, qu'une poufiiereplus
ou moins tenue qui fe rapproche de l'état
xl'effloréfcence. Cependant l'opération a
commencé néceiïairement par unediffolu-
tion aqueufe ^ & fi ce fel n'a pas retenu
•une fuffifante quantité de ce fluide diiîbl-
vant, on n^en va pas chercher la raifon
iiors des circonfiances méchaniques qui
ont empêché la combinaifon : il en eiî de
jnême dans la calcination.
C'efî une qucffion fort agitée en phyfi-
que , de favoir pourquoi la calcination ne
iè fait pas en vailîeauxexadement fermés ,
fttjifque l'on ne peut douter raifonnable-
«BÊ^t ^ue le feu ne les pénètre alTez aboa-
P H L
damment pour fondre le métal: c'efl dans
l'état de l'air qu'il faut chercher la caufe
de cet effet ; en conféquence , les uns
djfent que c'efl parce que le fluide man-
que , & que fon aâion efl nécefTaire ;
d'autres penfent que fa préfence n'agit pas
feulement méchaniquement , mais qu'il fe
fixe dans les chaux métalliques '-, qu'elles
ne .peuvent d^nc paffer à cet état , qu'au-
tant qu'on leur fournit une quantité luffi-
fànte d'air. Sur quoi on peut objeder
I®. que , dans cette fuppofition , il faudroit
au moins qu'il y eût une calcination pro-
portionnelle à la quantité d'air renfermé.
iM. Beccaria dit l'avoir obfervé dans des
vaifîeaux de verre fermés hermétiquement ;
mais cela efi-il bien confiant? & d'ail-
leurs la preuve de ce fait efl nécefTaire à
l'hypothefe & ne fuffit pas pour la prou-
ver: 2°, ilparoît contraire à tous les prin-
cipes d'admettre une combinaifon de deux
corps fans difîolution , ou une difîolution
fans cryflallifation : 3°' il s'enfuivroit delà
que Tair auroit avec les terres métalliques
plus d'afïinifé que le feu ; que cependant
il n'en pourroir faire qu'une difîolution
moins complète , & ne pourroit les attaquer
qu'à l'aide du feu : 4°* les acides calcinent
\qs métaux comme le feu ; & comment
concevoir, par exemple, que l'air puifTe aller
fe combiner avec l'étain que l'on calcine
au fond d'un vafe rempli d'efprit de nitre y
ou que cet efprit de nitre contienne
afîèz d'air fixe pour calciner fuccefîive-
ment le* nouvel étain qu'on lui préfente ?
5°. L'analogie de la combufîion & de la
calcination efî évidente dans nos princi-
pes ; elle efl démontrée par l'inflamma-
tion des demi-métaux , & cependant le
charbon qui ne fè confume pas non plus
dans \qs vaifTeaux clos , fe confume fenfible-
ment lorfqu'il eil enfermé dans un vaiffeau
purgé d'air-
En fu i va nt cette analogie , on efl tenté
de penfèr que la calcination exige , comme
la combufîion , un mouvement ofcillatoire
qui favorife le déplacement, & que, dans J|
l'appareil à^s vaifîeaux clos , ce mo;jve- tI
ment efl arrêté , parce que la raréfadion
de l'air dans un efpace borné équivaut à
la denfité.
S'il y a quelques procédés auxquels cette
P H L
explication ne puifTe convenir , c'efl qu'il
y a plufieurs moyens de faire manquer un
effet qui dépend du concours de plufieurs
caufes. Un phénomène qui Te pafTe fous
les jours fous nos yeux , fans que Ton ait
encore cherché à s'en rendre raifon , nous
met fur la voie de découvrir un nouveau
principe très-con(équent aux loix générales
de la nature , & que l'on pourroit peut-
être appliquer avec fùccès à plufieurs opé-
rations de la chymie. Un vafe de terre
cuite en grès tient l'eau , plufieurs années
de fuite, fans s'imbiber. Cette eau eû-
elle imprégnée de fel , on la voit bientôt
iraverfer les pores du vafe : il efl évident
que (ts pores ne font pas devenus plus
perméables , que les parties compofées âcs
deux corps combinés ne peuvent être plus
ténues que les parties compofantes de
chacun de ces corps ; mais la combinaifon
a changé la figure des molécules : cette
figure produit une nouvelle afîinité , & il
y a pour lors une attradion de tranfinif^'
Tion qui porte fucceflivement les atomes
de la diffolution faline , des parois infé-
rieures aux parois extérieures ; c'efl ce
dont on ne peu* raifonnablement douter.
Ces fels gravitent exaâement dans les
cavités des vaifîèaux de poterie , comme
ils grimpent fur les vafès de verre ,
comme l'eau s'élève dans l'éponge ^ dans le
fucre , &c. ceû même eau & même efièt.
Ainfi l'on pûurroit dire qu'il ne fe fait
point de calcination dans les vaifleaux clos,
parce que l'air manquant , le phloglfiiqae
ou feu fixe ne peut y former de combi-
naifon , qui le rende fufceptible de l'at-
traâion , de tranfmifiion , & favorife par-
là fa féparation de la terre métallique ;
l'efFet des cimens maigres qui calcinent les
métaux , même en vaiflèaux clos , paroît
confirmer cette hypothefe , & elle n'exclut
nullement la pénétration du feu environ-
nant , puifqu'il s'efl néceffairement combiné
pendant l'ignition.
On voit , par ce que nous venons de dire ,
que la fcience de la chymie ne préfente rien
d'aufîi difîicile, ni d'aufTi important que cette
théorie : -toutes ces difficultés fc réduifent
néanmoins à une feule queftion qui fufpend
en ce moment les progrès de nos connoif^
làûccs^; Éft'CC addition 3 efi-ce fouftraâion
PHL ^pî
de quelque matière , qui conflitue Vétat de
chaux après la calcination ? M. Black l'at-
tribue à l'abfence de l'air fixe ; M. Mayer ,
à la préfence d'une fubflance qu'il appelle
acidum pingue ou caujlicum : M. Prieflley
a ajouté de nouvelles obfervations qui con-
firment l'hypothefe de M. Black : la plupart
des phyficiens s'occupent de la folution de
ce problême intérefîant. M. Lavoifier vient
de publier une belle fuite d'expériences fur
l'exiflence & les propriétés du fluide élaf-
tique qui fe fixe , fuivant lui , dans les
terres métalliques pendant leur calcina-
tion , & nous favons que M. Macquer , à
qui la chymie efl déjà redevable de tant
de découvertes , travaille à éclaircir cette
matière, en développant la théorie de la
cauflicité. Il fiiut efpérer que de tant
d^eflTorts excités par l'intérêt général , &
dirigés vers le même but , naîtra enfin
une lumière afTez vive pour frapper tous
les yeux , & ramener llir la même route
tous ceux qui s'apphquent à l'mide de cette
partie àts fciences naturelles. 7^oj(r;|^ AiR
FIXE , Calcination , Causticité,
Caustjcum y Combustion.
hc phlogijiique ou feu fixe efl-il pefant?
C'efl encore une queflion intérelTante , &
qui touche de près à celle que nous venons
d'annoncer. Boyle a cru la flamme pe-
fànte , même pondérable ; mais la flamme
n'eft pas la matière pure du feu. Boerhaave
a obfervé qu'une barre de fer embrafée
ne pefbit pas plus que lorfqu'elle étoit
froide. Madame du Châtelet dit nettement
que le feu efl Vantagonifie de la pefanteur :
elle confirme l'expérience de Boerhaave ,
& certifie que l'égaliré de poids s'eft re-
trouvée dans des malTes de fer depuis une
hvre jufqu'à deux mille , qu'elle a fait pefer
toutes enflammées & enfuire refroidir. J'a'i
moi-même pefé un marc d'argent très-pur
en fufion , & j'ai vu l'équilibre fe conferver
pendant la confolidation & après le re-
froidilTement. Mais il faut convenir que
de pareilles expériences , qui varient fans
cefîë par une foule d'accidens inévitables
peut-être par des circonflances néceffaires y
ne font pas afîê^ sûres pour nous autorifer
à excepter le feu de la loi commune de
la gravitation. Le feul fait de l'incurvation
des rayons de la lumière , fuiîit pour nous
^5?4. P H L
convaincre qu'il n'eft pas fournis à une'
autre pulflance.
Cependant , abflra^lion faire de l'état
de lumière , d'ignition & de chaleur , le
feu efl eflentiellement volatil ; c'efl: une
vérité démontrée par l'évaporation fpon-
tanée de tous les corps où il entre , lors-
que la quantité ou la deniité des autres
parties conllituantes ne l'enchaînent pas
par leur contrepoids ; mais cette volatilité
s'explique très-bien par la pelànteur fpéci-
fique de l'air , plus grande que celle du feu.
C'efl: fur ce rapport hydroftatique qu'eft
fondée l'explication de l'augmentation de
poids des chaux métalliques par l'abfence
du phlogiftique. Voye^ CaLCINATION.
Cette volatilité du phlogijiigue le fait
regarder , avec raifon , comme le principe
des odeurs y parce que c'eft lui qui élevé ,
répand & apporte fur l'organe de l'odorat
\qs corpufcules qui l'afFedent.
On dit encore que le phlogiftique eu le
principe des couleurs ; mais cette expreffion
ne nous paroît pas avoir en général la
même juftefîè. Si le feu qui fe fixe dans
les corps change les couleurs qu'ils avoient
avant cette combinaifon ^ c'eft qu'elle
donne aux parties conftituantes une autre
figure , une autre denfité ; d'où il réfulte
une autre quahté réfléchifTante ou réfrin-
gente: ainfi cet élément ne peut être confi-
déré ici que comme toute autre matière
qui , recevant la lumière , eft di(pofée à
renvoyer tel ou tel rayon coloré.
Lorfque je m'engageai à fournir cet ar-
ticle , je favois que M. le comte de BufFon
préparoit fon introduélion à l'hiftoire na-
turelle des minéraux ; ce qui l'qbligeoit à
traiter des élémens , & particulièrement
du feu. Je fentis combien il (èroit inté-
reflant de pouvoir enrichir ce didionnaire
de tout ce que ce grand homme devoit ajou-
ter à nos connoiffances fur cette matière ,
qui eft la clef de la bonne chymie. N'ayant
reçu fon ouvrage que très-peu de jours
avant le terme donné pour la remife des
manufcrits , je n'ai pu en extraire que
quelques idées principales , & c'eft-là fans
doute tout ce que l'on defirera de trouver
ici. Il n'eft perfonne qui ne s'emprefle de
chercher dans fon livre même cette manière
fin^ple &: fublime qui lui eft propre , pour
P H L
annoncer & développer ks plus grandes
vérités.
M. de BufFon regarde le phlogifiique
comme un être de méthode , & non pas
comme un être de nature : ce n'eft pas
un principe fimple , c'eft un compofé de
deux élémens , de l'air & du feu fixés dans
les corps. Le feu ou la lumière produifent ,
par le fecours de l'air , tous les e^eis du
phlogifiique.
Il n'y a qu'une matière ; tous les élé-
mens font convertibles : la lumière , la
chaleur & le feu ne font que des manières
d'être de la matière commune ; ils ont les
mêmes propriétés elîéntielles. Le foleii
gravite fur les autres aftres , la lumière
s'incline ou fe réfraâe par l'attradion des
autres corps ; fa fubflance n'eft pas plus
fimple que celle de toute autre matière , puif-
qu'clle eft compofée de parties d'inégale
pefanteur , plus ou moins petites, plus ou
moins mobiles, & différemment figurées. Le
rayon rouge ne pefe pas plus que le rayon
violet , & il y a une infinité d'intermé-
diaires entre ces deux extrêmes.
Ainfi toute matière peut devenir lu-
mière, lorfqu'étant futfifamment divifée ,
lès molécules acquièrent une force expan-
five par le choc de leur attradion mu-
tuelle: la lumière peut de même fe con-
vertir en fubftance fixe & folide , par
l'addition de fes propres parties accumtalées
par l'attradion des autres corps. La vola-
tilité & la fixité dépendent de la même
force , attraBive dans le premier cas ,
devenue répuljive dans le fécond.
Le feu , la chaleur & la lumière peu-
vent être confidérés comme trois chofes
différentes ; & leur différence la plus gé-
nérale paroît confifter dans la quantité, &
peut-être la qualité de leurs aîimens. La
chaleur du globe doit être regardée comme
notre feu élémentaire. Lorfque la chaleur
efl appliquée long-temps aux corps folides ,
elle s'y fixe , & en augmente la pefanteur
fpécifique.
Le feu eft le moins pefant àes corps ,'
mais il efl pefant ; & c'eft en conléquence
de cette pefanteur , qu'il a des rapports
d'affinité avec les autres fubftances. L'air
eft fon premier aliment, les matières com-
buftibles ne font (^ue le fecon^. Le feu fç
P H L
frouve , comme l'air , fous forme fixe ,
dansprefque tous les corps ; il en devient
partie conftituante par la torce attradive ,
& perd alors fa chaleur , fon élafticite &
fon mouvement. n -r >
Toute. liquidité, & même toute tluidite
fuppolb la préfence d'une certaine quantité
de feu.
Les faveurs , les odeurs & les couleurs ,
ont toutes également pour principe celui
de la force expanfive , c'efl-à-dire , la lu-
mière & les émanations de la chaleur &
du feu ; car il n'y a que ces principes adits
qui puiflfent agir fur nos fens , & les ajteder
d'une manière différente & diverlihee ,
félon les vapeurs ou les particules des
différentes iùbftances qu'ils nous apportent.
Les matières doivent être diviiees^ en
trois clafles par rapport à l'aaion du teu ;
1°. celles dont il augmente la^peianreur ,
parce qu'elles font douées dune force
attraâive , telle que fon effet eft lupeneur
à celui de la force expanfive , dont les
particules du feu font ammées : de ce
genre font l'étain , le plomb , les fleurs de
zing , &c. 2«. celles qu'il renl plus légères
parce qu'elles ne peuvent le fixer , & qu il
enlevé au contraire les parties les moins
liées, comme le fer , le cuivre , &c. 3«. celles
qui ne perdent ni n'acquièrent par 1 appli-
cation du feu , parce que n'ayant aucune
affinité avec lui , elles ne peuvent m le
retenir , ni l'accompagner , tels iont 1 or ,
la platine , l'argent , le grès , ^c.
La combuilion & la calcmatioti^ (ont
àeux effets du même ordre , dont 1 or &
le phofphore font les deux extrêmes.
'Toute calcination eft toujours accora^pa-
^gnée d'un peu de combuflion ; de même
toute combuflion el| auffi accompagnée
d'un peu de calcination.
Les particules d'air fixe & de chaleur
fixe , font les premiers principes de la com-
buff bilité ; ils fe trouvent en plus ou moins
grande quantité dans les différentes ^ubl-
tances , félon le degré d'affinité qu'ils ont
avec elles; les parties animales & végétales
paroiflent être la bafe de toute matière
combuftible. ^
La plupart des minéraux & merpe des
métaux , contiennent une affez grande
quantité de parties combuftibks , puifqu ils
P H L ^5>
produifent une flamme. Si on continue le
feu y la combuflion finie , commence la
calcination , pendant laquelle il rentre dans
ces matières de nouvelles parties d'air &
de chaleur qui s'y fixent , &: qu'on ne peut
en dégager , qu'en leur préfentant quelque
matière combuflible , avec laquelle ces
parties d'air & de chaleur fixe ont plus
d'affinité, qu'avec celles du minéral aux-
quelles elles ne Iont unies que par force ,
c'eit-à-dire , par l'effort de la calcination.
Ainfi, la rédu61ion n'ell , dans le réel,
qu'une féconde combuftion : le métal ou
la matière calcinée à laquelle on a rendu
les parties volatiles qui s'en étoient féparées
jiendaot la première , reprendra forme , &
là pefanteur fe trouve diminuée de toute
la quantité des particules de feu & d'air
qui s'étoient fixées , & qui font enlevées
par la féconde combufllon.
Tout cela s'opère par la feule loi des
affinités ; la chaux d'un métal fe réduit ,
comme il fe précipite en dilToIution ; l'a-
cide abandonne le métal diffous , parce
qu'on lui préfente une autre fubflance avec
laquelle il a plus d'affinité qu'avec le métal ;
de même l'air & le feu fixés qui tenoient
le métal fous la forme de chaux , le laifTent
précipiter lorfqu'on leur préfente des ma-
tières combufl:ibles avec lefquelles ils ont
plus d'affinité ; & ce métal reprend en
même temps , aux dépens des matières
combuflibles , les parties volatiles qu'il
avoit perdues.
C'efl a.nfi que ce philofophe, accoutumé
à nous faire voir toujours la nature d'autant
plus grande , qu'il la fait agir par des
jnoyens plus fimples , explique la compo-
fition intérieure des corps & leur diflb-
lution y comme les grands phénomènes
célefles , avec une feule matière & une
feule puifTance. ( Cet article eft de M, DE
MORVEAU. )
PHLOGITES , {Hifl. mt. ) Les natu-
ralifles ne font point décidés fur la nature
de la pierre que les anciens ont défignée
Ibus ce nom. Les uns croient que c'efl
l'opale, à caufe du feu qu'elle femble jeter.
PHne met cette pierre au rang des pierres
précieuiès.
D'autres croient que ce nom doit ctrt
appliqué à une cfpece de fpath iîrié , &
dr5>^ P H L
d'une couleur rouge , qui refîèmblc? afTêz a^
une flamme , & que quelques-uns ont ridr-
cuiement regardé comme une flamme pé-
trifiée. Il s'eil trouvé en Allemagne des
pierres qui avoient cette iigure.
PHLOGOSE , en Médecine , accident
qui dénote quelquefois une menace d'in-
flammation.
Quand l'inflammation de l'œil efl légère ,
& modérée , on l'appelle M%o/é > quand
elle efl: violente , ctûxxncchemoje,
La phlogofe eft la difpQfirion à l'in-
tlammation en général. Voye'^ INFLAM-
MATION.
PHLOGUS, f. m. (Bot.anc.) nom
donné par quelques-uns des anciens natu-
ralifl:es , à différentes efpeces de glayeuls ,
ou d'iris bulbeux , & par quelques autres ,
à la flammula-jovis , efpece de clématite ,
ainfi nommée à caufe de fon goût acre &
brûlant ; mais il femble que cette plante
a reçu le dernier nom de fiammula-joi>is ,
d'une méprife de Pline , qui copiant
Tliéophrafle , & trouvant que cet auteur
parle en même te mps du phlogus , &
d'une autre plante nommée diofantos y
c'efl-à-dire , fleur de Jupiter , a confondu
les deux noms qui étoient réunis , pour
mettre entr'eux le mot flammula-rjovis.
Il y a plus d'une erreur fçmblable dans
les écrits de Pline. {D. /.)
PHLOMIS, {Bot. Jard.) en anglois
the fagetree or Jerufalem fage ; en iàXç.-
manà Jalbeybaunzy J erufalemfalbey y gelbc
falbey.n
Caractère générique.
Le calice qui eft permanent eft fillonné ,,
pentagonal , & figuré en gobelet ; la fleur
eft monopétale, labiée ; la lèvre fupéricure
eft courbée en volute & relevée par les
bords ; la lèvre inférieure eft échancrée
vers fa bafe en deux fegmens aigus ; çllç
P H L
eÛ terminée par une partie fort Targé ;
découpée en deux par le bout , & ondé(t
par les bords ; le defïbus eft relevé de
trois nervuresj^ui forment enrr'elles autant
de gouttières en defTous , & de convexités
en delîus ; la partie fupérieure cache
quatre longues étamines courbées , dont
les fommets ont deux mamelons ; au fond
du calice eft l'embryon , divifé en quatre
parties, & funnonté d'un long ftyle courbé ;
ce ftyle a un crochet au deffus de fa
pointe: les parties de l'embryon devien-
nent autant de femences oblongues & an-
guleules , qui demeurent long-temps fixées
au fond du calice.
Efpeces.
1. Phlomis à feuilles arrondies, velues,'
crénelées , à tige d'arbrifteau.
Phlomis foliisfubrotundis , tomentojis y
crenatis y caule fruticofo. Mill.
Phlomis with crenated leaves.
2. Phlomis à feuilles lancéolées , velues jj
très-entières , à tige d'arbrifTeau.
Phlomis foliis lanceolatis y tomentojis y
integerrimis , caule fruticofo. Mill.
Phlomis with fpear shap'd entire lea-*
ves , &:c.
3. Phlomis ii feuilles oblong-ovales , ve-
lues , ayant des pétioles , à fleurs en têtes
terminales , à tige d'arbrifTeau.
Phlomis foliis oblongo^opatisypetiola tis^
iomentqfis y floribus capitatis y çaule fru»,
ticofo. Mill,
Phlomis with flowers growing in large
heads y Sic.
4. Phlomis à enveloppes hériffées , 3t
feuilles oblong-ovales , rudes au toucher j,
f\ tige herbacée,
Phlomis involucris fetaceis hifpidis y
foliis ovato-ohlongis fcabris , caule herba^
ceo. Hort. Upfal.
(* ) Le phlomis eft un genre de plante à fleur monopétale&labiée; la lèvre fupérieure eft en forme
de cafque , & tombe fur la lèvre inférieure qui eft un peu renflée & divifée en trois parties. Le
piftil fort du calice ; il eft attaché comme un clou à la partie poftérieure de la fleur , & entouré de
quatre embryons, qui deviennent dans la fuite autant de femences oblongues , renfermées dans une
capfule , ou tuyau à cinq angles, qui a fervi de calice à la fleur. Tournefort , Injlit. rei. herb. Foyex,
PLANTE.
Tournefort compte huit efpeces de ce genre de plante ; la principale phlomis fruéîicofa/alvi&fôlto-
latiçrs éf rotundiore , /. R. H. 177, fe cultive dans les jardins, & fleurit au mois de juin. On lui
4onnc les vertus de la fauge , d'être aftringenie âc vulnérafte. (£>./. j
P H L
- lÊ^htomis with brijîly prickly invotucrums
and an herbaceous Jlalk.
y. Phlomis à enveloppes compofées de
feuilles hérifless en forme d'alêne , à feuil-
les cordiformes , rudes au toucher , à tige
herbacée.
Phlomis involucris hifpidis fubulaÉs ,
foliis cordatis fcabris , caule herbaceo.
Hort. Upfal.
Phlomis with awl-shaped prickly in-
volucrums , &c.
6. Phlomis à. feuilles lancéolées velues ,
dont celles deflbus les fleurs font ovales ,
6c dont les involucrums font lanugineux
de hériiïes.
Phlomis foliis lanceolatis tomentofis , flo-
ralibus , ovatis involucris fetaceis , lanatis.
Linn. Sp. pi.
Phlomis with fpear shaped woolly ha-
vts , Sec.
7. Phlomis à feuilles ovale-lancéolées ,
crénelées , velues pardeflous, à involucrums
hériflés.
Phlomis foliis m'ato-lanceolatis , cre-
natis j fubtùs îomentofis , involucris feta-
ceis. Mill.
Phlomis with oval fpear shap*d hâves ,
8. Phlomis à feuilles cordiformes ,
aiguës , velues pardeflous , & dont les
feuilles qui enveloppent les fleurs fontroides
& divifées en trois.
Phlomis foliis cordatis , acutis , fubtàs
îomeMtofis , involucris Jîriâis , tripartitis.
Mill.
Phlomis with acute , pointed , htart-
shap'd leaves and îhe covers of the Jlowers
divided into three parts.
9. Phlomis à feuilles cordiformes , ru-
des , velues pardeflous , à involucrums
lanugineux , à tige herbacée.
Phlomis foliis cordatis , rugojîs , fubtàs
tomentcfis , involucris lanatis , caule her-
baceo. Mill.
Phlomis with rough heart-shaped leaves
and an herbaceous Jlalk.
10. Pi^/om/5 à feuilles lancéolées, cré-
nelées , velues pardeflous , à involucrums
lanugineux , à tige d'arbriflèau.
Phlomis foliis lanceolatis , crenatis ,
. fubtus tomentofis , involucris lanatis , caule j
fruticofo, Mill.
Tomt XXV.
P H L ^^7
Phlomis vit h fpear shap'd crenat^
leaves and shrubby Jlalks.
1 1 . Phlomis dont les feuilles d'en bas
font cordiformes , velues & laineufes des
deux côtés.
Phlomis foliis radicalibus cordatis , utrik'
que tomentofis. Linn. Sp.pl.
Phlomis whofe lower leaves are heart^
shaped wooly and'hairy on everyflde.
11. Phlomii à involucrums lancéolés, à
feuilles cordiformes , velues pardeflous , à
tige demi-boifeufe.
Phlomis involucris lanceolatis , foliis
cordatis fubtus tomentofis , caule fuffruti^
cofo, Mill.
Whitejl shrubby fpanish Jerufalem fage
with an iron colouredflower.
15. Phlomis dont les petites feuilles qui
enveloppent la fleur , font formées en
alêne , à feuilles cordiformes-ovales velues
pardeflous , à tige d'arbriflèau.
Phlomis involucris fubulaîis , foliis cor-
data ovatis , fubtus tomentofis , caule fru-
ticofo. Mill,
Phlomis with awl-shap'd involucrums
and a shrubby Jlalk , &c.
14 Phlomis à feuilles alternativement
ailées , à foUoles échancrées , à calice la-,
nugineux.
Phlomis foliis alternatim pinnatis , fo^
liolis laciniatis , calicibus lanatis. Linn.
Sp. pi.
Phlomis with leaves alternately winged
whofe lobes are eut , &c.
Les efpeccs n°*. i , z , 3 , 7 , 10 , 12 ,,-
15 , font des arbrifleaux de la nature des
fauges & des ciftes : ils diflerent des ar-
briflegux proprement dits , en ce que les
boutons d'entre les feuilles ne font ni
écailleux ni (àillans, &: que l'écorceadeux
épidermes feches & untilfu cellulaire bru-
nâtre & fort mince : on obferve auiïî que
ce genre de plantes ne foufFre que diflî-
cilement le retranchement de quelque
branche ; il ne le fait pas de bourrelet
autour de la coupure. Dans le nombre
des autres efpeccs de phlomis , iKs'sii
trouve qui tiennent encore de plus prés à
la plante Ample , & enfin plufleurs ne font
réellement que des herbes.
Examinons d'abord les phlomis arbrif^
féaux : nous fuivrons Miller à l'égard des
Tctt
4^î P H L
-^''efpeces que nous n'avons pas fous les
yeux.
L'efpece n°. i croît naturellement en
Efpagne & en Sicile , aux lieux monta-
gneux : elle forme un arbriffeau qui s^cleve
à cinq ou fix pies fur une affez groffe tige
couverte d'une écorce dont 1 epiderme fe
détache &c pend par lambeaux : cette tige
fe iubdivife en pluiîeurs branches velues
& anguleufes , d'un porc irrégulier. De
chacun de leurs joints , qui font affez
éloignés les uns des autres , fortcnt oppo-
fées deux feuilles arrondies , qui font atta-
chées par d'adéz courts pétioles. Les fleurs
font jaunes , naiffent verticillées autour
des tiges , & font rafiemblécs fous la forme
de gros pefons.
La féconde efpecc ne s'élève pas £ haut.
Les branches font plus foibles , les feuilles
plus longues &c plus étroites , les pefons
des fleurs moins gros ; mais les fleurs ont
la même forme & la même couleur.
Le phlomis n^. 5 ne s'élève guère qu'à
quatre ou cinq pies : les feuilles font plus
larges & plus blanchâtres que celles des
efpeces précédentes : les pétioles des feuil-
les inférieures icnt aflez longs ; mais lits
feuilles lupérieures f^nt afl^ifes & jointes
■par une membrane, particuUérement celles
d'où fortent les pelons des fleurs : elles
font veinées & maillées pardeflbus , & cou-
vertes d'un tiflfu lanugineux ; le deflus n'eft
que légèrement velu > les pelons des fleurs
naiflènt ordinairement aubout desbranches;
elles font plus grandes que celles des phlo-
mis r\°. I & 2. La lèvre fupérieureeft très-
velue pardeflus : vue à la loupe , elle paroît
avoir la même contexrure que les cocons
de vers à foie. Elles font d'un jaune vif
& d'un fort bel effet , elles paroiflént en
juin. Les phlomis contribueront à l'agré-
ment desbofquets de ce mois : il fout les
placer fur les devants des mafïifs , parmi
les ciftes & les fauges , dans une terre I
feche ic dans un lieu abrité contre les.
\'énts de nord , nord-eft & nord-oueft : de
femblables polîtions mettront ces arbrif-
feaux en état de réfifler très-bien aux froids
de nos provinces feptentrionales : on peut
suffi en employer quelques pies dans les
Ibofquets d'été , d'automne & d'hiver , où
leurs belles touffes blanchâtre s jetteiont une
PHL
variété piquante parmi les mafîes. "D.'?ns
les terres lèches ils vivent quatorze ou
quinze ans , tandis que dans les fols hu-
miides , leur vie eft bornée à la moitié de
cet efpace de temps ; mais comme il efl
t|jgs-facile de les multiplier , avec un peu
d'attention on n'en fera jamais dépourvu:
on les marcotte en mai ; on en fait des
boutures en avril & en juillet, que l'on
plante dans une planche de terre expoféc
au levant. Les marcottes & les boutures
du printemps peuvent fe rranfplanter au
mois d'août par un temps humide , & être
alors ifîxées où elles doivent demeurer. Les
boutures de juillet feront abritées par des
paillafTbns durant l'hiver j on les tranfplan-
tera au mois d avril fuivant. Les marcot-
tes , les boutures & le plant enraciné ^
nouvellementplanté, demandent qu'onleuE
donne louvent de l'eau en periue quantités
Si l'en plante les boutures dans un poE
empli de bonne terre , & qu'on enfonce
ce pot dans une couche. tempérée & om-
bragée au plus chaud du jour , leur reptile
fera certaine. La graine mûrit aflez fou-
vent dans nos provinces feptentrionales i
on la feme en avril dans une planche de
bonne terre , & durant Thiver , l'on couvre
le femis de paillaflbns. Au mois d'avril
ou au mois de juillet fuivant , on peut
tranfplanter cts pklcmis du lemis aux lieux
de leur demeure : ces arbrifleaux ne re-
prennent pas facilement , lorfqu'on ne les
plante pas très- jeunes.
L'efpece n**. 7 s'élève environ à quatre
ou cinq pies. Ses fleurs font d'un pourpre
obfcur , ôc naiflènt en pefons à chaque
joint : ce phlomis fe multiplie & fe traite
comme les précédens 5 fes tiges font qua-
drangulaires & blanchâtres.
L'efpece n®. 10 vient de Smyme : elle
form.e unarbrifleau qui s'élève en buifïbn
à environ trois pies : les branches > ainfi
que le deflous des feuilles , font couvertes
d'une laine jaunâtre : les fleurs font d'un
jaune fale , naiffent en bouquets au bout
des bourgeons , ôc font plus petites que
celles des n"^ î , a & 5 : leurs involu-
crums i c'efl-à-dire , les petites feuilles
qui entourent & qui renferment le bou-
quet , font extrêmement cotonneufes. C'efï:
avec le /z°. a- que celle-ci a le plus de re£^
P HL
(ambiance , mais outre les différences
marquées dans ia phrafe , les feuilles font
beaucoup plus petites , ôc les branches font
plus grêles : il s'en faut beaucoup que les
pelons des fleurs foient aulïi gros. Ce
phlomis ic multiplie comine les précédens.
Etant un peu plus délicat , il faut l'abriter
avec foin pendant fa première éducation ,
& le planter à demeure en desiieux encore
mieux expofés & plus fècs.
ht phlomis n°. il efl indigène de l'Ef-
pagne & du Portugal : fa tige eft demi-
ligneufe , & s'eleve à environ deux piés&
demi : elle efl couverte d'un coton épais
& blanc ; plulîeurs d'entre les tiges qui
s'élèvent de (ts racines font garnies de
feuilles cordiformes. De la partie inférieure
de ces tiges naiflént oppofés à chaque
joint deux bourgeons courts , qui portent
cinq ou fîx petites feuilles de la même
forme que celles des efpeces pjrécédentes.
Les fleurs qui font d'une couleur de fer ,
lortent en petits pefons vers le bout des
branches : les petites feuilles qui entourent
leur grouppe font lanugineufes & lancéo-
lées. Comme cette efpece trace beaucoup,
on la multiplie aifément par les drageons
enracinés que l'on fevre 6c tranfplante vers
la mi-fcptembre : après les avoir plantés ,
il faut mettre de la menue litière ou du
ran autour , pour empêcher le froid de
pénétrer jufqu'à leur racine. On peut aufTi
mu kl j^ièr ce /)/^/6m/j de boutures , comme
les.elpeces précédentes , au printemps &
en été. Il demande le même régime que
le n°. 10.
L'efpece n°. r 5 efl naturelle des mêmes
contrées : elle forme un buiflbn qui s'élève
à trois ou quatre pies : fes tiges fe fubdi-
vifent en plu fleurs branches quadrangu-
laires , couvertes d'un duvet : dans la partie
inférieure les feuilles font cordiformes , au
haut des branches elles font ovales , lan-
céolées : elles naiffent oppofées fur de
courts pétioles , & font lanugineufes par-
defTous : les fleurs font grouppées en pefons
autour des tiges , elles font d'un pourpre
brillant , & ne frudlifient pas dans nos
provinces feptentrionales. Ce phlomis fe
multiplie de marcottes & de boutures , &
ie traite comme le /z°. lo.
Le n°. 4 aoît naturellement dans b
P H L ^5^9.
France méridionale &: l'Italie : la racine
eft pérenne ; les tiges font annuelles , elles
font quadrangulaires , & s'élèvent à deux
pies de haut. Les feuilles y font attachées
immédiatement. Les fleurs naifTcnt en
pelons autour des branches \ elles font
d'un pourpre brillant , & font beaucoup
d'efî'et. Il faut tous les trois ans partager
les racines de cette plante pour la mul-
tiplier ; cette efpece eft dure , & peut être
plantée dans des lieux découverts j elle
craint les terres humides.
La cinquième efpece eft indigène de la
Tartarie \ la racine eft pérenne ; les tiges
font purpurines & s'élèvent à cinq ou fix-
piés. Les fleurs font pourpres : on la mul-
tiplie par fes graines qu'on feme au prin-
temps , on tranfplante le jeune plant en
automne.
La fixieme efpece croît naturellement
dans la France méridionale , en Efpagne
& en Italie : la racine eft pérenne & les
tiges annuelles \ elles font menues & ont
environ deux pies de haut : à leur bafe
fort près de terre une touffe de feuilles
enveloppées en deflbus par une couverture
commune. Ces touffes de feuilles durent
toute l'année : les fleurs font jaunes ; on
la multiplie de drageons ou de boutures au
printemps. Cette plante demande une terre
feche & une fîtuation r.britée.
La huitième efpece habite le Levant : la
racine eft pérenne & la tige annuelle :
les feuilles ont cinq veines fortes & fail»
lantes : les tiges s'élèvent d*un pié &
demi ; les feuilles d'en haut font plus pe-«
rites que celles d'en bas. Les fleurs qui
naiflcnt en pefons autour des branches ,
font d'un pourpre éteint.
La neuvième a été envoyée de Smyrne ;
ce phlomis a une racine pérenne : les
tiges qui font annuelles , s'élèvent d'un
pié. Les fl.eurs font grandes &: jaunes , 8i
naifîènt en pefons autour des branches : le
tube de leurs calices eft très-long ; cette
efpece fubfifte en plein air dans les hivers
ordinaires , mais elle ne réfifte pas à un
froid très- rigoureux.
Le phlomis n°. i ï eft indigène de l'Ar^^lr'
chipel & de l'Efpagne : la racine eft pé->
renne , mais les tiges font annuelles , ^
cela près que les fçuilles d'en ba^ pf
- Tut ^
70O P H L
périirent pas l'hiver ; elles ne partent pas
immédiatement de la couronne de la ra-
cine ; elles naifl'ent en grouppe fur de
petites branches traînantes ôc cotonneufes :
les tiges font grêles Se ne s'élèvent que
d'un pie : elles pouflTent ordinairement ,
vers le bas , deux bourgeons latéraux op-
pofés. Depuis cette divifion jufqu'au bout,
elles font garnies de petits pefons de fleurs
jaunes: les fleurs n'y Tont pas jointescomme
dans les autres efpeces ; chacune efl: fé-
parée. Ce phlomis fe multiplie & fe traite
comme le n°. 6.
L'efpece n°. 1 4 eft naturelle du levant.
La racine eft pérenne , la tige eft annuelle ;
mais les feuilles inférieures durent toute
l'année : elle s'élève d'un pié & demi ; les
fleurs qui font d'un pourpre éteint naiflent
en pefons autour des tiges , elles paroiflent
en juin ; fes feuilles qui font conjuguées ,
k rendent aflez finguliere : on la multiplie
de drageons comme l'efpece n°. 8 ^ mais
il n'en naît que peu autour du pié. Ces
plantes ont duré vingt ans en pleine terre
en Angleterre , & ont été toutes détruites
par le froid de 1740. Tous les phlomis font
rrès-parants ; leurs fleurs fe fuccedent pen-
dant deux ou trois mois. ( M. h Baron
BE TscHGUni. )
PHLIACOGR APHIE , f. m. ( Dttér. )
nom que donnoient les anciens à une imi-
tation gaie & burlefque de quelque pièce
grave & férieufe , & particulièrement d'une
tragédie tournée fur le top d'une pièce
comique. Foye^ Parodie.
Ce mot eft grec , formé de t^hiet^uv ,
badiner , ou de i^Kictç , folâtre ^ dérivé de
fXu» , je badine , joint avec y^eupa ,
j'écris y c'eft-à-dire , pièce ou compojition
badine.
La phliacographie paroît avoir été la
même chofe que l'hilarodie ou l'hilarotra-
gédie. Voye"^ Hilarodie , ùc.
On diftinguoit cependant pluficurs efpe-
ces de phliacographie , dont on peut voir
les noms dans le livre de Saumaife , intitulé
Exercitationes in Solinum.
Les parodies qu'on a faites de quelques
**tnorceaux ou pièces des meilleurs poètes,
comme le Virgile travefti de Scarron &
de Cotton ; les coquines rivales de Cybber
tiavefties des reines rivales de Lee j quel-
PHt
ques morceaux d'opéra dont on a adapté
la mufique à des paroles bouffonnes & ridi»
cules , font auffi comprifes dans la notion
àt phliacographie. l^oye[ Parodi e.
PHLYA , ( Géog. anc. ) bourgade de
PAttique : elle étoit de la tribu de Ptolé-
maïde , félon le marbre des treize tribus ,
rapporté par M. Spon ; & félon Héfychius ,
cette ancienne bourgade qui eft dans le
Mefoia , entre Rafti & le Cap-Colonne ,
conferve encore fon nom. C'étoit la patrie
du poëte Eurypidc ; mais il y a eu trois
poètes célèbres de ce nom. -là. Paufanias
fait mention de plufieurs tem-ples & autels
qui étoient à Phlya , entr'aurres de ceux
d'Apollon , de Diane , de Bacchus & des
Eumcnides. A Athènes , ajoute M. Spon,
dans l'églife Agivi Apoftoli , on lit cette
infcription : 2EAETP02 HENONN02 ,
*AT5TM. {D.J.)
PHLYCTENES , f. f. ( Chirurgie. )
ce font de petites puftules ou véhcuîes qui
caufent des démangeaifons , & qui viennent
fur la peau , principalement entre les doigts
& autour du poignet. Elles font pleines
d'une férofité lympide *, elles dégénèrent
quelquefois en gale , Se quelquefois en
dartres. Voye-^^ Gale , fi'c. On les guérit
de même que les autres éruptions cutanées.
P^oye'^ PsoRA & Pustule.
Phlyâdnes fîgnifient auflU de petites
véficules ulcéreufes qui viennent quelque-
fois fur la conjonctive, & quelquepqîi fur la
cornée de l'œil , femblables à autant ^ de
petites veffies pleines d'eau , que l'on ap-
pelle vulgairement /jw/?zy/ej aux yeux.
Elles paroiflent comme des grains de
millet ; & quand elles font produites par
une humeur fort corrofive , elles caufent
une violente douleur : les puftules qui vien-
nent fur la conjonctive, font rouges ; celles
qui viennent fur la cornée font noirâtres ,
fi elles font proche de la furfacc ; mais
elles font plus blanches quand elles font
plus profondes. On les guérit avec des
defllîcatifs & des difculTifs.
On appelle aufl^i phlycîenes les veflfîes
qui furviennent à la gangrené , aux brû-
lures , & à l'application d'un véficatoire ;
elles font formées par l'amas de la lymphe
entre la peau & l'épiderme. En coupanc
l'épiderme , on détruit la phlySene : un
P H L
peu de cérat camphré fufïit pout deffécher
la peau dans les phlyclenes bénignes , telle
que celle formée par la tranfpiration rete-
nue , à 1 occafion de Tappareil & bandages
dans les fraârures. Les phlyclenes qui font
le fymptome d'une maladie dangereufe ,
ne (ont d'aucune coiifidération ; c'eft la
maladie qui les a produites , qui mérite
l'attention du chirurgien. Le mot de phlyc-
tenes eft grec j il vient de ?Ay&> , ferveo , je
bous, (r)
PHLYSTENE , f. f . ( Médecine. )phlyf.
tana ; èfpece d'ébullition , comme l'indi-
que le mot grec (pKvaaa , ebullio ; c'eft: une
maladie qui produit des boutons pleins de
férofité , quelquefois gros , livides , pâles
ou noirâtres. Quand on les perce , la chair
paroît dedous comme ulcérée. Ces boutons
font caufés par une lymphe chaude & acre ■•,
ils viennent par tout le corps , & quelque-
fois même fur la cornée : Celfe en parle
dans fes ouvrages. {D. J.)
PHOBETOR , f. m. ( Mythologie. ) le
fécond des trois fonges , enrans du Som-
meil : fon nom fignifie épouvanter , parce
qu'il épouvantoit en prenant la reflemblance
des bêtes fauvages , des ferpens ôc^autres
animaux qui inlpirent la terreur.
PHOBOS , ( Mythologie. ) ou la peur ;
elle étoit perfonnifiée chez les Grecs , &:
repréfentée a.vec une tête de lion.
P HOC ARUM infula , ( Géogr. anc. )
île fur la côte de P Arabie , au voifinagc
de \'l\t des Tortues èc de celle des Eper-
viers. Elle étoit ainfi nommée à caufe de
la quantité de veaux marins qu'on y pc-
choit. Strabon , liv. XVI , p. jj6 , femble
encore mettre une île du même nom fur
la même côte , près du promontoire des
Jvlabatéens. {D. J')
PHOCAS , voyei Veau marin.
PHOCÉE , ( Géogr, anc. ) ville de l'Afie
mineure , a(ïèz voiiîne de Smyrne. Elle
tiroit apparemment fon nom du mot pho-
cas , qui fignifie un veau marin , parce
qu'il fe pèche près de-là quantité de ce
poilfon •, & même dans tout le golfe de
Smyrne. Un médaillon de l'empereur Phi-
lippe femble le confirmer par fon revers ,
où il y a un chien qui eft aux prifes avec
un de ces phocas , & le mot de zokocîvv , à
i'cntour , qui veut dire que c'-eft une mé-
PHO 7or
daillc des "Phocéens. L'emblème eft diffi-
cile à pénétrer \ car pourquoi joindre un
chien avec un poiflbn , fi ce n'efl: peut-
être pour donner à entendre que leur puif-
iance fur terre , étoit égaie à leurs forces
maritimes , ou que leur fidélité à l'empe-
reur romain , & leur vigilance dont le
chien eft l'emblème , difpofoient leur ville
fignifiée par ce poifion , à tous les devoirs
que demandoit une (\ douce domination. "
Mais , dit M. Spon , ces fortes d^énigmes
font des nez de cire qu'on peut tourner de
quel côté l'on veut. Phccœenfes étoit le
nom des habirans ; & Phocaïcus étoit le
pofleiïif 3 comme on le voit dans ce vers de
Lucain, lih. III, v.^Sj.
Fhccaicis romana rafis vallata cariais.
Fhocaicis eft là pour Majjllienfibus ,
parce que la ville de Iviarfeille eft une colo-
lonie de Phocéens.
Phocée étoit la dernière ville d'Ionie ,
au feptentrion vers PEolide , fur la mer
de fon nom ; aujourd'hui c^eft Foglia-
Vecchia , miférable village fur les côtes de
la petite Aidine , entre la rivière de Quiai
& le golfe de Sanderli.
Les anciens habitans de cette ville pri-
rent le parti de la quitter , plutôt que de
tomber entre les mains des Perfes qui leur
faifoient continuellement la guerre. C'eft
de là & non d'ailleurs , que fortirent cts
nombreu fes peuplades qui s'établirent dans
quelques îles d'Italie , & fur les cotes de
la, Lucanie , de la Ligurie , de la Provence ,
du Languedoc , du Rouiïillon & de la Ca-
talogne , où ils bâtirent plufieurs villes ,
& y portèrent les fciences de leur pays
ainfi que leur commerce. Il ne faut pas
confondre ces Phocéens d'Afie , avec les
peuples de la Phocide en Europe. Les
premiers s'appellent en latin Phocei ou
Phocœenfcs ; & les derniers Phocenfes : on
s'y eft trompé plus d'une fois. La première
tranfmigrarion des Phocéens , arriva la 164
année de Rome ; il s'en fit une autre l'an
iio de Rome : les tranfmigrations fui-
vanres ne fe trouvent point dans l'hiftoire.
(D. J.)
, PHOCIDE , ( Géogr. & Hifl. ancienne.)
PhocL? f contrée de» la Gxece , encie la
701 P H O
Béotie & la Locride. Elle avoir ancienne-
ment des frontières plus reculées , puifque
Srrabon , Ub. IX , dit qu'elle éroit bornée
au nord par la Béotie , mais qu'elle s'éten-
doit d'une mer à l'autre; c'e(t-à-dirc , de-
puis le golfe de Corinthe , jurqu^à la mer
Eubée. Si nous nous en rapportons à Denis
le périégete , la Phocide s'eft autrefois éten-
due jufqu'aux Thermopyles , ce qui néan-
moins fut de courte durée.
Deucaiion commença à régner dans la
Phocide , autour du mont Parnafle , du
temps de Cécrops. Les Phocidiens formè-
rent en'.uite une république , en changeant
leurs chefs félon les occafions. Leur pays
avoir pour principaux ornemens le temple
de Delphes & le monr Parnaflè.
Les Phocidiens s'aviferenr de labourer
des terres confacrées à Apollon , ce qui
étoit les profaner. Auffi-tot les peuples
d'alentour crièrent au facrilege , les uns de
bonne foi , les autres pour couvrir d'mi
pieux prétexte leurs vengeances particu-
lières. La guerre qui furvinr à ce fujer ,
s'appella facrée , comme cnrreprife par un
motif de religion.
On déféra les profanateurs aux Amphic-
tibns , qui compofoient les élats-généraux
de la Grèce , & qui s'affèmbloient tantôt aux
Therr»opyîes , tantôt à Delphes. L'affaire
ayant été portée à leur tribunal , on déclara
les Phocéens facrileges , & on les condamna
à une grofle amende. Un d'entr'eux nom-
mé Philemele , homme audacieux & fort
accrédité , les révolta contre ce décret. Il
proi^va par des vers d'Homère , qu'ancien-
nement la fouveraineté du temple de Del-
phes appartenoit aux Phocidiens ; il fallut
loutenir la révolte par les armes : on leva
de part & d'autre des troupes.
Les Phocidiens s'afTurerent du fecours
d'Athènes &: de Sparte , ôc ne fe promirent
pas moins que d'abattre l'orgueil de Thebes,
qui s'étoit montrée la plus ardente à pour-
fuivrele jugement. Les premiers avantages
qu'ils remportèrent , ne fervirent pas peu
à fortifier cette efpérance. Mais bientôt les
fonds nécetfaires pour les dépenfes de la
guerre leur ayant manqué , ils y fuppléerenr
par un nouveau facrilege.
Philomele avoir eu afîez de religion
pour ne pas coucher au temple de Delphes.
P HO
Onoraarque & Phayllus qui lui fuccéderent
dans le comm^andemenr , fureur moins
(crupuleux; ils enlevèrent tous les précieux
dons que la piété des rois ik des peuples y
avoir confacrés. Les fommes qu^ils en reti-
rèrent à plufieurs fois , montèrent à plus
de dix mille ti^lens. Us trouvèrent ain(i le
fecret de foutenir la guerre aux dépens
d'Apollon. Les dévots crièrent plus que
jamais au facrilege. On en vint fouvenc
aux mains. La fortune fe rangea tantôt
d'un parti , tantôt de l'autre. Les Phoci-
diens réduifirent enfin les Thébains à fe
jeter entre les bras de Philippe , qui fe
chargea volontiers de mettre les ennemis
de Thebes à la raifon.
Ce prince n'eut qu'à paroître pour ter-
miner une guerre qui duroit depuis dix ans,
&qui avoir également épuife l'un & l'autre
parti. Les Phocidiens défefpérerent de ré-
iifter à un tel ennemi. Les plus braves obtin-
rent la permilïion de fe retirer dans le Pélo-
pone^e ; le refte fe rendit à difcrétion,&
fut traité fort inhumainement.
Philippe ne fauva que les apparences
dans ce delfein aux yeux du peuple ; il
convoqua les Amphidions , les établit , pour
la forme , fouverains juges de la peine en-
courue par les Phocidiens ; ôc (bus le nom
de ces juges dévoués à (es volontés , il
ordonne qu'on ruinera les villes de la
Phocide ; qu'on les réduira toutes di
bourgs de foixante feux au plus ; que l'on
profcrira les facrileges , ^ que les^autres
ne demeureront pollèlïeurs de leurs biens
qu'à la charge d*un tribut annuel , qui
s'exigera jufqu'à la reftitution entière des
fix mille taîens enlevés dans le temple de
Delphes. Cela faifoit une fomme d'environ
fix millions d'écus , ou dix-huit millions de
hvres.
On ne doit point être furprîs que le
butin pris par les Phocéens montât Ci haut.
Il y avoir dans le remple de Delphes des
richefl'es immenfes , à caufe de la mulri-
rude innombrable de vafcs , de rrépiés , de
flatues d'or , d'argent 8c de bronze que les
rois , les grands capitaines , les villes 8c les
narions y envoyoicnt de rous les endroits
de la terre.
Le vainqueur , c'eft Philippe dont je
veux parler , ne s'oublia pas pour pri^îç
P H O
d'une viAoire qui ne lui coûta que la peine
de le monrrer : outre le titre de prince
religieux , de fidèle allié , il eut encore les
Thermopyles , le grand objet de l'es dedrs ,
ik Punique partage qui menât de Macé-
doine en Italie.
Avec le temps néanmoins les Phocidiens
parvinrent à (c rouvrir une belle porte pour
leur rétabliflement ; car challés en ^qualité
de profanateurs exécrables , ils rentrèrent
avec la qualité d'infignes libérateurs. Une
ccuvre de religion réhabilita de la forte
ceux qu'une adtion facrilegc avoit dégra-
dés. On les avoit exclus des privilèges des
autres Grecs , pour avoir pillé de leurs pro-
pres mains le temple de Delphes , on les
leur rendit honorablement pour l'avoir
fauve du pillage des Gaulois , commandés
par Brennus. { D. J.)
PH(EACES , Pheaciens , ( Géogr. &
Hijf. anc. ) les anciens habirans de l'ile de
Cor fou , autrefois Corcyre , à l'entrée du
golfe de Venife : elle s'appella d'abord
Schetia , fuivant Homère , c*eft- à-dire ,
lieu de commerce , dans la langue des Phé-
niciens , parce que les habirans portèrent
le leur dans les pays éloignés, &c devinrent
puiflans fur mer.
Les richcfles qu'ils acquirent par le com-
merce , les firent appeller Pheaciens , c'eft-
à-dire , dans la même langue , heureux ,
puiffans. Ils vécurent dans l'opulence , &
fe livrèrent à une moUelIe honteufe , qui
affoiblit leur efprit & énerva leur cœur.
C'eft pourquoi ils écoutèrent avec tant
d'avidité le récit qu'UlyOe leur fit de fes
aventures , quelque peu vraifemblables
qu'elles fufl'ent. Homère a célébré les jar-
dins d'Alcinolis , qui réunilToient les fruits
de toutes les faifons , dans lefquels les ar-
bres n'étoient jamais fans fruits ni l'hiver j
ni Tété.
Enée , en partent d'AcIium , fit voile
dans le canal qui eft entre Pile des Phea-
ciens & l'Epire , &c bienrct il perdit de
vue les hauteurs qui font au midi de l'île ,
& entra dans le port de Buthtotum.
L'île de Corfou eft aujourd'hui aux
Vénitiens , auxquels elle alTure l'entrée du
golfe de Venife. Géographie de Virg.page
PKCEBADE , ( MythcL) c'eft le nom
P H O
703
qu'on donnoit à la prêtrelfe d'Apollon à
Delphes , & à tous les miniftres de fon
temple.
PH(EBUS , ( Mythol. ) nom que les
Grecs donnoient à Apollon, pour faire
aîiufion à la lumière du foleil , & à la
chaleur qui donne la vie à toutes chofes ,
comme li Pon difoit , o«< ^'ov (èiou , lumière
de la rie. D'autres difent que le nom de
Phœbvs fut donné à Apollon par Phœbé
mère de Latone. {D. J.)
PHONICE , ( Géogr. anc. ) ou Phœ^
nica ; c'eft le nom , 1°. d'une ville de
l'Epire ; 2°. d'une île iituée fur le golfe
A^atiandynus en Bithynie 5 5*. d'une île
de la Méditerranée , fur la cote de la Gaule,
&c Pune des plus petites îles appeliées
Sicechades. Pline , /. lll , c. v , parle de
cette île , & la joint avec celles de Stu-
rium & de Fhila. Ces trois iles font au-
jourd'hui Ribaudas , l.angovper & Ba~
quéou ; a^ . c'eft encore le nom d'une île
de la mer Egée , & l'une des Sporades j
elle s'appella enfuite Jos , félon Pline ,
liv. IV, c. xij. Le nom de Phœnice lui
avoît été donné à caufe àts palmiers qu'elle
produit ; j°. c'eft un des noms que Pon
donna à Pile de Ténédos , félon Pline ,
liv. V, c. xxxj.
PHGENICIARQUE , f. m. ( Littérat. )
nom qu'on donnoit aux premiers magiftrats
chez les Phéniciens ; tels étoient les Afiar-
ques en Aiîe , & les Lyciarques en Lycie.
Ce mot vient de ç<fif , un Phénicien , &
*iX^ y je comm.ande. {D. J.)
PH(ENICOPTERE , rojr;^ Flamant.
PHdSNICUM , ( Cécgr. anc. ) c'eft-à-
dire , lieu planté de palmiers. Procope ,
dans' fon hijloire de la guerre contre les
Fer fes , dit : " Lorfque l'on a pafîe les
'* frontières de la Paleftine , on trouve la
'* nation des Sarra fins, quilhn.birentdepui*
" long-temps un pays planté de palmiers
» & où il ne croît point d'autres arbres.
» Abocarabe qui en étoit le maître , eu
M fit don à Juftinien , de qui en récom-
>» penfe , il reçut le gouvernement des
" Sarrafins de la Paleftine , où il fe rendit
» fi formidable , qu'il arrêta les courfes
» des troupes étrangères. Aujourd'hui ,
» ajoute Procope , Pem.pereur n'eft maître
»'qu€ de nom de ce pays qui eft plar^ .:||^
704 P H O
» de palmiers , & il n'en jouit pas en
» eiFet : touc le miliea qui contient en-
»>> viron dix journées d^ chemm étant en-
» tiéremenc inhabité , à caufe de la fé-
»' chereilè i & il n'a rien de confidérabie
»> que le vain titre de donation faite par
» Abocarabe , &c acceptée par Juftinien ».
Il y avoit encore une ville de T Arabie heu-
reufe , appeliée Phanicum , fur le golfe
Elanitique , entre les villages Hippos &
Ahavnathi. {D. J.)
PHÛSNICUSA , ( Géogr. anc. ) île de
la Méditerranée , au nord de la Sicile , &
l'une des îles Eoàennes : fon nom mo-
derne eft Felicur. M. de llfle écrit Feli-
cudi.
FHCSNICUS POR TUS , ( Géograph.
anc.) \^. port de l'île de Crète ; i^. port
de PAlîe propre dans llonie-, & queTire-
Live appelle le premier port du territoire
d'Erythiœ; 3°. port du Péloponefe , dans
k Meflcnie ; 4°. port du nome de Lybie;
5*^. port de la Lycie ; 6°. port de la Sicile ;
7°. port de Tile de Cythere. {D. J.)
PHSENIGME , f. m. c'eft un médica-
ment qui cccafione une rougeur, & qui
produit des ampoules aux endroits où on
l'applique. Fojq Vésicatoire , 6c.
Ce mot eft formé du grec ço/v/r, rouge ;
tels font la graine de moutarde , le poivre ,
les l^éficatoires , ùc. Foyf^ Vésicatoire ^
Sinapisme , ùc.
On fait ufage de ces remèdes pour attirer
l'humeur à la partie où on les applique ,
afin de la détourner de la partie affligée.
Voye-;^ Révulsion.
PH(ENIX, f. m. (HiJIoire nat. fabul )
oifeau merveilleux qui , fclon les idées
populaires , vivoit plufieurs fiecles , &c en
mourant produifoit de la moelle de fes
os un petit ver qui formoic un nouveau
phanix.
Les Egyptiens , dit Hérodote dans fbn
Euterpe , ont un oifeau qu'ils eftiment fa-
cré , que je n'ai jamais vu qu'en peinture.
Auffi ne le voit-on pas fouvent en Egypte ,
puifque , fi l'on en croit ceux d'Héliopolis ,
il ne paro-'t thez eux que de cinq en cinq
iiecles , & feulement quand fon pefe eft
mort. Ils difent qu'il eft de lagrandeur d'une
aigle, qu'il a une belle houppe fur la tête,
H les plumes de fon cou dorées , les autres
P HO
pourprées , la queue blanche mêlée de
pennes incarnates , des yeux étincelans
comme des étoiles, Lorfque chargé d'an-
nées , il voit fa nn approcher , il le forme
un nid de bois & de gommes aromatiques ,
dans lequel il meut. De la moelle de fes 0$
il n^it un ver d'où fe forme un autre pAœ-
nix. Le premier foin de celui-ci eft de ren-
dre à fon père les honneurs de la fcpulture ;
& voici comment il s'y prend , fclon le
même Hérodote.
Il forme avec de la myrrhe une malîe en
forme d'œuf : il eftaie enfuite en la (bule-
vant , s'il aura afiez de force pour la porter:
après cet efl'ai , il cçeufe cette maft'e , y dé-
pofe le corps de fon père , qu'il couvre en-
core de myrrhe j & quand il l'a rendue du
même poids qu'elle éroit auparavant , il
porte ce précieux fardeau à Héliopolis ,
dans le temple du foleil. C'cft dans les dé-
ferts d'Arabie qu'on le fait naître , & or»
prolonge fa vie jufqu'à cinq ou fix cents ans.
Les anciens hiftoriens ont compté quatre
apparitions du pkœnix ; la première fous
le règne de Séfoftris ; la féconde fous celui
d'Amalîs j la troifieme fous le troifieme des
Ptolémées. Dion Caflius donne la qua-
triem.e pour un préiage de la mort de
Tibère. Tacite place cette quatrième appa-
rition du phanix en Egypte fous l'empire
de Tibère j Pline la fait tomber à l'année du
I confulat de Quintus Plancius , qui vivoit
à Pan 36 de Père vulgaire : & il ajoute
qu'on apporta à Rome le corps de ce
phœnix ; qu'il fut expofé dans la grande
place , & que la mémoire en fut confèrvéc
dans les regiftres publics.
R endo ns j ufticc aux anciens qui ont parlé
de cet oifeau fabuleux \ ils ne l'ont fait que
d'une m^aniere qui détruit leur propre rela-
tion. Hérodote, après avoir raconté l'hiftoirc
du phanix , ajoure qu'elle lui paroît peu
vraifemblable. Pline dit que perfonne ne
douta à Rome que ce ne fût un faux;7Acc-
nix qu'on y avoit fait voir ; & Tacite donne
la même conclufion à fon récit.
L'opinion fabuleufe à\i,phœnix fe trouve
reçue chez les Chinois , dit le P. du Haldc
dar\^ fa defcription de la Chine ; ils n^ont
donc pas été (i renfermées chez eux , qu'ils
n'aient emprunté plufieurs opinions des
Egyptiens , des Grecs & des Indiens ,
puifqu'ils
P H O
puirqu'ils attribuent à un certain oifeau de
leur pays la propriété d'être unique , & de
renaître de fcs cendres. {D, J.)
Ph(ENIX, { Botan.) nom donné par
Kerapter & Linnsus à un genre de plantes
appelle par les ajtres botanifles date &
katovindel ; en voici les caraderes. Ce
genre de plantes produit féparément des
rieurs mâles & femelles , & leur enveloppe
tient lieu de calice. Dans les fleurs mâles ,
les pétales font au nombre de trois , ovales
& concaves ; leurs étaraines font trois filets
déliés , dont les boflettes font très-courtes.
Dans les fleurs femelles l'embryon du piflil
efl arrondi ; le ftyle efl court & pointu ;
le fruit eft une baie ovale , qui n'a qu'une
feule loge ; elle renferme une femence dure
comme un os , ovale, marquée d'une raie
profonde dans toute fa longueur. Linnzi
gen. plant. 5 z J. M.af. cUff. z Hort.
malab. 5. aj.
PhCSNIX, ( Mufiq. inflr. des anc. )
inflrument à cordes des anciens , dont ,
au rapport de Mufonius , les rois de
Thrace fe fervoient dans leurs feflins ;
quelques auteurs en attribuent l'invention
aux Phéniciens , apparemment à caule de
Tanalogie des noms. ( F. D. C. )
PhsNIX , ( Aftronomie. ) conftellation
méridionale , fituée entre l'éridan & le
poiffon auftral : elle contient 72. étoiles dans
le catalogue de M. de la Caille ; la prin-
cipale efl une étoile de féconde grandeur ,
dont l'afcenflon droite étoit en i75*-* de
3^ , 28' , 2" ; & la déclinaifon de 43^ ,
39', 52," du côté du midi : cette conflel-
lation n'avoit que 13 étoiles dans l'ancien
catalogue ; elle ne fait que rafer l'horizon
en Europe , à minuit , vers la fin du mois
de feptembre. {M. DE LA Lande. )
PhceNIX , f. m. ( terme de Blafçn. )
oifeau qui paroît de profil , les ailes éten-
dues fur un bûcher , qu'on nom ne immor-
t édité y laquelle ne s'exprime en T^lafonnant,
que lorfqu'elle eft d'un autre émail que
l'oifeau.
Sur les médailles & anciens monumens ,
le plixnix efl le fymbole de l'immorta-
lité , parce que , feloa la fable , cet oifeau
fe renouvelle de cinq fiecles en cinq fiecles ;
alors il fe drelfe un bûcher , bat des ailes
pour l'allumer , s'y confume ■ il naît dans
Tome XXV.
P H O 7oy
l'inflant un ver de fà cendre , d'où il (è
forme un autre phœnix. >,
Viart de Quemigny , en Bourgogne ;
d'or au phœnix de fable fur fon immor-
talité de gueules , au chef d'a\ur , ckargé
de trois coquilles d'argent. ( G. D. L. T. )
P H (E N I X , ( Géog. anc. ) 1°. lieu
fortifié dans l'Àfie propre , fur la côte
orientale du golfe de la Doride ; 2,**. mon-
tagne de l'Afie propre dans la Doride ;
3®. fleuve de l'Afie propre , près de la
ville de Phœnix , dans la Doride ; 4**. port
de Lycie ; ǰ. bourg d'Egypte; 6<*. ville
d'Italie ou de Sicile , près du promontoire
Coccynum , félon Appien ; 7°. fleuve de
Theflalie , 'qui fe jetoit dans le fleuve
Apidanus ; 8°. petite rivière de l'Achaïe
propre. (D. J.)
^ PHOLADE ,Ç. £.{ Conchyliel. ) nom
d'un genre de coquilles dont voici les ca-
raderes. C'efl une coquille multivalve >
oblongue , qui a deux ou fix pièces , unie,
raboteufc , faite en réfeau , fermant d'or-
dinaire cxadement « & quelquefois entr'ou-
verte en quelque endroit.
Entre les coquilles oblongues , nommées
communément pholades y & qui font à
deux écailles , on difl:ingue les eipeces
fui vantes ; 1°. la pholadelifle de Rondelet ;
2°. la pholade lifTe &- étroite d'Aldrovan-
dus ; 3^. la pholade de Rumphius ; 4°. la
pholade de Lifler; 5°. la pholade unie
faite comme la moule ; 6°. la pholade de
Bonanni faite en doigts ; 7^. la pholade
rougeâtre & blanche.
Entre les pholades oblongues irrégulieres
confiflant en deux écailles , on connoît ,
1°. une grande pholade d'Amérique ;
2°, la pholade large avec un tuyau très-
épais fortant en dehors.
Dans la cLiiîe àts pholades oblongues
irrégulieres à fix écailles , on diflinguc
l'elpece décrite par Lifler , & qui efl logée
dans la pierre. Il y a plufieurs autres pho-
lades à fix écailles , dont la plupart font
américaines.
Le mot pholade efl grec , & veut dire
une chofe rentermée , parce que le poifïbn
qui loge dans cette coquille , fe forme &
iè cache communément dans les trous àcs
pierres fpongieufes , de la nature de celle
de ponce, de banche , de marne , ou bie«
Vv vv
70^ P H O
^ans la glaîfe , comme nous le dirons dans
la fuite.
Il fe trouve ordinairement plufieurs de
ces coquilles dans une même pierre , quel-
quefois jufqu'à vingt, comme on l'a remar-
qué dans divers ports d'Angleterre & de
France. L'ufage eft d'enlever ces pierres
delà mer, & de les cafler par morceaux
pour en tirer le poiffon qui eft excellent
à manger; il fert auffi d'appât pour en
prendre d'autres.
On donne dilFérens noms à cette co-
quille. On l'appelle en Normandie pirau ;
en Poitou & en pays d'Aunis on la nomme
dail; à Toulon datte ; en Angleterre
piddoek ; à Paris , pholade efl le nom
reçu.
Aldrovandus admet deux efpeces de pho-
îades différentes de celles de Rondelet :
la première eft attachée au rocher , & fe
trouve en quantité dans la même pierre.
Elle a deux pièces ou écailles ; fa figure
ei\ oblongue , arrondie comme un cylindre,
& reflemble à une datte. La féconde ef-
pece, compofée de fix pièces de couleur
cendrée, eft longue de cinq doigts, avec
un petit pédicule. Lifter a décrit exacte-
ment une pholade A cinq pièces , dont les
trois dernières inférieures en grandeur aux
deux principales , font attachées par des
ligameps. au dos de la coquille , & tomhent
aulïi-tôt que la pholade fort de la mer ;
mais cette coquille de Lifter eft fort rare.
On lit dans V auciuarium mufcei Bal-
fouriani y que les pholades d'Angleterre
ont cinq valves ; il falloit àwQ Jix y comme
les obfervarions nouvelles en ont convaincu
les naturaliftes. Celles de la Rochelle , du
Poitou ont aftez communément lix pièces.
On apporte aufll He l'Amérique des pho-
lades toutes blanches, longues de fept à
huit pouces , groffes à proportion , & qui
ont fix valves. Mais les dattes de Toulon
& d'Ancone font bivalves. Concluons qu'il
y a deux genres de pholades , l'une à fix
valves , l'autre à deux ; & cependant leur
différence avec d^autres coquilles fe peut
faire par la figure & par le caradere du
coquillage , qui fe creufe lui-même un trou
dans la pierre , & qui ne prend de l'eau
Ijue par un très-petit canal.
Le coquillage de la pholade à deux
P H O
valves, ne diffère du poiiron de la pho-
lade à fix valves que par fa coquille. Il
fort du milieu de fon corps une grande
trompe ou long tuyau , partagé en deux
cloifons inégales , dont un trou lui fert à
I
vuider fes excrémens , l'autre à refpirer
& à prendre de la nourriture.
L'ovaire & les parties de la génération
font logées fous ce tuyau. Sa fuperficie
extérieure eft toujours la même ; elle ref~
femble à une lime avec des afpérités affez
élevées , dentelées , & ferrées depuis le
haut de la coquille jufqu'en bas , de ma-
nière que les pointes les plus forces font
vers la tQtç. Il femble qu'avec ^ts armes
ce coquillage perce les pierres , & agrandit
fa fepulture à mefure qu'il grclTit ; mais
c'eft avec une partie ronde & charnue , telle
qu'une langue , qu'il fait cette opération.
Il convient de remarquer que ces coquil-
lages , quoique renfermés dans leurs trous ,
font peut-être -les animaux qui fe donnent
le plus de mouvement intérieur , puilqu'ils
creufent continuellement leur demeure \
mais ils ont un mouvement progreflif fi
lent , qu'il n'y en a guère de plus lent
dans la nature. Muré, comme eft cet
animal dans fon trou, il n'avance qu'en
s'approchant du centre de la terre , & ne
creulè ion domicile qu'autant qu'il croît
lui-même , comme je viens de le dire»
Le terroir qu'habitent ces coquillages ,
eft d'ordinaire la hanche & quelquefois la
glaife ; ils font logés dans des trous plus
profonds que leur coquille n'eft longue»
L'efpace qui refte eft occupé par le tuyau
charnu de figure conique dont j'ai parlé;.
ils l'alongent ordinairement jufqu'à l'ou-
verture du trou , & fe fervent de ce tuyau
à tirer alternativement l'eau dans leur co-
quille , &: à la rejeter. Lorfqu'on appro-
che de leur domicile^ ils font rentrer fort
vite le tuyau dans la coquille , & chaffent
de même avec vîtefte l'eau qu'il contenoit.
Au refte , ce n'eft pas feulement dans
des pierres qu'on a trouvé des pholades y
mais on en rencontre auffi dans le bois y.
& particuhérement dans àçs fonds de
vaîfteaux. Voye-{ fur tout cela Lifter ,
Aldrovandus , Bonanni , Rumphius , Dar-
genville , & les mémoires de l'académie
des fciences , année t^z z. {D, 7.}
P H O
PHOLLIS , f. m. ( Monn. judaïq. ) c\{[
la plus petite efpece de monnoie de cuivre
qui i^t en ufage chez les Juifs dans le
temps du bas empire. lifalloit vingt-quatre
phollis de cuivre pour un denier d'argent ,
dont douze valoient un denier d'or , de
forte qu'il falloit iSS phollis pour un denier
d'or ; les phollis répondoient à-peu-près
^u fefîerce des Romains. Voye\ le P. Petau
fur fàint Epiphane, & Saumaife fur la vie
d'Eliogabale , par Lampridius.
PHOLOÉ , ( Géogr. anc. ) i*'. mon-
tagne de la Theffalie. Quintus Calaber ,
/. Vil y dit que c'efî le lieu où Hercule
tua le centaure ; i^ . montagne du Pélo-
ponefc , félon Pomponius Mêla , l. Il ^
c. iij. Pline , Up. IV y c. vj y met cette
montagne dans i'Arcadie, & y joint une
ville du même nom. ( D. J. )
PHONASCIE,ff. (i//^. anc, ) l'art
de former la voix humaine. Voye^ VoiX.
Ce mot efl dérivé du grec <i>uvin , voix :
dans l'ancienne Grèce on avoit établi des
exercices où l'on difputoit pour la fupé-
riorité delà voix, de même que pour les
autres parties de la Gymnallique.
Ces combats duroient encore du temps
de Galien , c'efl pourquoi on apelloit pho--
nafciens , za-.'acTKo,- , les maîtres de cet art ,
& ceux qui montroient à bien conduire
la voix : tous ceux qui fe deflinoient à l'art
oratoire , au chant , au théâtre , prenoient
des leçons de ces maîtres , &c.
PHONIQUE , f f. eft la dodrinc ou
la fcience des fons , que l'on appelle au-
trement & plus communément acouftique.
Voyei Acoustique.
Ce mot eft dérivé du grec ^ovii ^ voix,
fon; la phonique peut fe confidérer comme
une icience analogue à l'optique. Quelques
auteurs , en faifant allufion aux trois parties
de l'optique , favoir , l'optique proprement
dite , la catoptrique & la dioptrique ( voye?^
ces mots ) appellent les branches ou parties
de l'acouftique , phoniques y diaphoniques
& cataphoniques.
On peut cultiver ou perfedionner la
phonique par rapport à l'objet , au milieu
& à l'organe.
L'objet , qui eft le fon , peut être per-
fcdionné quant à la génération & à la pro-
jpagation des fons.
P H O 707
La génération àts fons peut fe perfec-
tionner en perfedionnant toutes les ma-
nières de produire des fons ; car toutes
les manières de produire le fon , foit par
la parole , foit par le chant , foit par les
infîrumens , &c. font des arts qui ont leur
méthode.
La propagation des fons peut devenir
plus parfaite par la pofition des corps
fonores.
Quant au milieu , la phonique peut ac-
quérir de nouveaux degrés de perfedion
par la ténuité ou le repos des parties du
milieu , & par le corps fonore , lorfqu'il efl
litué proche d'une muraille fort unie ,
plane ou voûtée , particulièrement en forme
de parabole ou d'eUipfe ; & c'eft là-
deffus qu'eft fondée la conftrudion des
voûtes ou cabinets fecrets. Voye\ CABI-
NETS SECRETS.
C'eft auffi delà que vient la théorie des
inftrumens qui augmentent confidérable-
ment le fon , comme les cors-de-chaflê »
les trompettes , ^c.
En plaçant le corps (bnore près de la
furface de l'eau , le fon en devient plus
doux ; & fi on le place fur une furface
plane & bien unie , le fon fera porté à
une diftance beaucoup plus grande , que fl
le corps fonore pofoit fur un terraia
inégal ou raboteux. Voye\ SON.
Pour l'organe du fon , qui eft l'oreille ,
on le rend de meilleur fervice, en em-
ployant des inflrumens qui augmentent la
force du fon , & qui aident les oreilles
foibles, comme les lunettes aident \qs
yeux , tels que les cornets acoufliques , le
porte-voix , Ùc. Voye\ PoRTE-VOIX
& Cornets , voye-{ aujfi Lunette (j
Oreille.
La cataphonique , ou l'cyiie confldérée
par rapport aux fons réfléchis , peut être
perfedionnée par différentes efpeces d'échos
artificiels. Voye\ EcHO. Cliambers. {O)
Phonique Centre , voy. Centre.
PHONOCAMPTIQUE CENTRE,
voye\ Centre.
PHOQUES , f m. pi. phoci, (Mythol.)
ce fontles veaux marins de Neptune, dont
Protée étoit le berger. { D. J.) *
PHORBEION, {Mufiq. inflr. des anc.)
C'cfl ainfi que je francife le mot gr^c
V V v v a
-yoS P H O
phorbeia, qui fignifie une efpece de ban-
dage de cuir , dont les anciens pueurs
de flûte s'entouroient la tète. Le phorbéion
étoit placé devant la bouche du muficien ,
vis-à-vis de laquelle étoit une fente par où
pafToit l'anche de la flûte. F'ojq Flute ,
{Mufique inftr. des anc. ) Le phorbeion
cmpêchoit les joues & les lèvres du joueur
de fouffrir , & mettoit ce dernier à même
de mieux gouverner fon haleine , qui ne
pouvoit s'échapper.
Il me femble que ceux qui jouent des
inftrumens à anches, tels que le bafTon,,
le hautbois , la clarinette , ^c. devroient
tous fe fervir du phorbéion ; un de leurs
plus grands défauts, & pourtant un des
plus ordinaires , étant de laifler échapper
le vent à côté de l'anche , ce qui provient
de la tenfion continuelle des joues , ten-
fion qui va fouvent jufqu'à la foufFrance ,
fur-tout pour les commençans : le phorbeion
remédieroit à tout. ( F. D. C. )
PHORCUS ou PHORCYS, f. m.
{Mythol.) étoiî, félon Héfiode , fils de
la mer & de la terre ; il époufa Céto dont
il eut les Grées & les Gorgones ; il fut
vaincu dans un combat par Atlas , & de
dépit il fe précipita dans la mer. Nos
mythologues penfènt que c'étoit un roi de
l'île de Corfe , qui fut défait par Adas
dans quelque combat naval ; & comme
on ne put retrouver fon corps, on fup-
pofa qu'il avoit été changé en dieu marin.
{D.J.)
PHORCYNIDOS , antra Medufœ ,
(^Ge'og. anc.) caverne que Silius Italicus ,
lip. V^II yV. i^ ^ met dans la Marmari-
que. Lucain , //i'. IX y v. 6zG y parle des
champs de Méduie Phorcynide. Le nom
de Phorcynide avoit été donné à Médufe ,
à caufe que fon père s'appelloit Phorcus
ou Phorcys, félon ApoUodore , lii'. ly
c. ij yènliv.II, c. iv. {D.J.)
PHORCYNUS, {Géogr. anc.) port
de l'île d'Ithaque. \{om^r q , OdiJT.v. ^6,
y place l'antre des Nayndes ; mais Stra-
bon , //V. J, p. £S y dit que de fon temps
on ne voyoit aucun veflige de cet antre.
Il vaut pourtant mieux , dit-il , en attri-
buer la caufe aux changemens qui ont pu
arriver , que d'accufer un poëte tel qu'Ho-
mère d'ignorance ou de menfonge. {D. J.)
P H O
?H0RMINGE, {Mujiq. inflr. des anc.)
PoUux met la phorminge au nombre des
inftrumens à cordes. Plufieurs auteurs ,
entr'autres Bullenger ( de theatro ) , pré-
tendent que c'étoit une cythare : ce dernier
ajoute que , fuivant Hefychius , c'étoit une
cythare qu'on portoit fur les épaules. ( F.
D. C.)
PHORQNJCUM, {Géogr. anc. ) nom
que Paufànias, Uv. II y c. xvj , & Etienne
le géographe donnent à la ville d'Argos,
capitale de l'Argie dans le Péloponefe.
Elle fut premièrement nommée Phoroni-
cum , du nom de fon fondateur Phoro-
nius, fils d'Inachus, ( D.J.)
PHORONOMIE , f. f. ( Méchaniq. )
La phoronomie efl la fcience des loix de
l'équilibre , du mouvement des lolides &
des fluides. Ce mot efl compofé de ç'r^u ,
mouvement y & de;o//of , loi. Nous avons
un excellent ouvrage fur cette matière ,
de Jacques Herman , célèbre mathéma-
ticien de ce fiecle. Cet ouvrage intitulé
Phoronomia yjîve de viribus & motibus
corporum folidoTum &fiuidorum y a paru à
Amflerdam, en 171 5 , m-^°. Il efl par-
tagé en deux livres^ dont voici le précis.
Le premier hvre où il s'agit des forces
& des mouvemens des folides , cfl divife
en deux fedions. La première roule liîr
les loix de l'équilibre des puiflànces m'é-
chaniques qui s'entrepoufient , & leurs
diredions moyennes , foit que ces puiflànces
(oient appliquées à des corps inflexibles &
roides , foit à des corps flexibles. Ces
deux cas lui fourniffent des théorèmes gé-
néraux fort ingénieux , par lefquels on peut
fixer les loix de l'équilibre des fluides &
des fohdes , & trouver les folutions de
divers problèmes ; d'où l'on tire , par
forme de corollaire , les figures d'une
voile , d'un linge , &c. La féconde fedion
contient la doctrine du mouvement , en
tant qu'il provient de l'impulfion que l'au-
teur nomme /o///amr/o72 c:o/7f//2z/f//e de la
pefanteur y ou en tant qu'il réfulte du choc
des corps entr'eux. Cette fedion renferme
donc les principales chofes qu'on peut dé-
montrer touchant les mouvemens accélérés
ou retardés par la pefanteur uniforme ou
diverfifiée. Elle donne aufïi la ligne ifo-
chrone ou que les corps décrivent en des
P H O
temps égaux , quelque fyflême que l'on fuive
touchant la pefanteur , & cela en cas que les
direclions des corps pefans tendent à un feul
& mènîe point.. Mais parce que le? courbes
des corps mus , en quelque hypothefe que ce
foit , d'un mouvement diverfifié , ne peuvent
pas erre algébriques , on donne une règle
générale félon laquelle la pefanteur doit va-
rier , afin que les corps mus décrivent des
courbes algébriques.
Pour les orbes mobiles & prefque cir-
culaires , on donne aufll une règle facile ,
félon les forces centripètes requifes dans la
courbe mobile ; & l'on montre enfuite com-
ment cette force centripète étant donnée , on
peut trouver le mouvement d'une courbe
circulaire.
On trouve dans cet ouvrage une nouvelle
théorie du centre d'ofcillation , qui plaît
par fa fimplicité ; elle eu toute fondée fur
ce que certaines follicitations fuppofées qui
agiiîent fur les particules qui ont un mou-
vement ofcillaroire dans les direftions per-
pendiculaires , font d'une égale force aux
prefSons de la pefanteur félon les diflances
des particules ^. l'axe de l'ofcillation. Par
ce principe , & par la comparaifon d'un
pendule compofé avec un fimple qui lui
foit ifochrone , ou trouve la longueur du
pendule , & cela par* une feule & fimple
analogie.
Le fécond livre de la phoronomie ,
defbné aux corps fluides, traite i°. de -la,
gravitation des liqueurs lurles plans qui les
fiipportent , & fur \ts côtés des vaies dans
kfquels elles font contenues ; d'où l'on
tire àts règles fur la force dont ces vaies
doivent être pour pouvoir contenir ces
liqueurs fans fe rompre ; 2°. de l'équilibre
àiQs liqueurs entr'elles & avec les corps
folides qu'on y jeitc ; 3*** ^^^ figures que
les fluides donnent aux corps flexibles qu'ils
renferment ; 4*^. de la pefanteur & de
l'élaflicité de l'air & des denfités de l'at-
mofphere dans toutes \qs diflances de la
terre , & félon quelque loi de l'élafticlfé
que ce foit ; 5°. du mouvement & de la
mefure des eaux qui s'écoulent de quelque
vafe que ce foit , ou qui coulent dans des
canaux ; 6°. des effets du choc dans les
fluides ; à quoi appartiennent la réûflance
P H O 70J
que les figures des corps fouffrent dans les
fluides ) les direclions moyennes de ces
réfiflances , & le problême de la courbe
des voiles , &c. 7°. des mouvemens tant
redilignes que courbes , dans des milieux
qui réfiflent aux corps qui s'y meuvent ;
8°. du mouvement des vaifl"eaux pouflïs
par le vent ; 9°* ^^ mouvement circulaire
àes fluides ; 10°. du mouvement de l'air
dans la produdion du fon ; ii**. du
mouvement interne des fluides , duquel
naît la chaleur. Chaufepié ^ DicHonnaire.
[D. J.)
PHOSPHORE, f. m. {Phyf.ÙChym.)
M. Willermoz , doâeur en médecine, ci-
devant démonflrateur royal de chymie en
l'univerfité de Montpellier, a fait des addi-
tions & corredions à l'article qu'il avoit in-
féré dans l'édition de Paris. Nous allons
imprimer fa difTertation fur les phofphores
avec les changemens qu'il a jugé à propos d'y
faire , & nous nous flattons que nos ledeurs
partageront la reconnoiifance que nous lui
devons pour les foins avec lefquels il a revu
plufieurs àes articles dont il avoit déjà enri-
chi l'édition de Paris.
Les phofphores font àts corps qui ont la
propriété d'être lumineux , lorfqu'on les
examine dans l'obfcurité. Il en eft de natu-
rels , qui n'ont befoin que d'être vus ainfi ,
après avoir été expofés au feu , au foleil , à
la chaleur lans lumière , ou fimplement à la-
lumière, ou feulement frottés , ou frappés;
il en eft d'artificiels , ou totalement produits
par l'art , comme \t phofpkore de Kunchel ,
le pyrophore d'Homberg , ùc. ou qui
n'ont beloin que du fecours de quel-
ques préparations , comme calcination ,
torréfadion y ou d'autres genres d'ap-
propriations.
La caufe générale de la lumière des
phofphores y eft que la matière du feu oi>
celle de la lumière fe trouve abonder dans ces
corps , foit qu'elle y foit dans l'état d'ab-
forption , comme l'eau dans l'éponge, ou
dans une mixtion lâche, ou de décompofi-
tion aduelle.
Plufieurs des phénomènes des phofpho^
resy ont rapport aux phénomènes éleâriques
& à l'état varié du phlogiffique dans les
corps. Voje:{ FeU , LUMIERE , PhlO-
GISTIQUE, ElECXS^ICITÉ.
7IO P H O
Quoique notre defïcin foit de ne tfaiterque
du phofphore de Kunchel , nous croyons 'à
propos de préfenter l'ordre particulier , dans
lequel les différentes efpeces àt phofphore s
peuvent être rangées.
Premier Ordre.
Il eft formé des corps animés que le
fluide électrique pénètre & rend phofpho-
riques ; tels font les vers luilans , le luc-
ciolas d'Italie , les moucherons des lagunes
de Venife , les mouches des Antilles,
celles de la Cayenne , l'aiguillon de la vipère
irritée , les yeux de quelques animaux vi-
vans , la chair de ceux qui font nouvel-
lement tués , quelques poifTons , quelques
coquillages , les poils & cheveux de plu-
fleurs animaux , lorfqu'ils font vivement
frottés , &o
Ces corps ne font pas tous organifés pour
être conftamment des phofphores éleâri-
ques , comme la torpille , l'anguille de Suri-
nam , Ùc. mais ils le dcvie»nent dans cer-
taines circonftances , comme par l'amour,
l'irritabilité , la colère dans plulieurs ; & l'on
connoît l'identité du fluide nerveux à celui
de l'éledricité.
II, Ordre,
Il comprend les phofphores éledriques
inanimés , qui s'excitent par frottement
ou communication ; tels font le globe
dlHauxbée , les tubes vuides d'air , foit qu'on
les frotte intérieurement ou extérieure-
ment ; le diamant , les linges , les étoffes
chaufl'ées , frottées rudement : on peut y
ajouter certains éclairs & quelques autres
météores éledriques lumineux. J^oy. ÉLEC-
TRICITÉ.
III. Ordre.
Nous comprenons dans cet ordre les corps
rendus phofphores par àes chocs , frot-
temens rudes , qui les éledrifent ou mettent
en mouvement leur lumière propre , ou
incendient le phlogifîique qu'ils contien-
nent.
Les cailloux , les pierres cornées , les
iigates , les diamans , prefque toutes les
P H O
pierres fines, les mafTes de verre, les cryC"
taux , battus ou frottés vivement ; comme
aufli le fucre , la cadmie des fourneaux , le
fel marin à bafe terreufe nouvellement fon-
du , font tous des corps phofphoriques fous
cette acception , ainli que l'union de dif-
férentes terres & fubffances entre elles , tel-
les que les porcelaines , plufieurs fpaths &
quartz , ou le colcothar , fondus avec l'ar-
gile , &c.
La féconde divifion de cet ordre pré-
fente l'embrafement de l'acier & du fer ,
vivement percutés par un corps dur , ainli
que les marcaflites , l'alliage du fer à
l'antimoine , & de plufieurs autres métaux
entre eux , lorfqu'on les percute , ou qu'on
les lime rudement ; dans ce rang fe doi-
vent claffer aufli les bois durs & réfmeux
frottés vivement dans l'obfcurité , lorfqu'on
ne veut avoir que de la lumière fans
incendie.
IV. Ordre.
Il comprend les corps qui , comme la
pierre de Bologne &: autres fpaths fufibles
félénireux, acquièrent les propriétés phof^
phoriques , après avoir été calcinés au feu
de charbon ; c'efl-ù-dire , reçoivent la lu-
mière du foleil , ou. du jour , ou de la lune,
la retiennent & la rendent plus ou moins
long-temps , plus ou moins vivement
dans l'oblcurité , félon les qualités ^ per-
fections naturelles & artificielles defdites
pierres.
Bien plus , la chaleur fans lumière com-
munique auffi la phofphoricité à ces pierres ,
ainfi qu'à plufieurs autres corps déjà ob-
fervés , comme les fpatfis vitreux , les' ter-
res calcaires , les craies , le fucre fondu ,
le tartre vitriolé , le fublimé corrofif , le pa-
pier blanc , &c.
Il eu vraifemblable que tous les corps
de la nature , fans art , ou après différentes
appropriations , combinaifons , diffolutions ,
mélanges , font fufceptibles de devenir
phofphores i on le doit penfer, d'après une
immenfe quantité de fubflances qui ont
été traitées par divers lavans de diffé-
rens pays , & toujours avec plus ou moins
de fuccès. Ceux qui délireront de plus
grandes inflrudions fur cette matière ,
P H O
confulreront MM, Beccari de Bologne
Margraf de Berlin , Wilfon & Canton de
Londres , Bernouilli de Gottingue , le P.
Beccaria de Turin , MM. Homberg , Dufay,
Lefevre , Lemery , Geofroy , Macquer , La-
voifier ,.de Paris, Ùc.
Il paroît que la forme qu'affedent les
corps , les rend plus ou moins fufcepcibles
de la phofplioricité ; qu'en général ils doi-
vent être très-divifés & atténués. Les fubf-
rancés calcaires , imprégnées d'acide ou de
foufre , celles qui en ionr laturées , comme
le lel neutre à bafe terreule , fournirent
les phofphores les plus brillans de cet or-
dre. Les métaux , les chaux , les corps
obfcurs & les végétaux frais ou imprégnés
d'eau , ne le deviennent pas , quoique les
phofphores plongés dans l'eau & expofés à
la lumière ou à la chaleur , ne perdent pas
leurs propriétés.
Il lé préfente plufieurs queflions fur ces
phofphores : luifent-ils de leur lumière ou
phlogifîique naturel , que la lumière ou la
chaleur étrangère ont allumés , ou admet-
tent-ils la lumière comme une éponge dans
leurs pores? Eft-ce par ceméchanifme long:
temps répété, que la lumière devient prin-
cipe des corps telle qu'elle efl dans l'état
du phlogiftique ; ou ces fublîances con-
tiennent-elles une vraie combinaiion d'acide
& de phlogiftique qui y conflitue un loufre
plus ou moins bien mixtionné, plus ou moins
volatil , plus ou moins fulceptible d'inflam-
mation fpontanée , félon le genre d'acide
qui le conflitue foutre , félon fa quantité
ou la réadion qu'ont fur lui les fubftances
étrangères auxquelles il ell mélangé ? L'odeur
fulfureufè ou phofphorique de prefque
tous ces phofphores , liir-tout ^es plus lu-
mineux , doit, félon M. Macquer, appuyer
cette théorie. Voye-{ fon diBionnaire de
' Chymie. Le charbon cmbrafé n'eft-il pas
lui-même un phofphores dont ces fubfïances
peuvent s'imprégner ? Ce qui efl certain ,
c'ell que ces corps brillent mieux à l'air
libre , rendent gafeux l'air atmofphérique ,
font éteints par le froid , ranimés par la
fimple chaleur ; mais les phyficiens, malgré
leurs travaux lijr ces matières , n'ont pas
encore afTez multiplié leurs expériences
PHO 711
M. "Wilfon , d'après plufieurs eflais , croit
pouvoir afîurer que les phofphores rendent
la couleur prifmatique de la lumière , & il dit
avoir répété les expériences du P. Beccaria
fans fuccès. Ce phyficien avoit afluré que la
lumière reçue fur les phçfphores avec l'in-
termède d'un verre coloré , rendoit dans
l'obfcurité la lumière couleur du verre ;
mais M. Allemand , phyficien de Leyde ,
y a réuffi en portant fur \ts phofphores de
Bologne & les fulfureo-terreux , \qs rayons
colorés du foleil détachés par un prifme.
Voyei Journal de phyjïque de M. Vabbé
Ro\ier j février IJJJ.
V. Ordre.
Il comprerid \ts phofphores produits par
les fermentations putrides ,-diftilations de
fubftances inflammables, déflagrations des
foufres , difTolutions des métaux abondans
en phlogiiîique par la voie des acides, &<:.
Le feu qui naît dans les fubflances par la
chaleur àts fermentations établies dans cer-
tains agrégés , comme dans les foins mouil-
lés , la farine , les fumiers , les exhalaifons ,
\qs vapeurs lumineufes des poifTons & vian-
des cuites ou pourries , les vapeurs àt^ eaux
iîagnantes , de quelques eaux minérales ,
des latrines , des mines , foit qu'elles s'allu-
ment Ipontanément ou par l'éledricité , com-
me les feux follets , certains éclairs , les au-
rores boréales, les étoiles filantes & autres
pareils météores ; foit qu'elles exigent le con-
tad d'un corps aduellement enflammé ,
comme les vapeurs fpiritueufes, érhérées,
fulfureufes, les feux briifou Ats, mines, l'in-
flammation de l'efprit redeur ou-gas qui
s'échappe de quelques végétaux , comme
auffi de quelques animaux connus fous le
nom à'ignislambens; enfin celles quedivers
auteurs rapportent s'allumer fpontanément
dans leurs intérieurs & les confumer.
Il faut auflî clafîêr dans cet ordre la
flamme ou le feu. produit par la réadion
de différentes fubftances les unes fur les
autres , coinme de l'air & de l'eau , ^c.
tels que les volcans artificiels de M. Le-
. - . , mery , par le mélange dû fer , du foufre
pour lavoir à quoi s'en tenir fur ces & de l'eau , l'inflammation àcs pyrites par
théories. J l'humidité , celle des huiles par les acides ,
7ft PHO
l'inflammatioti des vapeurs 4e foie de
foufre , du mélange du foufre & des huiles ,
obfervée par Hoiïman , enfin l'inflamma-
tion du pyrophore par l'air. Voye\ Py-
ROPHORE.
Si l'on examine attentivement la théorie
de la plupart de ces inflammations, foit
fpontanées, foit éledriques, foit par commu-
nication du phlogiftique aduellement incen-
dié , on ne peut s'empêcher de reconnoître
quepfefque tous ces phénomènes phoiphori-
ques font dus à l'embrafement tranquille ou
avec déflagration de l'efpece particuHere du
foufre volatil , que l'on a nommé gas in-
flammable ; & confidérés fous ce point de
vue , ils devroient être claflés dans l'ordre
fuivant. D'ailleurs n'étant pas bien prouvé
que ces inflammations , à l'exception de
quelques -unes* foient fpontanées, toutes
flibftances en combuftion pourroient être
claflées fous cette unique acception com-
me pho/phores y ce qui les générajiferoit
trop.
V L Ordre.
Il comprend \ts phofpkore s ^çroèimxs par
l'union d'un acide fee avec le pWogiftique
pur , d*où réfulte un véritable foufre ;
mais tous les foutres ou toute union d'acide
& de phlogifliquç n'efl pas un phofphore :
\t% uns ne paroifîent tels que dans l'inftant
de leur formation, & fe détruifént dans ce
même moment , comme le foufre nitreux
& le foufre gafeux ; les autres demandent
le contad d'une matière aduellement em-
brafée ou enflammée pour paroître lumi-
neux , & rentrent par-là dans la clafïé
des fubflances incendiées , Gorffme le fou-
fre vitriolique & le charbon. Il faut néan-
moins palîêr en revue cts difîerens foufres ,
pour mieux faire fentir les difiércnces &
\qs analogies qu'ils ont avec le phofphore
de Kunchel , qui eft lui-même un foufre
parfait.
L'acide nitreux fous forme feche , coilime
jorfqu'il efr combiné avec une bafe quel-
.ccnque , préfenté au phlogiftique dans fon
itat de développement comme aux char-
jbons allumés , ou aux métaux abondans
«n phlogiftique , lorfqu'ils font dans l'état
.d'incandefcence , fournit junfoufrc incoer-
PHO
cible & qui fe détruit dans le moment de (a
formation ; le réfultat , après la déflagration
retenue dans des vaiffeaux pneumato-chymi-
ques , relTemble afl'ez au gas acide , & eft mé-
phitique comme lui.
L'acide nitreux n'a pas toujours befoin d''ê-
tre en contad avec des fubftances dans l'état
d'ignition , pour former un loufre défla-
grant, le nitre ammoniacal détonne avant d'ê-
tre incendié. M Macquer a oblervé , Dic^
donnaire de chymie ^ la flamme de la pou-
dre fulminante avant la détonnation ; la pou-
dre à canon & l'or fulminant préïentcnt le
même phénomène dans l'obfcurité , & ces
détonnations leiont par la feule chaleur bien
éloignée de l'ignition. Par tous ce^s procé-
dés on ne fait que voir le foufre nitreux ,
& on n'a point encore pu l'avoir feul non
déflagrant.
Il n'en eft pas de ipême de ce foufre
volatil & inviiible que les phyficiens &
chymiftes modernes ont nommé gas inflam-
mable ; on peut le confèrver à volonté
dans des vaifTeaux fermés fous l'apparence
d'air. On n'a pas encore bien oblervé ce
qui fè pafïe dan^ l'inflammation de ce
foufre volatil ou gafeux ; foit qu'il brûle
lentement en contad avec l'air atmof^
phérique , ou rapidement , lorfqu'il y eft
mélangé , il le comporte exadement comme
les foufres ; on ne peut- pas dire qu'il fe
forme dans le moment du contact de l'air ,
par l'union du phlogiftique que l'on flip-
poferoit conftituer efl'entiellement ce gas,
avec le gas acide que Ton fait exifter dans
l'a'r atmofphérique ; puifque cette com-
buftion , aiiîfi que la déflagration de ce foufre
galeux , a lieu encore mieux avec l'air
déphlogiftiqué qui ne contient pas ce gas
acide ; d'ailleurs le foufre gafeux une
fois brûlé ou déflagré ne fe comporte
plus que comme gas acide , ainli que le
clijjus de foufre nitreux , & les vapeurs
fultureufes vokitiles des foufres vitrioli-
ques & phofphoriques , que l'on raffem-
ble dans les vailTeaux pneumato - chy-
miques , après leur combuftion lente.
Encore une réflexion fur ce foufre gafeux
fi fouvent phofphorique , même fans contaâ
de corps incendié ; c'eft que l'étincelle élec-
trique qui développe dans l'air atmofphé-
rique le gas acide, & qui l'y multiplie ,
n'operc
P H O
n'opère peut-être cet effet qu'en propor-
tion de ce qu'elle décompofè le gas in-
flammable dont l'air inflammable elt tou-
jours mélangé : comme le loutre gafeux eft
plus léger que l'air acmofphérique , c'ell
dans la région fupérieure que les phénomènes
de fa décompolition ont fur-tout lieu fous
l'apparence d'éclairs ou de déflagration, que
l'on appelle tonnerre. L'odeur phofphorique
de l'étincelle éledrique , iemblable à l'odeur
du gas inflammable en combulHon , elt
encore une analogie qui favorife ce que
nous avançons.
Le foufre vitriolique diffère , à bien des
égards , du foufre phoiphorique , comme on
le verra dans les propriétés du phofphore ;
ils ont cependant le rapport de ne brûler
qii'à l'air libre , d'être indeftruâibles au feu
lorfqu'ils font traités fans mélange dans
des vaiffeaux fermés, & d'être également
volatils , avec les différences que l'on obfer-
vera. Voye^ SoUFRE.
Le charbon une fois incendié , brûle
comme le foufre vitriolique & Xtphofphor»
de Kunchel , jufqu'à la fin de fa confomma-
tion , s'il efl à l'air libre comme eux , &
s'éteint de même s'il en efl privé ; on en
retire un gas inflammable lorfqu'on le
diflille en raifïèaux fermés , & un gas acide
lorfqu'on le laifîè s'incinérer à l'air libre
ou dans un appareil approprié. On peut
retirer de plufleurs cendres végétales l'acide
phofphorique, auffi-bien que des os des
animaux. L'huile hypoflatique qui forme
le charbon , approche affez de la pureté du
phlogiflique , & le charbon ne diffère peut-
être du phofphore y qu'en ce que fbn acide
efl plus fixe , n'ayant pas encore été com-
biné avec le phlogiftique : union qui rend
l'acide phofphorique bien plus volatil qu'il
ne l'eft dans le [d natif d'urine ou dans
route autre fubflance ; d'ailleurs la combi-
naifon de l'acide & du phlogiftique , ne fe
tait dans le charbon que durant fa deflruc-
tion phofphorique par l'incendie ; la terre
végétale qui furcompofe le charbon , le fait
encore différer des fourres ; elle s'oppofe
à fa déflagration rapide , & comme on l'a
dit ci-deffus , il n'y a de vrai foufre que
lorfqu'un acide peut être en contaâ fous
forme feche avec le phlogifHque pur. L'ad-
idicion de la terre au phlogiflique fait un
Tomt XXV,
P H O 713
charbon , l'addition de l'eau à l'acide fait
une huile ou un efprit ardent.
Le foufre phofphorique , ou phofphore
de Kunchel, du nom d'un de fes inventeurs
le plus célèbre , efl auffi appelle ph-ofphore
d'urine , parce que pendant long-temps on
l'a tiré uniquement de l'urine ou d'un de
fes produits; ce foufre efl compofé d'un
acide particulier & du phiogiflique.
Chaque artifle a eu une méthode différente
pour faire le phofphore : celui qui a éclairé
le plus , foit fur les principes conftituant ce
foufre , foit fur les macieres qui fervent
à le former , efl M. Margraf de l'académie
de Berlin. Ce favant femble avoir épuifé
la matière, il a démontré que la méthode
pour l'obtenir le plus facilement , étoit de
réunir le fel que Boerhaave a le premier
bien décrit & reconnu dans l'urine, qu'il
a appelle fel natif , fel eflentiel d'urine ,
voye\ Sel natif , avec la poudre de
charbon , & le produit par la dinillation de
ce mélange à un degré de chaleur violent,
donne le phofphore. Comme ce fel efl
difficile à obtenir pur de l'urine fans mé-
lange d'autres fèls étrangers , & fur-tout de
la matière cxtradive barbouillante de l'u-
rine ; lorfqu'on n'aura d'autre but que le
phofphore , le procédé fuivant , éprouvé
plufieurs fois , nous a paru le remplir en
ce que l'opération efl moins longue & moins
taflidieufe.
Il efl vraifemblable que toute urine feroic
apte à fournir la matière du phofphore ,
puifque l'on retire du ftl narir de celle
de plufieurs animaux ; mais il efl douteux
qu'elle en fourniffe autant. M. Margraf ^
fur-tout choili celle d'homme buvant bière ,
fè nourriffant de végétaux rafîèmblés en
été : depuis la découverte de la fubflance
glutineufe , animalifée dans les femences
des graminées , & que l'on a obtenu du
phofphore de cette fubflance , l'obfervation
de M. Margraf n'efl pas indifférente : éva-
porez l'urine par i'évaporation infenfibleou
rapide , ou déflegmez-la par la congéla-
tion; qu'elle foit évaporée à ficcité dans
des vafès de terre ou de fer. M. Margraf
aaufli fait au phofphore avec cette njatierc
ainfi préparée , en la mêlant , avant de la
defïécher & diflillcr , avec la moitié de Çorx
poi4^i de plomb corné , préparé par \$
Xxxx
714 P HO
«îécompofîtion du Tel ammoniac au moyen
iu minium ; mais cette méthode n'ajoute
rien à l'opération ,, & eil produite par la
théorie de la convedion de l'acide marin
etl phûiphorique , qui a. été fi long-temps
Fobjet des travaux inutiles, àes^ chymiiles.
Nous calcinons cette matière épaiffie dans
ône capfule de fer , en la remuant jufqu'à
ce qu'elle ne donne aucune fumée , &: dans
cet état toutes les matières qui pouvoient
nuire à la purification des fels que con-
tient l'urine, & à la cry^allifation , font
détruites ou mifes en charbon. Il faut alors
diflbudre dans l'eau tout ce qui efl diflb-
luble ; & fi l'on a fait éyaporet loo pots
d'urine , il faut dans cette diflblution ajouter
3 onces lèl alkali volatil concret , & l'éva-
porer lentement jufqu'au prélude ordinaire
des crySallifations , comme oléaginofité de
la liqueur, pellicules & cryfiallifationfari-
neufe autour du vafe évaporatoire , formant
une zone en contact de fa liqueur : alors
faites cryftallifer en lieu frais , vous obtien-
drez le fel natif d'urine. On peut réitérer
l'évaporation & la cryllallifation jufqu'à ce
qu'on fe le foit tout procuré. Ce fel cryf-
rallife en petits cryflaux brillants , formant
des primes parallèles égaux entr' eux , ay-ant
quatre faces égales dont leà extrémités font
tronquées ; laifïant un goût frais & très-
peu falin fur la langue : il ne faut pas le
confondre avec le lèl admirable perlé de.
M. Haupt , ni avec le fel de Glauber ,,
ci avec le fel marin qui cryftallife après ,
%'Oje:{ Sel natif p'URIlSJE. La quantité
d'urine indiquée fournit à- peu -près lix
onces dudit fel , & pourra prodtiire plus,
de demi-once de pàofphore. Il faut mêler
cxadement ce fel avee fix onces de charbon
de faule en poudre, mettre ce mélange
dans une cornue de très-bonne terre , qui
en foit remplie aux trois quarts ; cette
cornue doit avoir été. lutée pour la mettre
à l'abri du froid fubit que l'air ou le vent
d'un foufflet peut lui communiquer ; elle
fera ainfi placée dans un fourneau à vent-,
garni de fon dôme & de fes. cornets;
qu'il y ait l'intervalle de cinq pouces de
la cornue aux parois intérieures du four-
neau ; élevez la grille par un fupport ou
par des barres , & le tout garni de char-
îrons. Le feu fera donné- gradueUement ,
P H O ^
après avoir adapté & luté cette cornue
a un ballon de verre aiTez ample , tubulé
dans fa partie moyenne fupérieure , & rem-
pli d'eau au tiers , alTez féparé du fourneau
pour qu'il en foit peu échauffé; que le
cou de la cornue entre cependant alTez
avant dans le ballon , & que l'é^chancrure
du fourneau foit bien bouchée de lut. Les
premières choies qui paroifï'ent dans le
récipient , font quelques fuliginofltés qui
tachent l'extérieur & l'embouchure du cou
de là cornue , enfuite un fel qui tapifTô
la partie vuide du ballon , qui efl bientôt
diiiouspar une rofée qui lui fuccede ,, &
par la vapeur de l'eau du ballon : ce (kl
efl de l'alkali volatil concret , qui avoit peut-
être été mis par furabondance , ou qu'il eli
vraifemblable que le fel natif ne changé,
pas tout en alkali volatil cauffique , comme
l'efî celui qui fort en forme de rofée. J^,
Sel natif. En augmentant toujours de
plus en plus la violence du feu du four-
neau, il s'élève un autre fel qui s'attache
au cou de la cornue ,. &: aux parois (upé-»
rieurcs du ballon , &c dont il fera fait men-.
tion- aux mots SeL SEDATIF & SèD
NATIF. Les vapeurs, aqueufes ne le dif-i
fol vent plus , il efl en filets minces &
bnUans ; dans ce même temps fort auliv
le phofphore partie volatil , qui ne fe con-.
denfepas & ne brûle pas; le doigt appliqué
fur la tubulure, examiné dans l'oblcurité ,
efl enduit de phofphore ; c'efl ce phofphore
volatil qui rend tout le vuide du ballon =
lumineux, lorfqu'on l'examine dans l'obf^
Gurité, même long-temps après l'opération
complétée '•, mais lorfque le vrai phofphore
diflllle ,.il le fait par gouttes & par larmes ,
qui gagnent le fond & les parois du ballon ,
& s'y réuniffent en mafTe , û l'eau du ballon
eft; bien chaude. Il fouffle alors par la tu-
bulure des traits de feu quelquefois avec
décrépitation, & qui-incendient les corps
combufiibles qu'on en approche. Le feu
efl alors à fa plus haute violence , il faut
l'entretenir tel une heure; c'éfî à ce degré
de feu qu'il fe brûle , & fe détruit en partie
une portion du phofphore , dont une petite
quantité fe préfente fous la forme d'écaillés
d'un brun rougeâtre , attachée au cou exté-
rieur delà cornue & aux parois fupérieures ;
.& l'autre plus abondante 3 fe précipite fot^s
ta forme d*une poudre blanchâtre au fond
de Teau du récipient. M. Mitouard , qui
a examiné ces fub/lances , y a reconnu
beaucoup d'acide phofphorique & plulieurs
indices de phofphore détruit > qui lembient
indiquer , comme le conleille M. Macquer
Dicl, de Ckym. qu'il ne faut pas poulîer
ie feu fi rapidement fur la fin de l'opération ; '
qu'il convient d'éviter la préfence des traits
lumineux décrépitans & incendians , dont
il eft fait mention ci-defTus.
On tire du ballon , quand l'appareil efl
refroidi , toutes les fubflances phofphori-
ques ; & pour en féparer ie phofphore &
le mouler en bâton , on les met dans un
tube de verre plus évafé par le haut que
par le bas, qui efl bouché, trempé dans
l'eau chaude ; il s'y fond comme de la
cire ; les fubilances étrangères le furna-
gent , & on les en fépare après le refroi-
diflement : on peut auflî le purifier en le
diftillant dans une cornue de verre au bain
de fable , lutée à un récipient à moitié
plein d'eau.
Propriété du phofphore,
Ccft une fubUance molle comme de la
cire , d'un blanc jaunâtre , derai-tranfpa-
rente , expofée à l'air chaud & tempéré
de ratmofphere. Il a une odeur forte
d'ail ou d'arfenic , il eft entouré d'une
fumée blanche ; mais dans l'obfcurité c'eft
une flamme d'un blanc bleuâtre , qui n'ai- i
îume pas les corps combuftibles , & il fe
détruit lentement : mais s'il efl échauffe
à l'air libre ou vivement frotté , ou en
contad avec un corps enflammé , feule-
ment mis au foleil avec la poudre à
canon , alors il donne une flamme blan-
che & brillante au plus grand jour avec
bruit & crépitation , met le feu aux ma-
tières corabufîibles avec rapidité , & fe dé-
truit en peu de temps. On trace avec ce
phofphore ) comme avec un crayon , des
caraâeres & des deflins qui font lumineux
dans l'obfcurité ; un vent froid & humide
éteint ces traits, ils paroifîènl plus bril-
lans dans un temps chaud & fec. Ce foufre
ne jouit de la propriété phofphorique que l
parce qu*il eft dans un état habituel de ;
décompofition ; fi on le regarde au rai- •
P H O 71J
crofcope , Ton voit toute fa furfaee dans
un mouvement violent d'ébullition : il
paroît que la mixtion de fes principes eft
lâche , ou que fon acide très - concentré
étant très-avide d'humidité , ( puifqu'il ca
abforbe la moitié de fon poids ) ne peut
conferver une forte mixtion avec le phlo-
giflique; il le laiffe échapper du moment
qu'il n'dfl- plus fous forme feche. Comme
néanmoins c'efl dans l'eau qu'on le con-r
ferve , un grand nombre d'années , fans
prefque aucun déchet , ne peut-on pas ap-
pliquer à la décompofition du phofphore la
théorie des diflblvans, qui divifent les fubf-
tances auxquelles ils font appliqués en va-
peurs , & les laifîênt intaâes , lorfqu'ils
font appliqués en mafîe ?
Et lorfque l'acide phofphorique fe difîout
par l'humidité de l'air, l'air lui-même de-
vient le difïblvant du phlogiflique. Si cette
décompofition fe fait dans le vuide d'une
machine pneumatique , ou dans l'appareil
pneumato-chymique , d'abord \t phofphore
brille beaucoup plus , mais il s'éteint bien-
tôt par les vapeurs ou gas dont il imprègne
l'air ; ce qui le rend impropre à toute?
les combuflions : fi l'on purifie cet air par
l'agitation avec l'eau , l'eau fê charge d'ua
acide &: devient acidulé, & l'air qui la-
fùrnage devient lumineux , dans l'obfcurité
fur- tout, s'il efl: agité. Il en efl de même
de l'eau où l'on conferve le phofphore
qui efl: acidulé , & n'eft lumineux qu'à fa
furfaee ; c'efl ainfi que la portion vuide
du ballon où l'on a fait l'opération , efl la
feule partie lumineufe : ce qui appuie ce qui
a été dit ci-deffus, que lorfque l'eau s'unit
à l'acide volatil pholjjhorique , l'air s'unit
au phlogiflique , & cet air phlogiflique &
lumineux n'efl pas détonnant , dans quelque
proportion qu'on le mêle avec l'air déphlo-
gifliqué ; ce qui le fait différer du gas in-
flammable , que nous avons nommé foufre
volatil ou gafeux.
L'eau du ballon qui a fcrvi à l'opération ,
ainfi que l'eau où l'on conferve le phof-^
phore p fi elle eft échauffée ou examinée
dans l'obfcurité , lance de temps en temps
des traits de lumière qui partent en difîe-
rens fens, & viennent toujours aboutir dans
l'air qui la fumage , où ces traits lumineux
s'épanouiffent en éclairs. j
Xxxx 2.
yi6 P H O
Il fe forme à la longue fur la furfac
du phorphore , un encroûtement blanchâ-
tre qui diminue fa tranfparence. Il fe pro-
duit de même , lorfqu'on le fait bouillir dans
l'eau ; mais alors il ne lui rcfte pas attaché ,
il fe divife en forme de poudre terne &
bla nche , obfervée par M. Fougeroux , &
qui eft femblable à celle que M. M^itouard
avoit vu fe précipiter au fond du ballon
où l'on diftille le phofphore, & qu'ayant
été expofée fur une pèle chaude , a encore
donné des indices de phofphore par l'odeur
& la lumière.
Le phofphore fe diffout dans les huiles ;
les huiles eflenticUes pefantes ne le dliîblvent
pas fi bien que celles qui font plus légères ,
comme celles de citron ou de térébenthine ;
néanmoins on choifit les premières , parce
que le phofphore liquide que l'on en produit ,
cft plus lumineux & ne s'éteint pas fi
promptement. Le procédé fuivant pour le le
procurer, eftaiTez uficé.
Broyez enfemble & mêlez exadement
-trois gros d'huile de gérofle ou de cannelle ,
demi-gros de camphre & trois grains de
phofphore ; on peut frotter de ce mélange
les cheveux , la face , les vêtemens ou
tout autre corps , en former des carafteres
• ou figures , elles feront lumineufes dans
l'obfcurité : on mêle aufli le phofphore ,
foit folide, foit fluide, avec les graifles &
les pommades , & elles deviennent lumi-
neufes. Le phofphore fe cryftallife dans
l'huile où il a été diflbus , comme le fait
le foufre ; les cryllaux s'enflamment à l'air ,
ils perdent cette propriété s'ils font feule-
ment trempés dans felprit-de-vin : alors
expofés à l'air pendant quinze jours , félon
les expériences de M. Groffe , ils n'ont pas
diminué de poids ; ils s'enflamment néan-
moins comme le phofphore^ s'ils font frottés
ou échauffés : le phofphore fe diffout auffi
dans les éthers , mais plus difficilement que
dans les huiles ; il fe diiTout mieux dans
Je nitreux que dans le vitriolique , il leur
communique une foible lueur phofphori-
que ; digéré avec l'efprit-de-vin , il fe
change en une efpece d'huile blanche &
tranfparente , qui relie au fond du vafe fans
ie diflbudre. Cette huile ne fe coagule
qu'à un grand froid ; lavée plufieurs fois
^a? l'eau , le phofphore recouvre fa con-
P H O
^ fiilance , mais s'enflamme plus difEcilemeffff'
par la chaleur ; il a perdu fa couleuî- jaune
& ne brille plus dans l'obfcurité. L'eiprit.
de-vin retiré de deffus cette huile , a une
forte d'odeur phofphorique , & n'efl lumi-
neux que dans l'inflant où on le mêle avec
de l'eau. ""
Il eft à préfumer que fi l'on traitoit le
phofpkore & l'efprit-de-vin par le pro-
cédé que M. le comte de Lauragais a
employé pour le foufre , & qui confifle à
faire rencontrer ces deux fubflances en
vapeurs dans un récipient commun , on ob-
tiendroit , comme il l'a obtenu du foufre ,
une mixtion plus complète de ces deux
fubflances. Le phofphore trituré avec le
camphre , le nitre ou la limaille de fer ,
donne la phofphoricité à ces fubflances,
reflanf uni avec elles. La trituration ne
les enflamme pas , aflbre Hofifhian. Comme
nous avons vu le contraire fiir le camphre
& le nitre , ainfi que Vogel fur le nitre ,
nous penfons que cela dépend de la quan-
tité du phofphore mélangé , plus que ds
l'activité de la trituration : le phofphore
efl dilToiis & même décompofé par l'alkali
fixe en liqueur , à-peu-près comme l'efl le
foufre. Vogel a retiré de cette union des
fels qu'il a cru être analogues au tartre
vitriolé & au fel marin; l'expérience n'a
pas confirmé leur analogie. Plufieurs aci-
des altèrent beaucoup le phofphore. L'acide
marin ne l'attaque que foiblement en mafle ;
peut-être que fous la forme de vapeurs
il auroit plus d'aâion fur lui , mais, digéré
avec «l'acide nirreux, il y demeure quel-
que temps indiifoluble & très-lumineux :
Je matras bien échauffé , le mélange dé-
flagre avec éclat & explofion du vaifTeau ;
l'acide vitriohque foible ou concentré , le
réduit en poudre. Dans cette efpece de dif^
folution il s'élève beaucoup de vapeurs qui
font lumineufes dans l'obfcurité ; & la li-
queur qui fumage la poudre , garde long-
temps la phofphoricité.
L'argent , le fer , le cuivre & d'autres
métaux ou demi - métaux , expofés aux
vapeurs du phofphore , ou poufles au feu
dans une cornue , mêlés avec lui , éprouvent
des changemens fingulicrs , qui ont néan-
moins quelques rapports avec ce qui arrive
à ces mêmes corps traités avec le foufre.
P H O P ^ ^ 717
Fqyq les expériences de Chriftian De- ou de fa combinaifon par le travail d«
-mocrite , de Sthal , de Simker y & fur- ranimalifarion.
tout de Margraf^ qui a aufli fublimé le • L'acide phofphorique doit fe confidérer
■phofphore avec i'arfenic , dont il a réfulté fous trois afpeds ditférens ; i**. comme
une efpece de réalgal d'un rouge de rubis, acide phofphorique volatil , produit par la
Ayant diiHllé le mélange du phofphore avec deflrudion lente du phofphore ; 2°. comme
le'foufre , il a paiîë avec lui 4l s'efl figé j acide phofphorique provenant de fa défla-
dans l'eau du récipient : cette matière étoit gration rapide & defîëchée jufqu'àla fufion;
peu phofphorique, lorfqu'elle étoit échauf- 3°- comme fel natif d'urine dont on a fé-
fee , elle brûloit rapidement & répandoit ) paré l'alkali volatil. Il fera traué de ce
une odeur fétide.
Propriété de Vacide phofphorique.
Des chymlftes , même de grande répu-
tation , d'après Sthal inventeur de cette
opinion , ont penfé que l'acide marin étoit
le même que l'acide phofphorique, ou
.qu'il n'étoit que déguifé par l'union qu'il
contractoit avec le phlogillique , ou enfin
que l'ade de l'animaUfation étoit une fer-
mentation particulière , qui pouvoit chan-
ger l'être du lel marin & de l'alkali mi-
néral , qui exiflent enfemble & féparément
abondamment dans les humeurs & fubf-
• tances animales ; mais ces deux acides fe
comportent fi différemment, qu'on ne pnut
fe prêter à cette conjedure , & qu'il faut
confidérer l'acide pholphorique comme un
genre d'acide nouveau , qui n'eit pas
même particulier aux animaux : car quoi-
qu'on n'ait pas encore démontré rigoureu-
fement le fel natif , ou l'acide phofphorique
dans les végétaux, comme on l'a démontré
dans l'urine , comme nous l'avons démon-
-tré dans la nacre en chet^chant la magnéfie,
comme MM. Vallerius , Gahn , & Scheel
l'ont trouvé depuis dans les os calcinés ,
voye\ leurs procédés, journal de M. Rozier
■^777/^ néanmoins, vu la grande quantité
de (ubfiances végétales qui ont fourni du
phofphore à M. Margraf^ par leur diihlla-
tion à un feu violent , comme lesJemences
de moutarde , de roquette y de creflon , de
raves , de rue , de feigle & de froment ,
on ne doit pas douter de l'exiflence de
ce fel dans les végétaux; & nous appre
nons par des expériences comparées , que
la lubfiance glutineufe animalifée des fa-
rines , eft celle qui en contient le plus
dans les végétaux : ce qui juilifieroit en-
core la tkéorie de la création de ce fel ,
dernier au motSEL NATIF; préfentèment
nous ne le confidérons que fous les deux
premières faces.
Par la décompofition lente du phof-
phore à l'air libre , ou dans des vaifîèaux
fermés dans lefquels on introduit de l'air
de temps en temps pour réparer celui qur
efl devenu inepte à la combuftion , il fe
produit un gas phofphorique & un acide
volatil , ayant une forte odeur de phof^
phore ; - ce gas n'efl pas afîèz examiné ,
ainfi que cet acide mis en contad avec l'huile
de tartre par défaillance : il le cryftallife
bien différemment que ne le fait l'acide
phofphorique ordinaire ; de forte qu'il
paroit être à fon acide qui refle après
la déflagration rapide , ce qu'efi l'acide
fuîfureux volatil à l'acide vitriohque , ou
à celui du foufre déiiagré» avec le nitre.
Bien plus, \q phofphore diffous dans l'huile
& difliilé comme le baume de foufre,
fe comporte de même ; l'acide vitriolique
du foufre qui entre dans le baume , fè
change par ce procédé prefquc tout en
acide fuîfureux volatil , & le baume de
phofphore fournit aufli beaucoup plus de
cet acide volatil. Il eff fingulier , vu la
fixité que l'on connoît à l'acide phofpho-
rique , qu'il puilTe s'évaporer & fe vola-
tilifer en fi grande quantité par ce pro-
cédé. Cela vient fans doute , comme dan» '
l'acide fqlfureux volatil , de Tunion que
ces acides ont contradée avec le phlogif^
tique qui eff le principe volatilifant ; mais
union différente ou plus lâche que celle
qui les confiitue foufre ou phofphore. Que
l'on confidere d'ailleurs que l'acide phol^
phorique fixe & pur décompofe les feis
neutres , même le tartre vitriolé ; que d'une
autre part , comme il a été dit ci-devant ,
l'acide vitriolique digéré avec le phofphore ,
le réduit en poudre qui n'eft plus phof-
7i8 P H 0
phorique , fi elle n'eil pas aidée de la
chaleur ; lorfqu'au contraire la vapeur qui
s'en élevé çû phofphorique dans l'obfcu-
■rité , ainli que fà liqueur qui la fumage ,
& qu'elle en conferve l'odeur ; ces faits
rapprochés de ce qui fe paiîè dans le
phofphore par l'adion de refprit-de-vin ,
où il paroît que cet efprit diflbut la por-
tion du phofphore la moins combinée , la
plus volatile , la plus phofphorique ; on
ne pourra nier que l'acide phofphorique
ne {bit dans le phofphore fous deux états
bien difFérens. Lorfque M. Mitouard a fait
détonner avec du nitre la terre phofpho-
rique , qui fe précipite au fond de l'eau
du ballon où on a fait l'opération du
phofphore , & qui a perdu en partie fon
inflammable , ne brûlant que comme le
foufre par l'adion de la chaleur , le fel
neutre qui en a été le réfultat , étoit déli-
quefcent , bien différent en cela de celui
qui eft formé par l'union de l'alkali de
nitre avec l'acide phofphorique fixe. Enfin
ce qui complète la preuve de ce que nous
avançons , c'efl que l'acide phofphorique
produit par la déflagration rapide du phof-
phore , n'efl même pas exempt d'une por-
tion d'inflammable ou phlogiffique qui
diminue fa fixifc ; il précipite de leur bafe
l'acide marin & le nirreux , mais ne dé-
compofe pas mieux le tartre vitriolé, que
celui qui efl produit par la combufiion
lente au phofphore. Le premier a bcfoin ,
pour acquérir cette faculté , d'être évaporé ,
feché & chauffé jufqu'à rincandefcence,dans
ces opérations. Il jette encore des éclairs
& des traits de lumière qui le dépouillent
entièrement de fon phlogilfique i mais dans
cette deffication, il donne moins d« vapeurs,
ayant l'odeur phofphorique , que celui qu'a
produit ÏQ phofphore qui s'eft confumé len-
tement.
L'acide du phofphore dépouillé de tout
fon phlogiflique , efl l'acide le plus fixe
qui foit connu ; il fe réduit , étant pouffé
au feu , en un verre tranfparent qui attire
l'humidité de l'air & tombe en deliquium y
& qui fe fond dans le double de fon poids
d'eau : il s'échaufïè moins dans l'eau pen-
dant fa diffolution , que les autres acides ;
il rougit la teinture de tournefol & le
firop violât , feit effervefcence , & s'unit
P HO
en Tel neutre avec les alkalis , foît fixes ,;
foit volatils , ainfi qu'avec les terres abfor-
bantes & plufieurs fubffances métalliques
avec lefquelles il forme divers fels très-
peu «connus. Il corrode & diffout plus
généralement les chaux métalliques que
leurs mé?àux , comme celles de cuivre ,
d'arfenic , le précipité de mercure ; il
attaque cependant aifement quelques mé-
taux abonaans en phlogiffique , comme le
fer & le zinc , avec lefquels il fe reproduit
par la difhllation du phofphore; il les attaque
aufli fous forme feche par voie de fufion ;
il précipite quelques métaux de leur diflbl-
vant , conferve aux précipités des métaux
parfaits leur brillant métallique ; il refîe
en partie uni aux précipités , auxquels il
communique une grande fixité & une diC-
pofition à la vitrification , même au pré-
cipité de mercure. Il ne contrade aucune
union avec le foufre ; diflillé avec la poudre
de charbon , il fe rétablit en phofphore
à un affez foible degré de chaleur. La
plupart de ces faits que nous ne détail-
lons pas , ont été peu obfervés , peu véri-
fiés , & point approfondis ; la difficulté de
fe-f>rocurer cet acide , elf caufe qu'on n'a pas
beaucoup multiplié les expériences à faire
fur ces unions avec différentes fubffances ;
mais on en a afTez fait pour favoir qu'il
ne fe comporte pas avec elles comme le
fel fixe du fel natif d'urine , avec lequel
on l'a fou vent confondu. MM. Pott &
Margraf ont fait fur ce dernier un beau-
coup plus grasd nombre d'expériences ,
pour en établir le caradere , & qui peu-
vent aufiî induire à en développer les prin-
cipes. Voyei Sel NATIF d'urine.
PHOSPHORIES , f. f. plur. ( Amiq.
greq. ) <^ucr((;ofia. , fête chez les Grecs en
l'honneur de Phofphorus & de Lucifer.
Voye;{ Poîter , archœoL grœc, tome I y
page 43 e. {D. J.)
PHOSPHORIQUE (colonne),
( Archit. ) Cette épithete , tirée du grec
Çû»^(})5t^o,' , porte - lumière y caradérife une
colonne creufe à vis , élevée fur un écueil ,
ou fur le bout d'un môle , pour fervir de
fanal à un port ; & en général toutes les
colonnes qui dans les fêtes , réjouifîances ,
& places publiques , portent àes feux &
des lanternes, comme autrefois les colonnes
P HO
gfouppées de la place des victoires , à
Paris. {D. J.)
PMOSPHORUS, fedlt., enAflrono^
tnîe y de l'étoile du matin , c'eft-à-dire , de
la planète de Vénus , quand elle précède le
foleil. Voyei VÉNUS.
Les Latini l'appellent Zwi: //et,* le peuple,
en France , la nomme Vétoih du berger ;
les Grecs , Phofphoras , qui eft compofé
de ipaf, lumière y & de çiçco , je porte.
Chambers.
PHOTHINGE , {Mufiq.inflr. desanc.)
Il paroît par un pafl'aged'Arhénée {liv. IVy
JOeipnos. ) , que c'étoit une à^s flûtes des
anciens , & la même qu'on appelloi' la-
tine & oblique ( plagiaule ) , & dont F( !lux
attribue l'invention aux Lyhiens , Gnom.
liv. IV y chap. lO. Athénée prétend que
ce fut Ofiris l'Egyptien qui inventa la
phothinge y Çwrnommét oblique. Or comme
il paroît que les anciens ne connoilToient
point la flûte traverfiere, voye\ Flute,
L'épitliete oblique ne peut lignifier ici que
courbe ; & comme je crois avoir prouvé
dans Varticle Flute , que toutes les ûtxtts
des anciens étoient à anches , la phothinge
devoit avoir de la reflembiance avec le
tournebout : il eft même probable que
celui-ci en dérive.
Au refle , la courbure de la phothinge
ne venoit que de la corne de veau qu'on
^joutoit au bas des flûtes , comme nous
l'avons déjà, dit à V article FluTE ; cette
corne de veau s'appelloit codon. Voye^
ce mot. ( F. D. C. )
PHOTINIENS , f. f. pi. ( Hifi. eccléf. )
fedc d'anciens hérétiques qui parurent dans
le quatrième fiecle , & qui nioient la divi-
nité de Jellis - Chrifl. Ils furent ainfi
nommés de Photin leur chef, évêque de
Sirmich , difciple de Marcel d' Ancyre ,
&. célèbre par fon favoir & par fon élo-
quence. L'abus qu'il fit de fes talens , le
précipita dans l'erreur. Non cotitent de
renouveller celles d'Ebion , de Cerinthe ,
de Sabelhus , & de Paul de Samofate , il
foutenoit que non-feulement Jefus-ChriH
n'étoit qu'un pur homme, mais encore
qu'il n'avoit' commencé à être le Chrifl
que quand le Saint-Efprit defcendit fur
lui dans le Jourdain ; & qu'il eft appelle
fiU Unique par la féale rajfon qae la fainte
PHR 719
Vierge nVn eut point d^autre. Il fut d'a-
bord condamné par les évêques d'Orient
dans un concile tenu à Anrioche en 345 ,
& par ceux d'Occident au concile de
Milan , en 34.6 ou 347 ", & enfin dépofé
dans un concile tenu à Sirmich en 351.
L'hérélie dts Photiniens a été renouvellée
dans ces derniers temps par Socin. Voye:^
SOCINIANISME.
PHOTOSCIATÉRIQUE, adj. terme
dont quelques auteurs fè fervent pour dé-
fignerlagnomonique. V. GngmONIQUE.
Ce nom vient de ce que la gnomonique
apprend à déterminer les heures non-feur-
lement par l'ombre d'un gnomon , ce qui
l'a fait nommer fciate'rique j mais quelque-
fois aufli par la lumiiere du foleil , comme
dans les cadrans qui marquent l'heure par
un point lumineux , &c. à travers lequel
pafTent les rayons du foleil. Ce mot. vient
de TKiet , ombre y ôc de <pui y lumière. V.
Gnomonique , Cadran , Gnomon ,
é'c. Au relie le mot de photo-fciotérique
ne s'emploit plus aujourd'hui. C^a^J^erj,
(O)
PHOXOS ,, ( Léxic. médec. ) ?>ofk , efl
celui qui a le fommet de la tête extrê-
mement pointu, & parconféquent difïbrrae.
Homère, nous dépeint ïhcrfite avec une
pareille tête» Ce mot fc^os fe rencontre
deux fois dans le iixierae livre, des épidé-
miques d'Hippocrate.
PHRAHATE , ( Hifi. anc, Hifl. des
Parthes. ) petit-fils d'Arface , fondateur
des Parthes , ne fit que paroître fur un
trôhe dont il eût augmenté la fplendeur
s'il eût eu un règne plus long. Egalement
propre à la guerre &;. aux affaires , il fub-
jugua les Mardes y peuples belliqueux , &
julqu'alors indomtés. Il avoit plulieurs fils
auxquels il étoit hbre de tranfmettre fon
héritage ; mais attentif au bonheur de fon
peuple, ir leur préféra fon frère Mithri-
date , dans qui il avoit reconnu tous les
talens & toutes les vertus qui font les grands
rois. Ce prince voulant être bienfaifant ,
même après là mort, crut devoir plus à
fà patrie qu'à fes enfans. Il oublia qu'il
étoit père, & fe fouvint qu'il étoit roi ,
en défignant Mithrioate pour fon fuc-
cefTeur.
Phrahate II, «près îâ mon de fçai
710 P H R
père Mithridate , qu'il ne faut pns con-
t'opàrs avec le fameux roi de Pont , fut
élevé fur le trône des Parthes. Dès qu'il
fut revêtu du pouvoir fupréme , il tourna
fes armes contre la Syrie pour tirer ven-
geance d'Antiochus qui avoit tente de lui
ravir , ainfi qu'à fon père , l'empire des
Parrhes. Son début fut brillant , il auroit
pouffé plus loin îcs conquêtes, fi les Scythes
qu'il avoit appelles à fon lècours, ne fe
fufïent point déclarés fes. ennemis. Cette
révolution déconcerta fes projets. Il fongea
moins à faire des conquêtes qu'à défendre
fes états. Il confia le gouvernement de fon
royaume à un nommé Hymer , rniniffre
lànguinaire qui fit détefler fon adminiflra-
rion, & rendit odieux le monarque qui
l'avoit choili. Phrahate , uniquement oc-
cupé de la guerre , marcha contre les
Barbares , à qui il livra une bataille où
l'attaque fut aufîi vive que la réfifbnce
fut opiniâtre. Un corps de dix mille Grecs ,
en qui il avoit mis fa confiance , tut l'au- ,
teur de fa défaite. Ces Grecs faits pri-
fonniers dans la guerre contre Antiochus ,
avoient été indignement traités pendant
leur captivité ; dès qu'ils virent que la
viétoire étolt long - temps inuécife , ils
pafferent dans le camp des Scythes , &
décidèrent du fuccès de c(tnc journée.
Phrahate y accablé par le nombre, perdit
la vie après avoir été témoin du carnag^e de
fon armée.
Phrahate III , fîls d'Orode , roi des
Parthes , avoit été défigné fon fucceffeur
à l'empire ; ce prince , impatient de régner,
trouva ûue fon père vivoit trop long-temps.
Aveugle par fon ambition , il fouilla le
premier jour de. fon règne par un parri-
cide , & par le meurtre de vingt -neur
de ^Qs frères , qu'il crut devoir facrifîer à
fon ambition , pour n'avoir plus de con-
current à l'empire. Tant d'atrocités le ren-
dirent l'exécration de ^qs fujets , qu'il fut
contenir dans l'obéiffance par le fpe(^acle
des fupplices. Il avoit un fils dont les vertus
lui devinrent f'ufpedes , parce qu'il le voyoit
auffi chéri des Parthes qu'il er? étoit abhorré.
Il ne vit plus en lui qu'un criminel qui ne
cherchoit à fe concilier les cœurs que pour
lui enlever fa couronne. Ce fut pour dif-
fiper fes foupçons , qu'il le fit égorger fous
P H R
£qs yeux. Marc-Antoine infîruit de la haine
qu'infpiroient fes crimes , crut qu'il lui fèroic
facile d'en triompher. Il lui déclara la
guerre , fous prétexte de le punir d'avoir
donné du fecours à (ts ennemis. Il pénétra
dans fes provinces où il trouva l'écueil de
fà gloire militaire. Après avoir eu quel-
ques fuccès , il effuya plufîeurs défaites ;
& fè trouvant dans un pays éloigné où il
ne pouvoit réparer fes pertes , il fut dans
la néceffité de faire une honteuie retraite.
Phrahate dans l'ivrefîc de fes profpérités ,
s abandonna fans frein à fes penchans fan-
guinaires. Les Parthes fatigués de {ts excès
ie révoltèrent , & placèrent fur fon trône
Tiridate qui fit pendant quelque temps
hs délices de la nation. Le monarque dé-
gradé , devint auffi humble & *auffi ram-
pant dans la difgrace , qu'il avoit été in-
fblent & cruel dans la profpérité. Il affeda
d'être humain & populaire pour exciter
la compaffion ; mais le fouvenir de fes
forfaits n'infpira que le mépris & la haine.
Les Scythes qui lui donnèrent un afyle ,
le rétablirent à main armée dans fes états.
Tiridate {e réfugia auprès d'Augufle , em-
menant avec lui le plus jeune des enfans
de fon compétiteur. Phrahate informé de
fon évafion &c du heu de fa retraite , en-
voya des ambafîadeurs à Augufle , fous
prétexte qu'il étoit un fujet rebelle. Au-
guffe , en refufant de le hvrer aux ambaf-
fàdeurs , promit de ne fournir aucun fecours
pour le rétablir ; mais pour tempérer la
rigueur de fon refus , il renvoya le fils de
Phrahate fans rançon , & en même temps
il affigna à Tiridate les fonds néceffaires
pour vivre au milieu de Rome avec la
magnificence d'un roi afiatique. Lorfque la
guerre d'Efpagne eut été terminée , Au-
gufle fe rendit en Syrie pour y régler les
affaires des provinces de l'Orient. Phrahate
alarmé de fon voifinage , craignit que ce ne
fût un prétexte pour envahir fes états. Ce
fut pour détourner l'orage , qu'il raffembla
les prifonniers Romains qui , depuis les dé-
faites' de Craffus &: d'Antoine , erroient
malheureux dans {es provinces. Tous furent
renvoyés fans rançon. Il joignit à ce préfent
les aigles enlevées à ces deux généraux ;
& pour gage de fa fidéhté , il donna à
Augufte (es fils & fes petits-fils en otage.
La
P H R
Le ref^ ^^ ^on règne fut paiilble. II n'eut
d'autres ennemis que fts fujets , qui gémi-
rent en lilence fur (es cruautés , tandis qu'il
vivoit abruti dans la molleffe & la volupté.
Il mourut deux ans avant notre cre.
(r-r.)
PHRASE, f. f. c'eft un mot grec
francifc , <P!>xTii , locutio ,• de 'n^â^co , loquor;
une phrafe eft une manière de parl.r quel-
conque , & c'eft par un abus que l'on doit
profcrire , que les rudimentaires ont con-
fondu ce mot avec propojîtion ; en voici
la preuve : legi tuas Utteras , litteras tuas
legi y tuas legi litteras ; c'efl toujours la
même propofition , parce que c'efl toujours
rcxprellîon de l'exiHence inrelleduelle du
même (ujet fous le même attribut : cepen-
dant il y a trois phrafes différentes , parce
que cette même propofitioa efl énoncée en
trois manières différentes.
Aufîi les qualités bonnes ou mauvaifes
de la phrafe font-elles bien différentes de
celles de la propofition. Une phrafe efî
borme ou mauvaife , félon que les mots
dont elle réfulte , font affemblés , terminés
& conflruits d'après ou contre les règles
établies par l'ufage de la langue : une pro-
pofition au contraire efl bonne ou mau-
vaife ) félon qu'elle efl conforme ou non
aux principes immuables de la morale. Une
phrafe e{{ correde ou incorrecte , claire ou
obfcure , élégante ou commune , fimple ou
figurée, 6'c. une propofition efl vraie ou
fauffe , honnête ou déshonnête , jufle ou in-
jufle , pieufé ou fcandaleufe , &c. fi on l'en-
vifage par rapport à la matière , & fi on
l'envifage dans le difcours , elle efl direde
ou indirecte , principale ou incidente » &c.
Voyei Proposition.
\J ne phrafe efl donc tout afTemblagc de
mots réunis pour l'exprefiîon d'une idée quel-
conque : & comme la même idée peut être
exprimée par différens aff^mblages de mots ,
elle peut être rendue par desphrafes toutes
différentes. Contra Italiam y efl nv.ephrafe
(impie ; Italiam contra , efl une phrafe figu-
rée. Aio te y ^acida y Romanos vincere
poffe , efl une phrafe louche , ambiguë , am-
phibologique , obfcure ; te Romani vincere
poffunt , efl une phrafe claire &. précife ;
clianter très-bien , efl une phrafe correde ,
chanter des mieux , efl une parafe incor-
Tome XXV.
PHR 7,r
reâe. « Cette façon de parler , dit Th. Cor^
»> neille fur la Rem. izG de Vaugelas
» n'éfl point reçue parmi ceux qui ontquei-
w que foin d'écrire corredement.
» Il efl indubitable , dit M. de Vauge-
» las , Rem. préf. § îX.p. 6^ y que cha-
» que langue a {es phrafes y 8>c que l'efîence,
» la richefïe & la beauté de toutes les lan-
t> gués & de l'élocution confiflent princi-
» paiement à fe fervir de ces phrafes - U.
« Ce n'efl pas qu'on n'en puifîê faire quel-
» quefois , ... au lieu qu'il n'eft jamais per-
» mis de faire des mo's ; mais il y faut bien
» des précautions , entre lefquelles celle-ci
M efl la principale , que ce ne foit pas
» quand l'autre phrafe qui efl en ufage
" approche fortde celle que vous inventez.
» Par exemple , on dit d'ordinaire lei'erles
» yeux au ciel y c'efl parler françois de
» parler ainfi : néanmoins, comme quelques
» écrivains ( modernes ) croient qu'il efl
yj toujours vrai que ce qui efl bien dit d'une
yy façon n'efl pas mauvais de l'autre , ils
» trouvent bon de dire aufli élever les yeux
yy vers le ciel , & penfent enrichir notre
yy langue d'une nouvelle phrafe. Mais au
y) lieu de l'enrichir , ils la corrompent ; car
*y fon génie veut que l'on dife leve^ y &
» non pas éleve\ les yeux ; au ciel , & non
» pas vers le ciel. Ils s'écrient encore ,
» que fi nous en fommes crus , Dieu ne
yy fera plus fupplié y mais feulement prie.
» Je foutiensavec tous ceux qui favent no-
» tre langue , que fupplier Dieu n'efl point
» parler françois , & qu'il faut dire abfo-
» lument prier Dieu , fans s'amufer à rai-
« fonner contre fufige qui le veut ainfi.
M Quitter l'envie pour perdre l'envie ne
» vaut rien non plus. . . . Mais pour fortifier
» encore cette vérité qu'il n'efl pas permis de
yy faire ainfi des /î/zm/fi, je n'en alléguerai
» qu'une qui efl que l'on dit abonder en
» fonfens , & non pas abonder enfonfen^
>j timent , quoique fens & fentiirent ne
»> foient ici qu'une même chofe ; & ainfi
» d'une infinité d'autres , ou plutôt de
« toute la langue dont on faperoit les
« fondemens , fi cette façon de l'enrichir
» étoit recevable. Qu'on ne m'allègue pas,
)> dit ailleurs Vaugelas , Rem. 12.5 , qu'aux
« langues vivantes , non plus qu'aux mor-
ii tes , il n'ell pas permis d'inventer de
Yyyy
711 PHR.
t> nouvelles façons de parler » & qu'il faut '
» fuivre celles que l'ulage a établies ; car
» cela ne s'entend que des mots. . . . Mais il
f) n'en eft pas ainfi d'une /)Ara/e entière ,
» qui étant toute compofée de mots con-
» nus & entendus , peut être toute nou-
7> velle & néanmoins fort intelligible ; de
« forte qu'un excellent & judicieux écri-
» vain peut inventer de nouvelles façons
?j de parler qui feront reçues d'abord ,
» pourvu qu'il y apporte toutes les circonf-
9) tances requilès , c'eft-à-dire , un grand
9) jugement à compofer la phrafe claire &
9> élégante , la douceur que demande l'o-
« reiile , & qu'on en ufe fobrement & avec
9) difcrétion ».
Qu'il me foit permis de faire quelques
obfervations fur ce que dit ici Vaugelas.
** Un excellent & judicieux écrivain peut
» inventer , dit-il , de nouvelles façons
yy de parler qui feront reçues d'abord ,
>j pourvu (^ily apporte toutes les circonf-
93 tances requifes « . Il me femble c\v^ ap-
porter les circonflances requifes , n'eft
point une phrafe françoife ; on apporte les
attentions requifes , on prend les précau-
tions requifes , mais on efî dans les circonf-
tances requifes,, ou on les attend ; d'ailleurs
un grand jugement, Ù la douceur que deman-
de V oreille y ne peuvent pas être regardés
comme des circonflances , & moins encore
comme circonflances d'un même objet. Vau.
gelas ajoute, & qu^on en ufe fobrement i
c'efl une phrafe louche : on ne fait s"il faut
ufer fobrement d'un grand jugement, ou
de la douceur que demande l'oreille , ou
d'une phrafe nouvellement inventée , ou du
pouvoir d'en inventer de nouvelles. Ilparoît
par le fens , que c'efl fur ce dernier article
que tombent les mots uferfebremem ,- mais
par-là même , h phrafe outre le vice que je
viens d'y reprendre , efl encore eflropiée.
« On dit qu'une phrafe efl eflropiée quand
w il y manque quelque chofe , & qu'elle
j> n'a pas toute l'étendue qu'elle devroit
9f avoir ». Bouh. Rem. nouv. t. II ^ p 29.
Or il manque à hphrafe de Vaugelas le nom
auquel il raporte ces mots , qu'on en ufe
fobrement , je veux dire le pouvoir d'in-
venter de nouvelles phrafes.
On fent bien que s'il y a quelque cliofe
d» permis à cet égard , c'eft fur-tout dans
P H R.
le fens figura , par lequel on peut quelque-
fois introduire avec fuccès dans le langage
un tour extraordinaire , ou une affociation
de termes dont on n'a pas encore fait ufage
jufqu©s-là. Mais , je l'ai dit , article NÉO-
LOGISME , il faut être fondé fur un befoin
réel ou très-apparent , Tz/orr^ neceffe efl ;
& dans ce cas-là même il faut être très-
circonfped &: agir avec retenue , dabitur
licentia fumpta prudenter,
"Parler par/'/t/"a/>j-,ditleP.Bouhours ,
» Rem. nouv. tom. II , pag. ^.zS y c'eft
» quitter une expreflion courte & fimple
n qui fe préfente d'elle-même , pour en
» prendre une plus étendue & moins natu-
» relie , qui a je ne fais quoi de faflueux. . . .
» Un écrivain qui aime ce qu'on appelle
» phrafe. ... ne dira pas. . . .fi vousfavie\
» vous contenir dans de jufîes bornes y
>y mais il dira , fi vous avie\foin de retenir
yy les mouvemens de votre efprit dans les
» bornes d'une jufte modération. . . . Rien
» n'efl plus oppofé à la pureté de notre
» flylc ». Et c'eft ordinairement le flyle que
les jeunes gens rapportent du collège ,
où , au lieu de prefcrire des règles utiles à
la fécondité naturelle de leur âge , on leur
donne qulquefois des fecours & des motifs
pour l'augmenter ; ce qui ne manque pas
de produire les efïcs les plus contraires au
but que l'on devoit fe propofer y & que
l'on fe propofoit peut-être.
On emploie quelquefois le mot àt phrafe
dans un fens plus général qu'on n'a vu juf-
qu'ici , pour défigner le génie particulier
d'une langue dans l'expreflion des penfées.
C'efl dans ce fens que l'on dit que h phrafe
hébraïquea de l'énergie ; la phrafe greque,
de l'harmonie ; la phrafe latine , de la
majeflé ; la phrafe françoife , de la clarté
& de la naïveté , Ùc. & c'efî dans la vue
d'accoutumer les jeunes gens au tour& au
génie de la phrafe latine ainfi étendue ,
que l'on a fait des recueils de phrafes déta-
chées , extraites des auteurs latins &
rapportées à certains titres généraux du
fyflême grammatical qu'avoient adopté les
compilateurs : tels font l'ouvrage du car-
dinal Adrien de modis latine loqulndi; un
autre plus moderne répandu dans les col-
lèges de certaines provinces , les délices
d€ la langue latine ^ celui de Mercier ,
P H R P H R 713
intitulé le manuel des grammairiens , &c. [ três-eflentielle tant au compofiteur qu'à
ce font autant de moyens méchaniques labo
rieufement préparés, pour ne faire fouvent
que des imitateurs ferviles & mal-adroits.
Il n'y a qu'une ledure affidue , fuivie &
raifonnéedes bons auteurs , qui puifîc met-
tre fur les voies d'une bonne imitation.
(B.E.R.M.)
Phrase , f.f. en mufique y eft une fuite
de chant ou d'harmonie , qui forme un fens
plus ou moins achevé , & qui fe termine
fur un repos par une cadence plus ou moins
parfaite.
II y a deux efpeces de phrafes. En mé-
lodie , Xzphrafe eft conftituée par le chant,
c'ell-à-dire , par une fuite defons tellement
difpofés , foit par rapport au ton , foit par
rapport à la raefure , qu'ils faflent un tour
bien lié , lequel aille fe réfoudre fur une des
cordes effentiellcs du mode.
Dans l'harmonie , lapkrafe eftunefuite
régulière d'accords , tous liés entr'eux par
des diflbnances exprimées ou fous-enten-
dues. Cette fuite fe rélbut fur une cadence ,
& félon l'efpece de cette cadence ; félon
que le fèns eft plus ou moins achevé , le
repos eft aufE plus ou moins parfait.
C'eft dans l'invention des phrafes mufl-
cales , fur-tout dans leur liaifon entr'elles
& dans leur ordonnance félon de belles pro-
portions , que confifte la véritable beauté
de la mufique ( * )• Mais cette dernière
partie a été prefque entièrement abandonnée
par nos compofiteurs modernes , fur-tout
dans les opéra françois de ce temps , où
l'on n'apperçoit plus que des rapfodies de
petits morceaux durs, étranglés , mal cou-
fus , & qui ne femblcnt faits que pour jurer
cnfemble. ( S )
PHRASER, v. a, ( Mufique. ) Il me
(èmble qu'on pourroit adopter ce verbe
en françois , & dire phrafer la mufique ,
pour indiquer l'aftion de bien marquer
chaque phrafe d'une pièce de mufique dans
la compofition & dans l'exécution. Je vais
tâcher de donner quelques moyens pour
parvenir à bien phrafer la mufique , chofe
l'exécutant, comme on le peut voir iiV ar-
ticle Phrase ( Mufique. )
La mufique a fcs phrafes , comme le
difcours, & le compofiteur les doit mar-
quer , non feulement dans fa mélodie ,
mais encore dans fon harmonie '■) ainfi pour
un point il fera une cadence parfaite , &
pour les autres , d'autres cadences y fui-
vant les cas. Quant à l'exécutant , il ne
peut phrafer fa mufique qu'à l'aide d'un
filence qu'il doit faire fentir , quoique le
compofiteur ne l'ait pas marqué ; pour cfX
effet il faudroit que quand un écolier com-
mence à lire pafïàblement la mufique , le
maître lui apprît à bien diftinguer les phrafes
& à les marquer ; fi c'eft un chanteur ou
un joueur d'inftruraent à vent , en repre-
nant haleine ; &: s'il joue d'un inftrument
à archet , en recommençant d'un nouveau
coup d'archet bien marqué & féparé du
refte. Toutes les fois qu'un morceau de
mufique paroît confus , embarrafïe , foyez
(ûr que c'eft parce que le compofiteur ,
ou l'exécutant , ou tous les deux , ne favent
pas phrafer la mufique. Ce défaut eft fur-
tout ordinaire dans l'adagio , parce qu'on
veut le rendre touchant en traînant les
fons , & qu'on finit par ne plus rien dif^
tinguer.
Au refte , une phrafe de mufique eft quel-
quefois équivoque , en forte qu'elle peut
finir en deux endroits également; dans ce
cas il feroit à fouhaiter que le compofiteur
marquât fon intention par quelque figne ,
une virgule , par exemple : remarquons ce-
pendant , en pafTant , que toute phrafe
équivoque eft une faute. ( F. D. C. )
PHRATRIARQUE , f. m. ( Ami,^.
greq. ) <ffX7HA?x°i , magifîrat d'Athènes qui
préfidoit furies ^p^^Tf/*, c'eft-à-dire , fur la
troifiemc partie d'une tribu ; il avoit le mê-
me pouvoir fur cette partie de la tribu,
que le phylarque avoit iur la tribu entière.
Potter , Ârchœol. graec. 1. 1 , p. j8.
PHRATRIUS C MOIS ) , Mois des
Grecs. ) (pfArpUf ^ mois particulier à la ville
(*) Un compofiteur qui pondue & phrafe bien , eft un homme d'efprit : un chanteur qui fent ;
mtqne bien Ces phrafes Se leur accent, eft un homme de goût : mais celui qui ne fait voir &
rendre que les notes, les tons, Içs temps, les intervalles, fans entrer dan^ le fens des phrafes,
fl[uclque fur, quelque cxaa d'ailleurs qu'il puiflc être, n'eft qu'un croque-fol. (S)
Yyyyl
714 1^ H R
de Cumes en Eolie ; il etoit compofé de
30 jours ; on ne trouve le nom de ce mois
que fur un feul marbre tiré des ruines de la
ville de Cumes , & dont i'infcription eft
en diaîefte éolien ,* vous la pourrez lire
tout entière dans les antiquités de M. de
Caylus, tome II. C'eilaflezde remarquer
ici que le mot ((i?a.-.pih vient du nom de
^fatTfieti , qui lignifie àes fociétés ou con-
frairies établies en différentes villes de la
Grèce , & qui s'alîèmbloient en des temps
réglés pour la célébration des ïètes ou de
certaines cérémonies ; le lieu de Taflemblée
s'appelloit<Pf6tTf<r. j peut-être que le mois
où cesaflemblées fe tenoient à Cumes y en
reçut Ton nom. (D. J.) ■
PHR^NIAN ^ ( Botaniq. anc. ) nom
donné par les anciens boraniftes grecs &
romains à une forte d'anémone qu'ils em-
ployoient dans les bouquets , les guirlandes
& autres femblables ornem^ens. ( D.J. )
PHRÉATIS ( LE ) , ( Antiq. greq. )
Le phréatis ou phréatium faifbit un âes.
quatre anciens tribunaux d'Athènes ; il étoit
établi pour iuger ceux qu'on pourliiivoit à
l'occaiion d*un fécond meurtre , fans s'être
réconciliés avec les parens du citoyen qu'ils
avoient tué involontairement. L'exilé accufé
paroiflbit fur la mer à un endroit appelle
le puits , d'où ce tribunal reçut fon nom ;
là il ie défendoit fur fon bord fans jeter l'an-
cre , ni aborder à terr'e ; s'il étoit convaincu ,
on lui infligeoif les peines impo fées au meur-
trier volontaire ; s'il étoit innocent, il re-
tournoit à fon exil , à caufe de fon premier
meurtre. Teucer fut le premier qui fé juP
tifia de cette manière , & qui prouva qu'il
n'éroit point coupable de la mort'd'Aiax.
{D.J.) ,
PHRÉNESIE , f: m. ( ( Médecine.)
délire continuel ou dépravation, des fonc-
tions du cerveau , caufée par une inflamma-
tion dans les vaiflê^aux de ce vifcer'e , ac-
compagnée d'une fièvre fynocKe ou putride.
La paraphrénéfie fe dit d'une maladie qui
en approche , & qui efî caufée par l'inflam-
mation du diiiphragme.
La caufè a toujours été regardée comme
propre au cerveau & à ùs membranes. Ces
parties font alors affeâées d'une inflammtj-
tion produite par un fang échauffé , defle-
chë & bouillant ,* comme l'oat reconnu!
P H R
Hippocrâte , les plus grands médecînjf en-
fuite , & avec eux les plus fimples d'entre
le peuple ,* ils ont penfé qu'elle venoit d'ua
fang épais qui fe portoit à la tête , & que
l'urine ténue & aqueufe dans un féhricitant ,
annonçoit une phrénéjie prochaine. Ainfi
il femble qxielîiphrénejie a pour caufe une
métaflafft qui fe fait de quelque humeur d'une
partie fur une autre , ou un tranfport de la
matière fébrile dans le cerveau.
Les difTedions apprennent que la phré-.
nejie n'ellpas caufée par l'inflammation des
méninges , non plus que la paraphrénéfie
par celle du diaphragm*e ; mais par l'engor-
gement variqueux des vailfeaux da cerveau
& des méninges ; elle eft quelquefois avec
une inflammation dans les formes , & d'aur
très fois fans inflammation.
Ainfi toutes les caufes qui difpofent à
l'engorgement de ces parties , font celles
de la phrénéjie. Ainfi le chagrin , la forte
& continuelle application de l'efprit à un
même fujet , la douleur , les pafïîons vives ,,
telles que la colère , la fureur , l'amour , les
excès de la fureur utérine y font autant de
caufes de la phrénéjie.
Quelle que foit fa caufe , elle fe connoîç
par les fignes fuivans , félon Lommius :
favoir , une fièvre aiguë & continue ^
accompagnée d'un délire continuel, concert
nant tantôt les unes, tantôt les autres des.
adions vitales ; le malade efl difpofé à
entreprendre tout ce qu'une audace efFrénée
peut lui infpirer ; il eft travaillé tour-à-
tour par des infomnies cruelles > ou par des
fommeils fâcheux & tqrbulens ;. en forte
qu'étant éveillé , il fort inopinément defoa
ht , il fait de grands cris. , il. agit en, furieux ,.
tantôt il pleure , tantôt ii chante , ou fait,
àts difcours fans ordre & fansfîiite ; quand
ilefî interrogé , il fait des réponfés qui n'ont
aucun rapport aux demandes qu'on lui fait;,
fes- yeux font toujours en mouvement , étin-
cellans , rouges & mal-propres ; le malade,
les frotte fans cefTe , & ils font tantôt fccs ,,
& tantôt larmoyans ; fa langue efl. rude &
noire , il grince les dents ; & il lui. fort,
fouvent des narines uneférofifé fanglante ,*
il reflent affez fouvent de la douleur au
derrière de la tête , il démêle entre fes
doigts à(LS flpccons de hine. qu'il tire de (es
couvertures ; fon urine efl tenue & enflana-'
P H R
xnée , & ce qui efl de plus fâcheux , c*e/!
qu'elle eft quelquefois limpide, ténue , &
Cuvent blanchâtre. La phràiefiefe termine
en peu de temps , conjointement avec la
fièvre , par le retour de la fa nté , ou parla
mort du malade ; ou fi elle dure long-
temps , ou qu'elle fublifte après la fièvre ,
alors ou elle guérit , ou elle dégénère en
d'aurres maux comme font la léthargie , la
rnanie > la mélancolie , ou les malades tom-
bent dans une folie perpénielle , leur cer-
veau étant , comme l'on dit, tout détraqué ;
la phrénefie qui fuccede à lapéripneumonie ,
ou au miféréré , efl: m.ortelle , les hémorrha-
gies la guéri.fîent quelquefois.
Curation. Si la fièvre accon^pagne la
phrénéfie dans le commencement , on a
recours à la faignée , aux lavemcns , aux
pugatifs & aux émériques , aux bains &
demi-bains , aux douches fur la tête ; on
applique aux pies des, cataplafmes avec les
feuilles de rue , de camomille , de verveine ,
la racine de brionne , les fleurs de pavot
chanipêtre & le favon ; ou bien en leur
place , on peut appliquer aux mômes par-
ties des pigeons ou des poulets coupés félon
leur longiieur..
Pour appaifer îa foif , que les malades
boivent d'une tifane délayante & calmante ,
^ de la potion, divine de PalmPrius, qui eft
proprement une limonnade faite avec l'eau
de fontaine , le fuc de limon , & le fucre ;
ou bien qu'il prenne des émulfions ordinaires
gdoucis avec le fuçre , ou bien les délayans
nitreux & antiphlogiliiques.
On peut appliquer fur la ittt ou fur \qs
tempes _, le marc ou chapeau de rôles , ou
bien un bandeau chargé de fleurs de pavot ,
arrofé de vinaigre , & làupoudr.é de muf-
cade..
Les lotions & lé rafement de la tête ,
les véficatoires & les ventoufes appliquées
^ux parties inférieures.
Les faignées du pié & de la gorge , faites
conlécLKivement , lont excellentes dans
cette maladie , &. dans la plupart des ma-
ladies delà tête..
Les emplâtres dé poix , d'ail ^ de graiiie
de moutarde , & de vieux fromage de
ïloquelort , font aufli excellens pour pro-
curer une évulfion de làng vers les parties
iiaférieures.
PHR 7iy
PHRÉNIQUE en AnatemU , c'efl un
nom que l'on donne à une veine & à quel-
ques artères du corps humain y à caufe
de leur paflage par le diaphragme. Voye\
Diaphragme.
L'artère phréniqiie ou diaphragmati-
que , vient de l'aorte defcendante , & fe
diftribue au diaphragme & au péricarde.
Voy€-{ I y obfervation anat. ( angiol. )
fig. /_, n**. %o. Voyei aulli Artere,
Aorte , ùc.
Les veines phreniques font deux veines ,
que la veine-cave defcendante reçoit immé-
diatement après avoir percé le diaphragme.
Voyei nos pi. d'anat. & leur explic
Voye^ aujji Yei^E & Cave..
PHIKCODÈS , ( M/dec. anc. ) terme
employé par les anciens médecins pour défi-
gner une fièvre accompagnée de chaleur
& de friflon , non feulem.ent au commen-
cement de l'accès , mais en différens inter-
valles pendant tout le cours de la fièvre :.
telle eft l'hémitritée. Les fymptomes ordi-
naires de cette fièvre , mêlée de chaleur &
de friflbn , font un pouls extrêmement foi-
ble , qui eft injenfible au toucher , & fe-
retire , pour ainfi dire , en dedans ; le ven-
tre eft un peu enflé, avec àts vents & àç.s
borborygraes ; la langue eft très-humide ,,
& chargée d'une humeur acide & piquante.
( D- /..)
P H R I XUS , ( Géogr. anc.) nom de
divers endroits ; i°. c'eft une ville de
Lycie , félon Etienne le géographe ; 2®.
c'çft un fleuve de l'Argie ,.qui , félon Pau-
fànias , /. III y c. xxxvj ^ rece voit les eaux
de rErafmus , & alloit fe jeter dans la
mer , entre Temenium & Lana ; 3°. c'étoit
un port de l'Afie , dans le Bofphore de
Thrace , près de fon embouchure, dans le
Pont-Euxin, félon Denysde Bizance, de
Thracic. BoÇph. p.. zz ^ &. Etienne le
géographe. ( D. J. ),
FHRONTIS , {Méd. anc. ) p^oyrh
v^-vTQi , maladie dont parle Hippocratc y &
qu'on peut ranger fous la clafle desafïèc--
tions, mélancoliques. Dans. cette maladie,
dit ce célèbre médecin , le malade fent.
comme une. épine qui le pique au basT'Ven-.
tre;.il eft extrêmement inquiet, il fuit la:
lumière & la compagnie- , fe plaît, dans-
l!obfc.urité , &. a. peur de tout; il a des..
71^ P H R
fonges terribles , & croit voir atout moment
des objets épouvantables. ( D.J-)
PHRONTISTE ,_ f. m. ( l'/iéol. ) nom
qu'on donnoit autrefois à des chrétiens com-
temp]atifs.
PHRONTISTERE , f. m. { Gram.
Tlieol. ) lieu où l'on médite. Il étoit autre-
fois fynonyme à monaftere.
PHRUDIS, (Geogr.anc^) fleuve de
la Gaule Belgique. Ptolomée , //V. // y
c. ix y place Ton embouchure entre celle
de la Seine, & le promontoire Itium. Les
uns croient que Phrudis eft aujourd'hui la
Sambre y & les autres la prennent pour la
Somme. {D.J.)
PHRURIUM , ( Géogr. anc. ) nom grec ,
qui fignifîe un lieu fortifié où l'on tient
garnifon. On l'adonné à quelques lieux for-
tifiés y OU par la nature ou par l'art , & où
il y avoit garnifon ,* comme i**. à un pro-
montoire de l'île de Cypre , fur la côte
méridionale, félon Ptolomée y Uv. V y
c, xiij. Lufignan & Mercator l'appellent
Cabo-Bianco ; 2**. à une ville de l'Inde , en
deçà du Gange. Ptolomée , Uv. VII y c. j.
la donne aux Arvarnes , & dit qu'elle étoit
dans les terres.
PHRYGIE , ( Géogr. anc. ) Phrigia,
grande contrée de l'Afie mineure , fur l'é-
tendue de laquelle tous les auteurs ne font
pas d'accord. Elle étoit bornée au midi par
la Lycaonie , la Pifidie & la Migdonie ; à
l'orient par la Cappadoce , & au nord par
la Galatie.
La Phrygie fe divifoit en grande & en
petite. Srrabon nomme la petite Phrygie ,
tantôt Phrygie de VHellefpom , & tantôt
Phrygie épiclete , c'cft-à-dire , Phrygie ac-
quife. Il dit que la grande Phrygie étoit
celle dont les Galates "occupèrent une par-
tie , & dont Mydas étoit roi.
Les notices eccléfiafliques diftinguent la
Phrygie (ur l'Hellefpont , la Phrygie paca-
rienne , la Phrygie montueufe ; & la Phry-
gie falutaire. Chacune de ces Phrygies con-
tenoitplufieursévêchés. {D.J.)
PHRYGIEN , adj. ( Mufique ) mode
phrygien y eft un des principaux & des plus
anciens modes de la mufique des Grecs;
le caradere en étoit fier & guerrier , auffi
étoit-ce , félon Athénée , fur le ton phry-
gyen que l'on fonnoit les trompettes & autres
P H R
înflrumens militaires. Ce mode occupe le
milieu entre le lydien & le dorien, & efl
à un ton de l'un & de l'autre; il fut inventé
par Mîirfyas. Voye^ MoDE. {S)
PHRYGIENNE,(PiERRE),(i//^.
nat. ) lapis phry gins; nom donné par Pline
& par Diofcoride, à une pierre qui fe
trouvoit , dit-on , en Phrygie & en Cap-
padoce. On la faifoit rougir & on l'étei-
gnoit par trois fois dans du vin pour la
teinture. Diofcoride dit qu'elle étoit d'une
couleur pâle , d'un poids médiocre , d'un
tifTu peu compare , & traverfée de raies
blanches , comme la cadmie. Galien dit que
cette pierre étoit un remède pour les maux
d'yeux , les ulcères , &c. Elle nous tû in-
connue : de Boot la foupçonne d'avoir été
vitriolique. Voye^ fon traité de lapidibus
Ù gemmis.
Quelques auteurs donnent auffi le nom de
lapis phry gius à une pierre qui fe trouve au
royaume de Naples , & qui produit des
charnpignons. Les Italiens la nomment pze-
trafongara. Voyez FUNGIFER LAPIS.
PHRYGIENS ou PHRYGASTES ,
f. m. pi. ( Théologie ) nom que donne
S. Epiphane à d'anciens hérétiques qui
parurent en grand nombre dans la Phrygie,
province de l'Afie mineure , & qui
étoient une branche des Montanifles. Voye:{
Cataphryges.
Ils avoient une extrême vénération pour
Montan & pour fes deux prétendues prophé-
tefTes , Prifcille & Maximille. Le caraâere
diftindif de cette fede étoit l'efprit de ver-
tige ou d'enthoufiafme , dont étoient agi-
tés fes partifans qui , de leur propre au-
torité, s'érigeoient en prophètes à l'exem-
ple de leur chef. C*efl mal-à-propos que
M. Chambers les prétend orthodoxes fur
le myftere de la Trinité. Montan l'attaquoit
ouvertement , en difant qu'il étoit lui-mê-
me le S. Efprit & il y a grande appa-
rence que les Phrygiens l'en croyoicntfur fa
parole.
PHRYNÊ y {Mufiq. des anc. ) PoIIux ,
Onomafi. Uv. IV y chap. $ , parle d'un
air ou chanfon qu'il appelle phry né y de
Camon , qui en étoit probablement l'auteur.
Il ajoute que cet air ou nome étoit formé
de modulations détournées & difficiles.
{F.D,C.)
P H T
PHTHIES , ( Geogr. anc. ) Phthîa-^
ville de Grèce , dans la Phthiotide , fur le
golfe Maliacus. Pline , /. IV, c. vij y la
donne comme une des plus célèbres villes
de la Phthiotide. Pomponius Mêla , lib. II y
c. iij , & d'autres auteurs la connoiflent.
Eh ! pouvoient-iis ne pas connoître, au
moins de nom , la patrie d'Achille ? Mais
Procope dit que de fon temps cette ville ne
fubfiftoit plus , & qu'il n'en refîoit aucun
veftige '■, ce qui ne favorife pas le fentiment
de ceux qui prétendent qu'on la nomme pré-
lentement Pharfala. 2°. Phthia port de
Ja Marmarique. VioXomtQ ^ lib.IV' , c.p,
le place entre la grande Cherfonaefe &
Paliurus. On veut que ce port s'appelle
aujourd'hui Patriarcha, 3°. Phthia , ville
d'Alie y au voiiînage du Pont-Euxin.
Euftachius , in Dionyf. dit qu'elle avoit
été fondée par les Phthiotides Achéens.
{D.J.)
PHTHIOTIDE, (Gtb^r. anc. )
Phthiotis , province de la Thelîàlie. Pto-
lomée y place plufieurs villes , entr'autres
Pégafic , Larilfa , Coronia & Héraclia
Phthiotidis. La Phthiotide efl maintenant
une partie de la Jauna , qui borde au fud le
golfe de Volo.
PHTHIRIASE ,Ç.i.{ Médec. ) phthi-
riajis , de ^^û? , un pou j voye\ Pédi-
CULAIRE , maladie : on dit que c'ell de
cette maladie qu'cft mort le chancelier du
Prat , cet homme qui a introduit le premier
en France la vénalité des charges de judi-
cature ; qui a appris l'art de mettre toutes
fortes d'impôts ; qui a divifé l'intérêt du roi
d'avec le bien public ,' qui a mis la dif-
corde entre le confeil & le parlement , &
qui a établi cette maxime fi faulTe & fî nui-
lible à la liberté naturelle, qu'il n'eft point
de terre fans feigneur.
PHTHIROPHAGIENS, (Gf'og-r. anc.)
Phthirophagi , peuples qui habitoient fur
les bords du Pont-Euxin , félon Pompo-
nius Mêla. Strabon , lib. II , pag. 499 ,
dit qu'ils avoient été nommés ainfi à caufe
de leur mal-propreté. { D. J.)
PHTHISIE , f. f. ( Médec. ) fe dit en
général de toute exténuation , confomp-
tion , amaigrifTement y deîTéchement &
marafme , qui arrivent au corps humain.
Dans le langage ordinaire on n'entend par
7^7
P HT
I ce mot que la feule confomption tabifique
I du poumon.
Nous allons traiter hphthijie en général ,•
on appliquera aux différentes parties ce que
nous allons dire fur cette matière.
Si les poumons , ou quelqu'autre partie
noble , font réellement rongés par un ulcère,
on appelle cette maladie confomption ; &
celle gui attaque le poumon , fe nomme
phthijie ; ce qui provientde tout ulcère , ou
de toute autre caufe de pareille nature , qui
appliquée au poumon ou à une autre partie ,
le corrompt y le détruit , & fait tomber
cette partie dans le marafme & le deîTé-
chement.
Le foie , le pancréas , la rate , le méfen-
tere , les reins , la matrice , la veffie , peu-
vent être ulcérés & produire la phthifie.
Les caufes font d'abord toutes celles qui
difpofent à i'hémophthilie , ou aux obff rue-
rions des vifceres ; d'où il fuit un ulcère dans
les parties , qui les confomme.
L'habitude & le tempérarwent particulier
y influent , ainfî que la délicatefTe des vail-
feaux artériels , & des membranes qui for-
ment le tiflu des vifceres ; l'irapétuoiité
d'un fang un peu acre ; la délicatefTe des
petits vailîèaux & de tout le corps ; la
longueur du cou ; le pau de capacité de
la poitrine , l'afïîiifTement des épaules ; la
rougeur , la ténuité , l'âcreté & la chaleur
du Ikng ; la blancheur & la rougeur du
vilage ; la tranfparence de la peau ; la vi-
vacité du tempérament ; la maturité & la
iubtiiité de l'elprit , font comme des lignes
avant-coureurs & des caufes concomitan-
tes de la phthijie en général , & fur-tout de
la pulmonaire.
2.®. La débilité des vifceres qui ne peut
fe prêter à la digeffion des alimens natu-
rellement trop tenaces , donne lieu à des
obffrudions ; d'ailleurs les alimens mal
élaborés fe corrompent & acquièrent une
acrimonie qui ulcère les vailîèaux déjà
irrités, tiraillés , & fouvent corrodés ,
enfuite de la ffagnation qui a produit un
crachement de fàng. La foibleiTe des vaif^
(eaux fe manifeffe par une petite fièvre
légère , & une petite toux feche ; par une
grande chaleur ; par la rougeur des lèvres ,
de la bouche , des joues , qui augmente
vers le temps qu'il entre de nouveau chyle
7iS PHT
vers le fang ; par la grande difi^ofition que
Ton a à fuer en dormant; par la FoiblefTe & la
difficulté que l'on a de refpirer , pour peu
qu'on fe donne de mouvement.
3''. La phthifie fe forme à l'âge que les
vaifleauxne croiflentplus , & refirent par
ce moyen à l'effort que font les fluides pour
les dillendre , tandis que le fang augmente
en impétuofité , en âcreté , ce qui provient
de la pléthore vraie ou faufle. Ceci arrive
entre l'âge de feize & trente-fix ans ; de
meilleure heure dans les filles que dans les
garçons , parce que les premières font plu-
tôt formées.
4°. Ce vice qui ^voéxntl^i phthijîe , vient
d'une difpofition héréditaire.
Les caufes déterminantes font , i^. toutes
les fuppreffions Àqs évacuations ordinaires,
fur-tout du fang , comme du flux hémor-
rhoïdal , du flux raenflruel & des vuidanges ,
du faignement de nez ; la ceflation des fai-
gnées auxquelles on s'étoit accoutumé , fur-
tout dans les perfonnes d'un tempérament
pléthorique , ou à qui l'on a coupé quel-
que membre.
iP. Par tout état violent du poumon ,
fur-tout qui atira été produit par la toux ,
les cris, les chants , la courfe , de grands
efforts , par la colère , par une bleffure
quelconque.
3°. Par des alimens falins , acres ou aro-
matiques , par une boiffon femblable ; par
le régime , par une maladie propre A aug-
menter la quantité & l'acrimonie du
fàng , fa vélocité , fa raréfadion & fa
chaleur. Delà vient que ces fymptomes font
fi fréquens à la fuite des fièvres ai-
guës , delà pefle , de la petite vérole & du
feorbur.
Symptômes. La phthifie commence ac-
compagnée d'une douleur légère , d'une
chaleur modique , & d'une oppreffion de
poitrine. Le fang qui fort du poumon eft
ordinairement rouge , vermeil & écumeux ,
plein de petites fibres , de membranes , de
vailîèaux artériels , veineux & bronchiques ;
il fort avec toux & bruit , ou ralement
des poumons. Le pouls eftmoa, foible &
ondoyant ; la refpiration eft difficile : tous
ces fymptomes font précédés d'un goût de
fel dans la bouche.
> Lorfque la phthifie eft menaçante ou con-
Put
I fîrmée , on la peut reconnoitre par les
fignes fuivans. i**. Une toux feche quî
continue pendant plufieurs mois , tandis
qu'un fimple catarre humoral ne dure pas
long-temps. Le vomiflement qui vient de
cette toux après le repas , eft un figne très-
certain de hphthifie.
. 2°. La fièvre éthique , où l'on fènt une.
chaleur à la paume de la main & aux joues y
fur- tout après le repas.
3°. L'exténuation des parties folides qui
fe remarque particulièrement à l'extrémité
des doigts , & qui caufe la courbure des
ongles.
4°. La fièvre éthique qui dégénère en
fièvre coliquative & en confomption , la
fahvation , les fueurs coliquatives , la bouf-
fiffure , \gs hydropilies ; les aphtes au
gofier , qui font opiniâtres & incurables ,
font connoître que la mort n'eft pas
éloignée.
La phthifie héréditaire eft la plus mau vaifè
de toutes ; & on ne peut la guérir qu'en
prévenant le crachement de fang , ou les
autres caufes qui peuvent la déterminer.
Celle qui vient d'un crachement de fang
produit par une caufe externe , fans qu'il
y ait de vice externe préexiftant , toutes
chofes égales , eft la moins dangereufe.
5°. La phthijîe dans laquelle la vomique
fe rompt tout-à-coup , & dans laquelle on
crache un pus blanc, cuit , dont la quan-
tité répond à l'ulcère , fans foif , avec
appétit , bonne digeftion , fecrétion &
excrétion , eft à la vérité difficile à guérir;
cependant elle n'eft pas abfoluraent incu-
rable.
6°. La phthifie qui vient de l'empyerae
eft incurable.
y^. Quand les crachats font folides ,
pefans & de mauvaife odeur , & accom-
pagnés des fymptomes décrits ci-deiTus , il
n'y a plus d'efpérance.
Curation. Lorfqu'il s'eft déjà formé une
vomique dans le poumon , l'indication mé-
dicale eft de la rompre; & on en vient à
bout par l'ufàge du lait , l'exercice du che-
^ val , les vapeurs tiedes & les remèdes ex-
peâorans. T^oye^ VoMIQUE.
Lorfque la vomique eft crevée , on la
traite comme un ulcère interne, i*. On
garantit
P HT
garantit le fang de l'infedion du pus. i". On
évacue le pus le plus promptement qu'il eu
poiîible ; on nettoie & on conl^Ade les
lèvres de l'ulcère. 3'*' On doitufer d alimens
aifés à digérer , & propres à circuler avec le
fang y & capables de nourrir le corps , &
incapables d'engendrer de nouveau pus.
Oii fafisfait à la première indication par
l'ulage des médicamens d'une acidité &
d'une falure douce & agréable; par des
remèdes vulnéraires & balfamiques, donnés
long-temps, en toute forme & à grande
dofe. Vqye^ BALSAMIQUE.
On fatisfait à la féconde par les remèdes
liquides , diurétiques externes & internes
( Voyei Diurétique ) ; par ceux qui
font propres à exciter la toux ; par i'équi-
tation , l'air de la campagne étant propre
à hâter la fortie du pus ; par les déteriifs
& les balfamiques internes & externes
( Voye^ DÉTERSIF ) ; & enfin par des
parégoriques confolidans.
On remplit la troifieme par l'ufage des
bouillons , du lait & des tifanes. VoycT^ ces
articles.
La cure palliative de la phthifie regarde
la toux , les oppreflîons , la fièvre lente &
le flux de ventre coUiquatif.
On y remédie par la diète , des opiats
prudemment adminifirés , & des liqueurs
chaudes convenables.
Remèdes pour la phthijle. On emploie
difFérens reniedes pour la phthifie ; voici
ceux que confeille Morthon. Il commence
par la faignée , la purgation douce avec
les pilules de . Rufus , la teinture facrée ;
il emploie les diurétiques , le baume de
foufre térébenthine , les eaux minérales,
les diaphoréfiques , la décoction des bois
dans l'eau de chaux.
Lorfque le catarre fe trouve joint à la
chaleur ctique , il faut mêler les narco-
tiques avec , les purgatifs ; \q^ meilleurs
font les pilules de cynogloffe ou celles de
•llyrax : on rafera la tête du malade ,
on y appliquera les véficatoires à la nu-
que entre les épaules , aux cuifTes & aux
jambes. ^
La phthifie confirmée ne fe guérit Jamais ,
mais il ne faut pas pour cela abandonner
le malade ; parce que fi l'on ne peut pas
jguérir radicalement une maladie., -l'hu-
TomeXXV,
P H T ' 71^
■ manité veut que l'on tâche au moins
de foulager le malade par une cure pal-
liative.
Le lait dans la phthifie pulmonaire avec
le baume de foufre & les pilules de
Morthon-, efi un excellent remède : on
fubfiitue au lait les bouillons au riz , à
l'orge , ■ &^.
Dans la diarrhée , la décodion blanche
doit être la boifibn ordinaire du malade ;
mais l'opium eft le principal remède.
Electaaire contre la diarrhée. Prenez
des yeux d'écreviffe préparés , un gros &
demi ; du corail rouge préparé , & de la
nacre de perle , de chacun deux fcru-
pules ; de perles préparées , un demi-gros ;
des poudres de la confection hyacinthe ,
un fcrupule ; de l'efTence de cannelle ,
quatre gouttes ; de la gelée de coings ,
une once ; du labdanum dllTous dans l'ef-
prit de (afran , fix grains ; du firop balfà-
mique , autant qu'il en faut pour faire un
éleduaire , ^c.
Pour adoucir l'acrimonie , on fait pren-
dre les bouillons de veau , de mouton , de
mou de veau , d'efcargots.
On fait quelquefois des injedions & des
clyfteres avec le bouillon de mouton , &
une demi-once dediafcordium.
Les narcotiques font excellens dans les
cas de diarrhée , à caufe du tranfport de
la matière morbifique qui fe fait de la
poitrine fur les inteflins. Il ne faut pourtant
pas arrêter raal-à-propos ni fi prompte-
ment la diarrhée , de peur de caufer iws
plus grand mal : ce que l'on préviendra
^ donnant au malade des potions expec-
4brantes & lubrifiantes , & en modérant
plutôt la diarrhée qu'en l'arrêtant tout-à-
coup. ' , -
On ne doit prefqu'employer que l'opium,
pour calmer la toux & donner du repos
au malade , qui eft- travaillé d'une infomnie
opiniâtre ; mais on doit l'ordonner avec
beaucoup de précaution & en petite quan-
tité , & feulement dans une nécellité très*
prefîante , de crainte qu'il ne jette le raa^
lade dans des langueurs & dans de grandes
difficultés de refpirer, & qu'il ne lui caufc
un troid aux extrémités , & qu'ainfi il n'ar
vance fa mort , à la honte du médecin.
• Les loochs de diiférente forte.,. & les
730 ' P H T
trochifques ou tablettes , font ici d'un bon
ufage.
Les Tueurs colliquatives ne doivent pas
t'tre arrêtées , à moins qu'elles ne foient
exceffives ; mais fi elles font {i abondan-
tes qu'elles caufent au malade des défail-
knces dangereufes , on les modère par des
aftringcns & d'autres fecoiu-s convenables.
On fe fert à cette intention du julep
fuivant. Prenez des eaux de tormentillc &
de plantin , de chacune quatre onces &
demie ; de l'eau de cannelle , quatre onces ;
de l'eau admirable , une once ; de perles
préparées , & du corail rouge préparé , de
chacun deux fcrupules ; du bol & du fang
de dragon , de chacun demi-gros ; du ca-
chou , un fcrupule ; du lirop de myrrhe ,
une once & demie ; de l'eiprit de vitriol
dulcifié , ce qu'il en faut pour donner
nu remède une agréable acidité : mêlez
tout cela pour un julep. Le malade en
prendra deux ou trois onces , à deux ou
trois heures d'intervalle, après avoir agité
la phiole.
On peut rapporter à la phthifie & à la
cure que nous venons de donner , diffé-
rentes autres maladies qui portent le nom
de phthifie , & qui ne différent que par le
fiege, la caufe éloignée, ou différentes
autres modifications. Telles font la phthi-
fie par hémorrhagie ; elle fe guérit après
que l'hémorrhagie eft paffée , par les
adouciflans , le lait ; le malade tombe
dans la fièvre étique , qu'on emporte par
le quinquina.
Les purgatifs font fur-tout nuifibles dans
cette maladie.
La phthifie cai^fée par la gonorrhée otr
par les fleurs blanches , quand elle efl con-
firmée , eu abfolument incurable.
Quand elle efl récente , on arrête d'a-
bord les évacuations , enfuite on emploie
la diere reflaurante. V. GoNORRHÉE &
Fleurs blanches.
Pour éteindre la chaleur fébïile & étique,
Tufage du petit-lait & de l'eau ferrée efl
tiès-convenable.
La phthifie qui fuccede aux abcès & aux ''
ulcères du foie , de la rate , du pancréas ,
du mcfentere.
On commence par guérir les abcès &
PHT
rieurs & extérieurs ; la boiffon ordinaire
du malade fera d'une eau de chaux.
La jJpfhifie des nourrices Iceonnoît, i°,à
la dimmution de l'appétit , à la foibleffe &
au refferrement des hypocondres.
La phthifie des enfans qui vient du car-
reau , & qui font en état de chartre , l'oyet^
Chartre.
La phthifie rachitiquc provient du virus
rachitique , & enfin de la confomption
totale qu'il produit dans la lymphe , des
nodofités qui compriment les vaiffcaux.
Kq)'q RaCHITIS.
La phthifie qui furvicnt à la diarrhée , à
la dyffenterie , aux diabets , aux futurs
exccflives , n'a rien de particulier : on iuivra
le plan de la cure générale.
La phthifie écrouelleulè ; on la connoît
par les tumeurs fcrophuleufes & crues des
ophtalmies , des gales & autres affedions.
yqye:{ ECROUELLES.
On doit faire ici une artention , que cette
maladie eff la plupart du temps abandonnée
à des chirurgiens fans connoiffance , qui
ne favent que tailler & rogner : ce qui ne
guérit pas ce mal.
La phthifie fcorbutique. Les principaux
fignes font les taches fcorbutiques "répan-
dues fur tou{e la peau , le crachement
prefque continuel d'un pus vifqueux & ialé
que fourniffent les glandes jugulaires , f ul-
cération & l'exténuation des mâchoires.
l^oye\ Scorbut.
La phthifie afihmatique. Les fignes font
la courte haleine & la difficulté de ref^
pirer ; cette phthifie eiï une maladie chro-
nique , qu'on appelle la phthifie delà vieil-
lefïè.
La phthifie hypocondriaque ou hyfîéri-
que , efl celle qui furvient aux affedions
de ce nom , & ce que l'on appelle l'a-
peurs. Voyei PhTHISIE NERVEUSE &
Vapeurs.
Phthisie dorsale, {Médecine.)
efpece de phthifie qui a été ainfi appellée ,
parce qu'outre les fymptomes généraux ,
elle efl accompagnée d'une démangeaiiba
douîoureufe & finguliere le long de l'épine
du dos ; les malades la repréfentent en la
comparant à la fcnfation que feroient une
grande quantité de fouriiiis qui couifoien»
fui; cette partie»
P HT
Hippocfate eft le plus ancien auteur qui
air parlé de cette maladie , & celui qui l'a
décrite avec le plus d'exaditude. Ceux qui
en font attaqués évacuent avec l'urine , ou
en même temps qu'ils font des efforts pour
aller â la Telle , une grande quantité de
(èmcnce liquide ; ils font fujets à des pol-
lutions nodurnes {i-'qyê7 ce mot) , ce qui
les jette dans une foiblefle extrême , & dans
une maigreur alFreufe : leur refpiration eu
difficile & courte ; ils l'ont elToufiés au
moindre mouvement , prêts à fufïoquer
quand ils ont couru ou monté dans des
lieux élevés : une pefanteur de tête les
tourmente fans cefle , & un tintement
importun leur fatigue l'oreille ; ils éprou-
vent fouvent des attaques de fièvre vio-
lente , enfin la fièvre lipyrie fe déclare ,
un feu intérieur les conlUme , tandis que
les parties externes font preique toujours
glacées. Il n'efl pas rare alors de voir fur-
venir des (ymptomes efFrayans , avant-
coureurs d'une mort terrible , & pour
l'ordinaire bien méritée. Lib. II, de mor-
bis y de aère , de locis Ù aquis ,* de genït.
de natur. pueri.
La phthijie dorfale eft la fuite familière
& la jufle punition des débauches outrées ,
des excès dans les plaifirs vénériens ; tous
les accidens qui l'accompagnent ont pour
caufe l'évacuation immodérée de la fe-
mence , dit Hippocrate , qui porte (es
principaux coups fur le cerveau & fur la
moelle épinicre , qui n'en eft qu'un pro-
longement. Trois autres caufes peuvent
aulîi , fuivant le même auteur , produire
cette maladie , quoique moins fréquem-
ment ; (avoir , un influx trop abondant
de fang dans la moelle épiniere , un tranf-
port d'humeurs de mauvais caradere fur
cette partie y & enfin fon exficcation ;
mais alors l'excrétion de femence n'eft pas
fi abondante , & les accidens ne font ni
aulfi rapides ni aufli violens. Le danger
cft plus grand & plus prochain dans la
vraie phthifie dorfale qui a pris naiflance de
la diffipation exceffive de la femence : ces
malades font fujets à dés enflures de jam-
bes , à des ulcères opiniâtres & périodi-
iques dans la région des lombes , à des
catarades épaifles fur les yeux ; il n'eft
,pa$ rare d'en voir qui perdent tout-à-fait
PHT ^n
la vue. La plithifie dorfale eft foûvent pré-
cédée & accompagnée de fatyriafis , du
priapifrae , de la pollution nodurne , & des
accidens terribles qui fe rencontrent dans
ces maladies. l^oye\ ces articles Ù Ma-
NUSTUPRATION , qui eft une des prin-
cipales caufes. Les malades parvenus A ce
point , n'échappent prefque jamais à la
mort. Ce fut ainfi que fe termina cette
maladie dans Grypalopax , dont Hippo-
crate rapporte Thiftoire , epidem. lib. VI,
fect.viij. text, ^z , qui tombé dans cette
confomption , étoit fujet à des excrétions
involontaires de femence , non feulement
durant la nuit , à l'occafion de fonges
voluptueux , mais même pendant le jour
étant très-bien éveillé.
Les diflipations , les voyages , l'exer-
cice , l'équitation , & les plaifirs qui foient
plus propres à difliper qu'à faire naître les
idées voluptueufes , font les principaux
fecours defquels on puifle atÉtndre du
foulagement dans cette maladie : fans leur
concours , en vain fatiguera-t-on le ma-
lade par les médicamens qui paflent pour
les plus appropriés ; on n'en obtiendra que
peu ou point d'eftèt ; le parti le plus avan-
tageux eft de les féconder les uns par les
autres. Ainfi aux fecours indiqués on
pourra joindre l'ufage d'alimens légers ,
de facile digeftion , & capables de fournir
une bonne nourriture , & des remèdes qui ,
fans occafioner du trouble dans la ma-
chine , réparent doucement fes pertes , Sc
rétabliflent infenfiblement le ton des vaif»
féaux relâchés. C'eft pourquoi on évitera
avec foin les purgatifs de quelque efpece
qu'ils foient , & tous les remèdes échauf-
fans ; on mettra le malade au lait , même
pour toute nourriture ; mais on infiftera
davantage fur celui d'ânefle. Hippocrate
confeille d'en continuer l'ufage pendant
quarante jours ; pendant ce temps on
pourra faire prendre quelques légères pri-
(es d'une poudre tonique faite avec là
quinquina , le nitre & le fafran de mars ,
ou le tartre chalybc : on augmentera in-
fenfiblement la (lofe de ce remède à me-
fure qu'on s'appercevra de (es bons effets ,
qu'il n'anime pas trop , & n'entraîne aucun
accident. On pourra venir enfui te à l'ufage
des bouillons ftomachiques , des extrait^
Zzzz ^
73* P H T
amers , de^ eaux minérales fcrrugîneufè» ,
excellentes à plus d'un titre : par ce moyen
on parviendra à arrêter les progrès de
cette funefle maladie , & peut-être à la
guérir entièrement ; il ne faut pas oublier
que Içs bains froids font très-bien indiqués
dans le cas préfent ( Voy€\ Manustu-
PRATION ) ; ils ont l'admirable propriété
de calmer la mobilité des nerfs , de leur
donner de la forcç & du ton , fans exciter
la moindre chaleur ou la plus légère agita-
tion ; avantages bien précieux , fur-tout
dans le traitement de cette maladie.
,, Phthisie nerveuse ;c'eft unecon-
fomption tabide de tout . le corps , fans
fièvre , fans toux , ni <iilT5culté'de refpircr
qui foit confidérabie., avec perte d'appé-
tit , indigeftion & grande iolblclTe , les
ehairs étant fondues & confumées. Cette
maladie attaque quelquefois les Anglois ,
& fur-tout dans les derniers temps , de
même qut quelques françois. La cauiè eri
eft évidente, c'eft l'ufàge. des liqueurs
fpiritueufes ; elle arrive auffi à ceux qui
reviennent des Indes occidentales : toute
l'habitude du corps paroît d'abord œdéma-
teufè & fe gonfle , étant remplie d'une
lymphe vapide & nullement fpiritueufe ;
le vifage eft pâle , l'eftomac répugne à
toutes fortes d'alimens , à l'exception des
liquides ; le malade rend peu d'urine , qui
fouvent efl rouge , quelquefois pourtant pâle
& abondante. Il n'y a ni fièvre ni difficulté
de refpirer , fi ce n'efl dans le dernier état
de la maladie. Le genre nerveux eil afîèdé
dans cette maladie , mais l'eflomac en efl
iùr-tout le fiege.
. Les caufes primitives font pour l'ordi-
naire les violentes paifions de l'ame , l'ufage
trop fréquent & trop abondant des hqueurs
fpiritueufes , le mauvais air , & générale-
ment tout ce qui peut produire \ç.s, crudi-
tés. C'ef} une vraie maladie chronique , &
très-difficile à guérir , à moins qu'on ne s'y
applique dès fon commencement ; elle fe
termine ordinairement par une hydropifie
incurable.
Traitement. Il demande les remèdes
généraux, & enfuite les flomachiques in-
térieurs & les extérieurs, les martiaux , les
anti-fcorbutiques , les céphaliques , les
amers. Il faut purger de la façon lûivante :
•^ P H U
prenez'des-eaux de cefîfe^ noires , de* pi-
voine , de poudre de hiera.
On emploie extérieurement l'emplâtre
flomachiquc magifiral , avec quelques gout-
tes d'huile de cannelle & d'abfinthe fiir la
région de l'eflomac. On fe fert en été des
eaux minérales ferrugineufes. Entre les pré-
parations du mars , l'extrait de Menficht
efl à préférer.
PHTOSE, {Médec.) ^^<>ui y relâche-
ment de la paupière , dans lequel cas fbii
bord fe retourne en dedans , conjointe-
ment avec fès cils qui offenfent & bleffent
l'œil ; c'eft une efpece de trichiafe. Voye-^
TllICHIASE. {D.J.)
PHURIM ou PUHIM , {Crit. facr.)
c'efi- à-dire , \qs forts , fête très-folcmnelle
des Juifs , inftituée en mémoire de leur
heureilie délivrance du projet des forts que
fit jeter Aman par des devins , pour exter-
miner toute la nation juive qui fe trouvoit
dans les états d'Artaxerxes. On fait par le
livre d'Eflher , les détails de cet affi-eux
projet , comment il échoua , le fupplice
d'Aman & de fa famille , & le mafiacre
que les Juifs eux-mêmes , autorifés par le
roi de Perfe à fe défendre , firent en un
feul jour de tous leurs ennemis , le 13 du
moisAdar, l'an 45 2 avant J. C. Délivrés
du danger qui les avoit menacés d'une
extermination totale , ils en célébrèrent
pendant deux jours des réjouifîànces ex-
traordinaires : par ordre d'Eflher & de
Mardochée , trois jours entiers furent con-
fàcrés pour en faire tous \qs ans la commé-
moration ; le premier jour par un jeûne ,
& les deux autres par des aâes de vive
réjouifTance. Efther /a: , 2.0 _, 2.2.. Jofeph,
Antiq.Uv. XI. c. vj.
Ils obfervent encore aujourd'hui le jeûne
& la réjouifTance ; ils appellent le jeûne,
lej'eûne d'EJiher y & nomment la réjouif-
fance , la fête de Purim ou Phurim y
parce qu'en perfan , purim fignifie les
forts y & qu'Aman s'étoit fervi de cette
efpece de divination pour fixer le jour de
leur perte. Cette fête a été long-temps
célébrée parmi les Juifs , dans le goût àçs
bacchanales ; & ils y poufîbient la débau-
che à de grands exchs , du moins pour
la boifibn , prétendant que ce fut par des
fefUas qu'Ejfther fut mettre Artaxerxes
P H Y
dans la bonne humeur dont elle avolt
befoin pour obtenir la délivrance de fa
nation.
Pendant les jours de cette fête , on lit
folemneliement dans les fynagogues le livre
d'Efther : tout le monde y doit affilier y
hommes , femmes , enfans & fervireurs ,
parce que tous ont eu part à la délivrance.
Chaque fois que le nom d'Aman revient
dans cette lefture , la coutume établie eft
de frapper des mains & des pies , en s'é-
criant : que fa mémoire périjje I C'ell la
dernière fête de leur année , car la lui-
v-ante eft la paque qui eu toujours au mi-
lieu du mois par lequel commence l'année
àts Juifs. (Z>. /. )
PHYCITES , ( Hifi. nat. ) nom donné
par les anciens naturalises à une pierre
chargée de l'empreinte d'une plante ma-
rine , telle que l'algue ou le fucus.
PHYC US , ( Géog. anc. ) promontoire
& forterefîe de la Cyrénaïque , lelon
Ptolomée, liv. IV, ch. h-. Sirabon , là'.
XP^II. pag. 86) , dit que le promontoire
efl fort peu élevé , mais qu'il s'étend beau-
coup du côté du nord. Les mariniers ita-
hens le nomment Caborena^ à ce que pré-
tend Niger.
PHYGELA, {Gtogr. anc.) ville de
rionie. Piine , /zV. V. c. xxix. S^ Pom-
ponius Mcla , lii'. I. c. xi'ij y difent qu'elle
fur bâtie par des fugitifs. Strabon , lii^re
XIV y p. 639; Etienne le géographe qui
l'a fuivi, & Surdas , ne dérivent pas ce
nom de çvyjcf , qui veut dire un fugitif y un
exile' y mais de •?:'>«:' , forte de maladie dont
les compagnons cf Agamemnon furent atta-
qués , & qui les obligea de demeurer dans
ce lieu ; auffi ces auteurs n'écrivent-ils pas
Phygela , mais Pugela. Diofcoride*, Up.
V. c. xij y fait l'éloge du vin de Phygela.
Selon le P. Hardouin , le nom moderne de
cette ville eft Figela. {D. J.)
• PHYGETHLON , f. m. terme de Chi-
rurgie y tumeur inflammatoire , éréfipéla-
tcufe , dure , tendue , large ,.peu élevée ,
garnie de petites pullules , accompagnée
d'une douleur & d'une chaleur brûlante ,
& qui ne vient prefque jamais en fuppura-
tk)n. Voye\ TUMEUR.
Ce mot efl dérivé du grec (fiva , f en-
gendre. . *
PHY ^ii
Le phygethlon^ne difTre du phyma ,
qu'en ce qu'il ne s'élève pas fi haut; il vient
à maturité très-doucement ^ & ne produit
qu'un peu de pus. Voye^ Phyma.
Gorrsus définit le pliygethlon , un phleg-
mon qui vient fur les parties glanduleufes ,
particulièrement autour du cou , des aif.
lelles & de l'aine : ce dernier elt appelle
buhon. Voyei PHLEGMON.
Les caufes & les f}'mptomes du ph3'ge-
thlon (ont \cs mêmes que ceux du bubon
commun. F'q)'^:{BUBON. Il vient fouvent
après Us fièvres & les douleurs de bas-
ventre ; on \ts guérit de même que les
autres inflammations. Voye^ INFLAMMA-
TION. ( r)
PH YLACE , ( Geogr. anc. ) nom com-
mun à quatre diîféreas endroits. 1°. C'étoit
une ville de la Theffalie , dans la Phtiothide ,
au voifinage des Maliens, félon Strabon ,
lii'.IX.pag. 45 j. lien efl f lit mention
dans rihade , B. v. GqG. On ne fait fi elle''
étoit fur la côte ou dans les terres. 2°, C'é-'
toit un lieu du Péloponefe. Paufanias ,
Arcad. c. ult. dit que c'efl où le fleuve,
Alphée prenoit fa fource. 3®. C'étoit une'
ville de la Moloflide ; félon Tite - Live ,
/. XLV.c. xxij y elle étoit différente de -
celle de Theffalie. 4°. C'étoit enfin une ville
de la Macédoine dans la Piérie , félon Pto-
lomée, //V. III, c. xiij , qui écrit aulïî
phylacx. {D. J.)
PHYLACTERE, f m. {Hifl. anc.)
nom quifignifie en ^rec pref en- atif y & que
les Juifs ont donné à certains inflrumens
ou ornemens qu'ils portoicnt & qu'ils ap-'
pelloient en hébreu thephilim , c'efl -la-
dite , infirumens de prière y parce qu'on
les portoit particuhérement dans le temps
de la prière. Ces phylaâeres àts Juifs
étoient des morceaux de parchemin bien
choifis , fur lefquels on écrivoit en lettres .
quarrées avec foin , & avec de l'encre pré-
parée exprès , des paflages de la loi. On les
rouloit enfuire, & on les attachoit dans une.
peu de veau noire qu'on portoit , fbit au '
bras , foit au front. Il efl fait mention de
cts phylactères d^-^s l'évangile de S. Mat- '
thieu , où J. C. faifant le portrait d&s Pha-
rifiens , dit qu'ils aiment à étendre leurs ^
phylactères : dilatant phy\aQ.Qrh fua ^ c'efl-
i à-dire , qu'ils aflèdoient d'en porter de plus
7jt PHY
larges que les autres. Quelques-uns croient
que Moïfe eft l'auteur de cette coutume ,
&: fe fondent fur ce verfet du Deutéro-
nome , c vj : Vous lire"; ces paroles pour
fignes fur vos mains , & elles vous feront
comme des fronteaux entre vos yeux. Mais
faint Jérôme foutient avec rail'on , que ces
expreflîons font figurées , & fignifient feu-
lement que îes Hébreux dévoient toujours
avoir la loi de Dieu devant les yeux , &
la pratiquer \ mais les Pharifiens s'en te-
noient ridiculement à la lettre , & leurs
defcendans , les dodeurs juits modernes,
ont poufîé l'extravagance lur les phylactè-
res , jufqu'à foutenir iérieulement que Dieu
en portoit fur fa tête. Quelques auteur^ont
-^tendu le nom de phylactère aux anneaux
& bracelets conftellés , aux talilmans , &
même aux reliques des iàints. Voye\ TA-
LISMAN , àc.
PHYL ARQUE , f. m. {Antlq. grcq.) en
Îrec d'hct'^X"-- ou (pÎAstf p^o; , chef d'une tribu.
-e peuple des grandes villes greques étoit
partagé en un certain nombre de tribus
qui parvenoient , fuccefîïvement& dans des
temps réglés , au gouvernement de la répu-
blique. Chaque tribu avoit fon chef ou
phylarque qui préfidoit aux alîemblées de
fa tribu , avoit l'intendance & la diredion
de fon tréfor & de fes affaires. Ariliote ,
dans fes Politiques , parle de ces phylar-
ques. Hérodote rapporte que Califtene
ayant augmenté le nombre àcs tribus
d'Athènes , & en ayant formé dix des
quatre anciennes , 11 augmenta auiîi , dans
là même proportion , le nombre des phy-
larques. Les marbres de Cyziquc font
mention de plufieurs phylarques ; on lit
fur un marbre de Nicomédie , qu*Aure-
lius-Earinus avoit été phylarque d'une
des tribus de cette ville. Dans la fuite ,
ce terme perdit fa fignification naturelle
& primitive , en devenant le titre d'une
dignité militaire. On y fubflitua le nom
è^épimelete y adminillrateur , préfident ,
afin d'éviter toute équivoque , & de n'ê-
tre pas fans cefTe dans le rifque de con-
fondre le commandant d'une troupe de
cavalerie , ave un magiflrat. Potter , Ar-
ehœol. grcec. liv. I. c. xij.
Il eft aulîî parlé de phylarques dans
l'empire grec , où l'on donnoit ce nom
PHY
an chef des troupes que l'on foufnî{lbîe
aux alliés , ou que les alliés fournilloient
à l'empire ; c'eii aiafi qu'il fut donné au
chef des Sarrazins , parce que leurs troupes
auxiliaires étoient divifées en tribus.
PHYLE , ou PHYLA , ou PHYLON ,
( Géogr. anc. ) bourgade de l'Attique ,
\ oifinc de Decelia ou Decelea. Cornélius
Nepos in Thrafibuloy c. xij , l'appelle caf-
tellum munitijjîmum ,• & Diodore de Si-
cile, /. IV. ^. JJ > qui en parle dans les
mêm^s termes , ajoute que ce lieu étoit à
cent flades d'Athènes. Etienne le géogra-
phe place Phyle dans la tribu (Enéide.
Cela , dit Celiarius , Géogr. anc. liv. II,
c. xiij y lait naître une dimculté. Il s'agit
de favoir fi Phyle étoit bien près de Dé^
celia , dans la partie orientale de l'Atrique;
car la tribu (Enéide s'étendoit plutôt du
coté du couchant. Les habitans font ap-
pelles Phylajii par Ariitophane , Suidas ,
Xénophon.
PHYLLANTHUS, (Botan.) c'eftie
genre de plante nommé par Martin , nyuri ,
ainll que dans YHortus d'Amfterdam &■ de
Malabar. Voici les caraûeres de ce genre
de plante; les fleurs font les unes mâles,
& les autres femelles , produites fur la
même plante : dans les fleurs mâles , le
calice eft compofé d'une feule feuille en
forme de cloche , & divifée en fix feg-
mens ovales & obtus ; ils font colorés,
& forment la fleur entière. Les étamines
font trois filets plus courts que le calice ,
& attachés fermement à fa bafe ; les bof-
féttes des étamines font doubles dans la
fleur femelle ; mais le calice eft femblable
à celui de la fleur mâle. Le nedarium
environne le germe du piflil , & forme
comme une bordure à douze angles. Le
germe efl arrondi , mais formant trois an-
gles obtus ; \cs flyles , au nombre de trois ,
font fendus à leur extrémité ; les fligmates
font obtus ; le fruit efl une capfule arron-
die , marquée de trois filions , & contenant
trois loges , compofées chacune de deux
valvules. Les graines font uniques , arron-
dies , & ne remphffent pas entièrement
les loges de la capfule. Linncei gen. plant,
447' Martin, î/br^ malab. vol. X. pag^
zj. (D.J.)
PHl^LLITES, {ffifi. nac.l non»
P HT
employé par les naruraliftes , pour défigner
des pierres fur lerquelles on voit des feuil-
les empreintes , ou bien à des feuilles pé-
trifiées.
PHYLLOBOLIE , f. f. (Annq.greq.)
çi.Ms^oA/* , mot qui dédgne i'ulage où
étoient les anciens , de jeter des fleurs &
des f.uilies de plante fur le tombeau àts
morts. 1.CS Romains , en prenant cette
coutume des Grecs , joignoient aux fleurs
quelques Hocons de laine. La phyllobolic
fe pratjquoit auiii à l'occafion des viâoires
gagnées par un athlète dans quelqu'un des
jeux publics ; on ne fe contentoit pas de
jetjer des fleurs au vrdorieux , mais encore
à tous les parens qui le trouvoicnt dans fa
compagnie.
PHYIXON , f. m. {Botan.) nom que
les Bauhains , Parckinfon & Ray, donnent
à deux efpeces de m.rcuriale , dont Tune
eft appeliée par Tournelort , mercuriilis
fruticojaf incana , tefticulata ; & l'autre ,
mercurialis fnuicofa , incana , fpicata ,
parce que les flj^yrs de cttio. dernière nail-
fent en épis. (iiP. /. )
PHYLLUS , ( Géogr. anc. ) ville de
Thelîàlie, Strabon , liv. IX. p. 455, dit
que c'efldans cette ville , qu'étoit le tem-
ple de Jupiter Phylléen. Ortelius croit que
c'eft la ville PhylUius d'Apollonius ; il
croit aufli que c'eft la même que Stace
appelle Phyllos. Il s'embarrafîè peu du
témoignage de Placidus , qui lui cft con-
traire. Placi.dus , dit-il , eft un grammai-
rien , & ces fortes de gens *ne font pas
fort exaâs en fait de géographie.
PHYLOB ASILE, i\m. {Amlq, greq.)
les phylobajiles y (pjKXoL7ÏA'-ii , étoient chez
les Athéniens des magiftrats i^uï avoient fur
chaque tribu particulière le même emploi ,
la même dignité , que le CeiTiK-vi avoit par
rapport à toute la république ; on choifif-
fojt les phylobafiles d'entre la nobleiïe ;
ils avoient l'intendance âts facrifices pu-
blics , & de tout le culte religieux qui
concernoit chaque tribu particulière ; ils
tenoient leur cour ordinairement dans le
grand portique appelle CxTihii-iv , & quel-
quefois dans celui qu'on nommoit C->K.cKii»\
Porter , Archxol. grecq. tome I.pag. 78.
in. j. )
PHYAIE, fubf. {Mfdec.) ?^/i<*, de
PH Y
55
oUfjutt , je nais de moi-même ; ce mot dé
fgne dans la fignification générale toutes
fortes de tubercules ou de tumeurs , qui
s'élèvent fur la furperficie du corps ; fans
caulè externe , augmentent , s'enflam-
ment , & luppurent en peu de temps.
Conformément à cette defcription , Hip-
pocrate appelle phymata y toutes érup-
tions ou tubercules qui viennent d'un fiing
vicié , & qui lont excitées fur la peau par
la force de Isl circulation, i**. Phymata
dans Galien , dcfigne des inflammations
des glandes qui f^irvicnnent tout d'un coup
& fùppurcnt en peu de temps. 2°. On
trouve aufll le même mot emplo} é pour
déiigner des tumeurs fcrophuleu.'es aux-
quelles les "enfàns font fujets. 3°. Celfe
rend le mot phymata pulmcnum , par
tubercules. Senequc en fait de même , &
rapporte qu'une perfonne ayant reçu un
coup d'épée d'un tyran qui en vouioit à
(a vie , ne fut que légèrement bleffé ,' &
eut le bonheur d'être guéri par ce coup
d'un abcès , tuber , qui l'incommodoit
beaucoup. Pline qui raconte la même hii^
toire , lui donne le nom de vonjique, vo-
mica. 40. Phyme chez les modernes , dé-
figne une tumeur àts glandes , ronde ,
plus petite & plus égale que le phygé-
thlon , moins rouge & moins doulou-
reufe, qui s'élève & fuppure prbmptement.
{D. J.)
PHYRAMMA, {mat.m^d.anc.) nom
donné par quelques-uns des anciens au-
teurs , à la gomme ammoniaque , particuliè-
rement à celle qui étoit douce & dudile entre
Us doigts ; mais il n'eft pas trop certain
que la gomme ammoniaque de ces temps-là
foit la même que la nôtre.
PHYSCEokPHYSCA, {Gcog.anc.)
ville de la Mœlie intérieure , félon Ptolo-
mée , liv. III. c. x y qui la place entré
les embouchures d.^ l'Axiacus & du Tyras.
Niger dit qu'on l'appelle préfentcmcnt
chofahet. {Di J.)
PHYSCUS , ( Géogr anc. ) il y a pîti^
ficurs Heux de ce nom; favoir , 1®. une
ville de l'Afic mineure , dans la Doride ,
fur la côte , vis-à-vis de file de Rhodes,
félon Diodore de Sicile , liv. XIV ^ Srra-
bon, lii'.XlV. pag. 6^ a.. Ce deinier dit
qu'elle avoit un porc ; elle eiV nommée
&I
73^ PHY
jp/iyfda par Etienne • le géographe ,
Thyfca par Ptoiomée , Uv. V. c ij. 1°. une
ville des Ozoles de la Locride ; Plutar-
, que en parle dans Tes quelîions greques ;
.3°. une ville de la Carie, félon Etienne le
géographe ; 4°. une ville de la Macédoine ,
jèlon le même auteur ; 5'^. il donne aufiî
ce nom à un port de l'île de Rhodes ;
.6°. un fleuve aux environs de TAfîjTie ,
.fuivant un paiiage de Xénophon , lii're
II. de Cyri exped. , cité par Ortelius ;
.7°. une montagne d'Italie dans la grande
Grèce , près de Crotone , félon Tlîéocrite^
Idyl. 4. ( D. /..)
PHYSICIEN , f. m. On donne ce nom
il une perfonne verfée dans la phylique ;
autrefois on donnoit ce nom aux médecins ,
& encore aujourd'hui en anglois un méde-
cin s'appelle phyficien. Voye^ PHYSIQUE
Ù MÉDECINE. ( O )
Physico-Mathématiques ( Scien-
ces. ) On appelle ainli les parties de la
Phylique , dans lefquelles on réunit l'ob-
ièrvation & l'expérience, au calcul mathé-
matique , & où l'on appHquc ce calcul
aux phénomènes delà nature. Nous avons
déjà vu au mot APPLICATION , les abus
que l'on peut faire du calcul dans la phyfi-
que ; nous ajouterons ici les réflexions
fuivantes.
Il efl aifé de voir que les diflPérens fu-
jets de phyfique ne font pas également
fufceptibles de l'apphcation de la géomé-
trie*. Si les obfervations qui fervent de bafe
au calcul font en petit nombre , (i elles
font {impies & lumineufes , le géomètre
fait alors en tirer les plus grands avantages,
& en déduire les connoilfances phyfiques
'les plus capables de fatisfaire l'efprit ; des
obfervations moins parfaites fervent fou-
vent à le conduire dans {qs recherches ,
& à donner à Çts découvertes un nouveau
degré de certitude : quelquefois même les
/ailbnnemens mathématiques peuvent l'inf-
truire & l'éclairer : quand l'expérience eft
iriuette , on ne parle que d'une manière
çonfufe. Enfin , fi les matières qu'il fe
propofe de traiter ne laifïent aucune prife
à (ts calculs , il fe rendroit alors aux fim-
ples faits dont les obfervations l'inflruifent ;
incapables de fe contenter de fauffes lueurs ,
^uaod la lumière lui manque , il n'a
PHY
point recours à des raifonnemens vagues
& obfcurs , au défaut de démonflrations
rigoureufes.
C'efl principalement la méthode qu'il
doit fuivre par rapport à cts phénomènes ,
fur la cauie defquels le raifbnnement n,e
peut nous aider , dont nous n'appercevons
point la chaîne , ou dont nous ne voyon-s
du moins laliaiion que très- imparfaite^
ment ; comme les phénomènes de l'aimant ,
de l'éledricité , & une infinité d'autres
fer>ïblables , ^c. Voy. EXPÉRIMENTAL.
Les fciences phyfico-mathémanques font
en auffi grand nombre qu'il y a de bran-
ches dans les mathématiques mixtes. Voye:^
Mathématiques & l'explication du
fyflê me figuré des connoijfances humaines ^
dans le premier volume de ctt ouvrage , a
la fuite du difcours préliminaire.
On peut donc mettre au nombre des
fciences phyjico-mathématiques y la mé-
chanique , la fîatique , l'hydroflatique ,
Fhydrodynamique ou hydraulique , l'opti-
que, la catoptrique , la dioptrique, l'airo-
métrie , la mufique , wfcouflique , &c.
Voye:^ ces mots. Sur Vacouflique dont nous
avons promis de parler ici , voye\ V article
Fondamental , où nous avons d'avance
rempli notre promefTe ; voye^ auffi flir l'op-
tique , l'ar/zc/e Vision; & fur l'hydrody-
namique Vdrticle FlUIDE.
Une des branches les plus brillantes &
les plus utiles des fciences phy/ico- mathé-
matiques efl l'aflronomie phyfique ; l'oye:^
Astronomie ; j'entends ici, par aflrono-
mie phyfique , non la chimère des tourbil-
lons , mais l'explication des phénomènes
aflronomiques par l'admirable théorie de
la gravitation. Voye:{ GRAVITATION,
Attraction , Newtonianisme. Si
l'afîronomie eft une des fciences qui font
le plus d'honneur à l'efprit humain , l'aftro-
nomie phyfique newtonienne eft une de
celles qui en font le plus à la philofophie
moderne. La recherche des caufes des phé-
nomènes céleftes , dans laquelle on fait
aujourd'hui tant de progrès , n'eft pas d'ail-
leurs une fpéculation ftérile & dont le mé-
rite fe borne à la grandeur defon objet & à
la difficulté de le faifir. Cette recherche doit
contribuer encore à l'avancement rapide
de l'aftronomie proprement dite. Car- on
P H Y
ne pourra fe flatter d'avoir trouvé les vé-
rirables caufes des raouvemens des planètes,
que lorfqu'on pourra alîîgner par le calcul
les effets que peuvent produire ces caufes ,
& taire voir que ces effets s'accordent avec
ceux que i'obfervation nous a dévoilés. Or
la combinailbn de ces effets eft aflèz con- j
fidérable , pour qu'il en refte beaucoup à
découvrir ; par conféquent dès qu'une fois
on en connoîtra bien le principe , les con-
clufions géométriques que l'on en déduira
feront en peu de temps appercevoir &
prédire même des phénomènes cachés &
fugitifs , qui auroient peut-être eu befbin
d'un long travail pour être connus , dé-
mêlés & fixés par I'obfervation feule.
Parmi les différentes fuppolitions que
nous pouvons imaginer pour expliquer un
effet , les feules dignes de notre examen
font celles qui par leur nature nous four-
niiîènt des moyens infaillibles de nous
affurer fî elles font vraies. Le fyftême
de la gravitation eft de ce nombre , &
mériteroit pour cela feul l'attention des
philofophes. On n'a point à craindre ici
cet abus du calcul & de la géométrie ,
dans lequel les phyficiens ne font que trop
fouvent tombés pour défendre ou pour
combattre des hypothefes. Les planètes
étant fuppofées lé mouvoir , ou dans le
vide , ou au moins dans un efpace non
réfiftant , & les forces par lefquelles elles
agiffent les unes fur les autres étant con-
nues , c'eft un problême purement ma-
thématique , que de déterminer les phé-
nomènes qui en doivent naître ; on a
donc le rare avantage de pouvoir juger
irrévocablement du fyftême newtonien , &
cet avantage ne fauroit être faifi avec trop
d'empreffcment ; il feroit à fouhaiter que
toutes les queftions de la phylique puffent
être aufli inconteftablement décidées. Ainii
on ne pourra regarder comme vrai le
fyftême de la gravitation , qu'après s'être
alîùré, par des calculs précis , qu'il répond
exadement aux phénomènes ; autrement
l'hypothefe newtonienne ne mériteroit au-
cune préférence fur celle des tourbillons ,
par laquelle on explique à la vérité bien
des circonftances du mouvement des pla-
nètes ; mais d'une manière 11 incomplète ,
& pour ainfi dire , fi lâche , que fi les phé-
Tome XXV,
ï> H Y 737
nomenes étoient tout autres qu'ils ne font,
on les expliqueroit toujours de même ,
très-fouvent auflî-bien , & quelquefois
mieux. Le fyftême de la gravi-ration ne
nous permet aucune illufion de cette cf*
pece ; un feul article où I'obfervation dé-
mentiroit le calcul , feroit écrouler l'édifice ,
& relégueroit la théorie newtonienne dans
la clafle de tant d'autres que l'imagination
a enfantées , &r que l'analyfe a détruites.
Mais l'accord qu'on a remarqué entre les
phénomènes céleftes & les calculs fondés
(ùr le fyftême de la gravitation , accord quf
fe vérifie tous les jours de plus en plus , fem-
ble avoir pleinement décidé les philofophes
en faveur de ce fyftême. Voye\ les articles
cités.
A l'égard des autres (ciences phyJico-ma~
thématiques , confultef: les articles de cha-
cune. ( O)
PHYSIOLOGIE, f f. de ^cri? , natifre ,
& hoyoç , difcours , partie de la médecine >
qui confidere ce en quoi confifte la vie ,
ce que c'eft que la fanté , & quels en font
les e'^ets. Voye^ ViE & SanTÉ. On
l'appelle aulîi économie animale y traité de
Vufage des parties ; & (e^ objets fe nom-
ment communément chofes naturelles ou
conformes aux loix de la nature. Voyc^
Naturel ù Nature.
Or toutes les adions & les fondions du
corps humain font ou vitales , ou natu-
relles , ou animales. Voye^ VlTAL , NA-
TUREL & Animal. Les adions & les
fondions vitales dépendent de la bonne
conftitution du cerveau , du cœur , & du
poumon; les naturelles, de celle de tous
les organes qui concourent à la nutrition ;
tels font ceux de la maftication , de la
déglutition , de la digeftion , de la chyli-
fication , de la circulation , des fecrc-
tions , &6V & enfin les animales dépendent
de la bonne difpofirion des organes à
l'adion defquels l'ame paroît concourir
d'une manière particulière ; tels font ceux
des fenfations , de la vue , de l'odorat ,
de l'ouie , du goût , du toucher , du mou-
vement mufculaire , du fommeil , de la
veille, de la faim, de la foi f, Ùc. Voye\
toutes ces chofes à leur article particulier y
Cerveau , Respiration, Diges-
tion , Sensation , 6"<:.
Aaaaa
73» P H Y
Tout ce qui eft purement corporel dans
l'homme , ne nous offre que des principes
tirés des méchaniques & des expériences
de phyfique ; & c'efl par-là feulement qu'on
peut connoître les forces générales &. par-
ticulières des corps. La médecine , comme
l'obferve le grand Boerhaave , a donc àes
démonfîrations diftinâes & même fi clai-
res , fi faciles à faifir , fi évidemment vraies ,
^u'il faut être infcnfé pour les nier. Voici
un exemple tiré de la refpiration, ^ Tout
animal vivant refpire fans cefTe , c'eft-à-
dire, infpire, ou prend l'air ,^ou l'expire,
pu le rend tour-à-tour. Dans l'infpiration ,
les vélîcules du poumon fe dilatent, les
vaifTeaux difiribués entre elles fe relâchent ,
& laiiTent un plus libre paflage au fang :
dans l'expiration , ces vaifTeaux font com-
primés, le fang eft fortement chaflfé du
cœur aux poumons , par une artère élal-
tique , conique, convergente, contre les
parois de laquelle toute la partie du liquide
qui y eft contenu , doit néceflairement
heurter , & conféquemment dilater en rai-
Ibn de fon adion. Ainfi le fang eft tantôt
plus mollement poufle par le cœur , &
tantôt poufle avec force dans les petits
vaifTeaux par la compreflîon des véficules
qui ne manquent pas de refïôrt. De cette
méchanjque démontrée par la difTedion des
animaux vivans , on déduit clairement tous
les effets de la refpiration ; & l'on fait
pourquoi dans toutes les maladies dans
lefquelles le poumon ne laifTe pas librement
pafTer le fang , comme dans l'afthme , dans
la péripneuraonie vraie ou fauffe , &c. le
vifage eft fi rouge , fes vaifTeaux & ceux
du cou fi gonflés , la tête entreprife. juf-
qu'au vertige & au délire, le fang qui
reflue pax les veines jugulaires fe mêle à
celui de la "veine cave , delà dans le
ventricule droit & dans l'artère pulmo-
•naire ; mais c'eft à fon extrémité qu'eft la
digue qui empêche le trajet du, lang : il
retournera donc fur fes pas , & produira
toutes fortes d'accidens fâcheux , fi. on ne
diflipe ces obftacles ; & il eft également
évident que la faignée & les délàyans. peu-
vent en venir à bout. La définition du
cercle n eft pas plus claire en géométrie ,
que les lumières qui guident fouvent un
lavant prasticien. Il ne s'occupe que (k{
P H Y
corps , & il ne connoît que les loix mé-
chaniques qui fuivent tous les corps , &
par lefquelles il eft facile d'expHquer leur
adion ; ainfi il peut appliquer au corps de
l'homme , fans ie tromper , tout ce qui eft
vrai de tout autre corps. Le frottement
de deux parties folides produit de la cha-
leur dans le corps humain , comme par-
tout ailleurs.
Quant au commerce mutuel de l'ame
& du corps , c'eft non-feulement la chofe
du monde la plus inconcevable , mais
même la plus inutile au médecin. La cha-
leur produite dans le corps peut bien fè
concevoir , quand même l'homme ne feroit
qu'un , comme parle Montagne , puifque
les pierres s'échaufTent par le frottement.
Le mouvement ne peut s'expHquer ni par
les aftèdions du corps , ni par les pro-
priétés de Tame ; il n'y a rien dans l'idée
de l'ame qui fe trouve dans celle du mou-
vement. C'eft pourquoi la chaleur & le
mouvement ne peuvent s'expliquer par
l'ame 5 &c fi , voulant expHquer le mouve-
ment volontaire , vous dites qu'il confifte
en ce que l'ame veut le mouvement ,
vous n'éclaircifTez rien , parce qu'il n'y a
rien dans l'idée du mouvement que vous
puiffiez trouver dans l'idée de l'ame ; car
éclaircir ou rendre raifon d'une chofe ,
c'eft taire voir clairement qu'il y a dans
l'idée d'A quelque chofe contenue auûi
dans celle de B^ mais encore une fois le
médecin ne doit s'embarafTer que de ré-
tablir la fanté. Or cette curation eft un
changement qui fe fait dans le corps hu-
main par l'adion d'autres corps. Mais l'ame
n'^eft pas fufceptible de pareils changemens :
ainfi tous les fyftêmes fur fon commerce
avec le corps font inutiles. Qui a guéri ie
corps ne doit pas s'inquiéter de Tame ,
elle revient toujours sûrement à fes fonc-
tions , quand le corps revenant aux fiennes ,
levé tous les obftacles- qui fembloient
l'empêcher d'agir. La catarade fe forme
dans l'œil , & empêche Tame de voir ;
abattez le cryftaUin, les rayons repren-
dront leur ancienne route , Tame verra , &
vous aurez Tait toute votre charge. Quel-
qu'un tombe en défaillance , comment rap-~
peller fon ame avec laquelle la vôtre n'a-,
auç.un commerce? Irritez les nerfs de
P H Y
l'odorat, les fondions de l'ame reparoî-
tront , comme fi elle fe fut rémllée au
bout de ces nerfs , ou comme fi la cor-
refpondance des organes avec cette fubf^
tance fpirituelle vous étoit parfaitement
connue. Boerhaave , comment. .
Boerhaave a été le plus grand théori-
cien que nous ayons jamais eu , & il palToit
auffi pour un grand praticien : en effet ,
combien de découvertes en anatomie
avoient jufqu'à lui paru fans utilité ! On
en peut juger par l'explication admirable
de l'aélion du voile du palais , qu'on trouve
dans quelques - unes des éditions de (es
inflitutions de médecine , dont le doûeur
Haller a enrichi le commentaire d'un nom-
bre infini d'obfervations , par lefquelles on
peut juger autant de fon profond favoir
dans l'anatomie , que dans toutes les autres
parties relatives à \z.phyfiologie. Outre les
ouvrages que nous avons de lui dans d'au-
tres genres , comme dans la botanique ,
dans l'anatomie , ^c. il vient de .^ous
donner une phyjiologie intitulée , prnmœ
lïneœ phyfiologix , qui le fera d'autant plus
eftiraer parmi les connoiffeurs , qu'il étoit
extrêmement épineux d'en donner une qui
parût encore nouvelle , après le précieux
commentaire qu'il venoit de communiquer.
Voye\ Traités de phyjiologie , où l'on fera
connoître tous ceux qui ont écrit fur cette
matière importante.
PHYSIONOMIE, f f. ( Morale.) la
phyjionomie eff l'expreiïîon du caradere;
elle eft encore celle du tempérament. Une
fotte phyjionomie eft celle qui n'exprime
que la complexion , comme un tempéra-
ment robufte , Ùc. Mais il ne faut jamais
juger fur la phyjionomie. Il y a tant de
traits mêlés fur le'vifage & le maintien
des hommes , que cela peut (ouvent con-
fondre ; fans parler des accidens qui défi-
gurent les traits naturels , & qui empê-
chent que l'ame ne fe manifsfle , comme
la petite vérole , la maigreur , &c.
On pourroit plutôt conjedurer fur le
caradere des hommes , par l'agrénJlnt
qu'ils attachent à de certaines figures qui
répondent à leurs palfions , mais encore
s'y tromperoit-on.
Physionomie , f f ( Science imag.)
je pourrais bien m' étendre fur cet art
prétendu qui enfeigne à connoître l'hu-
meur , le tempérament & le caradere de^
hommes par les traits de leur vifage ; mai^
M. de BufFon a dit tout ce qu'on peut •
penfer de mieux fur cette fcience ridicule ,
dans les deux feules réflexions fuiva!!res.
Il efl permis de juger A quelques égards
de ce qui fe pafïe dans l'intérieur des
hommes par leurs adions, & connoître k
l'infpedion des changemens du vifage , la
fituation aduelle de l'amç. ; m?.is comme
l'ame n'a j^int de forme qui puifle être
relative à aucune forme matérielle , oh
ne peut pas la juger par la figure du
corps , ou par la forme du vifage. Un
corps mal fait peut renfermer une fort
belle ame , & l'on ne doit pas juger du bon
ou du mauvais naturel d'une perfonne par le?
traits de fon vifage ; car ces traits n'ont
aucun rapport avec la nature de l'ame,
ils n'ont aucune analogie fur laquelle on
puifïè feulement fonder des conjedures rai-
fonnables.
Les anciens cependant étoient fort at-
tachés à cette efpece de préjugé , & dans
tous les temps il y a eu des hommes qui
ont voulu faire une fcience divinatoire de
leurs prétendues connoifîances en phyfiO'.
nomie ; mais il efl bien évident qu'elles ne
peuvent s'étendre qu'à deviner ordinaire-
ment les mouvemens de l'ame , par ceux
des yeux , du vifage &" du corps ; mais
la forme du nez , de la bouche & des
autres traits , ne fait pas plus à la forme
de l'arae , au naturel de la perfonne , que
la grandeur ou la groffeur Ôlqs membres
fait à la penfée. Un homme en fera-t-il
moins fage , parce qu'il aura les yeux petits
& la bouche grande? Il (aut donc avouer
que tout ce que nous ont dit les phyfio-
nomifles efl deflitué de tout fondement ,
& que rien n'efî plus chimérique que les
indudions qu'ils ont voulu tirer de leurs
prétendues obfervations métopofcopiques.
Hift. nat. de V homme. {D. J.)
PHYSIONOMIQUE,adj. terme dont
fe fervent quelques médecins & naruralif^
tes pour exprimer les fignes que Ton tire
du maintien ou de la contenance , afin de
juger de l'état , de la difpofition , &c. du
corps & de l'efpnt. Voye\ SiGKE Ù
Physionomie.
Aaaaa 2.
740 P H Y
PHYSIQUE, f.f. {Ordre encychpéd.
entendement , raifon , philofophie ou faïen-
ce y fcience de la nature , phyjique. ) Cette
fcience que l'on appelle aufîî quelquefois
philofophie naturelle ^ efl la fcience des
propriétés des corps naturels , de leurs phé-
nomènes & de leurs effets , comme de leurs
différentes affedions , mouvemens , Ùc.
Voyei Philosophie ù Nature. Ce
mot vient du grec ^v<rt( , nature.
On fait remonter l'origine de la phyfique
aux Grecs & même aux Barbai^s , c'eft-à-
dire , aux brachraanes , aux mages , aux
prêtres égyptiens. Foyf;[ Brachmane,
Mages , éc
De ceux-ci elle pafla aux fages de la
Grèce , particulièrement à Thaïes , que
l'on dit avoir été le premier qui fe foit
appliqué , parmi les Grecs , à l'étude de
la nature.
Delà elle fe communiqua aux écoles de
Pythagore, de Platon , desPéripatéticiens,
qui la répandirent en Italie , & delà par
Tout le reiîe de l'Europe. Cependant les
druides , les bardes , Ùc. avoient aufîî une
phyfique qui leur étoit propre. Voye\ PY-
THAGORICIEN , Platonicien, Pé-
RiPATÉTiciEN ; voye^ auffi Druide,
Barde, &<:.
On peut voir dans \q fy fit me figura qui
cil à la fuite du difcoars préliminaire de
cet ouvrage , & dans l'explication détaillée
de ce fyflême , les différentes diviiions &
branches de la phyfique. Pour ne point
nous répéter , nous y renvoyons le ledeur ,
comme nous avons déjà fait à Vanicle
Mathématiques pour les divifions de
cuiQ. fcience.
Par rapport à la manière dont on g
traité la phyfique , & aux perfonnes qui
l'ont cultivée , on peut divifer cette fcience
€n phyfique fymbolique , qui ne confiitoit
qu'en fymboles ; telle étoit celïe des an-
ciens Egyptiens, Pythagoriciens & Pla-
toniciens , qui expofoient les propriétés ô,qs
corps naturels fous des caractères arithmé-
tiques , géométriques & hiéroglyfHies. V^oy.
Hiéroglyphes.
La phyfique péripatéticienne , ou celle
des fedateurs d'Àriflote , qui expliquoit la
rature des chofes par la matière , la forme
& ia piivatioa , par les qualité^élémentaires j
P H Y
& occultes , les fympathies , les antipa-
thies , Ùc.
La phyfique expérimentale, qui cherche
à découvrir les raifons & la nature des
chofes , par le moyen des expériences ,
comme celles de la chymie, de l'hydrof^
tatique , de la pneumatique , de l'optique ,
^c. Voyei l'art. EXPÉRIMENTALE , où
on a traité en détail de cette efpece de
phyfique , qui eft proprement la feule digne
de nos recherches.
La-phyliqueméchanique & corpufculaire^
qui fe propofe de rendre raifon des phé-
nomènes de la nature , en n'employant
point d'autres principes que la matière ,
le mouvement , la flrudure , la figure des
corps & de leurs parties ; le tout con-
formément aux loix de la nature & du
méchanifme bien conflatées. J^oy. COR-
PUSCULAIRE. Chambers.
La phyfique , dit M. MufTchenbroek ,
a trois fortes d'objets , qui font le corps ,
l'efjjice ou le vuide, & le mouvement.
Nous appelions corps tout ce que nous tou-
chons avec la main , & tout ce qui foufîre
quelque réfif!:ance lorfqu'on le prefTe. Nous
donnons le nom à^ejpace ou df vide à
toute cette étendue de l'univers , dans
laquelle les corps fe meuvent librement.
Le mouvement efl le tranfport d'un corps
d'une partie de i'elpace dans un autre. V^oy,
Corps , Espace , Mouvement.
On appelle phénomènes tout ce que nous
découvrons dans les corps à l'aide de nos
fens. Ces phénomènes regardent la fituation,
le mouvement , k changement & l'effet.
Tout changement que nos voyons furve-
nir aux corps y n'arrive que par le moyen
du mouvement ; il fuffit d'y faire quelque
attention , pour en être entièrement con-
vaincu. Un morceau de bois, quelque dur
qu'il puifîe être , devient vieux avec le
temps ; il le fend, il fe defîéche , il dé-
périt , & tombe enfin en poufllere , quoi-
qu'il foit toujours relié dans la même
place fans aucun mouvement ; ce change-
rrÉnt efl arrivé , parce que l'air ou les parties
du feu ont con^'inuellement environné ce
bois , & s'y font introduits. Une boule de
cire ferrée & comprimée des deux côtés »
devient plate & change de figure , parce
que lès parties étant preiTées & enfodicies^j,
P H Y
fcmt par conféquent mifes en mouvement
& hors de leur place. On peut taire voir
fluflî de quelle manière un changement
peut arriver lorfque le mouvement vient à
s'arrêter. Cela paroît dans un verre rempli
d'eau trouble mêlée de boue ; cette eau
refte trouble aufli long-temps qu'on la tient
en mouvement ; mais. dès qu'on la laifTe
repofer pendant quelque temps , toutes
les petites parties de cette boue n'étant
plus foutenues par celles de l'eau , tom-
beront par leur propre poids au fond du
verre , & fe répareront de Teau qui reftera
fort claire. Le mouvement efl donc un des
principaux objets de la phyfique.
On a obfervé que tous les corps fe meu-
vent félon certaines loix ou fegles , quelle
que puilfe être la caufe qui les met en
mouvement. Toutes les plantes & tous
les animaux ne fe produiient que par le
moyen de leurs femences , &: cela toujours
de la même manière, & félonies mêmes
loix. Les corps qui fe choquent , ou fe
communiquent réciproquement leurs for-
ces , ou les font diminuer , ou perdre
entièrement , félon les loix confiantes.
Voyei Percussion.
On n'a encore découvert qu'un petit
nombre de loix dans la phyfique , parce
qu'on n'a pas fait beaucoup de progrès dans
cette fcience durant les fiecles précédens.
Il efl par conféquent de notre devoir de
faire une recherche exade de ces loix
autant qu'il efl pofïîble. Pour cet effet
nous devons obferver avec foin toutes
fortes de corps terreflres ; les examiner
enfuite , & y faire toutes les recherches
& les remarques dont nous fommes ca-
pables/
On range tous les corps terreflres dans
quatre différentes clafîes , qui font celle
àes animaux , celle des végétaux , celle
des foflilos & celle des corps de l'atmof-
phere. Chiicun de ces genres fe partage
encore en diverfes efpeces ; & celles-ci le
dillribuent auffi en diverfes autres moins
«étendues que les premières. Après avoir
commencé à raffembler les corps , & les
avoir rangés félon leurs genres & leurs
efpeces , on a trouvé que le nombre de
chacun de ces genres étoit fort grand ;
de forte que la phyfique efl inépuifable.
. p H Y 74,
La première chofe que nous devons
faire , c'efl d'examiner tous ces corps , &
de mettre tout en œuvre pour tâcher de
connoître les propriétés de chacun d'eux
en particuher ; nous pourrons enfuite éta-
bhr d'abord les loix communes , félon
lefquelles nous remarquerons qu'il a plu au
Tout-puifTant d'entretenir & de faire opérer
tout ce qu'il a créé lui-même. Nous ne de-
vons pas nous trop précipi.ter dans cette
occafion , en tirant d'abord des conclufions
générales de quelques obfervations parti-
culières que nous pourrions avoir i'dkes ;
mais il vaut mieux n'aller ici que lente-
ment , & travailler beaucoup à faire des
recherches & des découvertes. Quand on
examine tout avec exaditude , on trouve
qu'il y a beaucoup plus de loix particuliè-
res , que de loix générales.
C'efl pourquoi on doit prier tous les
véritables amateurs dé la nature de recher-
cher & d'examiner avec foin & avec la
dernière exaâitude toutes fortes de corps ,
afin que les hommes puiflent parvenir , un
jour ou l'autre, à une plus parfaite con-
noifîance des loix de la nature. Il efl en-
tièrement impolllble de parvenir à ce point,
fans recueillir les remarques & les décou-
vertes des favans , & fans recourir en
même temps à de nouvelles expériences,
MufCch. EJfai de phjjiqiie y § 5 & fuii>^.
Un des grands écueils de la phyfique efl
la manie de tout expliquer. Pour montrer
cohnbien on doit fe défier des explications
même les plus plaufibles , je fuppofèrai ua
exemple. Suppofons que la neige tombe
en été , & la grêle en hiver ( on fait que
c'efl tout le contraire ) > & imaginons
qu'on entreprenne d'en rendre raifon ; on
dira: la neige tombe en été , pnrce que les
particules des vapeurs dont elle efl formée
n'ont pas le temps de fe congeler entiè-
rement avant d'arriver à terre, la chaleur
de l'air que nous refpirons empêchant cette
congélation ; au contraire en hiver l'air
qui efl proche de la terre étant très-froid ,
congelé & durcit ces parties ; c'efl ce qui
iorme la grêle. Voilà une explication dont
tout le monde feroit facisfait , & qui paf-
feroit pour démonflrative. Cependant le
fait efl faux. Ofons après ^ela expliquer
les phéoomv'ûes de la nature. Suppo-lons
74» P H Y
encore que le baromètre hauffe avant la '
pluie ( on fait que c'eft le contraire ) ;
cependant on l'expliqueroit très-bien : car
on diroit qu'avant la pluie , les vapeurs
dont Ta'ir eft chargé le rendent plus pefant,
& par conféquent doivent faire haulîèr le
baromètre-
Mais fi la retenue & la circonfpeétion
doivent être un des principaux caraderes
■du phyficien , la patience & le courage
doivent, d'un autre coté , le foutenir dans
fon travail. En quelque matière que ce (oit ,
on ne doit pas trop fe hâter d'élever entre
la nature & l'efprit humain un mur de
fépararion;-en nous méfiant de notre in-
duflrie, gardons-nous de nous en méfier
^vec excès. Dans Timpuiflance que nous
fèntons tous les jours de furraonter tant
d'obftacles qui fe prcfentent à nous , nous
ferions fms doute trop heureux , fi nous
pouvions du moins juger au premier coup-
d'œil jufqu'où nos efforts peuvent attein-
dre ; mais telle eft tout-à-la-fois la force
& la foibleflé de notre efprit , qu'il eft
fouvent aullî dangereux de prononcer fur
ce qu'il ne peut pas, que fur ce qu'il peut.
Combien de découvertes modernes dont
les anciens n'avoient pas même l'idée !
Combien de découvertes perdues que nous
contefterions trop légèrement ! Et combien
d'autres que nous jugerions impoiTibles ,
font réfervées pour notre poftérité ! ( O )
Physique, pris adjeOivcment , fe dit
de ce qui appartient à la nature ou à la
phyfique. Voye^ PHYSIQUE & NATURE.
En ce fens l'on dit un point phyfique ,
par oppofition au point mathématique , qui
n'exlfte que par abftradion , & qui eft
confidéré comme étant fans étendue.
Veye^ PoiNT.
Ori dit aufti une kibftance ou un corps
phyfique , par oppofition à efprit , ou à
fubftance miétaphyfiquc , &c. ■
HorÏT^on phyjique ou fenfible. Voye:{
Horizon.
PHYSITERE, f m. {Hlfi. nat.
Ichthiolog. ) efpece de baleine ou de Poif-
ftn teftacée , appelle autrement lefouffleur.
Voye\ Souffleur.
PHYSOCELE , tumeur venteufe du
fcrotum. Voyei PneumATOCELE.
Ce mot el^rec pTVKtjKn du verbe ?y «rà» ,
P H Y
fiatu dlflendo , je gonfle en foufHant , &
de >'i^n , hernie.
PH YTALIDES , ( Hift. anc. ) PAy w-
lidoe ; Plutarque & Paufanias dlfent que
les Phytalides étoient des defcendans de
Phytalus , à qui Cérès avoit donné l'in-
tendance des faints myfteres pour le récom-
penfer de rhofpitalité qu'il avoit exercée
à fon égard , l'ayant reçu fort humaine-
ment dans fa maifon. { D. J .)
PHYTALMIEN, adj. (My/Âo/.)
(fVTaKf^ioi , de ip-JTO" , plante , & de ?i« ,;'^/z-
t retiens ; ainfi phytalmien veut dire pro-
tecleur des plantes ^ ou des biens de la
terre ; c'eft un furnom que les anciens
donnoient à quelques-uns de leurs dieux ,
& particulièrement à Jupiter. Les Trœze-
niens le donnèrent à Neptune , & lui
firent bâtir un temple fous les murs de
leur capitale , parce qu'il n'inondoit plus
leurs terres & leurs maifons de i^ts flots
falés ; la mer s'étant infenfiblement retirée
de Trœzene.
PHYTEUMA, f. m.{Botan.) efpece
de réfeda qui croît aux environs de Mont-
pellier , où on l'appelle herbe maure ;
c'eft le réfeda minor vulgaris de Tour»
nefort. Voyei^ RÉSÉDA.
PHYTOLAQUE , phytolacca , f f.
( Hifl. nat. Bot. ) genre de plante à fleur
en rofe , compofée de plufieurs pétales dif-
pofés en rond : le piftil fort du milieu de
cette fleur , & il devient dans la fuite un
fruit ou une baie prelque ronde & molle ,
qui renferme des femences difpofées en
rond. Tournefort , injl. rei herb. Voye^
Plante.
Tournefort compte deux efpeces de ce
genre de plante d'Amérique ; la principale
eft la phytolacca de Virginie , qu'il nomme
phytolacca americana , majori fructu , /.
jR. H. ZXQ ; en anglois , the great red-
clufter- fruité d , Virginiam night-shade.
Sa racine eft longue d'un pié y groife
comme la cuifîe d'un homme , quelque-
fois davantage , blanche & vivace durant
plufieurs années. Elle pouffe une tige à
la hauteur de trois ou quatre pies , ronde ,
ferme , rougeâtre , divilée en plufieurs ra-
meaux. Ses feuilles font placées fans or-
dre , amples , veineufes , lifîes & douces
au toucher , d'un verd pâle & quelquefois
P H Y
rougeâtfe , prefque reflèmblantes en figure à
celles de la morele commune. Au haut
de la tige nailfent des pédicules qui fou-
tiennent de petites fleurs en grappes ;
chaque fleur eu en roie , compolée de
plufieurs pétales rangés circulairement , de
couleur rouge pâle. Après la chute de la
fleur , le pillil qui occupe le milieu devient
un fruit ou une baie ovoïde^ molle, pleine
de fuc , femblable à un petit bouton ap-
plati en delfus & en defTous ; en mûrif-
fant elle prend une couleur rouge brune ,
& renferme quelques femences ovales,
noires ,. dirpofées en rond.
Cette plante efil originaire de la Vir-
ginie ; on la cultive en Europe , fur-tout
en Angleterre ; & Miller vous inftruira
de l'art de fa culture. Ses baies teignen^
le papier en une belle couleur de pour-
pre , qui n'eft cependant pas durable.
(D.J.)
PHYTOLITES, (if//?, nat. Miner.)
nom générique donné par les naturahftes à
toutes les pierres qui ont la figure , ou
qui portent l'empreinte de quelque corps
du règne végétal. Les auteurs ont donné
des noms differens aux pierres , fuivant les
parties des végétaux qui étoient pétrifiées ,
ou dont elles portoient les empreintes ;
c'eft ainfi que l'on a nommé carpolites
les empreintes des fruits , ou les fruits pé-
trifiés ; lythoxyla , \ç.s bois pétrifiés ; rifo-
lithes y les racines pétrifiées ; les pierres
chargées d'empreintes de végétaux ont été
nommées ty polîtes ou phytoty polîtes ; enfin
les pierres fur lefquelles on voyoit des
empreintes des feuilles, ont été nommées
lythobiblia. Voye\ ces difFérens articles, &
Voye^ PÉTRIFICATION. ( )
C'efl ordinairement dans des pierres
feuilletées , telles que les fchiltes & les
ardoifes , que l'on rencontre des emprein-
tes des végétaux ^^ on \qs trouve très-fré-
quemment dans \qs couches de ces fortes
de pierres qui accompagnent les mines de
charbon de terre. Le phénomène qui a le
plus embarraffé les phyficiens fur ces fortes
d'empreintes, c'efl que lorfqu'on les con-
îidere avec attention , on trouve qu'elles
ont été faites par des végétaux entière-
ment differens de ceux qui croiflent aduel-
lement d^s Içs pays où on Içs rencontre ;
p H Y 74J
c'efl ainfi que M. de Jufîîeu , en examinant
les empreintes qui fe trouvent fur la pierre
qui accompagne les mines de Saint-Chau-
mond enLyonnois, crut botanifer dans
un nouveau monde en voyant des em-
preintes de plantes dont les analogues ne
croilfent point en France , mais font pro-
pres aux climats les plus chauds des Indes
orientales & de l'Amérique ; la plupart de
ces empreintes font êits fougères & des
capillaires. Le célèbre M. de Leibnitz avoit
déjà été très-furpris de trouver àts em-
peintes de plantes exotiques fur des ar-
doifes d'Allemagne. Au refle , M. de Juflieu
a remarqué que les feuilles empreintes dans-
les pierres de Saint-Chaumond , étoient
toujours étendues , comme fi elles eulfent
été collées àdeffein; ce qui prouve , félon
lui , qu'elles y ont été apportées par l'eau.
Un autre phénomène digne de remarque ,
c'eff que les deux lames de ces pierres ont
l'empreinte de la même face de cts feuilles ,
l'une en creux , l'autre en relief. ^o>r^ les
mémoires de V académie royale des fciences ,
année iji8.
M. de Juffieu cherche à expliquer ces
phénomènes par le féjour de la mer fur
quelques parties de notre globe , où fes
eaux ont porté des plantes qu'elles avoient
apportées d'autres pays éloignés ; mais il
paroît que l'on ne peut- guère expliquer ce
phénomène étrange , qu'en fuppofant que
les pays que nous habitons , ont produit
anciennement des plantes très-difi'érentes
de celles qu'ils no»is offrent maintenant ,
& que les révolutions générales que notre
globe a éprouvées depuis , ont changé
notre climat & fès produdions. Voye-^
l'article Fossiles y& Terre rép'olution
de la.( — )
PHYTOLOGIE*, f f. difcours fur les
plantes , ou une.delcription de leurs formes
de leurs efpeees , de leurs propriétés , 6'c.
Voye\ Plante.
Ce moteficompofédugrec (D'jtov^ plante y
& >^oyoç , difcours ydç Kiys> , je décris y je
raconte.
PH YTOT YPOLITES , ( Hifl. nat. )
les naturaliffes fe fervent de* ce mot pour
défigner les végétaux , dont on trouve des
empreintes flir des pierres ou fur d'autres
fubffances du règne minéral.
744 P H Y
PHYXIEN,adj. ( Af/Mo/. ) ?/'r;W , de
çvyajje me fauve , je me réfugie ; épirhete
qu'on donnoit à Jupiter chez les Grecs ,
parce qu'il éroit cenfé le protedeur de ceux
qui fe réfugioient dans les lieux où on
Fhonoroit.
PI
PI , ( Luth. ) nom que les Siamois don-
nent à une efpece de chalumeau extrême-
ment aigu. {F. D. G. )
PIABUCU, r.m. (Ichtyol.) nom d'un
poilTon d'Amérique , que les habitans man-
gent en pluiieurs endroits ; c'efl un petit
poiflbn de trois ou quatre pouces de long ,
& d'un ou deux de large , tout couvert
d'écailles argentines , olivâtres fur le dos ,
avec des nageoires toutes blanches : ce
petit poiffon eil fi gourmand du fang hu-
main , que 11 un homme qui fe baigne , a
quelque part fur le corps une bleiTure ou
une écorchure , ce poiiîbn fait fes efforts
pour en venir fucer le fang J c'eft du
moins ce que dit Margrave dans fon hiji.
lat.duBr(liL{D. J.)
PIACHES , f. m. ( Hifioire mod. culte. )
nom fous lequel les Indiens de la côce de
Cumana en Amérique défignoient leurs prê-
tres. Ils.étoient non feulement les minif-
tres de la religion , mais encore ils exer-
çoient la médecine , & ils aidoient les Caci-
ques de leurs confeils dans toutes leurs en-
treprifes. Pour être admis dans l'ordre des
piaches f il falloit paffer par une efpece
de noviciat , qui confiftoit à errer pendant
deux ans dans les forêts, où ils perfùa-
doient au peuple qu'ils recevoient des inf-
trudions de certains efprits qui prenoient
une forme humaine , pour leur enfeigner
leurs devoirs & les dogmes de leur reli-
gion. Leurs principale^ divinités ëtoient le
f()leil & la lune, qu'ils afluroient être le
mari & la femme. Ils regardoient les éclairs
& le tonnerre comme des fignes fenfibles
de la colère du foleil. Pendant les éclipfes
on fe privoit de toute nourriture ; Us
femmes fe tiroient du fang & s'égrati-
gnoient les bras , parce qu'elles croyoient
que la lune ctoit en querelle avec fon
mari. Les prêtres montroient au peuple
une croix , femblablc à celle de S. André ,
que l'on regardoit comme préfervatif contre
P T A
les fantômes. La médecine qu'exerçoient
les piaches confiiloit à donner aux mala-
des quelques herbes & racines , à les frotter
avec le fang & la graiffe des animaux ; &
pour les douleurs ils fcarifioient la partie
affligée , & la fuçoient long-temps pour
en tirer les humeurs. Ces prêtres le raê-
loient auffi de prédire , & il s'efl trouvé
des Efpagnols aflez ignorans pour ajouter
foi à leurs prédidions. Les piaches , ainli
que bien d'autres prêtres, favoient mettre
à profit les erreurs des peuples , & fe
faifoient payer chèrement leurs fervices.
Ils tenoient le premier rang dans les fef-
tins où ils s'enivroient fans difficulté. Ils
n'avoient aucune idée d'une vie à venir.
On brûloit les corps des grands un an
après leur mort , & les échos palïbient
pour les réponfes des ombres.
FIACULUM y f m. ( Ant. rom. )
facrifice expiatoire, Piacula y chez les
Latins, font ce que les Grecs appelloient
KA-^A/xxTct , les purgations dont on fe fervoit
pour expier ceux qui avoient commis les
crimes ; ce motlignifioit aulli les parfums,
d vuU[jt.Ara. , qu'on employoit pour délivrer
ceux qui étoicnt polfédés de quelque démon.
Horace , Epit. première y lii'. I y fait un
bel ufage de ce terme au figuré , pour
défigner les remèdes de la philofophie pro-
pre à purger l'ame de (es vices. {D. /. )
PI ADENA , ( Ge'ogr. mod. ) petite ville
d'Italie, aujourd'hui bourgade dans le
Crémonefe , fur les confins du Mantouan.
Cette bourgade cft le lieu de la naiffànce
de Barthelemi Platine dans le xv fiecle.
Il donna les vies des papes jufqu'à Paul II.
Cet ouvrage eft écrit d'un ftyle paflable ,
avec beaucoup de liberté, mais non d'exac-
titude ; il a été traduit en françois , en
italien & en allemand. Platine a compofé
plufieurs autres livres , & toutes (ts œuvres
réunies ont été imprimées àLouvain en 1 572',
& à Cologne en 1574 , in-folio. { D. J.)
PIAFFER , V. n. ( Maréchallerie. ) fe
dit d'un cheval qui , en marchant , levé
les jambes de devant fort haut, & les
replace prefque au même endroit avec
précipitation, hts chevaux qui piaiTent ,
de même que ceux qui font inftruits au
paffege , font les plus propres pour les car-
roufels & pour les occafions d'éclat.
PIAFFEUR ,
P I A P I A 74J
m. {Maréckallerle.) On | conduites par deux hommes. Au Pérou on
PIAFFEUR,
ïippelle ainli un cheval qui piaffe. Foye^
Piaffer.
PI AIE , f. m. ( Hiftoire moderne. ) C'eft
le nom que les fauvages qui habitent l'île
de Cayenne donnent à un mauvais génie ,
qu'ils regardent comme l'auteur de tous les
maux. Ces mêmes fauvages donnent en-
core le nom de piaies ou de piayes à leurs
prêtres , qui font en même temps leurs
Torciers & leurs médecins. Avant que d'être
agrégé à ce corps , celui qui s'y deftine
pafTe par des épreuves fi rudes , que peu
de gens pourroient devenir médecins à ce
prix. Lorfque le récipiendaire a reçu pen-
dant dix années les in(lru6iionsd'un ancien
piaic , dont ileft en même temps le valet ,
on lui faitobferver un jeûne (\ rigoureux,
qu'il en eft totalement exténué ; alors les an-
ciens piaies s'aiïemblent dans une cabane,
& apprennent au novice le principal myf-
tere de leur art , qui confifte à évoquer
\qs puilTances de l'enfer ; après quoi on le
fait danfer jufqu'à ce qu'il perde connoif-
fance ; on le fait revenir en lui mettant
des colliers- & des ceintures remplis de
fourmis noires , qui le piquent très-vive-
ment ; après cela , pour l'accoutumer aux
remèdes , on lui fait avaler un grand
verre de jus de tabac , ce qui lui caufe
des évacuations très-violentes, qui durent
quelquefois pendant plufieurs jours. Lorf-
que toutes ces cérémonies cruelles & ri-
dicules font finies , le récipiendaire eft dé-
claré piaie , &: on lui confie le pouvoir de
guérir toutes les maladies ; cependant il
n'eft en droit d'exercer, qu'après avoir
paffé encore trois ans d'abftinence. Leur
méthode curative confifte , en grande
partie , dans l'évocation des efprits infer-
naux ; cependant on affure qu'ils font
iifage de quelques plantes très - efficaces
contre les plaies les plus envenimées, à
l'aide defquelles ils opèrent quelquefois
des cures merveilleufes.
PIALIES , f. f. pi. (Littér. ) jeux infti-
tués par Antonin Pie , à la mémoire d'A-
drien. C'étoit un combat ifélaftique qu'on
donnoit à Pouzzoles.
PIARA, f. ï. terme de relation, nom
que donnent les Efpagnols dans l'Amérique
méridionale à une troupe de dix mules
Tom& XXV.
divife les troupeaux ou requats des mules ,
en plufieurs yP/^r^i ; &: comme il y a quel-
quefois des journées de hautes & rudes
montagnes à traverfer, les mules de re-
change montent ordinairement au double
des pïaras.
PIASTE ou PLAST, f. m. ÇHifloirt
moderne. ) en Pologne eft le nom que les
peuples de ce royaume donnent aux can-
didats qu'on propofepour remplir le trône,
lorfqu'ils font originaires ou naturels du
pays. On tient communément que ce nom
vient d'un payfan de Crufvies , appelle
Piafle , à qui les Polonois déférèrent la
couronne après la mort de Popiel en 830,
& qui rendit heureux les peuples foumis à
fon gouvernement. Le trône de Pologne
refta dans fa famille pendant plus de 400
ans.
PIASTRE , f. f. ( Monnaie.) monnoie
d'argent , d'abord fabriquée en Efpagne ,
&: enfuite dans plufieurs autres états de
l'Europe , qui a cours dans les quatre par-
ties du monde.
On l'appelle auftî pièce de huit, ou réate
de huit , parce qu'elle vaut huit réaiix d'ar-
gent; elle eft à-peu-près au titre &c du
même poids que les écus ou louis blancs de
France de neuf au marc.
Il y a deux fortes de piaftres ou écus
d'Efpagne, les unes qui fe fabriquent au
Potofi , que l'on a.ppe\\e piajires du Pérou -
les autres qui viennent du Mexique. Ces
dernières pefent un peu plus que les péru-
viennes ; mais par compenfation elles ne
font pas d'un argent auifi pur que celles
du Potofi.
La piajire a (es diminutions * qui font la
demi'pia/ire ou réale de quatre ; le quart de
piajire ou réale de deux; le huitième éepiaf-
trc ou réaîe fimple ; &le feizierae àtpiafirc
ou demi-réale.
"L^i piajire de huit réaux d'argent vaut
quinze réaux de vellon , ou , comme on le
prononce en efpagnol , de veiLlon ; en forte
que par rapport à cette différence de réaux
ou de vellon , il faut pour chaque piajire
171 maravedis d*argent , & jufqu â 510
maravedis de vellon. Savary , Ricard &
autres. ( D. J .)
PI AVE, (Géogr. mod. ) rivière d'Italie
Bi^bbb
74<^ P I C
dans rérat de Venife ; elle prend Ta fource
dans le Tirol , & fe partage en deux bran-
ches , qui toutes deux plus près ou plus
loin , vont fe jeter dans le golfe de Venife.
Quelques-uns croient que la Piavc eft
VAnaJfua des anciens.
PIAUTE, f. m. {terme de marine.)
efpece de gouvernail dont on fe fert pour
les bateaux marnois , chalans & toue.
PIC , f. m. f Hifioire nat. Ornitholog, )
nom générique que l'on a donnéà plufieurs
oifeaux. Les carafteres de ce genre font
rapportés à \'art. OiSEAU. V. OiSEAU.
Pic d'Auvergne. F(5>y«{Pic de mu-
raille.
Pic cendré. ^. Torchepot.
Pic de muraille , Echelette ,
Ternier, Pitschat, Pic d'Auver-
gne , picus murarius Aldrovandi. Wil.
oifeau qui eft un peu plus gros que le moi-
neau domeftique; il a le bec long , mince
& noir ; la tête , le cou & le dos font cen-
drés ; la poitrine a une couleur blanchâtre ;
les ailes font en partie cendrées &: en par-
tie rouges , fur-tout près du corps ; les plus
longues plumes At% ailes, la partie infé-
rieure du dos , le ventre & les jambes font
noires ; la queue eft courte &: a la même
couleur qu« le dos ; les jambes font courtes
comme dans toutes les efpeces de pic. Cet
oifeau a les doigts très-longs ; il y en a trois
dirigés en avant & un en arrière ; les on-
gles font crochus & pointus. Aldrovande
dit que \t pic de muraille a le vol fembla-
ble à celui de la huppe , parce qu'il re-
mue prefque continuellement les ailes ;
on a donné à cet oifeau le nom de pic
de muraille , parce qu'il fe fou tient &
grimpe le long des murs pour chercher
des vers entre les joints des pierres ,
comme le pic verd en cherche fur le
tronc des arbres : il a une voix très-agréa-
ble ; il vole ordinairement feul , quelque-
fois on en voit deux enfemble ; il niche
dans des creux d'arbres. Willughby , Orn.
V. Oiseau.
Grand Pic noir. V. Pimar.
Pic rouge. ^. Epeiche.
Pic verd , Pivert , Pic mars ,
picus viridis. Willug. oifeau , qui a environ
onze pouces de longueur depuis la pointe du
feec jufqu'au bout à.Q% doigts , & plus d'un
P î C
pié jufqu'à l'extrémité de la queue : l'en-
vergure eft d'un pié fept pouces &c plus ;
le bec a près de deux pouces de longueur ,
depuis fa pointe jufqu'aux coins de la bou-
che ; il eft noir, dur, épais, triangulaire
& obtus par le bout. Cet oifeau a la
langue très - longue & terminée par une
forte de pointe ofleufe, dont il perce les
infedes en lançant fa langue fur eux comme
un dard ; fa tête eft d'une belle couleur
rouge parfemée de taches noires ; les yeux
font entourés de noir , & il y a de cha-
que côté fous la pièce inférieure du bec un
trait rouge de même couleur que la têre;
la gorge, la poitrine & le ventre font d'un
verd pâle ; Iç dos , le cou & les petites plu-
mes des ailes ont une couleur verte ; le crou-
pion eft d'un jaunecouleur de paille; les plu-
mes du deftbus de la queue ont de petites
bandes brunes tranfverfales. Il y a dix-neuf
grandes plumes dans chaque aile , fans
compter la première qui eft très-courte;
celles qui font le plus près du corps ont
les barbes extérieures vertes , & les in-
térieures de couleur brune , parfemées
de taches blanches en demi -cercle ; les
autres ont les barbes intérieures de la mê-
me couleur que les premières plumes , &
les barbes extérieures font brunes & ont
des taches blanches ; la queue a quatre
pouces & demi de longueur, elle eft com-
pofée de dix plumes recourbées en def-
fous, qui parôiflent fourchues , parce que
le tuyau ne s'étend pas jufqu'aux dernières
barbes de chaque plume ; les deux du milieu
& les deux qui fuivent de chaque côté ont
fur la face fupérieure des taches tranfverfa-
les d'un verd obfcur , & fur la face infé-
rieure des taches blanchâtres; les deux
extérieures de chaque côté ont la pointe
plus obtufe que les autres ; la plus grande
a fur toute fa furface des taches noires &
des taches d'un verd obfcur , la plus pe-
tite eft verdâtre à la pointe , & noirâtre
à la racine; les pies font d'un blanc ver-
dâtre. Cet oifeau a deux doigts en avant
& deux eh arrière ; il fe nourrit d'infeéies ,
& principalement de fourmis. La femelle
pond cinq ou fix œufs à chaque couvée.
Lepic verd iur lequel on a fait cette def-
cription , étoit mâle ; il pefoit prefque fept
onces ; dans toutes les efi^eces de pics , la
PIC
pointe du ruyaa des plumes de h queue pa-
roît ulëe &: rompue, parce que ces oifeaux
ie foutiennent , comine je l'ai déjà die , fur
ces plumes en grimpant fur les arbres. Wil.
Omit. FoyeiOlSEkV.
La langue de cet oifeau a arrêté les re-
gards de plufieurs phyficiens, & entr*au-
tres de MM. Borelli ^ Perrault ,JDerham
& Mery.
Elle eft faite d'un petit os fort court, re-
vêtu d'un cornet d'une fubftance écailleu-
fe ; fa figure eft pyramidale ; elFe eft arti-
culé^par fa bafe avec rextrémlté antérieure
de l'os hyoïde , & l'oifeau peut tirer fa
langue hors du bec , à l'étendue de trois à
quatre pouces.
Cet os & le filet antérieur des branches
qui ie compofent, font renfermés dans une
gaine formée de la membrane qui tapiiïé le
dedans du bec inférieur : l'extrémité de
cette gaine s'unit à l'embouchure du cor-
net écailieux de la langue. Cette gaine
s'alonge quand la langue fort du bec , &:
s'accourcit quand elle y rentre.
Le cornet écailleux qui revêt le petit os
de la langue eft convexe en defTus , plat
en deflous , & cave en dedans. Il eft
armé de chaque côté de fix pointes très-
fines , tranfparentes & inflexibles; leur
extrémité eft un peu tournée vers le
gofier.
Il y a bien de l'apparence que ce cornet
armé de petites pointes, eft l'inftrumcnt
dont le pic verd fe fert pour enlever fa
proie; ce qu'il fait avec d'autant plus de
facilité , que cet inftrument eft toujours em-
pâté d'une matière gluante , qui eft verfée
dans l'extrémité du bec inférieur par deux
canaux excrétoires , qui partent de deux
g'andes pyramidales , fituées aux côtés in-
ternes de cette partie.
Pour fe fervir de cet inftrument , la na-
ture a donné au/?icveri/plufieurs mufcles ,
dont les uns appartiennent aux branches
de l'os hyoïde ; ceux-ci tirent la langue
hors du bec : d'autres appartiennent à la
gaine qui renferme le corps de l'os hyoïde
avec les filets antérieurs de fes branches ;
ceux-là retirent la langue dans le bec :
enfin la langue a ks mufcles propres qui
PIC 747
la t'fent en haut , en bas , de l'un & de l'au-
tre côté.
La langue de cet oifeau , l'os hyoïde ,'
& fes branches jointes enfemble , ont en-
viron huit pouces de longueur, & de cette
longueur il en fort près de quatre pouces
quand elle eft tirée ; d'où il réfulte que la
langue parcourant le même chemin en ren-
trant qu'elle fait en fortant , les mufcles qui
la lient & retirent doivent avoir en lon-
gueur plus de quatre pouces, parce qu'ils ne
peuvent pas s'accourcir de leur longueur
entière. V^oyc^ Us détails avec figures
dans les Mém. de Cacad. des fciences ,
ann. 1709. (D.J.)
Pic verd y petit, picus varius minor ^
oifeau qui reftembfe beaucoup à l'épeiche
par fa forme & par fa couleur, & qui n'ea
diffère prefque qu'en ce qu'il eft beaucoup
plus petit. Il pefe à peine une once ; il a
environ fix pouces de longueur depuis la
pointe du bec jufqu'à l'extrémité de la
queue , & dix pouces d'envergure. La
queue a deux pouces de longueur ; elle eft
compofée de dix plumes ; les deux du mi-
lieu font les plus longues ; les autres dimi-
nuent fucceffivement de longueur jufqu'à
Textérieure qui eft la plus courte ; les qua-
tre du milieu font entièrement noires 6c
courbées en deffbus : l'oifeau fe fert de
ces plumes pour fe foutenir en grimpant
contre les arbres; les trois ext^ieures de
chaque côté font moins pointues; l'exter-
ne eft noire à fon origine , & blanche vers
la pointe. Cette couleur blanche eft inter-
rompue par deux taches noires & tranfver-
fales. Le noir de la féconde plume exté-
rieure s'étend jufqu'à la féconde tache noire
tranfverfale , feulement fur le côté inté-
rieur du tuyau ; le blanc defcend plus bas
fur le côté extérieur , & il n'y a qu'une feule
tache noire tranfverfale près de la pointe.
La troifieme plume eft noire , à l'exception
de la pointe qui a une couleur blanche. La
gorge , la poitrine , & le ventre , font d'un
blanc pâle; le defiiis Aç.s narines eft brun,
& il fe trouve une tache blanche plus haut
fur le fommet de la tête ; le derrière de
la tête eft noir , & il y a deux lignes
larges & blanches qui s'étendent de-
puis les yeux jufqu'au milieu du cou ;
le devant du dos , & une partie des
Bbbbbi
748 P ï ^ .
pet'ues plumes des ailes font noires en en-
tier; les autres &f les grandes ont des ta-
ches blanches en demi-cercle ; le mUieu du
dos eft blanc & a des lignes tranlverfales
noires; les jambes font couvertes de plu-
mes p-efque jafqu'aux doigts : cetoifeau le
n.ourrit d'infedes ; le mâle diffère de la
femelle , en ce qu'il a une tache rouge fur
la tête au lieu d'une tache blanche. Wil-
lughby, Ornith. FoycT^ OiSEAU.
Pic varié , voye:^ Épeiche.
Pic vkRD(/7^m), Petit PIC varié,
Cul ROUGE , voyq Épeîche.
Pic d'Adam , C Hifl. mod. Ghgr. )
montagne très - élevée de l'île de Ceylan ,
que les Indiens nomment Hamald , & qui
eft pour eux un objet de vénération , parce
que , fuivant quelques traditions orientales ,
Adam fut c:éé lur le fonimet de cette
montagne Le dieu Ruddon , en m.ontant
au cie^ , laiHa lur le roc l'empreinte de fon
pié, qui eft , dit-on , d'une grandeur dou-
ble de celui d'un hornme ordinaire. La fu-
perftition y attire tous les ans au mois de
mars, des troupes innombrables de pèle-
rins , qui vont y faire leurs dévotions.
Pic le, ( Géog. mod. ) autrement le
Pic d'Adam^ en hoUandois Adams-Pic ,
montagne de i'île de Ceylan. M. del'Isle ,
dans fon atlas , donne à cette montagne
98 degrés <| 25 à p minutes de longirude ,
fur 5 degrés «5 \ mmutes de latitude nord.
Elle eft fort haute , fort roide ,. fort efcar-
pée , & à vingt lieues de la mer ; mais les
mateloîs la voient encore de dix à quinze
lieues en mer. Ribero en a fait une
delc iptiiin fort étendue , & mêlée de
récits fabuleux, qui ne méditent aucune
créance.
Les géographes ont donné le nom de
pic à quelques montagnes fort éievées, &
qui (e terminent en une feule poirue. Téi
eft le pic d'Adam , le^icde Saint-George,.
\e pic de Ténériffe , &c. Ce nom vient de
la reft^emblance de ces montagnes à l'outil
de ïtr nommé pic y dont on le ferr pour
fouir la terre , & qui n'a qu'une pointe
Pic de DerbY, ( Oéogr. mod.J en
anglois Pcûk of Derby Shire, c'eft-à-dire ,
h poi îre ouïe fommet du comté de Der-
h^y C'eft un endroit ûtué entre les monta- !
P I c
gnes dans le nord-oueft de ce comté. îl efî
remarquable , 1°. par fes carrières ; 2^. par
Ton plomb ; 3^. par fes trois cavernes. On
les connoît en Angleterre fous le nom de
Devils-Arfe , le cul du diable , Eldepis-
HoU y ôc PooW'Hok, Elles font toutes,
trois larges & profondes. On dit qu'il fort
de la première de l'eau qui a fon flux &
reflux quatre fois dans une heure. Elle fe
diftinguc par l'irrégularité des rochers
qu'on trouve en dedans. Celle qu'on appelle
Eldens-Ho le ,2. (on entrée bafte & étroite ;
les eaux qui en découlent, fe congèlent
en tombant, &: forment à&s glaçons pen-
dans à la caverne. On peut joindre ici les
puits du Boxton, d'où dans fefpace de
huit à dix-neuf verges d'Angleterre , il fort
quelques fources d'eaux un peu minérales
&f chaudes , excepté une feule qui e(l
froide.
Pic de Saint- George, ( Géogr,.
moderne. ) On trouve dans une des îles de
l'oueft oudes Açores, auprès de l'île Fal,
une montagne appellée le Pic de Sainte-
Georges ^ d'où l'île elle-même a pris le nom
de P/co. On prétend qu'elle eft aufîi haute ^
ou peu s'en faut, que le pic de Ténériffe..
Long, du p'.c de Saint-Georges , félon Cafiir
ni , 349,21 , 3o;/^^ 38, 35.
Pic de Ténériffe , (Géographie:
moderne, J le pic de Ténériffe .^ que les ha-
bitans appellent /7/ca de Terraira , eft regar^
dé comme la plus haute montagne du mon-
de, & on en voit en mer le fommet à cin-
quante milles de diftance.
On ne peut y monter que dans les-,
mois de j\iillet 6)C d'août; car dans les au-
tres mois il eft couvert déneige , q.uoiqu'on;
n'en voie jamais dansxette île , ni dans les-
îles Canaries qui en font voifines. Son;
fommet paroît diftinéfement au deffus-
des nues ; mais comme il eft ordinaire-
ment couvert de neige , il n'eft certaine-
ment pas au deffus de la moyenne région,
de l'air. Il faut deux à trois jours pour
arriver au haut de cette montagne; forr;
extrémité n'eft pas faite en pointe, mais-,
unie &c plate ; delà on peut appetcevoir
diftindement par un temps ferein le refte;
des îles Canaries , quoique quelques-
unes en foient éljoignées de plus de feize-
lieues»,
P I c
Scaliger écrit que cette montagne vo-
mlfloit autrefois des charbons enflammés ,
fans difconiinuer : on ne fait eu cet auteur
a pris ce fait. Cependant il eft vraifembla-
ble que cette montagne a été autrefois brû-
lante; car il y a au fommet un entonnoir
qui produit une forte de terre fulfureufe ,
telle que , fi on la roule ôc qu'on en fafle
une chandelle , elle brûle comme du fou-
fre. Il y a plufieurs endroits fur le bord du
pic , qui brûlent ou fument : dans d'autres
fi on retourne les pierres, on y trouve
attaché du foufre pur. Il y a auffi dans le
fond des pierres qui font luifantes & fem-
blables au mache-fer ; ce qui vient fans
doute de l'extrême chaleur du lieu d'où
elles fortent. C'eft ce que confirme M.
Edens , qui y a fait un voyage en 171 "J.
f^ojc:;^ les Tranfaci. philofoph. n^. 345.
Longit. dupic de Ténériffe , félon Cafliai ,
2 , 5 1 , 30 ; /^//^ 18 , 30. f /). y. J
Pic a pic , [Marine. ) c'eft-à-dire, à
plomb , ou perpendiculairement.,
A pic fur une ancre ^ c'eft-à-dire, que
le vaiffeau eft perpendiculairement fur
cette ancre , &C qu'elle eft dégagée du
fond.
Des fauts à pic dans une riiùere^C^eû
quand il fe trouve un rocher efcarpé ou
faut dans une rivière , où toute l'eau
tombe de haut en bas comine dans une
cafcade ,, ainfi qu'il s'en trouve dans de
grandes rivières de l'Amérique. FojeT;^
PoilTAGE, faire portage ; le. vent e(i à
pic. V. Vent.
Pic, C Poids. ) gros poids de la. Chine
dont on fe fert particulièrement du côré d^
Canton, pour pe fer les raa.chandifes ; ii
fe divife en centcatis ; quelques-uns difenr
en cent vingt-cinq; le catis en feizetaels;
chaque lael faifant une once deux gros de
France, en f ^r e que le pic de la Chine
revient à cent vingt-einq, livres, poids de
marc. Savary.
Pic , ( Inflrument d'ouvriers. ) inftru-
raent de fer un peu courbé , pointu & acé-
ré , avec un long manche de bois qui fert
aux maçons terrafiiers à ouvrir la terre , ou
à. démolir ies vieux bâtunens. Les carriers
%t\\ lervent auffi pour déraciner 6c décou-
vrir les pierres dont ils veulent trouver le
blanc. Cet outil ne diifere de la pioche [
PIC 749
pointue , qu'en ce que le fer en eft plirs
long , plus fort , & mieux acéré. ( D,
Vie ^ en terme de Bouionnier , petit
ouvrage en cartifane qui fert d'ornemen»
dans difïérens ouvrages, foit dans les car-
roffes , foit dans les harnachemens des
chevaux , dans les ameublemens ou hab'ille-
mens d'hommes ou de femmes , &c. C'eft
un carreau un peu arrondi fur (ts an-
gles : pour faire un pic ^ la première chofc
néceftaire , c'eft de découper du vélin de la
grandeur convenable avec l'emporte-piece ;.
on le met alors en foie en tournant une
bobine autour de lacannetille ou du mille-
ray qui borde ce fond. Par-là on arrête le
bord , 6c on couvre le vélin tout enfemble.
Voyei Cannetille. Enfuite on recom-
mence l'opération en or 6c en aï-gent,
s'il le faut. Le principal ufage du pic , c'eft
dans les graines d'épinards , ou dans les
jafmins. K. JaSMINS»
Pic , en terme de Rafîneur, eft un inf-
trumentdefer en forme <ie langue de bœuf,,
monté fur un manche de trois pies de long ;
on s'en fert à piquer les matières , quand"-
elies font frop maftiquées dans le bac à^
fucre. f^. Bac a sucre.
Pic , ( JeuJ le pic a lieu dans le jeu de
piquet , lorfqu'ayant compté un certain
nombre de pqints fdns que l'adverfaire ait
rien compté ; l'on va en jouant jufqu'à
trente ; auquelcas, au lieu de dire trente^
l'on compte foixante ^^ l'on continue dé-
compter les points quWon fait de furpius..
V faut remarquer que pour faire pic , il
taut être premier ; car fi vous êtes der-
nier, le premier qui jette une carte qui
marque , vous empêche d'aller à foixanre,-
quand vous auriez compté dans votre jeu-
vmgt-neuf, 6c que vous lèveriez la carte
jetée.
PICA , f m. ( Médec. pratiq.) ce mot
défigne une maladie dont le caraaere dif-
nndif eft un dégoût extrême pour les bons
alimens,. 6c un appétit violent pour des
ehofesabfurdes,nuifibles,/i^//V/;z^^z/<7///we/2-
tiufes. Lesétymologyftes prétendent qu'on,
lui a donné ce nom , qui, dans le fens na-
turel, fignifie /"/e ; parce que comme cet
oifeau eft fort varié dans {<s paro'es 6c
Ion plumage , de même l'appétit dépravé
750 PIC
de cette eTpecé de malade s'étend à pîu-
fieurs difFérentes chofes , & fe diverfifia à
l'infini. N'auroit-on pas pu trouver un rap-
port plus ienfible & plus frappant enrre cet
oifeau remarquable par f'on babil , & les
perfonnes du Texe , qui font les fujets or-
dinaires de cette maladie ? Eft-ce un pareil
rapport qui auroit autorile cette dénomi>
nation ? ou plutôt ne feroit-ce pas parce
que la pie , comme l'ont écrit quelques
naturaliftes , Te 'plaît à manger dej>etites
boules de terres ? On voit aufli que le mot
grec , par lequel on exprime cette maladie ,
Kt^et , ou (uivant le dialede attique ,
xitIa , c'eft le nom de la pic ; quelques au-
teurs , comme il s'en trouve fouvent ,
préférant aux explications naturelles les
ïens les plus recherchés , ont taché de
trouver au mot mttcc une autre étymolo-
gie ; ils l'ont dérivé de Kta-am , qui veut
dire //Vrr^, établi (Tant la comparai-on entre
la maladie dont il s'agit & cette plante pa-
ra fite 5 fur le nombre & la variété àQs cir-
convolutions & détours qu'elle fait à l'aide
des autres corps qai lui fervent d'appui :
quoi qu'il en foit de la jufteffe de ces éty-
molcygies & de ces commentaires , laifTons
cette difcuffiori des mots poqr paiîer à l'exa-
men àQs chofes.
L'objet de l'appétit des perfonnes atta-
quées du pica , eft extrêmement varié ; il
n'y a rien de fi abfurde qu'on, ne les ait vu
quelquefois defirer avec paflîon; la craie ,
la chaux, le mortier, le plâtre, la pouf-
fiere , les cendres , le charbon , la boue ,
le deflous des foulwrs , le cuir pourri ,
les excrémens même , le poivre , le fel ,
la cannelle , le vinaigre, la poix , le co-
ton , &c. & autres chofes femblables , font
fouvent recherchées par ces malades avec
le dernier empreflement. Il y a une obser-
vation rapportée par M. Nathanael Fairfaix,
Aci.philofoph. anglic. num. 19, cap. v. §
5 , d'une fille qui avoit un goût particulier
pour l'air qui fortoit des foufflets ; eHe étoit
continuêttement occupée à faire jouer les
foufflets; & avaloit avec un plaifir délicieux
l'air qui en étoit exprimé. Cette maladie eft
très-ordinaire aux jeunes filles ; elle peut
même paffer pour une de ces affeftions qui
leur font propres. Quoiqu'il y ait quelques
obfervarions rapportées par Rivière Rho-
PIC
dius Se Schenkius , qui prouvent que les
hommes n'en lontpas tout-à-fait exempts,
ces faits font très-rares & (buvent peu conf-
tatés ; il en eft de même des prétentions
de Reifelius & dePrimerofe, & des hif-
toires qu'ils rapportent , d'où il réfulteroit
que àes maris ont été attaqués de cette
maladie lorfque leurs femmes étoient en-
ceintes , ou s etoient expofés aux caufes
qui la produifent ordinairement ; ou , pour
mieux dire , ces hiftoires font évidemment
faulTes , &ces prétentions ridicules; il ne
manqueroit plus , pour porter le dernier
coup à l'état de mari , que de lui faire par-
tager les maladies de fa femme, & de le
charger des peines de fes dérangemens ,
après l'avoir rendu refponfable de fa fa-
geiïe , en le couvrant de ridicule & de
honte lorfqu'elle en manque. On affure aufli
que les animaux font fujets ^upica; Schen-
kius dit l'avoir obfervé clans des chats , cent.
4, ohferv. 45. On en voit aufîi des exem--
pies dans les chiens & les cochons , rap-
portés dans les Actes philofophiques an-
glois ^ vo/. /,/?. 741. Les pigeons, fans en
être attaqués, mangent fouvent du petit
gravier, du fable , bequetent les murs , ôc
les autruches dévorent du fer ; d'autres
oifeaux avalent des cailloux ; mais c'eft plu-
tôt pour aider leur digeftion naturelle, que
par maladie.
Les jeunes filles auxquelles cette maladie
eft familière , commencent fouvent d'aftez
bonne heure à s'y adonner ; l'exemple , les
invitations de leurs amies , quelquefois
l'envie de devenir pâles , un dérangement
d'eftomac , peut-être auffi d'efprit, font
les premières caufes de cette paffion ; dès-
lors l'appétit ordinaire ceffe , les alimens
qu'elles aimoient autrefois leur paroiffent
infipides , mauvais; elles deviennent trif-
tes , rêveufes , mélancoliques , fuient la
compagnie , fe dérobent aux yeux de tout
le monde pour aller en cachette fatisfaire
leur appétit dépravé ; elles mangent les
chofes les plus abfurdes, les plus fales,les
plus dégoûtantes avec un plaifir infini ; les
chofes abfolument infipides flattent déli-
cieufement leur goût ; ce plaifir eft bien-
tôt une paflion violente , une fureur qu'elles
font forcées de fatisfaire , malgré tout ce
que la raifpn peut leur infpirer pour les en
PIC
dëfourner ; la privation de Tobjet qu'elles
appetent û vivement , \e,s jette clans un
chagrin cuiiant, dans une noire mélancolie,
ôc quelquefois même les rend malades; fi
au contraire elles la fatisfont ^librement ,
leureftomac fe dérange de plus en ^us ;
toutes Tes fondions Te font mal & diffi-
cilement ; il furvient des anxiétés , des nau-
{ées , des rots, des gonfiemens , douleurs,
pefanteurs , ardeurs d'eftomac , vomifTe-
ment, conftipation; la langueur s'empare
de leurs membres ; les rofes difparoiffent
de deffus leur vifage; la pâle blancheur
du lis ou une pâleur jaunâtre prend leur
place; leurs yeux perdent leur vivacité &
leur écht , voyei Pale? couleurs, &
leur tête panchée languiffamment & fans
force , ne fe foutient qu'avec peine fur le
cou ; fatiguées au moindre mouvement
qu'elles font , elles fentent un mal-aife ;
lorfqu'elles font obligées de faire quelques
pas, & fur-tout fi elles montent, alors
elles font effouflées , ont de la peine à
refpirer , & éprouvent des palpitations vio-
lentes : on dit alors qu'elles ont les pâles
couleurs , ou qu'elles font opilées. Voye:^
Pales couleurs, Opilation. Cène
maladie ne tarde pas à déranger l'excré-
tion menftruelle , fi fon dérangement n'a
pas précédé & produit le pica , comme-il
arrive fouvent , à moins qu'il ne furvienne
avant l'éruption des règles.
On a beaucoup difputé fur la caufe &c
le fiege de cette maladie; les uns ont pré-
tendu que fon fiege étoit dans l'eftomac ,
& ne dépendoJt que de l'accumulation de
mauvais fucs ; les autres l'ont regardée
comme une maladie de la tête , & en ont
fait une efpece d'afFeftion mélancolique.
Parmi les premiers , les uns ont jcru , avec
Aphrodifée, que les mauvais (vics qui fe
ramaffoient dans l'efiomac étoient de la
même nature que les alimens , ou que les
chofes qui étoient l'objet de l'appétit ; &
que c'étoit en vertu de cP rapport, de
cette fympathie , qu'on les appétoit ; ils fe
fondoient fur ce que tous les fucs étant
viciés , ils dévoient exciter l'appétit de
mauvais alimens , comme l'eftomac fain
ou les fucs bons font defirer des alimens
de même nature. i°. Ceux qui font d'un
tempérament bilieux ne voient en fonge
, . P ÏC 75,
que ûes incendies; les pituitéux ont tou-
jours devant les yeux de l'eau , des débor-
demens , &c. Il en doit être de même ùe^
fucs d'une telle efpece déterminée , ils
doivent frapper l'imagination d'une telle
façon , 5j lui repréfenter les alimens ana-
logues ; les fucs acides , faire defirer les
fruits aigrelets; les fucs brûlés, du char-
bon, &c. & par conféquent en faire naître
l'appétit. Les autres penfent, avec Avicen-
ne , que les fucs de l'eftomac font d'une
nature contraire , & que cette contrariété
efi la caufe du pica ; alors ces prétendus
.alimens font l'effet des remèdes; il ne leur
manque pas de raifons pour étayer & con-
firmer leur fentiment. 1°. L'appétit des
chofes analogues au fuc de l'efiomac, ne
devroit jamais fe rafiTafier , & devroit au
contraire toujours augmenter , parce que
ces fucs recevroient toftjours plus de force
& d'a6livité de la part des chofes qui fe-
roient prifes en guife d'aliment ; ce qui
n'arrive pas. 2°. Eft-il probable que les fucs
puififent s'altérer au point d'être comme
du bois pourri , de la boue , du plomb ? &c.
3°. II n'eft pas plus naturel que i'efiomac
fe porte vers des chofes dont il regorge.
4°. Dans la foif & la faim , les objets
defirés font propres à faire cefier l'état
forcé du gofier &. de l'eftomac , parce
qu'ils lui font contraires , &c. On pourroit
encore ajouter à cela que les perfonnes
bilieufes défirent avec ardeur les fuits
acides , oppofés à la nature & à l'aélion
de fa bile; 2°. que les perfonnes attaquées
êiupica font bien moins incommodées de
l'ufage des chofes abfurdes & nuifibles ,
quelque immodéré qu'il foit , qu'elles ne
le feroient fi elles n'avoient pas cette ma-
ladie i fi elles ne s'y portoient pas avec
cette fureur ; 3*. enfin , qu'il eft rare qu'on
fouhaite palîionnément une chofe dont la
jouifi^ance n'eft pas un befoin , un bien ,
en même temps qu'elle eft un plaifir. Toutes
ces raifons donnent beaucoup de vraifem-
blance à ce fentiment ; les expériences &
les obfervations de M. de Réaumur lui
donnent encore un nouveau poids. Cet
illuftre académicien dit avoir trouvé une
analogie entre les fucs digeftifs de ces
malades & les chofes qu'ils mangeoient ;
& cette analogie étoit telle que ces, chofes
75* P^ ^
fe dilTolvoient très-facileirent dans leurs
ïucs , ainfi que celles qui aimoient la craie ,
la chaux, ô-c. avoient des Tues légèrement
acides qui dilTolvoient très-bien les ab-
foibans,alkalis, &c. Ces expériences n'ont
pas été poullées affez loin , &: ne l'ont pas
affez générales pour avoir la force de la
dén^omlration ; mais cette opinion peut
toujours paffer pour une hypoihefe ingé-
nieufe , bien fondée & très-vraifemblable.
Mais , demandera-t-on , n'y a-t-il point
de vice d'imagination , de délire ? Ceux
dont nous venons d'expofer le fentiment,
prétendent qu'il n'y a point de dérange-
ment de raifon , qu'il n'y a qu'une dépra-
vation de cupidité, & qu'ainfi on ne deit
pas pliîs regarder le pica comme délire ,
que la faim canine, que l'érotomanie, le
fatyriafis ; cas où les befoins naturels font
iîmplement portés à un trop haut degré,
6c dépravés.
Cependant on ne pourra guère s'empê-
cher de regarder le/'/c^ comme une efpece
de délire , il l'on fait attention, i°. qu'on
peur délirer & raifonner très-bien; 2°. que
le délire n'exclutpas les motifs des allions
qu'on fait; qu'il eft même très-vraifem-
blable que la plupart àts, délires ne con-
fident que dans de fauffes apperceptions ;
' & qu'étant fuppofées vraies, comme elles
le paroifTent aux fous, toutes leurs allions
faites en conféquence font raifonnables :
un homme qui regarde tous les affiftans
.comme (ts ennemis , comme des gens qui
veulent l'alTaffiner , s'emporte contre.eux
en injures 6>c en coups, quand il peut; y
a-t-il rien de plus naturel? 3*^. On pourra
bien dire qu'une fille mange de la craie ,
de la chaux , de la terre , parce qu'elle a
de l'acide dan<< l'eftomac ; mais expliquera-
t-on par-là cette ardeur à fe cacher, cette
paflion violente qui fubfifte long-temps
après que tous les acides feront détruits?
Et poiiiquoi tous les enfans qui font fi fort
tourmentés par l'acide, n'ont-ils pas le
pica} &c. Comment expliquera-t- on
d'ailleurs l'appétit du coton , du plomb ,
de l i poix , de l'air, des excrémens , &c,
y a-t-il des fucs propres à les digérer?
y a-t-il un vice dans ces humeurs qui
exige ces corps pour remède & dont le vice
en puiffe être corrigé ? 4?. N'eft-il pas
PIC
j naturel de regarder cette afFeélion comme
j dépendante de la même caufe que la paf-
j fion de compter les carreaux, les vitres,
les folives d'une chambre , de fe plaire à
la vue de certains objets laids , fales ou
déshonnêtes , de rechercher ^vec fureur
quelque odeur défagréable , comme celle
des vieux livres pourris , d'une chandelle ,
d'une lampe mal éteinte , & même des
excrémens ? Ces fymptomes familiers ,
de même que le pica aux chlorotiques ,
annoncent évidemment & de l'aveu de tout
le monde, un délire mélancolique , & l'on
ne s'avife pas de leur attribuer de l'efiS-
cacitépour la guérifondu dérangement qui
en eft la caufe. Voyc^VkhES COULEURS.
5°. Parcourons les caufes qui produifent
ordinairement \q pica\ nous verrons pref-
que toujours un vice dans l'excrétion menf-
truelle^ou des chagtins, des inquiétudes,
des pafiions vives retenues , des defirs
violens étouffes , des befoins naturels , pref-
ans , non fatisfaits par vertu , par crainte
& par pudeur ; quelles autres caufes font
plus propres à déranger l'efliomac & l'ima-»
gination ? Nous pourrions ajouter bien
d'autres preuves qui fe tirent de l'état de
ces malades , de leur manière d'agir , de
fe comporter , &c. qu'on peut voir tous
les jours , & qu'on auroit de la peine à dé-
crire : chacun peut là-defliis prendre les
éclairciffemens convenables : les occafions
en font malheureufement aflTez fréquentes.
Les femmes enceintes font fujettes à
une dépravation d'appétit fort finguliere,
& qui eft fort analogue au pica ,- les au-
teurs qui ne fe piquent pas d'une exaftitu-
de fcrupuleufe, confondent ordinairement
ces deux affe(5f ions , qui font cependant dif-
férentes ; celle qui eft propre aux femmes
enceintes , s'appelle en latin & en françois
malacia, nom dérivé du grec (.tthtt^cii ,
Je mollis : quelques auteurs l'ont attribué
à l'état de molUJJe , ou de relâchement des
femmes enoiinces ; ce qui conftitue le
malacia , eft un goût particulier pour une
feule efpece d'aliment, à l'exclufion de tout
autre ; mais cet aliment n'eft pas nécefl^ai-
rement & par lui-même mauvais , abfurde;
il eft toujours nutritif; ce font, par exem-
ple, des fruits d'une telle efpece, du riz,
des poulets , des anchois , des harengs ; il
n'y
P I c
n'y a que l'aliment pour qui Ton s'eft dé-
terminé qui plaife, qui ait un goût déli-
cieux , qui fe digère facilement ; les autres
rebutent, déplaifent, pefent fur Peftomac :
& quoiqu'il y ait de ces alimens dont on
dût d'abord s'ennuyer , ou dont on pût
erre incommodé à la longue, comme des
harengs , des enchois ; cependant on ne
s'en dégoûte point , & on n'en reflènt
aucun mauvais effet. Cet appétit déter-
miné commence a fe déclarer, pour l'ordi-
naire, vers le quatrième jour de lagroflèlie,
Ô-: ce{fc à la fin du troiiieme mois ou au
commencement du quatrième. Il me paroît
qu'on doit diftinguer cette affeélion des
envies des femmes enceintes, par lefquelles
elles défirent la pofïefîion de quelque objet ,
un joyau, un fruit, un mets particulier;
elles font fatisfaites dès qu'elles l'ont ob-
tenu ; & j(i elles ne peuvent pas Pavoir ,
ou n-'ofent pas le demander , elles en font
incommodées , rifquent de fe bleflèr , &
on prétend que l'enfint en porte la marque.
Foye^EnviE , Tachr, &c.
Le pica efl une maladie très- férieufè ;
elle eft ordinairement ou la fuite & l'effet
de quelque ob{l:ru6bion , du dérangement
du flux menflruel , ou l'avant-coureur Se
la caufe de ces maladies; elle affaiblit tou-
jours le tempérament, gâte l'eftomac , &
prépare pour la fuite une fource inépuifible
& féconde d'incommodités; ainfi les filles
qui n-'en meurent pas, refirent long-temps
languifTantes , maladives , dans une efpece
de convalcfcence difficile. Cette maladie
efl plus ©u moins dangereufe , fuivant la
qualité des objets de Pappétit , fuivant la
violence de la paflion & Tintenfîté des
fymptomes qui s'y joignent. Il eft évident
qu'un ufage & un ufage immodéré du
poivre, du fel, des épiceries, peut faire
plus de ravages que ce çnême ufage limité,
ou que l'ufàge des terreux , de la craie, &c.
Fernel a vu furvenir un ulcère à la ma-
trice, dont la malade mourut, à l'appétit
déréglé du poivre trop abondamment fa-
tisf.iit ; le danger eft bien plus grand , fi
le plomb & fes préparations font l'objet de
l'appétit ; perfonne n'ignore les funeftes
accîQens, la terrible coliqjae qu'occafione
ce métal pris intérieurement par lui-même,
ou par les parties hétérogènes vénéneufes
Tome XXr.
dont il eft altéré. î^oyei Plomb , Coli-
que DES PEINTRES. Tulpîus rapportc
l'obfervarion d'une jeune fille, qui man-
geoit avec avidité de petites lames de
plomb bien divifées ; elle tomba en peu
de temps dans une njaladie affreufe , à
laquelle elle fuccomba ; fa langue étoit
feche , fes hypocondres refTerrés , la rate
obftruée , l'eftomac douloureux , le ven-
tre conftipé ; fans ceflè tourmentée par
des fuflbcations de matrice , par des dé-
faillances fréquentes, el^ne put trouver
du foulagement dans aucun remède ,
Nicol. Talp, obferv. medicar. Ub. I V.
Ce qui redouble fou vent la difficulté de
la guérifon, c'eft que ces malades cachent
auffi long - temps qu'il leur eft poffible
leur état , & on ne le découvre que
tard, qu'après que le mal eft invétéré -&
rendu plus opiniâtre; d'ailleurs, lors même,
qu'on s'en apperçoit & qu'on veut y re-
médier , les malades font peu dociles >
elles ne veulent pas fe priver du plaifîr
de fatisfaire à leur paffion , fouvent elles
ne le peuvent pas; & fi elles rencontrent
d£s médecins imprudens par trop de fé-
vérité, qui leur défendent tout ufage de
mets pour lefquels elles lont paffionnées,
& des parens trop rigides &c trop fcru-
puleufement attentifs à obferver l'ordon-
nance du médecin , elles deviennent rriftes,
mélancoliques & férieufement malades.
Le malacia n'eft pas une maladie, il n'y
a point de danger à laiffer fuivre aux
femmes enceintes leur caprice , il y en
auroit à les «n empêcher ; elles n'en
éprouvent pour l'ordinaire aucune incom-
modité , ni elles ni l'enfanc qu'elles por-
tent ; cependant lorfque les alimens pour
lefquels elle s'eft déterminée , font d*un
mauvais caractère , trop fales , trop épiçés ,
que ce font des poilîbns , par exemple ,
defîechés Se endurcis par le fel & la fu-
mée , il eft certain que le chyle qui s'en
forme ne fauroit être bien bon; on doit,
autant qu'on peut , faire en forte par les
avis , les invitations , que la femme en
ufe fobrement ; il faut auifi pour cela lui
préfenter des mets agréables, d'une nature
oppofée , qui puifTe modérer' Se contre^
balancer l'action dès autres : on les môle
pour cela fouvent cufemble.
C cccc
75+ PIC
Quand oiî Te propole de guérir une
£lle attaquée du pica , il eft très-impor-
tnnt de s'attirer fa coii fiance , de lui faire
approuver & délirer le foin qu'on va
prendre de fà Mante : on peut réulïîr en
cela en la plaignant , en compatiflant à
fes peines , en fe prêtant à fes goûts , à
ji pallîon j on ne la défapprouve pas, on
fe garde bien d'en faire un crime Se de
la défendre j on aflure au contraire que
c'eft une maladie indépendante de la
volonté , qui n|P5ie peut être bien lorf-
qu'elle eft modérée; on le contente d'en
faire voir les inconvéniens, on infifte fur-
tout fur les atteintes que la beauté pour-
roit en recevoir. On touche rarement
cette corde fans fuccès ; il eft facile de
prouver combien cet appétit déréglé fait
du tort à un joli vifage, on a toujours
quelques exemples connus à citer; on
peut engager par-là les malades à fe mo-
dérer dans l^'ulàge de ces chofes abfurdes ,
à en diminuer tous les jours la quantité,
à faire quelques remèdes ; on promet une
prompte guerifon , le retour de la fanté ,
de la beauté & de l'embonpoint ; on
peut aulïi , en s'infnmant adroitement
cans Tefprit de ces jeunes de timides
malades , en flattant ainfi leurs defirs ,
s'inftruire de la caufe qui a déterminé la
maladie , & des corps qui en font Pobjet ;
chofès qu'elles s'obftincnt d'autant plus à
cacher qu'elles font plus ridicules, &C qu'il
eft ceper.danr très - important que le
médecin fâche. N eft-il pas bien naturel
qu'elles refufent d'avouer que leur appétit
les poite violemment à manger du cuir
pourri , par exemple , des matières fécales ?
& quand la caufe de cette maladie fe
trouve être une envie de fe marier , qu'il
leur eft défendu de faire paroîtrc & en-
core plus de fatisfaire; quelle peine ne
do:r-il pas leur en coûter pour rompre
le lilence ? Cependant de quelle utilité
ces fortes d'aveux ne font -ils pas pour
le médecin î Utilité au refte qui reflue
fur la malade. Lorfqu'on eft inftruit de
la caufe du mal , on y apporte le remède
convenable : dans l'exemple propofé , on
n'a point de fecours plus approprié que
le mariage; il remplit, en guériflant, ces
foi^ nrandes conditions iî difficiles à
P I c
réunir 5, cno , tuio & jucundh Voyez Ma-
riage. Lorfque la maladie eft l'effet d'une
fuppreftion ou d'un dérangement dans
l'excrétion menftruelle , il faut avoir re-
cours aux emmenagogues variés fuivanc
les cas. Voyei^ Règles , Suppression
( maladie de la ). Cependant on doit en-
gager la malade à ufer de mets fuc-
culeiis &c de facile digeftion ; l'eftomac
affoibli fe fortifie par les ftomachiques
amers , aloétiques ; on diftrait & on ré-
crée l'efprit trifte & rêveur par les pro-
menades, les parties de plailîrs, les com-
pagnies agréables , les fpectacles , la mu-
iîque , les concerts , ùc. Parmi les re-
mèdes intérieurs, il faut choilir ceux qui
font les plus appropriés à l'elpece de dé-
rangement d'eftomac qu'a occafioné l'abus
des alimens ou des corps qui étoienc
l'objet des délires mélancoliques; il faut
oppofer aux fpiritueux aromatiques , à
laikali cauftique, les légers apéritifs, dé-
layans , Ê'c. aux terreux invifquans , les
toniques, les martiaux, les fort apéritifs;
ôc a quelques maladies, comme les cbf-
tru6tions de vifceres 3 les pâles couleurs ,
y font furvenues , alors il faut diriger
& varier le traitement en conféquence.
K. Oestruction, Pales couleurs,
PIC ARA, {Géographie moderne.) pro-
vince de l'Amérique méridionale , au
nouveau royaume de Grenade. Elle eft
bornée par les grandes montagnes des
Audets , du côté de l'orient. { D. J.)
PICARDIE (la). Géographie mod,
province de France, bornée au nord par
le Hainault , l'Artois de la mer ; au midi
par l'iIe de France ; au levant par la
Champagne , & au couchant par la
Manche & la Normandie. Elle a qua-
rante-huit lieues du levant au couchant,
& trente- huit du midi au nord. Ses prin-
cipales rivières iont la Somme , l'Oyfe ^
la Cauche , la Scarpe , la Lys , & l'Aa.
Cette province eft abondante en blé &
autres grains.
On divife la Picardie en haute , moyenne
& baflè. La haute comprend le Ver-
mandois Se la Thiérache ; la moyenne ,
l'Amiénois èc le Santerre ; la baflè com-
prend le pa^'s reconquis , le Boulenois a
PI c
le Ponthieu &: le Vimeu. Les fabriques
& les manufaftures y occupent beaucoup
de monde : on y fait quantité de ferges ,
de camelots , d'étamines , de pannes &
de draps; il y a plufieurs verreries. On
voit dans la forêt de la Fere, au châ-
teau de Saint-Gobin , la manufii6ture des
glaces; d'où on les tranfporte à Paris pour
être polies.
Outre le gouvernement militaire de Pi-
cardie , qui comprend trois lieutenances
générales , il y a des gouverneurs parti-
culiers de villes ôc citadelles. Amiens eft
la capitale de la province.
Oji compte quatre évêchés dans le
gouvernement de Picardie , tel qu^il eft
aujourd''hui : Amiens ôc Boulogne font
fuffragans de Parchevêché de Rheims :
Arr.is & Saint-Omer en Artois, font fous
la métropole de Cambrai.
Le nom de Picardie n'eft pas ancien ,
ôc ne fe trouve en aucun monument
avant la fin du XIII^. fiecle, où Guil-
laume de Nangis a appelle ce pays Pi-
cardie. Matthieu Paris parlant de la fédi-
tion arrivée Pan 1129 à Paris, entre les
bourgeois &c les clercs ou écoliers de
Puniverfité , dit que les auteurs de ce
trouble furent ceux qui étoient voifins de
la Flandre , de qu'on nommoit communé-
ment Picards.
La Picardie ayant été conquife par
Claudion , tomba fous la domination des
rois Francs; ce prince établit à Amiens
{on fiege royah Mérouée lui fuccéda , ainli
que Childeric fon fils. Enfuite la Picardie
échut en partage à Clotaire fils de Clovis ,
& refta fous la domination des rois de
France, jufqu'à Louis le débonnaire , qui
y établit, en 825, des comtes qui de-
vinrent prefque fouverains.
Philippe - Augufte s'arrangea de cette
province avec Philippe d'Alfàce , comte
de Flandre. En 143 ç , Charles VII enga-
gea toutes les villes fituées fur la Somme
au duc de Bourgogne , pour quatre cents
mille écus. Louis XI les retira en 1463 ;
<k depuis ce temps -là , la Picardie n'a
plus été aliénée. {D. J.)
Cette province a vu naître Duquefne,
le vainqueur de Ruiter , amiral hollan-
dois ; la Motte - Houdancourt. , qui fe
diftîngua devant Turin; Charles Mouchy
d'Hocquincourt, qui força les lignes efpa-
gnoles devant Arras ; le chevalier de
Malte, Adolphe de Vignacourt , d'une
famille de héros; Jérôme Feuquicres; le
brave Salency, colonel de Normandie,
qui attaqua la phalange angloife à Fon-
tenoy ; le capitaine Turot , qui s'eft fignalc
dans la marine. Ce brave homme , more
en i7j'9, méritoit un meilleur fort. Il a
fait des prodiges avec trois petites frégates,
& a tenu en échec la flotte Angloife pen-
dant un an. Il a vécu Se il eft rsort en
héros. Les Anglois même le craignoient Se
Padmiroient. C'eft aflcz pour fa gloire j
mais ce n'en eft pas aftèz pour celle de
la France : il étoit l'efpérance de notre
marine.
Pierre Ramus , un des favans auxquels
les belles-lettres ont le plus d'obligation ,
fils d'un charbonnier , devint principal du
collège de Prcfle , & profefteur royal. C'ellt
le premier qui ait donné une grammaire
françoife. Sa première thefe , pour être
reçu maître -es- arts , fut la caufè de fes
difgraces. Tel en eft le fujet, qitaecumque
ab Arifotele diSa fint falfa ejfe & com^
mentitia. On fait quelle fut, en lyyi, la
fin malheureufe de ce favant qui avoit
fondé une chaire de mathématiques. On
prétend qu'il a le premier introduit Yv
Se Vj confonnes.
Pierre Galand , principal du collège de
Boncour , profeffeur royal , Se chanoine
de Notre - Dame , né à Rollot , près de
Mondidier. Sa rie du célèbre Pierre Du'
châteî , fon ami , écrite en beau latin , a
mérité l'éloge des favans.
Jacques Fernel, médecin Se mathéma-
ticien , né à Mondidier. Peu d'auteurs ont
reçu autant dMionneurs que lui dès fon
vivant. Il mourut en 1558 : on voit fbii
épitaphe à S. Jacques de la Boucherie.
Guy Patin, dont Fernel étoit le faint,
affuroit dans fes lettres qu'il tiendroit à
plus grande gloire d^être defcendu de cet
auteur , que d'être roi d'Ecofte. Il ajoute
qu*il a fait revivre l'art de la médecine.
Se que jamais prince ne fit autant de bien
au monde que lui. On peut voir la lifte
des ouvrages de Fernel , dans VhiJIoirt de
Mondidier y par le P. Daire , i7<^i.
C ccc c 2
75^ PIC
Le dode François Varable, né à Ga-
mâches.
Denis Lambin , par fes veilles , a dé-
friché les avenues du parnafïe grec ôc
latin : les preuves de Ton (avoir font con-
fignées dans Tes commentaires &c les ha-
rangues : il mourut en 1572, de douleur
de la perte de fbn ami Ramus, maflacré
à la boucherie de la S. Barthclemi.
Jacques Lefevre , d'Etaples , profefïeur
au collège du cardinal le Moine , penfà
être brûlé par le fougueux Noël Beda ,
fyndic de Sorbonne , pour avoir foutenu
qu'il y avoit trois Maries , félon le fen-
riment des pères Grecs. Il dut la vie à
Guillaume Petit , dominicain , confe fleur
<ie François 1 , homme fage & éclairé ,
qui ne confeilloit au roi que des adtes
'd'humanité. Guillaume Briçonet, évêque
de Meaux, qui aimoit les favans, Tartira
auprès de lui, avec Rouflel, Fatel ôc
Vatable.
Le grand RoufTel, dedcur, étoit aufli
Picard.
Les Sanfons, fameux géographes, étoient
d'Abbeviile. On peut remarquer que la
Picardie a produit de bons géographes ;
le père Philibert Briet , Pierre Duval , pa-
rent des Sanfons , &c leur compatriote ;
Jacques Robbe , né à Soiflbns ; Claude le
Câton , né à Mondidier.
Le favant qui fait le plus grand honneur
à cette province , eft André Duchêne.
Jacques Dubois ou Sylvius , médecin
êc profefleur au XVP. fiecle , étoit d'A-
miens : perfonne ne parloir mieux latin
■ que ce Picard.
Antoine Mouchi, reéleur de Tuniverfité
en 1539, inquifiteur contre les Huguenots
fous Henri II , ou plutôt l'efpion du car-
dinal de Lorraine. C'eft pour lui qu'on
inventa le fobriquet de mouchard, pour
déilgner un e(pion : fon nom feul devint
une injure.
L'immortel auteur à'Atalie, Jean Ra-
cine, eft né à la Ferté-Milon en Valois :
Jean Riolan , médecin ; Voiture , un des
beaux efprits du fiecle de Louis XIV j
Rohault le phyficien , étoient tous trois
d'Amiens. Laurent Bechel Se Loifel, ju-
rifconfultes ; l'abbé Dubos ; M. le Cat ;
le célèbre abbé NoUeti BcHiaventure Ra-
P I c
cîne , qui a donné en douze volumes un
excellent al>régé de l'hiftoire eccléfiaftique,
étoient Picards.
Jean Cholet, né à Nointel, profefleur
en droit & cardinal, mort en 1291 ,
établit le collège de fbn nom pour des
bourfiers théologiens de la nation de Pi-
cardie.
Jean le Moine, né à Crey, près d'Ab-
beville , également revêtu de la pourpre ,
fonda le collège de fon nom, dont il dreflà
les ftatuts , ainfi que ceux du collège de
Cholet.
André le Moine,, fon frère, fonda, en
1 3 1 1 , en faveur des écoliers d'Amiens 5c
de Noyon , huit bourfes de théologie.
Guillaume Durant! , de Beauvais , afligna la
dixième partie de fes bénéfices aux pauvres
écoliers.
Le collège de Laon doit une partie de
fa fondation à Guy , doyen de Laon. Le
fécond fondateur fut , en 1 3 1 3 , Raoul
de Prefle, clerc du roi Philippe- le-Bel ,
mort en 1 3 3 1 , d'où le collège a pris le
nom de Prefle, bourg du Soiflbnnois.
Celui de Beauvais doit fon origine à
J. de Dormans , évêque de ' Beauvais ,
cardinal , chancelier de France , qui , en
1 370 fonda les bourfiers qui dévoient
être de la paroifle de Dormans , ou des
villages du diocefe de Soiflbns , Se leur
afTigna 4 fous parifis par femaine. Son
neveu Se fon fuccefïcur , Milles de Dor-
mans , acheva la chapelle d^édiée en 1 382 ,
Se infîitua quatre chapelains. Il y a eu un
chancelier de France du même nom.
Jean Nolin , procureur de ce collège ,
augmenta, en 1501, les fondations de
deux bourfiers Se d'un chapelain , qui
dévoient être de la ville de Compiegne.
C'efl: le collège qui a eu tant de réputa-
tion fous les excellens principaux Rollin
Se Cofîin.
Le cardinal Pierre d'Ailly a fondé une
chaire au collège de Navarre. L'argent
qu'il a lailTé pour acheter des livres , Sc
le logement des théologiens qu'il a fait
conftruire , l'ont fait regarder comme le
fécond fondateur. Il naquit à Compiegne
en 1350, profclfa la théologie à Navarre
en 1386,011 il eut pour difciples Gerfon ,
Clémengis i Gilles Defciiamps, Ôc mourut
PIC
en 142.J'. Il a été nommé Vaigle des doc-
teurs & le fléau des héréjîes. C'eft lui qui
fit établir, par Bonifacc IX, un théologal
dans toutes les égliies épifcopales.
N'oublions pas Adrien Baillet , favant
& judicieux critique , qui a purgé les
vies des faints du merveilleux hc du fa-
buleux. *
Claude Caperonier , né à Mondidier ,
profefleur en langue greque au collège
royal.
D. Luc d'Achery, favant bénédidtin.
Le poëte Vadé, né à Ham, mort en
1757.
Antoine de la Place, né à Calais.
François Mafclef , auteur d'une gram-
maire hébraïque , étoit d'Amiens. ( C)
■ Picardie ( canal de ). Lettre de M.
de Voltaire fur le canal de Picardie , conf-
truit par M. Laurent. " Je favois , mon-
fîeur , il y a long-temps , que vous aviez
fait des prodiges de méchanique ; mais
j'avoue que j'ignorois, dans ma chaumière
& dans mes déferts, que vous travail-
laiTiez aduellemènt 9 par ordre du roi ,
aux canaux qui vont enrichir la Flandre
& la Picardie. Je remercie la nature qui
nous épargne les neiges cette année : je
fuis aveugle quand la neige couvre nos
montagnes ; je n'aurois pu voir les plans
que vous avez bien voulu m'envoyer : j^en
fuis aufïi furpris que reconnoi fiant. Votre
canal fouterrain fur - tout eft un chef-
d'œuvre inoui. Boileau difoit à Louis
XIV , dans le beau fîecle du goût :
P entends déjà frémir les deux mers étonnées ,
De fe voir réunir au pié des Pyrénées.
Lorfque fon fuccefîèur aura fait exécuter
tous fes projets, les mers ne s'étonneront
plus de rien; elles feront très-accoutumées
aux prodiges.
Je trouve qu'on fe faifoit un peu trop
valoir dans le fîecle pafle , quoiqu'avea
juftice, ôc qu'on ne fe fait peut-être pas
allez valoir dans celui-ci. Je connois le
poëme de l'empereur de la Chine , & j'igno-
rois les canaux navigables de Louis XV.
Vous avez raifon de me dire, monfieur,
que je m'intérclTe à tous les arts ôc aux
objets du commerce»;
PI c
757
Tous les goûts à la fois font entrés dans mon
ame.
Quoiqu'odlogénaire , j*ai établi des fa-
briques dans- ma folitude fauvage. J'ai
d'excellens artiftes qui ont envoyé de leurs
ouvrages en RuiTie & en Turquie ; & iî
j'étois plus jeune , je ne défefpérerois pas
de fournir la cour de Pékin du fond de
mon hameau SuilTe.
Vive la mémoire du grand Colbert ,
qui fit naître l'induftrie en France,
Et priva nos voifins de ces tributs utiles ,
Que payoit à leur art le luxe de^nos villes.
Reniflons cet homme qui donna tant
d'encouragemens au vrai génie, fans af-
foiblir les fentimens qoe nous devons au
duc de Sully , qui commença le canal de
Eriare , & qui aima plus l'agriculture que
les étoffes de foie. Illa debuit facere & if a
non omittere.
Je défriche depuis long-temps une terre
ingrate : les hommes quelquefois le font
encore plus; mais vous n'avez point fait
un ingrat , en m'envoyant le plan de l'ou-
vrage le plus utile.
J'ai l'honneur , fiv. ».
M. de la Condamine, qui, étant à S.
Quentin en feptembre 1775, montra au
duc de Cumberland le canal , que ce prince
trouva un ouvrage admirable &c digne des
Romains, fit ce quatrin :
L'homme , depuis Noé , s'ajfervijfant les mers^
Avoitfu rapprocher les bouts de Vunivers.
'Neptune étoit foumi s; Plut on devienttraitable.
A la voix de Laurent la terre efî navigable.
Cet excellent ingénieur, qui étoit chargé
du ^anal de Bourgogne , projeté depuis
Henri IV, vient d^'être enlevé à la France
& aux arts, par une mort prématurée ,"
en odtobre 1773 '• il étoit Flamand. (C)
PICARDS, {Hifî. eccléf) nom d'une
feéte qui s'établit en Bohême au commen-
cement du XV^. fiecle , & qui y fut cruel-
lement perfécutée. Elle eut pour chef un
prêtre qui s'appelloit Jean , & qu'on iwmma
75^ PIC
Picard , parce qu'il écoit de Picardie ;
d'autres l'ont nommé Martin, ôc d'autres
Zoquis.
L'article que Bayle a donné de la fede
des Picards ne lui fait pas honneur , &
on ne peut aflez s'étonner que ce génie fi
fin dans la critique des hiRoriens de la
Grèce &: de Rome, fe foit plu à adopter
les contes ridicules qu il avoir lus fur les
malheureux Picards. Ajoutez que fon ar-
ticle eft kc ôc entièrement tiré de Varillas,
hardi conteur de fables , qui a ici copié
celles d'Enée Sylvius , lequel déclare avoir
rapporté ce que d'autres ont dit , êc avoir
écrit bien des chofcs qu'on ne croyoit
point} c'eft fon propre aveu : aliorum ,
dit- il, dicla reccnfeo» & plura fcribo quàm
credo.
Lafitius rapporte que le prétendu Picard
arriva en Bohême en 141 § , du temps
de Wenceflas , furnommé le fainéant ôc
l'ivrogne ; qu'il vint accompagné d'en-
viron quarante autres , fans compter les
femmes ôc les enfansj que ces gens -là
difoic^nt qu'on les avoir chp.fTés de leur
pays à caufe de l'évangile. Le jéfuite Bal-
binus , dans fon épitomt rerum Bohemi-
carum ^ liv. II, dit la même chofe , ôc
n'impute aux Picards aucun des crimes ,
ni aucune des extravagances qu'Enée Syl-
vius leur attribue.
Jean Schledat, fecretaire de Ladiflas,
roi de Bohême , rendant compte à Erafme
des diverfes fedes qui partageoient la pa-
trie j entre dans de plus grands détails
fur celle des Picards. Ces gens-là, dit-il,
ne parlent du pape , des cardinaux & des
évêques, que comme de vrais antéchriftsj
ils ne croient rien ou fort peu des fàcre-
mens de l'églife. Ils prétendent qu'il n'y a
rien de divin dans le facrement de PEu-
chariftie , affirmant qu'ils n'y trouvent que
le pain ôc le vin confacrés, qui repréfen-
tent la mort de Jefus-Chrift; & ils fou-
tiennent qtte ceux qui adorent le facrement
font des idolâtres, ce facrement n'ayant
été inftitué que pour faire la commémora-
tion de la mort du Sauveur , ôc non pour
être porté de côté Ôc d'autre ; parce que
Jefus-Chrift qui eft celui qu'il faut honorer
du culte de latrie , eft afïîs à la droite de
Dieu le père. Ils traitent d'ineptie les
p r c
fuffrages des faints Se les prières pour les
morts , aulTî-bien que la confefTion auri-
culaire , Ôc h pénitence impoiée par les
prêtres. Ils difent enfin , que les vigiles ôc
les jeûnes font le fard de l'hypocrifie ;
que les fêtes de la vierge Marie , des apô-
tres ôc des autres faints, font des inven-
tions de gens oififs. Ils célèbrent pourtant
les dimanches ôc les fêtes de Noël ôc de
la Pentecôte. EpiJI. Erafm, liv. XIV. Ce
récit de Schledat nous apprend manifef^
tement que les Picards n'étoient autres que
des Vaudois , ôc M. de Beaufobre a dé-
montré cette identité dans fon hiftoire de
la guerre des Hulïites. Vous en trouverez
l'extrait dans le didionnaire de M. de
Chaufepié , qui a fait un excellent article
des Picards. Voici en peu de mots le
précis de ce qui les concerne.
Les Vaudois étoient en Bohême dès l'an
1178; des difciplcs de Valdo s'y réfugièrent
ôc furent fort bien reçus à Zatée ôc à Lau-
nitz , deux villes voifines fituées fur la
rivière d'Egne , ôc afièz proche des fron-
tières de Mifnie , par où les Vaudois
entrèrent vraifemblablement en Bohême;
une partie du peuple fuivoit alors le rit
grec, pendant que la noblefle ôc les grands
qui avoient commerce avec les Allemands
leurs voifins , ôc qui fe conforment ordi-
nairement à la cour , fuivoient pour la
plupart le rit latin ; mais ce rit ayant été
introduit par force , n'en étoit que plus
défagréable au peuple. Les Vaudois ayant
trouvé de l'humanité ôc de l'accueil dans
les habitans de ces deux villes , leur firent
connoître les fuperftitions que le temps
avoir introduites dans la religion chré-
tienne , ôc les affermirent dans l'averfion
qu'ils avoient déjà pour l'églife romaine.
Ces peuples conferverent l'exercice pu-
blic du rit grec , jufques vers le milieu da
XV*. fiecle, que l'empereur Charles IV ÔC
l'archevêquQ Eri-teft l'interdirent à la fol-
licitation des papes & à la pourfuite des
moines. Le rit latin ayant été établi par-
tout , les peuples s'aflemblerent dans les
bois, dans les folitudes & dans les châteaux
de quelques gentilshommes qui les proté-
geoient ; mais quand les troubles s'élevèrent
en Bohême , ôc que la nation leva l'éten-
dard contre le pape, ces Picards, ces
PIC PIC 755>
Vaudois cachés , commencèrent à (e mon- ■ mois, les fîticrer tous deux dans un tonneau
trer i il s'en mêla quelques-uns parmi les
Taborites; d'autres qui fe virent en aflez
grand nombre dans une île que forme la
nviere de Launiiz , aflèz près de Neuhaus ,
dans le dilhict de Eechin , prirent les
armes & furent défaits par Ziska.
On peut réduire à trois chefs , les preu-
ves qui juftinent que ces Picards étoient
Vaudois ; i°. le principal prêtre qu'on leur
donne; 2°.. les dogmes qu'on leur attri-
bue; 3°. les crimes, les folies, ôc les
hércties qu'on leur impute : tout quadre
avec les Vaudois.
I. Théobalde dit que leur principal prê-
tre s'appelloit Martin de Moravet. Laurens
de Byzin , chancelier de la nouvelle Pra-
gue , fous Wenceilas, quia écrit un journal
de la guerre des Huffites , diarium de
bello hL'jJltico , raconte qu'au commence-
ment de 1410, quelques ptêtres Taborites
débitèrent de nouvelles explications des
prophéties , & annoncèrent un avènement
grojluin du fîls de Dieu pour détruire
ies ennemis , & purifier l'églife. " Le
'> principal auteur de cette dodrine , dit
» Laurens de Eyzin , étoit un jeune prêtre
»> de Moravie , fort bel efprit Se d'une
» prodigieufe mémoire ; il fe nommoit
" Martin , de fat furnommé Loquis ,
" parce qu'il prêchoit avec une hardiefle
" étonnante fes propres penfées , Ik. non
" celles des faints dodeurs. Ses principaux
yy aiîociés furent Jean Oilczin, lebacheHer
» Markold , le fimeux Coranda , Ôc autres
" prêtres Taborites ». Martin de,Morave:
ou de Moravie, furnommé Loquis^ le prin-
cipal prêtre des Picards, eft donc un prêtre
Taborire, un collègue du fimeux VVencei-
las Coranda , qui ht tant de bruit dans ce
parti , & qui avant &: depuis la m.ort de
Ziska , futUa têtedes affaires. Delà il s'en-
fuit qu'au fond les Picards font des Tabori-
tes , & que les accufations d'inceftes & de
nudités qui leur ont été intentées, font de
pures calomnies, puifque tour le monde
convient que les Taborites n'enfuient jamais
coupables.
Martin de Moravie fut pris avec un
autre prêtre , & envoyé à Conrad , ar-
chevêque de Prague , qui , après les avoir
de poix ardente. Quel étoit leur crime?
c'étoit d^ivoir foutenu jufqu'à la mort , ô^
fans avoir jamais voulu fe retraiter , que le
corps de Jefus-Chrift n'cft qu'au Ciel , Se
qu'il ne faut point le mettre à genoux de-
vant la créature, c'eft-à-dire , devantle pain
de Peuchariftie. Voilà un prêtre Picard, qui
a tout l'air Vaudois.
II. Les dogmes des Picards & des Vau-
dois , font les mêmes; nous l'avons déjà vu
par le détail que Schleélat fait des opinions
des Picards de Bohême. Ils foutenoienc
qu'il ne fliut point adorer l'euchariftie ,
parce que le corps de Jefus-Chrift n'y eft
point , le Seigneur ayant été élevé au Ciel
en corps & en ame ; que le pain & le vin
de Peuchariftie demeurent toujours du pain
& du vin , 6'c. Ce font-là des doctrines
vaudoiies & purement vaudoifes.
Les accufations mêmes font des ufages
vaudois déguifés en dogmes ; par exemple,
les Vaudois ne reconnoiflbient point de
fainteté attachée aux autels , & n'en fai-
foient point une condition du lervice divin.
Si cela eft, difoient leurs adveriaires , vous
feriez donc dans les temples ce que .les
maris & les femmes font dans leurs mai-
ions î La conféquencc fut transformée en
dogme. Les Picards , dit-on . ont com-
merce avec leurs femmes dans les lieux
facrés; ce font donc des miférablcs qu'il
faut exterminer.
Les prêtres Vaudois étoient mariés , &
ils fburenoient que leurs mariages étoient
légitimes. Quoi ! difoient leurs ennemis ,
un prêtre fortant du lit de fà femme ap-
prochera des autels ? Autre conféquence
convertie en dogme.
Les Vaudois n'adoroient point le facre-
mcnr, & ne fléchiflbicnt point le genou
dans les églifes à la vue du pain facré.
Autre conféquence : il n'eft pas ncceilaire
d'adorer Dieu.
Ajoutez à cela les autres dogmes attri-
bués aux Picards par Schledat. Ils n'in-
voquoient point les faints ; ils ne prioient
point pour les morts ; ils n'admettoient
point la confefïion auriculaire , f-'c Si ce
ne font pas là des Vaudois , ce font des
gens qui leur refiemblent parfiitementj
gardés dans un cachot pendant pluiieursl & qui peuvent bien leur être aftcciés.
7^o PIC
III. Les crimes , les folies ôc les héréfies
qu'on leur attribue, perfuadent encore que
les pauvres Picards , exterminés en Bohême,
étoient de véritables Vaudois i c'eft ce dont
on trouvera les preuves détaillées dans l'ou-
vrage de M. de Beaufobre : nous y ren-
voyons le leéfceur.
Nous remarquerons feulement que la
nudité qu'on leur impute eft une pure
fliufleté, & que les Picards n'ont jamais
été adamiftes. On n'apporte que deux preu-
ves dans l'hiftoire , de la nudité picarde : la
première eft le témoignage du prêtre Tabo-
rite , de du dodeur Gitzinus ; ils n'accufent
pourtant pas les Pic'ards d'une nudité prati-
que , mais feulement d''enfeigner que les
habits n'étoient point néceflaires , & que fi
ce n'étoit le froid , on pourroitauffi-bien
nllernuque vêtu. Ce n'eft donc, fur ces
deux témoins , qu'une erreur fpéculative
qui ne conclut rien pour la pratique, encore
moiiîs pour ces ridicules opinions , que la
nudité eft un privilège de la liberté ou de
l'innocence.
La féconde preuve qu'on donne de la
nudité des Picards , eft: tirée de ce qu'on
fît le rapporta Ziska que ceux qui s'étoient
fortifiés dans une ile y alloient tout nus ,
de commettoient fans honte toutes fortes
d'infamies : cette preuve n'eft qu'un conte
abfurdc , qu'on inventa contre des malheu-
reux qu'on vouloit facrifier ; & ce qui ré-
fute pleinement la faufteté de ce bruit ,
c'eft qu'entre tant de Picards que Ziska
faifir dans celte ile, & qu'il fit périr,
on ne voit pas dans l'hiftoire qu'un feul
aie été trouvé nu. De plus, comment fe
perfuader que la noblefte de Moravie ,
qui protégeoit les Picards de fon pays ,
ait pu fourenir des fanatiques qui donnoient
dans l'excès ridicule de fe faire une reli-
gion de la nudité ? Enfin , comment ima-
giner que d'infâmes voluptueux foufFrent
conftamment les plus cruels fupplices, &
qu'ils embmflent volontairement une mort
cruelle qui les va priver de tous les plai-
lîrs après lefquels ils couroient ? Ajoutez
à toutes ces preuves le témoignage du
jéfuire Balbinus, qui ne doit pas être fuf-
peélé de 'favorifer ces hérétiques ; &
néanmoins il convient que c'eft à tort
.(ju'on a accufé les Picards à cet égard ,
P I c
& il reproche à Théobalde d'avoir donné
mal-à-propos aux adamites le nom de
Picards. Balbin. Epitom. rer. Bohem.
lib. IVy piig. 44^. Voici ce que les
théologiens catholiques les plus modérés
pen'ent des Picards : ils difent que ce
fut une feéte d'hérétiques qui s'élevèrent
en Bohême dans le XV^ fiecle , & qui
prirent ce nom de leur chef appelle Pi-
card, natif des Pays-bas.
Qiie ce fanatique fe fit fuivre d'un afTèz
grand nombre d'hommes & de femmes,
qu'il prétendoit , difoit-il, rétablir dans
le premier état d'innocence où Adam avoic
été créé j c'eft pourquoi il prenoit aulîi le
titre de nouvel Adam.
Que fous ce prétexte il établit comme un
dogme parmi fes fecftateurs, la'iouiflance
des femmes, ajoutant que la liberté des
enfans de Dieu conliftoit dans cet ufage,
& que tous ceux qui n "étoient pas de leur
fe<5le étoient efclaves. Mais quoiqu'il auto-
risât la communauté des femmes, fes di(-
ciples ne pou voient cependant en jouir fans
fa permiffion , qu'il accordoit aifément ,
en difant à celui qui lui préfentoit une
femme avec laquelle il défiroit avoir com-
merce : Va , fais croître , multiplie &
remplis la terre. Il perm.ettoit auflî à cette
populace ignorante d'aller toute nue , imi-
tant en ce point , comme en l'autre , les
anciens Adamites. Fbje^ Adamites.
Les Picards avoient établi leur réfidencc
dans une île de, la rivière de Lanfnecz , à
quatorze lieues de Thabor , place forte , où
Ziska, général des Hullîtcs, avoit fon
quartier principal. Ce guerrier inftruit des
abominations des Picards , marcha con-
tre eux , s'empara de leur île , & les fit tous
périr par le fer ou par le feu , à l'exception
de deux qu'il épargna , pour s'inftruire de
leur dodrine. Dubrav. liv. VI. Sponde ad
ann. chr. Z^fZO.
PICAREL , f. m. imarisy \Hifi. nat.
lâhyol. ) poiftbn de mer. On lui a donné
à Antibes le nom de garon , & en Lan-
guedoc celui de picarel , parce qu'il pique
la langue lorfqu'il eft dcfleché & falé. C'eft
une efpece de mendole qui eft toujours
blanche.; cependant il eft plus étroit &
plus court que la mendole , car il n'a que la
longueur du doigt. Le mufeau eft pointu ;
-il
P I c
îl y a de chaque côte fur le milieu 6u corps
une tache noire & des traits argentés St
dorés , mais peu apparens , qui s'étendent
depuis la tête jufqu'à la queue j an relie
il reiTemble à la mendole parles nageoires ,
les aiguillons , la queue , &c. Rondelet ,
hijioire des poijfons j liv. V^ chapitre xiv.
Voyei Mendole , poiffbn.
^ PICATAPHORE , fubft. m. ( Ajîrolog.
judic. ) Les artrologues appellent ainfi la
huitième maifon célefle , par laquelle ils
font des prédictions touchant la mort & les
héritages àes hommes. On la nomme encore
porte fupérieure , lieu pareffeux , maifon de
mort & des héritages. Ranzovius , dans fbn
tracîat. ajirolog. part. Il , a traité toutes ces
ladaifès ridicules. {D. J.)
PICAVERET , voyei LiNOTE.
PICCA-FLOR , f. m. {Hifloire nat.
Crnithol. ) c'eft le nom que les Efpagnols
donnent au colibri ou à roifeau-mouche , à
caufe qu'il ne vit que du fuc àes fleurs. Son
article efl: fiiit au mot Colibri.
Rien ^n'égale la beauté du plumage de
ces charmans oiieaux \, ils font leurs nids avec
tout l'art & \es précautions poflibles j cepen-
dant ils n'en font que trop fouvent chaflbs
par de groiles & cruelles araignées , qui y
viennent pour fucer les œufs ou le fang des
pauvres petits colibris.
Prefque tous les auteurs alTurent que cet
oifeau n'habite que les pays chauds ^ mais
M. de la Condamine déclare qu'il n'en a
vu nulle part en plus grande quantité que
dans les jardins de Quito , dont le climat
tempéré approche plus du froid que de la
grande chaleur. Mém. de tacad. des fcknc.
PICEA ABIES ,^ ( Jardinage. ) eft une
efpece de fapin vulgairement appelle épicia ,
& femblable à l'if pour le bois & la feuille,
qui ne tombe point \ il s'élève plus haut ,
fans être ni fi garni , ni fi beau. Le picea
produit de la graine qui le perpétue. On le
place ordinairement dans les parcs entre
les arbres ifolés des allées doubles , ou dans
les bofquets verds.
PICELLO , {Géogr. mod.) ville ou bourg
de l'Anatolie fur la mer Noire, entre Pen-
derachi & Samaftro. C'eft l'ancienne Pfyl-
lium de Ptolomée. \
Tome XXr,
PIC 7î^f
» PTCENTIA, (Gécgraph. anc.) ville
d'Italie , capitale des Picentins. Cette ville
étoit dans les terres. Les habitans furent
chafies de leur ville , pour avoir pris le parti
d'Annibaî. Léander & Mazella difent qu'on
la nomme préfentement Vicentia. i. Il y
avoit une autre ville d'Italie du nom de
Picentia ^ elle étoit dans le Latium, feloa
Denis d'Halicaniaflè , lib. V,
PICENTINORUM tENS , PICEN-
' TINI & PICENTES , ( Geogr. anc. )
peuples d'Italie. Ils habitoient fur la côte-
de la mer de Toicane , depuis le promon-
toire de Minerve , qui les féparoit de la
Campa'nie , jufqu'au fleuve Silarus , qui
étoit la borne entre les Picentins & les
Lucaniens. Dans les terres ils s'étendoient
jufqu'aux limites des Samnites & des Har-
pini , limites qui nous font néanmoins ab-
lolument inconnue?.
PICENUM , ( Géogr. anc. ) contrée-
d'Italie à l'orient de l'Umbrie , & connue
aufiî /bus le nom à'ager Picenus. Les habi-
tans de cette contrée étoient appelles P/'c^/z-
tes ; ils étoient différens des Picentini , qui
habitoient fur la côte de la mer inférieure.
Ce peuple étoit fi nombreux , que Pline ,
lib. III , cap. xviij , fait monter à trois
cents foixante mille le nombre des Picentes
qui fe fournirent aux Romains. Les bornes
du Picenum proprement dit , s'étendoient
le long de la côte , depuis le fleuve (Efus
jufqu'au pays des Prœtutiani. Dans un fens
plus étendu , le Picenum comprenoit le
pays des Prœtutiani & le territoire de la
\i\\e Adria.
J'ai dit que les Picentins , Picentini ,
habitoient fur la côte de la mer inférieure ^
j'ajoute ici que ce peuple étoit une colonie
de Sabins , qui étant fortis de Picenum^
aujourd'iîui la Marche d'Ancone , s'empa-
rèrent d'une partie de la Campanie. Ils
pofiédoieiît le canton de terre où eft à pré-
fent la partie occidentale du Principat mé-
ridional , entre le cap Campanella & le
fleuve Sélo. On croit que Salerne étoit la
capitale de ces peuples. ( D. J. )
PICHA-xMAL , {Uijl. nat. Botan.) fleur
qui fè cultive dans l'île de Ceylan j elle efl
blanche & a l'odeur du jafmin : on en
apporte tous les matins un bouquet au roi
du pays , enveloppé dans un linge blanc j &
Ddddd
7^2 PIC P i C
fufpeudu à un bâton. Ceux qui rencontrent foie. II contient fbixante-fîx catis & trois
ce bouquet , fe détournent par refpetft. Ily a
àcs officiers qui tieiuient des terres du roi
pour y planter de ces fleurs ^ ils ont le droit
de s'emparer de tous les endroits où ils peu-
iènt qu'elles croîtront le mieux.
PICHET, PICHER, PICHE , f. m.
( Marchands de vin. ) petite cruche de terre
à bec , qui leur ^rt à tirer du via d'une
pièce pour en remplir d'autres.
PICHINCHA , ( Géogr. mod. ) monta-
g!îe de rAmérique méridionale , dans
l'audience de Quito , & au pié de laquelle
eft bâtie la ville de Quito. C'eft une pointe
de la Cordelière , & flir laquelle il y a un
volcan, aind que fur la plupart des autres:
celle-ci a 2434 toifes au delfus de la mer.
MM. de la Condatnine oc Bouguer , dans
leur voyage du Pérou , paflerent trois
femaines fur le fominet de Pichincha.
C D. J, )
PICICITLI , f m. (Hijf. nat. Ornith.)
iîetit oifeau de palfage des Indes occiden-
tales e^agnoîes , qui ne paroît au Mexi-
que qu'après la faifcu des pluies. Tout fon
pennage eft gris , excepté la tête & le cou ,
qui font noirs. Nieremberg eft le feul auteur
qui en ait donné la defcription. {D. J.)
PICINCE, {Géogr. anc.) lieu d'Italie
entre Rome & Noie. C'eft l'endroit où
Sylla reçut la féconde ambalfade du
fénat , qui le prioit de ne pas marcher
à main armée contre la ville de Rome.
PICNOSTYLE , oz^ PICNOSTYLLE,
r. m. ( Architeci.) c'eft le moindre entre-
colonne de Vitruve , qui eft d'un diamètre
& demi , ou de trois modules , du grec
'TTiyj.'oi ^Jirré y ^ s-uKa adonne.
PICO , ( Géogr. mod. ) îles de l'Océan ,
l'une des Açcres ,33 lieues fid-eft de
Traial > à 4 fud-oueft de Saint-Georges,
& à 12 fud-oucft quart à l'oueft de Tercere.
Cette île a environ 1 5 lieues de circuit ,
& eft expofée à des volcans ^ elle produit de
meilleurs vins que toutes les autres Açores.
Son nom lui vient d'une haute montagne
qui y eft , & qu'on appelle le Pie ou Pic
des Acores. Long, fjlcn Delifle , l^ç). zi.
lat. 38. 35. (D. J.)
P 1 C O L , f. m. ( Commerce. ) poids
(tet Ott S& fert à la Chiue pour pefer la
quarts de catis j eu lorte que trois pi-
cols font autant que le bahar de Nla-
laca , c'eft- à-dire , deux cents catis. Voye^^
Bahar.
Picol eft aufti un poids en ufage en divers
lieux du continent & des îles des Indes
occidentales ^ il pefe environ vingt livres
poids de Hollande. Diction, de commerce.
PICOLETS , f. m. pi. ( Serrurerie. ) les
ferruriers appellent de la forte deux petites
pièces de fer rivées au côté de chaque pou-
pée de leur tour , à travers lefquelles paf-
fent les bras qui foutiennent le fupport^ les
picolets font aufii de petits crampons qui
foutiennent le pêne dans la ferrure , on
plutôt qui en conduifent la queue. Il y en a
de deux fortes , le pjcolet à patte &: le
picolet à rivure. Le premier fe tire d'une
pièce de fer battue mince , & large de lix
lignes \ on plie le pié fur un mandrin fait
de la hauteur & largeur de la queue du pêne j
on le plie en dehors , ce qui forme la patte
qu'on perce d'un trou où pafîera la vis qui
doit le fixer fur le palaftre. Au bout du pié
011 il n'y a point de patte , on pratique un
tenon qui entre dans une petite entaille
qu'on a foin de pratiquer au palaftre. Cette
forte de picolet ne fe rive point , & on le
démonte à volonté.
Le picolet qui fe rive fur le palaftre fe fait
comme le précédent, excepté qu'il n'a point
de patte à un de its pies , mais deux tenons
pour le river {\\x le palaftre.
PICOLI , f m. C Monnaie. ) m.onnoie
de compte dont on fe fert en Sicile, parti-
culièrement à Mefline & à Palerme , pour
les changes & pour tenir les livres, foit en
parties doubles , fbit en parties fimples 5
huit picolis valent un. ponti , & fix picolis
iowt le grain. On compte par onces, tarins^
grains & picolis , qu'on fomme par 30 ,
par 20 & par'6 \ l'once valant 30 tarins y,
le tarin 20 grains , & le grain 6 picolis^
Dictionn. de Commerce.
PICOLLUS, f. m. (MythoL des Ger^
mains. > divinité des anciens habitans de
la Prufle , qui lui confacroient la tête d'ua
homme mort , brûloient du fuif en Thon-
neur de ce dieu , & lui oiTroient des fa-
crifices fanglnns , pour n'eu être pas toux^
mentes. ( Z>. Ai
PIC
PICORÉE , f. f. ( An milh. ) eft l'cf-
pece de petite guerre que fait le foldat lor{^
qu'il fort du camp pour piller ou marauder.
Voyei Pillage 6^ Maraude.
Suivant la Noue , hpicçree prit iiaifFance
dans les guerr-es civiles ou de religion fous
Charles IX. D'abord les troupes avoicnt
obfervé beaucoup de difcipline 5 mais elles
fe portèrent bientôt aux plus grands déCor-
tires : chacun fe compc-rtoit , dit ce mili-
taire célèbre , comme s'il y avoit eu un prix
de propofe à celui qui feroit le plus de mal ;
d'où s'enfuivit , dit - il , /a procréation de
inademoifdU la picorée , qui depuis efl fi
bien accrue en dignité ^ quon t appelle main-
tenant madame. Cependant l'afr.iral Co-
ligni ne négligeoit rien pour miaintenir la
difcipline *, mais malgré les exemples de
févérité dont il ufoit pour réprimer ce
défbrdre , comme tout le monde y prenoit
part, k nobleiîe ainfi que le lîmpîe foldat ,
il ne lui ftit pas pofllble d'y remédier entiè-
rement, [q)
PICO r , f m. terme de bûcheron ;y^z\\X.z.
pointe qui refte du bois taillis coupé fur
terre , t>j: qui blefie vivement les pies ,
quand on m^arche deffus ï\xw% y prendre
garde.
Picot f. m. [Injîrument de carrier.) ce
que les carriers nomment un picot ^ cil une
éfpece de marteau pointu , qui n'a qu'un
coté j il porte environ huit pouces de lon-
gueur, &: un pouce en quarré à l'endroit
où il eft emmanché. Son manche n'a pas
moins de cinq pies de long j c'ell un des
outils qui fervent à foule ver la pierre.
Picot, f. m. ( Pajementcrie.) c'eft la
partie qui conftitue le bas d'une dentelle ou
palîbînent, & qui règne d'un bout à l'autre,
où elle forme une jîetite engrclure ^ il y a
de l'apparence qu'on lui a donné ce nom
à caufe qu'elle fe termnie en petites pointes
placées les unes contre les autres ; en ellime
fort les dentelles dont le picot eft bien tra-
vaillé & bien ferré , parce qu'elles durent
plus que les autres. ( D. /. )
Picot , f. m. ( PécAe. ) c'eil une fjrtc
de filets qui tire fon nom de l'opération que
font les pêcheurs en piquant les fonds voiims
du lieu où ils ont tendu leurs filets. La gran-
deur de la maille fk la quantité du plomb
dont ils doivent être chargés par le bas ,
PIC j6s
font prefcnts par l'ordonnance, AV. y
tir. 2 , art. 8.
^ La pêche des picots commence à la En
d'avril, & fe continue jufqu'au mois de
novembre. Pour faire cette pêche , les pê-
cheurs viennent dans leurs bateaux établir
leur filet d'che & de baiîe eau fur des fonds
qui ont encore quelquefois cinq à fix braffes
d'eau. Le filet a 40 à 50 bralfes de long ,
& 2 à 3 de chute. Le bout forain qui eft
le premier que l'on jette à la mer , eft
frappé fur une ancre. Ils tendent le filet un
peu en demi - cercle & en travers de la
inarée. L'autre bout du filet eft frappé- fur
une grolfe pierre ou cabiiere , qu'ils nom- '
ment étalon , & fur laquelle eft frappée une
bouée pour la reconnoître.
^ Quand ils font ainfi établis , les pêcheurs
s'éloignent un efpace confidérable de leurs
filetf . Après s'en être éloignés fuffifam.mcnt ,
lis reviennent en piquant h f )nd, pour faire
faillir le })cifibn & le faire donner ;:laus le
filet qu'ils relèvent enfflite , £4 recomunen-
eent la même opération phifieurs fois • ce
qu'ils appellent trajets , tant que dure l'ebe.
S'ils n'ont rien péché, ils Continuent de
flot en faifant la même mr.nœuvrc ■ Se
quand ils ne fe feirent pas de perches pour
piquer le fond , ils Ont une groffe pierre cm
cabîicrc percée , du poids de 60 à 80 livres,
a-narréc à un cordage -, ils la lailTent tombef
au fond de l'eau pour épouvanter le poifibii
plat , & le faire faillir hors du fable & fe
jeter dans le filet ; ce qui leur réufiît, fur-
tout Cl hs picots font tendus fur des fonds
durs & de roche , où il fe trouve encore
un peu de fable dans lequel le poiiTon plat
fe puille enfouir.
On prend principiiîement avec ce filet ,
des poiifons pîats , comme turbots , barbues ,
folles (k des fiers, que pour cette raifoii
les^pêcheurs nom.m^nt des picots francs.
, ^^'^OTE , f. f. {Lainage. ) ou gucufe ,
etofietoutede laine d'un tiès-bas prix ^ c'eft
une efpece de petit camelot. Cette forte
d'étolTe fe fabrique à Lille en Flandre . où
il s'en fait de pîufieurs longueurs & qualités.
Elle eft à-peii-prcs femblable aux la«:pa-
rilîas & polimites, mais non pas de Ci
bonne qualité. Sa deftination la plus ordi-
naire eft pour l'Elpagne , car pour en
France il ne s'y en confomme prcfque pas»
D d d d d 2
7^4 P I '^
il y a auflî des picotes qui font mêlées de
foie. Savary.
PICOTEMENT, f. m. (Médec.)e^
une propriété des corps angulaires & aigus , |
par laquelle ils picotent & caufont des vibra-
tions & les infle-sions des fibres des nerfs ,
& une grande dérivation du fluide nerveux
dans les parties affediées.
hes picotemens produifent la douleur , la
chaleur , la rougeur , &c. On peut les ré-
duire aux dépilatoires violens & pénétrans ,
aux finapifmes modérés , aux véfîcatoires
& aux cauftiques. J^oyei SINAPISME, VÉ-
SICA^OIRE , &c.
PICOTER , V. aâ:. piquer des trous ;,
& PICOTÉ , adj. ( Gramm. ) tadié de
petits trous. Il fe dit de ceux qui ont eu la
peti^e- vérole. Il fe dit auflii en blafon pour
marqueté. Les pêcheurs Se les naturaliftes
ont remarqué que la truite étoit picotée;
c'cft ainfi qu'ils rendent le mot latin varie-
gatus , -qui fignifie ftriil'ement couvert de
taches de dijférentes couleurs.
PICOTEURS , f. m. plur. (Pêche.)
petits bateaux fervant au lamanage &: à la
pêche ^ terme de pèche ufité dans l'amirauté
de Saint Vallery en Somme.
PICOTIN , f. m. ( Mef. de contenance. )
forte de petite mefure à avoine qui contient
quatre litrons , c'eft-à-dire , le quart d'un
boifleau de Paris. Le picotin dont fè fervent
les bourgeois pour la diftributîon de l'avoine
à leurs chevaux , ell ordinairement d'ofier ;,
mais celui dont fe fervent les regrattiers Si
maîtres grainiers , doit être de bois.
Le picotin de bois n'eft autre chofe que
le quart du boifleau de Paris : il doit avoir
quatre pouces neuf lignes de h,autéur fiir fix
pouces neuf lignes de diamètre ou de large
entre les deux ïi\u.
Le picotin , en anglois pect:^ , eft encore
luie mefure pour les grains dont on fe fort
à Londres & dans le rcfte de l'Angleterre ^
. quatre picotins fout ini galon ou boiiTeau ^
huit galons font le quartcau ou barique , &
dix quartcaux mi quart font le laft. Savary.
iD.J.)
Picotin , ( Arpentage. ) c'eft une me-
iùre qui fert à l'arpentage dans quelques
Jieux de la Guienne. Il faut 12 efcaits pour
faire le picotin , chaque efcait de 12 pies
jne£ire d'Ageu , qui eil çiiviroo de trois
PIC
lignes plus grande que le pie de roi;
Savary.
PICPUS, PICPASSE , PIQUE-
PUSSE , fubiL m. ( Hift.eccléf. ) religieux
du tiers-ordre de S. François , autrement
dits pénitens ^ fondés en 1601 à Picpus ^
petit village qui touche au fauxbourg faint
Antoine de Paris. C'eft ce village qui a
donné nom à la maifon des religieux, &
c'eft cette maifon qui n'eft que la féconde
de l'ordre , qui a donné nom à l'ordre
entier. Lorfqu'un ambaffadeur fait foii
entrée , les officiers du roi vont le pren-
dre à Picpus. Ils dînant dans la maifon.
C'eft delà que la m.arche commence. Ma-
dam.e Jeanne de Sault , veuve de René de
Rochechouart , comte de Mortemar , en
fut reconnue pour fondatrice. Henri IV
accorda des lettres-patentes au nouvel éta-
bliflement. Louis XIII pofa la première
pierre de l'églife , & prit dans les lettres-
patentes qu'il accorda en 1624 au monaf-
tere , la qualité de fondateur.
PICQ ou PIC , f. m. {Mef. de longueur.)
mefure étendue dont on iê fert en Turquie ,
ainfi que l'on fait de l'aune en France pour
mefurer les corps des longueurs , comme
étoffes , toiles , &c.
Le /7/,r^ contient 2 pies 2 pouces 2 lignes,
qui font trois cinquièmes d'aune de Paris j
en forte que cmc{^picqs font trois aunes , ou
trois aunes font cinq picqs.
On appelle à Smyrne tapis de picq , la
féconde forte de tapis de Turquie ou de*
Perfe, qui s'y achètent par les nations qui
font le commerce du levant. Ils font ainfî
nommés , parce qu'ils ne fe vendent pas à
la pièce , mais au picq quarré. Diclionn. de
commerce.
PICQUINAIRE, f. m. {Art milit.)
anciennement homme de guerre armé d'une
pique.
PICRIS , ( Botaniq. ) nom donné par
Linnaeus au genre de plantes appelle par
Vaillant helminthotheca ; en voici les carac-
tères. Le calice commun eft double 5 l'exté-
rieur eft compofé de cinq feuilles faites en
cœur j fintérieur eft de forme ovale &
tout ouvert. La fleur eft d'un genre com.
pofé , elle eft partie uniforme , & en partie
faite en faîtière. Les petites fleurs qui la
forment font égales & nombreufes 3 chap
PIC
cunc eft compofée d'un feul pétale partagé
en cinq fegmens j les étamines font cinq
filets capillaires-, les boiFettes des étamines
font cylindriques ^ le germe du piftil eft
placé fous la fleur ^ le ftyle eft de la lon-
gueur des étamines ^ les ftigmates au nombre
de deux , font recourbés ^ les calices fub-
fîfteut après la chiite des fleurs , & fervent
de capfule aux fèmences qui font ovoïdes ,
obtufes &. à aigrettes ^ le réceptacle ou l'en-
veloppe , eft nn j les graines varient en
figure.
PICTES (les), (Hifi. Géogr,) en
latin Piâi ^ anciens peuples de la Grande-
Bretagne , mais dont l'origine eft fort obi-
cure. Lorfque les Romains s'emparèrent de
la Grande-Bretagne , les Piâes occupoient
la partie orientale de l'île , depuis la Tine
jufqu'à l'extrémité feptentrionale.
Sous les premiers empereurs romains il
ne fè paifa rieu de remarquable où les Picles
paroilfent avoir eu part^ mais fous Vaien-
tinien I , les Romains les attaquèrent ,
parce que ces peuples , de eoncert avec
leurs voifins , avoient fait des irruptions
dans la province romaine. Neftaridius ,
gardien des côtes , Buchobandes , Severe
■& Jovin enrreprirent inutilement de les
foumettre , car ils furent défaits tour-à-
tour. Enfin Théodofe l'ancien y ayant été
envoyé , augmenta les terres des Romains
d'un grand pays qui appartenoit aux Vicies,
Dans la fuite Stilicon , tuteur d'Honorius,
envoya Viv3:orinus pour réprimer forte-
ment ces peuples , qui depuis ia mort de
Théodofe , recommençoient à faire de
nouvelles courfes dans la province romaine.
Vidèorinus agiifant en maître , leur défendit
de nommer un fticcelfeur à Hengift leur roi,
qui venoit de mourir. Cette a£fion de hau-
teur irrita \qs Piâes , qui crurent qu'il
vouloit les chalTer de leur île , comme il
eu avoit chalfé les Scots par leur fecours.
Dans cette crainte , ils rappellerent les
Scots ^ & Ferjus , prince du fang royal
d'Ecolfe , ravagea les terres des Romains ,
& fè fit céder tout le pays au nord de
l'Humber.
Vers l'an 511, les Picles s'étant alliés
avec les Saxons, affiégerent Arécluîe j mais
Arthur les battit , & ruiiw kur pays
d'un bout à l'autre.
PIC 7éry
Depuis l'irruption Aes Anglois , la Bre-
tagne avoit été partagée entre les Bretons
ou Gallois , les Ecofibis , les Picles & les
Anglo- Saxons. Les Picles & \es Ecoifois
habitoient la partie feptentrionale de l'île.
L'Efca & la Ewede , & les montagnes qui
font entre ces dexiK rivières , les féparoient
des Anglo-Saxons. Les Picles étoient à
l'orient ^ les Ecofibis à l'occident. Le mont
Gratbain faifoitleur borne commune depuis
l'embouchure de la Nyffe jufqu'au lac Lo-
mon. Alberneth étoit la capitale des Picles ,
& Edimbourg étoit encore à eux. Ils ne fe
contentèrent pas de ces terres , ils attaquè-
rent en 670 Egfrid , roi de tout le Nor-
thumberland , qui les battit , & les con-
traignit de lui céder une partie de leur pays
pour avoir "la paix.
Peu de temps après ils eurent leur revan-
che , & s'emparèrent d'une province de la
Bernicie. Enfin , dans l'année 840 , ayant
perdu deux grandes batailles contre Knetfi
roi d'Ecolfe \ le vainqueur qui vouloit ven-
ger la mort de fon père , qu'ils avoient tué ,
& dont ils avoient traité le corps avec
indignité , agit envers eux de la manière
la plus inhumaine. Il les extermina telle-
ment , que depuis lors il n*eft plus refté que
la mémoire de cette nation belliqueufe, qui
avoit fleuri fi long-temps dans la Grande-
Bretagne j & c'eft par la deftru6lion des
Piâes , que Kiieth eft regardé par les Ecof-
fois comme uii des principaux fondateurs
de leur monarchie. ^
Au refte, l'origine des Piâes , ainfi que
celle de leur nom , eft entièrement incon-
nue. On ne voit dans l'hiftoire romaine des
deux premiers fiecles , que le nom de Calé-
doniens , & jamais celui de Piâes , ni
celui des Scots. Tacite qui connoiifoit bien
la grande Bretagne , par les voyages & par
les conquêtes de fon beau-pere Agricola,
dont il a écrit la vie, ne parle que des Ca-
lédoniens , qu'il met au rang des Bretons.
Réfamons. De tout ce qui précède y on
voit que les Piâes furent un peuple qui du
temps des Romains habitoit la partie orien-
tale de file de la Grande-Bretagne \ers le
nord , c'eft - à - cîire , dans le royaume
d'Eccife ; qu'on croit qu'ils étoient un
peuple différent des anciens Bretons , &
que Bcde pcufe qu'ils étoient venus de
•^a PIC
Scythie ^ par cù il a peut-être voulu cîéfi-
gner la Norvv>_<;2 CvOnquife par \q,s Scythes
Ibus la conduite d'Odin , que leur nom
vint 5 dit-on , de Fiai , que les Romains
leur avoient donné , parce qu'ils ctoient
dsns Tufagc de fe peindre , &: qu'ils furent
fubjngés pcr l'empereur Julien , par Théo-
ciofe &c par Conltantin.
PiCTES {Murai lies des), (Géog. anc.
6' anîiq. ) c'eft \xi\ monument des Romains.
Lorfqii'ils s'établirent en An3:leterre par la
force des armes, ils fe trouvoient conti^
nucllemcnt harcelés par Jes Picles , du
côté de rEcofic. Pour rnckr leurs cour-
fes, Adrien éleva une muraille de plâtre
qui tenoit chpuis l'Océan gcrm.anique juf-
<ju'à la mer dir'ande , lefpace de 27 lieues
de France , & la fortifia par des-pa'.ilTades
en Tan 123. L'empereur Sévère la fit faire
rie pierres avec des tours de mille en mille .
où il y avoit garnifbn. Les Piâes néan-
inoins s'ouvrirent un pafTage plufieurs fois
en abattaîit cette muraille. Enfin Actius,
général romain , la rcbâîit de brique l'an
430; m.ais les P:cies ne furent pas long
temips à la renvcrfer. E^lle avoit 8 pies d'é-
pailfeiir , & 32 de haut. On en voit aujour-
d'hui des traces en divers endroits des
provinces de Cumberland & de Northum-
berland. [D. J.)
PICTONES , ( Géogu anc. ) Piclones ,
peuples de la Gaule aquitaiiique. Ils étoient
connus du temps de Céllir , qui , lorfqu'il
voulut f lire lafftierre aux Venctes, ralTem-
bla les vaiffeaux des Piciones , àes San-
tones & des autres peuples qui étoient en
paix. Vcrcengcntorix fe joignit aux Picîones
pour s'oppofer aux Romains , ôc les princes
de la Gaule ordonnèrent aux Picîones de
fournît huit mille hommes, lorfqu'il fut
qucftion défaire lever le ficge devant Alefe.
Strabon dit que la Loire couloit entre \ts
Piâones & les Nair.nétes j il met \qs
Picîones avec les Santones fur l'Océan ,
& il les range au nombre des vingt- quatre
peuples qui habitoient entre la Garonne &
ja Loire , & qui ctoient com.pris fous l'A-
quitaine. Pline, //V. ir, ch. xix , met
. pareillen-ient les Picîones panni les peuples
d'Aquitaine. Lucain , liv. IV , v. 436 ,
fait entendre qu'ils étoient libres : Pidlones
immunes fubi^unt fua rura^
P I E
Ptoloméc écrit Pecloncs , Se ajoute
qu'ils occupoient la partie fëptentrionale
de l'Aquitaine , le long de la Loire & le
long de la côte de l'Océan. Il leur donne
deux villes, (avoir; Augujîoritum & Limo-
num.M.. Sanfon , dans les remarques iur la
carte de l'ancienne Gaule , dit que les Piâo-
nes font les peuples des diocefes de Poitiers,
Mailleraies & Luçon , qui ont été autrefois -
tous compris fous le diocefe de Poitiers.
Il eft bon d'obferver que ÏQi peuples
Piâones étoient primitivemiCnt compris
dans la Gaule- celtique. AuguRe les attri-
bua à l'Aquitaine dans la nouvelle diviliou
qu'il fit de la Gaule, & depuis ils en ont
toujours fait partie. Leur territoire étoit
d'une grande étendue : il occupoit toute
la côte fëptentrionale de l'Océan , depuis
le pays des Santones jufqu'à la Loire , en
forte que ce fleuve avoit fon cm.bouchure
entre les Piâones & les Namnetes (peuples
de Nantes. ) Telle étoit anciennement
l'étendue du pays des Piâones. Ses limites
-ctoient encore les Uiêmes du côté de la
Loire , -nu milieu du neuvième fiecle , en
forte qu'alors il étoit plus grand que n'cifc
la province de Poitou \ peut-être coin-
prcnoit - il le territoire des Camholcârl
agcjinates qui étoient joints aux Piâones ^
comme Pline l'alîijre , & qui probable-
ment occupoient l'Angoumois. {D. J.)
PICTONIUM , ( Géogr. anc. ) pro-
miOntoire de la Gaule dans f Aquitaine qui,
f:Ion toute apparence , eft la pointe des
fables d'Olonne.
PICUMNUS, & PILUMNUS,
( Mytfiolcg. ) étoient deux frères fils de
Jupiter & de la nymphe Garamantis. Le
premier avoit inventé l'ufage de fumer les
terres , d'où il fut nommé Sterquilinus ^
& Pilumnus trouva l'art de moudre le
blé , c'cft pourquoi il étoit honoré parti-
culîérement par les nieûniers. Comme tous
deux }>ré/idoient aux aufpices qu'on prenoit
pour \t% mariages , on dreflbit pour eux
des lits dans les temples, à la naiiTance
d'un enfant ^ & lorfqu'on le pofoit par
terre , on le recommiandoit à ces deux
divinités , de peur que le dieu Sylvain ne
lui nuisît.
PIE , AGASSE , MATAGESSE ,
MARGOT, DAME- JAQUETTE , f. f.
PIE
( HiJ}. nat. Ornitk. ) pica varia caudata ,
Wil. oifeaii qui a \\i\ pié ixY. pouces de
longueur depuis la pointe du bec jufqu'à
rextrémitc de la queue , & feulement un
pié jusqu'au bout des ongles \ l'envergeure
eft d'u.'i pié dix pouces : le bec a un pouce
fept lignes de longueur depuis la pointe
jufqu'aux coins de la bouche. Le devant
de la tête eft d'un noir tirant fur le verd
doré & le violet 5 le refte de la tête , la
gorge , le cou , le haut de la poitrine , la
partie antérieure du dos & les plumes du
defîiis de la queue , font d'un noir tirant
fur le violet. Chacune des plumes de la
gorge a une petite ligne cendrée qui
s'étend dans la direction du tuyau. La
partie poRérieure diï" dos &: le croupion
font gris \ les grandes plumes des épaules
& celles du bas de la poitrine, àw ventre
& des côtes du corps , ont une couleur
blanche \ celle des plumes du bas-ventre ,
des jamibes , de la face inférieure des ailes
&: du defîbus de la queue , elt noire. Les
petites plumes de l'aile font d'un verd
oblcur ^ les grandes ont la même couleur
qui tire un peu fur le violet du côté externe
du tuy:îu \ le côté interne eft noir. II y
a vingt grandes plumes à chaque aile j la
première eft la plus courte , elle a trois
pouces fîx lignes de moins que la cinquie-
TJ.e , qui eft la plus longue. Les douze
plumes de la queue font toutes noires err
deflbus \ la face (iipérieure des deux du
miliau eft d'un verd femblable à celui de
la tête du canard , m.êlé d'un^eu de couleur
bronzée vers la pointe \ l'extrémité eft
d'un verd obfcur tirant liir le violet \ les
autres ont le côté intérieur noir & le
refte a les mêmes couleurs que les plumes
du milieu , qui font plus longues d'un
pouce que les deux qui les fuivent immé-
diatement ^ les autres diminuent fuccefli-
vement de longueur jufqu'à la première
qui n'a que cinq pouces fcpt lignes , tandis
que celles du milieu ont dix pouces cinq
lignes. Le bec , les pies & les ongles font
noirs. On trouve des individus de cette ef-
pece qui font devenus entiéreaient blancs.
La pie fait fon nid au haut des grands
arbres j l'extérieur de ce nid eft hérifle
d'épines , & couvert prefqu'en entier ;, il
n'y a qu'une petite ouverture cj^ui fert de
PIE i6j
pafTage à l'oifeau. La femelle pond cinq
ou fix œufs , & quelquefois fêpt à chaque
couvée. Ornith. de M, Briifon, tom. //,•
Voyei Oiseau.
Pie du Brésil. Voyei Toucan.
Pie du Brésil grande, Pica mexî-^
cana major , oifeau qui furpaffe en grof-
feur le choucas. Il eft en entier d'un noir
tirant vlw peu fur le bleu j les grandes
plumes des ailes n'ont que le côté exté-
rieur de cette couleur , le cote intérieur
& la face inférieure font purement noirs.
Cet oifeau chante prefque continuellement ^
fa voix eft forte & fonorej il s'approche vo-
lontiers des endroits habités. On le trouve
au Mexique. OrnithoL de M. Brifîbn , tome
//. F^ojeç Oiseau.
Pie de la Jamaïque , pica jamai-
cenjis y oifeau qui a près d'un pié de lon-
gueur, depuis la pointe du bec, jufqu'à l'ex-
trémité de la queue , & environ dix pouces
jufqu'au bout des ongles j les ailes étant
pliées , ne s'étendent pas jufqu'à la moitié
de la longueur de la queue ; le hQC a un
pouce quatre lignes de longueur , depuis la
pointe jufqu'aux coins de la bouche j cet oi-
feau eft en entier d'un beau noir mêlé de
violet , & brillant principalement fur la tête
& le cou \ \qs grandes plumes des ailes ont
feulement le côté extérieur de cette mê'me
couleur j le coià intérieur , & toute la face
inférieure font noirs j la queue eft compo-
fée de douze plumes ; les dQXiK du m.ilieii
font beaucoup plus longues que les autres y.
qui diminuent de longueur fucceJlivement
jufqu'à la première qui eft la plus courte 5
les yeux font gris 5 la femelle diffère du
mâle en ce qu'elle eft entiérenient brune 'y
cette couleur eft plus foiicée fur le des ,.
fur les ailes & ft.r la queue , qu'ail-
leurs. Ou trouve cet oifeau en diftérens
endroits de l'Amérique fcptentrionale j»
comme la Jamaïque , la Caroline , le
Mexique , &c, Briifon , Omit, tome IK
Voyei Oiseau.
Pie de mer , Bécasse de mer ;
hœmatopus bcll, pica marina Gallorum 6*
Anglorum , Wil. oifeau de la groffeur de
la pie ordinaire ou de la corneille. Il a
feize à dis-fèpt pouces de longueur, de-
puis la pointe du bec , jufqu'à l'extrémiitê
de ia q^Lieue \ les pies étendus u'exwcdfiiiî;
768 PIE
pas la longueur de la queue ^ le bec eft
droit , pointu , long d'environ trois pou-
ces , & appiati fur les côtés ;, la pièce ûi-
périeure cft un peu plus longue que l'in-
férieure j les pies font rouges .5 & quel-
quefois bruns ^ cet oifeau n a point de
doigt poftérieur ^ la tête , le cou , la
gorge , la partie fupérieure de la poitrine
& le dos 5 ont une couleur noire ; le refte
de la poitrine , le ventre & le croupion
font d'un très- beau blanc 3 il_ y a des
individus de cette efpece , qui ont une
grande rache blanche fous le menton , &
une autre plus petite au delTous des yeux j
la première des grandes plumes des ailes
eiè noire prefqu'en entier j elle "a feule-
ment le bord extérieur blanc j cette cou-
leur occupQ fucceflivement un espace de
plus en plus grand dans les autres plumes,
de forte que la vingtième , & les trois
qui fuivent , font entièrement blanches 5
les autres plumes intérieures ont un peu
de noirâtre ^ on trouve dans l'ePcomac de
cet oifeau des patelles entières ^ fa chair
eft dure & prefque noire. Wiliughbi. Or-
nit. Voyei OiSEAU.
Pie du Mexique , petite , pica
mexicana minor. Oiièau qui eft à peu-près
de la grofieur de la pie ordinaire , &: qui
a une couleur noirâtre f ir toutes les par-
ties du corps , excepté la tête Se le cou ,
dont la couleur tire fur le fauve. Cet oi-
feau apprend aifément à parler. On le
trouve au Mexique. BrilToH , Omit, tome
JI. Voye[ Oiseau.
Pie de l'île Pavoe, pica paponen/Is ,
oifeau qui eft de la groffeur du merle j il
a environ un pié huit pouces de longueur ,
depuis la pointe du bec jufqu'à l'extrémité
de la queue , & feulement huit pouces
jufqu'au bout des ongles -^ les ailes étant
pliées , s'étendent peu au delà de l'origine
de la queue j le bec a un pouce trois
lignes de longueur , depuis la pointe juf-
qu'aux coins de la bouche ^ la tête , la
gorge & le cou font d'un beau noir bril-
lant , mêlé d'une couleur de pourpre très-
vive 'j tout le refts du corps eft blanc ,
à l'exception des plumes des ailes qui ont
des barbes fioires ^ les deux plumes du
milieu de la queue font beaucoup phis
longues que les autres j elles ont jufqu'à
PIE
un pié deux pouces de longueur ^ elIeS'
font en partie noires , & en partie blan-
ches ^ le bec eil: blanc , &c il a des fortes
de poils noirs à fa racine , qui font di-
rigés en avant j les pies ont une couleur
rouge , claire , & les ongles fort blancs.
On trouve cet oifeau dans l'ile Papoe.
Omit, de M. Brilibn , tome II. Voye[
Oiseau.
Pie du Sénégal , pica fenegahnfis ,
oifeau qui eft plus petit que notre pie ; il
a un pié deux pouces de longueur , depuis
la pointe du bec jufqu'à l'extrémité de la
queue , & dix pouces & demi jufqu'au bout
des ongles ;, l'envergeure eft d'un pié neuf
pouces &(. demi j les ailes étant pliées , ne
s'étendent environ qu'au tiers de la longueur
de la queue j les plumes de la tête , de la
gorge , du cou , du dos , du croupion ,
les. petites ailes , celles du dcfîiis de la
queue , de la poitrine , de la partie fupé-
rieure du ventre & des côtés du corps ,
ibnt d'un noir changeant en violet ; les
plumes du bas-ventre , des jambes , ôc
celles du deflbus de la queue ont une cou-
leur noirâtre ^ les grandes plumes des ai-
les font brunes ^ la queue eft compofée da
douze plumes brunes ;, la première de cha-
que côté n'a que quatre pouces dclongueur,
& celles du milieu en ont fept ^ le bec , les
pies & les ongles font noirs. On trouve cet
.oifeau au Sénégal. Omit, de M. Brilfon ,
tome II. Fojf^ Oiseau.
Pie Grieche , Matagesse , Mata-
GASSE , *V\W ESCRAYE oz/ ' ESCRAYERE ,
Pie ancronelle , Arnéat , Pon-
CHARY , GRANDE PlE GRIECHE , La-
NiER , lanius cinereus major. Les fau-
conniers donnent à cet oifeau le nom de
matagejje, Voye[ l'explication de ce mot
dans Aldr. Cet oifeau eft gros comme
le merle ordinaire , il pefe trois onces ;
il a plus de neuf pouces de longueur depuis
la pointe du bec jufqu'à l'extrémité de la
queue ^ l'envergeure eft d'environ treize
pouces ;, le bec a un pouce & demi de
longueur , il eft noir &; un peu crochu à
l'extrémité . ayant deux fortes d'appen-
dices terminés en pointe de chaque côté
de la partie fupérieure ;, la langue eft
fourchue , hérilTée dei petits filets fur fes
bords , vers la pointe j & fur-tout à la
bafèj
PIE
bafe, l'impreffion de la langue eft mar-
quée fur le palais par une cavké , au
milieu de laquelle il y a une lîllure lon-
gitudinale ; Touverture des narines eft
ronde , & recouverte par des fortes de
poils noirs ; on voie de chaque côté de
la tête , une tache ou une ligne noire qui
commence auprès de l'ouverture du bec ,
qui pafle fur les yeux , &c qui fe termine
derrière la tête j la tête , le dos , le
croupion , font de couleur cendrée, le
mencon &c le ventre font blancs ; la poi-
trine & le dcflbus des yeux font rraverfés
par des lignes de couleur noirâtre ; il y a
dix-huit grandes plumes dans les ailes qui
ont toutes la pointe blanche , à l'exception
des quatre premières ; les bords extérieurs
de la féconde Se de la troifieme font
blancs; outre cela les premières plumes
extérieures commencent à blanchir par le
bas , & cette couleur blanche eft plus
étendue dans les plumes qui fui vent , de
augmente , de forte qu'à la dixième plume
elle en occupe plus de la moitié ; mais cet
cfpace blanc diminue peu à peu dans le
bas des plumes fuivantes , tandis qu'il re-
monte julqu'à la pointe fur le bord inté-
rieur , excepté dans les dernières oij il n'y
a point de blanc ; la queue eft compofée
de douze plumes , celles du miheu font
les plus longues ; elles ont quatre pouces
& demi ; les autres diminuent peu à peu
de chaque coxé jufqu'à la dernière , qui
n'a que trois pouces & demi de longueur ;
les deux plumes du milieu font en entier
noires, à l'exception du bas & du haut,
où il y a fur la pointe une petite tache ;
cette tache augmente peu à peu fur les
plumes extérieures de chaque côté ; de
forte que la dernière a du blanc prefque
fur les deux tiers de fa longueur ; le bord
extérieur de cette dernière plume , & de
l'avant dernière , eft blanc jufqu'au bas ,
où cette couleur s'étend fur toute la lar-
geur de la plume , comme dans les autres ,
jufqu'à celles du milieu. Willughbi dit
que , félon Aldrovande , les quatre plumes
du milieu font noires en entier. Il faut
qu'il y ait des variétés dans cet bifeau ,
ou qu'on confonde différentes efpeces ;
car la defcription de Willughbi ne con-
venoit point pour la queue à une viegrie-
TomeXXF,
PIE 7^5)
* che que j'ai vue , ôc fur laquelle j'ai feit
la defcription de la queue précédente. Les
pattes Ibnt noires; cet oifeau fe nourrit
de chenilles, de fcarabées & de faurerellesj
on en trouve dans (on eftomac.
La pie grieche refte fur des arbrifteaux
épineux ; elle fe perche toujours fur le
lommet des branches , & lorfqu'elle eft
pofée , elle levé fa queue ; elle niche dans
les arbrillèaux , & elle fait Ion nid avec
de la moufle , de la laine , des herbes
cotonneufès t<. du foin, de la dent de
lion , ùc.
Cet oifeau ne fc nourrit pas feulement
d'infeftes, il mange aflèz fouvent de petits
oi féaux , comme des pinçons & des roi-
telets: on dit qu'il attaque , & même qu'il
tue des grives. Nos fauconniers le dref-
fent pour la chafle des petits oifeaux.
Willughbi. Foye;^ Oiseau.
Pie grieche, petite , L A n i e r ,
Lanius aiig. minor primas , Aid. oileau
qui a la tête & la partie antérieure du dos
rouflès ; la partie poftérieure eft cendrée; le
croupion a une couleur blanche; il y a
une tache blanche fur les plumes des
épaules ; les neuf grandes plumes exté-
rieures des ailes ont la racine blanche \
la gorge a de petites lignes brunes tranf-
verlàles ; on trouve des individus de cette
efpece , dont toute la face inférieure du
corps eft d'une couleur blanche mêlée de
brun ; les couleurs de cette efpece de pic
grieche varient de même que celles de
Pefpece précédente , non feulement par
lâge , mais encore dans les individus de
différent fcxe. Willughbi. Omit. Voye:^
Oiseau.
Pie , f. m. ( Hiji. mod.) nom d'un ordre
de chevalerie , inftirué par le pape Pie IV
en 1560. Il en créa jufqu'à cinq cents trente*
cinq pendant fon pontificat , & voulut
qu'à Rome de ailleurs ils précédaftènt les
chevaliers de l'empire & ceux de fiint Jean
de Jérufalem : mais malgré ces prérogatives
& beaucoup d'autres qu'il leur accorda ,
cet ordre ne fubfîfte plus depuis long-temps.
Pie , ( Jurifprud. ) fe dit de quelque
chofe de pieux , comme caufe pie , ou
pieufe , donation p/e , legs pie ^ me{Tè_p/e,
Fbje;(^ Cause , Legs, fi'c. (-«4)
Pie , fignifîe aufli , en Brefle , une port
E eece
770 PIE
tion qui appartient à quelqu'un dans l'aflec
d'un étang , comme étant propriétaire de
cette portion de terrain dont il a été obligé
de fouffrir Pinondation pour la formation
de l'étang. Les propriétaires des pics con-
tribuent aux réparations de l'étang avec les
propriétaires de Pévolage ; ils jouillent de
ralîëc pendant la troiiîeme année. J^oyei
Etang. (^)
Pie , ( maréchallerie. ) poil de cheval.
Il eft blanc & parfemé de grandes taches
noires , baies ou alezanes.
PIE-MERE, f. f. {Anat.) c'efl: une
tunique ou une membrane fine , qui en-
veloppe immédiatement le cerveau. Voye:^
Méninge & Cerveau.
On peut iuger de l'extrême délicatelTe
' de la pie-mere lorfque les vailEeaux font
remplis, car lorfqu'ils font vuides , on les
prend pour des vailîeaux de cette mem-
brane , & ils en augmentent l'épaifleur.
C'ed: la propre &C la plus proche enve-
loppe du cerveau ; elle revêt toutes Tes
plus petites parties internes , le corps
calleux 5 les ventricules , les corps can-
nelés j les couches des nerfs optiques ,
les natès & tcilès , les péduncules du
cerveau \ enfin il n^eft pas un feul point de
la fubftance corticale , ou qui laiflè paflèr
des vaifièaux dans le cerveau , qui n'en
foit très-exactement couvert. Elle fuit routes
les circonvolutions de la fubdance corticale
juiqu'à lamoèlle,où Tarachnoïde ne forme
qu un pont fur les filions qu'elle rejoint
ainfi. Par-tout elle eft d'une délicateflè
accompagnée de quelque folidité ; & outre
les artères & fes veines , elle a fans doute
un tiflu mernbraneux propre, qui fert à
unir & à aflujcttir les vaiffcaux : ce tiffu
a été regardé par quelques-uns comme
cellulaire, tel eft Bergen qui ne rcconnoît
de vraie membrane que l'arachnoïde. Voy.
Calleux, Ventricule, 6x
Leuwenhoeck nous a appris que \z pie-
mere donne au cerveau des vaifleaux fan
guins j qui femblent à la vue feule remplis
d'un petit nombre de globules, qui en
voient latéralement un nombre innombra-
ble de petite conduits parallèles ( que cet
auteur prend pour les fibres du cerveau) ,
te qui , félon lui , font retenus par de fines
xaecibranes, fontroiids , ridés ^ quatre fois
P I E
plus gros que des fibres de chair de bœuf
de la mêmiC grofteur dans le rat , le co-
chon, le paflèreau &; le bœuf, s'écartant
tous de la même manière pour fe rappro-
cher enfuite 5 qu'il en diftilloit une liqueur
cryftalline, dont les plu s grandes particules,
qui font en petit nombre , font égales à un
globule rouge , les autres à ^ de ce même
globule , d'autres à peine ^îî du même ;
elles font néanmoins toujours un peu
rouges ; toutes particules qui étoient con-
tenues dans les plus petits vaifièaux de la
fubftance corticale , qui n'eft qu'un amas
de vaifièaux cotonneux fanguins qui partent
de la partie interne de la pie-mere , tant
dans la moelle alongée , que dans le cer-
velet de dans la moelle épiniere.
Quelquefois elle peut devenir calleufè ,
& alors produire la manie par fa callofité.
On en trouve une obfervation curieufc
dans les eflais de médecine d'Edimbourg.
Un jeune homme âgé de vingt-cinq ans ,
qui avoit naturellement l'air fombre 6c mé-
lancolique 5 fe plaignoit depuis quatre ans
d'un poids au delTus de la tête qui aug-
mentoit de plus en plus. Cette pcfanreur
ctoit quelquefois accompagnée de vertiges
qui le jeroient dans des accès de foiblcife ,
où il reftoit fouvent pendant un temps
confidérable privé de tous fes fens ; çnfin
il devint égaré , & tomba dans une fureur
maniaque. Après avoir tenté diffrrens re-
mèdes pour le guérir, on lui fit l'opération
du trépan , mais inutilement j car il mourut
au bout de dix jours.
En ouvrant le crâne , on ne remarqua
rien qui fût contre nature à'ia dure-mere \
m.ais on trouva \z pië-mere àuïtz , crJleufe ,
& ayant en quelques endroits le double de
Pépaideur de la dure- mère. On n'y voyoit
aucune apparence de vaiffeaux , & on la
coupoit com.me fi c'eût été une corne
tendre. La fubftance corticale du cer-
veau , couverte par cette pie-mere épaiffe ,
étoit beaucoup plus blanche que dans l'état
naturel , & il n'y paroiffoit guère de vaif-
feaux fmguins. En écartant les deux hcmii^
pheres du cerveau , on trouva que la por-
tion de la pie-mere qui étoit contiguë à la
faulx , étoit altérée de la même manière.
Les ventricules du cerveau éteient fort
diftendus , U pieins de férofités. (!>. /. )
P I E
PIÉ ou PIED , f. m. ( Anat. ) partie
tic l'anima! , qui lui fert à fe foutenir > à
marcher , 6^c. Fbje:(^ Corps. Les animaux
fè diftinguent , par rapport au nombre de
leurs /7/>5 , en bipèdes qui n'ont que deux
pies , comme les hommes & les oifeaux ;
en quadrupèdes qui ont quatre ;7/>'^, comme
la plupart des animaux terreftres ; & en
pblypedes qui en ont plufieurs , comme les
înfcdes. Voye-^^ Quadrupèdes , Insec-
tes , ùc.
Les reptiles , tels que {ont les fèrpens ,
ùc. n'ont point de pies, Voye-;^ Reptilf.
Les voyageurs voudroient nous perfuader
qi^e les oifeaux de paradis n'ont point de
pies , & que lorfqu'ils dorment , ou qu'ils
mangent , ils fè tiennent fufpendus par
les ailes. Ce qu'il y a de vrai , c'eft que
ceux qui les attrapent leur coupent les pattes
pour que ces oifeaux paroilîent plus mer-
veilleux. D'autres difent , que c'eft pour
■qu'ils ne gâtent point leurs plumes , qui
font parfaitem.ent belles.
Les ccrevifîès de mer ont douze pies.
Les araignées , les mites , & les polypes
^n ont huit ; les mouches , les fauterelles,
& les papillons en ont fix.
Galien adonné plufieurs remarques ex-
cellentes fur le fage arrangement des pies
de l'homme & des autres animaux : dans
ion traité de l'ufage des parties , /. III ,
les pies de devant des taupes font admi-
rablement bien conftruits pour fouir &
gratter la terre , afin de ie faire une voie
pour pafltr la tête, ùc. Les partes & les
pies des oifeaux aquatiques font merveil-
îeufement conftruits , & cette ftrudbureeft
refpedbive à tout ce qu'ils doivent faire-pour
vivre. Ceux qui marchent dans les riviè-
res , ont les jambes longues , & ians plu-
mes ,' beaucoup au dedhs du genou ; ils
ont les doigts du pié fort larges; & ceux
qu'on appelle fuce-boues , onc en quelque
forte deux de leurs doigts unis cnfemble ,
pour qu'ils n'enfoncent point ficilement
lorfqu'ils marchent fur les fondrières des
marais.
D'autres ont tout lep'e , c'eft-à-dire ,
tous les doigts unis enfemble par une ef-
pece de toile membraneufe , comme les
oies , les canards , Ç^c.
On a du plailir à remaii^uer avec com-
PIE 77,
bien d'artifice ils replient leurs orteils &
leurs pies , quand ils tirent à eux leurs
jambes ou qu'ils les étendent pour nager.
Ils clargiflent & ouvrent tout \tpié quand
ils prellènt Peau , ou quand ils veulent aller
en avant.
Jambe ou grand p/e, en anatomîe, s'en-
tend de ce qui eft compris depuis la hanche
jufqu'à l'extrémité des orteils, comme le
bras eft ce qui eft compris depuis l'épaule
jufqu'au bout des doigts.
La jambe, le pes magnus ou grand pié ,
fe divife en cuilfe , en jambe &c en pié.
F'oye'i Cv issE , Jambe, &c.
Les os de la jambe font le fémur ou l'os
de la cuilîe , le tibia , le pcronier , les os
du tarfe , du métatarfe & des orteils. Fcy,
FÉMUR, Tibia , &c.
Les artères de la jambe font des bran-
ches de l'artère crurale , Se fes veines (c.
terminent à la veine crurale. V. Crural.
Il y a à la jambe cinq veines principa-
les , favoir , la faphene , la grande & U
petite fciatique, la mufculaire, la poplitée.
Se la tibiale. f^oyc:^ chacune â fon article ,
Saphene. &c.
Le p/e proprement dit, ou le petit/>//j,
ne s'entend que de l'extrémité de la jambe.
On le divife en trois parties , lavoir , en
tarfe , en métatarfe , & en doigts ou orteils.
Le tarfe eft ce qui eft compris entre l.i
cheville du pié ôc le corps du-pié ; il répond
à ce qu'on appelle carpe dans la main. Le
métatarfe eft le corpsdup//;ufqu'aux orteils,
& les doigts & orteils font les autres os
du/7/<f. F"oye:(_ Tarse , &c.
Ces parties (ont com.pofées de beaucoup
d'os, qui font le calcaneum , l'aftragal. les
os cunéiformes , l'os cuboïde ; le deflbus
de tous ces os s'appelle [a foie ou \a_plante
du pié , &c.
Pie , ( Orthopédiet) le pié de l'homme
eft très-différent decelui de quelque animal
que ce (oit, & même de celui du linge ; car
X^pié du linge eft plutôt une main qu'un;j/>',
les doigts en font longs, &difpo lés comme
ceux de la main , celui du milieu eft plus
grand que les auti es , comme dans la main ;
d'ailleurs , le pié du finge n'a point de
'.alon femblable à celui de l'homme : Paf-
(îette du pié eft aulTi plus grande dans
l'homme ^ue dans tous les animaux quadru-i
£ e e e e i
77* P I ^
pedes , & les orteils fervent beaucoup à
maintenir l'équilibre du corps & à aflurer
Ces mouvemens dans la démarche , la danfe,
la courfe , &c. Les animaux qui marchent
fur deux pies , &c qui ne font point oifeaux ,
ont le talon court &c proche des doigts du
pie ; en forte qu ils pofent à la fois fur les
doigts &c fur le talo i , ce que ceux qui vont
à quatre ;7/ei ne font pas , leur talon étant
fort éloigné du refte à\ipié. Ceux qui lont
un peu moins éloigné ; comme les finges ,
les lions , les chats & les chiens , s'accrou-
piflent; enfin il ny a aucun animal qui
puifîe être debout comme Phomme. Il
lemble cependant qu'il ait pris attache, par
des bizarreries démodes , de diminuer l'a-
vantage qu^il en peut tirer , pour marcher ,
courir , & maintenir l'équilibre du corps ,
en étreciflant cette partie par des fouliers
étroits, qui la gênent & qui empêchent
fon accroiffement.
On fait que Tune des plus étranges cou-
tumes des Japonois & des Chinois , eft
,de rendre les pies des femmes (\ petits ,
qu'elles ne peuvent prefque fe foutenir.
Les voyageurs les plus véridiques , & fur
le rapport defquels on peut compter da-
vantage , conviennent que les femmes de
condition <e rendent le pié auflî petit
qu'il leur eft poflîble , & que pour réuflîr ,
on le leur ferre dans l'enfance avec tant
de force , qu'cfFe6tivement on l'empêche
de croitre. 'Dans ces pays-là une femme
de qualité ou feulement une jolie femme ,
doit avoir le pié aflez petit pour trouver
trop aifée la pantoufle d'un enfant du peuple
âgé de fix ans ; les curieux ont dans leurs
cabinets des pantoufles de dames chinoi-
{es , qui prouvent affez cette bizarrerie
de goût dont nos dames européennes ne-
font pas fort éloignées. Cependant les
pies font fujets à un.aflez. grand nombre
d'accidens , de maladies , ou de défauts ,
pour qu'il ne foit pas néceflaire de les'
multiplier encore par artifice -, je vais parler
de quelques - unes de leurs mauvaifes
tournures.
Les différentes conformations des pies
font d'être ou longs , ou courts, ou gros , ou
menus, ou larges d'ailiette, ou étroits, ou
entre-deux. Mais il y a des pies forcément
tournés en dehors , ôc d'autres forcément
P ÏE
tournes en dedans: cette difformité pius
ou moins grande vient à l'enfant , de
naiflance ou d'accident. Quand c'efl de
naiflance ; il faut que la nourrice elTaic
tous les jours de lui tourner doucement les
pies dans le fens naturel , & d'obferver de
les lui. affujettir par Pemmaillottement i
comme les Hgamens font alors extrême-
ment tendres , ils céderont peut-être in-
fenfiblement à la tournure naturelle qu'on
leur fera contraéter.
Si la mauvaife tournure a été long-temps
négligée ou qu'elle vienne d'accident , ou
que l'enfant foit déjà un peu grand , on
tâchera d'y remédier par les moyens fui-
vans ; i5. En recourant à des remèdes ca-
pables de ramollir les ligamens , comme
font les fomentations avec les bouillons de
tripes , les fridions avec l'huile de lis ,
les cataplalmes de feuilles , de fleurs , &
de racine de guimauve, &c. i°. Eneffayant
tous les jours avec la main de ramener le
pié da.ns fa fîtuation naturelle. 5°.'ftn em-
pK)yant pour cela de forts cartons , ou
des attelés de bois , ou de pe- ites platines
de métal , qu'on a foin de ferrer avec une
bande.
Il y a une autre mauvaife tournure des
pies fort différente de la précédente pour
la caufe ; c'eft celle qui vient de la parefle
à tourner les pies en dehors , ou de Paf-
fedtation à les tourner trop en dehors. Les
perfonncs qui ont pcrfifté loiig-temps dans
cette habitude , ont prefque autant de
peine à s'en corriger, que fi la. difformité
venoit de naiffance , ou d'accident i c'eft
aux parens à y veiller ; mais fi leurs foins
& leurs avis font infrudtueux , ilfaut qu'ils
faflcnt faire de ces marche-piés de bois
en ufage chez les religieuxpour leurs jeunes
penfionnaires. Il y a dans ces marche-
piés deux enfoncemens fépaiés pour y met-
tre les pies , ôc où ces deux enfoncemens
font creufés & figurés de manière que
chaque pié y étant engagé , eft néceffaire-
mcnt tourné en dehors. L'enfant fe fervira
donc de ce marche-pié , toutes les fois
qu'il fera afîîs. Il eft vrai que cette mé-
thode 4 un inconvénient , c'eft que ior'que
Penfint voudra marcher les pié.^ en dehors ,
ri chancelera & fera en danger de tomber j
mais alors il faudra le foutenir pour lac-
P I "E '
rbotumer peu-a-peu à marcher comme les
autres : l'on y réufïîra en facrifiant tous les
jour? une demi-heure à cet exercice.
Un autre moyen de corriger un enfant ,
qui par mauvaiie habitude tourne \esp.és
en dedans , c'eft de lui faire tourner les
genoux en dehors , car alors les prés fe
rourneront néceflairement de même. On
peut avoir les pies en dehors fans y avoir
les genoux , ce qui eft une mauvaife con-
tenance , & qui empoche d'être bien fur
{espiés--, maison ne fauroit avoir les ge-
goux en dehors , que les pies n'y foient , &c
on eft alors toujours bien planté.
La méthode de faire porter à des enfans
de petits labots pour leur faire tourner les
pies en dehors , n'a que l'inconvénient de
mettre l'enfint en danger de tomber fré-
quemment ; mais cet u(age eft bon à la
campagne , & dans un terrain où Pen-
fant ne riique pas de le faire du mal en
tombant.
Au lefte , la pkipart des enfans n'ont les
piés en dedans que par la faute des nour-
rices qui lescm.maillottentmal , & qui leur
fixent ordinairement les pies pointe contre
pointe , au lieu de les leur fixer talon
contre talon ; c*eft ce quMles pourroient
néanmoins fiire très-ailément par le moyen
d'un petit coulTmef engagé entre les deux
pies de l'enf mt & figuré en forme de cœur ,
dont la pointe feroit miie entre les deux
talons de 1 enfant , & la bafe entre les
deux extrémités de fes pies ; ce moyen eft
excellent pour empêcher les enfans de
devenir cagrieux , & les parens devroient
bien y prendre garde.
Si les pies penchent: plus d'un coté que
de l'autre , il faut donner à l'enfant des
fouliers , qui , vers l'endroit où les pies
penchent , ioient plus hauts de femelle &
de talon ; ce correflif fera incliner les pies
du coté oppose. Il convient de prendre
garde , que les fouliers des enfans ne tour-
nant , fur tour en dehois , Cûr s'ils ne tour-
noient qu'en de ians il n'y auroit pas grand
mal , pi'.rce que cette inégalité , pourvu
qu'i-Ue ne foit pas con(idérable ,aide à porter
«H dehors la pointe àa pie ; mais lorfque
les foutiers tournent en dehors , ils font
tourner la pointe du pie en dedans.
Quant î^ux perfonnes qui affedentuop
P I E
773
de porter les pies en dehors , ils n'ont
befoin que d'avis , &: non de remèdes.
Il y a des enfans qui ont malheureu-
fement de naifl'ance des pies faits comme
des pie's de cheval ; on les nomme en grec
hippopodes , & en françois pies équjens •
on cache cette difformité par des fouliers ,
conftruits en dehors comme les fouliers
ordinaires , mais garnis en dedans d'un
morceau de liège qui remplit Pendroit du
fouliçr que le pié trop court laifte vuide.
Cette difformité paflé pour incurable j ce-
pendant on peut tâcher d'y remédier en
partie , en tirant fréquemment , mais dou-
cement , les orteils de Penfant , & en en-
veloppant chaque />/e féparément avec une
bande qui preflé.un pe<i les cotés du pié ,
pourobligerin'enfiblement le pié , à mcfure
qu'il croit , à s'alonger par la pointe : fi
cette tentative n'a point de fuccès , il n'y a
rien à efpércr. {D. J. )
Pi ES, BAIN DE, ( Méd.) pediluvium ;
on pourroit dire pediluve , mais je n'ofe
hazarder ce terme.
La compoiition du bain des pies eft la
même que celle des bains ordinaires ; c'eft
de Peau pure à laquelle on peut ajouter du
fon de froment ou des ôeurs de camo-
mille ; ce remède eft très-utile dans plu-
fieurs cas. Comme fon apphcation relâche ,
ramollit les fibres nerveu'es , tendineufcs
& mufculeufes des piés , leurs vaillèaux le
dilatent , le fang y abonde & s'y jette avec
plus de liberté, au foulagement du malade.
De plus , comme ces pirties nerveu'es &
tendineufes ont une communication étroite
avec les autres parties nerveufes du corps ,
& fur-tout avec les vifceres du bas -ventre ;
on ne peut douter qu'en humectant les
piés avec une liqueur tiède , ce bain ne
fafte cefler leurs contractions fpafmodiques.
La vertu qu'ils ont de calmer la violence
des rpalmes , les rend utiles dans toutes les
maladies convullives & douloureufes ,
comme la cardialgie , la colique , les dou-
leurs d'hypocondres , ùc, il facilite encore
les excrétions falutaires , comme la tranf-
pirarion infenfible , l'évacuation de l'urine ,
& celle des excrémens.
Il fduc éviter que Peau dan5 laquelle on.
mer les piés ne loit trop chaude , parce
que la pulfatioii des artères augmente alof»-
774 PIE PIE
trop ccnfidérablemenî: , & la Tueur Conen ' ment cette Tueur fétide , il Turvient queî-
trop grande abondance. Il ne faut point
faire ufage de ce remède , lorfque le flux
menftruel efl: imminent ou qu'il a com-
mencé , parce que détournant le Tang de
l'utérus , il arrêfcroit cette évacuation ou
la rcndroit trop confidérabîe ; mais il con-
tribue merveilleuièraent à la procurer quand
on l'emploie quelques jours avant le pé-
riode , lur-tout TiPon fait en même temps
ulage d'emmenagogues tempérés.
11 faut s'abftenir avec Toin des bains de
pies aftringens , alumineux , (ulfureux ,
pour tarir la Tueur incommode de ces
parties , difïiper les enflures a'démateuies ,
pu. delTécher les ulcères ; parce <iue ce re-
mède repoufleroit avec danger la matière
virulente vers les parties internes , nobles
i& délicates.
Enfin ,, il efl: bon d'avertir que quand le
bain dts pies devient un remède néceflàire ,
comme dai:s les maux d.e tête opiniâtres ,
la migraine qui naît de plétore , lophtlial-
mie , la diiiiculté de reipirer caulée par
l'abondance du Tajig , les toux feches , Sc-
ie crachement du Tang , &c. ce remède
produit d'autant plus de bien , qu'on le
fait précéder de la Taignée ࣠la même
partie , qu'ion en ufc vers le tempsdu ibm-
meil , qu'on ne laifle pas refroidir enfuite
jçspiés , de qu'on les tranfporte tout chauds
dans le lit pour aider la transpiration par
tout le corps. 1} y a un très- bon morceau
lur les bnins de pies dans les efl'ais de mé-
decine d'Edimbourg j j'y renvoie le lecteur.
( D. 7. )
Pi H s , puanteur des , (Médec.) Il y a
des perfonnes dont les pores de la Tueur
Te trouvant naturellement très-gros auxp/'e'j,
reçoivent une grande quantité de liqueur ,
laquelle fort en gouttes par la chaleur 6c
l'exercice. Cette Tueur tendant à s^alkaHTer
par le Téjour , répand une odeur fort puante ;
cependant on ne doit point remédier à cet
écoulement iudorif.quc tout d''un coup par
de violents aftringens. Il eft vrai , par
exemple , que Pécaille de cuivre , ou à fa
place , la limaille dei laito4i pulvériféc avec
le Toufre & la racine d'iris de Florence ,
j;niTe dans les Touliers , Hippriment l'odeur
puante dc$ pies , mais ce n'eft pas toujours
QiXi$ danger; car lî on arrête imprudem-
quefois des maux plus funeftes ; & le meil-
leur eft de Te laver les ;7/'é^ tous les jours
avec de Teau bien froide , où Ton ajoute
un peu de vinaigre , changer chaque fois
de chaulions , ik. ne point porter de bas
de laine.
PiÉs & Jambes des oifecux , ( Omît. )
ce font lesinftrumens du mouvement pro-
grelîif des oileaux Tur terre & dans les
eaux. Les jambes Tout pîiées dans tous les
oifeaux , afin qu'ils puifl'cnt Te percher ,
jucher , & Te repoler plus facilement^
Cette duplicature les aide encore à pren-
dre l'edor pour voler , 3z fe trouvant
repliée conure le corps , elle ne porte
çoint d'obftacle au vol. Dans certains oi-
leaux les jambes font longues pour marcher
(k fouiller dans les marécages ; en d'autres,
elles font d'une longueur médiocre , ôc
dans d'autres plus courtes, îk toujours con-
venables à leur caractère , ôc à leur ma-
nière de vivre.
Elles Toiit placées tant Cok peu hors du
centre d-e gravité , mais davantage dans les
oiTeaux cim nagent , afin de mieux diriger
& pouflèr le corps dans l'eau , de mêm.e
que pour Taflifterdans l'action de plonger.
Les pies des oiTeaux nageurs Tout dans
quelques-uns entiers , en d'autres fourchus
avec des doigts garnis de nageoires.
Quoique les oiTeaux ne marchent que (lir
deux prés , ils ne polent point Tur le talon ;
mais ils ont ordinairement un doigt der-
rière , de même que les animaux à pies
fourches ont deux ergots , fur lefquels
néanmoinsils ne s'appuient point. Le doigt
qui eft derrière le p.'é aux oiTeaux , leur Tert
aulTi davantage à Te percher qu'à m.archer.
L'au cruche qui ne vole & ne Te j)erche
jamais, n'a que deux doigts à chaque p/V,
encore ne poTe-t-il que Tur un Teul j & ce
doigt reflémble parfaitement au pié de
l'homme quand il eft chaulfé.
Les pi'^s de l'onocrotale , que nous ap-
pelions pélican , 3c ceux du cormoran ont
une ftructuxe & un uTage bien extraordi-
naires. Ces oiCeaux qui vont prendre le
poifton dans les rivières , ont les quatre
doigts du pié joints enTemble par des
peaux , & ces doigts Tont tournés en de-
dans , tout au contraire de ceux despiés
P I E
de tous les autres animaux , où les doigts
des pies fonr ordinairement en dehors ,
pour rendie Paiïîetre des deux pies plus
large & plus ferme. Or la ftrudure eft
difFérenre dans les deux oifeaux dont il
s'agit ici , de force qu'ils peuvent nager
avec un feu! pii! , tandis qu'ils ont Pautre
employé à tenir le poiflbn qu'ils apportent
:iu bord de TcaU. En effet, leurs lon^s
doigts par de larges toembranes qui com-
polcnt comme un grand aviron , étant
ainfi tournés en dedans , font que cet
aviron agit juftement au milieu du corps ,
& les^ fait aller droit ; ce qu'un feul piê
tourné en dehors , àinfi qu'il eft aux oies
6w aux canards , ne pourroit exécuter ; de
xnême qu'un feul aviron ,' qui n'agit qu'à un
des côtés d'une nacelle , ne la fauroit faire
aller droit.
Enfin c'eft une chofe remarquable de
voir avec combien d'exaditude les jambes
& les pies de tous les oifeaux aquatiques
répondent à leur manière de vivre. Car
ou bien les jambes font longues & propres
à marcher dans l'eau ; en ce cas elles ibnt
nues , & fans plumes à une bonne partie
au deflus^ des genoux , ce qui les rend plus
propres à ce dellèin ; ou bien les doigts
des pes font tout-à-fiit larges : dans ceux
que les Anglois appellent mud-fuckers
( fuceurs de boue ) , deux des doigts fout
en quelque forte joints enfembîe , pour
qu'ils n'enfoncent pas facilement , en mar-
chant dans des lieux m.arécageux & pleins
dc^ fondrières. Qiiant à ceux qui ont les
pit's entiers , ou dont les doigts font joints
par des m.embranes , fi Van en excepte
quelques-uns, les jnmbes font en général
courtes , &: les plus convenables pour
r.ager. C'eft une chofe trc-s-cur:euui de
voir avec quel artifice ces'bifeaux retirent
& ferrent les doigts du pié , lorfqu'ils
lèvent les jambes , & qu'ils fe préparent à
frapper l'eau ; &: comment au contraire,
par un artifice également grand, ils éten-
dent & cx:artent les doigts desp/Vj, lorf-
qu'ils les appuient fur l'eau , & qu'ils veu-
lent s'avancer. (D.J.)
Pli , ( HJf. naî. des infc&s. ) c'eft la
troiheme pirrie de la jambe d'un mÇtùç.
On y remarque ordinairement quel-
ques articulations qui font ou rondes ', ou
,^IE 775
de la figure d'un cœur renverfé , & aonc
la ponue eft en haut. Les uns en ont
deux , & d'autres en ont jufqu'à cinq. A
l'antérieure de ces articulations , quelques-
uns ont des pointes crochues , à pai-Je
defquelles ils s'attachent aux chofes" les
plus polies. Entre ces pointes , d'autres
ont encore une plante àe pié qui' leur ferc
a s'accrocher dans les endroits où les poin-
tes feroient inutiles. Elle produit le même
effet que les morceaux de cuir mouillé ,
que les enfans appliquent fur une pierre *
& qui s'y attachent fi fort , qu'ils peuvent
lever la pierre en l'air , fans qu'elle fe
détache.
Gnendelius attribue la caufe de cmt
adhelion a la courbure de leurs oncles &
Bonnam aux coufllnets qu'ils ont' à l'ex
tremite àehmspiés ; parce que , quoique
les poux & ks puces aient aux mes des
ongles crochus , ils ne laiflènt pas , lorf.
qu on les a pofésiur une glace de miro'r ,
de ghller en bas des qu'on les dreflè ce
que ne font pas ceux qui ont de pareils
çouffinets. D'auties enfin prétendent que
les infed-es qui peuvent monter le loue
des corps les plus polis , le font par le
m.oyen dune humeur glutineufe , qu'ils
expriment des coiiPJnets qu'ils ont aux
pattes.
Il y a des infedes qui ait une efp-cje-
de palette aux genoux , avec laquelle iis
peuvent s accrocher aux corps auxquels ils
veulent Çc tenir. Cette palette fe trouve
a la première paire de jambe. Les m:-les
de pluheurs elpeccs de fcarabées aquati-
ques en ciit j mais M. Lyonnet nen a
];mia:s vu aux femelles^ fon obfervatioi>
. croît donc loupçonner que cçziq p:,ietce
neft donnée aux maies, qu'a.fin de pou-
voir mieux fe tenir aux femelles lorfqu'ils
s accouplent; du moins ne manquent-'4s
pas alors d'en faire cet ufage.
Le fcarabée aquatique a en dedans de
la palette du genou un mufcle qu'il peut
retirer. Quand il a appliqué cette palette
contre quelque corps , elle s'y joint très-
étroitement ; c'eft par ce moyen que cet
irAtac s'attache forreraent à fa femelle ,
a la proie , ou à tel autre corps que boa
lui lembîe.
Les inlcdes ^ui ont des pies n'en ont
77
P I E
pas tous le même nombre,, qui v^rîc ex-
trêmement, fnivant l'efpe ce ; ils font com-
munément (îtués fous le ventre.
Qiielques-uns des infedesqui manquent
6e pies , ont , en divers endroits de leur
corps , de petites pointes qui y fuppléent ;
ils s'en fervent pour s'accrocher dc le tenir
fermes aux corps foltdes. On trouve , par
exemple , dans la fiente des chevaux , un
ver de la longueur de huit ou dix lignes ,
&: dont le corps eft à peu près delà figure
d'un noyau de cerife ; cet infede a fix
anneaux , par le moyen defquels il s'alonge
êc fe raccourcit ; le tour de chacun de ces
anneaux eft garni de petites pointes aiguës ;
de forte que quand le ver les redreflè , il
peut les planter dans les entrailles des che-
vaux , Se s'y tenir fi ferme , que l'expul-
fîon des excréraens a de la peine à l'en-
traîner malgré lui. ( D. J.)
PiÉj ( Critique fncrée. ) lés pi es dans le
llyle de l'Ecriture (è prennenr au fens na-
turel & au figuré , de différentes ma-
nières ; 1°. au fens naturel , la Sunamite fe
jeta aux pies d'Elifée ; c'étoit encore une
marque de refpeéV des femmes à l'égard des
hommes , que de toucher les pies.
1°. Au fens figuré , pour la chauflure :
pes t^us non ejî fubîritus. Deut viij. 4. Les
fouliers que vous avez à vos pies ne font
point ufés.
3°. Pour les parties que la pudeur ne
permet pas de nommer. In die illa radet
Dominus in ncvacula , caput , & pilos pe-
dum & barbant univerfam. If. vij 2.0. En
ce temps-là le Seigneur fe fervira du roi
des AUy^ens , comm.e d'un rafoir , pour
rafer la tête , la barbe , & le poil à&spiés ;
divifijîi pedes tuos omni tranfeunti ; vous
vous êtes abandonnée à tous les paflàns ,
E^cch. xv'j. 2.5. •
4*^. Vie, fignifie l'arrivée de quelqu'un.
Quàm fpeciojt pedes evangelifantium pa-
cem. If. lij. 7. Que c'eft une chofe
agréable de voir arriver ceux qui annon-
cent la paix !
$°, Il fe prend pour la conduite : pes
fneus jietit in direâo , Pf. xxv. îz. Mes
pies font demeurés fermes dans le droit
chemin.
6°. Il ^gnifie un foutien , un appui :
oculus fuit cœco & pes claudo , Job. xxix.
PIE
15. Il éclaire l'aveugle & foutient le boi-
teux.
7®. Il défigne ce qui eft fort cher. Si
pes tuus fcandalifat te , abQ:inde .eum.
Matth. xviij. 8. Si ton piété fait tomber ,
coupe-le.
8°. Etre fous les pies de quelqu'un mar-
que l'aflervillement ; omnia fuhjccifii fuh
pedibus ejus. PC. viij. 8. Vous avez tout
Ibumis à fa puiflance.
9°. La trace d'un pié , fignifie une trh"
petite quantité de terre. Neque enim dabo
vchis de terra eorum , quantum poteji unius
pedis calcare vefîigium. Deut. ij. 5.
10°. Mettre le pie dans un lieu , fignifie
en prendre poff.ffion. Locus quem calcaverit
pes vefler , vejîer erit. Deut. xj. z^.
L'endroit où vous mettrez le pié , vous
appartiendra.
11°. Parler du pié , c'eft gefticuler du
pié. Salomon , dans les proverbes vj. 2 j ,
attribue ce langage à l'infenfé. (D. J.)
Pies j /^ baifement des ^ ( Hijf. mod. )
marque extérieure de déférence qu'on rend
au feul pontife de Rorpe ; les penchemens
de tête & de corps , les profternemens ,
les génuFxCxions, enfin tous les témoigna-
ges frivoles de refpedt devinrent fi com-
muns en Europe dans le vij & viij fie-
cles , qu'ils ne furent plus regardés comme
le font aujourd'hui nos révérences ; alors
les pontifes de Rome s'attribuèrent la nou-
velle marque de refped: qui leur eft reftée j
celle du baifement des pies. Il eft vrai que
Charles , fils de Pépin , embraflà les pies
du pape Etienne à S. Maurice en Valois ;
mais ce même pape Etienne venant en
France , s'étoit profterné de fon côté aux
pies de Pépin , père de Charles. On croit
généralement que le pape Adrien I , qui
prétendoit êtr^ au rang des princes, quoi-
qu'il reconnût toujours l'empereur grec pour
fon fouverain , établit le premier <br la fin
du viij fiecle , que tout le monde lui 3^/-
sât les pies en paroiftant devant lui. Le
clergé y acquiefça fans peine par retour fur
lui-même ; enfin les potentats &c les rois
fè foumirent depuis , comme les autres ,
à cette étiquette , qui rendoit la reli-
gion romaine plus vénérable aux peuples.
{D.J.)
Pie , en poéjîe , en latin pes Se mieux
metrum.
PIE
metmm , du grec fA&r^v/. Alliance ou ac-
cord de plulieurs lyllabes; on l'appelle /•/>
par analogie & proportion , parce que ,
comme les hommes le lèrvent des pié'.
pour marcher , de même aulli les vers
lemblent avoir quelque efpece de pies qui
les lounenneat & leur donnent de la ca-
dence.
On compte ordinairement dans la poéfie
greque & latine vingt - huit pies diffé-
rens , dont les uns font limples & les autres
compoiés.
Il y a douze /î/Vj fimples ; favoir , qua-
tre de deux fyllabes & huit de trois fylla-
bes. Les pies fimples de deux fyllabes {"ont
le pyrrichée ou pyrrique , le fpondée ,
l'iambe & le trochée. Les pies limples de
trois lyllabes font le dadyle , l'anapefte ,
le mololïe , le tribrache , l'amphibrache ,
l'ampliimacre , le bâcche , l'antibacche,
Voy e^ tous ces mots à leur article.
On compte feize pies comporés , qui
tous ont quatre fyllabes ; favoir , le dii-
pondée ou double fpondée , le procélcuf-
matique , le double trochée , le double
iambe , l'antipafte , le choriambe, le grand
ionique , le petit ionique , lepconou péan ,
qui efl de quatre efpeces & l'épitrite , qui
fe diverfifie auflî en quatre manières. J^oy.
DiSPONDÉE , AnTIPASTE , &C.
Pié&c mefure y dans la poéfie latine &
greque, font des termes fynonymes.
Un auteur moderne explique aufli fort
nettement l'origine dtspie's dans l'ancienne
poéfie. On ne s'avila pas tout d'un coup ,
dit-il , de faire des vers ; ils ne vinrent
qu'après le chant. Quelqu'un ayant chanté
des paroles , & fc trouvant fatisfait du
chant , voulut porter le même air fur
d'autres paroles; pour cela, il fut obligé
de régler les paroles du fécond couplet
fur celles du premier. Ainfi la première
flrophe de la première ode de Pindare , fe
trouvant de dix-fept vers, dont quelques-
uns de huit fyllabes , quelques-uns de fix ,
de fept , d'onze ; il fallut que dans la fé-
conde 3 qui figuroit avec la première , il y
«ût la même quotité de fyllabes & de vers,
& dans le même ordre.
On obferva enfuite , que le chant s'a-
daptoit beaucoup mieux aux paroles, quand
ics brèves & les longues fe trouvoient pla-
Tome XXV.
cezs en même ordre dans chaque flrophe ,
pour répondre exadement aux mêmes te-
nues des tons. En conféquence on travailla
à donner une durée fixe à chaque fyliabc ,
en la décUrant brève ou longue; après
quoi l'on forma ce qu'on appella des /7/»,
c'eft-à-dire , de petits efpaces tout me-
fiirés , qui fulîènt au vers ce que le vers
eff a la firophe. Cours de Bellcs-rlettres ,
tome I.
Le nom de p/Vne convient qu'àla poéfie
des anciens ; dans les langues modernes
on meiure les vers par le nombre des fyl-
labes. Ainfi nous appelions vers de dou\c
fyllabes , nos grands vers ou vers alexan-
drins ;& nous en avons de dix, de huit ,
de fix, de quatre, de d^ux f5'l!abes, &
d'autres irréguliers d'un nombre irnpair
de (yliabes. Voye^ VERS & VERSIFI-
CATION.
PIE-CORNIER, terme* des Eaux &
Forêts i on appelle en fiyle des eaux &
forêts piés-corniers y les gros arbres qui
font dans les encoignures des ventes qui fè
font dans les forêts , & qui fe marquent par
le garde-marteau.
Il eft dit dans Varticle ^ du titre de
Vajjiette , baillivage & martelage , &c.
que les arbres de lifieres & de parois fe-
ront marqués du marteau du roi , & celui
de l'arpenteur fur une face , à la différence
des piés-corniers , qui le feront fur chaque
face qui regardeia la vente. Lorfque l'on
vend quelques parties àts forêts du roi ,
l'eipace vendu efi enfermé dans des lignes,
que l'on tire fuivant la firuation des lieux.
Ces lignes font appellées parois y & les
arbres que l'on laiffe à côré ou au bout de
la ligne entre deux piés-corniers y font
arbres de paroi ou de lifiere. Exemple.
Pié-cornier. '
Paroi.
Pié-cornier.
Paroi.
Paroi.
Pié-cornier.
Paroi.
Pié-cornier.
On voit par cette figure , que les piés-cor^
niers font les arbres laiflés & marqués aux
extrémités de la vente. On voit encore
qu'entre deux piés-corniers il y a une paroi
ou deux , eu égard aux diflances des piés-
corniers. Les piés-corniers doivent être
marqués du marteau du maître , de celui
Fffff
yiS PIE
du garde-marteau , & de celui du mefu-
reur. Les places taillées fur les pie's-corniers
font appellées miro/rj- , parce qu'elles fonr
tournées pour regarder & mirer la droite
ligne qui conduit d'un pie'-cornier à l'autre ;
& les côtes où les miroirs font faits , font
nstmmésfaces.
La marque du maître tû au defllis des
autres , celle du garde-marteau eft enfuite ,
&t en bas de l'arbre. Voje^ fur cette ma-
tière Roufîeau , fur les ordonnances des
Eaux & Forets ; &: Duchaufourt dans fon
inftrucHon fur le fait des Eaux Ù Forêts.
Aubert. (D.J.)
PlÉ DE FIEF , <r/2 terme de Coutumes ,
fignifie un fief démembré. On dit en terme
de Coutumes y que lepie faifit le chef; ce
c^i veut dire , ou que la fuperficie appartient
au propriétaire du fol, ou que le proprié-
taire du fol eft en droit d'élever perpendi-
culairement fon édifice fi haut qu'il veut ,
& faire abattre ks traverfes ou chevrons
ces maifons voifines qui nuiroient à fon
élévation.
PlÉ DE FORÊT , pesforeflje , {Comm.)
contient dix-huit pouces.
Notandum efi quod pes foreflce ujîtatus
tempore Rie. OyJ[Jel. in arrentatione vaf-
fallorum faclus eji yfignatus & fculptus in
pariete cancellx ecclejix de Edwinftone ,
& in ecclefiâ B. M. de Nottingham ^ Ù
diâus pes continet in longitude ociode-
cim pollices , & in arrentatione quorum-
dam l'ajfallorum pertica , ^O ^ Zl & Z^
pedum ufa fuit , &c.
Pes monetœ , dans les anciennes archi-
ves , fe dit d'un règlement jufte & rai-
fonnable de la valeur réelle de toute mon-
noie courante. V. ETALON & MONNOIE.
PlÉ FOURCHÉ , ( Comm. de bétail. )
Les marchands de bétail appellent befliaux
à pie fourché ou fourchu y les animaux
qui ont le pié fendu en deux feulement ,
comme font les bœufs , vaches , cochons ,
chèvres , Ùc.
Le pié fourché eft auffi un droit qu'on
levé aux entrées de quelques villes de
France, fur les befliaux à pié fourché qui
s'y confomment , & dont il eft fait une
ferme. {D. J.)
Fiés poudreux {Cour des ) Jurif-
prudence ^ eft le nom d'une fuicienne cour
PIE
de juftice, dont il eft fait mention dans
plufieurs ftatuts d'Angleterre, qui devoit
le tenir dans les foires , pour rendre jul-
tice aux acheteurs & aux vendeurs , &
pour réformer les abus ou les torts réci-
proques qui pouvoient s'y commettre. V.
Foire.
Elle a pris fon nom de ce qu'on la tenoit
le plus fouvent dans la faifon de l'été, &
que les caufes n'y étoient guère pourfuivics
que par des marchands qui y venoient les
pies couverts de poulllere , & que l'on
appelloitpar cette raifon ^ pies poudreux;
ou bien elle a été ainfi nommée , parce
qu'on y propofoit d'expédier les affaires
de fon refï'ort, avant que la poufliere
fût tombée des pies du demandeur & du
défendeur.
Cette cour n'avoit lieu que pendant le
temps que duroient les foires. Elle avoit
quelque rapport avec notre jurifdidion de
juges & confuls. VoyeT^ CoNSUL.
PiÉSENTE, (Jurifprud.) d\ un fen~
tier qui doit contenir deux pies & demi
de largeur; on ne peut y paffcrqu'à pié ,
& non y mener ni ramener des bêtes. •
Coutume de Boulenois , art. i 66. {A\
PiÉ-d'ALOUETTE , {fiifi. nat. Bot.)
delphinium , genre de plante à fleur poly-
pétale , anomale & compofée de plufieurs
pétales inégaux ; le pétale fupérieur fe ter-
mine en une autre queue , & reçoit un
autre pétale divifé en deux parties , &
garni d'une queue comme le premier : le
piftil occupe le milieu de ces pétales , &
il devient dans la fuite un fruit dans lequel
il y a plufieurs gaines réunies en forme de \
tête , qui s'ouvrent dans leur longueur , &
qui renferment des femences , le plus fou-
vent anguIeufès.Tournefort yinfi. reiherb.
Voyei Plante.
Pié de CHaT, (Botan.) cette plante
qu'on emploie dans les pharmacopées ,
fous le nom équivoque de gnaphaUum ,
eft appellée par Tournefort , elichryfum
montanum y flore majore y purpurafcente.
I.R.H.4.S3.
Sts racines font fibreufes & rampantes
de tous côtés ; les feuilles font couchées
fur terre; elles font oblongues , arrondies
vers la pointe ,. d'un verd gai , couvertes
en defîbus d'un duvet blanchâtre. Au.
P I E
fômmet de ces figes , font plufîeurs fleurs
à fleurons , divifécs en manière d'ércile ,
portées chacune fur un embryon , & ren-
fermées dans un calice écailleux & luifanr ;
l'embryon fe change en une graine garnie
d'aigrettes.
PlÉ DE CHAT , (Mat. med.) les fleurs
de pié de chat font la feule partie qui foit
en ufage. Ces fleurs tiennent un rang dif-
tingué parmi les remèdes pedoraux : on
en ordonne fréquemment rinfufion , la
légère décodion , fous forme de tifane ,
& le firop fimple , dans prefque toutes
les maladies chroniques des poumons , &
fur-tout dans les plus légères, telles que
le rhume, foit récent, foit opiniâtre &
invétéré; ce crachement incommode &
abondant efl connu fous le nom vulgaire
■de pituite y &c.
On donne cette infufion ou cette décoc-
tion , foit feule , foit mêlée avec du lait ,
& ordinairement édulcorée avec le miel ,
le lucre , ou un firop approprié, [h)
^ PlÉ DE COQ égyptien , (Botan. exot.)
c'eft le gramen daâylon xgyptiacum de
E. B. & de Parkinfon ; petite plante d'E-
gypte, à racine blanche, genouillée &
rampante, ^ts branches font pareillement
genouillées, & portent quatre épis , qui
forment une croix ; cette plante eft ^d'ufage
médicinal en Egypte.
PlÉ DE GRIFFON, {Botan.) c'efl un
nom vulgaire de l'ellébore noir puant, Aqs
botanifles , helleborus niger foetidus ^ qui
a quelque ufage dans la médecine des bef-
tiaux. Voye:^ ELLÉBORE noir , {Botan.)
PlÉ DE LIEVRE , {Botan.) efpecc de
trèfle que les anciens boranifles ont nommé
lagopus i-ulgaris ; Çqs fleurs ont une fauffe
reifernblancc au pié d'un lièvre ; elle croît
parmi les blés ; fà graine efl rougeâtre :
quand elle eft mêlée avec le blé , & écra-
fée au moulin , elle rend le pain rougeâtre ;
auffi le blé dans lequel elle le trouve \
diminue confidérablement de prix.
Pié DE LION , alchimiUdy genre de
plante doit la fleur n'a point de pecales •
elle efl compofée de plufîeurs etamines
fourenues par un calice en forme d'enton-
noir ,&* profondément découpé. Le pifl:
devient dans la fuite une , ou plu:le'jrs
lemences renfermées dans une capiule qui
a fervi de calice à la fleur. Tournefort
Infl. rei herb. Voye:^ PLANTE.
Ce genre de plante eft connu àes bota-
nifles, fous le nom latin alchimilla , dont
Tournefort compte treize dpeces : nous
décrirons la plus commune , alchimilla.
l'ulgaris; C. B. P. 319. Clufii hiR. zo8.
Tournefort /. R. H. £08. en anglois , the
cammon ladiefmantle.
Sa racine fe répand obliquement; elle
efl de la grofl:"eur du petit doigt , fibreufe ,
noirâtre & aflringente ; elle pouffe un grand
nombre de queues longues d'une palme &
dernie , velues ; chaque queue porte une
feuille qui approche de celle de la mauve ,
mais plus dure , ondée & partagée en huic
ou neuf angles obtus. Cette feuille eft cré-
nelée fymmétriquemenr, & comme repliée
avec autant de nervures qui viennent à la
queue, & qui s'étendent jufqu'à- l'extré-
mité ; du milieu des feuilles s'élèvent quel-
ques tiges grêles , velues , cylindriques ,
branchues , hautes de neuf pouces , garnies
de quelques petites feuilles , portant à leur
fommet un bouquet de fleurs fans pétales,
compofé de plufîeurs éramines garnies de
fommets jaunâtres ; ces fleurs font conte-
nues dans un calice d'une feule pièce , en
forme d'entonnoir , de couleur verte-pâle ,
partagé en quatre parties pointues, entre
lefquelles il s'en trouve quatre autres plus
petites..
Le piflil fe change en une , ou deux
menues graines jaunâtres , brillantes , ar-
rondies , renfermées dans une capfule qui
éfoit le calice de la fleur. Certe plante fe
plaît parmi les herbes des Alpes , àits Pyré-
nées & ^ç.^ montagnes de la Provence." La
plante eft placée au rang àts plantes vuU
neraires aflringentes ; on emploie fon fuc
dans les ulcères internes , ainfi que pour
arrêter les règles trop abondantes , les
lieurs blanches , & la dyflènrerie ; ce re-
mède eft fort utile dans le crachement de
.ang , le piflement de fang , le diabète &
i uiccre àts poumons.
Quelques filles , au rapport d^Hoffînan .
lavent le lervir adroitement de la décoc-
non de pie de lion, dont elles font ua
^A^T^' pour réparer leur virginité. Elles
'î^ œ^ '^"^' P^'' "'^^ ^^^^ décodion»
d attermir leurs rnameiles : pour cet eftèt »
F ff f f i *
7?o PIE
elles rrerapent un linge dans la (^ecoclion
de cette plante ^ & elles, l'appliquent lur
leur lein.
Vit DE LOUP, {Botan.) le vulgaire
appelle ainfi l'elpece de raouflTe terieflre
nommée par Tournefort , mofcus t-crrejhis
clurdtus y parce qu'il a des pédicules qui
s'élèvent d'entre les rameaux , & qui
repréfentent vers leur Ibmmct une petite
tête ; cette petite tête , quand on la tou-
che en automne , jette une poudre jaune ,
fubtile, qui étant léchée , s'enftamme &
fulmine prefque comme de la poudre à
canon. (£>. /.)
Fié d'oiseau , omithopodium^ genre
de plante à fleur papilionacee. Le piflil
fort du calice , & devient dans la iuite
une filique en forme de faucille , compo-
fée de plufieurs pièces jointes enfemble ,
& ordmairement pltlTée : chacune de ces
pièces renferme une femence arrondie.
Ajoutez aux caractères àp et genre, que
ksfiiiques ibnt réunies plufieurs enfemble,
& qu'elles ont quelque reiTembla:ice avec
le pié d'un< oife-^iu. Tournefort , Inft. rei
herb. P^oye^ Fl A N TE .
PlÉ DE PIGEON, (Botan.) par les
botaniites , géranium colLmbinum. Voye^^
Bec DE GRUE < {Botan y
Fié DE PIGEON ou Bec de grue ,
^Mat. méd.) les feuilles de cetre p'iante
ont une faveur {lyptique& gluante. Tour
ncfort recommande- le firop tait de leur
fuc pour la dyfTenterie : lôn extrait a la
même vertu. De quelque manie-e que l'on
donne cette plante , elle arrête d'une ma-
nière furprenante le fangde quelque endroir
qu'il coule. Geoîfroi , mat. med. Cet éloge
efl trop général & trop pofinf ; iln'eil pas
même à la manière de Geoffroi: il fau-
droit bien fe garder de fop compter- fur
un pareil fecours dans des hémorrhagies
dangereufes.
Le pié de pigeon a beaucoup d'analogie
avec une autre çÇ'^tct de géranium ou
bec de grue, appelle heihe â Robert.
On emploie indilféremment l'une ou l'au-
tre de ces plantes. Voye\ HeRBE A RO-
BERT, {b)
Fié de POULE , (Botan.) nom que
.le pcîiple donne à Tefpece de gramen ou
chiendent , appelle par Tgurnefort ;, gra-
même
V \ E
men daaylon , radice repente. Ce
nom de pié de poule , eft encore donné"
par le vulgaire au lalium jolio caulem
ambiente minus , de Tournefort. Si l'on:
ne rejetoit pas les noms vulgaires des plan-
tes, la botanique deviendroit un chaos ;.
il faut apprendre les noms de fart & s'y
tenir. (D /.)
Fié de veau, (Botan.) genre de
plante à. fleur monopétale , anomale , &
dont la forme reflémble à l'oreille d'un
âne ou d'un Hevre. Le piflil fort du fond
de cette fleur , & il eft entouré à fa bafe
de pluliûurs embryons_qui deviennent dans
la fuite autant de baies prefque rondes ,
dans chacune defquelles il y a une ou deux
femences arrondies. Ajoutez aux carac-
tères de ce genre , que ks feuilles ne font
pas divifées , ou qu'elles ont fimplement de
petites découpures. Tournefort , Inji. rei
herb. Voye\ FlaNTE.
Tournefort compte 34 efpeces de ce
genre de plante ^dont il iufHra de décrire
la plus commune qui eft d'ulage en méde-
cine. Elle eft: nommée arum vuigare , non
maculacum. C.B. F. i^'j.I.R. H. î ^8 ;
en anglois^ the comnion wake-Rohin , or y
aium y wihc plain leaves ,* & en françois >
pié de i^eaa fans taches^
Sa racine eft tubéreufe , charnue, de la
KJ 01 leur du pouce , arrondie , mais mal.
torr.ée ;. blanche , remp ie d'un, lue fai—
trux , garnie dj quelque.^ fibres. Se^ feuil-
les iont longues de neuf pouces., prefque
triangulaires , lèmb'ables^ à une flèche ,
•uilànt^s & veinées. Sa tige eft environ de
la hauteur d'une coudée , cylindrique ,.
.:annelée; elle porte une fleur mtmbra-
. neufe d'une feule pièce, irréguliere , de
la figure d'une oreille d'âne ou de lièvre ,
roulée en manière de gaine, d'un bknc
veroâtre. Au fond de cette fleur eft le
piftil , d'un jaune pâle, à la naiftar.ce du-
quel plufieurs grairs, comrre ceux àts
raifins', ou plufieurs baies , fe trouvent
r^flemblées en l'ne tête obi nfiie. Cts
baies font fphtriques , de couleur de pour-
pre, molles, pleines de fuc; elles ren-
ferment une ou deux petites graii es ,
un peu dures & arrondie^-, "l oute la plante
eft d'une laveur fort acre , &• qui brûle la
langue^
P I E
Le pie de veau marqué de taches , arum
maculatum , l'ulgire , maculis candidis
pel nigns, C. B. P. 195. /• R- H. 1^8,
ne difière de l'ei'pece précédente , que par
les taches blanches ou noires dont Tes
feuilles l'ont parlèmées ; ces deux efpeces
de pié de veau s'emploient en médecine.
Voye-^ PlÉ DE VEAU, matière médi-
cale,
Uarum montant d'Amérique , à gran-
des feuilles percées , arum kederaceum ,
amplis foUis perforatis , du P. Plumier,
s'attache au tronc des arbres de la même
manière que nos lieres ; cette efpece d'ti-
Tum étrangère eft le bois des couleuvres
d'Acofîa , & du P. du Tertre. Hift. des
Antilles.
Varum d'Amérique à feu-Iles de fagit-
taire , & qui s'élève en arbriifeau , arum
americanum arbore/cens , fagitcarice fo-
Uis y du même P. Plumier , porte un
fruit qui pique la langue , tandis que fa
racine eit douceâtre & d'un aflez bon
goût ; c'efl: Varum efculentum , fagittariœ
foliis widi-nigramibus y de Sloane Cat.
Jam. (D. /.)
PlÉ DE VEAU , (Mat. méd.y c'efl la
racine de cette plante qui efl principale-
ment en ulage en médecine. Cette raciie
fraîche a une faveur acre ôc bi ûlanté , qui fe
diilipe en très-grande partie par la delnca-
tion & par ia décodion. Elle tieni u i rang
diflingue parmi. les iVomacniqLes , les bcchi-
qucs inciiifs , & les foiidans ou del >b{^
truans purgatifs. On la regcir le autii comme
un bon fébrifuge. Elle ell uè^-re comman-
dée dans l'afthme humide, U toux invé-
térée & iuivle de ..rachats épais & glu?.ns ,
les pâles couleurs , la cachexie , la lanniiie
& les ai^'dions mélancoliques hvp<jcon-
driaques. La dofe de cette racine lèche
cfl d'un demi-gro* jutqu'à un gros 6l demi ,
en poudre & ré uite lous torme d'opiat ,
avec un excipient convenable. C'efl prin-
cipalement avec le miel qu'on l'incor-
pore , lorfqu'on l'è nploie contre l'althme
humide.. On la fait t-nf^-er aulll dans les
ap'.'emes & les bouillons apéritifs &
fondans.
La racine de pie de veau efl de la clafTe
de ccllf'<: qui donnent une tecule , voye:^
FÉCUJLE. Quelques auteurs ont cru
PIE 7S1
retrouver dans cette fécule les vertus de la
racine entière , mais dans un d 'gi é plus
mitigé. Ils fe font trompés , cette fécule
efl dépourvue de toute vertu médicinale.
La racine de pié de veau fraîche, adou-
cie par la cuite , dans l'eau ou Jans le
vinaigre , efl donnée pour un bon diuré-
tique, & un excellent vulnéraire. Van-^
helmont la recommande à ce dernier titre
dans \ts chûtes des lieux élevés^
Les feuilles pilées & réduites en 'forme
de cataplaime , ou fimplement battues &
flétries entre les mains , font , dans plu-
fleurs provinces , un remède populaire ,
fort efficace contre les brûlures , les écor-
cinires , les coups aux jambes , aux cou-
des , ùc. qui entament la peau, les ulcères
recens , Ùc.
La racine de pié de veau entre dans
l'eau générale , diitis l'opiat méfentérique ,
dans l'emplâtre diabotanum , la poudre
cachedique de Qiiercctan , ùc. {b)
Pié d'amE, (Co/ZirAy/.) nom vulgaire
donné à une efpece d'huître , difïerente
de l'huître commune par un mamelon à fa
charnière ; on l'appelle en \:inafpondjlus y
ai .fi voye\ SpONDYLE.
Pié DU STYLE, terme de gnomoniq,
c'efl le point du plan fur lequel tombe
une ligne abaiffée du bout du flyle , per-
pendiculairement fur le pian du cadran.
[D. J.)
Pté , ( Hydr. ) c'efl la mefure de toutes
les chofes qui font dans le commerce ; la
toife- & la perche font compofées de piés^
dè-roi , ainfi que l'aune qui contient 3 pies
8 pouces.
H y a différentes fortes de pies ; favoir;
Le pié courant , qui efl divifé en I2
pouces courans.
Le pie quarré a 144 pouces quarrés , en
multipliant 12 pouces par il pouces , dont
le pro uif efl 144.
Lep/fci'culaire efl de 144 pouces cir--
culaires , en raultiphant 12 par I2, dont
le produit efl 144.
Je p/f cylindrique qu'îefl un fblide , efl
la multiplication de la fuperficie d'un pié
circulaire, contenant 144 pouces circu-
laires, par fa hauteur 12 ; ce qui donne
17^7 pouces cylindriques.
Le pié cube efl la multiplication de la
7^1 PIE
fuperficie cl\in pie quarré , contenant 144
pouces qufirrés , par fa hauteur 12 ; ce qui
donne 172.8 pouces cubes. {K)
PlÉ d'eau, {Hydr.) ert un folide ou
piê cube d'eau , qu'il ne faut pas confondre
avec ie pié cylindrique d'eau , qui n'eft
compofé que de pouces circulaires mul-
tipliés par des pouces circulaires , qui
produifent 1728 pouces cylindriques ; cha-
cun de ces pies cylindriques n'a que 113
pouces 2 lignes quarrés , provenant de la
proportion dup/Vquarré au /j/V circulaire ,
& ne pefe que 55 livres ; au lieu que le
pie cube d'eau pelé 70 livres. On évalue
ce pie cube d'eau le huitième du muid
d'eau , ce que l'on a reconnu par l'expé-
rience. Ainfi quand on compote le muid
d'eau de 288 pintes me{ijre de Paris , le
pie cube d'eau vaut 36 pintes , huitième
de 288 ; & quand le muid d'eau n'efl
évalué qu'à 280 pintes , le pie cube ne
vaut que 35 pintes, {K)
PlÉ DE VENT , phénomène dont on
trouve la defcription dans lliifloire de
l'académie des fciences de 1732. Il confilc
dans un arrangement de nuages fur diffé-
rentes lignes y qui étant prolongées con-
courroient à deux points oppofés de l'ho-
rizon , comme les méridiens d'un gîobe
fe réuniiïènt aux pôles. " Lorique le ciel
M n'efl: pas ,tout-à-fait fêrein , ni entié-
j> rement couvert , il eft rare , quand on
?j y fait bien attention > que les nuages
?j ne paroiffent pas afîèâ:er cette difpo-
» fition plus ou moins fenfibkment, C'eil
>> d'ordinaire au point de réunion vers
9i l'horizon , qu'elle eft la plus remarqua-
» ble ., & quelquefois elle ne l'eft pas
j,9 ailleurs ; .c'eft pour cela qu'il faut, fur-
» tout lorfqu'on n'a pas pris l'habitude
V d'obferver le phénomène j un horizon
?j fort étendu pour le voir diftinâement.
« Souvent le point de réunion eft très-
V fenfible , & les nuages qui en partent
>i femblent s'écarter en tout fens , en
jj forme d'éventail , ou d'un côté de l'ho-
;> rizon feulement , tandis que l'autre
■>■) côt,é eft fans aucun nuage ; ou àts
7i deux côtés de l'horizon à la fois , &
?j alors un des • deux centres eft d'ordi-
j> naire plus apparent que l'autre. Ils ne
p font pas toujours diamétralement oppo-
P I E
» Ces '. quelquefois l'ordre des nuages fe
)) trouble & fe confond , & l'on apperçoit:
)j pendant quelque temps , deux dift^érens
>j points de concours du même côté de
» l'horizon , jufqu'à ce que l'un des deux
» difparoifl"e &: cède , pour ainfi dire , la
» place à l'autre. Divers nuages , difpofés
» parallèlement les uns aux autres & à
« l'horizon à perte de vue , ce qui eft
» l'arrangement naturel que le vent leur
» donne , doivent , fuivant les règles de
y> l'optique , nous paroître concourir à
7) deux points oppofés de l'horizon. On ne
« doit pas regarder ce phénomène comme
» une autre forte de météore ; mais on
» doit le ranger dans la clafTe des phé-
« nomenes que les nuées repréfentent
» par leur différente fituation. » EJpii
de phyjique , de Me th. page J £ i. §
Z£Z4.
PlÉ, on appelle en terme de blason ,
pi^ de Vécu y la pointe ou partie infé-
rieure de l'écu ; & on dit qu'un animal
eft en pié y pour dire qu'il eft pofé fur
{es quatre pies. Lorfqu'il ne paroît que les
trois fleurons de lis , & que le pié qui eft
au delTous en eft retranché , on dit pié
coupée pié nourri. On appelle pié fiché ^
celui qui efl pointu & propre à ficher en
terre.
Pié , ( Chaffe. ) Ceft^ par le pzV qu'un
bon chaffeur peut connoître les différentes
bêtes & leurs différens âges.
Les vieux cerfs ont ordinairement la
foie du/>/>'grande & de bonne largeur, le
talon gros & large , la comblette ouverte ,
la jambe large , \es os gros , courts &
non tranchans , la pi^ce ronde & grofîe ,
& ne font jamais aucune faufle démarche ,
ce qui arrive Ibuvent aux jeunes. Outre
ce , les vieux cerfs n'avancent jamais le
pié de derrière plus avant que celui de
devant , au lieu que les jeunes le paftent
toujours. La biche a le pié fort long ,
étroit & creux , & le talon fi petit , qu'il
n'y a pas de cert d'un an qui ne l'ait aufli
gros.
On reconnoît dans les chevreuils les
mâles des femelles au piéj les mâles ont
ordinairement plus de pié devant que les
chevrettes , le tour des pinces en efl plut
rond , & le pié plus plein ; au lieu que
i
<
PIE
les femelles les ont creux & les côtés
moins gros que les mâles , qui ont aufll
le talon & la jambe plus larges , & les os
plus gros & tournés en dedans.
La trace du fanglier fe diflingue d'avec
celle d'une laie , en ce que lorfque la laie
cft pleine , elle pefe beaucoup en mar-
chant , va ordinairement les quatre pies
ouverts , & a les pinces moins grolTes que
n'a le fanglier qui va la trace ferrée ; elle
a aulïi les gardes , la foie &: le talon plus
larges , les côtés plus gros & plus ufés ,
ks allures plus longues & plus aflurées ,
mettant les pies plus aifément dans une
même diftance. Dans la faifon du rut , les
laies ont les allures auffi longues que le
fanglier ; mais la trace du mâle eft plus
repde & mieux faite. Il y a auffi une
différence entre le fanglier en fon tiers
an , & celui en fon quart an ; celui
en fon tiers an , a la foie moins pleine ,
& a les côtés de la trace plus tranchans ,
& les pinces moins grofîès & plus tranchan-
tes ; le fanglier en fon quart an , a les gardes
plus larges , plus ufées & plus près du
talon ; les allures en font plus longues , &
le pie de derrière demeure plus éloigné
que celui de devant ; au lieu que le fan-
glier en fon tiers an rompt une partie de
fa trace , & va les pies plus ouverts. Les
vieux fangliers mirés ont encore les gardes
plus larges , plus grolTes & plus ufées ;
elles approchent plus auffi du talon , &
font plus bas jointées ; & ils vont les
quatre pies plus ferrés.
On diflingue par le pie le fanglier du
cochon domeftique , en ce que les pour-
ceaux privés vont toujours les (\uzîrQ pies
ouverts ,_ & les pinces pointues & fans ron-
deur : mais les bêtes noires vont les pies
plus ferrés , fur-tout ceux de derrière ;
ils ont les pinces plus rondes & mieux
faites , & le pie plus creux que ceux des
porcs privés , qui l'ont ordinairement plein ,
& n'appuient pas du bout de la pince
comme les fauvages , qui ont le talon , la
jambe & les gardes plus larges , & qui
s'écartent beaucoup plus que ceux d'un
pourceau fauvage , qui a les gardes petites
& piquantes , droites en terre.
On diftingue les traces d'un vieux loup
d'avec celles d'un chien , parce que le loup ,
P I E 783
quand il va d'afTurance , a toujours le pié
très-ferré , au lieu que celui du chien c[\
toujours fort ouvert, & qu'il a le talon
moins gros & moins large que le loup ,
& les deux grands doigts plus gros , quoi-
que les ongles du loup foient plus gros &
enfoncent plus avant en terre; outre que
les loups forment en defîbus trois petites
tofîetres, ce que celui du chien ne fait
pas. Le' loup a auffi plus de poils fur le
pié que le chien , & les allures en font
bien plus longues , mieux réglées & plus
afTurées.
Le pié du loup diffère de celui de la
louve , en ce que celle-ci a les ongles^
moins gros que le loup. Les jeunes loups
fe connoiffent aux liaifons à^spiés qui ne
font point fi fortes que celles des vieux
loups ; ce qui fait que les jeunes ont le
pié plus ouvert , des ongles plus petits &
plus pointus , & que leurs allures ne font
pas fi réglées ni fi longues.
Le pié du blaireau diffère beaucoup de
celui des autres animaux qu'on chaffe , ce
qui en rend la connoiffancc aifée ; il a les
doigts du pié tous égaux & le talon fort
gros ; il pefe du pié quand il marche , &
le fait porter également à terre.
Pié , en géométrie y {Arpentage , Com-
merce ) , &c. efl une mefiH-e convenue
dans chaque royaume ou état gouverné
par fes propres loix , pour évaluer ou dé-
terminer des longueurs ; le pié françois
confient douze pouces. Voye\ MESURE Ù"
Pouce. ^
Les géomètres divifent le pié en dix:
doigts , le doigt en dix lignes , &c.
Les Anglois divifent leur pié comme
nous , en douze pouces , & le pouce ea
douze lignes. Voye:^ LiGNE.
Un pié quarré eff une furface rédan-
gulaire dont la longueur & la largeur fbnt
égales à un pié ; ce pié contient 144^
pouces quarrés. Voye^ QuARRÉ.
Le pié cube ou cubique a ks trois di--
menfions égales chacune à un pié y il con-
tient 1728 pouces cubes. Voye^ Cube ù^
Cubique.
Table de la pfoportion du poids de
différens corps ou matières réduites à ]»
groffeur du pié cube^
g84 PIE
Ta BLE.
Un p^^' <^"^^ <i'oi" P^^^ ï • • • ^3^^ !•
Un />/V' cwèe d'argent , • • • 744-
Un pie cube de cuivre , . • • 648.
Un pi.c cube d'étain , . . . . 576.
Un pic cube de plomb , . . . 829.
Un /'/Vcw^e de vif argent , . . ^77, '.
Un pie cube de terre , . . . • 95* î*
Un pié cube de fable de rivière , 132.
Un pié cube de lable de terre &
de mortier , 12.0.
Un pié cube de chaux , . . . . 59.
Un pié cube de plâtre , . . . . 85.
Un pié cube de pierre commune , 140.
de pieiTC de Hais , . . . . 165.
âe pierre de . Sain t-L^*u , . 115.
Un pié- cube de marbre , . . . 252.
Un pié cut'f d'ardoiie , . . . 156.
Un pié cube d'eau douce , . . . 72.
d'eau de mer , 73 '•
de Vin , . . . 70 ! .
d'huile, 66 i.
Enfin un pié cube de lel , . . iio.
Pié , ( Mefure de longueur. ) mefure
pri{è fur la longueur du pié huinain . qui
efl: différent félon les lieux. On appelle
aufli pié un inftrument en forme de petite
règle , qui a la longueur de cette mefure ,
& fur laquelle fes parties (ont gravées.
On confidere les pies comme antiques
ou comme modernes , & c'eft cette divi-
fion que nous allons fuivre en rapportant
les pies ufités, félon qu'ils ont été déter-
minés par Suellius , Riccioli , Scammozzi ,
Petit , Picard , &c. Les uns & les autres
font réduits au p/V-de-roi , qui efl une
mefure établie à Paris & en quelques autres
villes de France; elle contient 144 lignes.
Ce pié efl diviie en douze pouces , le pouce
en douze lignes , & la ligne en douze
points. Ainfi ce pié eft divifé en 1728
parties. Six de ces pies font la toifc. On
le fert de palmes & de brvifles au lieu de
pies en quelques villes d'Italie. Toutes
ces mefures iont principalement utiles pour
rir.telligence des livres , des deffins , &
des ouvrages d'archite(3:ure de divers lieux.
Pies antiques par rapport au pié-de-roi.
Pie d'Alexandrie , 13 pouces 2 lignes
2. points.
P î E
Pié d'Antioche , 14 pouces 1 1 lignes
2 points.
Pié arabique , I2 pouces 4 lignes.
Pié ba'n'lonien , 12 pouces i ligne &
6 points. Selon Capellus, 14 pouces 8 lignes
& demie ; & félon M. Petit , 12 pouces
10 lignes & 6 points.
Pié grec, II pouces 5 lignes 6 points ;
& félon M. Perrault , 1 1 pouces 3 lignes.
P/Vhcbreu , 13 jrouces 3 lignes. - ^
Pié romain. Selon Vilalpande & Ric-
cioli , ce pié 2i II pouces i ligne 8 points ;
félon Lucas Pœtus , au rapport de M. Per-
rault , & félon M. Picard , 10 pouces 10
lignes 6 points , qui eft la longueur du pié
qu'on voit au Capitole , & qui apparem-
ment efl la mefure la plus certaine du pié
romain. Malgré ce témoignage , M. Petit
penfc que ce pié doit être de II poucBs.
Pies modernes par rapport au pié-de-roi*
Pié d'Amflerdam , 10 pouces 5 lignes
3 points.
Pié d'Anvers , IQ pouces 6 lignes.
Pié d'Avignon & d'Aix en Provence ,
9 pouces 9 lignes.
Pie d'Ausbourg en Allemagne , 10 pou-
ces II lignes 3 points.
Pié de Bavière en Allemagne , 10 pouces
8 lignes.
Pié de Befançon en Franche-Comté y
1 1 pouces $ lignes 2 points.
Pie ou brafîe de Bologne en Italie , 14
pouces félon Scammozzi , & 14 pouces
1 ligne (uivant M. Picard.
Pié de Brefîè , 17 pouces 7 lignes &
6 points, félon Scammozzi ;& 17 pouces
5 lignes 4 points , félon M. Petit.
Pié ou dérab du Caire en Egypte , 20
pouces 6 lignes.
Pié de Cologne , 10 pouces 2 lignes.
Pi^ de Franche-Comté êc Dok , 13
pouces 2 lignes î points.
Pié ou pic de Conflantinople , 24 pouces
5 lignes.
Pié de Copenhague en Danemarck , 10
pouces 9 lignes 6 pomts.
Pi/é de Cracovie en Pologne , 10 pouces
2 lignes.
Pié de Dantzick en Pologne , 10 pouces
4 lignes 6 points, félon M. Petit; & 10
pouces 7 lignes , félon M. Picard.
Pid
P I E
Pic de Dijon en Bourgogne , ir pouces
7 lignes 2 points.
Pie de Florence , 20 pouces 8 lignes
6 points, félon Maggi ; 21 pouces 4 lignes
6 points , félon Lorini ; 22 pouces 8 lignes ,
filon Scamraozzi, & 21 pouces 4 lignes,
(èlon M. Picard.
Pie de Gênes , 9 pouces 9 lignes.
Pie de Genève, 18 pouces 4 points.
Pié de Grenoble en Dauphiné , 1 2 pouces
7 lignes 2 points.
Pié de Heidelbcrg en Allemagne, 10
pouces 2 lignes , félon M. Petit ; & 10
pouces 3 lignes 6 points , fuivant une mefure
originale.
Pié de Lcipfick en Allemagne , 1 1 pouces
7 lignes 7 points.
Pié de Leyden en Hollande , ou pie
rhénan , n pouces , 7 lignes. Ce pie îcn
de mefure à tout le feptentrion *, fa proportion
avec le pié romain eft comme de 950 à
1000. Voye\ Cafimir , qui dans (à pyro-
thccnie a fait fà rédudion au j^ie rhénan , de
tous les autres pies des plus fameufcs villes
de l'Europe.
Pié de Liège , 10 pouces 7 lignes 6
points.
Pié de Lisbonne en Portugal, n pouces
7 lignes 7 points , félon Suellius.
Pié de Londres & de toute l'Angleterre ,
1 1 pouces 3 lignes , ou 1 1 pouces 2 lignes
6 points, félon M. Picard ; & fuivant une
mefure originale , n pouces 4 lignes 6
points. Le pouce d'Angleterre fe divife en
dix parties ou lignes.
Pié de Lorraine, 10 pouces J lignes 2
points.
Pié de Lyon , 12 pouces 7 lignes 2
points , félon M. Petit ; & 12 pouces 7
lignes 6 points , félon une mefure origi-
nale. Sept pies & demi font la toife de
Lyon.
Pié de Manheim dans le Palatinat du
Rhin , 10 pouces 8 lignes 7 points , félon
une mefure originale.
Pie de Mantoue en Italie , 17 pouces 4
lignes , fuivant Scammozzi.
Pié de Mâcon en Bourgoj^ne, 12 pouces
4 lignes 3 points. Il en faut fept & demi
pour la toife.
Pié de Mayence en Allemagne , 1 1 pou-
ces I ligne 6 points.
Tome XXV.
PIE 7^y
Pié de Middelbourg en Zélande , 1 1 pou-
ces I ligne.
Pié de Milan , 22 pouces,
Pié de Naples , eft une palme de 8 pouces
7 lignes , félon Riccioli.
Pié de Padoue en Italie , 13 pouces i li-
gne , (clon Scammozzi.
Pié de Palerme en Sicile , 8 pouces Ç
lignes.
Pié de Parme en Italie , 20 pouces 4
lignes.
Pié de Prague en Bohême , 1 1 pouces i
ligne 8 points.
Pié du Rhin , 11 pouces Ç lignes 3
points , félon Suellius & Riccioli ; 1 1 pouces
6 lignes 7 points , félon M. Petit ; 1 1 pouces
7 lignes , félon M. Picard , & 1 1 pouces
7 lignes & demie , fuivant une mefùrc
originale. On en a trouvé une féconde
en fouillant les ruines d'Herculanum ; oa
dit que c'eft une verge pliante de bronze ,
dans laquelle le /j/V romain eft partagé en
pouces & en lignes ; de cette manière
on faura définitivement l'étendue du pié
romain.
Pié de Rouen , femblable au pié",
de-roi.
Pié de Savoie , 10 pouces.
Pié de Sedan , 10 pouces 3 lignes.
Pfé de Sienne en Italie , 21 pouces 8
lignes 4 points.
Pié de Stockholm en Suéde , 12 pouces I
ligne.
Pié de Strasbourg , 10 pouces 3 lignes
^points.
Pié de Tolède , ou pié caflillan , lï
pouces 2 lignes 2 points , félon M. Ric-
cioli; & 10 pouces 3 lignes 7 points , (èloa
M. Petit.
Pié trévifan dans l'état de Venife, 14
pouces 6 points , félon Scammozzi.
Pié de Turin ou de Piémont , 16 pouces ,'
félon Scammozzi.
Pié de Venifè, 12 pouces 10 lignes ,
félon Scammozzi & Lorini ; 12 pouces S
lignes , félon M. Petit ; & 1 1 pouces 1 1
lignes , (iiivant M. Picard.
Pié de Vérone , égal à celui de Veni(è.
Pié de Vicence en Italie , 13 pouces 2
lignes , (èlon Scammozzi.
Pié de Vienne en Autriche , 1 1 pouces 8
lignes.
OggZë -
7?^ PIE
Pié de Vienne en Dauphiné, 1 1 pouces 1 1
lignes .
Pie d'Urbin & de Pezaro en Italie , 13
pouces I ligne , félon Scammozzi.
Pie félon fes dimenjions .
Pié courant ; c'eft lej^/^'qui eft mefui-c fui-
vant fa longueur.
. Pic quarré ; c'eil un pié(\m eft compofe de
la multiplication de àc\MX.piés. Ainfimip/f
étant de 12 pouces , un piV quarré efî de 144.
ponces , nombre qui provient de 12 multi-
plié par 12.
Pié cube; c'efl un i^zV qui contient 1728
pouces cubes , nombre qui eft formé du pro-
duit du />2Vquarrc par le jp/V fimple.
Comme nous écrivons pour tous les peu-
ples , & qu'il pourroit y avoir des étran-
gers qui ignoreroient le rapport & la diffé-
rence du/» /V qui efl en ufage chez eux au
/>/V-de-roi , que nous avons pris ici pour
règle , il convient d'ajourer encore une table
qui puifTe aid^r tout le monde à évaluer les
différensp/V'j' H celui de Paris. Nous avons
dit qu'il fe divifoit en douze pouces , & cha-
que pouce en douze lignes. Si donc on fup-
pofe chaque ligne divifée en dix parties , on
aura.
Lep/Vde Paris , de . . .
Le pié de Bologne , de .
Le pie'àt Danemarck , de
Le pié de Rhin ou de Leyden
de
Le pié de Londres , de
Lej3/V de Suéde , de .
Le pié romain du capltole,
Le pié de Dantzick , de
Le pié d' Amfterdam , de
Le palme de Naples , de
Le palme de Gênes , de
Le palme de Paierme , de
Le palme romain , de .
La braffe de Bologne , de
La brade de Florence à terre ,
de .
La braïïe de Parme & de Plai-
fance , de
La braflê de Reggio, de .
La brafle de Milan , de .
La braffe de BreOe , de .
La brafle< de Mantoue , de
Le pié de Rome , de , . .
Parties,
1440.
16*2.
1404.
1390.
1350.
I3IO.
1306.
1272.
1258.
I169.
III3.
1073.
990.
2640.
2430.
2423.
2348.
21 56.
207^.
2062.
1320.
pie de Leiplick , de .
pié de Cologne , de .
■ pié de Bavière, de .
i^Q pié d'Ausbourg de
Le pié de Lisbonne , de . . .
Le pié de Vienne en Autriche ,
de
de
Le pié de Prague , de . .
Le pié de Cracovie , de
Le pié ae v^racovie , at
Le pié de Savoie , de . . . .
Le pié de Genève , de . . .
^des Hébreux, de
A.,^:».. ^:j J jjgg Grecs, de .
' des Romains , de
Ancien
3140.
1282 1.
1346 U
1820.
1397.
Ï220.
1280,
I313.
1397.
1400.
^338.
1580.
1440.
2592.
1590.
1350.
1306.
Quand les Allemands n'expriment point
la forte de pié dont ils (è fervent , il faut
l'entendre du pié rhinlandique. ( Le chev,
DE JauCOURT.)
PlÉS DROITS, {Marine.) ce font des
étances paffées fur le fond de cale & fous
quelques baux , dans les plus grands vaif»
ieaux où il y a des broches taillées comme
celle d'une crémaillère , par où [qs mate-
lots montent & defccndent avec le fecours
d'une tirevicille.
Pié marin, {Marine.) avoir le pié
marin y fe dit d'un homme de mer qui
a le pié fi iûr & fi ferme , qu'il peut le
tenir debout pendant le roulis d'un valA-
feau.
Il fe dit auffi de celui qui entend bien là na-
vigation, & qui efi: fait aux fatigues de la mer-
Lorfqu'un officier a le piémariny les gens de
l'équipage ont bien pluo de confiance dans fa
conduite.
Pié FORT, terme de monnaie ^ ce mof
fe dit d'une pièce d'or , d'argent , ou d'autre
métal , plus forte ou plus épaifîe que les
monnoics ordinaires, quoique prefque tou-
jours frappée au même coin , mais qui n'a
point de cours dans le commerce , cX)rame
\ts autres efpeces.
Ce font les monétaires ou monnoyeurs
qui \qs font frapper par curiofité , foit pour
garder , foit pour les donner à leurs amis.
On voit à Paris , dans les cabinets des
PIE
curieux , des pUs forts de quatre louls d'or , ' '
de huit , de douze , & de lèize , prefque
tous gravés par le célèbre Varin , cet habile
artifte , à qui la monnoie de France eft rede-
vable de fa perfedion.
Outre les pies forts qui font frappés fur
de l'or , on en a auiîi quantité d'argent & de
cuivre gravés par cet exxellent graveur , qui
égalent les beautés des médailles le plus
eflimces. Boifard. {D. J.)
PlÉ , f. m. {MMiufacture.) ce mot fe dit
de la partie inférieure des rots , qui fervent
à la fabrique des étoffes & des toiles; la
partie fupérieure s'appelle la tête.
PlÉ , {mefure d'ciwriers.) mefure de
cuivre , de fer , de bois , ou de quclqu'autre
matière que ce foit, qui fert à la plupart des
ouvriers , entr'autres aux charpentiers ,
menuiGers , maçons , couvreurs & autres
fcmblables , pour melurer les ouvrages.
Il y a de ces pies "qui font tout d'une
pièce , d'autres qui fe plient & font brifés ,
d'autres encore qui en s'ouvrant portent
leur équerre. Ce font hs faileurs d'infîru-
mens de mathématiques qui font ordinai-
rement les pies de cuivre ; ils en font '
auffi d'argent pour mettre dans des étuis
portatifs : les uns & les autres font di-
vifés en pouces , & le premier pouce en
lignes.
Les pies de fer ou d'ouvrage commun fe
vendent par les clincaillers. (D. J.)
PlÉ DROIT, f m. {Archic.) c'eil la
partie du trumeau ou jambage d'une porte
ou d'une croifée , qui comprend le bandeau
ou chambranle , le tableau , la feuillure ,
l'erabrafure , & l'écoinçon ; on donne aulTi
ce nom à chaque pierre , dont le pic droit efl
compofé.
PlÉ DE FONTAINE , f. m. { Archit.)
cfpece de grcs balufîre, ou piédeftal rond
ou à pans , quelquefois avec des conloles
ou àts figures , qui fert à porter une coupe
ou un baiiin de fontaine , ou un chandelier.
Il y a dans, la colonnade Àt Verf ailles
trente & un pies , qui foutiennent autant de
baffins de marbre blanc.
PlÉDEMUR, [Archit. ) c'eft la partie
inférieure d'un mur , comprife depuis l'empâ-
tement du fondement jufqu'au deiTus, ou à
hauteur de retraite.
PIE 7^7
Plé-DE-CIIEVRE, terme d'ouvriers ^
e(J)ece de pince de fer , recourbée & re-
fendue par le bout , dont les charpen- ■
fiers , maçons , tailleurs de pierre , &
autres ouvriers , fe fervent pour remuer
leurs bois , leurs pierres , & femblabies '
fardeaux. a
Pies de devant^ de derrière.
Voye\ V article Bas AU MÉTIER.
PiÉ-DE-CHEVRE , {Ckarpent.) c'efl
une troifieme pièce de bois , qui lert à en ap-
puyer deux autres quicompofent le montant
de la machine qu'on appelle cr/i^ï^'re & qui efl
■propre à élever des fardeaux : les charpentiers
ajoutent cette troifieme pièce de bois, pour
fervir de jambe i la machine appeilécr
chei^re , lorfqu'on ne peut l'appuyer con-
tre un mur , pour enlever un fardeau de
peu de hauteur , comme une poutre fur
des trétaux , pour la débiter , Cv. Dans
leur langage enter un pie- de - chèvre ,
cd\ une manière d'afl'embler dont ils fè
fervent pour alonger des pièces de bois.
{D.J.) '
PlÉ-CORNIER , [Charpent.) ce mot
fe dit des longues pièces de bois qui font
aux encoignures des pans de charpente ;
on le dit autll des quatre principales pièces
qui font l'afl'emblage d'un bateau , d'un car-
rolTe , qui foutiennent l'impériale , où l'on
attache les mains , où l'on pafle les fou-
pçntes.
PlÉ DE CIRE, (Cirerie.) c'efl ainfi
qu'on appelle le fédiment o^ ordure de la
cire qui s'échappe à travers la toile , ou par
les trous du prelToir, & qui tombe au fond
des m.oules où l'on a jeté la cire étant encore
chaude. On le fert d'un couteau ou d'un au-
tre inllrument fait exprès pour féparer la
bonne cire d'avec le pie' de cire y qui fe trouve
toujours au defTous des pains , après qu'on
les a retirés des moules ; moins la cire a
de pic , & plus elle eu efîimée. Diclionn.
de Comm.
PlÉ d'ÉTAPLE , ( Cloiuier. ) eft un
inflrument de fer pointu par en bas , &
enfoncé dans le bloc qui fert d'établi aux
cloutiers; cd^ inflrument à dix-huit pouces
ou environ de hauteur , Se quatre pouces
de largeur ; il efl quarré dans toute (à
longueur , excepté par en haut , où il eft
1 plus long que large , & fe termine en
Ggggg 2.
n PIE
pince d'un côté. Le pie d'étaple a au côté
oppofé à la pince une ouverture dans la-
quelle on introduit laclouillere ,qui de l'autre
côté éft pofée fur la place.
PlÉ , ( Dentelle. ) ce mot fè dit d'une
dentelle très-bafïê , qui fe coud à une plus
haute , engrelure contre engrelure.
Pi É-DE- CHEVRE , {Ferblantier?} outil
de ferblantier , c'eft un morceau de fer qui
cjfl fait à peu près comme un tas , à l'excep-
tion qu'il eft plus haut fur fon pie , & moins
large ; la face de defïùs efl fort unie. Il fert
aux ferblantiers pour former des plis & replis
à leurs ouvrages.
PlÉ , terme dont plufieurs artifîes fe fer-
vent, mais particulièrement les horlogers,
les faifeurs d'inilrumens de mathématiques;
il lignifie une, petite cheville cylindrique fixée
à une pièce qui doit tenir à vis fur une
autre.
Il y a trois pies fous la potence d'une mon-
tre ,lefquels étant juftes dans des trous percés
ù la platine du deiîus , empêchent que cette
platine & la potence ne tournent fur la vis
qui \ts tient prefTées l'une contre l'autre. La
fondion des pies eft la même dans les autres
pièces où ils font ajuftés ; tels font le coq, les
•barettes , le petit coq , &<:. On écarte , au-
tant qu'il fe peut , les pies les uns des autres,
afin que par leur diftance le jeu qu'ils pour-
roicnt avoir dans leur trou devienne moins
fcnfible.
PlÉ DE BICHE, {Horlogerie.) fe dit
parmi les horlogers , d'une détente brifée ,
dont le bout peut faire bafculc d'un côté ,
mais non pas de l'autre ; il fe dit auffi de
tout ajuflement femblable.
PlÉ DE GUIDE-CHAÎNE, fer/;îe£/'^or-
logerie ; c'eft une efpece de petit pilier quar-
ré , rivé vers la circonférence de la platine
de deflus d'une montre , entre le barillet &
la fufée. Il a dans fa largeur une fente, dans
laquelle entre la lame du guide-chaîne ; il a
de plus un trou à la moitié de fà hauteur ,
qui le traverfe de part en part , & qui efl
à angle droit. Avec cette fente ce trou
fert à loger une goupille , qui paflànt à
travers un trou femblable percé dans la
lame du guide-chaîne , l'empêche de for-
tir de cette fente , en lui laiflant cependant
la hberté de tourner fur la goupille , &
lie s'approcher ©u de s'éloigner un peu
V I E
de la platine. Voye\ G U I D E-CHAÎNB
PlÉ HORAIRE, {Horlogerie.) c' eft la
troifieme partie de la longueur d'un pen-
dule qui fait fes vibrations dans une
féconde. M. Huyghens eft le premier qui
ait déterminé cette longueur , & il a trouvé
qu'elle eft à celle du pie de Paris , comme
864 à 881. Ce mathématicien compte pour
la longueur de ce pendule 3 pies de Paris ,
8 lignes & demie. Koje:^ horl. Ofcillat,
part. IV. Prop. 15 • Huyg. opéra , tome I.
{D.J.)
PlÉ , {Jardinage) eft le bas de la
tige d'un arbre ; on dit encore le pié d'une
palilTade.
PlÉ-DE-CHEVRE, terme d'Imprimerie^
s'entend d'une efpece de marteau particulier
aux ouvriers de la prefïè ; c'eft un morceau
de fer arrondi , de la longueur de fept à
huit pouces , fur deux pouces de diamètre ,
dont une des extrémités qui fe termine en
talon ou tête de marteau , leur fert pour
rfionter leurs balles , & à proprement
parler, à clouer les cuirs fur les bois de
balle. L'autre extrémité qui eft comme
une pince aiguë , courbée , & refendue , "
leur tient heu de tenailles ,^ lorfqu'il s'agi
de détacher les clous & démonter les baU
les. Voyei BALLES , BoiS DE BALLES ,
Cuirs.
Pié de la LETTRE, {Imprimerie.)
eft le bout ou extrémité oppofée à l'œil :
on l'appelle pié , parce que c'eft cette
extrémité qui fert de point d'appui à la fu-
perficie & au corps de la lettre , qui peut
être confidérée dans fon tout , comme ayant
trois parties diftindes , l'œil , le corps &
le pié.
Pié de mouche, {Caractère d' Im-
primerie. ) ainfi figuré 5- H fert à faire con-
noître les remarques qu'un auteur veut dif-
tinguer du corps de fa matière, afin que l'on
fâche pour quelle raifon on s'en fert dans un
ouvrage ; l'auteur doit en avertir le ledeur
dans fa préfa^ce.
Pié, huit pies , ouvert , ou huit
PIÉS EN RÉSONNANCE, {jeu d'orgue.)
ce Jeu qui eft d'étain joue l'odave au dcftus
du bourdon , & de la montre de 16 pies ,
& l'unifïbn du bourdon de 4 pies bouché.
Ce jeu eft ouvert , & a quatre oiâaves.
PIE
PlÉ, dans tes orgues: on appelle pzV,
la partie inférieure , de forme conique d'un
tuyau. Le /»/Veft ordinairement de la même
étoffe que le tuyau , & y efl foudé après
que le bifeau qui fépare le tuyau du pie a été
foudé avec ce dernier. La Icvre inférieure de
la bouche cil prife dans le corps même du
pie que Ton applatit en dedans pour les
tuyaux qui ont la bouche en pointe ; pour
ceux qui l'ont ovale , c'ell une pièce de la
forme d'un fegment de cercle que l'on re-
tranche du pie. La flèche de ce fedeur ,
eft le quart de fa corde ; la pièce retran-
chée d'un tuyau fert pour un autre de moin-
dre grolîeur.
On obferve de donner aux tuyaux des
montres d'orgue , des longueurs & des grof-
feurs fymmérriques , en forte que les bou-
ches des tuyaux fuivent des deux côtés d'une
tourelle ou dans des plates faces correfpon-
dantes , des lignes également inclinées à
l'horizon. Cet arrangement donne plus de
grâce au fût d'orgue , que 11 les bou-
ches étoient toutes fur une même ligne ,
ou qu'elles fulTent difpofécs irrégulière-
ment.
PlÉ dans le cheval y {Maréchal.) c*ell la
partie de la jambe depuis la couronne juf-
qu'au bas de la corne. Voye\ COURONNE.
11 ert compofé de la couronne , du fabot , de
la foie , de la fourchette , & des deux talons.
Les défauts du pié font d'être gros , c'efl-à-
dire , trop coniîdérable à proportion de la
jambe ; gros y c'eft- à-dire , que la corne
en eft trop mince ; comble plat y ou en
écaille d huître y eft celui qui n'a pas la
hauteur fufîifante , & dont la foie defcend
plus bas que les bords de la corne , &
femble gonflée; dérobé y ou mauvais piéy eft
celui dont la corne eftfiufée ou fi caffanre ,
qu'on ne fauroit y brocher des clous. Pié
cncaftelé, ï^oycîjENCASTELURE ; cerdé ,
voye\ Cerclé. Pié du momoir y c'eft le
pié gauche de devant & de derrière ; pié
hors du montoir y c'eft le droit ; pié (i^c ,
eft celui qui fe refferre , s'encaftele & fe
cercle naturellement. Le petit pié , eft un
os qui occupe le dedans du pié , & qui eft
emboîté par la corne du fabot. Pié neuf y
fe dit d'un cheval à qui la corne eft reve-
nue après que le fabot lui eft tombé ; &
il n'eft plus propre dans ce cas que pour
P î E 789
le labour. Parer le pié d'un cheval y c'eft
rendre les bords^ de la corne unis , pour
pofer enfuite le fer defTus. Galoper fur le
bord ou fur le mauvais pié y voye\ GA-
LOPER. On mefure les chevaux par pié
& pouces ; le pié de la lance y voye:^
Lance.
Fié de BICHE, (Menuiferie.) eft un
morceau de planche, au bout duquel il y a
une entaille en forme de pié de biche i il fert
à tenir l'ouvrage fur l'établi.
PlÉ DE BICHE , terme de Menuifier; ils
appellent pié de biche y une certaine façon de
terminer les pies d'une taWe , d'une chaife ,
ou autre ouvrage en forme du pié d'une bi-
che. (D. J.)
Pié de BICHE , {Orfèvrerie.) ce fontles
pies qui fupportent les cafetières d'argent ou
d'autres ouvrages de cette nature , qu'on ap-
pelle ainfî , parce qu'ils ont la forme du pié
d'une biche.
Pié DE BICHE, terme de Serrurier y c'eft
une barre de fer qui fert à fermer les portes
cocheres ; cette barre eft attachée à la mu-
raille , & fe divife à l'autre bout en deux
crampons qui entrent dans les ferrures de
la porte. {D. J.)
Pié. On dit un tableau , un delTm réduit
au petit pié, quand pour en copier un grand
on proportionne toutes les parties par quar-
rés , fuivant ceux qu'on a marqués fur ToH-
ginal. C'eft ce qu'on nomme auiRcraticuIery
ou faire un chafjîs ou treillis.
Pié, {Soierie.) partie du métier. Il y aies,
pies de devant ; c-e iom des piliers de bois de
15 pouces d'équarriirnge jufqu'à la banque ,
& au deflus de 7 à 8 pouces.
Il y a les pies de derrière ; ce font des pie-
ces de bois de 7 à 8 pouces d'équarrilïàge ,
hautes de 6 pies ou environ : ceux de devant
font de la même hauteur.
Pié , ( Teinture. ) c'eft la première
couleur qu'on donne à une étoffe avant
que delà teindre dans une autre couleur,
comme le bleu avant que de le teindre en
noir ; ce qui s'appelle /?/>' de pajîel ou de gue^
de. On dit de même pié" de garance , pié de
gaude , pié de racine , & ainli des autres dro-
gues dont eft compofée une teinture.
Une feule étoftè a autant de pies de cou-
leur qu'elle eft fucceiîivcmeat teinte en dif»
790 PIE
férentes couleurs; & les teinturiers en France
font obligés d'y laifler autant de rofes ouro-
{^ncs que de pies, pour taire voir qu'ils ont
donné les pies de leur couleur. Sai^ary.
(D.J.)
PlÉ DERRIERE , au jeu de quilles , fe
dit d'un joueur qui finiflant fa partie eft obligé
de jouer un pié au but ou dans le cercle de
fa boule , & l'autre derrière. Cela ne fe fait
qu'au dernier coup de la partie , & il y a
même bien des joueurs qui conviennent de
ne le pas taire.
. PlÉS-DROITS , [Plomherie.) ce font les
plaques ou tables tie plomb dont on couvre
la charpente des lucarnes , pour empêcher
que le bois ne pourrilîe à la pluie. Les piés-
droits Te paient à tant le cent pefantmisen
ccuvre , plus ou moins , fuivant le prix du
plomb. Sarary. [D.J.)
PIECE , f f. (Litte'r.) dans l^poejie dra-
manque y efî: le nom qu'on donne à la fable
d'une tragédie ou d'une comédie , ou à l'ac-
tion qu'on y préfente. Voye^ Fable Ù
-Action.
M. Chambers ajoute que ce mot fe prend
plus particulièrement pour fignitier le nœud
ou Y intrigue qui fait la difficulté & l'embar-
ras d'un poëme dramatique. Cette accep-
tion du mot pièce y peut avoir lieu en
Angleterre , mais elle n'efl: pas reçue parmi
notis. Par pièce, nous entendons \t poème
dramatique tout entier , & nous comprenons
les tragédies , les comédies , les opéra ,
même les opéra comiques , fous le nom
générique de pièces de théâtre. Depuis
Corneille & Racine, nousavons peu d'excel-
lentes pièces.
On appelle auflî pièces de poéfie certains
ouvrages en vers d'une médiocre longueur ,
telles qu'une ode, une élégie, Ùc. Toutes
les pièces de RoufTciau ne lont pas d'une
égale torce : les pièces fugitives qu'on in-
fère dans le mercure y ne font pas toujours
excellentes.
La coutume s'cft aufli introduite depuis
'quelque temps dans le langage familier ,
d'appcller pièces les ouvrages des orateurs :
ainîiron dit que tel prédicateur a nombre
de bonnes pièces ; que le panégyrique de
faint Louis, par fabbé Seguy-^ eft une des
meilleures pièces qui aient paru en ce genre.
P I E
Pièces , {Jurifprud.) On comprend
fous ce terme tous les titres , papiers
& procédures qui fervent pour quelque
afïaire.
Pièce adirée y efl celle qui fe trouve à
dire , qui eft en déficit.
Pièce arguée de faux ou infcrite de faux y
efî celle que l'on maintient faulfe. Voyei^^
Faux.
Pièce arguée de nullité y efl celle que l'on
foutient nulle.
Pièce authentique y efl celle qui efl en
forme probante.
Pièce collationnée y voye\ COPIE COL-
LATIONNÉE.
Pièce de comparai fon y efl celle dont
l'écriture & la fignature font reconnues,
& que l'on compare à une pièce arguée
de faux , pour voir fi l'écriture efl la
même.
Pièce eompulfée y efl celle dont on a tiré
une copie , foit en entier ou par extrait, par
la voie du compulfoire.
Pièce contrôlée , efl celle qui a éré vifée
& enrégiflrée au contrôle , & duquel il
efl fait mention fur ladite pièce. Voye\
Contrôle.
Pièce dépofée y efl celle que l'on a mife
dans un dépôt public , ou que l'on a reraife
entre les mains de quelque perfonne , par
forme de dépôt.
Pièce infcrite de faux y voyez pièce ar~-
guée de faux _, 6" FaUX.
Pièce inventoriée y efl celle qui efl com-
prife & énoncée dans un inventaire fait par
un notaire ou autre officier public , ou qui
efl produite dans un inventaire de produc-
tion fait par un procureur.
Pièce paraphée y efl celle qui efl mar-
quée d'un paraphe. Voye\ ci-dei'ant PA-
RAPHE.
Pièce par extrait y efl celle dont on
n'a tiré qu'un extrait , & non une copie
entière.
Pièce deproducliouy efl une pièce produite
dans un infiance ou procès.
Pièce de . prodncfion principale y voye\
Production principale.
Pièce de producîion nouvelle y voye\
Production nouvelle.
Pièces vues y c'efl lorlque les pièces ont
été remifes. devant le juge.
PIE
pièce vidimée , c'étoit la même cliofe
que ce que nous appelions aujourd'hui
copie collationnée. Voyez Vidimus.
PIECE , ( Mujique. ) ouvrage de mu-
lîque d'une certaine étendue , quelquefois
d'un feul morceau & quelquefois de plu-
fieurs , formant un enlemble & un tout
fait pour être exécuté de fuite. Ainfi une
ouverture efl unep iece , quoique compofée
de trois morceaux , & un opéra même
elVune pièce, quoique divifé par ades.
Mais outre cette acception générique , le
mot pièce en a une plus particulière dans
la mulique inflruraentale , & feulement
pour certains inflrumens , tels que la viole
& le clavefîîn. Par exemple , on ne dit
point une pièce de violon y l'on dit une
fonate : & Ton ne dit guère une fonate
de clai'ejjîn , l'on dit une pièce. {S)
PIECES HÉRALDIQUES, [Blafon.)
* Jufques ici les diviilons & partitions de
l'écu , ainfi que les proportions des pièces
héraldiques y ont été abandonnées au ca-
price des blafonneurs, qui , faute de fuivre
aucune méthode régulière , ont fouvent
donné un air difforme tant à l'écu qu'à {es
diverfes pièces , faifant celles-ci tantôt trop
grandes & tantôt trop petites. L'auteur de
l'article qu'on va lire , a lenti cette im-
perfedion de la fcience héraldique , & a
réufli d'une manière auffi heureufe que fa-
vante , à établir des proportions géomé-
triques dont il ne fera plus permis de
s'écarter. Il commence par la conllrudion
de l'écu. *
Ecu ou ùujfon. La largeur de l'écu
divifée en fèpt parties égales , on en ajoute
une huitième pour la hauteur. On arrondit
les angles d'en bas d'une portion de cercle
dont le rayon eil: d'une demi-partie ; deux
autres portions de cercle de même pro-
portion, au milieu de la ligne horizontale
inférieure , fe joignent en dehors & forment
la pointe.
Les cotices , par exemple , fe nomment
pièces. Lanharé de Tiercelieu , de Mon-
ceaux en Brie ; êi argent à deux cotices
de fable.
Huot de la Hcraude , éledion de Troyes
en Champagne; de gueules d cinq cotices
d'or.
f I E 791
Turenne J'Aignac en Querci , cotiai
d'or^ de gueules. Voyez COTICE.
§ Pièces honorables , f. f. plur.
( terme de l'art ^Héraldique. ) Pièces ,
ainfi nommées , parce qu'elles font les
premières qui aient été mifes en ufage ;
ces pièces occupent en largeur deux parties
des 7 de la largeur de l'écu; leurs extré-
mités en touchent les bords.
Les pièces honorables font au nomibre de
fept. Voyei l'article Blasoi^. Voye^-auJUt
l'article précédent.
Le chef, la fafce , le pal, la croix,
la bande, le chevron, le fautoir.
Le chef occupe la plus haute partie de
l'écu , il repréfente le cnfque de l'homme
de guerre.
La fafce placée au milieu horizontale-
ment , repréfente l'écharpe de l'ancien
chevalier.
Le pal au milieu de l'écu perpendicu-
lairement , efl une marque de jurifdiéiion.
La croix s'étend par fes branches ju(^
qu'aux bords de l'écu , & laifle quatre
cantons vuides égaux entr'eux ; elle défigne
les voyages d.Qs croifades.
La bande pofée diagonalement de l'angle
dextre du haut de l'écu , à l'angle ferieftré
du bas , repréfente l'écharpe du chevalier
fur l'épaule.
Le chevron formé de deux pièces qui I
fe joignent en pointe vers le haut de l'écu,
& s'étendent , l'une à l'angle dextre , l'autre
à l'angle fènefîre du bas , repréfente , félon
certains auteurs , une barrière de lice des
anciens tournois ; félon d'autres , l'éperon
du chevalier.
Le fautoir a la forme d'une croix de
Saint- André ; c'étoit anciennement un
cordon , couvert d'une étoffe précieufe ,
qui étoit attaché à la felle d'un cheval ,
& fervoit d'étrier pour monter ' deffus.
La garde de Chambonas , en Langue-
doc ; d'a\ur au chef d'argent.
Lafiic de Saint-Jal , en Auvergne ; de
gueules à la fafce d'argent.
De Meyferia , en Breffe ; de Jinople cm
pal d'argent.
D' Albon de Montaut , de Saint-ForgeuT ,'
en Lyon n ois ; de fable à la croix d'or»
De Vaffignac d'Imecourt, des Loges,
en Champagne ; d'azur à la bande d'argentt
k
75?.i P I E PIE
De Nettancourt de. Vaubecourt , en la fnoîe antique. ) Les pièces d'argent , dans la
même province ; de gueules au cheyron
d'or.
De Gerente de Senas, en Provence;
d^ or au jautoir de gueules. (^G.D. L. T.)
Pièces honorables, en terme de
Blafon j d\ le nom que l'on a donné à
certaines pièces qui regardent proprement
cette l'cience.
Les pièces honorables font au nombre
de dix : (avoir , le chef , le pal , la
bande , la barre , la fafce , la croix , le
fautoir , le chevron , la bordure & l'orle.
Vojei chaque pièce fous fon article par-
ticulier, voyei Chef, Pal , &c.
Les hérauts d'armes allèguent pîufîeurs
raifons pour lefquelles ces pièces ont été
appellées honorables , favoir leur antiquité ,
comme ayant été en ufage depuis l'origine
des armoiries; 2°. parce que ces pièces
marquent les ornemens qui conviennent à
des hommes nobles & généreux , de forte
que le chef repréfente le cafque ou la
couronne qui couvre la tête d'un vain-
queur; le pal marque fa pique ou fa lance ;
la bande & la barre , fon baudrier ; la
fafce fon écharpe ; la croix & le fautoir,
foR épée ; le chevron , fes bottes & fes
éperons ; la bordure & l'orle , fa çotte de
mailles.
A l'égard de l'application ou collation
de ces pièces honorables^ quelques auteurs
ont écrit que lorlqu'un chevalier s'étoit com-
porté valeureufement dans une bataille ,
on le préfentoit au prince ou au général ,
qui lui faifoit donner une cotte d'armes
relative à fa belle adion ", c'eft-à-dire , la
permiffion de porter dans fes armoiries un
chef lorfqu'il avoit été blelTé à la tête ,
un chevron quand il avoit été bleffé aux
jambes , & une croix ou bordure lorfque
fon épée & fon armure avoient été teintes
du fang des ennemis.
Quelques blafonneurs fe font avifés de
multipher le nombre des pièces honorables
jufqu'à celui de vingt , ajoutant à celles
ci-deflus le plein quartier, le giron ,
l'écuflbn , la cape dextre & fenelire , le
point , &c. mais on n'a point encore jugé
à propos de reconnoître ces pièces pour
honorables.
Pièce d^ argent des R&mains y ( Mon-
maniere de compter des Romains , étoient
ou deniers ou feflerces ; ils comptoient
quelquefois par deniers , & le plus fouvent
par feiîerces ; c'eft-à-dire , que dans leur
compte ils fe fervoient de la plus grande
& de la plus petite monnoie qu'ils euffent.
Le denier valoît dix as romains , dont la
matière étoit de cuivre, & chacun pefoit
le poids d'une livre. C'efl delà qu'on
l'appelloit denarius, & qu'on le marquoit
avec un JC. Le fefterce étoit une autre
pièce d'argent, la quatrième partie du
denier , valant deux as & demi , ou deux
livres & demie de cuivre , d'où vient qu'on
marquoit le fefterce LL. S. Les deux LL.
fignifioient les deux livres que pefoient les
deux as ; S. vouloit dire femi , c'eft-à-
dire , la moitié de l'as ou de la livre. Ces
faits font aifés à prouver par les fefterces
d'argent de ce temps-la, qui fe confervent
encore aujourd'hui dans les cabinets des
curieux ; mais l'occafion viendra d'en par-
ler ailleurs plus au long. {D J,)
Pièce de sainte Hélène , ( An
numifm. ) forte de médaille creufe comme
un balfin , ou comme une petite tafîe.
Scaliger dit qu'il en a vu plufieurs frap-
pées du temps de Juflinien , & même du
temps du paganifme. ( Z). /. )
Pièce, en Fauconnerie^ on dit des
oifeaux tout d'une pièce , c'eft-à-dire ,
d'une même couleur.
TlECE y (Arpentage.) ce mot fignifîç
quelquefois certaine étendue de terre la-
bourable : ainfi l'on dit une pièce de blé ,
pour marquer un champ où il y a du ble
en femence , en herbe ou en épi , &c. (E)
Pièce , dans le Commerce y fîgnifie
quelquefois un tout , & quelquefois une
partie d'un tout.
Dans le premier fens, on dit une pièce
de drap , de velours , Ùc. entendant par
cette expreffion une certaine quantité d'au-,
nés que la coutume a réglée. On fuppofe
que X^ipiece eft entière, & qu'elle n'a pas
été coupée. VoyeT^ Drap,
Dans la féconde fignification , on dit une
pièce de tapiflerie , ce qui veut dire une
partie diftinguée & travaillée féparément ,
laquelle avec plufieurs autres compofe une
tenture. Voyei TAPISSERIE,
P I E
*U"ne pièce de vin , de cidre , &'c. fe dit
<â'un tonneau rempli de ces liqueurs.
Pièces détachées y voye\ DÉTACHÉ.
Pièces, -en fait de monnaie ^ lignifie
quelquefois la même chofe quefpece ,
comme quand on dit: ctttc pièce eu trop
■légère, &c. Ko/^;^ ESPECE &C0IN.
Quand on y ajoute la valeur àes pièces ,
on s'en lert quelquet^ois pour exprimer
celles qui n'ont point d'autre nom particu-
lier : comme une pièce de 8 réaux , une
pièce de 24 fous , &c.
En Angleterre , le mot pièce , pris abfo-
lument , lignifie quelquefois 20 Tchellings ,
ilerlings , & quelquefois une guinée, Voje\
Guinée, Livre sterling, &
Sterling.
Par 6 G j II C. 25 , les jacobus valant
3^ ou 23 fclicUings , & les pièces qui en
ëtoient les moitiés & les quarts , font abfo-
lument fupprimés; & il eft défendu à toutes
perfonnes d'en recevoir à titre de paiement
ou de payer avec.
Pièce de huit ou piallre , c'efi: une mon-
noie d'argent frappée d'abord en Efpagne ,
«nfuite dans d'autres pays , & qui a cours
préfcntement dans la plupart des parties du
monde. Voye\ CoiN.
Elle s'appelle pièce de huit , ou réale de
huit , à caufe qu'elle vaut huit réalcs d'ar-
gent. Voye\ Réale.
Sa valeur e/l prefque fuir le même pié
que l'écu de France, c'efi-à-dire, quatre
fchellings &fix fous fierlings. En 1687 on
changea la proportion de la fimple réale à
la piaftre ; & au lieu de huit réaies , on en
■<3onnoit dix : à préfent la rédudion efi con-
forme à l'ancien étalon.
II y a deux fortes de piafires ou d'écus
d'Efpagne : l'un frappé au Potofi , & l'autre
à Mexique ; ces derniers Ibnt un peu plus
pe(ans que les premiers , mais en retour ou
par compenfation , ils ne font pas tout à
fait d'une matière il pure.
ha. pièce de huit a fes diminutifs, c'tû-
a-dire , qu'il y a des demi-piallres ou des
pièces de quatre réaies ; des quarts de
piaflres , ou des pièces de deux ; des
huîtiemes de piafire & des feiziemes.
Le change entre l'Efpagne & l'Angle-
terre le fait en pièces de huit. Voye^
Change. , .
Tome XtV.
Pièce elc aufli une monnoie de compte ,
ou plutôt une manière de compter ufitée
chez les Nègres fur la côte d'Angola en
Afrique. Foyf j[ MoNNOIE.
Le prix des efclaves & d'autres mar-
chandifcs que l'on y négocie , comme
aulîî les droits que l'on paie aux petits
rois , s'eftiraent en pièces de part & d'autre.
Ainil ces barbares demandant dix pièces
pour un elclave , les Européens évaluent
pareillement en joifVcfj l'argent ou les mar-
chandifes qu'ils fe propofent de donner en
échange. Koy^^ij COMMERCE.
Par exemple , dix anabafles font une
pièce ; un baril de poudre de dix livres
pefanr, {an une pièce j une/j/ec^ de falem-
pouris bieu vaut quatre piecrfj ; dix baflins
de cuivre , unt pièce.
Pièce d'inde , (Comm.) terme ufité
dans le commerce de la traite des nègres ,
où l'on appelle nègre pièce d^inde , un
homme ou une femme depuis quinze jufqu'à
vingt-cinq ou trente ans au plus , qui ell:
fain , bien tait , point boiteux & avec
toutes fes dents.
Il faut trois enfans au delîlis de dix ans
jufqu'à quinze pour deux pièces , & deux
au defîij9 de cinq ans jufqu'à dix pour unô
pièce. Les vieillards & les malades font
évalués trois quarts de pièce. Voye\ Ne*
GRES. Dicîionn. de comm.
Pièce, f. f. {Comm d'Afrique.) ef-
pece de monnoie de compte ou plutôt de
manière de compter , en ufage parmi les
nègres de la côte d'Angola en Afrique , par»^
ticuliérementà Malimbo & à Cabindo.
Le prix des efclaves , des autres mar*
chandilès , & des rafraichiflemens qui fe
traitent dans ces deux Heux , aulfi-bien que
les coutumes qui fe paient aux petits
rois à qui ils appartiennent , s'eftiment de
part & d'autre en pièces ; c'efi-à-dire ,
que fi ces barbares veulent avoir dix
pièces pour un efciave tùto. d'inde , les
Européens , de leur côté , évaluent pareille-
ment en pièces les denrées & les mar-
chandifes qu'ils en veulent donner en échan-
ge.(^./.) ,
Pièces détachées , en terme de
Fortification y ce font les demi-lunes , les
contrefcarpes , les ouvrages à corne & à
couronne ,, & même les baltions quand ils
Hhhhh
794 P I E
font réparés ou à quelque diflance du corps
de la place. En général ce font tous les
ouvrages de la fortification qui .n'appar-
tiennent pas immédiatement à l'enceinte de
la place.
Pièces de campagne , font des ca-
nons qui marchent pour l'ordinaire avec
une armée ; tels font ceux de huit & de
quatre livres de balles , &c. qu'on tranf-
porte aifément à caufe de leur légèreté.
,Voye\ Pièce. Chamhers.
Pièce de huit. Voye\ Canon.
Pièces , à^nsV An militaire , fignifient
toutes fortes de grandes armes à feu , &
de mortiers. Voje^ FusiL , CanON ,
Mortier , ùc.
Pièces de batterie , ce font de
groffes pièces dont on fe fcrt dans les fieges
pour faire brèche y tels (ont les canons de
trente-trois & de vingt-quatre livres de balles.
Voye^CAliOli. Chamhers.
Pièce nette , {Anill.) on appelle
pièces nettes y les pièces d'artillerie qui
n'ont point d'évent , ni d'autres défeduo-
lités , qui n'ont ni chambre ni fiilules ,. ni
foufBures , dont le métal eft fain , non po-
reux , ni venteux , ni grumeleux , & où le
foret a eu prife par-tout. {D. J.)
Pièce , f. f. (Archit.). nom général
qu'on donne aux lieux dont un apparte-
ment eft compofé. Ainfi une falle , une
chambre , un cabinet , &c. font àespiec£s.
{D.J.)
Pièce d'eau, (A.{Archit.hydraul.)
c'eft dans un jardin un grand baflin de
figure conforme à fa fituation , comme par
exemple , la pièce d'eau y appellée des
fuijfes y devant l'orangerie ; celle de l'île
royale dans le petit parc ; & celle de
Neptune y devant la fontaine du dragon , à
.Verfailles. Voye\ Bassin. {D. J.)
Pièces perdues, {Hydr.) ce font
des bafiins renfoncés & relevés de gazon ,
-su milieu defquels il y a des jets , dont
l'eau fe perd à mefure qu'elle vient ; telles
font les fontaines de la couronne à Vaux-
Ic-Vilars , & trois pièces à Saint-Cloud ,
dont deux font dans le tapis de gazon,
au bas de la grande calcadc , & l'autre
en face du nouvel amphithéâtre, au bout
de la grande allée le long de la rivière.
PlBCE DE CHARPENTE, {Marine.)
FÏE
c*eft tour morceau de bois taillé pour mf
bâtiment , & qu'on fait entrer dans la conf-
trudion d'un vaifîeau.
Pièces de chasse , ce font àts ca-^
nons logés à l'avant d'un vaiflèau , dont
on fe fèrt pour tirer pardeffus l'éperon-
fur les vaiflTeaux qui font à l'avant , ou fur
ceux qui prennent chaffe ; mais cette ma-
nière de tirer retarde le cours du vaiflèau.
Tirer des pièces de l'avant.
Pièce y une pièce de corde y. c'eft uiï
paquet de corde , Ibir qu'elle foit hée e»
paquet ou en cerceaux.
Une pièce de corde eft de quatre-vingts
braffes.
Pièce DE détente , terme d'Arqué^
hufier y c'eft un morceau de fer quarré , .
épais d'une ligne , & long de deux pouces ;
cette pièce eft fendue par le milieu dans
fa longueur , pour laiffer pafler en dehors
une partie de la détente , elle fe place fous
la poignée du fufil.
Pièce DE pouce, terme d* Armurier y.
petite plaque de fer , de cuivre , d'or &
d'argent , que les arquebufiers encaftillent
fur la croffe des fufils & piftolets. On
l'appelle pièce de pouce y parce que lorf-
qu'on fe fert de ces armes , elle eft cou-
verte du pouce de celui qui veut tirer. La
pièce de pouce eft ordinairemenr faite eri
forme de cartouche , qui renferme un ovale , .
ou écuflbn , où l'on grave les armoiries ,
la devife , ou l'effigie du maître à qui lont'
les armes. {D. J.)
Pièce en général, & grandes*
PIECES , {Bas au métier. ) deux expref-
fions à l'uiage des faifeurs de métiers à
bas , & de bas au métier. Voye\ ces
articles.
Pièce, {outil de Chapelier.) forte
d'outil fait de cuivre avec un manche de
même métal, qui fert aux chapeliers àeftam-
per leurs chapeaux. Savary. {D. J.)
Pièce de charpente , {Charpem.y
c'eft tout morceau de bois taillé , qui
entre dans un aflemblage de charpente ,
& qui (èrt à divers ufages dans les bâti'-
mens. On nomme maitrejfes pièces y les
plus grofîês piec&s y comme lès poutres ,
tirans , en traits , jambes de force , ô'c.
Pièce de bois, {Charpent.) c'éft>
PIE
'{èÎQM l'ufage , un bois dont la mefure eu
de 6 pies de long fur 72. pouces d'éqtiar-
rilTage ; ainfi une pièce de bois méplat ,
de 12 pouces de largeur fur d pouces de
grofleur , & de 6 pies de long , ou une
iolive de 6 pouces de gros fur ix pies de
long, fera ce qu'on appelle une pièce;
à quoi on réduir routes les pièces de bois
de différentes grodeurs & longueurs qui
entrent dans la conitrùction des bâtiraens ,
pour les clHmer par cent- (D.J.)
Pièce de pont, {Ckarpent.) c'efl
une grolîè folive plus épaifle qu'»*-»'»^ doflè ,
qui traverse une travée de pont de bois ,
& porte en dehors , dans laquelle, à l'en-
droit àts lifles , on amortaife \qs poteaux
d'appui & \qs liefis , pour les entretenir.
Pièce y terme de Cordonnier, mor-
ceau de marroquin ou de cuir qui couvre
ie coudepié , & qu'on coud au bout de
l'empeigne du foulier.
Pièces, ( Graveur en bois. ) petits
-morceaux de bois qu'on ajufte artiilement
pour réparer les brèches faites en vuidant
la gravure en bois. Voye^ GRAVURE EN
BOIS.
Pièce, {Jardinage.) pièce de terre
cfl la même chofe qu'un terrain ; on dit
une pièce de bois , une pièce de pré ; ce
potager eft divifé en tant de pièces.
Pièces coupées , ( Jardin. ) on
donne ce nom à un compartiment de plu-
fîeurs petites pièces figurées ou formées de
lignes parallèles & d'enroulemens , & fepa-
récs par des fermiers , pour faire un parterre
<le fleurs ou de gazon. {D. J.)
Pièces GRAVÉES, (Zz/rAeAzV.) dans les
orgues fonr des efpeces de fommiers fur
lefquels on place les tuyaux d'orgue , que
leur volume empêche d'être placés fur le
fommier proprement dit. Ces pièces font
percées à la face fupérieure d'autant* de
trous que l'on veut y placer de tuyaux.
Ces trous communiquent à d'autres percés
dans la face latérale de la pièce gravée ;
c'eft à ces derniers trous qu'aboutiflent
les porte-vents de plomb qui viennent des
endroits du fommier où les tuyaux auroient
dû être placés. Les porte-vents font arrêtés
dans les trous de la chape du fommier &
dans ceux de la pièce gravée , par de la
&!i»{(c enduite de coUe-forie ; ce qui doit
79S
l'air.
PIE
boucÎTcr cntîéremetîf le pafîage
J^qye:[ SOM-VAER d'orgue.
Pièce d*ADDITION, {Lutherie.) dans
les orgues font des pièces qu'on ajoute
au fommier pour l'élargir , lorfqu'il n'y a
pas de place pour un jeu que l'on voudroit
ajouter à l'orgue. Cette pièce coniifle ea
un fort morceau de bois de la longueur
du fommier, que l'on perce d'autant de trous
dans la face qui doit s'appliquer au fom-
mier , que celui-ci a de gravures avec
lelquelles ces trous doivent communiquer.
Ali moyen des ouvertures faites au fom-
mier à l'extrémité des gravures , on perce
d'autres trous à la face fupérieure de la
pièce d'addition , lefqucis doivent com-
muniquer avec les premiers , (k par confé-
quent avec les gravures. Sur cette pièce
duement collée & afîùjettie au fommier on
met un regiilre , fur le regiflre une chape
qui roidit le pié des tuyaux qu'on vouloit
ajouter, & qu'on fait tenir de bout au
moyen d'un faux fommier qui les traverfe.
yqye:{ SOMMIER.
Pièce d'appui, {Menuiferie.) c'efl
un chalfis d« menuiferie , une groffe mou-
lure en faillie , qui pofe en recouvrement
fur l'appui ou tablette de pierre d'une croi-
fée , pour empêcher que l'eau n'entre dans
la feuillure.
Pièce QUARRÉE , {Outil de Menuif.)
outil dont iè fervent les menuifiers pour
voir fî les bois de leurs affemblages fe
joignent quarrément. Il eu fimple , &
ne confîfle qu'en la moitié d'une planche
exaâementquarrée, coupée diagonalement
d'un angle à^fautre.
Pièce de rapport, {Placage.) on
appelle ouvrage de pièces de rapport un
ouvrage compofé de plufieurs petits mor-
ceaux de pierres précieufès , des marbres
les plus riches , ou de bois de diverfes
couleurs , difpofées & arrangées avec art
pour repréfenter quelque defiln de groteA
que , de co npartiment , de fleurs , d'oi-
feaux , &c. ce font les menuifiers de pla-
cage & de marqueterie , fi les ouvrages
ne font que de bois , ou les marbriers &
les lapidaires , s'ils font de marbre ou de
pierres précieufès , qui travaillent en pièces
de rapport. {P.J.)
PjECE DE RAPPORT , en ferma de
Hhhhh 2
75)^ P ï E
Bijoutier ) a deux fens ; il peut f e pfendi'e
d'abord pour ks corps étrangers , appli-
qués , incruflés ou enchîîiîes lur une taba-
tière , comme les pierres fines , tauflês ,
cailloux, porcelaines, &c. 11 s'entend en-
luite de toutes les pièces de même métal
qui font ou appliquées ou foudées à la ta-
batière , & qui font les reliefs compofant
les tableaux variés dont elles font ornées ;
on fait qu'on peut faire fervir des reliefs
fur une tabatière d'or , par le moyen du
cifelet , en repouflant pardefTous les formes
principales , qui enfuite font retracées ,
réformées & terminées pardelTus par \qs
cifelets difFérens dont l'artitte fe fèrt au
belbin de fon fujet ; mais alors cette pla-
que cifelée efl creufe en deflbus , & il
faut la recouvrir d'une autre phique liflé
pour cacher cette difformité défagréable
à l'œil. Pour éviter cet inconvénient ,
on a pris le parti de découper des m.or-
ceaux de même métal de la forme des
reliefs que l'on vouloit exécuter , & de
les fouder fur les plaques des tabatières;
cette opératio» efî même devenue indif-
penfable , depuis qu'on fait ufage des ors de
couleurs , & ce font ces pièces ainfi dé-
coupées & unies par la foudure au corps
de la tabatière , que l'on appelle propre-
ment pièces de rapport.
Pièces de collier, en terme de
Metteur-en-œuvrQ y ne font autre chofe
que de firaples parties de collier que l'on
porte feules avec une pendeloque qui \ts
termine. Voye:^ PENDELOQUE.
Pièces de corps font des ornemens
en pierreries , qui couvrent le devant de la
taille des femmes. Les unes font compofées
de difîérens chatons & feuillages , d'autres
ne font que plulieurs nœuds , tous plus
petits les uns que les autres , & placés
<i'étage en étage.
Pièces , terme de marchand de modes y
cts pièces font fort à la mode ; c'efl un
morceau d'étoffe ou de toile de figure
triangulaire , fur lequel on pofc de la
blonde , du ruban , de la chenille , de la
dentelle , des foucis de hanneton , des jais^
noirs ou blancs : cet ajuflement fert aux
femmes pour couvrir le devant de leur
corps ou de leur eflomac. Autrefois l'on
appelloit ces pièces des crevées. On les a
ME
appeirés aufu échelle y pafce queies rubans
étoient pofés comme des échelons.
Pièces de plaisir , à la monnaie y
font àts pièces d'or que le roi ordonne être
fabriquées pour fon feul ufàge , comme des
pièces de dix louis , de cinq , de quatre , ^c,
alors il efl défendu au diredeur d'en répan--
dre aucune dans le public.
Pièce de four , terme de Pâtijfier y
c'efl une pâte , une tourte , &. toute autre
forte de pièce de pâtifïerie un peu confi-
dérable. (Z>.7.)
Pièces de rapport , en étain , Çi
dit de toutes fortes d'ouvrages d'étain fia
ou commun , qui n'ont point de moules de-
leurs formes particulières , tels que des
fontaines & cuvettes ovales ou à pans ,
boîtes quarrces , urinales , Ùc. pour cela le
principal efl d'avoir un moule de bâtes ,
autrement plaques d'étain, lefquelles on
taille & ajufte de telle figure qu'il convient ,
& qu'on joint enfuite les unes aux autres
en les foudant avec le fer à fouder , ou k
la foudure légère , fuivant les différentes
fortes d'ouvrages ; après- quoi on répare
pour achever. V. SoUDER, RÉPARER
& Achever Vétain.
Pièces ,- terme de Relieur y morceaj
de raarroquin qu'on colle ordinairement
fur le dos du livre ,. pour y mettre le titre;.
( d: j. y
Pièce, (Ruhanier.} s'entend de toutes
les foies de chaîne contenues fur les enfu-
blesde derrière , foit qu'il n'y en ait qu'une
ou plufieurs , peu ou beaucoup confîdéra-!-
bles , d'égale ou d'inégale longueur ; lorf-
quunepiece fe trouve achevée la première ,
on y en fubflitue une autre qui pour \ot3
doit être compofée d'autant de fib que
celle-ci, puifqu'elle en doit remplacer au-
tant que celle qui finit ; il y a plufieurs
manières d'attacher ces foies les unes au
bout des autres , foit par le fouder , les
nœuds ou le tord. Vojei ces diffère ns mots
à leur article-. Pièce fe dit encore de toute
coupe d'ouvrage de quelque aunage qu'elle
foit ; ainfi on dit une pièce de galon , de
ruban , de chenille , ^c.
Pièce , roue de y poyeiVart. Tireur
d'or.
Pièce ou Lardon , (Serrurerie.) petit
morceau d'acier que le forgeron place dan$ '
P I E
ïes cî-evaffes qui fe font_ quelquefois aux
gros fers lorfqu'on les forge. On fait la
pièce d'acier , parce que l'acier fe foude plus
aifément que le ter.
Pièce de rencontre , {Tourneur.)
Les tourneurs appellent ainli un morceau
de fer attaché au haut de la lunette d'une
poupée , qui , par fa rencontre avec \â pièce
ovale , fait baifîer ou haufler l'arbre fur
lequel on tourne des ouvrages de figures
irréguliercs.
Pièce ovale , ou les autres pièces irré-
guliercs de cet arbre , font ordinairement
de cuivre , afin que la rencontre en foit
plus douce. [D. /.)
Pièces de tuile, (Tuilerie.) Ce font
tous les morceaux d& tuile employés à dif-
férens endroits , fur les couvertures. On
nomme tiercines y les morceaux d'une tuile
fendue en longueur , employés aux batté-
lemens ; & nigoteaux^ ceux d'une tuile
fendue en quatre pour lervir aux- follins &
ruillées. [D. / )
Pièce DE VERRE , {Vitrier) ils ap-
pellent ainli tous les petits carreaux ou
morceaux de verre de différentes figures
& grandeurs , qui entrent dans les com-
partimens des formes & panneaux des
vitres. {D,J.)
Pièce QUARRÉE, terme de Vitrier ^
c'efl un petit morceau de verre en quarré ,
qui eft entre deux bornes dans un panneau
de verre. {D. J.)
Pièce , ( Jeux d'échecs. ) C'efl ainfi
qu'on nomme à ce jeu le roi , la reine ,
les fous , les cavaliers , & les tours.
{D. J.)
PIE , ( Mujjq. . des anc. ) . mefure de
temps ou de quantité diflribuée en deux
ou plufieurs valeurs égales ou inégales. Il
y avoit dans l'ancienne mufique cette dif-
férence des temps aux /'Zif'j- , . que les temps
étoient comme les points ou élémens indi-
vifibles , & lesp/Vj les premiers compofés
de ces élémens. Les p/Vj , à leur tour ,
ctoient les élémens du mètre ou du
rhythme.
Il y avoit àes pr^jfimples qui pou-
yoient feulement fe. divifir en temps ,
& de compofés qui pouvoienf fe divifer
en d'autres pies , comme le choriambe ,
qui. pouvoic. £e> réfoudre, en un trochée
PIE 797
& un ïambe : l'ionique en un pyrrique &
un fpondée , &c.
Il y avoit des pies rhythmiques dont
les quantités relatives & déterminées étoient
propres à établir des rapports agréables
comme égales , doubles , fefqui-alteres ,
fel'qui- tierces , Ùc. & de non rhythmiques
entre lefquels les rapports étoient vagues,
incertains , peu feniibles ; tels , par exem-
ple , qu'on en pourroit former des mots
françois , qui , pour quelques fyllabes brèves
ou longues , en ont une infinité d'autres fans
valeur déterminée , ou qui, brèves ou"
longues feulement dans les règles des gram-
mairiens ,, ne font fenties comme telles , ni
par l'oreille des poètes , ni dans la pratiqua
du peuple: (iS)
; PIÉDESTAL , f. m. ( ArcHic. ) c'efl'
un corps quarré av* bafe & corniche,.
,qui porte la colonne, & qui lui fert de
foubafTçment. Il e A différent fuivant les
ordres , comme nous allons le faire voifi •
Difons ici qu'on nomme auffi ék corps ■
flyhbate , du mot grec (ttvkq ^ani;- , bafe da '
la colonne ; & que le mot pie de fiai vient
de piedeftallo , terme italien ^ dérivé des
deur mots podos y., pie- au gén. &iJiylos ,.
colonne.-
. Piédeftaltofcan. Ce piédeftaleû le plus
fimple : il n'a qu'une plinthe & un aflra-
gale , ou un talon couronné, pour fa cor-
niche. Le cavet de cette corniclie a ur*-
cinquième & demi 'du petit module , &
le cavet de la b.lfe en a deux, à prendra'
du pie'dejial même. L'une & l'autre , 1*
bafe &• la -corniche, ont les^ moulures d'>
pie'defial corinthien , dans la- colonne tra--
jane. Le piédefial de P-alladio n'a qu'une
efpece de focle quarré fans bafe & fans
corniche ; & celui qu'adoptent les Françoisy
après Scammozzi , tient un milieu entre ces
deux excès.
, Biedeflal dorique. Ce^ piédefial a dm
moulures,, un cavet, & un larmier oit
mouchettedans fa corniche. Il efî un peu
plus haut qua k^piedefial tofcan. Sa pro-
portion efl telle : on partage le tiers de
toute la bafe en fl-pt parties , dont on donne-
quatre au tore qui efl fur le fbcle , & trois
à un cavet. La fùllie du tore efl' celle de-'
toute la bafe , & celle du cavet a deux"
cinquièmes du- module par deU-Je nu dv>^
798 P I E
dé. A l'égard de la corniche , elle a un
cavet avec Ton filet au defTus ; & ce filet
fouticnt un larmier couronné d'un filet.
Pour proportionner ces membres , on les
partage en fix parties , dont cinq font
pour le larmier , & la fixieme pour fon
filer. Un cinquième & demi du petit mo-
dule par delà le nu du dé , forme la faillie
du cavet avec fon filet. On en donne
trois cinquièmes au larmier , & trois &
demi à fon filet. Selon Vignole , Serlio
& Perrault , ces membres forment le ca-
radere du piédefial dorique. Mais Scam-
mozzi y met un filet entre le tore & le
filet du cavet , & Palladio y ajoute une
doucine.
Piédefial ionique. Ce piédefial y orné
de moulures preique femblables à celles du
piédefial dorique ^^k deux diamètres de
haut , & deux tiers ou environ. Sa bafe a
le quart de toute la hauteur , la corniche a
le demi-quart , & les moulures de la bafe
ont le, tiers de toute la bafe. La proportion
-de ces moulures fe régie en divifam le
tiers de la baie en huit parties , qu'on dif-
tribue ainfi : quatre à la doucine, & une
à fon filet ; deux au cavet , & une à fon
filet. La faillie de; ce dernier membre efl
du cinquième du petit module, c«llc du
filet de la doucine de trois ; refle la cor-
niche , dont les parties font un cavet avec
ion filet au defibus , & un larmier cou-
jronncd'un talon avec fon filet. Ces parties
ou membres étant partagés en dix parties,
4Îeux font pour le cavet , une pour le filet ,
xjuatre pour le larmier , deux pour le
^alon , & une pour fon filer. Enfin ., la
«faillie de ces membres de la corniche ,
^fl la même que celle de la doucine & du
,cavet dont on vient At parler.
Piédefial corinthien. La quatrième partie
^le la hauteur de la colonne , forme la
iiauteur de ce piédefial. On le divife en
reuf parties , dont une eft pour la cimai-
fe , deux pour la bafe , & les autres pour
le dé. Cette bafç eft compofée de cinq
membres ; favoir , un tore , vm^ doucine
avec fon filet , & «n talon avec fon filet
au deffus^ De neuf parties don^ un tiers
M la bafe efl divifé , les deux autres tiers
ibnt pour le focle, le tore en a deux &
^j^'^ f h doyçine trois , unç demie ^our
PIE
fon filet , le talon deux & demie , 5r fbri
filet une demie. Ce premier membre a
la faillie de toute la baie ; la doucine a la
fienne égale aux deux cinquièmes trois quarts
du petit module ; & la faillie du talon avec
fon filet eft d'un cinquième.
Six membres compofent la corniche du
piédefial corinthien : un talon avec fon filet,
une doucine , un larmier , & un talon avec
fon filet. On divife toute la hauteur de
ces membres en onze parties , dont une
& demie e(î pour le talon , une & demie
pour le filet , trois pour la doucine , trois
pour le larmier, deux pour le talon, &
une pour le filet. Pour les faillies , on
donne au talon avec fon filet un cinquième
du petit module , deux cinquièmes &
demi-tiers à la doucine , trois au larmier,
& un cinquième au talon fupérieur avec
fon filet
Piédefial compofite. Ce piédefial efl
fèmblable , en proportion , au piédefial
corinthien : mais les profils de fa bafe &
de fa corniche en font difFérens. La bafe
eft conipofëe d'un tore , d'un petit afira-
gale , & d'un filet. De dix parties de cette
bafe , le tore en a trois , le petit aflra-
gale une , le filet de la doucine une demie ,
la doucine trois & demie , le gros aflragale
une & demie , & le filet qui fait le congé
une demie. Les faillies de ces membres,
font égales à peu près à celles de ceux du
piédefial corinthien.
Un filet , avec fon congé , un gros aflra-
gale , une doucine avec Ion filet , un lar-
mier , & un talon avec fon filet forment
la corniche qui occupe la huitième partie
du piédefial. Le filet a une douzième &
demie de toute la corniche , l'aflragalc
une demie , la doucine trois & demie ,
le filet une demie , le larmier trois , le
talon deux , & le filet une- Les faillies
de CCS membres font à peu près les mêmes
que celles de la corniche du piédefial co*-
rinrhien.
Le piédefial compofite a de hauteur I^
troifieme partie de la colonne.
Piédefial compofé. C'eft un piédefial
d'une forme extraordinaire , comme ronde,
quarré-longue , arrondie , ou avec plufîeurs
retours. Il fert pour porter les grouppe?
de figures , les ^atues , \ç.i vafes t - ^<^f
P I E
Pudefial continu. Piédeftal qui , fans
reflkuts , porte un rang de colonnes. Tel
eft le piédefiaL qui foiitient les colonnes
ioniques cannelées du palais des Tuileries ,
du coté du jardin.
Piédeftal double. Piédefial qui porte
deux colonnes , & qui a plus de largeur
que de hauteur. Les piédeftaux des PP.
Feuillans , rue faint Honoré , à Paris , &
ceux de la plupart des retables d'autels ,
font de cette efpece.
Piédefial en adoucijjement. Piédefial
dont le dé ou tronc eil en gorge. Il y a
«le ces piédefiaux autour du parterre à la
dauphine, à Verfailies , qui portent des
ftatues de bronze.
Piédefial en balufire. Piédefial dont le
profil eft contourné en manière de balufire.
Piédefial en talut. Piédefial dont les
faces font inclinées. Tels font , par exem-
ple , les piédefiaux qui portent les figures
de rOcéaa & du Nil dans l'efcalier du
capitole.
Piédefial flanqué. Piédefial dont lés
encoignures font flanquées ou cantonnées
de quelques corps , comme de pilaflrcs at-
tiques , ou en confole , Ùc.
Piédefial irrégulier. Piédefial dont les
angles ne font pas droits, ni les faces éga-
les ou parallèles , mais quelquefois cintrées,
par la fujétion de quelque plan , comme
d'une tour ronde ou creuie.
Piédefial orné. C'efl un piédefial qui a
feulement its moulures taillées d'or-
non
nemens , mais dont les tables fouillées ou
en faillie font enrichies de bas -reliefs,
chiffres , armes , &c. de la même matière
ou pofliches , cormne font la plupart de
ceux des flatues équeflres , & des au-tres
fîjperbcs monumens.
Piédefial quarré. Piédefial qui efl égal
en hauteur & en largeur. Tels font les
piédeftaux de l'arc des lions à Véronne ,
d'ordre corinthien , & que quelques feda-
teurs de Vitruve , comme Serlio & Philan-
der , ont attribué à leur ordre tofcan.-
Piédefial triangulaire. Piédefial en
triangle , qui a trois faces , quelquefois
cintrées par leur plan , & dont les en-
coignures font en pan coupé , échancrées
ou cantonnées. Il lért ordinairement pour
pxjrter une colonne avec des figures fur
PIE 799
its encoignures. Tel efl le piédefial de la
colonne funéraire de François II , dans
la chapelle d'Orléans , aux Célefhns , à
Paris.
Piédefiaux par faillies & retraites.
Ce font des piédefiaux qui , fous un rang
de colonnes , forment un avant-corps au
droit de chacune , & unarriere-corps dans
chaque intervalle. De cette efpece font les
piédefiaux des amphithéâtres antiques de
l'arc de Titus à Rome , & les piédefiaux
corinthiens , & compofites de la cour du-
Louvre.
Les piédefiaux que les architedes ap-
pellent acroteres ; ils font fort petits, &■
ordinairement fans bafe ; ils fervent à por-
ter des figures au bas des corniches râm-^
pantes , & au haut des frontons.
La plupart des commentateurs de Vitruve».
après diverfes opinions fur l'interprétation'
de ces mots , fcamilli impares , efcabeaux
impairs , font enfin d'avis qu'ils fignlfienc-
cette difpofition de piédefiaux.
Pour ce qui regarde \gs piédefiaux ioÇ~
cans , doriques , ioniques , corinthiens &
compofites, voye'^ V ordonnance des cinq'
efpeces de colonnes ^ félon la méthode des'
anciens , parM>. Vennult. (Le cAepalier de
JAU COURT.)
PIÉDOUCHE, f m. (AfcAit.) c'<:û'
une petite bafe longue ou quarrée , en
adouciffemenr , avec moulure , qui fert à
porter un bufle , ou une petite figure.
PIEGE , {. (,. ( Chaffe. ) on fe fert de
ce terme pour tout ce qui fert à attraper
les oifeaux , le gibier & toutes les bêtes
nuifibles. • Chacun en invente à fa mode.
Les trapes , les traquenards, lesbafculcs,
font des pièges pour les loups & les re-
nards ; il y a des pièges de fer qui fe
bandent & fe lâchent pour prendre des •
fouines & autres animaux.
Ce mot fe prend auffi au figuré. On dit '
le piège de la beauté ; le piège de la ga-
lanterie ; le piège du deffin ; le piège de
k vanité.
Pi E G È , - f. m. ( Chafle . ) c'efl propre-
ment toute machine ou toute invention
deflinée à furprendre des animaux. Il ne
fè dit guère qu'au figuré , par rapport aux
hommes : ce n'efl pas au propre , que les ^
frippons teiîdent des pièges aux honnêw*--
^Soo ? I E
^ens , ni que les fots donnent dans le
panneau.
Jl eu néceflairc , pour rendre heureufe-
tnent des pièges , de bien connoîrre l'info
.tind & les habitudes des animaux qu'on
cherche à prendre ; cette fcience n'elt pas
fort étendue à l'égard àts frugivores ; ils
ne font pas naturellement défians , parce
que les befoins ordinaires de la vie ne les tor-
cent pas à l'exercice de l'attention. Ordi-
nairement il fufiît de bien remarquer le lieu
.par lequel ils paflent habituellement, & d'y
tendre un colet. Comme leur manière de
•vivre eft fimple , leurs habitudes font uni-
formes ; ils ne foupçonnent point les em-
-bûches qu'on leur prépare , parce qu'ils ne
-ibnt jamais dans le cas d'en tendre à d'au-
tres. Il ne faut pas non plus beaucoup
jd'art pour prendre les oifeaux , parce qu'ils
n'ont point l'ufage du nez , qui pour une
partie des quadrupèdes eft un organe de
.défiance & un inftrument de sûreté. On
attire facilement les' oifeaux frugivores
-avec du grain , &i les carnaffiers avec une
proie fanglante ; on peut même , fans ce
fècours , prendre beaucoup d'oifeaux d-e
.proie , en plaçant fimplement fur un po-
4;e,au un petit traquenard , parce que ces
oifeaux ont naturellement de l'inclination
;i venir >fe percher fur .ce poteau. Mais
il faut beaucoup plus .d'habileté .& de
xonnoiffance pour tendre avec fuccès des
pièges aux animaux qui vivent de rapine ,
fur-tout dans les pays où l'expérience les
A rendus foupçonneux , & où l'habitude
At rencontrer des dangers les faifit prefque
continuellement d'une crainte qui va fuf-
.qu'à balancer leurs appétits les plus violens.
Alors il eft nécelîîiire de connoître les
fefuites Its plus compliquées de ces ani-
-maux , de les attirer , de les afFriander,
-& d'écarter des appâts qu^on leur préfente
lout foupçon de danger ; ce qui fouvent
icft aÏÏez difficile. D'abord on doit s'alTurer
•avec beaucoup de foin àzs lieux qui leur
fervent de retraite pendant le jour , de
<;eux où ils vont faire leur nuit , & de
^'étendue du pays qu'ils parcourent habi-
4uelkment. Oi\ prend des connoiifances en
fuivant leurs traces par le pié , & on en
juge encore par leurs abattis & leurs Iai(-
ïép^, P^apiès ces jpoints donnés , .00 peut
PIE
choifîr le lieu où il convient le mieux de
les attirer par quelque appât, & on doit
porter jufqu'au fcrupule l'attention d'exa-
miner le vent , afin que cet appât puifîe
fûremenr frapper leur nez lorfqu'ils feront
fortis de leurs retraites. Le choix & la
compofition des appâts entrent pour quel-
que choie dans les connoifuinces d'un
tendeur de pièges : il y a beaucoup de
gens qui fe vantent d'avoir là-defîùs des
fecrets ; mais en général les chairs grillées ,
les tritures &: les grailles devenues odo-
rantes par la cuiflbn , font le fond & l'ef-
fentiel des appât.s. Le point important eft
de bien connoître les rufes des animaux y
& de ne manquer ni d'attention ni de
vigilance. On doit bien fe garder de dé-
créditer fon appât , en y joignant des j^/fg-ej-
dès le premier jour. L'odeur du fer de-
vient fufpeâe à tous les animaux expérimen-
tés , dans les pays où te fer fèrt commu-
nément à" leur deftrudion ; mais comme 11
eit eifentiel que les pièges foient couverts
de terre ameublie ou de fable , afin que le
fentiment en foit dérobé fans que la force
du refTort en foit affoiblie , il eft néccffaire
de parer d'avance les places où les pièges
doivent être placés. Il faut que ces places
fbient difpofées de manière que l'animal ,
en fuivant fes allures naturelles , paffe à&Ç-
fus pour aller à l'appât qu'on lui préfente;
lorfqu'il a franchi cet appareil pendant deux
ou trois nuits , on peut être raifonnable-
mcnt afîuré qu'avec des pièges bien tendus
on en fera maîr.re. La manière dont on
tend le piège doit être proportionnée à la
pefanreur de l'animal qu'on cherche à
prendre : pour un loup , il peut être tendu
afîez ferme ; il faut beaucoup de légèreté
pour un renard ; mais pour tous il doit
€tre enterré de manière que l'odeur n'en
perce pas , & ne puiffe point diftraire
l'animal de l'imprefîîon que lui fait l'appât
qu'il évente. On frotte \qs pièges , pour les
■dégoûter , de différentes herbes aromati-
ques , & o / fe fert auffi de la graifîè même
de l'appât : tout cela eft bon , mais à peu
près inutile , lorfque d'ailleurs toutes les
^précautions que nous avons indiquées font
bien prifes. Quelques tendeurs de pièges
font dans l'ufage d'attacher leurs traque»-
nards avjsc juq piquet ; mais par - là on
^>xpoà
PIE
s'expofe à voir Tanimal au déferpoir fe couper
le pie pour échapper à la mort. La meil-
leure pratique eu. de laiiTer entraîner le
piège ) avec lequel il ne va jamais fort
loin ; on peut feulement rembarraiTer de
quelque branche qui , en retardant encore
plus fà marche , ne lui fait pas perdre
entièrement l'efpérance de parvenir à fe
cacher. Voilà les principaux élémens de l'art
de tendre des pièges ; mais il n'eft point
<le préceptes en ce genre qui puiflènt dif-
penfer des connoiiTances qu'on n'acquiert
que par l'ufage & l'attention vigilante.
Voy. Instinct , Loup , Renard , &c.
Article de M. Le ROI.
PIEMONT , ( Ge'ogr. mod. ) contrée
<î'Italie, bornée au nord par le Valais,
au midi par le comté de Nice &: l'état de
Gênes , au levant par le duché de Milan , &
au couchant par le Dauphiné. Sqs princi-
pales rivières font le Pô , le Tanaro , la
Doria , la Bormia & la Sture.
Les raor«agnes qui entourent le PzV/720/ir,
abondent en mines d'argent , de fer & de
cuivre. Kqy. AUionii oryclographia Pede-
moQtana , Taurini IJS7 > in.-S'^.
Les rivières fournrlTent des poilîbns ex-
cellens , & les forits nourriflent quantité de
\)txts fauves. Le terroir eft fertile en bled , en
vins & en fruits , aulïl ell-il fort peuplé. Un
autre grand avantage du Piémont ell d'avoir
une noblelfe nombreufe dillinguée , ce qui
rend la cour de Turin extrêmement bril-
lante. La religion du ,pays eft la catholique
romaine. On y compte plus de trente ab-
bayes , & de riches commanderies.
Le fils aine du roi de Sardaigne portoit
autrefois le titre ^t prince de Piémont-^ il
porte aujourd'hui celui de duc de Sai/oie,
îacPie mont comprend lePiemont propre, le
duché d'Aofte , la feigneurie de Verceil , le
comté d'Aft , le comté de Nice & le mar-
quifat de Saluces : Turin en eft la capitale.
La contrée dt Piémont, qui -a le titre de
principauté , eft une des plus conlidérables ,
ies plus fertiles & des plus agréables detoute
l'Italie. Le nom de Piémont , que l'on rend
en latin par celui de Pedemontium , n'efl
guère ulité que depuis fix à fept fiecles. Il a
été occafionc .par la fituation du pays , au
pié des Alpes maritimes", cottiennes &
jgreqiies, au milieu defquelles fe trouve
X<me XXV^
PIE Soi
le Pie'mont. Autrefois cette contrée faifoit
partie des plaines de la Ligurie : dans la
fuite elle fit partie de la Cifalpine ; & après
cela die devint une portion du royaume de
Lombardie. Sa longueur peut être de cent
vingt mille pas , & fa largeur d'environ
quatre-vingt-dix mille.
On croit que le Piémont fut première-
ment habité par les Umbriens, les Etruf-
ques & les Liguriens : les Gaulois , qui
entrèrent en Italie Ibus la conduite de
Brennus & de Bellovcfc , s'établirent en
partie dans ce pays , qui dans la fuite fut
occupé par divers peuples , & partagé en-
tr'eux. Les Liguriens , i'uvnommésStatielii^
habitèrent la partie orientale. Les Vagenni
ou Bagienni leur fuccéderent dans le pays
qui efi entre le Pô & le Tanaro. Les Tau-
rini s'établirent entre le Pô & la petite
Doire , Doria riparia y & s'étendirent dans
la fuite iufqu''aux Alpes. Les SalaJJî, divi-
fés en lupérieurs & en inférieurs , habi-
tèrent entre les deux Doires. Enfin les
Libici y Lebui ou Lebetiiy occupèrent cette
partie de la Gaule Cifalpine , qui forme les
territoires de Verceil & de Bielle entre
la grande Doire , Doria baliea ^ & la
Sejia.
Il y a eu anciennement dans ctxto, con-
trée un grand nombre de villes dont la
fituation eli: connue , & dont la plupart
fiibfifi:ent encore aujourd'hui. De ce nonji-
bre font.:
Taurinorum augufia y Turin^
Eporedia , Ivrée.
Verceil ix Libicorum y Verceil,
Augufia prxtoria .y Aofie.
Afta pompeia , Afii.
Alba pompeia y Albe.
Segujium , Suie.
Careja potentia y Chieri.
Augufia Bagiennorum y Benne,
Ceba y Ceva.
Verrue ium y Verrue-
Bardum y Bardo. ^
Occelliy Uflèglio.
Cottia y Coazze.
Salatiœ y Salafîâ. ,
Carifiium y Cairo.
Mons-Jovis y Mont- Jouet.
Pollentia y Pollenzo , ville ruinée«
liiij
Soi PIE
Les anciennes villes dont on connoît les
noms, inais dont on ignore la fituation ,
font , Forum Julii y Forum Vibrii , Iria ^
Autilia.
Entre les anciennes villes du Piémont ^
Turin , Aofte , Verceil , Afti , Ivrée &
Albe eurent l'avantage de recevoir de
bonne heure l'évangile , & d'avoir des
ëvêques. Depuis l'an i^i^ » l'évêque de
Turin a été élevé à la dignité archiépifco-
. pale. Il fe trouve auiîî dans le Piémont
plufieurs villes décorées du titre de cités
ducales. Charles-Emmanuel I du nom ,
choiiit douze de ces villes pour en faire
tes capitales d'autant de provinces , afin
que la juftice pût être adminiltrée avec plus
d'ordre dans fon Piémont. Ces douze villes
furent Turin , Ivrée , Afli , Verceil ,
Montdovi , Saluces , Savigliano , Chieri ,
Bielle , Sufe , Pignerol , Aofte. Il faut enfin
remarquer que la plupart de cts villes font
fortifiées , & que l'on y fient garnifon pour
la fureté du pays. {D. J.)
PIENZA , ( Géogr. mod. ) en latin
Corjinianum , ville d'Italie , en Tofcane ,
dans le Siennois, fur les confins de 1 état
de réglife , entre Monte-Pulciano & San-
Quirino. Long, z^ , zo ; ht. ^^ , 6".
C'eft la patrie d'Enée Sylvius , en latin
'jEneas Syluius , qui reçut le jour en 1405-
Dès qu'il fut parvenu à la papauté , il prit
le nom de Pie II , & pour illuftrer le lieu
d'e fa naifiance , qui s'appelloit auparavant
Corjignii , il l'érigea en ville épifcopale
fuftragante de Sienne ; il la fit nommer
Pien:[a , de fon nom de Pie.
Enée Sylvius étoit de l'illuftre famille
d.cs Picolomini. Sa mère enceinte de lui ,
fongea qu'elle étoit accouchée d'un enfant
mitre ; & comme c'étoit alors la coutume
de dégrader les clercs en leur mettant une
mitre de papier fur la tête , elle crut que
fon fils leroit la honte de fa famille ; mais
la fuite jufîifia le contraire. Cependant les
père & mère dàfinée Sylvius étoient fi^
pauvres , qu'il ^Uut que leur fils , au
fbrtir de l'école , commençât à gagner
fon pain par les bas emplois de la vie rufti-
que. Pour fon bonheur , quelques parens
lui prouvant beaucoup d'efprit , fe coti-
ferent , & l'envoyèrent étudier à Sienne ,
où il fit bientôt de grands progrès dans
P I E
I la poéfie , les belles-lettres , la rhétorique
& le droit civil.
En 143 1 , il alla au concile de Bafle
avec le cardinal de Capranica , en qualité
de fon fecretaire. Il fe diftingua tellement
dans cette affemblée , qu'il devint fecre-
taire du concile même , dont il foutint
les intérêts avec beaucoup de chaleur contre
les papes , tant par fes difcours que par Çts
écrits. Il préfida fouvent parmi les colla-
teurs des bénéfices, & fa dextérité dans les
affaires le fit employer en diverfes ambafla-
des, à Trente , à Confiance , â Francfort,
en Savoie & à Strasbourg.
En 1439 , il entra au fervice du pape
Félix V , qui le députa à la 0»ur de l'em-
pereur Frédéric ; ce prince fut fi content
de lui , qu'il l'honora de la couronne poéti-
que , le fit fon fecretaire & fon confeillcr.
L'empereur ayant infenfiblement époufé
les intérêts du pape Eugène , Enée Sylvius
fuivit fon exemple , & fut envoyé vers ce
pape, duquel il eut une audience favo-
rable , & tant d'accueils de confiance ,
qu'il le nomma fon légat apofiolique en
Allemagne.
Après la mort d'Eugène , les cardinaux
le choifirent pour être protedeur du con-
clave jufqu'à l'éleâion d'un nouveau pape.
Nicolas V le fit évêque de Triefie , quatre
ans après archevêque de Sienne , & légat en
Bohême & en Autriche. Vers l'an 145*^ »
Callixte III le nomma cardinal , à la folli-
citation de l'empereur ; & après la mort de
ce pape arrivée en 1458, Enée lui fuccéda
fous le nom de Pie II.
On conçut de grandes efpérances de fon
pontificat , tant à caufè de fon favoir , qu'en
vertu de (ts promelîès qu'il prendroit des
mefures pour la réformation de l'églife :
mais il trompa fur ce point l'attente de la
chrétienté ; car il rétrafta par une bulle
tout ce qu'il avoit écrit en faveur du concile
de Balle , & jufîifia combien fà condition
préfente avoit changé fes fentiraens. "Faites
w plus de cas , « dit-il dans fa bulle adreflée à
l'univerfîté de Cologne , " d'un fouverain
» pontife que d'un particuHer : reculez
«Enée Sylvius , & recevez Pie II. »
Il fe conduifit en même temps avec
beaucoup de vigueur , & chafîa plufieurs
tyrans de l'état eccléfiaflique. Il confirnM
P I E
le royaume de Naples à Ferdinand , &
le fit couronner par le cardinal Urfin. Il
excommunia Sigifraond , duc d'Autriche ,
pour avoir empoifonné le cardinal de Cufà ,
& interdit Sigifmond Malatefla , parce qu'il
refufoit de payer les redevances à l'églife.
Il priva l'archevêque de Mayence de fa
place ; il fit un traité avec le roi d'Hongrie ,
& cita Podiebrad , roi de Bohême , à com-
paroître devant lui. Il prit foin en même
temps d'embellir Rome de magnifiques
édifices , & fit voler Ton nom julqu'en
orient , d'où il reçut des ambaffadeurs de
la part des patriarches d'Antloche , d'Ale-
xandrie &c de Jérufalem. Il envoya de fon
côté une ambafiade à Louis XI, roi de
France , pour l'engager à abollir la pragma-
tique fandion , à quoi ce prince conlèntit
avec plaifir.
Enfin Pie II fit de grands préparatifs
pour porter la guerre contre les Turcs ; il
réclama fortement le fecours des princes
chrétiens , & ayant ralTemblé une armée
considérable de croifés , il fe rendit, à
Ancone pour s'y embarquer , & conduire
lui-même cette armée contre les infidèles.
Mais étant près du départ , il fut attaqué
d'une violente fièvre continue , & mourut
le 14 d'août 14.64 , dans fa cinquante-neu-
vième année. Quand il fentit fa fin appro-
cher , il demanda les derniers facremens ;
mais on (è trouva d'avis différent fur ce
point : comme il avoit déjà reçu l'extrême-
ondion à Balle lorfqu'il y fut attaqué de la
pefte , Laurent Roverella, évêque de Fer-
rare , qui pafloit pour un habile théolo-
gien , foutint qu'il ne pouvoit pas recevoir
ce facrement une féconde fois ; cependant
comme le pape ne voulut pas fe rendre à
cet avis , il fe fit donner l'extrême-ondion
& l'eucharifiie , & décéda peu de temps
après , ayant occupé le fiege de Rome
environ lèpt ans.
Sponde dit qu'il ne cédoit à perfonne en
éloquence & en dextérité ; & qu'il aimoit
fi paffionnément à écrire , que même dans
(es attaques de goutte il ne pouvoit guère
s'en abfienir. Platine rapporte qu'il répétoit
aflez fi)uvent , que s'il y avoit quelques bon-
nes raifons d'interdire le mariage aux prê-
tres , il y en avoit de beaucoup meilleures
pour le leur permettre, On dit aufïi qu'il avait
PIE 8oj
enfin connu l'inutilité des grands mouve-
mens qu'il fe donnoit poi-'r la guerre contre
les Turcs ; mais que , comme il craignoic
les railleries du pubUc , fon deflein étoit de
fe rendre feulement à Brindes , d'y pafTer
l'hiver , de retourner enfuite à Rome , Se
de rejeter la faute du mauvais fuccès de
cette croifade fur les princes qui n'avoient
pas voulu le féconder vigoureufement. Quoi
qu'il en foit , (a mort prévint tous les em-
barras dans lefquels il s'étoit jeté.
Jean Gobelin , fon fecretaire , a publié
une hiftoire de (?l vie , que l'on foupçonne
avec raifon avoir été compofée par ce papa
lui-même. Elle a été imprimée à Rome p
//2^4°. en 1584 & 1589, & à Francfort,
in-fol. en 16 14. Nous avons plufieurs édi-
tions des œuvres d'Enée Sylvius. La pre-
mière a paru à Bafle, in-fol. en IS5^ > ^
la dernière beaucoup préférable, a été faite
à Hemlilad en 1700 , in- fol. avec la vie de
l'auteur au commencement.
Il avoit écrit , avant que d'être élev^
au pontificat, deux livres de mémoires de
ce qui s'eft pafle au concile de Bafle ,
Commemarium de gejîis concilii Bafilten—
fis y Ub. II. Ces mémoires intérefîàns ,
parce qu'ils renferment àts négociations
& des faits, ont été imprimés dans le
Fafcitulus rerum expetundarum de Gro-
tius , à Colog. en 1535 , & enfuite à Bafle
en 1577, i/z-80.
Enée Sylvius a fait encore d'autres
ouvrages , dont on trouvera le détail que
nous n'inférerons point ici , dans le fup—
plément à l'hifloire littéraire du dodeur
Cave, par M. Henri Wharton. Ce favant
a oublié l'hiflioire de Frédéric III. Hifloria
rerum Frederici imperatoris , d'Enée Syl-
vius ; elle a paru à Strasbourg par les foins
de Kulpifius en 1685 , in ^ foi. Mais en
lifant cet ouvrage , il faut fe rappeller que
l'auteur étoit redevable de fa fortune à
Frédéric dans le temps qu'il y travailloit,
outre qu'il lui a été conflamment attaché
jufqu'à la mort. Il a auflî traduit d'italien
en latin un traité de la fin tragique des
amours de Guifcard Ù de S igifmonde ,
fille de Tancrede, prince de Salerne. Cette
hiftoire faufl^ ou véritable a été parfaite^
ment bien tournée par Dryden , dans fejj
faties en anglois,
liiii %
go4 PIE
Le recueil des lettres du pspe Pie II , nu
nombre de 432. , a été imprimé à Nurem-
berg en 14B1 , à Louvnin en 1483 , à
Lyon en 1497, & ailleurs. Entre plufieurs
Icrrres qui routent fur des queftions de
théologie & de dirdpline eccléfiafiique , on
en voit quelques-unes dont les titres font
nmufans. Par exemple, la cvu]. Songe fur
la fortune i la Jij. Louange de la poéjfie ;
la clxvj. La mifere des courtifans. J'ou-
bliois la cxiv. Hiftqire des amours d^Eu-
riale & de Lucrèce. Mais la plus curieufe
de toutes , efl afîurément la lettre xv , du
liv. I , à Ion père , au fujet d'un fils qu'il
eut d'une angloife à Strasbourg , dans le
temps d'une de fes ambaffades dans cette
ville , & apparemment après qu'il eut
été coiironné poëte par l'empereur Fré-
déric en 1439. Voici la tradudion de cette
lettre.
« Le poëte Enée Syh'ius à Sylvtus fon
jy père. Vous me marquez que Vous ne favez
>j fî vous devez vous réjouir ou vous affliger
91 de ce que Dieu m'a donné un fils. Pour
» moi , je n'y trouve que des fu jets de joie ,
fy & aucun cie trilîefTe ; car quel plus grand
>.» plaijQr y a-t-il dans la vie , que de pro-
w créer un autrefoi-meme , de perpétuer
?> la famille, & de lailTer, à fà mort ,
?) un enfant qui nous furvive ? Quoi de
7> plus agréable que de fe voir des petits-
w fils ? Je rends grâces à Dieu de ce que
?? mon enfant eft un garçon , parce que ce
fy petit drôle pourra vous divertir , vous
yy & ma mère , & vous donner en mon
?) abfence, des confolatîons & des fecours.
3W Si ma naiflance vous a caufé quelque
fi joie , celle de cet enfant ne vous fera-t-
jy elle pas plaifir ? C'efl mon image dans
?) fes traits. Ne ferez- vous pas charmé de
>î le voir vous obéir, vous embrafîêr, &
jy VOUS faire de petites carelT'es ?
yy Vous êtes affligé , me dites-vous , de
?j ce que cet enfant efl: le fruit d'un com-
jy merce illégitime. Je ne puis concevoir,
» Monfieur , quelle opinion vous avez
yy prife de moi. Il efl certain que vous ,
» qui êtes de chair & d'os , ne m'avez pas
r fait d'un tçmpérament infenfible. Vous
jy favez bien en conscience quel galant vous
»î étiez! Pour moi ^e ne me trouve ni
w eunuque , m impuiflant. Je ne fuis pas
P I E
» non plus aifez hypocrite pour vouloir
» paroître homme de bien fans l'être
>j réellement. Je confefTe ma faute , parce
y> que je ne fuis ni plus faint que David ,
>î ni plus fage que Salomon ; mais ce genre
>î de faute efl aufii commun que d'an-
)» cienne date. C'efl un mal fort général ,
» fi c'efl un mal de faire ufage des facultés
» naturelles , & s'il efl jufte de blâmer un
fi penchant que la nature , qui ne fait rien
» fans defTein , a mis dans toutes les
>i créatures pour pourvoir à la confervation
j> des efpeces.
*i Vous répondrez fans doute que ce
» penchant efl feulement légitime lorfqu'il
» efl renfermé dans de certaines bornes >
» & que l'on ne doit jamais si'y livrer qu'en
» vertu des nœuds du mariage. J'en con-
ii viens, & cependant on ne laifTe pas
» de pécher fréquemment dans l'état même
« du mariage. Il y a une certaine règle
» pour manger , boire & parler ; mais où efl
» l'homme qui l 'ob ferve ? où efl le jufle qui
»j ne tombe fept fois le jour ? J'efpere donc
;) ma grâce de la miféncorde de Dieu , qui
» fait que nous fommes lujets à bien des
yy chûtes. L'être fuprême ne me fermera
yy pas la (ource du pardon qui efl ouverte à
yy tous. Mais en voilà afîèz fur cet article.
*i Puifque vous me demandez enfuite
>) quelles raifgns j'ai de croire que ce*- en-
» fant efl à moi , je vais vous le dire y
yy en vous mettant au fait de mes amours ;
)) car il efl bon que vous foyez r.filiré que
a cet aimable fils n'efl pa; d'un autre père»
» Il n'y a pas encore deux ans que j'étois
» ambafTadeur à Strasbourg : pendant le
n féjour que j'y fis , & dans le temps que
>j je me trouvois défœuvré , il vint loger
« dans rhôtel une jeune dame angloife.
yy Elle pofTédoit parfaitement la langue
)3 italienne. Elle m'adreffa la parole en
yy dialede tofcan pour quelque chofê dont
» elle avoir befoin ; ce qui me fit d'au-
)i tant plus de plaifir , que rien n'efl plus
» rare dans ce pays-là que d'entendre
» parler notre langue à quelqu'un. Je fus
y> d'ailleurs enchanté de l'cfprit , de la
n figure , des grâces & du caraftere de
» cette belle femme ; & je me rappellai
7) que Cléopatre avoit gagné le cœur d'An-
» toine & de Jiîles-Céfar par les charmes
P I E
H êe (a converfation. Je me dis à moi-
f> même : qui me blâmera de faire ce que
» les grands hommes n'ont pas trouvé au
yy deûous d'eux ? Je fongeois tantôt à
j> l'exemple de , Moïfe , tantôt à celui
fi d'Ariliote , tantôt à celui de S Auguf-
» tin & autres grands perfonnages du
j> chriilianifaie. En un mot , la pailion
3» l'emporta : je devir^s fou de cette char-
f> mante angloife. Je lui déclarai mon
« amour dans les termes les plus tendres;
« mais elle réfifta toujours à toutes mes
» follicitations , lemblable à un roc contre
« lequel les flots de la mer viennent fe
» brifcr.
1) Elle avoit une petite fille de cinq ans,
» qui étoit fortement recommandée à
» notre hôte par Milinthe , père de Ven-
y> fant ; & elle craignoit que fî cet hôte
») s'dppcrcevoit de notre intrigue , il ne
9> la mît avec cette jeune fille hors de fa
>5 mail'on. Enfin, la nuit avant Ton départ,
7> n'ayant encore rien obtenu de lés bonnes
» grâces , & ne voulant pas perdre ma
7) proie , je la priai de ne point fermer
» cette feule nuit fa porte en dedans ,
w ayant des chofes importantes à lui com-
>} muniquer. Elle me refufa cette demande ,
» & ne me laifla pas l'ombre d'efpérance.
f) J'infifiai ; elle perfifta dans (on refus , &
» s'alla coucher. Au milieu du déibrdre
» de mes réflexions , je me rappellai l'hif-
t> toire du florentin Zima , & je m'imagi-
?> nai qu'elle pourvoit peut-être faire comme
yy fa maitrefle. Je pris donc le parti de
f) tenter l'aventure. Quand tout fut tran-
>y quille dans la mailon , je montai dans
» la chambre de ma belle maîirelTe ,
yy quoie trouvai fermée , mais par bonheur
>y fans verrou. Je l'ouvris , j'entrai ; j'obtins
» l'accomplifTement de mes vœux , & c'efl
» delà que vient mon fils.
7) Du milieu de février jufqu'au milieu
t> de novembre , il y a préciféraent le
yy nombre de mois qu'on compte depuis
» le temps de la conception jufqu'à l'ac-
» couchement. C'efi: ce que la mère , qu'on
j> nomme Ehlàbeth , femme riche , in-
» capable de mentir & de chercher à
yy m'en impofer , me dit elle-même à
» Bafle ; & c'eft ce dont elle m'aiTure
9) encore aujourd'hui en toute vériié , fans
PIE ro5
») aucun intérêt , fans m'avoir jamais dc-
» mandé de l'argent , & fans elj^oir d'en
» tirer aduellement de moi. Je n'ai point
» obtenu {es faveurs par des préfens , mais
yy par la perfévérance de mon amour. Enfin
M puifque pour ma conviÛion , toutes les
» circonfiances du temps & des lieux join-
» tes au caradere de cette dame , fe réu-
yy nilfenf enfemble , je ne doute point
» que l'enfant ne l'oit à moi. Je vous
>j fiipplie aufli de le regarder fûrement
yy comme tel , de le recevoir dans votre
»j mailon , & de le bien élever julqu'à ce
yy que je puifî% le prendre fous ma con-
» duite , & le rendre digne de vous. »
L'hifioire ne nous apprend point ce que
ce fils efl devenu ; mais s'il a vécu julqu'à
la mort de Pie II, l'on ne doit pas douter
que ce père qui l'aimoit avec tendrelîé ,
& qui fe téîicitoit fi hautement de fa naif-
fance , ne l'ait comblé de biens , d'hon-
neurs & de dignités eccléfialliques. ( Le
chei'dlier DE- JaucouRT.)
PIERIDES , {MythoL) filles de Piérus,
roi de Macédoine , étoient neuf iœurs qui
excelloient dans la mufique & dans la
poéfie ; fieres de leur nombre & de leurs
talens , elles oferent aller chercher les neuf
mufes fur le mont ParnafTe , pour leur
faire un défi , & difputer avec elles du
prix de la voix : le combat fur accepté , &
les nymphes de la contrée furent choifies
pour arbitres. Celles-ci, après avoir entendu
chanter les deux parties , prononcèrent
toutes de concert en faveur à^s décrits
du Parnalîe. Les Piérides , piquces de ce
jugement , dirent aux mules beaucoup d'in-
jures , & voulurent même les frapper , lorl-
qu'Apollon les métamorphofa en pies , leur
laiffant toujours la même erivie de parler.
Cette fable efi fondée fur ce que les filles
de Piérus fe croyant les plus habiles chan-
teufès du monde , oferent prendre le nom
de mufes.
On donne auflî aux mufes le furnom
de Piérides j à caufe du mont Piérus en
TlieiTalie , qui leur étoit confacré. {D. J.)
PIERIE , ( Géogr, anc. ) Pieria y nom
commun à bien àts heux , comme on va
le voir. i°, C'elî le nom d'une petite con-
trée de la partie orientale de la Macédoine y
fur le golfe Therraaïquc. Piolomce , /. lll^
Fo^ PIE
chap. xiij , la borne au nord par le fleuve
Ludias , & au midi par le fleuve Pénee.
Strabon , excerpt.iiv. VII , in fine y donne
des bornes ditîërentes à la Piérie. Il ne la
commence du côté du midi , qu'au fieuve
Aliacri;on , & la termine du côté du nord
au fleuve Axius , & il nomme les habitans
Periotœ.
2°. Pieria y contrée de Syrie dans la
Séleucide , dont elle faifoit partie. Elle
tiroit (on nom du mont Pierius ou Pie-
ria y que les Macédoniens avoient ainfî
nommé , à l'imitation du mont Piérius ,
qui étoit dans leur patrie. 3°. C'étoit une
ville de Macédoine. 4°. Pieria étoit une
montagne de Thrace fur laquelle demeu-
roit Orphée , & ce pourroit être la même
que le mont Pangée. 5^. Pieria efl une
montagne de Syrie, ainfi dite à l'imita-
tion d'une montagne du même nom en
Grèce. Cette montagne donnoit le nom
à une contrée qui fajfoit partie de la Sé-
leucide. 6^. Lieu du Péloponefe au voi-
finiige de Lacédég.ione. y^. Ville de la
Béotie , qui dans la fuite fut appellée
Lyncos y Avvno^. 8°. C'eft le nom d'une
montagne de la Béotie. 9°. Il y avoit une
forêt de Macédoine dans la Pie'rie , qui
portoit le nom de Pieria Jih'a. Titg-Live,
lii'. XLIV, chap. xliij y dit que ce fut
dans cette forêt que fe fauva Perfée , après
. avoir été battu par les Romains.
C'ell de la Piérie de Macédoine qu'étoit
natif Piérus, célèbre poëte muficien, dont
parlent Plutarque & Paufanias. Il eut neuf
filles douées de tous les talens pofEbles
pour la mufique & la poéfie ; il leur ira-
pofa le nom des neuf mufes y & les petits-
fils qu'elles lui donnèrent , portèrent les
mêmes noms que les Grecs ont attribués
depuis aux enfans des mufes mêmes. Gomme
il excelloit également dans la mufique &
la poéfie , il compofa des poëmes y dont
l'hifloire fabuleufe des mufes , & leurs
louanges faifoient le principal fujet. Voilà*
d'où vient que les mufes font appellées
Piérides par les poètes.
Une colonie de Piériens , peuple de
Thrace , entre le Carafon & le Bracs ,
étant entrée au fond du golfe de Salonique
en Macédoine , s'établit fur les côtes ,
entre le Platamona $c le mont Alka , &
P I E
donna à ce canton le nom de Piérie , aufîî-
bien qu'à uns fontaine qui fut contacrée aux
mufes. Le Carafon ou le Meftro- d'au-
jourd'hui , efl apparemment le Neftus ou
Meflus des anciens ; le Bracs efl le Cof-
finites ou Compfatus ; la Platamona ,
VAflrœus; & le mont Alka efl la partie
orientale de l'ancien Olympus.
Criton ( Qùintus ),, hiflorien , naquit à
Piérie dans la Macédoine , apparemment
depuis J. C. puifqu'aucun ancien auteur
n'en parle.. Il compofa pluGeurs ouvrages ,
dont les noms feuls nous ont été confervés.
Julius Pollux , //V. Xy cite fbn hifîoire
de Nice , & Etienne , fon hifloire des
Getes. Suidas nomme une hilloire de Pal-
lene par Criton , une de Perfe , une ds
Sicile , la defcription de Syracufe , l'ori-
gine de la même ville , enfin un traité de
l'empire de Macésloine. { D. J.)
PIERIENS , ( Géog. anc. ) en latin
Pieres y peuples voifins de la Macédoine.
Pline , liv. IV y chap. x y les met dans la
Macédoine même , auprès de Treres &
Dardg.ni. Hérodote , liv. VII y & Thu-
cydide , liv. II y pag. îG8 y parlent auflî
de cts peuples qui étoient les habitans de
la Piérie. {D. J.)
PIERRE (l'ordre de saint) et
DE SAINT Paul , ordre de chevalerie
inftitué par le pape Paul III , Romain ,
de la maifon de Farnefe , l'an J-^^o. Ce
pontife fit 2.00 chevaliers jufqu'à fa mort,
qui fut le 10 novembre I549'
La marque de l'ordre efl une- médaille
ovale d'or , où efl repréfentée l'image de
S. Pierre ; au revers efl celle de S. Paul.
Cette médaille efl attachée à une chaîne
à trois rangs aufTi d'or. ( G. D. L^T.)
PIERRES , f f. pi. ( Hifl. nat. Min. )
lapides. Ce font des corps folides & durs ,
non dudiles , formés par les particules
terreufes , qui , en fe rapprochant les unes
des autres , ont pris difFérens degrés de
liaifon. Ces corps varient à l'infini pour la
confiflance , la couleur , la forme & les
autres propriétés.
Il y a des pierres fi dures , que l'acier
le mieux trempé n'a point de prife fur
elles : d'autres au contraire ont fi peu de
liaifon , que l'on peut aifément les écrafer
entre les doigts. Quelc^ucs pierres ont b
PIE
tranfparence de l'eau la plus limpide , tandis
que d'autres font opaques , d'un tilTu
groflîer , & fans nulle tranfparence. Rien
de plus varié que la figure des pierres ;
on en voit qui afFedent conftammcnt une
figure régulière & déterminée, tandis que
d'autres fe montrent dans l'état de mafTes
informes & fans nulle régularité. Il y en
a qui ne font qu'un amas de feuillets ou de
lames appliquées les unes fur les autres : d'au-
tres font compoiées d'un affemblage de filets
femblables à des aiguilles; quelques-unes
en fe brifant fe partagent toujours , foit
en cubes , foit en trapézoïdes , foit en
pyramides , foit en feuillets , foit en flries
ou en aiguilles , &c. d'autres fe cafîent en
éclats & en fragmens informes & irrégu-
liers. Quelques pif/Tfj ont les couleurs les
plus vives & les plus variées ; plufieurs de
ces couleurs fe trouvent fouvent réunies
dans une mtmt pierre ; d'autres n'ont point
de couleurs , ou elles en ont de très-
groffieres. Quelques pierres fe trouvent en
maffes détachées ; d'autres forment des
bans ou des couches immenfes qui occupent
des terrains très - confidérables ; d'autres
forment àts blocs énormes & des" monta-
gnes entières.
Telles (ont les propriétés générales que
nous préfènte le coup d'œil extérieur des
pierres. Si l'on pouffe plus loin l'examen ,
on trouve que quelques-unes donnent des
étincelles , lorfqu'on les frappe avec de
l'acier , ce qui vient de la forte liaifon de
leurs parties , tandis que d'autres ne don-
nent point d'étincelles de cette manière.
Quelques pierres fe calcinent , & perdent
leur liaifon par l'adion du feu ; d'autres
cxpofées au feu s'y durciffent ; d'autres y
entrent en fufion ; d'ai/tres n'y éprouvent
aucune altération. Il y en a qui fe diifol-
vent avec efïèrvefcence dans les acides ,
tels que l'eau forte , le vinaigre , &c. quel-
ques-unes ne font nullement attaquées par
CCS diiTolvans.
Toutes ces différentes qualités que Ton
vient de faire remarquer dans les pierres ,
ont déterminé les naturalifles à en faire
différentes clafïes ; chacun les a diviiées
fuivant les difFérens. points de vue fous
lefquels il les a envifagées ; voiU pourquoi
les auteurs font très-peu d'accord fur les
PI E S07
divifions méthodiques qu^ils nous ont dont
nées de ces fubftances. Quelques-uns ne
confultant que le coup d'œil extérieur ,
ont divifé les pierres en opaques & en
tranfparentes ; d'autres ont eu égard
aux effets que les pierres produifent dans
le feu : c'efl ainfi que M. Walletius dif-
tingue les pierres en quatre ordres ou
clallês : lavoir , 1°. en pierres calcaires ;
ce font celles que l'adion du feu réduit
en chaux & prive de leur liaifon ; telles
font la pierre à chaux , la craie , les
marbres , le fpath , le gypfe , ^c. Woye\
V article CALCAIRE. 2». En pierres vitre/-
cibles ; ce font celles que l'adion du feu
convertit en verre. Dans ce rang il place
les ardoifes , les grès , les cailloux , les
agates , les jafpes , le quartz , le cryflal
de roche , les pierres précieufes. 3°. En
pierres apyres y ce font celles fiar qui
l'adion du feu ne produit aucune altéra-
tion ; telles font le talc, l'amiante ^ ^c.
Enfin , 4°. M. Wallerius fait une quatrième
cîaffe de pierres qu'il nomme compofées ,
& qui foat formées par l'affemblage de
différentes pierres qui précèdent , qui ,
dans le fein de la terre , fè for)t réunies
pour ne faire qu'une maffe.
M. Pott , qui dans fà Lithogéognefie ,
nous a donné un examen chymique de la
plupart des jyierres , les divife , 1°. ça
calcaires , c'efl-A-dire , en pierres qui fe
diffolvent dans les acides, & que* l'adion
du feu change en chaux ; 2,**. en gypfeufesy
qui ne fe diffolvent point dans les acides ,
mais que l'adion du feu change en plâtre.
Cependant aujourd'hui la plupart des phy-
ficiens regardent le gypfe ou la pierre à
plâtre , comme une pierre calcaire qui efl
faturée par l'acide vitriolique ; 3®. en ar-
gileufes , qui ne font point attaquées par
les acides , mais qui ont la propriété de ^
fe durcir & de prendre de la liaifon dans
le feu '■) 4®, en apyres fur lefquelles ni ks
acides , ni l'adion du feu n'ont aucune
prife.
M. Frédéric - Augufle Cartheufer dans
fa Minéralogie , divife \qs pierres en cinq
ordres ou clafïes '•, i**. en pierres par la-
mes ; lapides lamellofi ; elles font compo-
fées de feuillets plus ou moins grands.
•Les difFérens genres de cette clafîè fonc
8o8 PIE
le fpath , le mica , le talc. 2.°. Les pierres
compofécs de filets , lapides filamentofi ;
de ce nombre font l'amia ire , l'asbefle , le
' gypfe fîrié. Les pierres folides ou con-
tinues , dont les parties ne peuvent erre
diiHnguéesi de ce nombre (bat le caillou,
le quartz & les pierres précieufes , les
pierres à chaux , les pierres à plâtre, le
fchifle ou l'ardoife , la pierre à pots. 4.^. Les
pierres par grains , lapides granulati ; telles
font le grès , & fuivant lui le jarpe. 5°. Les
pierres mélangées.
J!^ de Julli , dans Ton plan du règne
minéral, publié en allemand en 1757,
divile les pierres : i°. en précieufes , &
en communes •-, 2°. en pierres qui réfillent
au feu j 3^. en pierres calcaires; 4.'*. en
pierres vitrefcibles & fufibles au teu. On
voit que cette divifion eu très - fautive ,
vu que cet auteur conlidere d'abord les
pierres relativement au prix que la fantaifie
des hommes y attache , & enfuite il les di-
vife relativement aux effets que le feu pro-
duit fur elles.
M. de Cronfledt , de l'académie de
Stockholm , dans fa minéralogie publiée
en fijédoisen 1758, comprend les pierres
& les terres fous une même clafîe , en
quoi il femble être très-fondé, vu que les
pierres ne font que des produits des terres ,
qui ont acquis plus ou moins de confif-
tance & de dureté. Il divife ces terres ou
pierres^en deux genres , la première efl des
calcaires , la féconde eft des pierres ou
terres Jilice'es , c'efl-à-dire , de la nature du
caillou.
Toutes ces difFérentes divifions que l'on
a faites des pierres^ nous prouvent qu'il eft
difficile de les ranger dans un ordre mé-
thodique qui convienne en même temps
à leur afped extérieur & à leurs propriétés
intérieures ; au fond ces divifions font
^ a(îéz arbitraires , & chacun^ peut en faire
des clafîes relativement aux différens points
de vue fous lefquels il les envifage. Le
chymifle qui ne décide rien que d'après
l'expérience , confidérera les pierres rela-
tivement à leur analyfe , tandis que le
phyficien fuperficiel , qui ne cherchera
point à approfondir les chofes , fc con-
tentera de qualités extérieures , fans s'em-
barraffcr de la combinaifon de ces corps,;
P I E
cependant dans l'examen des pierres ^ ainfi
que de toutes les fubftances du règne mi-
néral , on rifquera très - fbuvent de fe
tromper lorfqu'on ne s'arrêtera qu'aux ap-
parences ; un grand nombre aie pierres qui
ont des propriétés fort oppofées ^ fe ref^
ierablent^ beaucoup à l'extérieur ; & les
Iciences ne devant avoir pout but que
l'utilité de la fociété , il efl certain que
i'anaiyfe nous fera beaucoup mieux con- \
noîcre les ufàges des fubftances , que ne
tera un examen fuperficiel-
Comme la nature agit toujours d'une
raçon fimple & uniforme, il y atout lieu
de conjcdurer que toutes les pierres font
elTenticllement les mêmes , & qu'elles font
toutes compofées de terres , qui ne diffè-
rent entr'elles que par les difFérentes ma-
nières dont elles ont été modifiées , atté-
nuées , élaborées , & combinées par les
eaux ; nous allons faire voir que l'eau eft
le feul agent de la formation des pierres.
L'expérience prouve que les eaux les
plus pures contiennent une portion de
terre afTez fenfible ; on peut s'afTurer de
cette vérité en jetant les yeux fur les dépôts
que font dans les vaifleaux les eaux qu'on
y fait bouillir , & qu'on y laifTe féjourner
quelque temps. Si l'on met une goutte
d'eau de pluie , ou de la neige fur une
glace bien nette , elle y formera une
tache blanche aufG-tôt que l'eau fera éva-
porée ; cette tache n efl autre chofe que
de la terre : d'où l'on voit que l'eau tenoit
cette terre en dilTolution , & qu'elle étoit
fi intimement combinée avec elle , qu'elle
ne nuifoit point à fa limpidité. L'eau par
elle-même doit avoir la propriété de s'unir
& de fe combiner avec la terre ; c'eft de
cette combinaifon. que réfulte tout fcl ; il
y a long-temps cjue la chymie a démontré
que les fèls ne font qu'une combinaifon
de la terre & de l'eau '-, c'efl la différente
manière dont l'eau fe combine avec des
terres , diverfement atténuées & élabo-
rées , qui produit la variété de ces fels.
Ces vérités une fois pofées , nous allons
tâcher d'examiner les différentes manières
dont les pierres peuvent fe former.
La première de ces manières , qui eft la
plus parfaite , eft la cryfbllifation. On ne
peut s'en former d'idée fans fuppofer que
PIE
<3es eaux tenoient en dillolution des mo-
lécules terreufes avec leiqu elles elles écoient
dans une combinaifon parfaite. Ueau qui
tenoic ces molécules en dilTolution , venant
à s'évaporer peu-à-peu , n'eft plus en
quantité fuffiranté pour les tenir en dilTo-
lution ; alors elles îè dépofent 6c fe rappro-
chent les unes des autres : comme elles
font fîmilaires , elles s'attirent récipro-
quement par la difpofition qu'elles ont à
s'unir , Ôc de leur réunion il réfulte un
corps fenfible , régulier & tranfparent ,
que l'on nomme cryjîal; la régularité &
la tranfparence dépendent de la pureté &
de l'homogénéité des molécules terreufes
qui étoient en diflolution dans l'eau ; ces
qualités viennent encore du repos où a
été la diflolution , & de la lenteur plus
ou moins grande avec laquelle l'évapora-
tion s'eft faite ; du moins eft - il certain
quec'eft de ces circonftances que dépend
la perfe<5tion des crylèaux des fels , qui
par leur analogie peuvent nous faire juger
de la cryftallifation des pierres. Ces cryl-
taux varient en raifo'n de la terre qui étoit
en diflolution dans l'eau , & qui leur fert
de bafe ; fi cette terre étoit calcaire , elle
formera d^s cryfl:aux calcaires , tels que
ceux du fpath , ùc. fi la terre ézokjîlkéey
c'cft;-à-dire , de la nature du caillou ou du
quartz, on aura des pierres précieufes &
du cryftai de roche. Comme les eaux peu-
vent tenir en même temps en diflolution
des terres métalliques diverfement colorées,
ces couleurs pafléront dans les cryftaux qui
fe formeront ; delà les différentes couleurs
des cryft:aux & des pierres précieuies ; leur
dureté variera en raifbn de Phomogénéité
des parties diflfoutes ; plus elles feront ho-
mogènes & pures , plus elles s'uniront for-
tement, & par conféquent plus elles auront
de folidité & de tranlparencc.
Quand même les eaux n'auroient point
par elles - mêmes la faculté de diflbudre
les molécules terreufes , elles acquerroient
cette faculté par le concours des lubftances
falines qui fouvent y font jointes. Per-
fbnnc n'ignore que la terre ne renferme
une grande quantité de felsj c'eft l'acide
vitrioliquequi s'y trouve le plus abondam-
ment répandu. L'eau aidée de ces fels peut
©icore.plus fortement diffoudre une grande
Tome XXF,
PI E 80^
quantité de molécules terreufes , avec
lefquelles elle fe combine; & lorfqu'elle
vient à s^évaporer , il fe forme divers
cryfl:aux en raifon de la nature de la terre
qu'elle renoit en diflolution , Se des fels
qui entrent dans la combinaifon.
Souvent une môme eau, peut tenir en
diflolution des terres de diff^érente nature ,
dont les unes demandent plus d'eau pour
leur diflolution , tandis que d'autres en
exigent beaucoup moins; alors lorfque
l'évaporation viendra à fe faire , il (è for-
mera d'abord des cryftaux d^une efpece ,
& enfuite il s'en formera d'autres ; cela f^'
fait de la même manière que des fels de
différente nature fe cryfl:allifent fucceilive-
ment , les uns plutôt , les autres plus tard ,
dans un vaifleau &c dans un laboratoire.
C'efl: ainfi que l'on peut expliquer aflez na-
turellement la formation de ces maflès que
l'on rencontre fouvent dans la terre , Se qui
font un mélangeconfus de plusieurs cryûaux
de différente nature.
Les molécules terreufes qui fervent à
former les pierres , ne font point toujours
dans un érat de dilfolution parfaite dan^
les eaux, fouvent elles y font en parties
grofîieres, qui ne font que détrempées ,
Se elles y demeurent fufpendues tant que
les eaux font en mouvement ; après avoir
été charriées Se entraînées pendant quel-
que temps , ces terres fe dépofent par
leur propre poids , Se forment pcu-à-peu
un corps folide ou une pierre; c'eft ainfi
que fe forment les incruftations , les tufs ,
les ftalaélites ; en un mot c'eft de cette
manière qu'on doit fuppofer qu'ont été
formés les bancs de roche , d'ardoifes ,
de pierres à chaux , &c. qui fe trouvent
par couches dans le fein de la terre , &
qui paroilTent des dépôts faits par les eaux
de la mer. Voye^ Limon , & Terr^
couches de la.
Les pierres ainfi formées n'affeélent
point de régularité dans leur figure ; elles
font compofées de tant de molécules grof-
fieres Se hétérogènes , que les parties fimi-
laires n'ont point pu le rapprocher , &
leur continuité a été interrompue par les
matières étrangères Se peu analogues qui
font venues fe placer entr'elles. En effet,
il y a Heu 4e conifdurer que toutes Içs
gjo P I E
p'erre.y,Iorrqu'elles font pures & lorfqu'elles
font dans un état de diflolution parfaire ,
doivent former des cryftaux tranfparens
& réguliers , c'eft-à-dirc , doivent prendre
la figure qui eft propre à chaque molécule
de la terre qui a été dilïbute.
De toutes les pierres il n'y en a point
Hom la formation foit plus difficile à ex-
pliquer que celle des pierres de la nature
eu caillou} la plupart des naturaliftes les
regardent comme produites par une ma-
tière virqueufe&gélatincufe qui s'eft dur-
cie } cependant on voit que la matière qui
forme le caillou , lorfqu'elle eft parfaitement
pure , afFe(5le une figure régulière : en effet,
le cryftal de roche ne diffère du caillou ,
du quartz , des agates , qui font des pierres
du même genre , que par fa rranfparence
ôc fa forme pyramidale & hexagone. Il y
a donc lieu de fuppofcr que c'eft la partie
la plus parfaitement difîoute &c la plus pure
du caillou ou du quartz , qui forme des
cryftaux , &c que c'eft la partie la moins
parfaitement difloute , & qui par fa vifco-
iité & (on mélange avec des matières hé-
térogènes , n'a pu fe cryftallifer j femblable
en cela à la matière grade & vifqueufe
qui accompagne les fels qu'on appelle
Veau mère , & qui n'efl plus propre à ie
cryftallifer.
Peut - être que cette idée pourroit
fervir à nous faire connoître pourquoi cer-
tains cailloux arrondis ont à leur centre
des cavités tapifl^es de cryftaux réguliers,
femblables en tout à du cryftal de roche j
tandis que d'autres cailloux , qui font pré-
cifément de la même narure que les pre-
miers, ont leurs cavités garnies de ma-
melons : on a tout lieu de préfumer qu'ils
renfermeroient des cryftaux comme les
premiers , fi la cryftallifarion n'avoir point
été embarraflee par des matières étrangères
qui l'ont empêché de fe faire. Voye^l' article
SlLîX.
Par tout ce qui précède on voit que
toutes les pierres ont été originaireraerit
dans un état de fluidité : indépendamment
" des cryftallifations dont nous venons de
parler , nous avons une preuve convain-
cante de cerre vérité dans les pierres que
nous voyons chargées des empreintes de
plantes & de coquiliis, qui y font mar-
PIE
quées comme un cachet fur de la cîre
d^Efpagne ; relies fonr certaines ardoifes
ou pierres fchifteufes qui portent des em-
preintes de poiffons , & celles qu'on voit
chargées des empreintes de plantes , qui
accompagnent fouvent les charbons de
terre. On trouve encore fréquemment des
cailloux très-durs qui fonr venus fe mouler
dans l'intérieur des coquilles & d'autres
corps marins dont ils ont pris la figure.
De plus , ces chofes nous fourni (fent des
preuves indubitables que les pierres le
formenr journellement : nous voyons cette
vérité confirmée par les grottes qui fc
rempliflcnt peu-à-peu , par les llalaiftites
qui ie forment aflez promptemenr , par
les cryftalliiarions & les incruftarions qui
recouvrenr des mines dans leurs filons , &
fur-tour par les cailloux & les marbres que
l'on rrouve fouvenr par petirs fragmens
qui ont éré liés Se comme collés enfemblc
par un fuc pierreux analogue , qui n'en a
fair qu'une feule mafte. Voye-^ Terre ,
Gluten , Incrustation , Pétrifica-
tion , &c.
Ces obfcrvarions ont dû conduire na-
turellement à diftinguer les pierres en
pierres anciennes & en pierres récentes.
Par les premières , on entend celles dont
la formation a précédé les divers change-
mens que notre globe a éprouvés, & qui
doivent leur exiftence , pour ainfi dire,
au débrouillement du chaos & à la création
du monde. Ces fortes de pierres ne ren-
ferment jamais des fubftances étrangères au
règne minéral , telles que des bois , des
coquilles & d'autres corps marins ; c'eft
de pierres de cette efpece que font for-
mées les montagnes primitives. ^oje!|r
Montagnes. Les pierres récentes font
celles qui ont été produites poftérieu rement
& qui fe forment encore tous les jours. On
doit ranger dans cette clafiè toutes les
pierres qui font par lirs ou par couches
horizontales ; elles onr été formées par le
dépôr de la bafe ou du limon des rivières
& des mers qui onr occupé des porrions
de norre conrinenr , qui depuis s'en font
retirées j c'eft pour cette raifbn que l'on
trouve dans ces couches de pierres des
corps entièrement étrangers à la terre ,
qui y ont été enveloppés & renfermés lorf»
PIE
que la matière molle dans Ton origine eft
venue à fe durcir. De cette efpece font les
fchiftes , les ardoifes , les pierres à chaux ,
les grès , les marbres , ùc. Parmi ces
pierres récentes il y en a qui ont été
produites ou mifes dans Pétat où la- na-
ture nous les préfcnte ^ par les embrafe-
mens de la terre j de cette efpece font la
lave , la pierre ponce , &c. On doit auiïî
placer au rang des pierres récentes les
veines de quartz & de fpath , qui font
venues quelquefois reboucher les fentes des
montagnes & des rochers , qui avoient été
faites antérieurement par les tremblemens
Se les affailTèmens de la terre ; il eft aifé
de concevoir que les pierres qui remplif-
fent ces intervalles , font d'une formation
poftérieurc à celle des pierres qu'elles ont ,
pour ainfi dire , refbudces. ( — )
Pierres des Amazones , ( Phyf. )
C'eft chez les Topayos , au rapport de
M. de la Condamine , mém. de l'acad.
des fciences , année iJ^S * qu'on trouve
aujourd'hui plus aifément que par- tout
ailleurs , de ces pierres vertes j connues
fous le nom de pierres des Ama:^ones,
dont on ignore l'origine , & qui ont été
fort recherchées autrefois , à cau(e des
vertus qu'on leur attribuoit , de guérir de
la pierre , de la colique néphrcti^^ue & de
l'épilepfie. Il y en a eu un traité imprimé
fous le nom de pierre divine. La vérité eft
qu'elles ne différent ni en couleur ni en
dureté du jade oriental} elles réiiftent à
la lime? & on n'imagine point par quel
artifice les anciens Américains , qui ne
connoilTbient pas le fer , ont pu les tailler,
les creufer , & leur donner diverfcs figu-
res d'animaux : c'eft (ans doute ce qui a
fait naître une fable peu digne d'être ré-
futée : on a débité fort férieufement que
ceiie pierre n'étoit autre chofe que le limon
de la rivière y auquel on donnoit la forme
qu'on defiroit , en le pétrifiant quand il
étoit récemment tiré, & qui acquéroit
enfuite à l'air cette extrême dureté.
Quand on accorderoit gratuitement cette
merveille , dont quelques gens incrédules ne
fèfont défubufés qu'après que l'épreuve leur
a mal réufli , il refteroit un autre pro-
blême plus diâîcile encore à ré foudre pour
nos lapidaires : comment ces mêmes In-
PIE g,r
dicns ont-ils pu arrondir , polir àts éme-
raudes , & les percer de deux trous coni-
ques diamétralement oppofés fur un axe
commun ? On trouve de telles pierres en-
core aujourd'hui au Pérou, fur la côte de
la mer du fud , à l'embouchure de la rivière
de San-Jago , au nord-oueft de Quito ,
dans le gouvernement d'Emeraldas , avec
divers autres monumens de Tindurtrie des
anciens habitans. hes pierres vertes devien-
nent tous les jours plus rares , tant parce
que les Indiens qui en font grand cas ,
ne s'en défont pas volontiers , qu'à cauic
du grand nombre de ces pierres qui à
parte en Europe. {D. J.)
Pierres apyres , ( Hijï. nat. Min. )
Quelques naturaliftes donnent cette épi-
thete aux pierres qui ne fouffrent aucune
altération par l'adion du feu , c'eft-à^dire ,
qui ne font ni calcinées ou réduites en
chaux , ni fondues ou changées en verre
par un feu ordinaire , tel que celui que la
chymie emploie pour fes analyfes. Les
pierres de cette efpece font le talc,
l'amiante , l'afbefte , le mica , ffc. Il faut
obferver que ces fortes àe pierres ne font
point abfolument apyres , puilque le mi-
roir ardent eft en état de les faire entrer
en fufion. Voye^ Varticle Miroir ar-
dent. ( — )
Pierres cjVlcaires ou pierres a
CHAUX, {Hijî.nat. Minéral^ lapis calcareus,
nom générique que l'on donne à toute/j/erre
que l'adriorrdu feu convertit en chaux. Plus
les pierres que l'on emploie à cet ufage fonc
dures ôc compad:es, plus la chaux qui en
réfulte eft d'une bonne qualité. Voy. Cal-
caire & Chaux. ( — )
Le choix des pierres^ la conftruftion
la plus favorable des fourneaux, la conduite
la plus prudente du feu , font les trois par-
riesprincipales de l'art du chaufournier,
aurti ancien que la conftruétion des édificci
& des villes.
On diftingue les pierres à chaux les plus
convenables , parce qu'elles ne donnent
pas de feu , étant frappées avec l'acier ;
elles {ont attaquées avec effervefcence par
les acides, comme les fels alkalis. Ces
acides peuvent les difibudre , & elles font
I précipitées par les alkalis : réduites en
1 chaux, elles deviennent plus folubespar les
Kkk kki
Si2 P I E
acides i la terre dont elles font cofnpo-
fées , eft alkaline. ( Lithogéognéfie de Pott ,
ch.î.) Les pierres à chaux fe trouvent dans
tous les pays , par couches , par bancs , ou
détachées, ou roulées. Leur couleur varie
autant que leur grain ôc leur compolition.
L'expérience a appris à tous les ouvriers,
à les reconnoitre , ôc ils préfèrent celles
qui font les plus à leur portée. La proxi-
mité de la pierre &c celle des matières
combuftibles que Ton emploie, combinées
cnfemble, décident donc de remplace-
ment des fourneaux, ^n général , les
pierres à chaux les plus vives, les plus
compa<Stes, les plus dures, celles qui font
tirées du fond des carrières , & non de
la furface , font d'ordinaire la meilleure
chaux. La. pierre la plus difficile à calciner
fait aulli la chaux la plus parfaite. La
chaux de la Lorraine eft une des meil-
leures efpeces , elle fe durcit plus vite à
Teau qu'à Pair ; & la pierre que l'on em-
ploie , eft d'un bleu foncé , tendre au
ibrtir de la carrière , & s'exfoliant à l'air
& au gel. La plupart des marbres font
une bonne chaux ; avec le noir on fait
de la chaux fort blanche j avec le blanc ,
on fait de la chaux d'un blanc éclatant.
Les pierres où l'on trouve des coquillages
pétrifiés , font communément très-propres
à faire de la chaux. On fait auflî , près des
mers abondantes en coquillages , comme
en Hollande & ailleurs , la chaux avec
ces coquilles calcinées : la chaux en eft
très-blanche. On tire même du fein de la
terre , loin des mers , en divers lieux ,
des coquilles de mer enfevelies , dont on
fait de la bonne chaux. On fait encore de
la chaux avec les pierres d'une marne
endurcie & pétrifiée , avec une efpece de
pierre crétacée , avec une forte de limon
pétrifié , ùc. En un mot , toute pierre
allcaline & calcaire peut devenir de la
chaux par un feu fufiifant , conduit félon
les règles de l'art.
On fiit de la chaux avec toutes fortes
de bois , mais plus facilement avec les
bois qui font une belle flamme : les bois
blancs font très-propres à cela. On em-
ploie auflî la tourbe, le charbon déterre
ou la houille ; fouvent, auflî , dans les
mêmes fours j coiiftruits dans cette vue.
PI E
' on fait en même temps la, chaux & la
brique, ou la tuile.'
On place les fourneaux , autant qu'on
le peut , fur-tout lorfque l'on travaille en
grand , fur un tertre , afin que creufés
on puifle avoir accès au pié & au fommet
avec facilité.
En général , le feu eft dirigé de deux
manières dans les chaufours , félon les
matières combuftibles , Se les pays : quel-
quefois on fait une vive flamme , fous
une mafle de pierres foutenue; c'eft fur-
tout lorlque l'on emploie du bois , des
broflàilles , des bruyères , ùc. D'autres
fois on fait un feu moins flambant; c'eft
lorfque l'on entremêle par couches , avec
les pierres , le bois coupé , le charbon de
bois , la tourbe , la houille , ùc. La dif-
pofition ou l'arrangement des fours eft
différent , félon que l'on fc fért d'un feu
plus ou moins flambant , ôc dans ce cas ,
il faut un foyer; ou bien , fîon fait ufage
d'un petit feu , les matières combuftibles
font ftratifiées avec \es pierres.
M. Fourcroy de Ramecourt , dans l'art
du chaufournier , qu'il a décrit & publié
en 17(36, eft entré dans tous les détails
nécefïaires fur la conftrudion & la con-
duite des fours de divers pays. Il décrit
les fours ellipfoïdes de Lorraine à grande
flamme , où l*on fait la chaux âpre , qui
fe durcit le plus promptement; les fours
à chaux cubiques d'Alface , auffi à grande
flamme. Il donne enfuite la conftru6tion
des fours de la féconde efpece , à petit
feu , qui font en pyramide , ou en cône
renverfé , & que l'on emploie auflî en
Flandre Se en diverfes provinces de France;
des fours en demi-ellipfbïde renverfé, que
l'on fait à Tournai Se ailleurs ; des fours
cylindriques, où l'on fe fert du charbon
de bois. Il détaille aufTi la conduite des
fours coulants , c'eft - à - dire , dont on
n*éteint point le feu , tant que dure l'a
fabrication de la chaux & le four : on en
tire la chaux par le pié , à mefurc qu'elle
fè fait , en rechargeant d'autant le four
par fon fommet.
Nous ne fuivrons pas cet auteur dans
tous fes détails; nous nous contenteroîis
de donner ici la feule defcription de là.
méthode quil juge être la meilleur-c. "
PIE PIE 813
Fours en cône renverfé. Toas les fours ] la mafle àe pierres dont le four fera rempli ,
à chaux font fcmblables fur labafîe-Meufe,
TEfcaut, la Scarpe, la Lys, dans la Flan-
dre maritime , & le Boulonnois : ils ne
différent que par leur grandeur & quelques
accelfoires, à Texception de ceux de Tour-
nai, dont je parlerai en particulier. On
fait aux mêmes fours , dans toute cette
étendue de pays , de la chaux de pierres
dures , emmarbrées, quand on peut fe les
procurer , & de la chaux de pierres blan-
ches & tendres qui s'y trouvent prelque
par-tout. Ce font encore les mêmes fours
qui iont en ufage à Vichi, à Lyon, acad.
ly&î y page z8j , en Dauphiné & en
plufîeurs autres provinces de France.
Dimenfions & conjiruclion de ces fours.
Le vuide ou intérieur de ces fours eft un
entonnoir : en Flandre on lui donne vingt
à vingt-huit pouces de diamètre par le bas.
Le diamètre augmente de quatre à neuf
pouces par pie de hauteur du four, jufqu'à
ce que Taxe ait acquis une hauteur pro-
portionnée à Texploitation qu'on fe pro-
pofe : un petit four s'élève jufqu'à fept ou
huit pies de hauteur , & peut avoir au
fommet cinq à fix pies de diamètre; au
lieu qu^un grand s*éleve jufqu'à quinze ôc
feize pies , ôc aura au fommet huit à
douze pies de largeur d'orifice. Ailleurs
on leur donne par le bas jufqu'à près de
cinquante pouces de diamètre. On fait donc
de ces fours à chaux qui ne contiennent
qu'environ foixante de quinze pies cubes de
matière à la fois pour des particuliers qui
veulent bâtir, & d'autres qui en contien-
nent jufqu'à ûx cents pies. On joint aulTî
plufîeurs de ces derniers enfemble, pour les
cnrreprifes de grande tonfommation. Les
proportions de tous ces grands & petits
fours, ne paroiflent déterminées que par
le caprice & les idées particulières à chaque
chaufournier, ou même au maçon qui les
conftruit. Le plus ou le moins de talut à
donner au pourtour de l'entonnoir , depuis
deux jufqu'à quatre pouces & demi par
pié de hauteur, dépend uniquement, dit
le m^çon, de la folidité plus ou moins
grande du terrain fur lequel on établit le
four. Il faut plus de talut , fi le fonds n'eft
pas ferme; fi les côtés étoient moins
inclinés que d'un iixicme de leur hauteur ,
tomberoit trop promprement au fond , &
y formeroit un poids capable d'ébranler
l'édifice. Si le four , félon les chaufourniers ,
eft trop évafé , le feu ne peut en atteindre
les bords. Il y a lieu- de croire que ces
diverfes prétentions ne font pas fans fon-
dement, de que l'opération du feu de ce
four n'exigeant pas une grande précifioii
dans fon degré de chaleur , on peut effec-
tivement admettre une certaine latitude
dans le meilleur module de fes propor-*
tions, comme nous le verrons par les dé-
tails. Mais par- tout l'art du chaufournier
m'a paru n'avoir été éclairé jufqu'à prcfent,
d'autres lumières que de la tradition locale
des gens grollîers qui le pratiquent.
Le ce ne renverfé du four , eft porté
fur un foyer cylindrique, du même dia-
mètre de vingt à vingt- huit pouces, 8c
de dix-huit de hauteur , qui fert tout-à-
la-fois de cendrier , de décharge Ôc de
foufflet pour le four. On pratique à ce
f3ycr une, deux, trois ou quatre gueules,
félon la grandeur du four , chacune de
quinze à feize pouces de hauteur , & de
douze ou treize de largeur, pour pouvoir
y faire pafter aifément une pelle de fer
de l'efpece de celles que l'on appelle ef-
coupes : chaque gueule eft cintrée par fon
fommet de deux pouces," fur une barre de
fer de vingt-cinq lignes de largeur 5c quatre
à cinq lignes d'épaifleur, qui en fupporte
les claveaux , Se chacune eft encore tra-
verfée à la nailfance de fon cintre par
une féconde barre , lemblable ôc droite ,
le tout bien fcellé dans la maçonnerie. On
fcelle aufTi une autre barre plus forte à
l'orifice inférieur de l'entonnoir , ôc à-peu-
près fuivant fon diamètre , fur laquelle ,
comme fur les barres horizontales des
gueules , le chaufournier fait porter les
extrémités d'autres barreaux volans , pour
y former un grillage quand il en eft
befoin.
La manoeuvre très-fréquente de charger '
ce four, exigera fon fommet une plate-
forme , tout autour de l'entonnoir , ôc
plus grande à proportion que le four efl
plus élevé. Il ne la faut pas moindre que
de largeur égale au diamètre fupérieur du
fouri û le four eft d'environ douze pi(fs
Si4 P î E
de largeur, l'édifice total fe trouvera de
3 5 pies de diamètre , fur 15 à 16 pies
d'élévation ; ce qui demande de la folidité
dans la bâtilïé. Il faut donc ou de bons
revêtemens tout autour, pour (burcnir la
pouiréc des terres de la plate-forme ôc de
toute la pierre à chaux que Pon y amafle ,
ou conftruire le tout en maçonnerie pleine,
ou choifir , Ci on le peut , fon emplace-
ment contre un tertre, ou enfin enfoncer
le four entier dans les terres , comme nous
Tavons vu aux fours du premier genre.
Dans tous ces cas, il faut pratiquer au
bas des grands fours quelques galeries
fufGfamment éclairées , tant pour arriver
aux gueules du four, que pour y dépofer
la chaux bien à couvert à mefure qu'on la
défourne. Pour monter fur la plate- forme,
il faut y former une rampe douce , par
laquelle les journaliers puiflènt continuel-
lement rouler les matières à la brouette.
Si le cône cft conftruit avec des briques,
qui font certainement l'efpece de maté-
riaux qui y convient le mieux, fà maçon-
nerie eft fuffifante avec huit pouces d'é-
paififèur. Il y faut cependant plufieurs
contre-forts pour qu'il ne fléchilTe pas , en
tas que les terres rapportées faflent quelque
mouvement. Du refte, ces fortes d'édifices
n'ont rien de particulier dont les deflîns
ne puiflerit faire entendre les détails.
Un petit four de cette efpccc , creufé
dans la terre & revêtu de briques, ne
peut nulle part être cher à conftruire j
mais un grand , élevé en rafe campagne ,
peut coûter , dans la Flandre maritime ,
jufqu'à quinze & feizc cents livres ; deux
ou trois grands accolés , iroient à mille
ou douze cents livres chacun , le tout à
proportion du prix des journées d'ouvriers
& de la brique, qui s'y vend jufqu'à douze
livres le mille.
Charge de ce four en pierres dures. Pour
charger ce four , le chaufournier , après
avoir formé, à l'orifice inférieur de l'en-
tonnoir , le grillage de barreaux volans ,
y defcend & y arrange trois ou quatre
bradées de bois bien (éc , & qu'il recou-
vre d'un lit de trois ou quatre pouces
de houille en morceaux gros comme le
poing.
Si la houille deftinée pour ce four cft
P I E
en poufliere , &c que la pierre à calciner
foie dure , toute la pierre doit avoir été
réduite en morceaux de la groflèur du
poing tout au plus. On en a tranfporté
fur la plate-forme un amas fuffifant pour
la charge complette du four , ainfi qu'une
quantité proportionnée de houille. Alors
le chaufournier reçoit un panier rempli de
CQS pierres , que deux fervans lui defcen-
dent, au moyen d'une corde, & jette les
pierres fur le lit de houille , puis un autre
femblable panier : il range groffiérement
ces pierres , le plus fouvent avec fon pié
fans fe bailler j en forte qu'elles recou-
vrent foute la houille. Sur ce lit àt pierres,
qui s"'appellc une charge ^ &c qui peut avoir
trois à quatre pouces au plus d'épailTeur,
il étend un lit de houille , ou une char-
bonnée , en vuidant un panier qu'on lui
defcend , comme ceux de pierres. Le
pou Hier , par ion choc en tombant , s'in-
finue dans les joints des pierres , Ôc les
recouvre entièrement. Le chaufournier
répète la même manœuvre des charges ôc
charbonnées alternatives, jufqu^à ce que
le four foit totalement rempli. Il obferve
feulement de faire les charges un peu plus
épaiflès , à mefure qu'elles s'élèvent , ôc
fur-tout vers Paxe du four , où le feu eft
fouvent le plus adif. Ces charges forment
donc ordinairement une efpece de calotte ,
ôc peuvent avoir vers le fommet du four
fept à huit pouces d'épailTeur autour de
l'axe , au lieu de cinq à fix pouces près
les bords de l'entonnoir. Pour le fervir
diligemment , il y a huit ou dix manœu-
vres munies de deux douzaines de mannes
ou paniers qu'ils remplilîènt de pierres fur
la plate-forme, & qu'ils vuidentfucceflîvc-
ment dans celui que l'on defcend au fond
du four ; ainfi que la houille , quand le chau-
fournier le demande. Il faut une heure pour
arranger dans le four environ foixante ôC
douze pies cubes de cette menue pierre.
Les mêmes journaliers font occupés à
brifer le moellon avec des marteaux ,
lorqu'ils ne fervent pas à la charge du
four ou des voitures qui viennent chercher
la chaux. Ce n'eft pas que de plus grofTes
pierres ne fe calcinent également bien au
feu de houille , comme on le pratique
quelquefois à portée des carrières ôc des
P I E
mines; maïs l'éloignement de Tune &
Tautre apporte néceflàirement des change-
mens dans la manipulation de cet atte-
lier; c'eft ce que j^ai remarqué à dix lieues
de Landrerhun , d'où l'on tire la pierre
& la houille à grands frais pour les feurs
à chaux de MM. Thierry , entrepreneurs
àts ouvrages du roi de France , & négo-
cians à Duiiktrque , qui m'ont fourni plu-
iîeurs bonnes remarques aflurées fur leur
longue & intelligente pratique, & mont
procuré toutes (brres de facilités à leurs
fours pour mes épreuves. La houille doit
être diftribuée dans le four par couches,
d'une épailTeur proportionnée à Ton degré
de bonté & à la maiTc des morceaux de
pierre. Si les pierres ne font pour la plu-
part à-peu-près égales , les plus grofles ne
feront pas encore pénétrées de feu , lorf-
que les moindres feront déjà calcinées : il
faudroit donc obferver dans les charbon-
nées de donner plus de houille à celles-là
qu'à celles-ci ; ce qui , outre la grande
fujétion , produiroit fou vent de l'inégalité
dans .la calcination , beaucoup de noyaux ,
que les chaufourniers appellent aufîî rigaux
& marrons dans les grolîès pierres , de
confommeroit beaucoup de houille inutile
autour des petites. Or , quand la pierre eft
chère , on ne laifTe perdre ni les éclats des
moellons , ni les recoupes de la taille , & il
fe rencontre nécefTairement beaucoup de
menus morceaux dans la pierre à calciner.
Pour qu'il y ait plus d'uniformité dans le
total , il convient donc de brifer les moel-
lons , & n'admettre dans le four que des
morceaux de pierres au deflbus de vingt
pouces cubes.
D'ailleurs, la houille que Ton tire de
loin, n'eft pas toujours de la m.eilleure,
lu^r-tout fi elle vient de houiîlieres qui
n'aient pas un grand débit. Comme alors
il s'y en trouve fouvent d'anciennement
tirée de la mine, & par conféquent éventée
ou fort afFoiblie , les débitans ne m.aiiquent
guère à la mêler avec la nouvelle, ôc
l'envoient ainfi détériorée à ceux qui ne
font pas à portée d'y veiller. Il faut , en
employant cette houille, faire les charges
de pierres plus minces , la menue pier-
raille y convient mieux. Quand on a la
houille dans toute fa force , ôc mêlée de
PIE 1x5
morceaux avec le poudîer , comme à Tour-
nay , Valenciennes , &c. on peut épargner
une partie des frais de la débiter fi me-
nue : la groflè houille donne un fèu plus
vif, parce qu'elle s'évente moins à l'air,
& eft plus chère à poids égal. Mais on a
remarqué par-tout que les moellons angu-
laires & minces , au moins par un côté ,
fous la forme irrégulierc d'un coin , en un
mot , ce que l'on appelle des éclats , le
calcinent mieux que ceux de forme cubique
ou arrondis , qui ne réufTiflènr pas dans
les fours.
On i-ait aulïî plus minces les charges dut
fond du four, parce qu'il faut au commen-
cement de l'opération plus de feu pour faire
luer Ôc recuire le four , fur-tout s'il eft
récemment conflruit ; & malgré cette
augmentation de feu, le pié du four fournit
ordinairement quelques mannes de pierres
mal calcinées.
^ Du feu de ce four & de fa conduite. H
n'efl pas indifférent de mettre le feu au
four, lorfqu'il n'eft chargé qu'en partie,
ou d'attendre qu'il le foit totalement. Si
dans ce dernier cas , le feu par quelque
accident, ne prenoit pas bien & s'éteignoit,
il faudroit décharger tout le four , & perdre
un tenips confidérable de tous les journa-
liers : ainfi la prudence exige de l'allumer ,
lorfque^ le bois eft recouvert feulement de
deux à trois pies de hauteur par les
charges. Pour l'allumer, on jette dans
le cendrier une botte de paille que l'on y
charge de quelques morceaux de bois i\c :
on obferve de choifir celle des gueules ,
fur laquelle le vent foufîle le plus direc-
tement. Si le vent étoit trop violent, on
boucheroit celles des autres gueules , par
lefquelles la flamme fortiroir du cendrier.
En quelques minutes , le bois qui eft fur
e grillage fe trouve enflammé : lorfqu'il
reft fufHfamment , & que la fumée com-
mence à fortir par le fommet du four ,
on bouche toutes les gueules avec des
pierres & de la terre ou des gazons, afin
que le feu ne s'élève pa3 trop vite , &
c'eft alors que l'on continue les charges
jufqu'au fomm.et du four.
Il feroit fans comparaifon plus commode
au chaufournier, que ces gueules fuflènc
garnies chacune d'une porte de tôle. U
8i^ PIE, . ç .
cft fouvent néceffaire de les ouvrir ou fei^-
mer pour bien conduire le feu , & rendre
la caicinaiion égaie dans toutes les parties
du four; mais comme il faut du temps,
ôc quelques peines pour arranger bc dé-
placer cet amas de pierres ôc de gazon ,
dont on fe fert ordinairement , les ouvriers
conviennent qu ils fe les épargnent quel-
quefois mal-à-propos; au lieu que des
portes de fer avec regiftres, comme a nos
poêles d^appartemens , leur donneroient
le moyen de gouverner le feu avec la plus
grande facilité. J^en ai fait faire de telles
en faveur d'un vieux chaufournier , pra-
ticien de quarante ans, qui m'en a re-
mercié plufieurs fois, comme d'un grand
préfent. ^ ,,
Les gueules par lefquelles on tire toute
la chaux du four, à mefure quelle eft
faite, font fujettes à de fréquentes dégra-
dations. Leur cintre, qui iVeft porte que
fur une feule barre , fe brife a force d être
heurté par le manche d une pelle que
l'on enfonce dans la chaux, comme un
levier pour la faire tomber dans le cen-
drier : leurs pies droits s'écornent & le de-
truifent par les coups fréquens de la même
pelle qui ramalTe la chaux. Il faudroit dans
le cas d une exploitation fuivie plusieurs
années, que les gueules fuflent garmes d'un
chai;ris de fer, qui, en les défendant, 1er-
viroit de battée à la porte de tôle. ^
Il ne fuffit pas toujours , pour opérer
l'égalité du feu dans tout le cercle du lour ,
de bien ménager le courant de l'air ou
tarage par le cendrier. Il fe rencontre dans
le malTif des pierres, fur-tout auprès des
parois du four, des endroits ou le feu ne
pénètre nas comme ailleurs-, ce qui vient
en partie de ce que la pierre, en tombant
des mannes , fe trouve plus entallee dans
q uelques points que dans d'autres , & moins
garnie de houille dans fes joints. Ces en-
droits font remarquables à la furface du
four par la couleur des pierres, qui ne
font pas imprégnées de fuie , comme celles
fous lefquelles le feu a fait plus de progrès.
Il faut y donner un peu de jour ,^ pour
/ que le feu s'y porte davantage. C'eft a quoi
fert la lance; le chaufournier drefle la
lance fur fa pointe, & en l'agitant la fait
eim.er & pénétrer à travers les pierres dç
P lE
toute fa longueur : il la retire &: la replonge
plufieurs fois de fuite dans le même trou,
pour y former un petit canal. Se en pra-
tique plufieurs femblables dans le volfinage,
s'il le juge néceflaire. Il n'en faut pas da-
vantage pour déterminer le feu vers ces
parties, & rétablir fégalité. Ces coups de
lance font fort rarement nécetfaires ail-
leurs qu'auprès des parois de l'entonnoir ,
& m'ont fait juger que les fours moins
évafés font plus favorables que ceux qui
le font davantage , dans ces premiers le
feu devant atteindre plus aifément toute
la circonférence.
Lorfque le feu approche du haut du
four, il faut en garantir l'orifice par des
abrivents de planches de quatre à cinq
pies de hauteur pour les petits fours , &
un peu plus élevés pour les grands. On les
drelfe entre quelques piquets; on les change
de place , félon que le vent tourne , &C
on les abat chaque fois qu'il faut recharger
le four. Il n'y a pas d'autre opération à
faire à* ce four, jufqu'à ce que le feu
foit parvenu à l'orifice fupérieur , & ait
enflammé le dernier lit de houille fous
la dernière charge de pierres , en forte
que l'on en voie la flamme ; ce qui arrive
le troifieme ou quatrième jour , fuivant la
grandeur du four, ôc que le vent a été plus
ou moins favorable par fa médiocrité.
De Vextraclion de la chaux , & des
recharges du four. Le feu , à melure qu'il
s'élève , abandonne le bas du four , dont
if a confumé toute la houille , & qui le
refroidit totalement. Alors le chaufournier
jette une bonne charbonnée fur la furface
de fon four , & commence enfuite à tirer
par le cendrier la chaux qui eft faite.
Il y auroit de l'inconvénient à déranger
pié du four avant que le feu fut arrivé
le pié viw xv.«x -1
jufqu'au fommet ; la chute ou 1 aftaiiiemcnt
des pierres feroit- pénétrer & tomber entre
leurs joints les charbonnées du fommet qui
ne feroient pas encore enflammées : il ie
trouveroit par-là des efpaces de pierres
dépourvus de houille , & d'autres qui en
feroient iurchargés.
C'eft par cette raifon qu'il faut ^eter une
charbonnée avant de tirer la chaux faite :
le feu , quoiqu'il fc montre autour de 1 axe
à la furface fupérieure du four , n elt
ordinairemei;^
PIE
ordinairemtnt pas encore fi élevé près la
circonférence ; . il faut y fournir de la
houille pour remplacer celle qui tombera
plus bas , pendant le mouvement que vont
faire toutes les pierres dont le four eft
chargé.
Pour tirer la chaux , le chaufournier
arrache les barreaux volans du grillage :
la chaux tombe auffi-tôt dans le cendrier ;
ou fi elle relte fufpendue dans le four, il
l'aide à tomber avec le manche de fa
pelle : il l'enlevé à la pelle par toutes les
gueules l'une après l'autre. Ces ouvriers
prétendent que s'ils tiroient la chaux par
une feule gueule , il n'y auroit qu'un côté
du four qui fe vidcroir de la chaux faite ,
& que les pierres du four ne s'aftaifferoient
pas égalejnent ; au lieu qu'en tirant par
toutes les gueules , la mafîè entière def-
ccnd uniformément fans fe déranger. Ceci
me paroît vrai dans les fours de Tournai ,
qui font beaucoup plus grands qu'ailleurs ,
& dont le pié cft autrement dilpofé ; mais
j'ai fouvent obfervé comment fe fait cet
afîàifîêment'dans les fours coniques de la
Flandre , pendant l'extraâ:ion de la chaux :
comme l'entonnoir n'a qu'environ vingt-
quatre pouces d'orifice par le bas, ce
font toujours les pierres les plus voifines
de fon axe qui tombent le plus vite , & '(iir
un diamètre à-peu-près égal à cet orifice
inférieur , par quelque gueule que l'on dé-
charge le four ; enforte qu'il fe forme tou-
jours à la furface fupérieure un encuvement
de huit à dix pouces , plus profond auprès
de l'axe que vers les bords , fur un afFaifle-
ment total de dix-huit pouces réduits : en
même temps toutes les autres pierres de la
furface voifine des bords (e retournent &
font un mouvement comme pour rouler
vers l'axe. Cela eu. arrivé de même &
devoit être , lorfque j'ai tait tirer la chaux
par une feule gueule. Leur multiphcité efl
donc utile par la facilité qu'elle donne
pour gouverner le feu félon les vents ,
& fur-tout pour dépofer la chaux à cou-
vert, tout autour d'un grand four; mais
une feule gueule fuffiroit pour tirer la
chaux.
Le chaufournier continue wtirer la chaux,
jufqu'à ce qu'il la voie tomber mejéc de
feu : c'efl à cet indice qu'il reconaoît or-
Tome XXV.
P I E ^ij
dinairemetît la quantité de chaux faite ,
qu'il peut enlever de fon four ; le feu ne
pourroit par aucun moyen rétrograder versr
le bas , dont toute la houille eff confumée
& le phlogiflique diflîpé : la pierre d'en ba*
efl donc ou totalement calcinée , ou hors
d'état de l'être mieux à cette place ; lorf-
que le feu l'a abandonnée , on peut la
retirer. Cependant quand il a fait un grand
vent , & de durée , le feu peut être monté
trop rapidement & avoir abandonné le pié
du four fur une fi grande hauteur , qu'il y
auroit de l'inconvénient ^ en retirer toute
la chaux qui fe trouve refroidie. Alors U
première qui efl encore enflammée , s'ap-
prochant fort près de l'orifice inférieur où
le tirage de l'air froid fait fon impulfion
la plus violente , feroit aufîi trop tôt aban-
donnée par le feu ; la houille qui l'accom-
pagne feroit coniùmée trop vite : le feu
continuant à monter rapidement y une
grande partie de la pierre ne feroit pas
bien calcinée , comme il arrive aux pre-
mières que l'on tire de ce four. Le chau-
fournier qui connoît le produit ordinaire
de fon four & les accidens de l'air , n'en
retire donc alors que ce qui leur efi pro^
portionné , & a foin de mouiller fa houille
fi le feu va trop vite
Le vide que laiiîe au fora met du four
la chaux tirée par les guailes, fe remplit
auffi-t6t par de nouvelles charges & char-»
bonnées ; mais il taut en réparer aupara-»
vant la furface inégale. Il y jette d'abord
une charbonnée ; puis il enfonce fa lance
de quelques pics le long des parois du
four; & en la faififfant par fon œil, il
s'en fert comme d'un levier avec lequel
il fait effort contre le bord du fbur pour
foulever & retourner les pierres , qui par.
ce moyen fe rapprochent de l'ave & re-^
comblent l'encuvenjent qui s'y étoit forrwé..
Ces efforts de la, lance exigent un point
d'appui folide aux bords de l'entonneir qui
doit avoir été , par cette raifon , couronné
de bonnes &, fortes pierres, pour n'être
pas détruit en peu de jours. Il fait la
même manœuvre tout autour , & rejette
même vers l'axe avec une pelle les pierres
de la bordure , pour réformer le borabage
au lieu d'encuvement ; après quoi il répète
la charbonnée &. les charges de pierres
' £1111
8i8 PIE
alternatives jufqu'au fommet du four > com-
me le premier jour.
Lorfque le temps eu calme , & par-là
très- favorable à l'égalité de la calcination
dans toutes les parties du four , le feu
s'évafe davantage , & fe déclare encore
plutôt aux bords que vers l'axe du four :
alors , au lieu de bombage , on charge les
bords de quelques pouces plus haut que le
milieu.
Depuis le moment où l'on tire la pre-
mière chaux , ce font toujours les mêmes
'mouvemens à recommencer , tant que le
four refîe allumé ; c'elt- à-dire, tant que
dure la confommarion de la chaux , que
l'on lourire journellement , à mefure qu'elle
fe fabrique , comme on le pratique aux four-
neaux, où l'on fepare les métaux de leur
minéral : auffi les chaufourniers appellent-
ils ces fours à chaux , fours coulans. On
voit que l'opération a pour but ici , comme
dans les fourneaux à brique, de faire fé-
journer un certain degré de chaleur dans
chaque partie du four pendant un temps
fuffilant ; & qu'il taut que le teu par fon
intenfité , ou par la durée , foit propor-
tionné à la réliiUnce de la pierre qui fe
calcine plus ou moins facilement , (elon
ion volume & (à dureté: que le chaufour-
nier a louvent à vaincre les obftacles des
vents, de la pluie ^ & même de la houille,
qui tendent tous à déranger l'équlhbre nécef-
iàire dans fon four. C'eil à quoi font relatifs
tous ces procédés , qui font les mêmes , ou
à-peu-près , pour tous les fours que j'ai vus
de ce genre , & dont je ne décaillerai pas les
petites dittéren ces.
Du chommage de ces fours allumes.
Dans le cas d'une exploitation ordinaire,
on ne trayaire à ces fourS à chaux , ni
la nuit , ni les dimanches & fêtes. On en
tire tous les jours la chaux, le matin &
le foir ; & quand le four eft rechargé , il
n'y a plus rien à y faire. Mais lorfque l'on
doit paifer un jour entier fans en tirer ,
il faut difpofer le four de façon à empêcher
le feu de monter auiii vite qu'à l'ordinaire.
Cette précaution confifle à jeter au centre
àe la fàilace une charbonnée de deux ou
trois pouces d'épailTcur & de deux pies de
diamètre , que !e chaufournier entalTe en
la piétinant , quelquefois en la mouillant ,
PIE
& qu^il recouvre d'un lit de même épaïC'
feur , formé des plus menus éclats de
pierres : enfuite il ferme toutes les gueules
du four. L'ancien chaufournier don^'j'ai
parlé , m'a dit à cette occaiion , qu'ayant
été obligé quelquefois de fufpendre fon
travail , foit pour attendre de la pierre à
chaux ou de la houille, dont il manquoit,
foit par quelques autres raifons , il avoit
ralenti fon feu , au point d'être douze jours
entiers fans toucher au four , & fans autre
accident que d'avoir tout au plus quelques
pies cubes de pierres mal calcinées. Il faut
alors fermer de même les gueules du four ,
& faire fur le total de fa furface y ce que
l'on fait feulement autour de l'axe pour le
chommage d'un feul four ; c'eft-à-dire, ne
laifîêr fubfilîer pour le feu , que le moins
d'évaporation poilîble fans l'éteindre.
Lorfque les barreaux volans du'grillage
au pié du four ont été une fois enlevés
pour l'extradion de la chaux , iln'elî plus
nécelTaire de réformer ce grillage , que tous
les huit ou quinze jours , pour nettoyer
le cendrier : hors ce cas , la chaux porte
fur le fond du cendrier fans aucun incon-
vénient. Quand il faut remettre ces bar-
reaux en place , le chaufournier les chafTe
à cpups de mafTe à travers la chaux par
une des gueules , jufqu'à ce qu'il le^' ait
afTez enfoncés , pour être sûr qu'ils por-
teront fur la traverfe de l'orifice du four ,
ou jufqu'à ce qu'ils fortent par la gueule
qui efl oppofée ; mais dès que le chaufour-
nier a nettoyé le cendrier , il arrache de
nouveau ces barreaux. Cet ufage efl meilleur
que celui de confîruire , comme à Valencien-
nés & ailleurs , un griliage dormant , qui
gêne fouvent la chute de la chaux , plie fous
le fardeau des pierres , & oçcafione des
dégradations au four.
De la cendrée. Le cendrier .s'engorge de
temps en temps par les cendres de la
houille qui s'y amalî'ent , fur- tout dans les
intervalles entre les gueules , & empêchent
la chute de la chaux. Le chaufournier
met foigncufement ces cendres à part :
elles font mêlées de beaucoup de menus
morceaux de chaux, qui, avec les fels
fixes de la houille , les rendent propres à
faire un excellent mortier fuffilamment
connu fous le nom de cendrée* Comme on
PIE
ne veut point en perdre , on Ce fert aux
grands fours d'une pelle percée de trous à
pafîêr le bout du doigt , pour tirer la chaux
du four, & on en fait tomber toute la
cendrée fur un tas particulier , avant de '
mettre la chaux dans les mannes pour la
tranfporter Cette cendrée eft elHmée pour
enduire les cûernes , les caves , ^c. même
quoiqu'elle provienne de fours où la chaux
faite de pierres blanches eft de peu de qua-
lité ; au lieu que les cendres des fours à
chaux où l'on brûle du bois , ont été recon-
nues ne rien valoir dans la batifle. Il
fort des fours à la houille à-peu-près une
raedire de cendrée contre deux mefures
de chaux ; & elle Ce vend en plulieurs
endroits, au moins moitié du prix de la
chaux.
Des déchets far la chaux de ces fours.
Les chaufourniers domeftiques , qui ne
travaillent pas pour vendre la chaux , ont
encore foin de trier , au Ibrtir.du four, tous
les morceaux qui contiennent de la pierre
non calcinée ; l'habitude la leur fait con-
noître à l'œil , & jamais ils ne s'y mé-
prennent au poids. Ils \qs amaflent auprès
du four , les arrofent d'un peu d'eau , &
en retirent tous les noyaux pour les remet-
tre au four. La plupart d'entr'eux rejet-
tent auffi comme déchet , les roches du
four , qu'ils appellent la chaux brûlée.
Dans la chaux qui fe vend , on laifle tou-
tes ces non-valeurs , ainfi que celles dont
le fabricant même auroit peine à Ct ga-
rantir, qui (ont les veines de boufin , ou
autres matières non calcinables , qui font
fouvent mêlées avec la pierre , & qu'il
feroit quelquefois trop coûteux d'en vouloir
fëparer.
Par ce moyen , il n'y a pas de déchet
pour les chaufourniers marchands fur la
pierre dure qu'ils convertilTent en chaux:
la toife de cette pierre leur rend au moins
une toife de chaux en menus morceaux.
Le déchet tombe en entier fur les gens qui"
l'achètent , & eft proportionné à la bonne
foi du chaufournier , qui peut y avoir épar-
gné plus ou moins la houille & fes loins.
Quand on la fait faire fous Cts yeux fur
les carrières , en choififlant toutes pierres
vives & bien nettes, & avec une écono-
b mje biçn entendue , il n'y a non plus au-
PIE tîsf
cun déchet : par-tout ailleurs , & en paf-
fant par les mains des commis , on doit
compter fur une diminution de la pierre ,
que j'eftime d'un vingtième à un quinzième
(iir toutes les efpeces de pierres dures que
j'ai vu calciner.
Du rendage , ou produit de ces fours
en chaux. Lorfqu'un tel four eft bien al-
lumé, que la houille eft égale ou homo-
gène, àc de bonne qualité, il peut) par
un temps favorable , produire chaque jour
en chaux de pierre dure jufqu'à la moitié
de la pierre dont il eft chargé : quelquefois,
fon produit ne va qu'au tiers ; & li la
houille eft de peu de force , il rend encore
moins. Un four de 600 pies cubes peut
donc fournir communément 1620 pies
cubes de chaux par femaine de fix jours à^
travail , & expédie beaucoup plus qu'au-
cun de ceux à grande flamme.
J'ai remarqué que les fours coniques du
pays de Liège, dont l'entonnoir a ordi-
nairement quarante à quarante-cinq pouces
de diamètre par le bas , confomment plus»
de houille que ceux de la Flandre, &: ne
rendent par jour , rédudion faite , qu'un
cinquième de ce qu'ils coHtiennent. Cette
obfervation , jointe à la néceflité fréquent©
de gouverner le tirage ou courant d'air
du tour , me fait croire qu'ils font mieux
conftruits lorfque cet orifice inférieur
n'a qu'environ vingt - quatre pouces de
diamètre.
Des hommes ne'ceffaires à ces fours ^
Un féul chaufournier avec douze ou quinze
hommes , peut conduire à la fois trois de
ces plus grands fours , dont il ne fait que
les charbonnées , & commande toutes les
autres manœuvres ; mais il faut que la
pierre ait été toute brifée , ou qu'il y
occupe encore douze ou quinze enfans ,
& il lui faut fur chaque four au moins
100 mannes toujours pleines de pierres ,
pour que rien ne languiflè. Trois hommes
fuffîfent en tout pour un petit four bour-
geois.
Confommation de la houille pour ces
fours. La proportion réduite entre la pierre
dure & la houille néceffaire pour la con-
vertir en chaux , me paroît être de 60 à
65 piés cubes de houille par toife cube
de pierres du toife àzs carrières. Malgrç
LllU i
8io P I e
robjcurjté que tous, les chaufourniers tâ-
chent de répandre fur cette conforama-
tion , i'ai reconnu que certaines pierres
exigeoient jufqu'au tiers de leur cube d'une
même houiile, dont d'autres pierres ne
demandoient qu'un fixieme , quoique ces
deux extrêmes m'aient paru rares. Dans
les houillieres du pays de Liège & du Hai-
naut , on dillingue deux quaUrés.de houille ,
dont la moindre ie nomme koUille à chaux
^ à brigues : mais différentes épreuves me
font penierque la houille la plus adive n'efr
pas dangereule au fuccès de la chaux , com-
me elle l'eft dans les fourneaux à briques.
Les efîais de fa qualité peuvent fe faire d'au-
tant plus sûrement dans chaque province par
ies chaufourniers , qu'il me paroît n'y avoir
Kien à craindre dans ce four de la part d'un
excès de feu , comme on le verra plus bas.
De la dépenfe pour fabriquer la chaux
dans ces fours. Les prix courans en 1765 ,
aux îéirs à chaux du Boulonnois , font :
Pour une toife cube de pierre ^
tirée de la carrière , . . . 4 liv. 10 f.
Pour la brifer en éclats , . 6 liv.
Pour la brouetter au foyj" , i liv.
Pour 66 pies cubes au plus
de houille , à 7 fous , . 23 liv. 2 f.
Pour la main-d'œuvre de la
calcination , 9 ^i^«
Total pour une toife cube de
. pierres calcinées , ... 43 liv. I2 f.
. En fuppofant qu'elle ne produisît que
2.00 pies cubes de bonne chaux triée , elle
reviendroit à 4 fous le pié cube.
Cette chaux fabriquée à Gravelines ,
Dunkerque & Bergues , avec les mêmes
matières , y coûte environ 10 fous le pié
cube , fans y comprendre la conftrufiion
ou le loyer des fours ; & comme les bois
n'y font pas au-delTous de 35 liv. la corde ,
mais fouvent plus chers , elle y reviendroit
au moins à 20 fous le pié , fi on la fabri-
. 4quoit à la grande flamme.
Charge & conduite de ces fours en pier-
res tendres. Si c'eft en pierres tendres que
l'on charge ces fours , on peut en général
les calciner en plus gros morceaux que la
pierre dure , & faire les charges plus
PIE
épailîes. Il fe rencontre des carrières donc
la pierre , quoique rendre , réfifte beau-
coup à la calcination , lorfqu'elle eft refiée
long-temps à l'air , & {ùr-tout au foleil.
Les chaufourniers , bien moins curieux
de favoir fi la chaux n'en feroit pas meil-
leure, que d'y dépenfer moins de houille ,
ont foin de la mettre au four tout le
plutôt qu'ils peuvent après fon extraction
de la carrière ; ou bien ils l'arrofent, ainfi
que le charbon , " s'ils ont été obligés de
la laifTer fécher. Ces fours chargés en pierres
tendres , débitent davantage , confomment
moins de houille par rapport au volume de
la pierre , & exigent moins de monde pour
leur fervice.
Leur rendage. Le moins que l'on en tire
en vingt-quatre heures, va à la moitié de
leur charge. J'en ai fuivi quelques-uns qui
contenoient chacun 540 pies cubes , &
qui rendoient régulièrement 320 pies
cubes de chaux vive par jour de douze à
treize heures de travail. On les pouifoit ,
quand on le vouloit , à en rendre 400 pies
par jour. Il fuifit pour cela , fi le temps
eil favorable , d'en tirer un peu plus par
le pié du four à chaque fois qu'on le
décharge; ou de prolonger le travail à
environ quinze heures , afin de décharger
le four trois fois par jour , au lieu de
deux , & il n'en coûte pas plus de houille :
fi le temps efl pluvieux, ou qu'il fafîè
beaucoup de vent , il fufEt de faire les
charbonnées -un peu plus fortes ; car il
fe confbmmeplus de houille à tous les fours
à chaux par le vent & quand il pleut ,
qcie par un temps ferein & calme. On
peut pouffer de même le rendage de ces
fours en chaux de pierres dures y quand
on efl prefTé.
Leurconfommation en houille. La pierre
tendre de la Flandre maritime me paroît
exiger 40 à 45 pies cubes de la houille du
Boulonnois, par toife cube pour fa calci-
nation. Les difFérens rapports que j'ai eus
du Hainaut , font monter cette proportion
entre 50 & ^2 pies cubes de houille des
fofTes de Condé ; quoique celle - ci foit
généralement reconnue beaucoup meil-
leure & de moindre confommation pour
les forges que celle du Boulonnois. Mais
il cft bon de remarquer que la pierre tendre
P I E
diminue dans le four beaucoup plus que la
pierre dure : il s'en rencontre que l'on ellime
perdre jufqu'à un cinquième de Ton vo-
lume , enforre qu'il ne faut pas beau-
coup moins de houille pour fabriquer une
toife cube de chaux de pierres tendres ,
que pour une toife cube de chaux de
pierres dures. On eft'me même en quel-
ques endroits qu'il faut pour l'une & pour
l'autre également un quart de houille , ou
54 pies par toile de chaux-
Leur nombre d'oui' rie rs. L'un des- fours
de 540 pies cubes que j'ai fuivis , ctoit
exploité chaque année , pendant huit mois ,
par trois hommes, y compris le chau-
feurnier y & ils coupoient toute la pierre
avec des marteaux à tranche , en éclats
de la largeur des deux mains au plus , tout
le plus mirice qu'ils pouvoient. La carrière
Car laquelle étoit le four , étoit exploitée
par quatre autres ouvriers qui en tiroient
au bourriquet , de plus de 30 pies de
profondeur , toute la pierre nécelTaire
pour le four ; ces mêmes quatre carriers
aidoient encore à charger . toutes les voi-
tures qui vcnoient enlever la chaux.
On fait quelquefois à ces fours de la
chaux de pierres dures & tendres mêlées
enfemble , & on les fëpare au fortîr du
four ; les chaufourniers difent que cela ne
réuffit pas toujours : il efl: aife de juger
qu'il en eft de ces différentes quahtés
•de pierres , comme je l'ai remarqué de
celles d'une même efpece & de diJBFérens
volumes.
Il arrive quelquefois dans les chaufours
que l'on en retire de la chaux, que l'on
jîomme brûlée ; c'eft une pierre dure qui
ne s'éteint ni à l'humidité de l'air , ni par
celle de l'eau, & qui ne fauroit opérer
la concrétion du mortier. Cela vient ou
de ce qu'il s'efl trouvé dans le four des
matières vitrifiables , ou de ce que des
parties faUnes du bois fe font unies aViîc
}a pierre , ou de ce que le feu a été trop
pouffé. Cependant on ne remarque point
que le feu de houille , quelque foutenu
qu'il foit y produife cet effet ; mais on
trûle plus ordinairement la chaux en ne
l'éteignant pjts avec une quantité fuffifante
id'eau. Six pouces cubes de chaux vive ,
çn pierre , exigent dix-huit pouces cubes
■PIE 821
d'eau y & forment un , total , en pâte ,
d'environ dix-huit pouces ; l'eau que l'on
ajoutera de plus , furnagera. Si la chaux
vive eft laiflee trop long-temps à l'air ,
avant d'être éteinte , ou qu'elle foit char-
riée de trop loin , elle fufe ou fe réduit
en poufliere , & perd fon gluten. La meil-
leure méthode, lorfque cela eu pratica-
ble , feroit d'éteindre la chaux près des
fours , & fort promptement. Dans les
temps d'orage , la chaux fufe plus vite à
l'air , fans doute à caufe de fon humi-
dité. La chaux une fois bien éteinte fe
conferve long-temps , mais- elle doit être
couverte.
La chaux ainfl éteinte peut recevoir
plus ou moias de fable , de ciment , de
pozzolane , fuivant la nature de ces ma-
tières , ou félon la dcflination du mortier
que l'on en forme. La chaux reçoit moins
des matières plus poreulès , comme bri-
ques ou tuiles piiées , ciment , terraffe
Q-e Hollande , qui efl une pierre argi-
leufe cuite , ou une forte de tuf calcaire
& calciné.
Si l'on veut que le mortier coule &
reraplifîè les vuides de la maçonnerie , il
faut plus de chaux & d'eau dans le mor-
tier. Les maçonneries en briques qui doi-
vent réfifler à l'eau , demandent aufli plus
de chaux & un mortier plus clair. Avec
les pierres dures, hors de l'eau, le mor-
tier peut être plus épais avec moins de
chaux. L'expérience locale apprend aux
ouvriers les proportions qu'ils doivent fùi-
vre ; & qui dépendent beaucoup de la na-
ture de la chaux.
Plus on bat , boule , remue , agite en
tout fens le mortier , plus la chaux qui
y eft devient liquide ; mieux elle s'unit
avec le fable , & moins aufiî il y faut d'eau.
C'.efl ce travail qui fait le bon mortier. Les
anciens ne mettoient point d'eau dans le
mortier.
Les fables les plus purs font le meilleur
mortier ; les fables terreux demandent
moins de chaux & font le" plus mauvais
ouvrage. •
Si l'on fait du mortier «vec la chaux
& de la tuile ou àts briques piiées , que
l'on choififfe \ts mieux cuites & celles
qui n'ont pas été à la pluie. La pozzolanc
§11 PIE
n'eft qu'une calclnarioii des terres par les
volcans.
Les matières qui afpirent l'humidité du
mortier, lui font perdre fon gluten. C'eft
par cette raifon qu'il faut faire tremper les
briques , mouiller certaines pierres , inon-
der ou bien laver un vieux mur que l'on
veut replâtrer , avant que d'y appliquer le
mortier. {B. C. )
Pierres a chaux.
Chaux, poyei Air FIXE , CAUSTI-
CITÉ , & Causticum.
Chaux métallique. Voye\ Calcina-
TION.
Chaux aigre , (terme de chaufournier. )
Celle qui ne foifonne pas , & qui n'eft pas
gralTe. V. FOISONNEMENT & CHAUX
GRASSE.
Chaux âpre y ( terme de chaufournier. )
Chaux faite avec la pierre noire & coquil-
liere , des environs de Metz , Thionville
& Bitfcht en Lorraine : c'efî: refpece de
chaux qui fe durcit le plus vite & le plus
fort ; mais elle n'eft pas de garde : il faut
remployer fept ou huit jours au plus tard
après qu'elle a été fabriquée.
Chaux brûlée , ( terme de maçon. )
Chaux éteinte avec moins d'eau qu'il ne
lui en falloir , pour la bien diflbudre. A
parler exaûement , ce procédé ne produit
rien autre chofe que de faire fufer préci-
pitamment une partie de la chaux , de
laquelle il fait évaporer la vertu : au lieu
que cette précieufe vapeur , quelle qu'elle
puifle être , femble retenue & comme
amalgamée dans une pare de chaux , éteinte
avec une quantité d'eau fuffifante.
Le i chaufourniers z^'^qWcïM aufïi impro-
prement chaux brûlée les roches du four
qu'ils difent ne fe point éteindre à l'eau ,
& y furnager en morceaux, &c. préjugés
d'ouvriers , comme l'a prouvé M. Fourcroy
de Ramecourt , par plufieurs expériences
que l'on peut voir dans la defcription qu'il
a faite de l'art du chaufournier.
Chaux coulée , chaux que l'on a éteinte
dans un baffin de bois , & fait couler dans
une folfe pour en féparer les parties non
calcinées. Cette préparation de la chaux
cil eftimée des architedes ; mais je qe
PIE
fais fi l'abondance d'eau néceiTaire pour
faire couler la chaux en lait , & qui
excède de beaucoup la portion que la
nature lui a proportionnée , ne pourroit
pas diffoudre une partie de fa vertu , qui
enfuite s'imbiberoit dans les terres de la
fofle avec cette eau furabondante , &
feroit autant d'enlevée à la folidité des
mortiers. Cette queftion mériteroit âçs'
expériences.
Chaux étouffée , ( terme de maçon. )
Chaux que l'on a éteinte avec de l'eau ,
après l'avoir couverte d'une couche de
fable qui, en laifîant arriver l'eau fur la
chaux , empêche la fumée de la chaux de
s'évaporer pendant fon extinâion. Les
architedes font grand cas de cette façon
d'étemdre la chaux.
Chaux gardée. Comme la chaux ne fe
garde point vive , parce qu'elle tombe
toujours en poufliere en peu de temps à
l'humidité de l'air , & qu'alors elle eiî
éteinte; la chaux gardée elî de la chaux
éteinte avec de l'eau , & que l'on a con-
férvée en pâte dans des foiïes bien recou-
vertes contre les gelées.
C/wi/a:g-m/^,' on appelle ainfi la chaux
en pâte qui ne laifîè appercevoir aucuns
grains ou grumeaux , & qui refîemble k
du beurre par la fineflè. La chaux aigre
efl: celle qui contient dans fa pâte , foie
dts graviers non calcinables , foit des
grains de pierres qui n'ont pas été aflez
poufTés de feu , ou qui n'ont pas eu le
temps de fufer en pâte. C'efl pour cela
que la chaux coulée, de toutes les efpeces
qui fe coulent, efl plus graffe ^e celle
de même efpece qui ne l'a pas été. Vqy,
ci-defjus Chaux coulée.
Chaux retournée. C'efl une prépara-
tion particulière que l'on donne à la chaux
âpre de Lorraine pour l'employer. M. de
Cormontaigne , mort en I7')2, maréchal
de camp , diredeur des fortifications dans
les Evêchés , & l'un des plus favans ingé-
nieurs ordinaires que le roi ait jamais eus, dit
dans un mémoire particulier fur les mines :
" Il n'y a point de pays au monde qui
w ait de fi bonne chaux que Metz , où
» elle a la qualité de durcir encore plus
» vite dans l'eau qu'à l'air. On fait par
w mille expériences qu'il Tuffit de mêler
PIE
» cette chaux avec de gros gravier au lieu
9> de fable ordinaire , fans y jeter d'eau ;
9f mais fe contentant de retourner plu-
?j fleurs fois la chaux , & le gravier à
» fec pour les bien mêler enfemble ; ce
» que l'on nomme dans le pays , de la
7) chaux retournée. On la jette en cet
?> état le plus doucement que l'on peut
7i dans l'eau ( de la rivière ) derrière une
7) haie de charpente , pour empêcher
7> qu'elle ne foit tourmentée & délavée
» par le flot ou le courant. Elle y durcit
7i en moins d'un an comme le plus fort
« rocher , quoi qu'on n'y ait mêle ni ( au-
9) très ) pierres , ni moilons ; mais cela
ft fait des maçonneries très-coûteufes.
?> Pour les rendre un peu moins chères ,
» on jette dans ces coffres alternative-
>j ment une brouette de chaux retournée ,
yy & une brouette de moellons ». Sans
autres précautions , ce mélange prend de
même , & réuffit à former le rocher.
Pierre d'Automne, { Chymie.)
efpece de compofition que préparent les
Chinois. On fait bouillir dans une chaudière
de fer , de l'urine d'un adulte ; lorlqu'ellc
commence à bouillir , on y wtrïe , goutte
à gourte , la valeur d'un gobelet d'huile
de navette. On laifTe évaporer ce mélange
jufqu'à confiflance de colle ; on étend
cnfuite ce réfidu fur àts plaques de tôle ,
& on le fait iécher au point de pouvoir
être pulvérifé. On humede cnfuite cette
poudre avec de l'huile , & on met ce mé-
lange dans un creufet pour le fécher. On
le remet encore en poudre , & on met
cette poudre dans un vaifîeau de porce-
laine, couvert d'une érofFe de foie & d'un
papier en double ;on verfe defîus de l'eau
bouillante qui fè fihre gourte à goutte au
travers de ces papiers , & l'on continue
jufqu'à ce qu'il y en air afîez pour don-
ner à la poudre une confiflance de pâte ,
que l'on fait enfuite fécher au bain marie.
Les Chinois regardent cette compofition
comme un grand remède pour les maux
. de poitrine ; ils l'appellent en leur langue
d'un mot qui fignifie pierre d'automne ^
parce qu'ils font dafis l'idée que les faifons
ont des influences particulières fur les
diti«rentes parties du corps. Voye\ les
ohfervatiom fur les coutumes de V Ajie,
P I E 815
Pierres de Croix, ( JJifl. nat.
Minéral. ) lapis crucifer. C'efl ainfi qu'on
nomme des pierres qui fe trouvent en
Efpagne , dans le voifinage de S. Jacques
de Compoflelle ; on y remarque diflinc-
tement la figure d'une croix. , d'une cou-
leur noirâtre tandis que le refle de la
pierre eft d'un blanc tirant fur le gri?»
Boëce de Boot dit que cette pierre xef-
lèmbie par fa grandeur & fa figure à la
corne d'un bœuf, & que lorfqu'on la coupe
horizontalement, on voit une croix dans
fon intérieur. Cette pierre efl tendre &
facile à tailler ; les Efpagnols en font des
chapelets ou rofaires : ce qui donne lieu
de croire que ces pierres font de la nature
de la ferpentine ou de la pierre ollaire ,
qui par une cryflalliGitlon particuHere afFec-*
tent la figure que l'on y remarque. Le
père Feuillée a trouvé dans une rivière du
Chily en Amérique y des" pierres qui por-
toienr aufîi la figure d'une croix.
Pierres divines, (^//f./iaf.) nom
fous lequel on a défigné quelquefois le jade«
Voyei Jade.
Pierres figurées , ( Hifi. nat.
Minéral. ) Ce font les pierres qui ont pris
danslefein de la terre une figure étrangère
au règne rainéfal. Voye\ FîGURÉEi
(Pierres.)
Pierres dé Florence , ( Hifi. nat.
Âiinéral. ) ce font des pierres de la nature
du marbre , & fufceptibles , comme lui ^
de prendre le poli ; fur lefquel'es on voit
des figures qui reiîemblent affez à des rui-
nes : ce qui leur a fait donner le nom de
lapis ruderum ou de pierres de ruines. Ces
pierres font ordinairement grisâtres , & la
partie qui repréfente àts ruines efl com-
pofée de veines plus ou moins jaunâtres ;
cetre parrie femble, pour ainfi dire , collée
à la pierre conrigue qui eff d'une mêmd
couleur , & qui fait , pour ainfi dire ^
le fond du tableau.
Pierres gypseûses , { Hifi. nat. )
ce font celles que l'adion du feu convertit
en plâtre. Voyei^ l'article Gypse.
Pierres hématites ou fanguines,
Voyez V article HEMATITES.
Pierres d Hirondelle, {Hifi. nat.)
Voyei^ Hirondelle ( Pierre d' ) où
l'appelle aufll pierre de fajfenage.
824 PI E
Pierres ollaires ou Pierres a
Pots. Fbjf^ Ollaires ( Pierres. )
Pierres fibreuses , ( Hifl nat,
Oiycfologie y fibraria; , en ^n^o'is ^fihrofe
hodies ; c'eft une ckfîe de foffiles imaginée
par M. Hill & rrès-bicn décrite. Nous en
fuivrons le détail pour l'abréger. La diffé-
rence des méthodes , en préfèntant les
inêmcs corps fous différentes faces , (èrt
à les faire mieux reconnoître.
Les fubftances foîides fibreufes font èits
foffiles co m pofés de fibres ou de filamensi^
qui quelquefois s'étendent dans toute la con-
texture du corps, d'autres fois font inter-
rompus pour former des couches ou àts
plaques. Ils ont de l'éclat au dehors &: quel-
que tranfparence. Ils ne donnent point de
feu étant frappés avec l'acier. Ils ne fermen-
tent point avec les acides , & ne ïo'sM pas
folubles par ces menftrues.
Le premier ordre comprend les fibreufes
à filamens- perpendiculaires dans la mafîe ,
fans flexibilité ou élalHcité , aifén>ent calci-
nables au feu.
Telles font les tricherice y qui n'ont point
d'éiafîicité , & font compofées de fibres
droites & continuées. C'elHe premier genre
du premier ordre.
Telles font encore les lachnides qui n'ont
' point d'éiafîicité, & font compofées de
fibres courtes & interrompues, C'efl le
fécond genre.
V Le fécond ordre comprend les fibreufes ,
compofées de filets horizontaux dans la
inaffe , ficxibles & élafliqùes , qui ne font
point calcinables au feu.
Tels font \qs asbeftes flexibles , élafli-
qucs , à filets droits & continués. C'efl le
premier genre du fécond ordre.
Tels encore les amiantes flexibles , élaf-
tiques , à filets courts & interrompus. C'efl
le fécond genre. Voyt^ Amiante.
Les tricherice à groffes fibres font de trois
fortes. I". Tricheria albida minus pellii-
çida y filamentis crajjîufculis brei'iorihus.
C'efî: le gypfe fîrié. 2°. Tricheria alhido-
firaminea y lacidij/îma y filamentis latio-
ribus y cominuis y rectis. C'efl: le gypfe
feuilleté. ^^. Tricheria lucidi^ma y albay
filamentis latijjîmis y foliaceis. Gypfe par
lames.
Lçs tricherice à fibres fines font aufïî de
P I E
trois fortes. i°. Tricheria minus lucida^
carnea y filamentis cominuis anguflioribus.
1°. Tricheria albida y hebes y filamentis
brevififimùs y cominuis y angufiis. 3°. Tri-,
cheria albido^fubvirefcens , lucida y fila-
mentis cominuis y reclis y anguflioribus.
Les lachnides à grofles fibres , font de
fix fortes. 1°. Lâchais albido-carnea y,
hicida y filamemis latioribus y inflexis Ù
ahruptis. 2^. Lachnis albido-fubvirefcens y
lucida y filamentis latioribus y obliquis ,
imerruptis. 3°. Lachnis albido-grifea y
hebes y filamentis crajjîoribus y obliquis y
abruptis. 4°. Lachnis albijfima y hebes ,
filamentis reclis y abruptis y latioribus.
'y'^. Lachnis y lucida y albida , filamentis
abruptis y latijjîmis y obliquis y convolutis
& inflexis. 6". Lachnis carnea y hebes ,
filamentis latioribus y hrevibus y imer-
ruptis.
Les lachnides à fiîamens fins font encore
de quatre fortes. 1°. Lachnis elcgamijfima ,
carnea y lucida y filamentis angufiiflimis y
abruptis y intertextis. 2®. Lachnis albido-
ccerulea y filamentis angufliffimis y reclis y
abruptis. 3°. Lachnis lacida j grifeo-riref-
cens y filamentis latioribus y tenuijfimis y
abruptis. 4''. Lachnis lucida y albido-fubvi->
refcens y filamentis anguftis y abruptis y
inflexis. ( B. C. )
Pierres empreintes de dijféremes
figures de végétaux ou d'animaux. ( Hifl,
nat. Oryci. ) On en compte de plufieurs
efpeces dans l'un & dans 1 autre règne.
Le règne animal préfente des emprein-
tes de madrépores , d'infedes^ de coquilles
de toutes efpeces , de cruflacées , de poii^
fons , d'amphibies , d'oifeaux , de quadru-
pèdes , même d'hommes ^ d'efpeces de
zoophyte's.
On rcconnoît dans les empreintes végé-
tales , des capillaires , des mouffes , At%
chiendents , des bruyères , des tuyaux de
plantes , des feuilles d'arbres , des graines y
àts filiques & épis. Les lithographes inf-
truirs décident, au premier coup-d'eeil, la
différence qu'il y a entre l'origine des
dendrites & celle des pierres empreintes j
ils fuivent , dans la dijftribution de celles-
ci , le même ordre que les botanifîes ont
établi dans les clafTès des plantes vivantes.
Que le déluge univerfel , ou quelque
cboulement
PIE
ëbouîement particulier des terres foit la
caufe primordiale de ce phénomène , il n'en
eft pas moins permis de croire que des par-
ties végétales ou animales ont été ou impri-
mées fur de la pierre encore molle , ou
enfermées accidentellement dans des terres
argileufes d'abord dilTbutes , mais qui fe
font enluice endurcies par le laps du temps,
à la manière des ardoifes. Ces /j/err(?j en-
core molles ont reçu flicilementPempreinte
parfaite , ôc en creux , de la plante ou
de quelqu'une de fes parties qui ordinai-
rement s'eft détruite enfuite i & comme
elle a laiflé vuideTefpace qu'elle occupoir,
on en peut encore diîcerner l'efpece fur ces
pierres , aux traits évidens & relatifs , tant
de la ftrudure que de la grandeur naturelle
de la plante.
Toutes les empreintes végétales , &
prefque toutes les animales , fe trouvent
dans Tardoife voi/ine des charbonnieres^.
Celles que nous trouvons en Europe font
à des profondeurs très -con fi d érables , &
font pour l'ordinaire exotiques , c'eft-à-
dire , qu'elles ont leurs analogues en Afie
ou en Amérique, C'eft ainfi que M. de
Juffieu a trouvé dans la carrière" fchifteufe
de S. Chaumonden Lyonnois, l'empreinte
du fruit de l'arbre trifte.
Dansunelirholifation publique de lyyS,
on a trouvé dans un des lits glaifeux de la
carrière de Fonrarabie près de Paris , une
lonchite étrangère qui étoit en nature &i
bien confervée , à la couleur près. On a
encore trouvé dans des charbonnières de
Bretagne , à plus de trois cents pies de
profondeur , l'empreinte de la fougère ,
arbrifleau qui végète en Chine & en Amé-
rique. Ces rares morceaux font confervés
dans des cabinets.
La régularité de prefque toutes les em-
preuîtes comparées avec leurs analogues
vivans , fait préfumer que ces plantes ont
dû nager dans une eau limonneule , fort
épaifle , dont la terre s'eft précipitée def-
fus &c en a pris l'empreinte. Une autre fin-
gularité , c'eft que les empreintes qui fe
trouvent à peu de profondeur, portent com-
munément des marques du pays où elles fe
trouvent. Voye";^ Phitolites & Typo-
ilTES. (H-)^
PifiRRE PHtLOsopHALE , ( Alchymic. )
Tome, XXK
PIE nif
si la pafTîon des richcffès , dit M. de Fon-
tenelle , n'étoit pas aufli puiiTante & par
conféquent aulli aveugle qu'elle eft , il feroit
inconcevable qu'un homme qui prétend
avoir le fecret de ftiire de l'or , pût tirer de
l'argent d'un autre , pour lui communiquer
fon fecret. Quel befoin d'argent peut avoir
cet heureux mortel ? Cependant c'eft un
piège où l'on donne tous les jêurs , &:
M. Geoffroi a développé dans les mém. de
l'acad. des fciences , û/2/z(''e lyti , les prin-
cipaux tours de pafle-pafte que pratiquent
les prétendus adeptes , enfans de l'art ,
philofophes hermétiques , cofmopolites ,
rofecroix , &c. gens cju'un langage myfté-
rieux , une conduite l-anatique ," des pro-
medes exorbitantes , devroient rendre fort
fufpeéts , & ne font que rendre plus impor-
tans. Nous ne répéterons point ce qu'a die
M. Geoffroi fur leurs différentes fuper-
cheries ; il eft prefque infenfé d'écouter
ces gens-là , du moins dans l'efpérance de
quelque profit. Ainli nous tranfcrirons feu-
lement un mot des obfervations de l'hifto-
rien de l'académie des fciences fur le fonds
de la choie.
Il pourroit bien être importiblc à Parc
de faire de l'or , c'eft-à-dire , d'en faire'
avec des matières qui ne fbient pas or ,
comme il s'en fait dans le fein de la terre.
L'art n'a jamais fait un grain d'aucun des
métaux irnparfaits , qui , félon les alchy-
miftes , font de l'or que la nature a man-
qué ; il n'a feulement jamais fiit un caillou.
Selon les apparences , la nature fe réfervc
routes les produârions. Cependant on ne
démontre pas qu'il foit impollible qu'un
homme ne meure pas. Les impofïîbilités ,
hormis les géométriques , ne fe démon-
trent guère ; mais une extrême difficulté ,
prouvée d'une certaine façon par l'expé-
rience , doit être traitée comme une im-
pofïibilité , fmon dans la théorie , au
moins dans la pratique.
Les alchymiftes prétendent diffoudre l'or
radicalement , ou en fes principes , & en
tirer quelque matière , un foufre , qui .,
par exemple , mêlé avec quelqu'autre mi-
néral , comme du mercure , ou de l'ar-
gent , le change en or : ce qui en multi-
plieroit la quantité.
Mais on n'a jamais diffous radicalcmenc
Mmmmm
h
8i<5
P I E
aucun métal On les altère , on les déguife |
quelquefois à un tel point , qu'ils ne font
plus reconnoiflables ; mais on fait aufTi les
moyens de les faire reparoître fous leur
première forme ; leurs premiers principes
n'etoient pas défunis.
Il eft vrai qu'il s'eft fait par le miroir
ardent des difl'olutions radicales , que le
feu ordinaire des fourneaux n'auroit pas
faites : mais un alcbymifte n'en feroit pas
plus avancé ; car au feu du foleil , ou le
mercure , ou le foufre des métaux qui
ièroient les principes les plus adifs ôc les
plus précieux , s'envolent , & le refte
demeure vitrifié , & inhabile à toute opé-
ration.
Quand même on auroit un foufre d'*or
bien féparé , & qu'on l'appliquât à de
l'argent , par exemple ; il ne feroit que
changer en or une maflé d'argent , égale
à celle d'or , d'où il auroit été tiré. Je
fuppofe qu'il lui auroit donné le poids , &
toutes les autres qualités originaires ; mais
malgré tout cela , il valoit autant laifler ce
Ibufre où il étoit néceflairement ; on n'a
rien gagné , fi ce n'eft une expérience
très-curieufe , & certainement on a fait
des frais.
J'avoue que les alchymiftes entendent
que ce foufre agiroit à la manière ou d'une
femence qui végète Se devient une plante ,
ou d'un feu qui fe multiplie , dès qu'il eft
dans une matière combuftible ; & c'eil: à
cela que reviennent les contes de la poudre
de projeârion , dont quelques atomes ont
produit de grofîes mafles d'or ; mais quelle
phyfique pourroit s'accommoder de ces
fortes d'idées ?
J'avoue auilî que fi de quelque matière
qui ne fût point or , comme de la rofée , de
la manne , du miel , &c. on pouvoir , ainfi
qu'ils le difent , tirer quelque portion de
Tcfprit univerfel , propre à changer de
l'argent ou du cuivre en or , il pourroit y
avoir du profit ; mais quelles propofitions !
quelle efpérancc !
Une chofe qui donne encore beaucoup
de crédit à la pierre phihfopkûle , c'eft
qu'elle eft un remède univerfel j ceux qui
lacherchcnt , comment le favent-ils f Ceux
qui la poftèdent, queneguériflent-ilstout?
Et s'ils veulent ,, fajis découvrir leur fecret ^
P I E
il auront plus d'or que tous leurs fourneaux
n'en pourroient faire. Quand on recher-
chera ce qui a fait donner à l'or des vertus
phyfiques fi merveilleufes , on verra bien-
tôt que leur origine vient de fes vertus arbi-
traires & conventionnelles , dont les hom-
mes font fi touchés. ( JD. /. )
Pierres foreuses , ( Hijî, nat. )
parus , unduîago , incrujlatum , tophus ,
(lalaclîtes , &c. nom générique donné par
les naturaliftes à toutes les pierres formées
par le dépôt des eaux. De ce genre font
le tuf , les incrujîations , les Jîalaclites ^
ôcc. Voye-^^ ces différens articles. Les
pores varient par la nature & par la forme ,
en raifon des différentes terres que les eaux
ont dépofées ; mais le plus communément
ces pierres font calcaires , parce que la
terre calcaire a plus de facilité que toute
autre à s'incorporer avec les eaux & à être
mife en difiôlution. Voye^^ Calcaire.
Pierres-ponces , ( Hijî. nat. ) pumices ;
ce font des pierres très-poreufes , & fem-
blables à des éponges ; elles paroiflent com-
pofées de filamens ; elles font rudes au
touchetjd'une figure irrégulier€ & informe:
leur légèreté eft fi grande , qu'elles nagent
à la fur face des eaux.
Les pierres-ponces varient pour la cou-
leur , & l'on en compte de blanches ou
gri'i'es , de jaunâtres , de brunes & de noi-
râtres. Ces pierres fe trouvent dans le
voifinage des volcans ou montagnes qui-
jettent du feu , comme l'Etna & le Vé-
fuvc \ ou dans des endroits où il y a eu
autrefois des embrafemens fouterrains ; ou
enfin dans des endroits où les pi erres -pon--
ces ont été poulfées par les vents , lorf-
qu'eilesnageoienïàlafurfâcedes eaux de la
mer.
MM. Stahl & Pott ont regardé la pierre^
ponce y comme de l'asbefte que l'adion du
feu a mis dans l'état où nous le voyons ;,
mais M. Wallerius croit que fa formation
eft due à une efpece de charbon de terre
, confommé, & devenu fpongieux par l'ac-
tion du feu. Quioi qu'il en foit de ces
différentes opinions , M . Heckel a obfervé
que la pierre-ponce entroit en fulîoD à ua
feu violent , & fbrmoit une fcorie ou un
: verre aflez dur pour faire feu , lorfqu'on Is:
frappe avec l'acier i ce ^it a été Gonfiime
P I E
par l'expérience de M. Pott. C'eft pour
cette raifon que quelques auteurs ont mis
la pierre-ponce au rang des pierres que l'on
nomme vitrifiables.
On trouve \z pierre -ponce , comme nous
(7 l'avons fait obferver , dans le voifinage des
volcans , ôc l*on en rencontre dans toutes
les parties du monde -, en Europe , près du
mont Hecla en ïflande , en Sicile , ôc au
royaume de Naples 5 en Afîc , dans l'ile
d'Ormus , où il y a eu anciennement un
volcan j dans l'ile de Ternates , ùc. Les
voyageurs nous apprennent avoir quelque-
fois vu la mer toute couverte de pierres-
ponces dans des endroits fouvent fort éloi-
gnés des volcans qui les ont produites ; ce
font les vents qui les poullent alors au loin:
en fe heurtant les unes les autres , ôc étant
roulées par les eaux contre le rivage , elles
s'arrondidènt & s'ufent , comme on le
remarque fenfiblement à de certaines pier-
res-pences.
Les anciens ont cru que la pierre-ponCe
était formée de l'écume de la mer i & ils
l'p.ppelleiert pumex du mot fpuma.
Cette pierre eft d'un grand ufage dans
les arts & métiers ; elle fert'à polir les
pierres èc les métaux. On l'a vantée autre-
fois dans la médecine ; mais aujourd'hui
l'on fait que l'ufagc en eft très-inutile. ( — • )
Pierres , ( Mat. méd. ) On a attribué
des vertus médicinales à un grand nombre
de pierres , qui ne différent point à cet
égard des terres , & auxquelles convient
par conféquent ce que nous avons dit des
remèdes terreux. Voye-^ Terreux ,
( Mat. méd. )
Les pierres méritent cependant cette
conlidération particulière , que celles qui
ont une vertu médicamenteufe réelle ,
favoir , les calcaires & les argileu(es , (ont
très-inférieures dans l'ufage , aux terres
proprement dites , en ce qu'elles font d'un
tiflu plus compa(5tc , plus (erré que ces
dernières fubftances. D'où l'on peut pro-
noncer définitivement que les pierres Sim-
ples ou homogènes des autres efpeces pri-
mitives font deftituées de toute vertu
médicamenteufe ; que celles qui ont quel-
que vertu ne la polfedent que dans un
degré plus foible que des (ubfîances analo-
gues , tout auffi communes qu'elles j & par
PIE 827
conféquent , que les pierres doivent être
bannies de la lifte des remèdes.
Qes pierres (\\i\ font ainft inutiles , & que
les pharmacologiftes ont mifesau rang des
médicamens , font , outre les pierres pré*
cieufes , & principalement celles qu'on
trouve dans les pharmacies , fous le nom
de fragrnens précieux , (ont , dis-je , le
cryftal , le caillou , le bol , le talc , la.
pierre néphrétique ou le jade , la pierre-
ponce , l'ochre , l'ardoife , \:i pierre d'aigle , i
la pierre d'aimant , &c. toutes fubftances '
abfolument dépourvues de vertus médici-
nales } & la bélemnite , la. pierre judaïque,
la ;>/erre d'épongé , l'oftéocol , le gloiTo-
perre ou langue de ferpent , &c. toutes
matières qui , quoique poflédant en effet
la vertu abforbante , étant compofées en
tout ou en partie de terre calcaire , doi-
vent être pourtant rejetées , par les con-
(idérations que nous venons d'expofer ci-
dctfus.
Mais outre ces/j/erre^ inutiles , on trouve
encore dans les liftes des remèdes , deux
pierres dangereufes ; (avoir , la pierre
d'azur , &c la pierre d'Arménie , l'une &c
l'autre recéSfi mandées par les anciens ,
comme purgatives. Voye:^ Pierre d'Ar-
ménie & Pierre d'Azur.
La pierre hématite qui n'eft prefque
qu'une iubftance fcrrugineufe , doit être
renvoyée à la clafle des remèdes martiaux.
'Voyei Mars &■ Martiaux , ( Mat,
méd. )
Au refte , la principale célébrité de la
plupart de ces pierres , leur eft venue de
l'opinion qu'on a eue de leur efficacité ,
à titre d'amulette ; on a cru , par exem-
ple , que la pierre néphrétique portée dans
une ceinture , calmoit les douleurs des-
reins ; ôc j'ai vu un homme de beaucoup
d'efprit qui employoit ce remède , vérita-
blement avec un léger degré de confiance.
La langue de ferpent eft regardée comme
très-propre à faire fortir les dents des
enfans , lorfqu'on la leur fufpend au cou,
Lz pierre d'aigle pafTè pour feciliter l'accou-
chement , fi les femmes la portent atta-
chée à la cuiffe , ôi pour agir même avec
tant d'énergie , que Ci on n'a foin de la
détacher d'abord après l'accouchement , "*
elle entraîne la matrice ; fait attefté par
Mmmmm 2.
Si8 PIE
des obrefvatîons rapportées par de tres-
graves auteurs de médecine •■, mais qui
paroit fi chimérique , que la plus févere
méthode du doute ne lauroit , ce lemble ,
autorifer à la difcuter par de nouvelles
expériences, {b)
Pierre infernale , ( Chymie , Mat.
méd. ) on nomme ainfi le fel formé par
Tunion de Pacide nitreux 3 tk. de Targent
dépouillé par la fuiion de toute Ton eau de
cryftallifation. Voici comme on le prépare
d'après Lémery , Cours de chymie.
Faites dillbudre dans une phiole telle
quantité d'argent de coupelle qu'il vous
plaira , avec deux ou trois fois autant d^ei-
prit de nitre ; mettez votre phiole lur le ku
de fable , & faites évaporer environ les deux
tiers de l'humidité : renverlez le reftant
tout chaud dans un bon creufet d'Alle-
magne allez grand , à caufe des ébullitions
qui fe feront. ( Une capfale de verre cft
préférable à un cieufec , parce qu'une
grande quantité de la matière pénètre
le creufet , s'imbibe dedans , & Ibuvent
pafle à travers , fur-tout iî c'eft la pre-
mière fois qu'on le fait fervir à cette opé-
ration ; note de M. Baron. ) fpicez le lur
un petit feu , & l'y laiflèz jufqu'à ce que
k matière qui fe fera beaucoup raréfiée ,
s'abaifiè au fond du creufet : augmentez
alors un peu le feu , & elle deviendra
comme de l'huile j verfez la dans une lin-
gotiere un peu grailfée &: chauffée , elle*
le coagulera ; après quoi vous pourrez la
garder dans une phiole bien bouchée. C'efl:
un cauftique qui dure toujours , pourvu
qu'on ne le laifle pas expofé à l'air : on
peut faire cette pierre avec un mélange
de cuivre & d'argent j mais elle ne fe
garde pas tant , parce que le cuivre étant
fort poreux , l'air s'y introduit facilement ,
& la fond. Si vous avez employé une once
d'argent , vous retirerez une once & cinq
dragmes de pierre infernale.
On moule la pierre infernale en petits
crayons pour l'ulage.
Ce cauftique n'attaque point la peau ,
mais il ronge très-promptement & très-
efficacement les chairs découvertes , en
les touchant feulement plus ou moins lé-
gèrement. Les chirurgiens n'en emploient
presque point d'autre aujourd'hui pour
P I E
confumer les bords calleux des ulcères , oix
les chairs qui poulfent trop pendant le
traitement des plaies : elle peut fervir en-
core , auiïi-bien que les cauitiques préparés
avec le mercure , à détruire les chancres
&c autres excroiflances vénériennes qui
viennent aux parties de la génération de
l'un & l'autre fexe , 6'c.
Les chirurgiens portent leur pierre à
cautère moiitée (ur un porte-crayon qui
fe vide dans un étui d'argent , pour la pré-
ferver de l'humidité de l'air qui l'iittaque
cependant allez médiocrement, {b)
Pierre A CAUTERE, ( Chymie ^
Mat. méd. ) on appelle ainli Valkali jixs
du tartre , ou commun , repdu plus cauf-
tique par la chaux. Voye-{^ Tartre &
Chaux commune. Voici comme on la
prépare , d'après la defcription de Lémery.
Mettez dans une grande terrine une
partie de chaux vive , & deux parties de
cendre gravelée ; verfez deflus beaucoup
d'eau chaude , & les ayant laiflé tremper
cinq ou fix heures, faites-les un peu bouil-
lir : paflez enfuite ce qui fera clair , par
un papier gris , & le faites évaporer dans
une balline de cuivre , ou dans une ter-
rine de grès : il vous reftera un fel au
fond , qu'il faut mettre dans un creufet fur
le feu ; il fe fondra & bouillira jufqu'à ce
qu'il fe foit fair évaporation de l'humidité
qui étoit reftce : quand vous verrez qu'il
fera réduit au fond en forme d'huile ,
jetez-le dans une balïine , & le coupez
en pointe , pendant qu'il fera encore
chaud : mettez promptement ces caufti-
qucs dans une bouteille de verre fort ,
que vous boucherez avec de la cire & de
la vefïie , car l'air les réloud facilement tn
liqueur : il f\ut encore oblerver de les
mettre en un lieu bien fec pour le garder.
Lémery , Cours de chymie.
Il eft très-vrai(èmblable qu'on n'emploie
par préférence les cendres graveiées , que
parce qu'elles (ont d'un moindre prix que
le fel de tartre ; car il paroir ( contre
l'opinion , & malgré la théorie de M. Ba-
ron , Notes fur le cours de chymie de
M. Lémery ) , que le tartre vitriolé qui fe
trouve dans les cendres graveiées , nuit à
la perfeélion de la pierre a cautère , plutôt
qu'elle n'y fert :.car le tartre vitriolé n'eft
PIE
point cauftique , & ne difpo'e point la
chaux à la caufticité.
L^ pierrç à cautère eft le plus actif des
cauftiques employés dans la chirurgie ,
puifqu'il attaque même la peau entière ,
ce que ne font point les "autres cauftiqués
ulités. SoH uiàge chirurgical eft d'être em-
ployée à établir ces ulcères ou égoùts arti-
ficiels connus ious le nom de cautère ,
voye:ç^ Cautère, Méd. & d''ouvrir des
abcès. J^oye':^ Abce's.
PiERitE d'azur , ( Mat. médic. ) lapis
la^uli ; elle a la vertu de purger par haut
ôc par bas. Des auteurs la recommandent
fort contre la mélancolie , la fièvre quarte,
Tapoplexie & 1 epilcpfie : Diofcoride &
Galien lui reconnoiflent une vertu corro-
live avec un peu d'aftriftion. Il ne faut pas
douter que la couleur bleue de cette pierre
ne vienne de quelque partie de cuivre ,
d'où dépendent aufli fes vertus corrofive ,
purgative & émétique ; mais on demande
pourquoi on fait entrer ce remède acre Se
violent purgatif dans la confection alkcr-
mès 5 qui eil une compofition cordiale 8c
fortifiante.
Comme l'on a beaucoup de remèdes
plus sûrs pour produire les effets dont on
vient de parler , on le fert rarement de
cextt pierre ; & à préfent , on n'a coutume
de Pemployer que dans la compoiition
al kermès. Geoffroi , Mat. méd.
On n'eft plus avancé aujourd'hui que du
temps de M. Geoffroi , car on ne fait plus
enrrer la pierre d'azur dans la confcdîion
alkermès.
Pierre divine on ophtalmique ,
( Pharmacie , Mat. méd. ) prenez vitriol
bleu , nitre & alun , de chacun trois onces;
mettez -les en poudre fubtile , mêlez -les
exaétement & placez-les dans un matras,
& les expofez à une chaleur fimplement
fufîifante pour les faire fondre ; lorique le
mélange fera Hquide , mêlez-y exadement
un gros de camphre en poudre , & lorfque
la mafle. fera figée par le refroid ifiem.ent ,
cafïez le matras , retirez-la , & gardez-la
pour l'ufage.
C'eft ici un fîmple mélange de drogues.
Le vitriol , l'alun & le nitre font du genre
des fels qui contiennent allez d^eau dans
leur cryftallifacion pour être capables de
PIE 8i^
la liquidité aqueufe par Tadion d'une légère
chaleur. Or dans cet état l'acide virrio-
lique n'agit point fur le nitre , & chacun
de ces trois lels refte inaltéré dans le mé-
lange.
Une liqueur appropriée , chargée d\îne
légère teinture de cette pierre , elt un bon
collyre. Voye^^ Collyre & Ophtalmi-
que. (^)
Pierre médicamenteufe de CroUius ,
Pierre médicamenteufe de Lémery, Pi erre
admirable , ( Pharmacie 0 Matière médic. )
On trouve dans prefque toutes les pharma-
copées , & les chymies médicinales , fous
le nom de pierre médicamenteufe , admira-
ble , divine , des philofcphes , ùc. divers mé-
langes d'alun , de vitriol , de niire , de fel
marin , de fel ammoniac , d'alkalis fixes ,
de litarge , de bol , ùc. le tout pulvérifé ,
exactement mêlé, humecté avec du viuai-
gre , ou qutîqu'autre liqueur faline ; en-
fuite calciné ou fortcmaCnt defféché , juf^
qu'à ce que le mélange ait pris la confifl
tance d'une pierre.
Ces pierres font recommandées comme
vulnéraires , déterfives , dellicatives , ftip-
tiques , ophtalmiques ; mais elles ont émi-
nemment le défaut des remèdes très-com-
pofés , qui font d'autant plus graves ,
comme nous Pavons obfervé à l'article
Composition ( voye^^ cet article , ) qu'une
réaétion chymique non prévue ou mal
eftimée , a été plus excitée dans leur pré-
paration. Auffi toutes ces pierres font-elles
fort peu employées , ôc ne devroient point
l'être abiolument , fur - tout puifqu'on
ne manque point de remèdes plus fîm-
ples & mieux entendus , qui pofîédent
éminem.ment les vertus attribuées à ces
pierres, {b)
Pierre calaminaire , ( Mat. médic.)
voye^ Zinc.
Pierre , {Architecî.) corps dur qui fe
forme dans la terre , & dont on fe fcrr
pour la conftru6tion des bâtimens. Il y a
deux fortes de pierres , de la pierre dure ,
& de la pierre tendre. La première eft
fans contredit la meilleure. La pierre ten-
dre a cependant quelques avantages : c'efî:
qu'elle le taille aifcment , &: qu'elle rélîftc
quelquefois mieux à la gelée que h pierre
dure. Mais ceci n'eft pas allez reeom»
830 PIE
mandable pour mériter de la confiance à
la pierre tendre. Il faut un froid très-rigou-
reux pour endommager la pierre dure ;
parce que ce n'eft qu'en congelant Peau
que la pierre contient , qu'il peut lui nuire
Aufll la plupart des carriers craignent bien
davantage la lune , dont les rayons dé-
rruifent , à ce qu'ils difcnt , les matières
les plus compares ; mais il y a dans ce
propos plus de mcchanceré que de bonne
foi. Comme la pierre fe détruit ficilement
quand l'ouvrier n'en a pas bien ôté le
boufm , voye'{^ ce mot , & que par cette
mal-façon la pierre fe gâte ; en attribuant
ce déchet à «la lune , on couvre fa négli-
gence , pour ne rien dire de plus. Mais
iaiflons-là les défauts qui peuvent provenir
aux pierres de la part des ouvriers &r de
la lune. Difons quelque chofe de plus utile ;
c'cft la manière de connoître la qualité
d'une pierre.
Lorfqu'une pierre eft bien pleine , d'une
couleur égale , qu'elle eft fans veines, qu'elle
a un grain fin & uni , que les éclats fe
coupent net , & qu'ils rendent quelque fon ,
elle eft certainement bonne. On connoît
encore cette qualité , en expofant la pierre ,
nouvellement tirée des carrières , à l'humi-
diré pendant l'hiver. Si elle réfifte à la ge-
lée , elle eft bonne , oc on peut l'employer
avec confiance.
Voici les efpeces , les qualités , les ufa-
ges & les défauts de ces corps.
De la pierre dure fuivant fes efpeces.
JPitrre d'Arcueil , près de Paris. Cette
pierre porte de hauteur de banc nette &
taillée, depuis 14 jufqu'à zi pouces; & le
bas appareil d'Arcueil, 9 à 10 pouces.
Pierre de belk-hache. C'eft la plus dure
de toutes les pierres , quoique moins
parfaite que le liais ferant , voyf:^ ci-après
pierre de liais , à cau'e des cailloux qui s'y
rencontrent : auffi s'en fert-on rarement.
On la tire vers Arcueil d'un endroit appelle
la Carrière royale. Elle porte de hauteur
18 à 19 pouces.
Pierre de Bonbanc. Cette pierre qui fe
tire vers Vaugirard , porte depuis 15 juf-
qu'à Z4 pouces de hauteur.
Pierre de Caen , en Normandie. Efpece
de pierre noire , qui tient de l'ardoife ,
vojeij; Ardoise , mais qui eft beaucoup
PIE
plus dure. Elle reçoit le poli , & (ert dans
les compartimens de pavé.
Pierre de la Chauffée , près Bougival ,
à côté de Saint-Germain-en-Laye ; pierre
qui porte ly à 16 pouces.
Pierre de CU quart , près d'Arcueil. Cette
pierre, qu'on appelle auiïi bas- appareil ,
porte 6 à 7 pouces.
Pierr^: de Saint- Cloud. Pierre qu'on tire
au lieu du même nom , près Paris , 6c
qu'on trouve nette & taillée , depuis 18
jufqu'à 14 pouces de hauteur.
P. erre de Fécamp, On trouve cette pierre
dans la vallée de ce nom , près Paris , elle a
15 à 18 pouces de hauteur.
Pierre de Lambourde, Cette pierre fè
trouve près d'Arcueil. Elle porte depuis
2.0 pouces jufqu'à cinq pies , mais on la
délite. Il y a auftl de la lambourde , qu'on
trouve hors du fauxbourg Saint-Jacques ,
à Paris, qui a depuis 18 jufqu'à 24 pouces.
Pierre dure de Saint-Leu. On tire cette
pierre aux côtes de la montagne d'Arcueil.
Pierre de liais. Il y a plufieurs efpeces
de cette pierre. Le franc-liais &c le liais-
ferant , qui eft plus dur qu5 le franc, fe-
tirent tous deux de la même carrière ,
hors de la porte Saint-Jacques , près Paris.
Le liais-rofe , qui eft le plus doux , &c qui
reçoit un beau poli au grès , fe tire vers
Saint- Cloud i &C on preni le franc-liais
de Saint-Leu , le long des côtes de la
montagne. Toutes ces efpeces de liais
porteur depuis 6 jufqu'à 8 pouces de
hauteur.
Pierre de Meudon , près Paris. Cette
pierre eft depuis 14 pouces jufqu'à 18. Il
y a une autre forte de pierre de Meudon ,
qu on appelle rufiique de Meudon , qui eft
plus dure & plus trouée , mais qui a la
même hauteur.
Pierre de Montojfon , près Nanterre , à
deux heues de Paris. Pierre qui porte 9 à
10 pouces.
Pierre de Saint-Nom , au bout du parc
de Verfailles. Cette pierre a depuis 18 juf-
qu'à 2i pouces de hauteur.
Piet re de Senlis. On prend cette pierre
à Saint -Nicolas -lès -Senlis , à 10 lieues
de Paris. Elle porte depuis iz jufqu'à iG
pouces.
Pierre de
Souchet» On trouve cette
P I E
pierre hors cîu fauxbourg Saint -Jacques
de Paris. Elle porte depuis 12 jufquà 16
pouces,
Pierre de Tonnerre , en Bourgogne. Cette
pierre a depuis 1 6 jufqu'à 1 8 pouces.
Pierre de Vaugirard. Pierre qui eft dure
& grife , & qui porte 1 8 à 1 9 pouces.
Pierre de Vergeté. On tire cette pierre
de Saint-Leu , à 10 lieues de Paris. Elle
porte 18 à 2.0 pouces.
Pierre de Vernon , à 1 2 lieues de Pa-
ris. Cette pierre porte depuis 2 jufqu'à 3
pies.
De la pierre tendre fuivant fes efpeces.
Pierre de Saint-Leu , à dix lieues de
Paris. Pierre qui porte depuis 2 pies juf-
qu'à 4.
Pierre de Maillet & de Trocy. On tire
ces pierres de Saint-Leu , &c elles n'ont
rien de particulier , fi ce n'eft que le trocy
cft de toutes les pierres celle dont le lit eft
le plus difficile à connoître. On ne le dé-
couvre que par de petits trous.
JDe la pierre fuivant fes ç^ualités. De la
pierre a chaux. Sorte de pierre grade , qui
fe trouve ordinairement aux cotés des mon-
tagnes , &c qu'on calcine pour faire de la
chaux. Voye^ Chaux.
Pierre a plâtre. Sorte de pierre qu'on cuit
dans les fours , & qu'on pulvérife enfuite
pour faire du plâtre. Foje;(_ Plâtre.
Pierre de couleur. Pierre qui étant rou-
geâtre , grisâtre ou noirâtre ., caule une
variété agréable dans les bâtimens.
Pierre de taille. On appelle ainfi tQute
pierre dure ou tendre , qui peut être équar-
rie & taillée avec paremens , ou même
avec architeéhire , pour la folidité ou déco-
ration des bâtimens.
Pierre fiere. Pierre difficile à travailler ,
à caufe qu'elle eft lèche , comme la plu-
part des pierres dures , mais particulière-
ment la belle -hache & le liais ; voje;^ ces
mots.
Pierre franche. On appelle ainfi toute
pierre parfaite en fon efpece , qui ne tient
point de la dureté du ciel , ni du tendre
du moellon de la carrière.
Pierre fufiliere. Efpece de pierre dure
6c i'eche , qui tient de la nature du caillou.
Il y a de ces pierres qui fi^nt grifes ; une
partie du pont Notre-Dame cil bâtie de
PIE 831
cette pierre ; Zc de petites qui font noi-
res , ce font les pierres à fufil. On pave
de celles-ci les terraflés &: les bafîins des
fontaines.
Pierre gelifs verte. Pierre qui eft nou-
vellement tirée de la carrière , ôc qui n'a
pas encore jeté Ion eau.
Pierre pleine. C'eft toute pierre dure
qui n'a point de cailloux , de coquillages ,
de trous , ni de moie. Tels font les plus
beaux liais ôc la pierre de tonnerre.
Pierre trouée ouporeufe. Pierre qui a des
trous comme le ruftique de Meudon , le
tuf, &c toutes les pierres de meulière. On
l'appelle aufli choqueufe.
De la pierre félon fes façons. Pierre au
binard. C'eft tout gros bloc de pierre qui
eft apporté de la carrière fur un binard,
attelé de plufieurs couples de chevaux
(voje:(^ Binard ) , parce qu'il ne le peut
être par les charrois ordinaires.
Pierre bien faite. C'eft un quartier de
voie 5 ou un quarreau de pierre , qui ap-
proche beaucoup de la figure quorrée , 6c
qu'on équarrit prefque fans déchet.
Pierre de bas appareil. Pierre qui porte
peu de hauteur de banc , comme le bas
appareil d'Arcueil , par exemple , le
liais , ùc.
Pierre débitée. C'eft une pierre qui eft
fciée. La pierre dure fe débite à la fcie
fans dents , avec l'eau & le grès ; & la
pierre tendre , comme le Saint-Leu , le
tuf, la craie , ùc. avec la fcie à dents.
Pierre d^ échantillon. C'eft un bloc de
pierre de certaine mefure déterminée ,
commandée exprés aux carriers.
Pierre d'encoignure. Pierre qui ayant
deux paremens , cantonne l'angle d'un bâ-
timent de quelque avant-corps.
Pierre éboufinée. Pierre dont on a ôté le
boufîn ou le tendre.
Pierre en chantier. C'eft une pierre qui
eft calée par le tailleur de pierre , & qui
eft difpolée pour être taillée.
Pierre en débord. On nomme ainfi une
pierre que les carriers fojit voiturer près
des attehers , quoiqu'elle ne foit pas com-
mandée , & que l'attelier ait même cefle.
Pierre efmillée. Pierre qui eft équarrie
& taillée grofïiércment avec la pointe du
marteau , pour être feulement employée
«
.».
83» PIE
dans le garni des gros murs , ôc le rem-
piiflage 5es piles , culées de ponc , &c,
Pierre faite. Pierre qui eft entièrement
raillée , & prête à être enlevée pour être
mife en place.
Pierre fufiUe. C'eft une pierre qui , par
l'opération du feu , change de nature , &
devient tranfparente.
Pierre hachée. Pierre dont les paremens
font dreflés avec la hache du marteau
brerelé , pour être enfuite layée ou rufti-
quée. . •Mc N
Pierre layée. Pierre qui efl: travaillée à
la laie ou marteau avec brételurcs.
Pierre louvée. Pierre où l'on fait un trou
pour recevoir la louve. Voye:^ Louve ù
LouvEUR. ^
Pierre nette. Pierre qui eft equarrie , &
atteinte jufqu'au vif.
Pierre parpaigne. C'efl: une pierre qui
traverie l'épaideur d'un mur , & qui en
fait les deux paremens.
Pierre piquée. Pierre dont les paremens
font piqués à la pointe , Se dont les ciie-
lures font relevées.
Pierre polie. Pierre dure qui prend le
poli avec le grès , en forte qu'il n'y paroît
aucun coup d'outil.
Pierre r agréée au fer. Pierre qui eft paf-
fée au riflard, efpece de cifeau large , avec
des dents.
Pierre retaillée. On appelle ainfi non-
feulcmcnt une pierre qui , ayant été cou-
pée , eft retaillée avec déchet , mais en-
core toute pierre tirée d''une démolition ,
&: refiite pour être derechef mife en
œuvre.
Pierre retournée. Pierre dont les pare-
mens oppofés les uns aux autres , font d'é-
querre & parallèles.
Pierre rufiquée. Pierre qui , après avoir
été redreflce & hachée , eft piquée groiïié-
rement avec la pointe.
Pierre Jfatuaire. Pierre qui , étant d'é-
chantillon , eft propre &c deftinée pour
faire une ftatue. On dit auffi marbre Jîa-
îuaire.
Pierre tranchée. Pierre où l'oa fait une
tranchée dans fa hauteur avec le marteau
pour en couper.
Pierre traverfée. Pierre où les traits ^es
jbrételures font croifés.
PIE
Pierre velue. Nom qu'on donne à toute
pierre brute , telle qu'on l'amené de la
carrière.
Pierres à bojfages ou de refend. Pierres
qui étant en œuvre , font féparées par
des canaux , &: font d'une même hauteur ,
parce qu'elles repréfentent les allifes de
pierre , & dont les joints de lit doivent
être cachés dans le haut des refends. Lorf-
que ces pierres font en liaifon , les joints
montans font dans l'un des angles du
refend.
Pierres artificielles. Ce font , félon Pal-
ladio , Arch. liv. I ^ ch. iij ^ les différentes
efpeces de briques , carreaux & tuiles pé-
tries & moulées , cuites ou crues.
Pierres feintes. Ornemens de mur de
face , dont-4es crépis & enduits font fépa-
rés <?<: compartis en manière de boft'age en
liaifon.
Pierres fichées. Pierres dont le dedans
des joints eft rempli de mortier clair 6c de
coulis.
Pierres jointoyées. Ce font des pierres
dont le dehors des joints eft bouché &:
ragréé de mortier ferré , de* plâtre ou de
ciment.
De la pierre par rapport à fes ufages.
Première pierre. On nomme ainfî un gros
quartier de pierre dure ou de marbre ,
qu'on met dans les fondemens d'un édifice ,
& où l'on enferme dans une entaille de
certaine profondeur , quelques médailles,
& une table de bronze lur laquelle eft gra-
vée une infcription. Cette coutume , qui
eft très-ancienne , à en juger par les mé-
dailles qu'on a trouvées , & qu'on trouve
encore dans les recherches & démolitions
des bâtimens antiques : cette coutume ,
difons-nous , ne s'obferve que pour les édi-
fices royaux & publics , 5c non pour les
bâtimens particuliers.
On appelle dernière pierre ^ une table où
eft une inLcription qui marque le tem|>s
auquel un bâtiment a été achevé.
Pierre à laver. Efpece d'auge plate , qui
fcrt à laver de la vaillelle dans une cuifine,
Pierre d'attente. C'eft toute pierre en
boflage pour recevoir quelques ornemens
ou infcription. On appelle aufli pierre
d'attente les harpes & arrachcmcns. Voye:^
Harpes 6? Arrachemens,
Pierre
^■.
PIE
Tierre de touche. Efpece de marbre noir
«jue les Italiens appellent pietradiparagone,
pierre de comparaifon , parce qu'elle ièrt à
éprouver les métaux; c'eft pourquoi Vitruve
l'appelle index. C'elt de cette pierre qu'ont
été faites la plupart des divinités , les
Sphinx , \qs fleuves , & autres figures des
Egyptiens.
Pierre incertaine. Pierre dont les pans
& les angles font inégaux. Les anciens
cmployoient cette pierre pour paver. Les
ouvriers la nomment pierre de pratique ,
parce qu'ils la font fervir , de quelque gran-
deur qu'elle foit.
Pierre percée. Dalle de pierre avec des
trous , qui s'encaftre en feuillure dans un
chaflis aufîîde/7/>rrtr, fur une voûte , pour
donner de l'air & un peu de jour à une
cave , ou pour donner paffage dans un
puifard aux eaux pluviales d'une cour.
On nomme sm^x pierre k chajfis une dalle
de pierre ronde ou quarrée , fans trous , qui
-s'encaftre comme la pierre percée , & qui
fert de fermeture à un regard , ou à ,une
foffe d'aifance.
Pierre précieufe. Nom général qu'on
donne à toute pierre rare , dont on enri-
chit les ouvrages de marbre & de mar-
queterie , comme l'agate , le lapis , l'avan-
turine , fir. Parmi ces ouvrages , on eftime
£ir-tout le tabernacle de l'églife des Car-
mélites de Lyon , qui eft de marbre & de
pierres précieufes , & dont les ornemens
font de bronze.
Pierre fpéculaire. Cétoit , chez les an-
ciens , une pierre tranfparente , qui fe dé-
bitoit par feuilles , comme le talc , & qui
leur fervoit de vitres. La meilleure venoit
d'Efpagne, félon Pline. Le poète Martial
fait mention de cette forte de pierre dans
fès épigrammes, iiv. II , épjg. 14, voyei
Pierre fpéculaire.
Pierre de rapport. Petite pierrt de diver-
€es couleurs , qui fert aux comparti-
mens du pavé , aux ouvrages de mofaïque ,
& aux meubles précieux.
Pierr:es jeâices. Ce font toutes pierres
t[ui peuvent être jetées avec la main ,
comme les gros & menus cailloux qui
fervent à affermir les aires des grands
ckemins , & à paver les grottes , fon-
taines & baiïîns , & qui étant fciécs ,
T«meXXr,
PIE gjî
entrent dans les ouvrages de rapport &
de mofaïque.
Pierre milliaire. On appelloit ainfi chez
les Romains certains dés ou bornes de
pierre efpacées à un mille l'une de l'autre,
fur les grands chemins , pour marquer la
diftance àe% villes de leur empire. Ces
pierres fè comptoient depuis le milliaire
doré de Rome. C'eft ce que nous appre-
nons des mots des hiftoriens : primus ,
fecundus , tertius , &c. ab urbe lapis. L'u-
fage des pierres milliaires eft aujourd'hui
pratiqué dans toute la Chine.
Pierres perdues. Pierres qui font jetées
à-plomb dans la mer ou dans un lac pour
fonder , & que l'on met ordinairement dans
des caiffons. On nomme aufîi pierres per-
dues , celles qui font jetées à bain de
mortier pour bloquer.
De la pierre félon fes défauts. Pierre
coquillaire. Pierre dans laquelle il y a
de petites coquilles qui rendent fon pare-
ment troué. Telle eïk la pierre de Saint-
Nom.
Pierre coupée. C'eft une pierre qui eft g3.-
tée , parce qu'étant mal taillée , elle ne peut
fervir où elle étoit deftinée.
Pierre délitée. Pierre qui eft fendue à
l'endroit d'un fil de lit , & qui taillée avec
déchet , ne fert qu'à faire des arrafes.
Pierre de foupré. C'eft dans les carrières
de Saint-Leu , la pierre du banc le plus
bas , dont on ne fè fèrt point , parce qu'elle
eft trouée & défeâueufe.
Pierre, de fouchet. On nomme ainfi en
quelques endroits la pierre du banc le plus
bas, qui n'étant pas plus formée que le
boufin , eft de nulle valeur,
Pierre en délit, Pierre qui n'eft pas pofëe
fur fon lit de carrière dans un cours d'af-
filés , mais fur fon parement , ou délit
enjoint.
Pierre fêÛe. Pkrr< qui cft cafTée par un
fil ou veine courante ou traverfante ; &
pierrt entière , c'eft le contraire. Le fon
que la pierre rend en la frappant avec le
marteau , fait connoître ces deux qua-
lités.
Pierre feuilletée. Pierre qui fe délite par
feuillets ou écailles , à caufe de la gelée,
La lambourde , entr'autres pierres , a ce
défaut.
N n n n n
8j4. PIE
Pierre gauche. Pierre dôflt-Ies paremens
& les côtés oppofés ne fe bornoyent pas ,
parce qu'ils ne font pas parallèles.
Pierres grajfes. Pierre qui eil hutnide,
& par conlequeut fujette à iè geler. Telle
eft, parexemple, Vd pierre 3.^çt\\éQcliquart.
Pierre moyée, Pierre dont la inoie ou le
tendre eft abattu avec perte , parce
que ion lit n'eft pas également dur. Cela
arrive très-fouvcnt à la piem de la
chauffée.
Pierre moulinée. Pierre qui efl grave-
leufe , & qui s'égrène à l'humidité. C'eft
\m défaut particulier à la lambourde. Da-
viler. {D.J.)
Pierre d'aigle , efpece àe pierre con-
nue dans l'hiftoire naturelle : les Grecs
l'appellent aetites , &: les Italiens pieua
d'aquila ; parce qu'on la trouve quelque-
fois dans des nids d'aigles. La tradition
veut qu'elle ait une vertu merveilleufe ,
qui eft d avancer ou d'empêcher les accou-
chemens , félon qu'on l'applique au delTus
ou au deftbus de la matrice.
Matthiole dit que les oifeaux de proie
ifécloroient jamais leurs petits fans cette
pierre , & qu'ils la vont chercher jufqu'aux
Jndes -orientales. Baufèz a fait un traité
latin qui parle exprelTément de l'aëtite ou
pierre d'aigle, Voy. t article AetiTES , &
l'article PlERRE en général.
Pierre d'aimant , ( Mat. médic. )
On ne fait aucun ufige en médecine de
la pierre d'aimant pour l'intérieur du
corps , quoique Galicn , dans le livre àQS
vertus des remèdes iimples , y reconnoifte
les mêmes vertus que dans la pierre hé-
matite , & que dans le livre de la méde-
cine iimple il vante fa vertu purgative , &
fur-tout pour les humeurs aqueufes dans
l'hydropifie ; & que Diofcoride l'ait auffi
propofée jufqu'au poids de trois oboles ,
pour évacuer les humeurs épaiifes des mé-
lancoliques.
Quelques-uns penfent qu'il y a dans l'ai-
mant une vertu deftrudive , d'autres le
nient ^ mais je croirois qu'il faudroit plutôt
attribuer cette mauvaile qualité à une
autre efpece d'aimant qui a la couleur de
^'argent & qui me paroît être une efpece
de litharge naturelle , qu'à l'aimant qui
attire le fer.
PIE
L'aimant einployé extérieurement defît^"'
che , reiîërre & affermit j .il entre dans la
compofition de l'emplâtre appelle main
de Dieu ^ dans l'emplâtre noir , l'emplâtre
divin & femplâtre ftyptique de Charras.
( Geojf'roi. ) Schroder dit que l'aimant eft
aftringent , qu'il arrête les hémorrhagies j
calciné il chaife les humeurs groffieres &
atrabilaires : mais on s'en fert rarement.
L'aimant arfènical , magnes arfenicalis ,
fiA bine préparation d'antimoine avec du
foufre & de l'arfënic blanc , qu'on met
enfèmble dans une fiole & dont on fait La
fulion au feu de fable. Les alchymiftes pré-
tendent ouvrir parfaitement l'or par cette
compofition , qui eft d'un beau rouge de
rubis après la fufion. {M.)
Pierre d'Arménie, lapis Armenius ,
Ktàoi Afi(jt.ivio', y forte de pierre ou terre mi-
nérale , de couleur bleue , mêlée de verd ,
de blanc & de rouge ;, on l'apportoit an-
ciennement d'Arménie : aujourd'hui éiÏQ
vient d'Allemagne &: du Tyrol.
tj-apierre d'Arménie a beaucoup de ref-
fèmblance "avec le lypis lazuli , dont elle
ne paroît diftinguée que par le degré de
maturité ; la principale différence qu'il y
a entre l'une & l'autre , confifte en ce
que la pierre d'Arméni-e eft plus molle ,
& qu'au lieu de paillettes d'or , elle a des
taches vertes.
Boerhaave met cette pierre au rang des
demi-métaux , &: la croit compofée de
terre & de métal. Woodward dit que la
couleur qu'elle a vient du cuivre qui y efî
mêlé. Voye-iMÉT AL..
On remploie principalement dans les
ouvrages en mofaïque , 6c on en fait aufïï
quelque ufage en médecine, f^oyei AzuR
& Mosaïque.
Pierre de Bologne , efjjece de
pierres qu'on trouve près de Bologne en
Italie , & qui moyennant une certaine
préparation , deviennent lumineufes. Ces
pierres font de petites pierres blanchâtres
en dehors, beaucoup plus pefantes que nos
pierres communes , de la groffeur d'un
œuf médiocre , & ordinairement plus pe-
tites. Ces pierres étant caffées , le dedans
eli un brillant fèmé de rayons qui ten-
dent à une efpece de centre, & fort
PIE
ietnbîable au talc qui eft [mrmi leèpîe/res
de plâtre. On trouve au/fi beaucoup de
marcairites aux endroits où il y a de cqs
pierres , favoir vers le bas du mont Paterno ^
èi. encore en d'autres contrées d'Italie.
• La préparation qui les rend luraineufès ,
confifte à les limer à l'entour , aies mouil-
ler dans de l'eau-de-vie , ou de l'eau com-
mune , ou du blanc d'œuf, & à les plonger
ou rouler dans leur poudre ou limaille ,
pour les en couvrir de l'épaifTeur d'envi-
ron un quart de ligne. Ayant allumé des
charbons ou braifè , il en faut mettre, à
la hauteur de quelques doigts fur une grille
de terre d'un petit fourneau ordinaire ,
placer les pierres fur ces charbons , &
mettre encore d'autres charbons deifus en-
viron de la hauteur de deux doigts , &
laiifer le tout jufqu'à ce que le charbon
feit brûlé , éteint , & refroidi. Enfin , il
faut conferver chacune de ces pierres dans
une petite boîte de bois avec du coton ou
de la laine tout autour.
Si on \çs expolè pendant m\ moment
à la lumière du jour , ainfi préparées , &
fi on les porte promptement dans un lieu
obfcur , on les voit comme en feu , &
fcmblables à un charbon ardent , cepen-
dant fans chaleur fenfible : elles ne pa-
roiffent pas ainfi , avant que de les avoir
expofées â la clarté du jour.
Le foufre conteiui dans cette pierre , eft
la principale caufe du phénomène.
En effet , la pierre de Bologne contient
beaucoup de foufre , de même que les mar-
caflites. Pendant fa préparation une partie
de ce foufre eft diffipée par le feu ^ ce qui
en refte dans la pierre , eft beaucoup dilaté ,
& principalement celui qui eft refté dans
les pores vers la furface , eft devenu fort
fubtil & fèmblable à une légère teinture
de couleur jaunâtre. Ce foufre eft fi inflam-
mable , qu'étant expofé à la lumière du
jour , il s'allume , parce que la lumière du
jo«r eft un véritable feu difperfé dans l'air -^
une multitude de ces fort petites flammes
étant difpofées aux ouvertures des pores de
la furface de cette pierre , la rendent lu •
mineufe , quand même le ciel iêroit cou-
vert de nuages ^ il fuffit feulement que le
foleil foit levé. Il fort continuellement de
cette pierre ainfi préparée , une odeur fem-
PIE 83J
blable â celle du foufre ordinaire , & en-
core plus fèmblable à l'odeur de l'orpiment
diftbus en eau de chaux. Cette vapeur fou-
freufe eft jointe à un peu d'acide rongeant ,
femblable à de l'efprit de foufre commun y
mais beaucoup plus a£tif ^ puifque cette
vapeur , de même que celle d'un peu de fou-
fre ordinaire enflammé , tache les métaux ;
elle noircit la furface de l'argent , & de
plus elle blanchit celle du cuivre , &c.
Cette dernière remarque fait croire qu'il
y a de petites parties d'arfenic ou d'orpi-
ment miêlées dans cette vapeur. Au refte ,
la pierre de Bologne préparée , n'eft lu-
mineuie que pendant quelques années ;
parce qu'enfin ces particules adlives & £iï{-
fureufes ie diflipenî. On prétend que pcjr
lui rétablir cette propriété , il faut encore
la mettre au feu , comme auparavant ,
après falloir couverte de la poudre de
fèmblables pierres , de même que la pre-
mière fois.
Il y a bien d'autres pierres qui ont la
propriété de s'imbiber de la lumière , &
de la conferver pendant long-temps.
Il fufiit d'en mettre dans un crcufet qu'il
faut couvrir , & de faire chauffer le tout
par un feu augmenté peu à peu , jufqu'à
ce qu'il égale celui qui fond l'argent , &
de les laiffer en cet état , environ une
demi - heure. Si ces pierres ne deviennent
point lumineufesy ou le font peu , il faut les
ciiauffer une féconde fois , ou une troifieme
fois , & elles le paroîjront. Si pourtant on
ne réuffffoit pas en les faifànt chauffer
ainfi , comme il arrive avec la craie , la
marne , le moellon , la pierre de taille de
Paris , &c. il faut broyer de ces pierres
tendres , & les mettre à diffoudre dans des
liqueurs acides, par exemple , dans de l'eau
forte , ou dans de l'efprit de fhlpêtre , en
les y jetant peu à peu jufqu'à ce que la fer-
mentation aitcefté. Alors cette liqueur étant
verfée par inclination dans une terrine de
grès, il faut l'y faire évaporer jufqu'à ce
qu'il refte une matière fcche. Un peu de
cette matière eft mife dans un creufet , qui
n'en foit qu'à demi -plein & découvert j
après l'avoir placé parmi des charbons
ardens à un feu qui ne foit que comme pour
fondre du plomb , cette matière fe fond ,
* bouillonne , & devient feche. Le creufet
• N II u_ n n 2
î^6 PIE
étant refroidi , il eft expofc à la lumi«re ^
ciifuite porté dans un lieu -cbrcur , la ma-
tière qu'il contient paroît lumineufb &
rougeâtre comme un charbon ardent , &
s éteint après quelques minutes. Cette pro-
priété y eft remarquée pendant quelques
Semaines : on prétend que les cendres
diiToutes dans l'eau forte , & préparées
comme les pierres tendres , deviennent
Jumineufes. Il y a lieu de croire que toutes
les pierres qui peuvent être diffoutes par
J'eau forte , peuvent devenir lumineufes ^
& que celles qui ne peuvent être diffoutes
par l'eau forte , peuvent devenir lumineu-
fes , après avoir été chauffées fortement ,
même par un feu de forge. Enfin , toutes
les chaux différentes s'imprègnent facile-
ment dune lumière de diverfes couleurs.
Concluons par une remarque qui regarde
généralement tous les phofphores j c'eft
que pour les voir dans leur beauté , il faut
avoir ferm.é les yeux pendant un peu de
temps , afin que la prunelle fe dilate j en-
fuite les ouvrant , elle reçoit plus de cette
lumière , dont i'impreflion devient plus
forte. Article de M. Formey.
Pierre dentale , dentalis lapis ^ ou
dentalium , forte de coquille , que les apo-
thicaires pulvérifent , & qu'ils emploient
dans différens médicamens , comme un
excellent alkali.
Le vrai dental , décrit par M. Tourne-
fort , eft fait en forme de tuyau ou de
cône , & d'environ trois pouces de long ;
fà couleur eft éclatante , * & d'un blanc
verdâtre. Cette pierre eft crcufe , légère ,
& divifée dans toute fa longueur par des
lignes parallèles qui vont depuis le bas
jufqu'en haut. Elle eft environ de la groffeur
d une plume , & a quelque reffemblance
avec la dent d'un chien.
Elle Zit fort rare j c'eft pour cela qu'on
emploie fouvent à fa place une forte de
coquille de diverfes couleurs , qu'on trouve
dans le fable quand la mer eft retirée ,
mais qui u'eft point cannelée comme le
dfntal.
M. Lifter , dans les tranfacl, philofoph.
parle de deux e{peces de dental : la pre-
mière fe trouve allez facilement aux en-
virons de l'île de Guernefey ^ elle eft
longue 5 mince , ronde , & ereufe à cha-
P I E
que extrémité : d'où lui eft venu le nom
de dentalium , ou pierre femblable à la
dent d'un chien. L'autre eft proprement
appellée entalium ; elle eft plus longue &
plus épaiffe que la première , & outre cela
rayée & fillonnée j d'où eft venu le mot
italien intagUa.
Pierre a feu , eft une forte de pierre
qui eft utile , & dont on fe fert pour les
cheminées , les âtres , les fours , les étu-
ves , &c. Vcyei Pi ERRE.
Pierres figurées , chei les natura-
lises ; ce font de certains corps , que l'on
trouve en terre , lefquels n'étant purement
que de pierre , de caillou , ou de fpath ,
ont néanmoins beaucoup de reffem.blance
avec la figure extérieure des mufcles , des
pétoncles , des huîtres , ou d'autres coquil-
les , plantes , ou animaux.
Les auteurs ne s'accordent guère fur
l'origine de ces pierres figurées. Voyc-:^
leurs différentes opinions aux articles Fos-
sile , Coquille , Pierre , Barre
DE EOIS.
Pierre a fusil, {Lytkclogie.) Les
paroiftès de Meunes & de Couffy dans
le Berry , à deux lieues de Saint- Aignan ,
& à demi-lieue du Cher , vers le midi ,
font les endroits de la France qui pro-
duifènt Iqs meilleures pierres à fufil , &
prefque les feules bonnes. Auffi en four-
niffeut-ils aon feulement la France, mais
affez fouvent les pays étrangers. On en:
tire delà fans relâche depuis lon'g-temps y
peut-être depuis finvention de la poudre j
& ce canton eft fort borné \ cependant
\e^ pierres a fufil n'y manquent jamais ;
dès qu'une carrière eft vuide on la ferme ,
& piufîeurs années après on y trouve des
pierres a fufil , comme auparavant.
On fait comment ces pierres font du
feu 5 en les battant avec un morceau
d'acier , on détache de petites particules
d'acier , qui fe fondent en globules par la
collifion \ c'eft ce que Ton voit évidem-
ment es faifant l'expérience fur une feuille
de papier blanc , & en regardant par le
microicope ce qui y tombe. M. Hook fut
le premier qui fit cette expérience , & il
trouva qu'une particule noire , qui n'étoit
pas plus greffe que la têîe d'une épingle ,
paroiffoit comme une balle d'acier poli,
PIE
& réfléchiflbit fortement l'image de la
fenêtre voifme. Il eft aifé de féparer les
particules de fer fondu , d'avec les parti-
cules de la pierre , par uû couteau aimanté.
Pierre de Florence , ( LythoL )
hes pierres de Florence , qu'on trouve dans
le voifiuage de cette ville , & qui repré-
fentent des ruines , des payfages , des ar-
^hres 5 font entre les mains de tout le
monde j les agates appellées dendrites , &
fur lefquelles on voit des efpeces de buif^
fons & de végétations, font très-connues.
Toutes ces pierres fout naturelles j l'art
n'a pu jufqu'à préfent parvenir à les imiter j
mais il n'en eft pas de même de toutes les
autres agates & pierres figurées qui repré-
fentent des animaux , des fleurs , des deflins
réguliers , des veines bizarres j on les imite
fi aifément , que la plupart de celles dont
la fingularité nous étonne , ne font que
le fruit d'uu travail très-court & très-facile.
{D.J.)
Pierre judaïque , judaicus lapis ^ eft
une pierre blanche , tendre & friable ,»en
forme de gland , fur laquelle il y a des
lignes fi induftrieufement travaillées, qu'el-
les paroilfent avoir été faites au tour.
Elle pafi"e en médecine pour pofTéder
une vertu lithontriptique j ce qui fait qu'on
s'en fert pour rompre la pierre dans la vef-
fie. Voyei LiTHONTRIPTIQUE.
Pierre de lait, {Litholog.) pierre
tendre , tantôt verte , tantôt noire , tantôt
jaune , qui rend une liqueur laiteufè ; on
la trouve en Saxe dans \ts carrières ^ les
Allemands l'appellent milchjfein , & la re-
commandent pour arrêter les crachemens
de fang , pour refiTerrer les pores , & pour
adoucir les douleurs de la velTie. Ils rem-
ploient en collyre pour deffécher les petits
ulcères des paupières , & pour arrêter le
flux des larmes involontaire. En un mot ,
ils donnent à leur milchjtein toutes les
propriétés que Diofcoride attribue à fbn
morochtus d'Eg>'pte , comme s'il étoit cer-
tain que ce fuliènt les mômes pierres ,
& que Diofcoride eût accufé jufte fur les
vertus de la fienne. On ne voit que Aqs
erreurs de cette nature en médecine.
(D. J.) m
Pierre noire , ( IUJi. rs.od. fuperf. )
PIE 837
c'eft une pierre noire enchâ/Tée dans de
l'argent qui eft affujettie dans la muraille ,
au S. E. de la Caaba , ou du temple de
la Meque. Les anciens Arabes ont eu , dès
l'antiquité la plus reculée, une très grande
vénération pour cette pierre ; Mahomet
qui étoit venu mettre à profit les erreurs
de fes compatriotes , ne crut point devoir
rien changer à l'égard de la pierre r?oiie,
elle eft encore jufqu'à ce jour l'objet des
rcfpeâs de tous les Mufulmans qui vont en
pèlerinage à la Meque ^ ils croient qu'elle
eft tombée du ciel du temps d'Adam ,
2>i qu'elle eft devenue noire pour avoir
été touchée par une femme dans le temps
menftruel.
Pierre de S. Paul, { Hijf. natur.)
en italien pietra di S. Paulo , nom qViC
l'on donne à une efpecc de craie , qui fe
trouve abondamment dans l'île de Malte;
elle eft d'un blanc falc , feche & rude au
toucher. C'eft un abforbant , & on lui
attribue un grand nomjbre de vertus ,
fur-tout contre la morfure des bêtes veni-
meufes ; eftet que l'on croit être dû à '
l'apôtre faint Paul , lorfqu'il fit naufrage
dans l'ile dcrMalte ; on en fait de petits
gâteaux avec des empreintes de faint
Paul , & d'autres faints. Voyei Malte
( terre de )
Pierre de Périgord , ( Jf {/?. nat,
des Fojfiles. ) C'eft une fubftance foftile ,
ferrugineufe , noire, dure & pefante, qui-
paroît contenir quelques particules de -fer.
On en tire des montagnes du Dauphiné ,
& elle ne fert qu'aux potiers de terre &
aux émailleurs. Geo^roy. {D. J.)
Pierre-Ponce , forte de pierre fpon-
gieufe , poreufe , & friable. Foy^^PiERRE.
Les naîuraliftes ne s'accordent pas fur la
nature & l'origine de \3. pierre - ponce :
quelques - uns croient que cqs pierres ne
font autre chofe que Aqs pièces de rocher
à moitié brûlées &c calcinées , que les érup-
tions des volcans , particulièrement l'Etna
& le Veliive , jettent dans la mer , lef-
quelles étant imprégnées du fel & lavées
par l'eau de la mer , perdent un peu de
cette couleur blanche que les feux fouter-
rains leur avoient donnée , & deviennent
d'une couleur plus foncée , & quelquefois
grife J félon le temps qu elles ont féiouiaé-
§3^ PIE
dans la mer. Le do<aeur Woodward ne re-
garde \2L pierre-ponce que comme une efpece
de /lag ou de frafil , & foutient que cette
pierre ne fe trouve qu'aux endroits où il y
avoit anciennement ans forges de métaux ,
ou proche des volcans & des montagnes
qui vomiiTent du feu j d'autres auteurs
croient que la pierre-ponce vient dans le
fond de la mer , d'où ils fuppofent que les
feux fouterrains la détachent , & que c'eft
delà qne viennent fa légèreté , fa porofité &
fon goût de Tel ^ ils allèguent , pour con-
firmer cette opinion , que l'on trouve^ la
pierre-ponce en mer dans des lieux très-
cloignés des volcans ^ & ils ajoutent que
les rivages de l'Archipel en font couverts
toutes les fois que les flots ont été agités ;
d'où ils conjeâiurent qu'elle s'élève du fond
de la mer. Le commerce de la pierre-ponce
eft très-confidérable , & on s'en fert beau-
coup dans les manufaôures & dans les arts,
pour polir & adoucir différens ouvrages.
Voyei Polir.
Les mo'-ceaux de la pierre-ponce font
de difïerenta forme ^ les parcheminiers &
les marbriers fe fervent de la plus grande
& de la plus légère efpece : les corroyeurs ,
de la plus pefante 6c de la pins unie , &:
les potiers d'étain de la plus petite.
Pline remarque que les anciens em-
ployoient beaucoup la pierre.- ponce en
médecine , mais on ne s'en fèrt plus à
préfent.
On trouve une prodigieufe quantité de ces
pierres répandues dans toutes les Antilles ,
principalement dans les terrains voifins des
loufrieres : le canton de la Ravine feche,
fitué dans l'île de la Martinique , au pié
de la m.ontagne Pelée , en eft tellement
rempli, qu'on pourroit , pour ainfi dire , en
bâtir une ville; ou rencontre beaucoup
de ces pierres phis grofTes qu'un demi-
boilTcau j elles ne différent de celles dont
fe fervent les orfèvres & les doreurs , que
par un peu moins de légèreté & un peu
plus de dureté y elles peuvent être faci-
lement taillées avec une ferpe : c'eft de
cette façon qu'on en forme des vouffoirs
de dix à douze pouces de clavée , dont
on conftruit des voûtes extrêmement lé-
gères , très-iblides , & qui n'ayant point
ou très-peu de poulfée , n'exigent pas des
PIE
rniirs fort épsis. On fait avec les pferres^
ponces , des tuyaux de cheminées incom-
parablement meilleurs & plus légers que
ceux de brique ^ ces pierres afpirent très-
bieu le mortier, & fe lient fi parfaitement ,
que ces joints ne fe féparent jamais ^ les
murailles qui en font conftruites ne font
point fujettes à s'écrouler comme celles
de moellons j &: fi l'on réfléchit fur les,
qualités de la pierre-ponce , on s'étonner^
que meflieurs les ingénieurs en Am rique,'
n'en faffent pas plus d'ufage pour la conf-
truâion des parapets , Aqs guérites , 8c
autres ouvrages expofés au canon ^ ils au-
roient moins à craindre les éclats , ainfi
que cela arrive dans les murs de pierre
ordinaire , & même dans ceux de brique.
Quoique la pierre-ponce paroifTe devoir
fon cxiftence & fa porofité aux feux fou-
terrains , elle ne réfifte pas long-temps à
la chaleur d'un feu excité par le vent des
foufîlets i je l'ai expérimenté dans des
fourneaux de fufion , qui fe fendirent de
toute leur hauteur dans différens endroits.
l^ERRES SCHISTEUSES , ( H//?» natur.
Minéralogie.') Voye\ ScHISTÇ.
Pierre spéculaire , { Hijî. nat. des
anc. ) lapis fpecularis, C'étoit, une pierre
tranfparente dont les Romains faifoient
leurs fenêtres & les glaces de leurs litières.
Les favans font fort partagés fur ce que
c'étoit que cette pierre \ les uns foutien-
nent que la pierre fpéculaire des Romains ,
eft celîe que les Grecs nommoient a-yjçôi,
d'autres veulent que ce foit Vaçyvpetnâfy.cti ,
à caufe qu'elle réfifte à la violence du feii 5
quelques uns prétendent que c'eft la pierre
a-ihivnniy à laquelle les Romains ont donné
le nom de pierre fpéculaire , ett égard à
fa tranfparcnce. M. Saumaife foutient que
le lapis fpecularis , & le (piyyi^n; font la
même chofe. Comme cette diverfité de
fentimens marque que le lapis fpecularis
n'eft pas aujourd'hui trop connu , M. de
Valois penche à croire que ce n'eft autre
chofe que ce que l'on appelle talc en Alle-
magne & en France , non pas ce talc
commun qui fe trouve dans la plupart de
nos carrières , mais ce talc parfaitement
blanc & tranfparent , dont il y a encore
aujourd'hui une Çi ^randt quantité en P.lof-
covie.
PIE
Le principal ufage auquel le Lipis fpe-
cularis étoit employé par les Romains ,
cetoit à fermer leurs fenêtres. Seneque
fait mention de ces fortes de fenêtres ,
comme d'une chofe établie de longue
main , ce qui donne lieu de préfumer qu'elle
étoit déjà en vogue dès le temps de la
république \ c'étoit de la même pierre
fpéculaire que fe faifoient les glaces des
litières couvertes des dames romaines.
A l'égard des fenêtres de verre , telles
que font maintenant les nôtres , elles
étoient déjà en ufage dans le cinquieijic
iiccle , puilque fàint Jérême en fait men-
tion. ( D.J.)
Pierres vitrescibles , ou vitrifia-
bUs , ( Hift. nat. Minérale g, & Chymie. )
C'eft ainfi que l'on nomme les pierres que
l'aâion du feu convertit en verre. Cette
dénomination , à parler ftriétement , ne
convient à aucune pierre , vu qu'il n'y en
a point qui fans addition foit propre à fe
vitrifier j celles qui fe changent en verre ,
contiennent quelque fublîance étrangère
qui facilite la fufion , telle que du métal
ou quelqu'autre terre qui jointe à celle qui
fait la bafb de la pierre , la fait entrer
en fulion , & y entre elle-même. D'un
autre côté , au feu du foleil raffemblé par
le miroir ardent , il n'y a aucune pierre
qui en plus ou moins de temps ne fë con-
vertifTe en verre. Voye[ Fondant , Mi-
roirs ARDENTS , Pierres précieuses
& VlTRESCIBILITÉ.
Pierre , ( Médec. ) On n'a rien de
plus grave en médecine que la formation
de la pierre dans le corps humain j & \qs
obfervations particulières en ce genre ,
méritent d'être recueillies. Je n'en citerai
pour exemple que quelques-unes.
1°. En ouvrant le corps d'un gentil-
homme mort en Angleterre en 1750 , on
lui a trouvé 42 pierres dans les reins ,
14 dans la vélîcule du fiel, & 10 dans
la velîie , qui pefoieat 8 onces *.
2**. On ne connoît que trop les pierres
contenues dans la capacité de la vefîle^
mais qu'il s'en puiffe trouver dans fa fubf
tance , dans fes parois , entre les mem-
branes dont elle eft formée , & des pierres
qui foient dangereulès , c'eft un accident j
aflez extraordinaire en médecme ; cepen- 1
PIE î^^
f dant M. Litre en difféquant le corps d'un
jeune homme , a vu deux pierres , qui
ayant percé l'uretère dans fa partie cora-
prife entre les parois de la veffic , avoieat
paffé par ce trou , s'étoient fait chacune
un petit conduit dans la fubftance de la
veflie & entre fes membranes , depuis le
trou jufqu'à l'endroit où elles s'étoient
arrêtées , & même avoient dû groflir eu
cet endroit , parce qu'elles étoient plus
grandes que le trou par où elles avoient
paifé. Hiji. àe t'acad. année 1702.
3°. M. Dodart a fait voir à l'académie
des Iciences 12 pierres de diverfès formes
& groffeurs , toutes tirées d'un cadavre 5
la plus grolfe étoit du diamètre d'un petit
œuf, & la plus petite de celui d'une noix.
4°. Un chirurgien de Breft , trouva dans
le cadavre d'un homme de 28 ans , un
rein qui renfcrmoit une groffe pierre du
poids de fix onces & demie ; le corps de
la pierre formé à l'ordinaire par couches ,
rempliffoit la capacité du baffin , & par
fon bout inférieur enfiloit la route de l'u-
retere. Hifi. de facad. 1730.
5°. Un enfant de trois ans ne pouvant
uriner par un étrange phimofis , Je même
IVI. Litre fit faire une incifîon au prépuce
par le côté , &l enfiiite en fit retrancher
la partie qui excédoit l'extrémité du gland.
D'une grande cavité que ce prépuce for-
moit , il en fortit un peu d'urine & un
nombre incroyable de pierres , les plus
petites , groifes comme des têtes d'épin-
gles , & les plus groifes étoient comme
des pois , unies , grifâtres & friables. Il
n'y a prefque pas de doute , qu'elles ne
fe fulîënt formées des parties les plus
groflleres de l'urine qui étoit retenue ,
tandis que la petite ouverture du prépu-
ce ne permettoit qu'aux plus fiibtiles de
fortir j & ce qui le confirme encore ,
c'eft qu'après l'opération , ' l'enfaat ne ren-
dit plus de pierres. HiJi. de tacad. année
6^, Partons en Italie. Dominica B. fille
de bafle condition , âgée d'environ 20 ans,
couchoit avec une autre fille , qui auroit
voulu faire avec elle les fon étions dont
elle étoit incapable. Elle fe fervoit donc
d'une grofîè aiguille d'os à tête , de la
longueur d'un doigt ^ ijui dans une ^Qdstn
g4o P I E
parnciiliere entre les deux compagnes , '
entra par l'uretère de Dominica , & tomba
dans la vefîîe. Dominica commença à n'u-
liner que goutte à goutte , & avec dou-
Jeur. La honte de déclarer fon aventure ,
lui fit cacher fon mal pendant cinq mois ;
mais enfin maigrilTant & ayant de la
fièvre , elle eut recours à un chirurgien ,
qui ayant introduit le doigt dans le vagin ,
& ayant fenti une dureté , découvrit avec
un inftrument un bout de l'aiguille, em-
porta les matières pierreufes qui étoient
3 l'endroit , & crut avoir fait une belle
opération j mais la malade continuant d'être
dans le même état , Se n'ayant eu par cette
manœuvre aucun foulagement , un autre
chirurgien fut appelle.
Celui-ci introduifit la fonde dans la
veffîe qui étoit déchirée & ulcérée du côté
du vagin , & il fentit un corps dur ^ pour
foulager les vives douleurs , il fit prendre
à la malade beaucoup d'huile d'olive , &
s'en tint là ^ quelques jours après, la /?/>r/-^
qui s'étoit form.ée autour de l'aiguille ,
parut à l'orifice du vagin , par le trou
fait à la veflie , & on la tira avec la main
fans l'aide d'aucun inftrument. La jeune
fille fe rétablit ^ mais il lui en efl: relié
une incontinence d'urine , &: de temps en
temps de légères inflammations dans ces
parties, Hijf. de tacad. année rjlS- Je
lailfe aux gens de l'art à recueillir un grand
nombre d'autres oblèrvations fèmblables
qui ne font pas quelquefois fans utilité.
Pierre , ( Critiq.facrée. ) mkji^ac , crsTpct,
un rocher, lu'd pierre de divijhn ; c'eft le ro-
cher du défert de Maton ^ h pierre d'Ethan ,
eft le rocher oh. Samfon fc retiroit, lorf
qu'il faifoit la guerre aux Phiiiftius. La
pierre d'E[el eft un rocher auprès duquel
David devoit attendre la réponfe de fon
ami Jonathas. La pierre du fecours indi-
que le lieu où }es Philiftins prirent l'arche
du Seigneur.
La pierre fur laquelle Notre - Seigneur
dit qu'il édifiera fon églife , Matth. xvj,
i8 , eft expliquée par S. Auguftin , de la
doftrine du Sauveur lui - même j TtTf « ,
dans S, Luc , viij, 6 , fe prend pour un lieu
pierreux ^ ce mot défigne un fort , une
fprterelTe , dans le JV, livre des Rois y
PIE
xiv, ij. La pierre du défert , c'eft fa ville
de Pétra.
Pierre au figuré , (è prend pour afyle ,
11, Reg. xxij, 2. Il fè trouve au propre
pour les poids d'une balance. Il veut dire
encore un monument , au Deut, xxvij. 4,
parce que dans les premiers temps ceux
qui avoient fait enfèmble quelque traité ,
élevoient des monceaux de pierres pour
en conferver la mémoire , au défaut de
l'écriture.
ha pierre de ZoàaletA , III, Re^. j, 9.
étoit une de ces pierres rondes , fort pe-
lantes , que les jeunes gQiis , pour éprouver
leurs forces , tâchoient de lever. Pierre
fignifîe l'idolâtrie, Juda , faur d'Ifraèl ,
s'eft corrompue avec la pierre & le bois ,
Jérém. iij, 5. il fe met pour la grêle dans
Jofué : le Seigneur fit tomber du ciel de
groffes pierres , c'eft-à-dire , de la grêle
d'une groffeur & d'une dureté prodigieufe.
Le plàhnifte , pf, Ixxx, 17. dit , que Moyfe
a ralfafié les Hébreux du miel qui fortoit
de la pierre , c'eft-à-dire , du miel que les
abeilles avoient fait dans les trous des ro-
chers. {D, J,)
Pierres fines, graveur en ,
( Gravure, ) artifte qui grave en creux ou
en relief liir les pierres fines , & même
jufques fur les diamans. MM. Vafari , Vet-
tori & Mariettei, ont donné l'éloge ou
la vie des maîtres qui s'y font le plus
diftingués. Voye^ aujfi le mot Pierre
GRAVÉE.
Pierre gravée j s'il eft vrai que \e%
inventions qui ont le befoin pour principe ,
ont dû précéder celles qui n'ont pour objet
que le plaifîr , & qu'elles font de toute
antiquité ^ l'on peut faire remonter aflèz
haut l'origine de la gravure. Bientôt l'in-
duftrie jointe au befoin , imagina l'art de
s'exprimer , prit le cifeau , traça des figu-
res , des traits qui devinrent autant d'ex-
prefllons & d'images de la parole : telle
fut l'origine de cet art.
On doit préfumer que les Egyptiens qui
gravoient avec tant de facilité fur des
matières auflî dures que font le granité ,
le bafalte , & tous les autres marbres des
carrières de l'Egypte , n'ignorèrent pas
long- temps l'art de graver en creux fur
les métaux , & finguliérement en petit fur
les
P l E
les pierres fines & fur les pierres précieu-
Çts, Moyfe , Exod. xxv. 30. & ch. xxxix.
V. 6. 14. parle avec éloge de Beféléel ,
de la tribu de Juda , qui grava les noms
des douze tribus fur les différentes p/errej
précieufes dont étoient enrichies Téphod
ôc le rational du grand prêtre.
On ne peut contefter que l'art de la
gravure fur les pierres fines qui avoir pris
nailfance dans l'Orient , n'y ait été tou-
jours cultivé depuis fans interruption ,
moins pour (àtisfaire n un vain appareil
de luxe , que par la nécelTité ou. fe trou-
voient les peuples de ces pays-là , d'avoir
des cachets : car aucun écrit , aucun aéte
n'y étoient tenus pour légitimes & pour
authentiques , qu^autant qu'ils étoient
revêtus du fceau de la perlbnne qui les
avoit didés. L'écriture faintc le dit po-
/icivement : EJrher , ch. iij. v. 20. c. viij.
V. 8. & les auteurs ont décrit l'anneau
de Gigès , Plato in Poliïic. ÔC celui de
Darius. Enfin , qu'on ouvre encore les
.livres laints , Daniel VL ch. xvij. qu'on
confuke Hérodote , liv. I. l'on y verra
qu'à Babylone les grands avoient chacun
leurs cachets particuliers.
Les Egyptiens & les principales nations
de l'Afie , conférverent toujours leur atta-
chement pour les pierres gravées. On fait
que Mithridate en avoit fait un amas fingu-
lier , comme le dit Pline , liv. XXXVII.
ch. j. 6c lorfque Luculle , ce Romain fi
célèbre^ par la magnificence & par Ces
richeifes , aborda à Alexandrie , Ptolémée
uniquement occupé du foin de lui plaire ,
ne trouve rien dans fon empire de plus pré-
cieux à lui offrir qu^nie émeraude montée
en or , fur laquelle le portrait de ce prince
égyptien étoit gravé. Celui de Bacchus I
l'éroit fur la bague de Cléopatre , & le I
graveur s'y montra auiïi fin courtifan , que
fupérieur dans fon art. On connoitla jolie
épigrammequi courut alors , ôc la char-
mante'traduction en vers qu'en a donné
M. Hardion ; c'eft la neuvième du/. IV.
ch. XV iij. de l'Anthologie.
Le commerce maritime des Etrufques
les ayant liés avec les Egyptiens , les
Phéniciens , & quelques autres peuples de
rOrient , ils apprirent les mêmes arts &
les mêmes fciences que ces nations pro-
Tomt XXV,
PIE 841
fefïbienr , & ils les apportèrent en Italie.
Ce n'eft guère que le commerce qui forme
en quelque façon de différens peuple»
une feule nation. Les Etrufques commen-
cèrent donc à fe familiariler avec les arts >
heureux fruits de la paix & de l'abon-
dance ! Ils cultivèrent la fculpture , la pein-
ture , rarchitc(5lure , &c ils ne montrèrent
pas moins de talens pour la gravure fur
les pierres fines.
Le commencement des arts ne fut point
différent en Grèce de ce qu'il avoit été
en Etrurie. Ce furent encore les Egyptiens
qui mirent les infirumens des arts entre
les mains des Grecs , en même temps qu'ils
didboient à Platon les principes de la fagefîe
qu'il étoit venu puifer chez eux , & qu'ils
permettoient aux légiflateurs grecs de tranf-
crire leurs loix pour les établir enfuite dani
leur pays.
Cette nation , toute ingénieufe qu'elle
étoit , demeura dans l'ignorance de la
gravure jufqu'à Dédale , qui le premier
lut animer la fculpture , en donnant du
mouvement à fes figures. Il vivoit vers
les temps de la guerre de Troye , environ
douze cents ans avant J. C. Ce ne fut
cependant que dans le fiecle d'Alexandre ,
que les progrès des arts parurent en Grèce
dans tout leur éclat. Alors fe montrèrent
les Apelles , les Lyfippe & les Pyrgo-
teles , qui partageant les faveurs & les
bienfaits de cet illuftre conquérant, dif-
puterent à qui le repréfentcroit avec plus
de grâce & de dignité. Le premier y
employa (on pinceau avec le fuccès que
perfonne n'ignore ; & Lyfippe ayant été
clîoifi pour former en bronze le bufte de
ce prince , Pyrgoteles fut fcul jugé digne
de le graver.
La nature ne produit point des hommes
fi rares , fans leur donner pour émules
d'autres hommes de génie -, ainfi l'on vit
fe répandre par toute la Grèce une mul-
titude d'excellens arriftes ; & pour me
renfermer dans mon fujet , il y eut dans
toutes les villes des graveurs d'un mérite
difl:ingué. L'art de la gravure en pierres
fines eut entre les mains des Grecs les
fuccès que promettent des travaux affidus
& multipliés ; il ne fallut plus chercher
de bons graveurs hors de chez eux , 8c
OOQQO
«41 PIE
ces peuples fe maintinrent dans cette îu-
périorité. Cronius , Appollonide , Diof-
CQride , Solon , Hyllus , Se beaucoup
^l'aurres dont les noms fe font confervés
fur leurs gravures , fe rendirent très-
célebres dans cette profefïion. En un mot ,
on ne trouve guère fur les belles pierres
gravées d'autres noms que des noms grecs.
Les Romains ne prirent du goût pour
les beaux arts , que lorfqu'ayant pénétré
dans la Grèce & dans l'Aiîe , ils eurent
été témoins de la haute eftirac qu'on y
faifoit des grands'j artiftes dans les arts
libéraux , ainii que de leurs productions.
Alors ils iè livrèrent à la recherche des
belles chofes , & ne mettant point de
bornes à k curiofité des pierres gravées ,
non feulement ils en dépouillèrent la
■Grèce , mais ils attirèrent encore à Rome ,
pour en graver de nouvelles , les Diofco-
ride , les Solon , & d'autres artiftes auffi
diftingués. On para les ftatues des dieux
de ces fortes d'ornemens , on en monta
des bagues à l'ulage de toutes les condi-
tions. Et qui le pourroit croire ! il fe ren-
contra des voluptueux affez délicats pour
He pouvoir foutenir pendant l'été le poids
trop pefant de ces fortes de bagues , Juven.
Sat. I. V. ^8. il fallut en faire de plus
légères Se de plus épaiflès pour les diiFé-
lentes faiCons^
Quand les peffonnes moins riches n'a-
voient pas le moyen de fe procurer une
pierre fine , ils faifoient feulement monter
fur leurs anneaux un morceau de verre
colorié , gravé ou moulé , fur quelque
belle gravure ; Ôc Pon voit aujourd'hui
dans plufieurs cabinets de ces verres anti-
ques , dont quelques-uns tiennent lieu
d''excelientes gravures antiques qu'on n'a
plus.
Leurs anneaux , leurs baguées ., leurs
j)ierres gravées , fèrvoient à cacheter ce
qu'ils avoient de plus cher & de plus pré-
cieux , en particulier leurs lettres ou leurs
tablettes. Cette coutume a pafle de /îecle
£n fiecle , &«{! venue jufqu'ànos jours ,
fans avoir foufifert prefque aucune varia-
îion. Elle iivbiifte encore dans toute l'Eu-
3"ope, & julques chez les Orientaux 5 &
c'eft ce qui .a mis ces derniers peuples ,
|fi j3£u jcurieux d'ailkius de culùyer k^
PIE
arts , dans la nécellité d'exercer celui dé
la gravure en creux lur les pierres fines ,
afin d'avoir des cachets à leur ufage.
Comme tous les citoyens , au moins les
chefs de chaque famille , dévoient pofle-
der un anneau en propre , il n'étoit pas
permis à un graveur de faire en même
temps le même cachet pour deux per-
fonnes différentes j Phiftoire nous a décrit
les fujets de plufieurs de ces cachets.
Jules-Céfar avoit fait graver fur le ficn
l'image de Vénus armée d'un dard ; gra-
vure dont les copies fe font multipliées
à l'infini. Le célèbre Diofcoride avoit
gravé celui d'Augufte. Le cachet de Pom-
pée repréfentoit un lion , tenant une épée.
Apollon .& Marfias étoient exprimés fur le
cachet de Néron. Scipion l'Africain fit
repréfenter fur le fien le portrait de Syphax
qu'il avoit vaincu.
Les premiers chrétiens qui vivoîent con-
fondus avec les Grecs & les Romains ,
avoient pour fignes de reconnoi (Tance , des
cachets lur lefquels étoient gravés le mo-
nogramme de Jeius-Chrift^ une colombe ,
un poiflon , une ancre , une lyre , la
nacelle de Saint Pierre, 6t autres pareils
fymboles.
Le luxe & la mollellè afiatique qui
s'accrurent chez les Romains avec leurs
conquêtes , ne mirent plus de bornes au
nombre & aux ulages des pierres gravées.
Ces maîtres du monde crurent en devoir
enrichir leurs vêtemens , & en relever
ainfî la magnificence. Les dames Romaines
les firent palTer dans leurs coëfFures ; les
bracelets , les agraffes , les ceintures , le
bord des robes en furent parfemés , èc
Ibuvent avec profufion. L'empereur Elio-
: gabale porta cet excès fi loin , qu'il faifoit
mettre fur fa chauflure des pierres gra^/es
d'un prix ineftimable , &C qu'il ne vouloit
plus revoir celles qui lui avoient une fois
lervi ; Lampride , in vitâ EliogaBal. chap.
xxiij.
Il y avoit fans doute des pierres gravées
faites uniquement pour la parure , 6c l'on
peut-regarder comme telles ces émeraudes ,
ces faphirs , ces topalès , ces améthyftes 9
CCS grenats , & généralement toutes ces
autres pierres précieules de couleur , fur la
, furEce defquclles foiit des gravures ext
P I E
.creux , maïs dont la l'uperficie , au lieu
d'être plate , eft convexe , & fait appelîer
la pierre , un cabochon. Il faut encore
ranger dans cette clafTe toutes c?es pierre^
gravées qui paflent une certaine grandeur ,
hc qui n'ayant jamais pu être portées en
bagues , ne paroiflènt avoir été travaillées
que pour l'ornement , ou pour (atisfaire
la curiofité de quelques perfonnes de goût.
Il n'eft pas douteux que les pierres gravées
en relief 3 ou ce que nous nommons des
camées , n'entrafTènt aufîi dans les ajufte-
mens dont elles étoient propres à relever
la richcfle & l'éclat.
Le chriftianifme s'étant établi fur les
ruines du paganifme , Punivers changea de
face , & préfenta un fpedacle nouveau ;
les anciennes pratiques furent la plupart
abandonnées , &c l'on cefla par conféquent
d'employer les pierres gravées à une partie
des ufages auxquels on les avoir fait fervir
jufqu'alors , elles ne fer\urent plus qu'à
cacheter j mais quand la barbarie vint à
inonder toute l'Europe , l'on ne cacheta
plus z.vec\ts pierres gravées \Von fe (bucia
encore moins d'en porter en bagues ; l'on
n'étoit plus en état d'en connoître le prix.
Elles fe diiliperent ; plufieurs rentrèrent
dans le fein de la terre pour reparoître dans
un ficelé plus éclairé Se plus digne de les
polTéder. D'autres Rirent employées à orner
des châfles , & à divers ouvrages d'orfè-
vrerie à l'ufage des cglifes , car c'étoit le
goût dominant j c'étoit à qui feroit plus de
dépenfes en reliquaires , & à qui en enri-
chiroit les autels d'un plus grand nombre.
Plufieurs de ces anciennes gravures inefti-
mables j plufieurs de ces précieux camées
que les empereurs d'orient avoient empor-
tés de Rome , ne fortirent du lieu où ils
avoient été transférés , & ne repaiTerent
dans l'occident,que pour venir y occuper des
places dans les chapelles , y tenir rang avec
les reliques. Les Vénitiens en remplirent
le fameux tréfor de l'églife de S. Marc , &
les François en apportèrent plufieurs en
France durant les croifades. Depuis très-
long-temps , la belle tête de Julia , filk-
de Titus , & plufieurs gravures repré (en-
tant des fujets profanes , font confondue-
avec les reliques dans le tréior de l'abbaye
de S.Denys.
P î E §41
On ne peut fans doute exciiièr un fi
grand fonds d'ignorance de ces fiecles bar-
bares j àc c'eft cependant à ce défaut de
lumières , que nous fommes redevables de
la confervatiou d^une infinité de précieux
morceaux de gravures antiques , qui autre-
ment auroient couru le rifque de ne point
arriver jufqu^à nous j car enfin fi ceux qui
vivoient dans cqs fiecles barbares euflent
été plus éclairés , le même zèle de religion
qui leur faifoit rechercher toutes fortes de
pierres gravées pour en parer nos autels &
les reliques des faints , leur eût fait rejeter
toutes celles qui avoient rapport au paga-
nilme , & les eût peut-être portés à les
détruire.
On fent bien que cette perte eût été
grande , quand on réfléchit fur l'utilité
qu^on peut retirer des pierres gravées j je
ne parle pas de leurs vertus occultes , ce
ne font que des idées folles; je ne prétends
pas noi>plus relever le prix & la beauté de
la matière , mais je parle d'abord du plaifir
que fournit à l'efprit le travail que Part y
fait mettre. Ces précieux reftes d'antiquité
font la Çouict d'une infinité de connoif-
fances , ils perfedionnent le goût , & meu-
blent l'imagination des idées les plus nobles
& les plus magnifiques. C'eft de deux
pierres gravées antiques , qu'Annibal Car-
rache a emprunté les penfées de deux de
^ts plus beaux tableaux du cabinet du palais
Farnefe à Rome. L'Hercule qui porte le
ciel eft une imitation d'une gravure antique
qui eft chez le roi.
Qiioique \ts pierres gravées ne foient pas
des ouvrages au(Tî fublimes que les admi-
rables productions des anciens fculpteurs ,
elles ont cependant quelques avantages
fur les bas-reliefs & les ftatues. Ces avan-
tages nailTent de la matière même des
pierres gravées & de la nature du tra--
vail ; comme cette matière eft très-dure ,
& que le travail eft enfoncé ( il n'eft ici
queftion que de gravures en creux ) , l'ou-
vrage eft à l'abri de X'ufure ( qu'on me per-
mette d'employer ce mot ) , & fe trouve
en même temps garanti d'un nombre infini
i 'autres accidens , que les grands morceaux
le fculpture en marbre n'ont que trop fou-
ent éprouvés.
Comme il n'eft rien de fi fatisfaifant
Ooooo 2.
S44 PIE
que d'avoir des porcniits fidèles des hom-
mes illuftres de la Grèce & de Rome , c'eil
encore dans les pierres gravées qu'on pcuc
les trouver ; c'eft où l on peut s afliirer
avec le plus de certitude de la vérité de la
rclîèmblance. Aucun trait n'y a été altéré
par la vctufté j rien n y a été émoufTé par
le frottement comme dans les médailles &
dans les marbres. Il cft encore confolant
de pouvoir imaginer que ces ftatues 6c ces
grouppes qui firent autrefois le fujcr de l'ad-
miration d'Athènes de de Rome , & qui
font Fobjet de nos juftes regrets, fe retrou-
vent fur les pierres gravées. Ce n'eft: point
ici une vaine conjecture ; Ion a fur des
pierres gravées , indubitablement antiques ,
la repréfcntation de plulleurs belles ftatues
greques qui iubfîftent encore : fans fortir
du cabinet dti roi de France , Ton y peut
voir fur des cornalines la ftatue d'Hercule
de Farnefe , un des chevaux de Monte-
Cavallo , & le grouppe de Laocoon.
Indépendamment de tous les avantages
qu'on vient d*iattribuer aux pierres gravées ,
elles en ont encore un de commun avee
les autres monumens 'de l'antiquité ; c'eft
de fervir à éclaircir plulleurs points impor-
tans de la mythologie , de l'hiftoire & des
coutumes anciennes. S'il étoit poûible de
raflembler en un feul corps toutes les pierres
gravées qui font éparfes de côté & d'autre ,
on pourroit fe flatter d'y avoir une fuite
aflez complète de portraits des grands
hommes & des divinités du Paganifme ,
prefque toutes caradtérifées par des attri-
buts finguliers qui ont rapport à leurs cultes.
Combien n'y verroit-on point de différens
facrifices ? combien de fortes de fêtes , de
jeux & de fpedacles qui font encore plus
intéreftàns , lorfque les anciens auteurs nous
mettent en, état de les entendre par les
^lefcriptions .qu'ils en ont lailïees ?
Cette belle pierre gravée du cabinet de
feu S. A» R Madame , on eft reprél^nté
Théfée levant la pierre fous laquelle étoient
cachées les preuves de la i-tailïance 5 cette
autre du cabinet du roi , où Jugurthapri-
Ibnnier eft livré à Sylla, ne deviennent-
çlles pas des m.onumens curieux , par cela
«nêmc qu'elles donnent une nouvelle force
au témoignage de Pîutarque , qui a rapporté
ces circonftancea de la. vie de ces deux.)
•PIE
grands capitaines ( vie de Théfée & de
Marins ) î
Il faut pourtant avouer que de cette
abondance de matière il en réfulteroit la
difficulté infurmontable de donner des
explications de la plus grande partie de ces
pierres gravées. Mais quoique ces fortes
d'explications ne foient plus fufceptibles de
certitude , quoique nous n'ayions fouvent
que des conjectures fur ces fortes de mo-
numens que nous poflédons , cependant
ces conjectures mêmes conduifent quelque-
fois à des éclaircillcmens également utiles
& curieux.
La chute de l'empire romain entraîna,
celle des beaux - arts y ils furent négligés
pendant très-long-temps , ou du moins
ils furent exercés par des ouvriers qui ne
connoiflbient que le pur méchanifme de
leur profeiTion , & ils ne fe relevèrent que
vers le milieu du xv iîecle. La peinture &
la fcuipture qui ne vont jamais l'une fans
l'autre , reparurent alors en Italie dans
leur premier luftre, & l'on recommença
à y gravtr avec goût tant en creux qu'en
relief. Le célèbre Laurent de Médicis , fur-
nommé le magnifique & le père des lettres ,
fut le principal & le plus ardent promoteur
de ce renouvellement de la gravure fur les
pierres fines. Comme il avoir un amour
fingulierpour tout ce qui portoit le nom
à' antique , outre les anciens manufcrits ,
les bronzes & les m.arbres , il avoit encore
fait un précieux a{Ten:blage de pierres gra-
vées qu'ail avoit tirées de la Grèce & de
l'Afie , ou qu'*il avoit recueillies dans fort
propre pays : la vue de ces belles ckofes
qu'il pollédoit, autant pour en jouir que
pour avoir le plaifir de les communiquer y
anima quelques artiftes qui fe confacrerent
à la gravure 5 lui- m.éme , pour augmenter
l'émulation , leur diftribua des ouvrages»
Le nom de ce grand proteCteur des arts ,
j'ai prefque dit ce grand homme , fe lit fur
ulufieurs pierres qu'il fit graver ou qui lui
ont appartenu.
Alors parut à Florence Jean , qu'on
furnomma Delk Cornivok , parce qu'il réuf-
fiflbit à graver en creux fur des cornalines ;
& Ton vit à Milan Dominique , appelle
De Camei , à caufe qu^il fit ce fort beaux
camées. Ces habiles gens formèrent des
P I E
. çlcvcs , & eurent bientôt quantité d'imi-
tateurs. Le Vafari en nomme plufieurs,
entre lefquels je me contenterai de rap-
pcUer ceux qui ont mérité une plus grande
réputation i Jean Bernardi de Caftel-Bo-
lognefe , Matthieu del Nafaro ( ce dernier
palfa une grande partie de fa vie en France
au fervice de François I ) i Jean-Jacques
Caraglio de Vérone, qui n'a pas moins
réuiïi dans la gravure des eftampes ; Va-
lério Belli de Vicence , plus connu fous le
lîom de Valerio Vicentini ; Louis Ani-
chini , & Alexandre Céfari , furnommé
k Grec. Les curieux confervent dans leurs
cabinets des ouvrages de ces gravures mo-
dernes , & ce n'efl: pas fans raifon qu'ils en
admirent la beauté 'du travail. Qu'on n'y
cherche pas cependant ni cette première
finefle de penfée , ni cette extrême préci-
fîon de delTin qui conftituent le caraârere
du bel antique j tout ce qu'ils ont fait de
plus beau , n'eft que bien médiocre mis en
parallèle avec les excellentes produélionsde
la Grèce.
Ce n'eft peut-être pas tant à l'incapacité
qui jufqu'à préfenta empêché les graveurs
modernes d'approcher de ceux de l'anti-
quité , qu'à l'ingratitude de la profeflion ,
à laquelle il en faut attribuer la caufe 5 du
moins jamais nosartiftes ne montrèrent plus
de talensni plus d'^ardeur. Lorfqu'ilsonteu
à graver des pierres en relief, travail aufTi
long &: pre'que auffi difficile que celui de
la gravure en creux , ils ont fait de très-
belles chofes. Tels ibnt les portraits qu'ils
ont exécutés dans ce genre , il y en a tels
qu'on pourroit ranger à la fuite du bel anti-
que. Tels font quelques autres ouvrages
foignés & exécutes dans ces derniers temps
par l'habile Sirlet.
1°. De la matière fur laquelle on grave.
Les anciens graveurs qui en cela onc été
ftiivis par tous les modernes , paroifîent
n'avoir excepté aucune des pierres fines ,
ni même àts pierres précieufès pour graver
dellus , hormis que ces pierres ne fë Ibient
trouvées fi recommandables par elles-mê-
mes , que c'eût été un meurtre de les faire
iervir à la gravure. Encore aujourd'hui l'on
A pour de telles pierres précieufès les mêmes
égards. Du refte , on rencontre tous les
jouiides grayures lur des améthyftes> des
PIE *4j
faphirs , des topafes , des chryfolites , des
péridots , des hyacintes & des grenats. On
en voit fur des bérylles ou aigues-marines ,
des primes d'émeraudes & d'améthyftes ,
des opales , des turquoifes , des malachites,
des cornalines , des calcédoines ôc des
agates. Les jafpes rouges, jaunes, verds
(k de diverfes autres couleurs, & en parti-
culier les jafpes fanguins , le jade , des
cailloux finguliers , des morceaux de lapis
ou lyanée , & des tables de cryftal déroche
ontaulTi fervi de matière pour la gravure ,
même d'aflez belles émeraudes & des rubis
y ont fervi. Mais de toutes les pierres fines,
celles qu'on a toujours employées plus vo-
lontiers pour la gravure en creux , font les
agates &c les cornalines ou lardoines ; tandis
que les différei^s efpeces agates - onix
femblent avoir été réfervées pour les
reliefs.
C'eft à la variété des couleurs dont la
nature a embelU les agates , que nous de-
vons ces beaux camées , qu'un favant pin-
ceau n'auroit pu peindre avec plus de juf-
telîè , * qui prefque tous font des produc-
tions de nos graveurs modernes.
Ne palfons pas ici fous filence des gra-
vures fingulieres ôc qui peuvent marchera
la fuite des pierres gravées. Ce font des
«gâtes ou d'autres p/erre5 fines furlefqueîles
des têtes ou des figures en bafîè- taille &z
cifelées en or ont été rapportées & incruf-
tées , de façon qu'à la différence près de la
matière elles font prefque le mêmeeffetque
les véritables camées. On en voit une à
Florence , qui appartenoit à l'éleéVrice pala-
tine Anne-Marie-Louife de Médicis , en
qui toBt eft fini. Cette belle gravure doit
le trouver dans le cabine: du grand duc :
c'eft peut-être un Apollon vainqueur du
ferpent Pithon ; il y en a une repréfentation
dans le Mufœum Florent, tom. I. tab. 6G.
rP. 2. En 1749, ^^ Italien a diftribué à
Paris pluiieuispierres femblablement incruf-
tées ; & comme il en avoit nombre &
qu'elles étoient trop bien confervées pour
n''être pas fufpeétes , les connoifleurs font
perfuadés que c'étoient des pièces mo-
dernes.
Le diamanr , la feule pierre précieufe
fur laquelle on n'avoit pas encore eiïàye
i de graver , l'a été dans ces derniers fiecies*
^4^ PIE
IlePc vrai que M. André Cornaro, Véni-
tien, annonça en 17:2,3 une tête de Néron
gravée en creux fur un diamant; Se pour
relever le prix de cette gravure qu il efti-
moit douze mille fequins, il alTuroit qu elle
étoit antique. Maison ne peut guère douter
du contraire , ôc peut-être Ton diamant
écoit un ouvrage de Conftanzi qui a long-
temps travaillé à Rome avec diftindion.
Lorique Clément Birague , milanois , que
Philippe II avoir attiré en Efpagne , & qui
fe trouvoit à Madrid en 1^64, fit Teflal
de graver fur le diamant , perfonne n avoir
encore tenté la même opération. Cet ingé-
nieux artiftc y grava pour l'infortuné dom
Carlos le portrait de ce jeune prince , &
fur fon cachet qui étoit un autre diamant ,
il mit les armes de la rAarchie efpagnole.
On a fait voir à Paris un diamant où
étoient gravées ou plutôt égratignées les
armes de France y Ton dit qu'il y en a un
femblable dans le tréfor de la reine de Hon-
grie à Vienne , Se que le cachent du feu
ïoi de Prude étoit pareillement gravé fur un
diamant. Au refte , ces gravure^ne peu-
vent être ni bien profondes , ni fort arrê-
tées , ni faites fur des diamans parfaits.
Ajoutez que fouvent l'on montre des gra-
vures qu'on dit être faites fur des diamans ,
& qui ne le font réellement que fur des
faphirs blancs.
3 '^. De la difiincîion des pierres antiques
d'avec les modernes. Comme il règne beau-
coup de lufe , de fraude Sl de ftratagême
pour tromper au Ç\x\Qiàcs pierres gravées y
on demande s'il y a des moyens de diftin-
guer l'antique du moderne , les originaux
des copies \ quelques curieux fe font fait
Ià-de(lus des règles qui , tout incertaines
qu'elles font, méritent cependant d'être
rapportées.
Ils com^mencent par examiner hcfpcce de
la pierre : fi cette pierre eft orientale , par-
faite dans fa qualité , fi c'eft quelque />/erre
fine dont la carrière foit perdue , telles
que font , par exemple , les cornalines de
la vieille roche i fi le poli en eft très-beau ,
bien égal Se bien luilant , c'eft félon eux ,
des preuves de l'antiquité d'une gravure. Il
eft certain que l'examen de la qualité d'une
pierre gravée Se de Ion beau poli ne font
IKîiiit des chofes indifférentes \ njais l'on a
PIE
vu plus d'une fois nos graveurs efl^cer d'afi-i
ciennes mauvaises gravures , recoucher des
antiques , apporter dans le poliment une
grande dextérité pour mieux tromper les
connoiileurs. D'ailleurs ce feroit peut-être
u ne preuve encore plus certaine de l'antique
d'une pierre gravée , h la furface extérieure
d'une relie p/eATe étoit dépolie par le frot-
tement ; car les anciens gravoient pour
l'ufage , Se toute pierre qui a fervi doit
s'en reffentir.
Les curieux croient encore reconnoître
certainement fi les infcriptions gravées er»
creux fur les pierres font vraies ou fup-
fée
poiees
&
cela par la régularité Se la
proportion des lettres , & par la fineflè
des jambes ; mais il n'y a guère de certi-
tude dans ces fortes d'obfervations ; tout
graveur qui voudra s'en donner la peine
Se qui aura une main légère , tracera des
lettres qui imiteront fi bien celles des
anciens , mênie celles qui font formées
par des points , que les plus fins connoif-
feurs prendront le change ; Se ce ftrata^
gême conçu en Italie pour fe jouer de
certains curieux nourris dans la prévention ,
n'a que trop bien réulïî. Ils ont corrompu
julque aux pierres gravées antiques, en y
mettant de fautes infcriptions ; & c'eft ce
qu'ils exécutent avec d'autant plus de fé-
curité , qu'il leur eft plus facile alors d'en
impofer. Qui pourra donc afturer que
plufieurs de ces noms d'artiftes qui fe lifent
fur les pierres gravées , Sc même auprès de
fort belles gravures ,. n'y auront pas été
ajoutés dans des fiecles poftérieurs? fur-touc
depuis que M. Gori a fait obferver que le
nom de Cléomenes écrit en grec , qu'on
voit fur le focle de la fàmeufe Se belle
ftatue de la Vénus de Médicis , eft une
infcription poftiche.
Il n'eft pas plus difficile d'ajouter fijr
les pierres gravées , de ces cercles Sc de
ces bordures en forme de cordon , qui ,
fuivant le fentiment de M. Gori , carac-
térifent les pierres étrufques. Se font ur*
figne certain pour les reconnoître.
D'autres curieux prétendent que les
anciens n'ont jamais gravé que fur des
pierres de figures rondes ou ovales ; Sc
lorlqu'on leur en montre quelques - unes
d'une autre forme, telles que font de»
PIE
pierres (juarrées ou à pans , ils ne balan-
cent pas à dire que la gravure en eft mo-
derne \ ce qui n'eft pas toujours exade-
ment vrai.
Quelques négligences qui fe feroicnt
gliflees dans des parties acceflbires au mi-
lieu des plus grandes beautés , ne doivent
pas non plus faire juger qu'une gravure n'eft
pas antique : on en devroit peut-être
conclure tout* le contraire , d'aurant que
les gravures modernes font en général ad'ez
fuivies , & que celles des anciens ont afltz
fouvenr le défaut qu'on vient de remar-
quer. On peur citer pour exemple l -enlève-
ment du palladium gravé par Diofcoride :
le diomede qui eft la ma.treire figure ,
réunit toutes les perfe6tions ; prefque tout
le refte eft d'un travail fi peu foigné , qu''à
peine feroit-il avoué par des ouvriers
médiocres. Cet habile artifte auroit-il
prétendu relever l'excellence de fa pro-
duélion par ce contrafte î ou auroit-il
craint que l'œil s'arrêtant fur des objets
étrangers , ne fe portât pas afiez entière'
ment fur la principale figure î
Mais une pierre gravée qui (eroit en-
châlîéc dans fon ancienne monture ; une
autre qu'on fauroit, à n'en pouvoir douter,
avoir été trouvée depuis peu à l'ouverture
d'un tombeau , ou fous d'anciens décom-
bres qui n'auroient jamais été fouillés ,
Tnériteroit d'être reçue pour antique. Il
paroît auffi qu'on Jie devroit pas moins
eftimer une pierre gravée qui nous vien-
droit de ces pays où les arts ne fe font
point relevés depuis leur chute : par exem-
ple , des pierres gravéei qui font tirées ÔC
apportées du Levant , ne font pas fufcep-
tibles d'altérations par le défaut d'ouvriers,
comme le font celles qu'on découvre en
Europe '-, enfin outre la certitude de l'an-
tiquité pour pierre gravée , il faut en-
core qu'elle foit réellement belle pour
mériter l'eftime des curieux. Concluons
donc que la connoifîance du deflin, jointe
à celle des manières & du travail , eft le
feul moyen pour fe former le goût , &
<ievenir un bon juge dans les arts, & en
particulier dans la connoiftànce du mérite
jdes pierres gravées , tant antiques que
modernes.
4^, Des Jllujlres graveurs înpkms fines.
PIE g47
Il femblc qu'il manque quelque chofe à l'hif-
toire des arts , fi elle ne marche accom-
pagnée de celle des artiftes qui s'y font
diftingués. C'eft ce qui a engagé M'* Va-
fari , Vettori , & Mariette , à faire la vie
de ces illuftres artiftes ; il nous fuffira néan-
moins d'indiquer les noms des principaux
parmi les modernes qui ont paru depuis
la renai'flance des arts.
Tout le monde fait que la chute du
bon goût fuivit de fort près celle de l'em-
pire romain ; des ouvriers groiîiers &
ignorans prirent la place des grands maî-
tres , & femblerent ne plus travailler que
pour accélérer la ruine des beaux arts.
Cep&ndant dans le temps même qu'ils
s'éloignoient à fi grands pas de la perfec-
tion , ils le rendoient , fans qu'on y prit
garde , utiles , & même nécelîaires à la
poftérité. En continuant d'opérer , bien
ou mal , ils perpétuèrent les pratiques
manuelles des anciens ; pratiques dont la
perte étoit fans cela inévitable , & n'auroic
peut-être pu fe retrouver. Il eft donc
heureux que l'art de la gravure en pierres
fines n'ait fouffert aucune interruption ,
& qu'il y ait eu une fucceffion fiiivie de
graveurs qui fe foient inftruits les uns les
autres , & qui fe foient mis , pour ainfi
dire , à la main , les outils fans lefquels
' cet art ne fauroit fe pratiquer.
C^ux d'eîitr'eux qui abandonnèrent la
Grèce dans le quinzième fiecle , & qui
vinrent fe chercher un afyle en Italie ,
pour fe femftraire a la tyrannie des Turcs
leurs nouveaux maîtres , y firent paroître
poup la première fois quelques ouvrages ,
qui un peu moins informes que les gra-
vures qui s'y fiifoient journellement , fer-
virent de prélude au renouvellement des
arts 5 qui fe préparoit. Les pontificats de
Martin V &: de Paul II , furent témoins
de ces premiers eiTais ; mais Laurent de
Médicis , le plus iiluftre protedteur que
les arts aient rencontré , fut le principal
moteur du grand changement qu'éprouva
celui de la gravure. Sa paiTîon pour les
pierres gravées & pour les camées , lui fit
rechercher, ainfi que je l'aidéja remarqué j
les meilleurs graveurs ; il les raflemb'a
auprès de fa perfonne ; il leur diftribua
des ouvrages) il iesanlipa par fes bieufiissi
848 p I E
& i'art de la gravure en pierres fines reprît
une nouvelle vie.
Jean delle'Cornivole fut regardé comme
le reftaurateur de la gravure en creux des
/>/crre5 fines , & Dominique de'Camei, de
la gravure en relief. Ces deux artiftes
furent bientôt furpiifîës par Pierre-Marie
de Peicia , & par Michclino. L'art de la
gravure en pierres fines , s'étendit rapi-
dement dans toutes les parties de l'Italie.
Cependant il étoit réfervé à JeanlBernardi ,
né à Cartel-Bologne fe , ville de la Roma-
gne , d'enfeigner aux graveurs modernes à
fc rendre de dignes imitateurs de ceux
des anciens. Entr\autres ouvrages de
gravure de ce célèbre artifte , on vante
beaucoup fon Titius, auquel un vautour
déchire le cœur , gravé d'après le deirm
de Michel-Ange : comblé d'honneurs &
de biens , il expira en i y n . Dans ce
temps- là François I avoir attiré en France
le fameux Matthieu del Nafaro , qui s'oc-
cupa à former parmi nous des élevés qui
fudent en état de perpétuer dans le royaume
l'art qu'il y avoit fait connoître.
, Pendant le même temps , Luigi Ani-
chini , & fur-tout Alexandre Cefari ,
furnommé le Grec , gravoit à Rome avec
éclat toutes fortes de fujets fur des pierres
fines : le chef-d'œuvre de ce dernier eft
un camée repréfentant la tête de Phocion
l'athénien. Jacques de Trezzo embellifloit
alors l'Efcurial par fes ouvrages en ce
genre.
Quand l'empereur Rodolphe II monta
fur le trône , il protégea les arts , fit fleurir
celui de la gravure en Allemagne dans le
dix-feptieme fiecle , & eniploya particu-
lièrement Gafpard PHéman, & Miféronij
mais aucun de ces graveurs n'a pu foutenir
le parallèle du Coldoré , qui florilloit en
France vers la fin du feizieme fiecle , &
qui a vécu jufques fous le règne de Louis
XIII. Cependant parmi les graveurs fran-
çois , perfonne n'a mérité cette brillante
réputation dont Flavius Sirlet a joui dans
Rome jufqu'à fa mort , arrivée le 15 août
1737 ; on ne connoît aucun graveur mo-
derne qui l'égale pour la finefle de la
touche : il nous a donné fur des pierres
fines des repréfentations en petit des plus
i?elle5 ftatues antiques qui font à Rome :
PIE
le grduppe du Laocoon cft fon cheft
d'œuvre.
Celui qui fc diftinguoit dernièrement le
plus dans cette ville , eft le chevalier Charles
Coftanzi ; il a gravéTur des diamans , pour
le roi de Portugal , une Léda , & une tête
d'Anrinoiis.
Je n^ai point parlé des graveurs qu*a
produit ^Angleterre , parce que la plus
grande partie lont demeurés fort au deflbus
du médiocre ; il faut pourtant excepter
Charles Chrétien Reifen qui a mérité une
àcs premières places parmi les graveurs
en creux fur les pierres fines , & qui a eu
pour élevé un nommé Claus , mort en
1739 , enfuite Smart, & enfin Seaton ,
qui étoit de nos jours le premier graveur
de Londres.
Mais nous avons lieu de regretter un da
nos graveurs françois, mort en 1746 , &
qui faifoit honneur à la nation j je parle
de M. François- Julien Barier , graveur
ordinaire du roi en /j/erre.î fines , homme de
goût , né induftrieux , & qui a fait dans
f un & dans Pautre genre de gravure , des
ouvrages qui ont allure fa réputation ; il
ne lui manquoit qu'une plus parfaite con-
noillànce du delïin.
M. Jacques Guay qui lui a fuccédé, ne
doit point craindre d'efluyer un pareil
reproche ; il delïïne très-bien , & modèle
de même ; il a vifité toute l'Italie pour
fe perfe6tionner , & a retiré de grands fruits
de fes voyages. Il a jeté beaucoup d'efprit
fur une cornaline, où il a exprimé en petit,
d'après le defTîn de M. Bouchardon, le
triomphe de Fontenoy.
5°. De la pratique de la gravure en
pierres fines. Quand on examine avec
attention ce que Pline a dit de la ma-
nière de graver fur les pierres précieufes ,
on demeure pleinement convaincu que les
anciens n'ont point connu d'autres mé-
thodes , que celles qui fe pratiquent au-
jourd'hui. Ils ont dû (e fervir,comme nous,
du touret , &c de ces outils d'acier ou de
cuivre , qu'on nomme fcies ôc bouterolles ;
ôc dans l'occafion ils ont pareillement em-
ployé la pointe du diamant. Le témoignage
de Pline eft formel , liv. XXXVII. ch. iv.
& chap. xiij. ce qui mettra cette vérité
dans tout fon jour , fera de donner ici la
defcription
FM E
defcription détaillée de notre manière de
graver ; mais il faut la laifler faire à cet
habile auteur notre collègue, qui, après
avoir puifé chez les artiftes tout ce qui
concerne les art», fait les décrire dans
cet ouvrage avec des ralens au dcfîus do,
mes éloges.
- 6^. Des pierres grave'es faclices. L'ex-
trême rareté des pierres précieufes, &
le vif empreffement avec lequel on les
recherchoit dans l'antiquité , ne permet-
tant qu'aux perionnes riches d'en avoir ,
firent imaginer des moyens pour fatisfaire
ceux qui, manquant de facultés , n'enétoicnt
pas moins poiTédés du defir de paroître.
On employa le v^rre , on le travailla ,
on lui allia divers métaux ; & en le faiiant
paffer par ditfërens degrés de feu , il n'y
eut prefque aucune pierre précieufe dont
on ne kii lit prendre la couleur & la
forme. On a retrouvé ce fecret dans le
quinzième fiecle , & on eft rentré en pol-
;, ièffion de taire de ces pâtes ou pierres
fddices , que quelques-uns appellent des
compofuions . Voye\ PaTE DE VERRE
ou Pierre gravée factice.
7°. De la. manière de tirer le s empreintes .
r Pour ce qui regarde les diverfes manières
de tirer àzs empreintes fur les plus belles
pierr-fs gradées y v. le mot EMPREINTE.
8i^.I)e la conferi^'ation des pierres gra-
vées. Un amateur tâche de conferver les
pierres gravées ^ & a pour cet etiet des
écrins ou baguiers. V. ÉCRIN.
9°. Des auteurs fur les pierres gravées.
Entre un li grand nombre d'auteurs qui ,
depuis Phne jufqu'à nous, ont traité des
pierres gravées , nous ne nous propoions
ici que de nommer les principaux ; les
curieux peuvent recourir à la partie fi
intéreflante du livre de M. Mariette , 'qui
concerne la bibliothèque Dadyliograohi-
que : une matière li lèche a pris entre i^s
mains les grâces & les ornemens qu'on ne
trouve point ailleurs.
On connoît afléz , fur les anneaux àes
anciens , les ouvrages de Kitfchius ,♦ de
Longus , de Kirchman , de Kornman , &
de Liceti ; ils ont tous été réimpriméi
enfemble à Leyde en 1672 ; le livre de
Liceti imprimé à Udine en 1645, in-/}.^.
n'eft à la vérité qu'une miférable compi-
Tome XXK
PIE 849
latlon, & ne peut être lu fans dégoût;
mais en échange on fera fort content de la
brochure de Cazalius fur les anneaux &
leurs ufagcs.
Antoine le Pois a donné un difcours
fur les médailles & gravures antiques , Paris
^579) ^^-4-^1 avec figures, livre très-
curieux, très-bien imprimé , & d'un
auteur qui a le premier rompu la glace fur
cette matière. Ce livre eiliraé n'eft pas
fort commun; mais il faut prendre garde
5'il fe trouve à la page 126 une figure du
dieu des jardins , qui a été arrachée dans
plufieurs exemplaires.
Baudelot de Dorival a mis au jour un
livre de l'utilité des voyages _, &c. Paris
1686, 2 vol. in-zz. avec figures, &
Rouen 1727: hvre utile, intéreflant, &
dont on ne peut fe palîer.
Nous avons indiqué au //zof GRAVURE,
les ouvrages où l'on enfeigne la pratique
de cet art: paiîbns aux plus beaux recueils
& cabinets de pierres gravées : voici ceux
de la plus grande répi^tation, pubHés ea
Italie.
Agojîini (Leofiardo) ; le Gemme , a/7-
tiche figurate , colle annota'^ioni di Pietra
Bellori y in Roma i^SJ ■* ^^^'4-^' fiS-
fecundâ parte in Roma z 66g , in-/^^.
féconde édition y in Roma z 686 y 2 vol.
in-^.'^ . fig. troifieme édition mife en iatiii
par Jacques Gronovius , Amfielod. z 68 ^^
2 vol. //z-4°. & à Francher 1(^94, 2 vol.
in-4\fig,
Léonard Agoftini , né à Boccheggiano ,
dans l'état de Sienne , étoit un connoiflèur
d'un goût exquis , & il avoit vcilli parmi
les antiques ; font recueil eft excellent ,
de même que forj difcours hifîorique qui
fert de préliminaire : il fait joindre l'utils
4 l'agréaole , le goût avec l'érudition. II
eut encore l'avantage de trouver un deflî*
nateur & un graveur habile dans la per-
fonne de Jean-Baptflle Galleflruzzi , flo-
rentin ; la deuxième édition , préférable
à la première pour l'ordre qui y a été
oblèrvé & l'amélioration dts difcours, lui
fera toujours inférieure par rapport aux
planches. Il n'eft pas inutile d'avertir qu'on
a C'.ipldyé dans cette édition deux Çones
de papiers , & qu'on doit donner la pré-
férence au plus^ grand papier ; car outre
Ppppp
que le petit efl: fort mauvais , Timpreffion
'^ des planches y eft trop négligée : l'édition
de Hollande a les planches gravées allez
proprement , mais fans goût.
De la Chaude , romanum Miifaum , &c.
Romce , 1690 , in-fol. editio fecunda ;
Pvom^e 1707 , inJoL editio tertia ; Romcs
1746, 2. vol. in-fol. item en iiançois ,
Ararferdam 1706 , in-fol lig.
' Michel-Ange de la Chaulîe , parilien ,
Javant antiquaire , étoit all^ afîez jeune à
Rome , & Ion caraûere , autant que fon
goût , Ty avoit fixé. Le corps d'antiquités
qu'il intitula Mufoeum romanum, dl une
colleâion qui réunit les plus finguliercs
antiquités qui fe trouvoient dans les cabi-
nets de Rome au temps où l'auteur écri-
voit. Les figures font accompagnées d'ex-
plications aulli curieufes qu'inllruâives.
Jamais ouvrage ne fut mieux reçu ; Grœ-
' vius l'inféra tout entier dans fon grand
recueil des antiquités romaines. Il tut
traduit en françois , &c imprimé à Amller-
dam en 1706 ; mais l'édition originale fut
fuivie d'une féconde , à tous égards pré-
férable à la première , pareillement faite
à Rome en' 1707, & confidérablement
augmentée par l'auteur même ; on en
donna tout de Ipite une troifieme édi-
tion à Rome en 1746 , en 2 volumes
in-fol. fort inférieure à la féconde , & dans
laquelle le libraire n'a cherché qu'à in-
duire le public en erreur , & abufer de fa
confiance.
La première partie du recueil de M. de
la Chauffe , comprend une fuite alTez nom-
breufe de gravures antiques , qui prefque
toutes font des morceaux d'élite , dont le
public n'avoit point encore joui dans aucun
ouvrage imprimé.
M. de la Chauffe a encore publiera
Rome, en 1700, //z-4®. fig. un recueil
de pierres gravées antiques , avec (es ob-
i'ervations ^ le choix des pierres efl fait
avec difcernement ; les explications écri-
tes en italien font judicieufes & pleines
d'érudition; les planches, au nombre de
deux cents , gravées par Bartholi , ne font
qu'au trait.
Mufxum florentinum , cum ' ohferv.
Ant. Franc Gori , Florentin , 173 1, 1732.,
2 vol. fol, maj, cum Jig. ^V.
P I E
Qui ne connoît pas le prix de ccîte rare
& immenie colledion ? jufqu'à préfènt on
n'en a vu, je crois, que fix volumes ;
mais c'en efl alTez pour admirer le plus
beau cabinet dtpierres gravées qu'il ait au
monde. Les deux premiers volumes donnés
en 173 1 & 1732. , contiennent toutes les
pierres gravées du grand duc , qui méritent
quelque confidération. Le premier volume
contient plus àe\i\.m ctms pierres gravées y
qui occupent cent grandes planches ; &
le fécond quatre cents dix-huit pierres
gravées , rangées comme dans le premier
fur cent planches ; les éditeurs n'ont point
craint d'excéder , ni par rapport à la lar-
geur des marges , ni pour la grofleur des
caractères , ni dans la dilpofition des titres:
répailfeur du papier répond à fa grandeur ;
aucun àts ornemens dont on a coutume
d'enrichir les livres d'importance, n'ont
été épargnés dans celui-ci ; en un mot
c'efl un ouvrage d'apparat , & qui remplit
parfaitement les vues de ceux qui l'ont
fait naître ; ce livre coure fprt cher , même
aux foufcripteurs ; & pour comble de mal-
heur, la grande inondation del'Arno , qui
a fait périr fur la fin de 1740 , une partie
de l'édition mife dans le palais Corfini ,
n'en a pas fait bailTer le prix.
10°. Des collections de pierres gravées.
Non feulement l'antiquité nous fournit des
exemples de pallions pour les pierres gra-^
vées y mais elle nous fournit des génies
fupérieurs , & les plus diflingués dans
l'état , qui formoient de ces collerions.
Quels hommes que Céfar & Pompée ! Us
aimèrent palîlonnément l'un & l'autre les
pierres gravées ; & pour montrer l'eflime
qu'ils en faifoient , ils voulurent que le
public fût le dépofitaîre de leurs cabinets.
Pompée mit dans le Capitole les pierres
gravées, & tous les autres bijoux précieux
(^u'il avoit enlevés à Mithridate ; & Céfar
confacra dans le temple de Vénus , fur-
nommée genitrix , celles qu'il avoit re-
cueillies lui-même avec des dépenfes infi-
nies ; car perfonne n'égaloit fa magnifi-
cence , quand il s'agifToit de chofes cu-
rieufes. Marcellus , fils d'Odavie , & ne-
veu d'Augufle , dépofà fon cabinet de
I pierres gravées dans le fanduaire du tem-
ple d'Apollon , fur le mont Palatin. Marcus
PIE
Scaurus , beau-fils de Sylla , homme vrai-
ment fplendide , avoit formé le premier
lin femblable cabinet dans Rome. Il falloit
être bien puiflant pour entreprendre alors
de ces coUedions. Le prix des belles pier-
res étoit monté fi prodigieufement haut ,
que de fimples particuliers ne pouvoient
guère fe flatter d'y atteindre. Un revenu
coniidérable fuffifoit à peine pour l'achat
à^unQ pierre précieufe. Jamais nos curieux ,
quelque paflionnés qu'ils foient , ne pouf-
ièront les c-hofes aufli loin que l'ont fait
les anciens. Je ne crois pas qu'on rencontre
aujourd'hui àts gens , qui femblables au
fénateurNonius, préfèrent l'exil , & même
la profcription , à la privation d'une belle
bague.
Il efl pourtant vrai que depuis le renou-
vellement des beaux arts , les pierres gra-
ve'es ont été recherchées par Jes nations
polies de l'Europe avec un grand empref-
ièmcnt ; & ce goût femble même avoir
pris de nos jours une nouvelle vigueur.
Il n'y a prelque point de prince qui ne
fe falTe honneur d'avoir une fuite de
pierres grai'ées. Celles du roi & celles de
l'impératrice reine de Hongrie , font con-
iidérables. Le recueil de M. le duc d'Or-
léans efî très-beau. On vante en Angleterre
les pierres gravées recueilhes autretois par
le comte d'Arundel , préfentement entre
les mains de miladi Germain , celles qu'a-
voit raflèmblé milord Pembrock , & la
colledion qu'en avoit fait le duc de Dé-
vonshire , l'un des plus illuflres curieux de
ce fiecle.
C'cft néanmoins l'Italie qui efl encore
remplie àts plus magnifiques cabinets de
pierres gravées. Celui qui avoit été formé
par \qs princes de la maifon Farnefe , a
tait un des principaux ornemens du cabinet
du Toi des deux Siciles ; la colledion du
palais Barberin , tient en ce genre un des
premiers rangs dans Rome qui , de même
que Florence & Venife, abonde en ca-
binets particuliers de pierres gravées. Mais
aucune de ces collections n'égale celle que
poffédoit le grand duc , qui paroît être la
plus finguliere & la plus complète qu'on
ait encore vue , puifque le marquis MalFei
afîure qu'elle renferme près de trois mille
pierres gravées. On fait que les plus remar-
P I E 8|r
quables fe trouvent dans le mufœum jio-
reminum ,' aufîl faut-il convenir que les
peuples d'Italie font à la fource des belles
chofes. Fait-on la découverte de quelque
rare monument , de ceux d'une ville même,
d'un Herculanum y par exemple , elle fe
fait pour eux : ils font les premiers à en
jouir ; ils peuvent continuellement étudier
l'antique qui efl fous leurs yeux ; & comme
leur goût en devient plus sûr & plus délicat
que le nôtre , ils font aufli généralement
plus fenfibles que nous aux vraies beautés
àes ouvrages de l'art.
11°. Des belles pierres gravées. Pour
avoir des pierres gravées y exquifes en
travail, il faut remonter jufqu'au temps
des Grecs ; ce font eux qui ont excellé en
ce genre , dans la compofition , dans la
corredion du deffin , dans l'expreffion ,
dans l'imitation , dans la draperie , en un
mot dans tout genre. Leur habileté dans
la repréfentation des animaux, efl encore
fupérieure à celle de tous les autres peu-
ples. Ils étoient mieux fervis que nous danS
leurs modèles, & ils ne faifoient abfolu-
ment rien fans confulter la nature. Ce que
nous difons de leurs ouvrages au fujet de
la gravure en creux , doit également s'ap-
pliquer aux pierres gravées en relief, ap-
pellées camées ou camaïeux. Ces deux
genres de gravure ont toujours chez les
Grecs marché d'un pas égal. Les Etrufques
ne les ont point égalés ; & les Romains
qui n'avoient point l'idée du beau , leur
ont été inférieurs à .tous égards. Quoique
curieux à l'excès des pierres gravées , quoi-
que foutenus par l'exemple des gr^aveurs
grecs qui vivoient parmi eux , ils n'ont
eu en ce genre que des ouvriers médiocres
de leur nation, & la nature leur a été
ingrate. Les arts illuflroient en Grèce ceux
qui les pratiqu oient avec fuccès ; les Ro-
mains au contraire n'employoient à leurs
fculptures que des efclaves ou des gens du
commun.
12**. De la plus belle pierre gravée ^on-
nue. La plus belle pierre gravée fortie des
mains des Grecs , & qui nous efl refiée ,
efl , je penfe , la cornaline , connue fous le
nom de cachet de Michel-Ange. C'efl le
plus beau morceau du cabinet du roi de
France , & peut-être du monde. On dj?
P p p p p 2.
851 PIE
qu'an orfèvre de Bologne en Italie , nommé
jiugiiftin Tajfi y l'eut après la mort de
Michel- Ange , & la vendit à la femrne
d'un intendant de la maifon de Médicis.
Le lieur de Bngarris qui a été garde du
cabinet des antiques de Henri III , l'acheta
huit cents écus , au commencement du
dernier fiecle , des héritiers de cette dame
qui étoient de Nemours : le fieur Lauthier
le père l'eut après la mort de ces antiquai-
res ; & ce font lesenfans dudit fieur Lau-
thier , qui l'ont vendue à Louis XIV.
VoycT^ Cachet de Michel-Ange.
13*, ïyes pierres gravées de V ancienne
Home. Il femble par ce que nous avons
remarqué tout à l'heure , qu'il y avoit parmi
\ts Romains une forte d'infuffifance pour
la culture des arts. J'ajoute , que ce n'eft
pas la feule nation qui pour avoir poflédé
les plus belles chofes , & les avoir en ap-
parence aim^ées avec paillon , n'a pu four-
nir ni graads peintres , ni grands fculp-
teurs. Je n'ai plus qu'un mot à dire au
fnjet de certaines gravures fur le cryftal
par les modernes.
14°. Des gravures des modernes furie
cryflal en particulier. Les graveurs mo-
dernes ont gravé en creux fur des tables
de cryilal , d'affez grandes ordonnances
d'après les deflins des peintres , & l'on
enchâiToit enfuitc ces gravures dans des
ouvrages d'orfèvrerie > pour y tenir lieu
de bas-reliefs.
Il faut lire, dans le Vafari , lesdefcrip-
tions qu'il fait d'un grand nombre de ces
gravures , qui enrichilfoient des croix &
des chandeliers delbnés pour des chapel-
les , & de petits coftres propres à ferrer
des bijoux. Valerio Vicentini en avoit
exécuté un qui étoit entièrement de cryf-
tal , & où il avoit repréfenté des fujets
tirés de l'hifloire de la paffion de Notre-
Seigneur. Clément VII en fit préfent à
François I, lors de Tentrevue qu'il eut
avec ce prince à Marfeille^ à l'occalion
du mariage de Catherine de Médicis > fa
nièce ; & c' étoit y au rapport du Vafari ,
un morceau unique & fans prix. {Le Che-
valier be J AU COURT. )
Pierre GKkNtY. factice ^ {Gravure.)
Voici la manipulation ufitée pour faire des
pierres gradées faâices: On prend du blanc
F î E
' qui fe trouve chez, les épiciers-droguifles
en gros pains , qu'ils appellent blanc à^Ef^
pagne ou de Rouen. { Voye\ BlaNC ,
couleur en peinture ) ; on l'humede avec
de l'eau , & on le pétrit pour le former
en gâteau , à-peu-près de la confiftance
que fe trouve la mie de pain frais lorfqu'on
la pétrit entre les doigts ; on remplit de
ce blanc humeôè un anneau de fer de deux
ou trois lignes d'èpaifîèur , & du diamètre
qui convient à la pierre que l'on veut mou-
ler ; fi l'on ne veut pas faire forger des
anneaux de fer exprès , ceux qui iè trou-
vent tout faits dans les cifeaux y font très-
propres , on n'a bèfoin que de les en dé-
tacher ^\tQ la lime. On emplit l'anneau
de cette pâte dans lequel on la prefîè avec
le doigt; on met enfuite delTus une cou-
che de tripoli en poudra feche , au moins
aflez épaiflib pour fufïîre au relief que l'on
veut tirer. On le ferr pour cela d'un cou-
teau à couleur, pareil à ceux des peintres ;
on prelTe légèrement le tripoli avec le cou-
teau , & on met deffus , du côté de la
gravure, \a pierre que l'on veut mouler ,
fur laquelle on appuie fortement avec le
pouce, ou pour mieux faire encore, avec
un morceau de bois tel que le manche
d'outil.
Il efî efîèntiel alors de foulever un peu
tout de fuite X'à pierre par un coin, avec
la pointe d'une aiguille enchâffée dans un
petit manche de bois^ & après l'avoir
lailTée encore un inlîant , on la fera fauter
totalement de deffus fon empreinte avec
la pointe de l'aiguille , ou on l'en déta-
chera en prenant le moule avec les deux
doigts , & en le renverfant brufquement.
Il faut beaucoup d'adreffe & d'ufage pour
bien faire cette dernière opération. Si la
pierre ne refle pas alfez long-temps fur le
moule après avoir appuyé delfus , & qu'on
vienne à l'en faire fauter avant que l'hu-
midité de la pâte du blanc d'Efpagne ait
atteint la furface du tripoli , le renverfe—
ment de la pierre caufera du dérangement
dans l'empreinte. Si la pierre refle trop
long-temps fur le moule après avoir ap-
puyé delTus, l'humidité de la pâte du
blanc d'Efpagne gagne tout-à-fait les creux
de la gravure , dans lefquels il refle infail-
liblement des parties du tripoli. Il faut
\
P I E
donc , pour réufllr , que le renverfèment de
la pierre fe fafle dans le moment où l'hu-
miclité de la pâte du blanc d'Efpagne vient
d'atteindre la furface du tripoli , qui tou-
cliç à toute la furface de la gravure de la
pierre que l'on peut mouler.
Si l'on ne faif t pas ce moment , on
manque une infinité d'empreintes ; il y a
même des pierres que la profondeur de la
gravure rend fi difficiles à cet égard , qu'on
ti\ obligé , après les avoir imprimées fur
le tripoli , de les laiffer en cet état.jufqu'à
ce que Je tout foit parfaitement Çqc , avant
de tenter de féparer la pierre de l'em-
preinte : quoique cette pratique foit plus
sûre , il faut cependant convenir qu'elle
ne laifTe pas l'empreinte auflî parfaite que
l'autre , quand elle efi bien exécutée.
Le choix du tripoli eft encore une chofe
de la dernière importance. M. Homberg ,
dans le mémoire qu'il a donné parmi ceux
de l'académie des fciences en 1712 , veut
que l'on fe ferve de tripoli de Venifè qui
cft ordinairement jaune ; mais il s'en trouve
en France de rougeâtre qui fait le même
effet : il faut feulement le choifir tendre
& doux au toucher comme du velours ,
en rejetant tout celui qui feroit dur &
qui contiendroit du fable. Il ne faut pas
tenter d'en ôter le fable par les lavages,
on ôteroit en même temps une onduofité
qui fait que, lorfqu'on le prefTe , (ts parties
ie joignent & fe collent enfemble , & par
ce moyen en font une furface aufîî polie
que celle du corps avec lequel on le prefTe.
Il faut donc fe contenter , aç)rès avoir
pafTé le tripoli par un tamis de foie très-
fin , de le broyer encore dans un mortier
de verre ou de porcelaine avec un pilon
de verre , fans le mouiller.
Le renverfement de la pierre que l'on
vient d'imprimer étant fait , il faut en con-
lidérer attentivement la gravure , pour voir
s'il n'y feroit pas refté quelques petites
parties du tripoli ; dans lequel cas , comme
CQS parties manqueroient à l'empreinte , il
faut recommencer l'opération en remet-
tant de nouveau blanc d'Efpagne dans
l'anneau & de nouveau tripoli defïùs»
Lorfque l'on eft content de l'empreinte ,
on la met à fecher ; & quand elle efl par-
faitement feehe ^ on peut avec un canif
PIE 853
cgalifer un peu le tripoli qui déborde l'em-
preinte, en prenant bien garde qu'il n'en
tombe pas fur l'empreinte. _
Lorfqu'on fera affuré que l'empreinte
eft bien faite & le moule bien fec , on
choifira le morceau de verre ou de com-
pofition fur lequel on veut tirer l'em-
preinte ; plus les verres feront durs à
fondre, plus le poli de l'empreinte fera
beau. On raillera le morceau de verre de la
grandeur convenable , en l'égrugeant avec
de petites pinces , & on le pofera" fur le
moule , en forte que le verre ne touche
en aucun endroit la figure imprimée , qu'il
pourroit gâter par fon poids.
On aura un petit fourneau pareil à ceux
dont fe fervent les peintres en émail ,
( VoyeT^ Email) , dans; lequel il y aura
une moufle ; on aura eu foin de remplir
ce fourneau de charbon de bois , de façon
que la moufle en foit environnée deffus ,
defTous , & par fes côtés. Lorfque le char-
bon fera bien allumé & la moufle très-
rouge , on mettra le moule , garni du
morceau de verre fur lequel on veut tirer
l'empreinte , fur une plaque de tôle , & on
l'approchera ainfî par degrés de l'entrée
de la moufle , au fond de laquelle on le
portera tout-à-fait lorfqu'on le jugera afTez
chaud pour que la grande chaleur ne fafîe
pas cafïèr le morceau de verre ; on bou-
chera alors l'entrée de la moufle avec un
gros charbon rouge , de façon cependant
qu'il fe trouve un petit intervalle par le-
quel on puifTe obferver le verre.; Lorfque
le verre paroîrra luifant , & que fes angles
commenceront à s'émouffer , on retirera
d'une main avec à^s pincettes la plaque
de tôle ; & avec l'autre main , fur le bord
même du fourneau , fans perdre de temps ,
on prefïèra fortement le verre avec uvt
morceau de fer plat que l'on aura tenu,
chaud.
L'imprelîlon étant finie , on lai^fîêra le,
tout à l'entrée du fourneau , afin que le
verre refroidifîê par degrés, fans quoi il
feroit fujet à cafïèr.
Si l'on veut copier en creux une pUnb
qui efl en relief, ou en relief une pierre
quieft en creux ; il faut en prendre une
empreinte exade avec de la cire d Efpa-
gtie j ou avec du foufte. fondu, avec ua p^a.
854 PIE
de minium. Il faut abattre avec un canif
& une lime ce qui aura débordé l'em-
preinte , & on le (êrvira de cette erp-
preinte de cire d'Efpagne ou de foufre
pour imprimer fur le rripoli.
Comme par le procédé que l'on vient de
donner , on voit que Ton ne peut avoir que
des pierres d'une couleur , on va donner
celui qu'il f^iut iuivre pour imiter les variétés
& les difterens accidens que l'on voit dans
les camées.
Les agates onix dont on forme les ca-
mées , étant compofées de couches de
différentes couleurs , & n'étant point trani-
parentes , on a pris pour les imiter des
morceaux du verre colorié dont on fe fer-
voit pour compofer les vitres des églifes ;
on a rendu ces verres opaques en les flra-
tifiant dans un creufet avec de la chaux
éteinte à l'air , du plâtre , ou du blanc
d'Efpagne, c'eft-à-dire , en mettant
alternativement un lit de chaux ou de plâ-
tre, & un lit de verre. En expofant ce
creufet au feu afléz fort , ces verres de-
viennent opaques en confervant leurs cou-
leurs ; & ceux qui n'en avoicnt point de-
viennent d'un bianc de lait comme l'émail
ou la porcelaine.
Si le feu a été bien ménagé dans le
commencement , & qu'on ne l'ait point
poufle trop fort fur la fin , ces verres
opaques font encore fufceptibles d'entrer
en fonte à un plus grand feu ; on peut
donc fouder les uns fur les autres ceux de
différentes couleurs , & par^ ce moyen
imiter les lits de différentes couleurs que
l'on rencontre dans les agates onix. On
rencontre même dans les vitrages peints
des anciennes églifes , des morceaux de
verres dans lefquels la couleur n'a pénétre
que la moitié de leur épailïèur ; les pour-
pres ou couleur de vinaigre font tous dans
ce cas ainfi que plufieurs bleus. Lorfque
ces verres font devenus opaques , ainfi
qu'on l'a dit , la partie qui n'a point été ■
pénétrée de la couleur , fe trouve blanche
& forme avec celle qui étoit coloriée deux
lits difFérens , comme on en voit dans les
agates onix : lorfqu'on ne veut point fou-
der cnfemble les verres de différentes cou-
leurs , il faut travailler fur ceux-là. Avant
que de fe fervir de ces verres qui ont des
P I E
couches de différentes couleurs , il faut
les faire pafiér fur la roue du lapidaire ,
& manger de la furface blanche qui elï
deffinée à repréfenter les figures du relief
du camée , jufqu'A ce qu'elle foit réduite
à une épaifîeur plus mince , s'il efl pofJGble ,
qu'une feuille de papier.
On. pofé ce verre du côté de la furface
blanche que l'on a rendue fi mince , fur
le modèle dans lequel eu l'empreinte de
la gravure qu'on veut imiter^ on le fait
chauffer dans la moufle , & on l'imprime
de la manière que l'on a dit ci-devant.
Les verres que l'on a rendus opaques ,
en fuivant le procédé ci-^efîùs, étant alors
fufceptibles d'être travaillés au touret , on
y applique la pierre dont on vient de par-
ier ; & avec les mêmes outils dont on fe
fert pour la terre en pierres fines , on
enlevé aifémcnt tout le blanc du champ
qui déborde le relief, & les figures paroii-
fènt alors ifoiées fur un champ d'une cou-
leur différente , comme dans les camées.
Si l'on ne vouloit imiter qu'une fimple
tête , qui ne fût pas trop difficile à chan-
tourner , on pourroit fé contenter , après
avoir moulé cette tête , de l'imprimer
enfuite fur un morceau de verre opaque
blanc. On feroit enfuite pafîér ce verre
imprimé fur la roue du lapidaire , & on
l'uferoir par derrière avec l'émeril & de
l'eau , jufqu'à ce que toute la partie qui
fait un champ à la tête , fe trouvât dé-
truite , & qu'il ne refiât abfolument que
le relief. S'il fe trouve après cette opéra-
tion qu'il <bit encore demeuré quelque
petite partie du champ , on l'enlevé avec
la lime ou avec la pointe des cifeaux ; on
applique cette tête ainfi découpée avec
foin fur un morceau de verre opaque d'une
couleur différente ; on l'y colle avec de
la gomme ; & quand elle y efl bien adhé-
rente , on pofe le verre du côté de la
tête fur un moule garni de tripoli , & on
l'y preflè comme fi on l'y vouloit mouler :
mais au lieu de l'en retirer , comme on fait
quand on prend une empreinte , on laifTe
fécher le moule toujours couvert de fon
morceau de verre ; & lorfqu'il eft fec , on
l'enfourne fous la moufle , & on le prefTe
avec la fpatule de fer lorfqu'il efl en fufion ,
1 ainfi qu'il a été expliqué ci-devant. La
P I E
gomme qui attachoit la tête fur le fond fè
brûle ; ainfi ks deux morceaux de verre ^
celui qui forme le relief & celui qui lui
doit fervir de champ , n'étant plus féparcs ,
s'unifTent étroitement en fe fondant , fans
qu'on puiffe craindre que dans cette fonte
le relief puifTe fouffrir la moindre altéra-
tion , puifque le tripoli , en l'enveloppant
de toutes parts , lui fert comme d'une
chape , & ne lui permet pas de s'écarter.
Si on vouloit que quelques parties du relief,
comme les cheveux , fulïènt d'une couleur
différente , il fuffit d'y mettre au bout d'un
tube de verre un atome d'une dlflblution
d'argent par l'efprit de nitre , & faire en-
fuite chauffer la pierre fous la moufle ,
jufqu'à ce qu'elle foit très-chaude fans rou-
gir. Il faut feulement prendre garde que
la vapeur de l'efprit de nitre ne colore
le relie de la figure.
Les verres tirés des anciens vitrages
peints des éghfes , font ce qu'il y a de
meilleur pour faire ces efpeces de camées :
il efl vrai qu'ils .ont befoin d'un très-grand
feu pour les mettre en fonte quand ils ont
été rendus opaques , comme on l'a dit ;
mais ils prennent un très-beau poH , &c
ne font pas plus fufceptibles d'être rayés que
les véritables agates.
Pierres précieuses, (ffifl. nat.
Minéral. ) C'efl ainfi que l'on nomme des
pierres à qui leur dureté , leur tranfpa-
rence , leur éclat , leurs couleurs & leur
rareté ont fait attacher un prix confidérable
dans le commerce ; c'ell fuivant toutes ces
circonftances que l'on a affigné divers rangs
aux pierres pre'cieufes.
Les yr^i^QS pierres pre'cieufes ào'wtnt avoir
de la tranfparence & de la dureté ; c'efl
fur-tout par cette dernière qualité qu'elles
différent du cryllal. Cette dureté fuppoic
des parties plus denfes & plus rapprochées,
ce qui doit produire néceffaircment un plus
grand poids fous un même volume. L'ho-
mogénéité des parties doit encore produire
dans les pierres pre'cieufes la tranfparence
& l'éclat : c'efl ce qu'on appelle eau en
langage de lapidaire ; & c'efî le plus ou le
moins de tranfparence ou de netteté de
ces pierres qui avec leur dureté augmente
ou diminue confidérablement le prix qu'on
y attache.
PIE 8yy
Lqs vraies pierres pre'cieufes font le dia-
mant , le rubis , le faphir , la topafe ,
l'émeraude , la chryfolite , l'améthyfte ,
l'hyacinthe , le péridot , le grenat , le be-
rille ou aigue-mârine. Voye^ ces digérais
articles.
Toutes ces pierres fe trouvent , ou dans
le fein de la terre , ou dans le lit de quel-
ques rivières , au fable defquelles elles font
mêlées; elles ne peuvent pour l'ordinaire
être reconnues que par ceux qui font ha-
bitués à les chercher. C'ell fur-tout dans
les Indes orientales que l'on trouve lesr
pierres pre'cieufes les plus dures & les pkis
eftimces ; les îles de Bornéo , ks royau-
mes de Bengale , de Golconde , de Vifapour
& de Pégu , ainfi que l'île de Ceylan ,
en fourniflènt afïèz abondamment. Quant
à celles que l'on trouve dans les autres
parties du monde , elles n'ont communé-
ment ni la dureté , ni l'éclat , ni la tranf-
parence des pierres pre'cieufes qui viennent
de l'orient. C'ell-là dt qui a donné lieu à
la diflindion que font les jouaillers & les
lapidaires de ces pierres en orientales &
en occidentales; dillindion qui n'cfl fondée
que fur leur plus ou moins de dureté. Ainfi
quand un lapidaire dit qu'une pierre pré-
cieufe eft orientale y if ne faut point ima-
giner pour cela qu'elle vienne réellement
d'orient ; mais il faut entendre par-là que
•fa dureté elî la même que celle des pierres
de la même nature qui viennent de ces
climats. Cette obfervation efl d'autant plus
vraie , qu'il s*êfl trouvé en Europe même &
dans l'Amérique , des pierres pre'cieufes qui
avoient la dureté & l'éclat de celles des
Indes orientales. •
Il efl très -difficile de rendre raifbn
pourquoi les Indes font plus difpofées que
d'autres pays à produire àts pierres pre'-
cieufes ; il paroît en général que \qs cli-
mats les plus chauds font plus propres à
leur formation que les autres , foit que la
chaleur du foleii y contribue , foit que la
nature du terrain y foit plus appropriée ,
& les fucs lapidifiques plus atténués & plus
élaborés. Quoi qu'il en foit , il paroît cer-
tain que toutes les pierres pre'cieufes ont
la même origine que les cryflaux ; lorfqu-'on
les trouve dans leurs matrices ou minic-
, res , elles affedent toujours une figure
§5^ PIE '
régulière & déterminée qui varie > étant /
r^^ntôr prifmatiques , tantôt cubiques , tan- '
tôt en rhomboïde , ^c.
A l'égard des pierres precieufes qui fe
trouvent dans le lit des rivières , & mêlées
dans le fein de la terre avec le fable , on
fent aifément que ce n'efî point là le lieu
de la formation ; ces pierres qui font rou-
lées & arrondies comme les cailloux ordi-
naires , doivent avoir été apportées d'ail-
leurs par les torrens & les eaux , qui les
ont arrachées des roches & des montagnes
où elles avoient pris naillance. On a remar-
qué que c'eft à la fuite des fortes pluies que
l'on trouvoit plus communément Iqs pierres
precieufes^ les topafes & les grenats dans le
lit àts rivières de l'île de Ceylan. On aiTure
qu'il fe trouve en Bohême des cailloux au
centre defquels on voit des rubis lorlgu'on
vient à les calïèr. Ce fait prouve que cts rubis
ne font autre chofe que la matière la plus
épurée de ces cailloux qui s'efl ralîembléeà
leur centre,
lues pierres precieufes varient pour la
couleur ; les rubis font rouges , \qs topafes
(ont jaunes , les émeraudes font vertes ,
les faphirs font bleus , ^c. On ne peut
douter que ces différentes couleurs ne foient
dues aux métaux , qui feuls dans le règne
minéral ont la propriété de colorer. Comme
ces fubflances font difiérentes de celles qui
conllituent les pierres precieufes^ il n'efî^
point furprenant que les pierres colorées
n'aient point communément Ja même du-
reté que le diamant , qui efl pur , tranf-
parent , & compofé de parties purement
homogènes.
Une des chofes qui Contribuent le plus
au prix des pierres precieufes y c'efl leur
grandeur. En effet , fi ces pierres font
rares par elles-mêmes , celles qui font d'une
certaine grandeur font moins communes
encore. On pourroit en rendre une raifon
affez naturelle , en difant que les pierres
precieufes font pour ainfi dire l'extrait ou
i'efîence d'une grande mafTe de matière
lapidifique , dont la partie la plus pure &
la plus parfaite ne peut former qu'un très-
petit volume lorfqu'ellc a été concentrée
& rapprochée par l'évaporation infenfible
qui lui a donné la confiftance d'une
pierre.
PI E
Le grand prix des pierres précieufe»
n'avoit point permis jufqu'à préfent aux
chyinifîes d'en tenter les analyfes par le
moyen du feu : une entreprife fi coûteufe
éfoit réfèrvée à àçs fbuverains ; elle a été
tentée à Vienne depuis quelques années ,
par l'empereur François I , aduellemenc
régnant, dont le goût pour le progrès des
fciences efl connu de tout le monde. Par
\ts ordres de ce prince on mit plufieurs
diamans & rubis dans des creufets termi-
nés en pointe , que l'on eut foin de luter
avec beaucoup d'exaditude , on les tint
au degré de feu le plus violent pendant
vingt-quatre heures ; au bout de ce temps ,
lorfqu'on vint à ouvrir les creufets ; on
vit avec furprife que les diamans étoient
totalement difparus , au point de n'en
trouver aucun veftige. Quant aux rubis ,
on les retrouva tels qu'on les avoit mis ;
ils n'avoient éprouvé aucune altération :
fîjr quoi on expofa encore un rubis pen-
dant trois fois vingt-quatre heures au feu
le plus violent , qui n'y pfoduifit pas plus
d'effet que la première fois ; il fortit de
cette épreuve fans avoir rien perdu ni de
fa couleur , ni de fon poids , ni de fon poli.
L'empereur a fait faire la même expé-
rience de la même façon , fur plus de
vingt pierres precieufes de différentes
efpeces ; de deux heures en deux heures on
en retiroit une du feu , afin de voir les
difFérens changemens qu'elles pouvoicnt
fucceffivement éprouver. Peu-à-peu le
diamant perdoit fon poli , devenoit feuil-
leté , & enfin difparoifîbit totalement ;
l'émeraude étoit entrée en fulion , & s'étoit
attachée au fond du creufet, quelques autres
pierres s'étoient calcinées , & d'autres
étoient demeurées intades. Avant de faire
ces expériences, on avoit eu la précaution
de prendre àts empreintes exades de
toutes ces pierres p afin de voiries altéra-
tions qu'elles éprouveroient.
Le grand duc de Tofcane avoit déjà
antérieurement fait faire des expériences
fur la plupart des pierres precieufes y en
les expofant au foyer d'un miroir ardent
de Tfchirnhaufen. Ces opérations peuvent
fèrvir de confirmation à celles qui ont
été rapportées ci-deffus faites au feu ordi-
naire. On trouva donc que le diamant
réfifloic
PIE
réfiiîoit moins à raâion du feu fblaire que
toutes ]çs autres pierres pre'cieufes ; il
commençoit toujours par perdre fon poli ,
fon éclat & fa tranfparcnce ; il devenoit
enfuite blanc & d'une couleur d'opale ; il
ie gerçoit & fè mettoit en éclats , & en
petites molécules triangulaires , qui s'écra—
foient fous la lame d'un couteau , & fe
réduifoient en une poudre dont les parties
étoient imperceptibles , & qui , confidérées
au microfcope , avoient la couleur de la
poudre de la nacre de perle. Tous les
diaraans fubiffoient cts mêmes change-
mens , \ts uns plutôt , \qs autres un peu
plus tard.
Enfin on efîâya de joindre au diamant
difFérens fondans ; on commença par du
\errQ , qui ne tarda point à entrer en
fufion au miroir ardent , mais le diamant
nageoit à fa furfacô , fans faire aucune
union avec lui ; on chercha à l'enfoncer
dans la matière fondue , mais ce fut inu-
tilement : le diamant diminua peu-à-pcu ,
& fe diffipa à la fin comme dans les ex-
périences dans Icfquelles on n'avoit point
employé de verre.
On ne réuffit pas mieux a faire entrer
le diamant en fufion , en le mêlant foit
avec de la fritte de verre , foit avec du
fel de tartre , foit avec du foufre , foit
avec du plomb ; il repouiîa confiammcnt
tous ces fondans ; il ne fit non plus au-
cune union ni avec les métaux , ni avec
les pierres y de quelque nature qu'elles fuf-
fent , ni avec le vitriol , l'alun , le nitre , le
fel ammoniac ; en un mot , jamais le dia-
tnanr ne marqua la moindre difpofition à
entrer en fufion.
Le rubis réfifla beaucoup mieux que
le diamant à l'adion du feu folaire , qui
ne fit que changer fa couleur & le ra-
mollir , fans lui rien faire perdre de fon
poids. On trouvera ces expériences à V ar-
ticle Rubis.
Des émeraudcs expofées à cette même
chaleur , ne tardèrent pas à entrer en
fufion ; elles commencèrent par devenir
blanches , & par former des bulles ; la
couleur & la tranfparence difparurcnt , &
ces pierres paflerent par différentes nuan-
ces , fuivant le temps qu'elles furent ex-
pofées à l'adion du feu. Ces pierres
Tome XXK
PIE . F57
deviennent par-là très-cafîantes & très-ten-
dres , au point de pouvoir en détacher des
parties avec l'ongle. Voye-{ giornale de
leueran d'Italia ^ tom. IX. ( — )
Gravure , auteurs fur l'art de la
gravure. Pomponii Gaurici Neapolitani
de fculptura y feu ftatuaria y libellus ,
Florentine i £o4-y in-S". Item {fecunda
editio emenaatior y curante Cornelio Gra-
pheo), Antuerpice z£z8y in-S^. Le
même ouvrage dans le tom. IX du recueil
des antiquités grequcs.
Aldus Manutius de ccelaturâ Ù piciurâ
veterumy dans le tom. IX du recueil à^s
antiquités greques.
Ludovici Demontiofii Gallus Romce
hofpes y ubi multa antiquorum monumenta
explicantur. Romce z ^8 ^ y in-4°. cum
fig. Item. La partie de cet ouvrage qui
traite àts arts , ayant le deffin pour objet ,
à la fuite de la da^yliotheca de Gorlée ;
& dans le tom. IX de la coUedion des
antiquités greques , fous ce titre : Lud.
Demontiofii de veterum fculptura y ccela-
turâ gemmarum y fculptura Ù picturâ ,
lihri duo.
JuUi Caifaris Bellengeri, de piclurâ ,
plaflice y ^ Jîatuariâ y libri duo. Lugduni
i 6zj y in-S**. & dans le tom. IX du
recueil des antiquités greques.
De la gravure fur les pierres pr(cieufts
Ù fur les cryfiaux y ch. viij y du liv. II y
des principes de V architecture y de lafculp-
ture & de la peinture y par André Félibien;
féconde édition augmentée. Paris i6qo y
in-4*.
De modo cœlandi gemmas y ch. xxvii] ^
du livre intitulé : Diffenatio glyptogra-
phica. Romce , tJ39y in-4®.
Manière de copier fur le verre les pierres
gravées y par Guillaume Humberg , dans
les me'm. de l'acad. roy. des fcienc. année '
zjzz. Paris , in-4*.
Vie des graveurs. Vafari Giorgio nous
a donné les vies des illuftres peintres ,
graveurs & architeâes , à Boulogne 1647 ,
3 vol. in-4'*. On en trouvera la fuite dans
un ouvrage du chevalier Vettori , dans
une differtation latine fur les pierres gra-
vées, A Rome zy^d y in-4®.
Nous avons quantité de cabinets de
pierres gravées > publiés en Italie , dans
Qqqqq
$S^ PIE
ks Pays-Bas, en Allemagne, en Angle-
terre , & en France.
Gaurici {Pomponii y &c. ) Pomponio
Gaurico , né à Gifoni , bourg dans le
royaume de Naples , avoir écrit ce traité
fur la fculpture , dont la première édi-
tion eil de Florence 1504. Quoiqu'il dife
qu'il raanioit lui- même le cii'eau , il pa-
roît qu'il le manioit fort mal. Son livre
mis en dialogue efl auffi inutile que mal
écrit.
Minutius Albus , &c. Son livre ne peut
întérefTer tout au plus que des grammai-
riens.
Bullengerii ( Julii Ccefaris y &c. ) Ce
qui a été dit par le Jefuitc Julate - Céfàr
Boulanger , dans Ton traité far la peinture
Ù la fculpture des anciens ^ eft encore
beaucoup plus fuperficiel. .
Demontiofii (Ludoi'ici) ; Louis de Mon-
jofieu , loué dans M. de Thou , étoir un
habile antiquaire , & à l'occafion de la
fculpture , il parla des pierres grai'ées ;
mais il n'a prefque fait que tranfcrire à la
fin de fa dijfertation latine fur la fculpture
des anciens , k peu de chofe qu'il avoit lu
dans Pline concernant l'art de la gravure
en pierres fines.
Si tous ces auteurs avoient eu bien fé-
rieulèmentle defîêin d'inflruire , ils dévoient
s'en rapporter moins à leurs propres lumiè-
res , & confulter davantage les gens de
l'art ; ils fe lèroient exprimés plus perti-
nemment. C'eft le parti fage qu'ont pris
M. Félibicn & M. le chevalier de Vettori ,
& qui leur a réuffi lorfqu'ils nous ont ex-
pofe fous les yeux toutes les différentes
opérations manuelles de la gravure en
pierres fines ; le premier dans its principes
des arts , & le fécond dans une dijferta-
tion fur les pierres gravées y dont j'aurai
occaîion de parler plus d'une fois. On peut
-auffi fe fier à M. Humberg , quand on
voudra faire à^s copies fur verre des
pierres gravées. La méthode qu'il tnÇtignt
dans un mémoire qui fait pariie de ceux
de l'académie royale des fciences , efl
fondée fur l'expérience j le favant acadé-
micien n# rapporte rien qu'il n'ait prati-
qué lui-même.
Taille ^w Di AMANT , ( Art du la-
fiàajre. } la taille du diamant efl le poli ,
P I E
le brillant & la forme qu'on donne sux
diamans bruts par le fecours de l'art.
C'efl: une découverte moderne y qui n'efl
point le produit de la recherche des gens
qu'on nomme dans le monde gens d'efprity
ni même des philofophes fpéculatifs. Ce
n'efl pas à eux que nous en forames rede-
vables , non plus que des inventions les
plus étonnantes ; mais au pur hafard , à
un inflind méchanique , à la patience ,
au travail & à (qs refTources. Nous indi-
querons bientôt , d'après M. Mariette , la
manière dont cette découverte a été faite
il n'y a pas encore 300 ans , fuivie &:
conduite au point de perfedion où elle
efl aujourd'hui. L'encyclopédie , s'il m'elt
permis de répéter ici les paroles des édi-
teurs de cet ouvrage , " l'encyclopédie
» fera l'hifloire des richefles de notre
n fiecle en ce genre ; elle la fera & à ce
» fiecle qui l'ignore , & aux fiecles à venir
» qu'elle mettra fur la voie pour aller plus
n loin. Les découvertes dans les arts n'au—
» ront plus à craindre de fe perdre dans
» l'oubli. «
Perfonne n'ignore que le diamant efB
la plus compadc , & par conféquent la
plus dure de toutes les produdions de la
nature. 11 entame tous les autres corps ^
& ne peut l'être que par lui-même ; &
s'il a fîir eux de l'avantage, il en efî
redevable à cette extrême dureté , puif^
que c'efl elle qui lui procure ce feu étin-
celant dont il paroît pénétré. Le diamant
fe tire de la raine ordinairement brut , &
refîemble alors k un fimple caillou ; oa
n'en rencontre point communément aux-
quels la nature ait elle - même donijé la
taille , c'efl-à-dire , qu'ils foient polis , que
la nature y ait concouru , & dont les faces
foient régulièrement formées '-, mais il s'en
préfente cependant quelquefois où la taille
paroît indiquée , & qui ayant roulé parmi
les fables dans le lit des rivières rapides y
fe trouvent polis naturellement , & tout
à fait tranfparens : quelques-uns même font
facettés. Ces Çonts de diamans bruts fè
nomment bruts ingénus ; & lorfque leur
figure eft pyramidale & fè t<;riTiine en
pointe , on les appelle pointes naïves.
Il n'y a pas d'apparence que les an-
ciens aient reconnu & recherché d'autirea
PI E
d'iamans que ces derniers ; les quatre qui
enrichiflent l'agrafFe du manteau royal de
Charlemagne , qu'on conferve au tréfor
de Saint-Denis , ne font que ces pointes
ndïies. Tout imparfaits qu'étoient les dia-
mans que la nature avoit ainli formés , on
ne laiifa pas de les regarder comme ce
qu'elle offroit de plus rare ; & Pline ,
lit'. XXXVII ) chap. iv y remarque
que pendant long - temps il n'appartint
qu'aux rois , & même aux plus puiflâns ,
d'en pofféder quelqu'un. On foupçonnoit
Agrippa , dernier roi àts Juifs , d'entre-
tenir un commerce inceftueux avec Béré-
nice fa fceur ; & le précieux diamant qu'il
mit au doigt de cette princefle , réalifa
prefque ces foupçons ( voye\ Juvcnal Sa-
tyre vj , vers ^ 55 ) ^ tant on avoit conçu
une haute idée de cette pierre ineftimable !
Je laifîe à penfer de quel œil les Romains
auroient regardé nos diamans brillçLns ,
eux dont la magnificence alloit jufqu'à la
prodigalité la plus outrée , quand il i'agif-
fbit de fatisfaire leur luxe.
Pline nous débite que pour avoir de
îa poudre de diamant , dont les graveurs
fe fervent lorfqu'ils gravent les autres
pierres fines , on fait tremper le diamant
dans du fang de bouc tout chaud , & que
devenant par ce moyen plus tendre , la
pierre fe réduit aifément en petits éclats ,
& fe divife même en portions fi menues ,
que l'œil peut à peine les dilcerner. Quoi-
que rien ne foit plus ridicule que ce conte
du naturalifîe romain , on apperçoit néan-
moins au travers de fon récit fabuleux ,
que les anciens broyoicnt comme nous le
diamant ; & fans doute que ceux qui en
avoient le fecret , & qui faifoient négoce
de poudre de diamant , n'avoient inventé
un pareil menfonge qu'afin de donner le
change , & demeurer plus furemcnt en
poffeffion d'un commerce qui auroit
cefTé de leur être lucratif s'il eût été
partagé.
Ce qui doit paroître affez furprenant ,
c'efl que les anciens ayant reconnu dans
le diamant la force d'entamer routes les
autres pierres fines fans exception , ils
n'aient pas apperçu qu'il falfoit le même
efïèt fur lui -même : cela- les conduifoit
CGUt naturellement à la taille de cette
pierre precieufe , pour peu qu'ils y eulîènt
fait attention. Aîais c'eff le fort de toutes
les découvertes , que plus on femble près
de les faire , plus on en efl éloigaé ; ce
n'eft prefque toujours que le hazard qui
en décide.
La taille du diamant , comme je l'ai
dit ci-defîùs , ne doit elle-même fon origine
qu'à un coup de hazard. Louis de Berquen,
natit de Bruges , qui le premier la mit en
pratique, il n'y a pas trois fiecles ( en
■^47^ ) > étoit un jeune homme qui forroit
à peine des clafTes , & qui né dans une fa-
mille n«t>le , n'étoit nullement initié dans
fart du lapidaire. Il avoit éprouvé que deux
diamans s'entamoient fi on les frottoit un
peu fortement l'un contre l'autre ; il n'en
fallut pas davantage pour faire naître dans
un fujet indultricux & capable de médi-
tation , des idées plus étendues. Il prit deux
diamans bruts , les monta fur le ciment ,
& les égrifant l'un contre l'autre , il par-
vint à y former des facettes afiez réguliè-
res j après quoi , à l'aide de certaine roue
de fer qu'il avoit imaginée , &; de la poudre
qui étoit tombée de ces mêmes diamans-
en les égrifant , & qu'il avoit eu foin de
recueillir , il acheva , en promenant ces
diamans fur cette poudre , de leur donner
un entier poliment. On vit paroître pour
lors le premier diamant devenu régulier ,
poli & brillant par le fecours de l'art ;
mais qui n'eut pour cette fois d'autre forme
qu'une pointe naïve. Voye\ les merveilles
des Indes , par Robert de Berquen , fon
petit- fils.
C'en étoit afîez pour une première ten-
tative ; il fuffifoit d'avoir pu réduire le
diamant à recevoir une forme & un poli-
ment , fans lequel il continuoit de ne faire
aucun effet, de n'avoir ni jeu ni brillant,
& demeuroit une pierre morte & abfolu-
ment inutile. Le premier cfîâi eut les fuites
les plus heureufes ; à l'exception d'un très-
petit nombre de diamans revêches , aux-
quels on a donné le nom de diamant dt
nature, & qui, quelque efïbrt qu'on fafîe , ne
peuvent point acquérir le poliment dans
certaines parties ; ce qui vient de ce que
le fil en eft tortueux ; tous les autres dia-
mans fè font prêtés à l'art du lapidaire ,
qui s'y cfl pris de différentes façons pou|:
Qqqqq 2
8^o P I E
donner la taille , fuivant que la forme du
diamant brut le permettoit &: le demandoit.
On eu aux Indes dans cette perfuafion ,
qu'il eft important de ne rien perdre d'un
diamant , & l'on y eft moins curieux en
le taillant de lui faire prendre une forme
régulière , que de le conferver dans toute
Ion étendue. Les pierres qu'on reçoit toutes
taillées de ce pays- là , ont prefque toujours
des formes bizarres , parce que le lapidaire
indien s'eû réglé pour le nombre & l'ar-
rangement de fei facettes , fur la forme
naturelle du diamant brut , & qu'il en a
fuivi fcrupulcufemenr le contour, i-e plus
grand diamant du grand -mogol, qui eu
une rofe , préfente une infinité de facettes
routes extrêmement inégales. Notre goût
eil fur cela fort différent ; il ne foufïre
point de ces figures baroques ; & comme
il veut du régulier , celui qui taille un
diamant brut , tâche , autant qu'il eu poffi-
bre , de donner une forme aimable à la
pierre qu'on lui a mife entre les mains.
Je vais décrire les différentes efpeces de
taille qui fe pratiquent le plus fréquemment
en Europe.
Lorfque la pierre s'étend en fùperficie ,
fans être épaifîe , on fe contente d'en
drelîèr les deux principales faces , & l'on
en abat les côtés ou tranches en talut ,
ou pour me fervir des termes de l'art , on
y forme fur chaque côté un bifeau. Ces
diamans ont aifez fouvent la figure d'un
quarrc parfait , ou d'un quarré long ; on
en voit auffi de taillés à pans : & quelle
qu-e foit leur forme , on les appelle pierres
taillées en table , ou pierres foibles. Ceux
qui ont commencé à tailler les diamans ,
leur ont fouvent donné cette taille.
• l.es diamans nommés pierres e'paijfes ,
font taillés en delfus comme les pierres
foibles , c'efl-à-dire , que la partie qui doit
le prélénter , lorfque le diamant fera mis
en œuvre , efl en table ; mais il n'en efl
pas ainfi de la face oppolée ; au lieu d'être
plate elle efl en culajfe y ayant à peu près
le double d'épaifîèur de la partie fupé-
lieure , & formait un prifme réguher. C'efl
encore ainfi qu'étoient taillés dans les com-
mencemens prefque tous les diamans , pour
peu qu'ils eulfent d'épaifîèur.
P I E
de la taille , on ne forme plus guère les
diamans autrement qu'en rofe y ou en
brillant. La première de ces deux efpeces
de taille eff afléz ancienne parmi nous ,
& elle efl: prefque la feule qui foit admife
chez les Orientaux ; ils prétendent que
tout diamant taillé autrement , n'a point
le jeu qu'il doit avoir , ou qu'il papillote
trop. Autrefois quand un diamant brut étoit
trop épais , on le clevoit , c'efl-à-dire,
qu'on le féparoit en deux , pour trouver
deux diamans dans la même pierre ; &
encore aujourd'hui il y a des occafions où
l'on efl obligé d'ufer de cette pratique.
Elle confifle à tracer dans tout le pour-
tour ou Circonférence du diamant ,. un
fillon ou ligne de partage , en obfèrvant
de fuivre le vrai fil de la pierre ; & lorf-
que cette ligne a acquis allez de profon-
deur , on prend une lame de couteau
d'acier bien aiguifée & bien trempée, on
la préfénte fur cette raie , 6c d un feul
coup fèc & frappé julfe fur la pierre-,
polee droite & bien à-piomb , on la divife
net en deux parties à peu près égales.
Les diamans ainfi cievés , font très-
propres pour faire des rofes ,• car le dia-
mant-rofe doit être plat par deiïous comme
les pierres foibles , tandis que le delfus qui
s'élève en dôme , eft tailié à taccttcs. Le
plus ordinairement on y exprime au centre
lix facettes qui décrivent autant de trian-
gles , dont les lommets le réunifient en
un point , & les baies vont s'appuyer fur
un autre rang de triangles , qui pôles dans
un icns contraire aux précédens , viennent
fè terminer à leur louimet fur le contour
' tranchant de la pierre , qu'on nomme en
terme de l'art le jeuilletis _, lailiant en-
tr'eux des efpaces qui ibnt encore coupés
chacun en deux facettes. Cette diitribution
donne en tout le nombre de 24 tacettes.
La fùperficie du diamant-roie étant ainfi
partagée en deux parties , la plus émincnte
s'appelle la couronne y 6c celle qui fait le
tour du diamant, prend le nom ue dentelle.
Le diamant-ro/f darde de fort grands
éclats de lumière, & qui ibnt même à pro-
portion plus étendus que ceux qui fortent
du diamant brillant , ou brillante ; mais il efl
vrai que celui'ci joue infiniment davantage.
Mais depuis qu'on a perfedionné l'art j ce qui eil l'etiet de la différence de la
PIE
taille. Les pierres épaijjes ont nécefTaire-
ment dû fa're naître l'idée du diamant
brillant; car ce dernier eft divifé dans Ton
épaifîeur en deux parties inégales , de la
même manière , & dans la même propor-
tion que les pierres épaiflès ; c'eft-à-dire ,
qu'environ un tiers ell pour le deflus du
diamant , & les deux autres tiers pour le
defïbus , nommé la culajfe. Mais au lieu que
la table de la pierre épaifîè n'eft envi-
ronnée que de (impies bifeaux; dans le
brillant , le pourtour de la table qui cfl
à huit pans , efl taillé en facettes , les unes
triangulaires & les autres loiangées , & le
deiîbus de la pierre qui n'étoit qu'un
prifme renverfë , eft encore taillé en fa-
cettes appellées pavillons , précifément
dans le même ordre que les facettes de
la partie fupérieure ; car il eft efîèntiel
que , tant les facettes de deflus , que celles
de deflous , {e répondent les unes aux
autres , & foient placées dans une fym-
métrie parfaite , autrement le jeu feroit
faux.
Il n'y a guère plus d'un fîecle qu'on a
commencé à brillanter ainfi les diamans .
ce qui les a mis en bien plus grande taveur
qu'ils n'étoient : on ne les a que pour la
parure : ainfi quiconque veut paroître , pré-
férera toujours ce qui attirera davantage
les regards. On comprend facilement que
comme il eft aifé de taire un brillant d'une
pierre épaifle , il ne doit prefque plus
refier de celles qui avoient reçu ancienne-
ment cette dernière taille ; & il ne me
paroît pas moins iuperflu de taire obferver
que c'eft de la multiplicité des facettes ,
& de l'arrangement régulier de ces mêmes
facettes , qui étant en oppofition fe réflé-
chiflent & fe. mirent les unes dans \ts
autres , que naît tout le jeu du diamant
brillant , & l'extrême vivacité qui en fort.
Il eft encore plus à la connoiffance de
tout le monde , que les diamans les plus
parfaits , les plus chers & les plus rares ,
font les plus gros , qui joignent à une
belle forme , de la hauteur & du fond ;
ceux de la plus belle eau , c'efl-à-dire ,
les diamans les plus blancs , & dont la
couleur extrêmement vive ne foufïre
aucune altération , & ne participe d'aucune
couleur étrangère & fourde , comme celle
PIE g^i
du feu , de l*ardoifc , Ùc. ceux enfin qui
font les plus nets , ôc exempts de taches ,
de points & de glaces : on a donné ce
dernier nom à de petits interflices ou
vuides remplis de globules d'air , qui
s'étant logés dans la pierre lors de fa
formation , ont empêché la matière de fe
lier également par-tout , & y font paroître
des déchirures , fl je puis me fervir de ce
terme , dont les facettes multiplient en-
core le nombre par la réflexion. Il ne faut
qu'un choc , qu'un coup donné inconfidé-
rément & à faux fur un diamant , non feu-
lement pour l'étonner & y découvrir une
glace cachée , ou en étendre une autre
qui n'occupoit qu'un petit efpace , mais
pour fendre même la. pierre. Le feul mou-
vement du poinçon , appuyé trop forte-
ment en fertifTant , a caufé plus d'une fois
de pareils dommages. Quant aux points
ou dragons y ce lont des parties métalli-
ques qui pareillement engagées dans le
corps du diamant , fe montrent comme
autant de petites taches , ou du moins
une partie , & fe diiiipenr en mettant le
diamant dans un creufet , & le pouffant
à un feu violent ; mais on n'eft pas toujours y^
fur de réufljr, & il arrive même que les
parties métalliques venant à fe difîbudre,
la couleur du diamant en fbufïre , & en efl
finguliérement altérée.
Perfonne n'ignore qu'à l'égard des dia-
mans fales , noirs , glaceux , pleins de
filandres & de veines , en un mot de
nature à ne pouvoir être taillés , les dia-
mantaires les mettent au rebut pour être
pulvérifés dans un mortier d'acier fait
exprès , & les emploient ainfi broyés à •
fcier , tailler & polir les autres diamans»
Enfin ils ont donné le nom de diamant
parangon , aux diamans qui font d'une
beauté , d'une grofîeur & d'un prix ex-
traordinaire. Tel cfl , par exemple , celui
du grand-mogol , celui que pofledoit le
grand-duc de Tofcane , & celui qu'on
appelle en France le diamant de fancy ,
corronpu de cent fix y qui efl le nombre
de-karats qu'il pefe.
Voilà le ledeur inftruit de la taille du
diamant , & même de la langue du lapi-
daire ; il fait p éfentement ce que c'efl
que pointes naïves , diamans bruts ingénus ,
S^i PIE
diamans de nature , diamans brillans , dia-
mans rofe , diamans parangon , diamans
d'une belle eau , diamans glaceux ou
gendarraeux , pierres épaifîes , pierres foi-
bles ou pierres taillées en table : il entend
les mots de bifeau , couronne , culafle ,
dentelle , dragons , feuilletis , pavillon.
En un mot en s'cclairant de la taille du
diamant , il a ici pafTé en revue la plus
grande partie àts terfties de l'art ; la
vue réfléchie des atteliers remplira com-
j>létement la curiofité , & dévoilera à
iês yeux toute la manœuvre du lapidaire
fur cette pierre , qui , grâces à notre luxe ,
ne perd rien de fa valeur en devenant tous
les jours plus commune.
Si l'on defire de plus grands détails , on
les trouvera dans quelques ouvrages parti-
culiers , entr'autres , dans celui de Robert
de Berquen , maître orfèvre , intitulé : les
merveilles des Indes orientales Ù occiden-
tales , ou traité des pierres précieufes ,
Paris i66i , in-.^°. & dans JefFeries
( David ) , à treatife of diamonds and
pearls , London 1750 , in-8^. avec figures;
ce dernier efl traduit en trançois.
Je ne dois pas oublier de remarquer en
finiflant, que la mine abondante découverte
au Brefil , en 1718 , & qui fait un des beaux
revenus du roi de Portugal , fournit l'Eu-
rope de magnifiques diamans , qui ne
diftèrcnr en rien de ceux des Indes orien-
tales , & méritent à tous égards la même
cftime : c'efl un fait qu'on ne révoque plus
en doute , & une découverte de notre
fiecle. ( Le chevalier de Jaucourt. )
Machine pour forer dans toutes fortes
de pierres dures Ù précieufes , confifle en
une cage de bois , compofée de deux
raontans de fix pies de haut , qui font de
fortes planches de bois polées verticale-
ment & parallèlement ; elles font affermies
en cette fituation par d'autres planches
pofées horizontalement ; ces planches font
arrêtées par des clavettes qui traverfent
leurs tenons , après que ceux-ci ont tra-
verfé les montans. Trois planches font
chacune percées d'un trou quarré d'environ
fix ou fept pouces de large , au travers
defquels paffe le foret. Ce foret eft com-
poféde plufieurs pièces. Un crochet moufle
lailfe tourner le foret fans tourner lui-
P I E
même , «u moyen de la boucle que fon
tenon traverfé : vers le milieu de la tige
du foret cft une bobine ou cuivrot , qui
peut fe mouvoir le long de la tige iur
laquelle on fe fixe par le moyen de la
clavette qui fixe tout à la fois la bobine
& la tige , qui pour cet effet efl: percée
de trous de diftance en difiance ; cette
bobine efl: appuyée contre une autre ,
dont l'aiflieu efl horizontal & fixe dans
les parois latérales de la cage ; la corde
qui donne le mouvement au foret , pafîe
fur ces deux bobines. A la partie inférieure
du foret efl une boîte qui reçoit la queue
de la fraife qui y eft retenue par une cla-
vette qui la traverfé , & la boîte dans
laquelle elle efl entrée ; cette fraife appuie
par fa partie inférieure fur l'ouvrage que
l'on veut creufer, comme, par exemple , un
étui de poche.
Mais comme le poids de la monture
du foret efl trop confidérable , & que le
laiflant appuyer fiir l'ouvrage on courroie
rifque de le brifer, on allège ce poids par
le moyen d'un contrepoids fufpendu à une
corde qui paflê pardeffus une poulie ;
comme ce poids fe peut augmenter ou
diminuer à difcrétion , on fait appuyer la
fraife fur l'ouvrage , autant que l'on veut.
Pour faire mordre la fraife fur la pièce
que l'on veut creufer , on fe fert d'une
poudre convenable à la matière que l'on
veut creufer y foit de l'éméri ou de la
poudre de diamant. K. DIAMANTAIRE.
On a inventé une machine ingénieufè
pour tenir le bâton à ciment à l'extrémité
duquel le diamant eft attaché : cet inflrument
qui fe nomme cadran , ( Voye\ CadrAn)
efl compofé de quatre pièces ; favoir , le
corps , la ba(c , & les deux noix. Le corps
efl une pièce de bois d'environ 5 ou 6
pouces de long fur 4 à 5 de large , dans
laquelle eft un trou qui eft le centre de l'arc
percé à jour ; fur l'épaifleur de la ïsiCQ
s'élève une vis par laquelle elle s'afTemble
avec la bafe.
La bafe a deux trous , dont l'un defcend
verticalement & reçoit le clou qui eft fixe
fur l'établi.
Les deux noix font chacune percées d'un
trou dans lequel pafle le bâton à ciment
qui peut tourner fur fon axe , & fe fixer
PIE
dans les ouvertures des noîx par le fcul frot-
tement, à quoi contribue beaucoup fa forme
conique.
Les pierreries taillées au cadran font les
plus eftimées. Cette efpece d'étau à main
fert à donner aux pierres précieufes les
diverfes facettes que Ton defire. Les cadrans
pour les diamans font de fer , ceux pour les
autres pierreries font de bois.
Pierres foibles ou épaisses ,
( terme de Lapidaire. ) Lorfque la pierre
de diamant s'étend enfuperficie, fans être
épaifîè , on fe contente d'en drefler les
deux principales facss , & l'on abat les
côtés ou tranches en talut , ou comme
dilent les artifles , en bifeau. Ces diamans
ont afl'ez fouvent la figure d'un quarrc
partait ou d'un quarré long. On en voit aufll
de taillés en pans ; mais quelle que foit
leur forme , on les appelle pierres taillées en
table ou pierres foibles. Les diamans nom-
més/J/Vrrej- f)ja//7èj- , font taillés en deiTus
comme les pierres foibles ; mais la face
oppofée , au lieu d'être plate , eft en cu-
lafle , ayant à peu près le double d'épaifleur
de la partie fupérieure, & formant un prifme
régulier. {D. /.)
Pierre sanguine , outil d'Arqué-
hufier ,• cette pierre fanguine eft un peu
grofle , refîemble & eft montée comme celle
des orfèvres avec laquelle ils brunilîent ; les
arquebulîers s'en fervent pour bronzer les
canons de fufils , piftolets , Ùc.
Pierre en terme de Batteurs d'or y c'ef!
une pierre de marbre fort polie & emboîtée
dans une efpece de table à rebords afîèz
hauts flir le derrière , mais qui diminuent
jufqu'à un certain point fur les côtés ; il n'y
en a point fur le devant , ils empêcheroient
le batteur de travailler.
Pierre a l'huile , en terme de Bi-
joutier y eft une pierre dure & douce qui
fert à aiguifer & émoudre les échopes ou
les burins , en la frottant d'huile ; on en
tire de Lorraine dont la couleur eft grife rou-
geâtre , & qui font opaques , & du Levant ,
qu'on eftime les meilleures , qui font d'un
blanc tirant fur le blond , & un peu tranfpa-
rentes : on \cs monte fur un bois plu» large
& plus long qu'elles y pour les conferver
plus long-temps.
Pierre a polir, en terme de Bi-
P I E Î6^
joutier , eft une pierre avec laquelle on
adoucit les traits que la lime ou l'outil ont
faits fur une pièce. II y en a de vertes , de
rouges , de bleues , de douces , demi-douces
& de rudes. Voye^ PoLIR.
Toutes ces pierres approchent beaucoup^
de la nature de l'ardoife.
Pierre, en terme de Cardier , c'ef{
un caillou de grès que l'on pafTe à force
fur pointes ces fichées fur le feuillet , foit
pour émouflêr les pointes, foit pour "les
conferver toutes également. V. FiCHER.
Pierre ou Cuve , c'eft une efpece
de demi-tonneau à un fond , fait de douves
de bois & cerclé de fer , dans lequel entrent
l'arbre tournant & fes couteaux,pour broyer
& délayer la pâte avec laquelle les carton-
niers fabriquent le carton.
Pierre blanche , fert suxcharpen*
tiers pour blanchir leur cordeau , lorfqu'ils
veulent jeter quelques lignes fur une pièce
de bois. Koyf;^ Craie.
Pierre noire , fert à tracer les
pièces.
Pierres a brunir , en terme de
doreur fur bois , font des cailloux , ou des
pierres à fufil taillées en coude , & mon-
tées fur des bois un peu longs, dont on fe
fert pour donner le poH à l'or dans les par-
ties unies & l'ans ornemens d'une pièce do-
rée. Les fanguines ne peuvent être d'aucun
ufage ici ; elles font trop douces.
Pierre fervant aux fondeurs de carac-
tères d'imprimerie y pour donner aux let-
tres une façon qu'on appeWe frotter ; cette
pierre efl une meule de grès de quinze à
vingt pouces de diamètre, de même nature
que celles dont fe fervent \es couteliers
pour remoudre les outils. Pour rendre ces
grhs à l'ufage des fondeurs de caraâeres ,
on en prend deux que l'on met l'une fur
l'autre fur le plat ; on met entre deux du
fable de rivière , puis on les tourne circu-
lairement , en mettant de temps en temps
de nouveau fable , Jufqu'à ce que ce fable
ait grugé les petites éminences qui font fur
ces pierres , & en ait rendu la furface
droite & unie. Ce fable, en drefîanr ces
grès , ne les polit pas , mais les pointillé
& y laiflè de petits grains propres à enle-
ver au corps des lettres , certaines fu-»
perliuités ou bavures avec klquelles ellci
PIE
fortcnt du moule ; ce qui fe fait en frottant ï
les lettres les unes après les autres fur cette
pierre; cela fert à les polir & dr (Ter des
deux cbtès feulement où elles fe joignent à
côté les unes des autres en les compofant.
\Voyei Frotter.
Pierre a l'huile , 'outil defourbif-
feur : cette pierre eft la même que celle
des orfèvres , horlogers , Ùc. & fcrt aux
fourbifleurs pour aiguifer leurs poinçons &
ç*ils.
Pierre a l'huile , {Graveur.) pierre
qui fert à aflPuterles outils {Voye-{ AffU-
TEr) , & qu'on appelle ainfi , parce qu'elle
€it mouillée d'huile : elle eft ordinairement
ajuftée fur une planche de bois qu'on appelle
ia boîte.
Pierre a parer , outil de gaînier ,
c'eft une pierre de liais de la largeur de deux
pies en quarré , fur laquelle les gaîniers di-
minuent l'épaiffeur des cuirs qu'ils em-
ploient. Voyeur article Relivre.
Pierres DVRES, parmi les lapidaires,
font proprement les pierres fines qui en effet
font infiniment plus dures que les faufTes.
Pierre a papier, terme de marbrier^
morceau de marbre rond , ou quarré ,
au delTus duquel il y a un bouton de
marbre pour le prendre , & dont on fe fert
pour mettre fur le papier , afin de le tenir
Exe. [D. J.)
Pierres puantes, lapides ftetidi ,
lapis fuillus y lapis felinus , ( Nifi. nat.
Minerai. ) On a donné ces diflferens noms
à des pierres qui répandent une odeur
défagréable qu'elles ont contradée dans
le fèin de la terre ; cette odeur varie en
raifon des différentes fabfîances qui l'ont
occafionée. En Suéde - dans la province
d'CEland , on trouve une pierre à chaux
qui a une odeur très-tone d'urine de chat ;
on a quelquefois trouvé des empreintes
d'infedes fur ces pierres. En Weftphalie ,
aux environs d'Hildesheim , on a trouvé
de la pierre qui fentoit la corne brûlée.
Près de Wigerldorf , dans le comté de
Hohnftein en Thuringe , on trouve une
efpece de fchifte ou de pierre feuilletée
grife , très-poreufe , qui frottée avec une
autre pierre, répanl une odeur fembiable
à celle de la fiente de porc. Près du cou-
vent d'Ilefeld, qui eft aux environs de
PIE
Nordhaufen , près du Hartz , on rencontre
une montagne qui n'eft compofée que d'une
pierre trê^-puante , dont on fe fert comme
de caftine ou de fondant dans les forge*
du voifinage , où elle facilite la fufion de
la mine de fer. Voye\ Bruckmann , epifiol,
itinerarice p cemur.ij. epifl. zj.
On a trouvé près de Villers-Cotterets
une pierre calcaire d'un blanc fale , qui
lorfqu'on la frotte répand une odeur d'urine
de chat. Il y a tout heu de croire que les
odeurs qui fe font communiquées à ces
fortes de pierres , viennerjt des fubftances
animales ou végétales qui font entrées en
putréfadion ; quelques-unes même peuvent
venir àes bitumes & matières inflammables
qui fe trouvent dans le fein de la terre.
yoyei Odorantes , pierres. ( — )
Pierres de RATYORT, (Marqueterie.)
Nous avons expliqué à l'arric/^OuVR AGES
DE MOSAÏQUE , comment les anciens fe
fervoient de petites pièces de pierres de
verre & d'émail pour faire des ouvrages de
mofaïque ; mais nos ouvriers modernes
en pratiquent encore une autre avec des
pierres naturelles , pour repré'enter des
animaux , généralement des fruits , des
fleurs , & toutes autres fortes de figures ,
comme fi elles étoient peintes. Il fe voit
de ces fortes d'ouvrages de toutes les gran-
deurs : un des plus confidérables & des
plus grands , eft ce beau pavé de l'églife
cathédrale de Sienne , où l'on voit repré-
fenté le facrifice d'Abraham. Il fut com-
mencé par un peintre nomme Duccio , &
enfuite achevé par Dominique Beccafumi»
Il eft compofé de trois fortes de marbres ,
l'un très-blanc , l'autre d'un gris un peu
oblcur , & le troifieme noir ; ces trois
différens marbres font fi bien taillés &
joints enfemble , qu'ils repréfentent comme
un grand tableau peint de noir & de blanc.
Le premier marbre fert pour les refîàuts
& les fortes lumières , le fécond pour les
demi-teintes , & le troifieme pour les om-
bres : il y a des traits en hachures rempUs
de marbre noir ou de maftic ^i joignent
les ombres avec les demi-teinres; car pour
faire ces fortes d'ouvrages , on afl'e nble les
difïércns marbres , les uns auprès des autres,
fuivant le deûin que l'on a ; & quand ils
font joints & bien ciaiemés , le même
peintre
P I E
peintre qui a difpofé le fujet , prend dii
noir, & avec le pinceau, marque les con-
tours des figures , & obferve par des traits
& des hachures , les jours & les ombres ,
de la même manière que s'il deflinoit fur
du papier : enfuite le fculpreur grave avec
un cifeau tous les traits que le peintre a
tracés : après quoi l'on remplit tout ce que
le cifèau a gravé, d'un autre marbre , ou
d'un maftic compofé de poix noire ou d'au-
tre poix, qu'on fait bouillir avec du noir
de terre. Quand ce maftic eft refroidi , &
qu'il a pris corps, on paffe un morceau de
grès ou une brique par-deffus ; & le frot-
tant avec de l'eau 5c du grès ou du ciment
pilé , on ôte ce qu'il y a de fuperflu, & on
le rend égal &: au niveau du marbre. C'eft
de cette manière qu'on pave dans plufieurs
endroits de l'Italie, ôc qu'avec deux ou
trois fortes de marbres, on a trouvé l'art
d'embellir de différentes figures les pavés
des églifes & des palais.
Mais les ouvriers dans cet art ont encore
pafTé plus avant ^ car, comme vers l'année
1 563 , le duc Côme de Médicis eut décou-
vert dans les montagnes de Pietrafancia ,
un endroit dont le defTus étoit de marbre
très-blanc , & propre pour faire des fta-
tues , l'on rencontra defTous un autre mar-
bre mêlé de rouge &de jaune; & à meflire
qu'on alloit plus avant, on trouvoit une
variété de marbre de toutes fortes de cou-
leurs, qui étoient d'autant plus durs & plus
beaux , qu'ils étoient cachés dans l'épaiffeur
de la montagne. C'eft de ces fortes de
marbres que les ducs de Florence, depuis
ce temps-là , ont fait enrichir leurs cha-
pelles, & qu'enfuite on a fait des tables &
des cabinets de pièces de rapport , où l'on
voit des fleurs , des fruits, des oifeaux , &:
mille autres chofes admirablement repré-
fentées. On a même fait avec ces mêmes
pierres des tableaux qui femblent être des
peintures ; & pour en augmenter encore
la beauté & la richeffe, on fe fert de lapis ,
d'agate , & de toutes les pierres les plus
précieufes. On peut voir de ces fortes d'ou-
vrages dans les appartemens du roi , où il
s'en trouve des plus beaux.
Les anciens travailloient aufîi de cette
manière ; car il y avoir autrefois à Rome
au portique de S. Pierre , à ce que dit
Tome XXV,
PIE %6s
Vaftari, une table de porphire fort an-
cienne , où étoient entaillées d'autres pier-
res fines qui repréfentoient une cage; &
Pline parle d'un oifeau fait de différens
marbres , & fi bien travaillé dans le pavé
du lieu qu'il décrit , qu'il fembloit que ce
fût un véritable oifeau qui bût dans le vafe
qu'on avoit repréfenté auprès de lui.
Pour faire ces fortes d'ouvrages , on fcie
par feuilles le bloc ou le morceau d'agate,
de lapis , ou d'autres pierres précieufes
qu'on veut employer. On Tattache forte-
ment fur rétabli, puis avec une fcie de fer
fans dents , on coupe la pierre en verfant
defTus de l'émeri mêlé avec de l'eau , à
mefure que l'on travaille : il y a deux che-
villes de ferauxcôrés de la pierre, contre
lefquelles on appuie la fcie , & qui fervent
à la conduire. Quand ces feuilles font cou-
pées , fi l'on veut leur donner quelque
figure pour les rapporter dans un ouvra-
ge , on les ferre dans un étau de bois ;
& avec un archet qui eft une petite fcie
faite feulement de fil de laiton , de l'eau
&: de l'émeri qu'on y jette , on la coupe
peu-à-peu , fuivant les contours du defîin
que l'on applique deffus , comme l'on fait
pour le bois de marqueterie. Voy. Mar-
queterie.
On fe fert dans ce travail des mêmes
roues , tourets , platines d'étain & autres
outils dont il efî parlé dans la gravure des
pierres précieufes , félon l'occafion &; le
befoin qu'on en a , tant pour donner quel-
que figure aux pierres , que pour les per-
cer & pour les polir : on a des compas
pour prendre les mefures , des pincettes
de fer pour dégarnir les bords des pierres ,
des, limes de cuivre à main 6c fans dent ,
& d'autres limes de toutes fortes.
Pierre a broyer Us couleurs des
peintres , font des pierres qui font ordi-
nairement de porphyre , d'écaille de mer,
ou autres pierres dures.
Pierre de craie , dont les peintres
fe fervent pourdefîiner. Voyt\^ Crayon,
Pierre deiviine de plomb, fervant
à defïiner. Voye\ CrayON.
Pierre noire, fervant à defliner.
VoyeT^ Crayon.
Pierre sanguine, fervant à defliner.
J Voye\ Crayon.
Rrrrr
î^6 PIE
Pierre a rasoir^ (Perruquier.) eft
une forte de pierre polie , & dont le grain
eft très-fin : on s'en fert pour aiguifer les
rafoirs en y répandant de l'huile, & paffant
obliquement le rafoir par deffus de côté &
d'autre. Ces pierres font ordinairement
ajuftées fur un morceau de bois qui leur
fert de manche , au moyen duquel on fe
fert plus commodément de ces pierres.
Pierre , outil de verniffeur, c'eft une
pierre de liais , qiiarrée , épaiflfe de quatre
à cinq pouces , longue & large d'un bon
pié , fur laquelle les verniffeurs broient
leurs différentes couleurs avec la molette,
& les délaient avec du vernis au lieu
d'huile.
Pierre ou Steem , f. f . ( Comm. )
forte de poids plus ou moins fort, fuivant
les lieux où il eft en ufage.
A Anvers la pierre eft de huit livres, qui
en font fept de Paris , d'Amfterdam , de
Befançon & de Strasbourg, y ayant égalité
de poids entre ces quatre villes. A Ham-
bourg \^ pierre eft de dix livres, qui font à
Paris, à Amfterdam, ô-c. neuf livres douze
onces & fix gros , un peu plus. A Lubeck
\^ pierre eft auffi de dix livres , mais ces dix
Kvres ne fonr que neuf livres huit onces
trois gros de Patis. A Dantzick & à Revel,
H y a la petite & la groflé ^/erre ; la pre-
mière qui fert à pefer les marchandifes
fines , eft de vingt-quatre livres , qui font
à Paris , à Amfterdam , &c. vingt & une
livres cinq onces cinq gros ; & la féconde
qui eft en ufage pour les grofles marchan-
difes , comme cire , amendes , riz , &c. eft
de trente-quatre livres , qui rendent à Pa-
ris trentre livres quatre onces un gro«.. A
Stetin il y a aufti une petite & une grofte
pierre ; la petite eft de dix livres, qui, fort
neuf livres quatorze onces de Paris, & la
grofte eft de vingt hi une livres, qui revien-
nent à vingt livres onze onces,,un peu plus ,
poids de Paris. A Conigsberg {^pierre eft
dte quarante livres , qui en font trente-deux
de Pari*^. Diciionn. de commerce.
PlERRE-BUFFlERE , (Géogr. mod.J
bourg qr.e Piganiol qualifie de petite ville
■de France, dans le Limoufm, à 4 lieues
de Limoges, fur le ebeminde^ Brive.
(D.J.)
Pierre ;fort saijjt-}, {Géog, mod-}
PIE
fort de l'Amérique feptentrlonale , danl
l'île de la Martinique , à 7 lieues au N. O.
du fort Royal. C'eft à préfent une viile où
il y a un intendant , un palais de juftice ,
& deux paroiftes, une deflervie autrefois
par les jéluites , & l'autre par les domini-
cains. (D. J.)
Pierre fiLE de saint-), (Gêogr^
mod.J île de France en Provence , à une
lieue au levant d'été de la ville d'Arles*,
cette île n'eft formée que par les canaux
qui ont été creufés à l'orient du Rhône ,
depuis la Durance jufqu'à la mer ; mais elle
eft remarquable pat l'abbaye de Mont-
Major , ordre de S. Benoît , dont on
attribue la fondation à iaint Trophime.,
{D. J.)
Pierre le moustier (Saint)',,
(Géogr. mod.J petite ville de France, la:
féconde du Nivernois , avec un bailliage
& une fénéchaufiée. Elle eft dans un fond ,
entourée de montagnes, près •d'iui étang
bourbeux, à 7 lieues au midi de Nevers, 8'
au N. O. de Moulins, 60 S. de Paris. Long,
H , 45.; lat. 46 , 46. {D. J.)
PlERRE-PtRTUIS , {Géogr. mod.J en
latin du moyen 2Lge , petra-pertufa , che-
min de Suifte , percé au travers d'un ro-
cher. Le valdeS. Imier, avec les terres en.
deçà , font dans l'enceinte de l'ancienne:
Helvéîie : lès autres au delà , font les véri-
tables pays des Rauraques. Ces deux par-
ties lont féparées par une chaîne de mon-
tagnes & d€L rochers ,. qui/ont une branche,
du mont Jura. Dans ce quartier-là, pour
avoir un pafTage libre d'un pays à l'autre ,,
on a percé un rocher épais, &on a taillé
un chemin à travers. Il a quarante- fix pies,
de longueur dans l'épaiffeurdu rocher , &
quatre toifes de hauteur. Ce paffage appelle
Purre-pertuis , eft à une grande journée
deBâ'e, & à une demi- journée de Bienne,,
près de la fource delà Bris, Ce chemin;
n'eft pas nouveau; une inscription lomaine-
^qu'on voit au deflus de l'ouverture, mais,
■que les pafTans ont inu'.ilée, nous apprend;
qu'il a été fait par les foins d'un Paterius
ou Pa'ernus duumvir, de la colonie hel-
vétique établie à Avenche , fous l'empire,
des Aewx. Antonins. [D. J.J
PIERRÉE , f. f. ( Hydr.J eft à peu-
près la même que chatière i c'eft une grande.
P I E
longueur de maçonnerie clans les terres ,
pour conduire les eaux d'une fource dans
un réfervoir ou regard de prife; elles fe
conftruifent ainfi ; on leur donne d'ouver-
ture depuis un pié jufqu'à dix-huit pouces ;
fi la (burce eft abondante, on élevé de
chaque côté un petit mur d'un pié d'épaif-
feur & de dix-huit pouces de haut, bâti de
rocailles &: pierres feches , afin que les
filtrations des terres fe jettent plus ailément
deùans la pierrée ; on la couvre en forme
de chatières avec des pierres plates, appel-
lées dalles ou couvertures. Quand le tonds
de la terre n'eft pas affez ferme pour y
faire rouler l'eau fans fe perdre , on y étend
un lit de glaife que l'on bat , & l'on y pofe
delTus les moilons des murs des côtés ; on
les peut encore paver ou cimenter pour
plus grande fureté.
PIERRERIES , f. f. pi. la colleftion des
pierres précieufes montées qui forment
l'écrin d'une femme. On met les perles
au nombre des pierreries ; il y a un officier
garde des pierreries de la couronne.
PIERREUX, zà^]. (AgricuU.) Çq dit
d'un terrain plein de pierres qui oblige de
le pafTer à la claie. On dit encore un fruit
pierreux , quand en le mangeant il fe
trouve des durillons dans fa chair.
PIERRIER', f. m. {Artillerie.) c'eft
une petite pièce d'artillerie , dont on fe
fert particulièrement dans unvaiffeau, pour
tirer à l'abordage des clous , des ferre-
mens , &c. fur un ennemi. Voye:{ Ar-
tillerie & Mortier.
On les ouvre généralement par la cu-
lafle , & leurs chambres pouvant être dé-
montées , on les charge par ce moyen , au
lieu d'agir par leur bouche , comme on le
fait ordinairement par rapport aux autres
armes à feu. Charniers.
On s'eft fervi autrefois de cette efpece
de canon fur terre , mais il y a long-temps
que l'ufage en eft interrompu. M. de Saint
Remy dit même que de fon temps on a
refondu tous ceux qui fe trouvoient dans
les arfenaux. Cependant plulieurs autres
militaires prétendent qu'on pourroit en-
core s'en fervir utilement.
Le pierrier eft aufti une efpece de
mortier avec lequel on jette des pierres
dans un retranchement ou autre ouvrage.
PIE 8^7
Il fe charge comme le mortier ordinaire ,
& les pierres ou cailloux fe mettent dans
un panier à la place de la bombe.
On voit dans la pL VIII de fortifica-
tion , figure 3 , un pierrier , dont les prin-
cipales parties font : ^, les tourillons;
B , le mufle avec la lumière fur la culalTe ;
C, le renfort avec ^ts moulures; Z), le
ventre ; E , plate-bande du renfort de
volée avec les moulures ; FF , les cercles
ou renforts fur la volée ; G , le bourlet ;
i/, la bouche ou l'embouchure ; 7, l'anfe.
Uanfe de ce mortier eft ce qui eft ponflué
depuis le bourlet jufqu'au bas du ventre ,
&: la chambre eft l'efpace poniftué entre
le ventre de la lumière. Foyey^ Ame 6*
Chambre.
Le pierrier pu mortier pierrier (car on
lui donne aufli ce nom ) pefe ordinaire-
ment looo livres; fa portée la plus longue
eft de 1 50 toifes , chargé de deux livres de
poudre : il a 15 pouces de diamètre à fa
bouche , & 1 pies 7 pouces de hauteur.
La profondeur de fa chambre , évafée
par le haut, fans y comprendre l'entrée où
fe met le tampon , eft de huit pouces.
Les tourillons ont 5 pouces de diamètre^
La chambre doit entrer d'un pouce dans
les tourillons. L'épaift"eur du métal au droit
de la chambre a 3 pouces; l'épaifleur du
ventre 2 ; & le long de la volée un pouce
& demi. L'angle fe place au ventre. Le
mufle ou mafque fert de baflinet à la
lumière.
On chargele pierrier de la même ma-
nière que le mortier, c'eft-à-dire , qu'on
y met d'abord la quantité de poudre dont
la chambre doit être remplie. On recouvre
cette poudre de foin Ôc de terre qu'on
refoule avec la demoifeile ; après quoi on.
jette ou on pofe defl^us une quantité de
pierres & de cailloux. L'effet du pierrier
eft très-grand. L'efpece de grêle de cailloux
qu'il produit fait beaucoup de défordre 6c
de ravages. Pour qu'il réuflifle parfaite-
ment , il faut qu'il ne foit éloigné que
d'environ 150 pas de l'endroit oii Ion
veut faire tomber les pierres dont il eft
chargé. On mêle quelquefois des bombes
&: des grenades avec ces pierres, & l'effet
en eft encore plus grand. (Q)
PIERROT, voye7{^ MojNEAU.
Rrrrr 2
S(?8 PIB
PIERRURES , f. f. (chafe. ) c'efl ce
qui forme la fraife qui eft autour des meules
de la tête d'un cerf, d'un daim & d'un
chevreuil , en forme de petites pierres.
VlEK{]S^4^Géogr. anc.) i°. montagne
de la Theiïalie , félon Pline , /. IV^ c. viij.
Paufanias, /. IX ^ c. xxix, la place dans
la Macédoine , & dit qu'elle tiroit fon nom
de Pierus , qui y établit le culte des mufes
fous le nom de Piérides,.
1°. Pierus eft auflî le nom. d'un fleuve
de l'Achaïe propre ; il traverfoit , dit Pau-
fanias, /. VIII ^ c. xxij, le territoire de
la ville Pharce. Sfrabon , liv. FlII^pag.
341, qui écrit Peirus^ dit qu'on nommoit
auffi ce fleuve Theuthéas , & qu'il fe jetoit
dans l'Achéloiis. (D. J.)
PIÉSMA , f. m. {Mat. m éd. des anc.)
mi(T/uût, , de T/6^« , Je preÇe ; ce terme grec
déflgnele marc ou le ré/idu qui refl:e après
qu'on a exprimé la partie fluide de quelque
fubftance folide , comme des fruits , des
amandes , &c, Ainfi , dans l'expreATion des
huiles, le tourteau, ou ce qui refte dans
le fac eft appelle pie/ma , & c'efl: dans ce
fens qu'Hippocrate l'emploie : cependant
Diofcoride , parlant des baies de laurier ,
appelle leur fuc exprimé piefma laufinum\
& c'efl auflli dans le même fens que Galien
emploie ce mot.
PIÉTÉ , DÉVOTION , RELIGION,
ÇSynon. ) le mot de religion , dans un
fens, en tant qu'il marque une difpofition
de cœur à l'égard de nos devoirs envers
Dieu , ert feulement fynoftyme avec les
deux autres mots ; h piété fait qu'on s'en
acquitte avec plus de refpeél & plus de
zèle ; la dévotion y porte un ex.térieur
plus compofé.
C'efl aflfez pour une perfonne du monde
d'avoir de la religion ; la piété convient
aux perfonnes qui fe piquent de vertu ; la
dévotion eft le partage des gens eniiére-
ment retirés.
Yja religion t^pXws dans le cœur, qu'elle
ne paroît au dehors. La piété eft dans le
cœur, & paroît au dehors. La dévotion
paroît quelquefois au dehors fans être dans
le cœur. Girard.
Piété , promeffe faite à la , ( Théol.)
S. Paul dit en termes exprès /. Timotfi.
iv, 8, « que la piété a les promelTes de la
FIE
» vie préfente , comme de celle qui pft â
» venir.» Pour avoir de jufles idées de ce
que cet apôtre a voulu dire , il convient
de I. déterminer quelles font les promefles
dont il parle. 2. Concilier fon afienioiv
avec l'expérience.
I. Sur le premier article , il faut obfer-
ver d'abord qu'il s'agit de promefles pro-
prement dites, de déclarations formelles
émanée<; de Dieu. Le tour des expreflîions.
de faint Paul ne permet guère d'en dou-
ter. Il parle des promefles de la vie à
venir ; & l'on ne peut contefter qu'il
n'entende par-là l'engagement que Dieu-
a pris par (\qs promefles exprefles de
rendre les gens de bien heureux dans la
vie à venir. On doit par les promefl^es de
la vie préfente , entendre aufli des décla-
rations précifes en forme d'engagement ,,
qui regardent la vie préfente , &: qui pro-
mettent des avantages dans l'économie du
temps.
Ce n'eft pas tout-à-fait prouver la thefe.
de S., Paul, que de faire valoir les avan-
tages que \a piété eu. capable.de procurer :
à la confidérer en elle-même & dans fa
nature, il femble que l'apôtre parle en-
core des promeflfes temporelles , différen»
tes même desbiens de la grâce. Seroit-il
ici queftion de tout ce qui peut rendre
l'homme heureux dans ce monde ? Mais
l'expérience démentiroit la décifion de S*,
Paul , à la prendre eh ce fens. On pour-
voit dire, pour mieux expliquer les paroles
de l'apôtre , qu'il portoit fes vues : i^.Sur
les promefles faites à la piété dans l'an-
cien teftament , non fur toutes , mais fur
celles qui regardent les fidèles, en tant
que tels en particulier. 2°. Sûr les pro-
meflfes faites dans l'évangile , par lefquel-
les celles de l'ancienne économie ont été
confirmées. **
Il ne s'agit pas , dans ces promeflfes,
de grandeurs , de richefles , & d'autres
biens de cet ordre ; c'eft ce que Dieu
n'a promis ni fous la loi , ni fous l'évan-
gile. Les promeflfes dont il s'agit font celles
par lefquellçs Dieu fe propofe de, protéger
les fidèles, de pourvoir à leurs befoins ,
ôt de les foutenir dans les traverfes de
la vie. C'eft ce que S. Paul indique lui-
même dans le n. /o , où il dit que Dieu
PIE
cft le confervateur de tous les hommes ,
mais principalement des fidèles. Ce qui
prouve encore que fa penfée q^ porte
que fur cette proteftion fpéciale, fur la-
quelle les gens de bien peuvent compter,
e'eft qu'on voit régner le même principe
en d'autres endroits de fes écrits. Philipp.
c. /V , V. G. « Ne foyez en inquiétude de
» rien; mais en toutes chofes, prélentez
» à Dieu vos demandes par des prières
>» & des fupplications , avec a-ftions de
>» grâce. Hebr. c. xiij , v. 5 , 6^. Que vos
» mœurs foient fans avarice , étant con-
» tens de ce que vous poflTédez préfen-
» tement ; car Dieu lui-même a dit ; je
M ne te délaiflerai point ; & ne t'aban-
» donnerai point ; tellement que nous pou-
» vons dire avec affurance : le feigneur eft
» mon aide , ainfi je ne. craindrai point
>t ce que l'homme me pourroit faire. » Il
eft évident que dans ce dernier paffage
S. Paul veut que les chrétiens envifagent
les promeffes de l'ancien teftament, qu'il
cite comme des promeffes qui le regardent
directement. Le Sauveur lui-même ('vS^am/
Math. c. vj i V. 23,34.9 veut que {zs,
difciples n'attendent de Dieu que fa pro^
tedlion, & les chofes nécefTaires à leur
entretien ; il ne leur promet rien au delà.
Quand donc S. Paul dit que la piété -a^
les promeffes de la vie préfente, il entend
par-là que Dieu a promis fa bénédiâ:ion
dir les befoins effentiels des fidèles , & fur
ks foins légitimes qu'ils prendront pour
liibfifter, outre qu'il leur accordera le don
d'être contens dans les différentes fitua-
tions où ils pourront fe trouver.
Qu'on n'objeéle donc plus qu'on voit
communément des gens de bien malheu-
reux ; le bonheur ne confiile point dans
la poffefiîon des grandeurs, des rtcheffes,
& de la profpérité extérieure ; ce n'eff pas
ce que Dieu a promis aux fidèles ; ainfi
il ne manque pas à its promeffes, en ne
leur accordant point ces fortes d'avanta-
ges; cette profpérité extérieure eft fouvent
fort trompeufe, &: n'eft rien moins que
durable ; mais l'homme de bien eft protégé
de Dieu, à proportion du befoin qu'il
a de Ton fecours. La confiance qu'il a
dans l'Etre uiprême , & la paix inférieure
4om il jouit ) le confolemt dans les trayer-
P I E %6c)
Tes qu*il éprouve ; & c'eft en cela que la.
piété a les promeffes de la vie préfente.
Cette piété ne met point obftacle à la
profpérité temporelle du fidèle ; & fi elle
lui nuit dans certains cas aux yeux des
hommes, ces cas entrent dans la claffe
ordinaire des événemens dont Dieu n'a
pas promis de changer le cours {D. J.)
Piété , (Phihjhphie païenne.) Quoi-
qu'Ariftote ait rapporté le culte de la divi-
nité à la feule magnificence des temples ,
& que la religion ne foit entrée pour rien-
dans fon fyftême de morale, il paroît que
plufieurs autres fages ont fait confifter la
piété dans les fentimens intérieurs, & non
pas dans les aéles extérieurs de la dévo-
tion. Je n'en citerai pour preuve que ce
beau paffage de Cicéron , tiré de fon livre
de la nature des dieux , liv. II, ch. xxvHj,
CuLtus autem deorum efi optimus ^ idem^
que cafiijjîmus , atque fanclijjimus , pie-
nijjimufque pietat^; eos femper piirâ , in-
tégra .^ incorrupta , & voce, & mente,
veneremur. Non enirn philofophi foLlim y
verîim etiam majores nofiri fuperflitionem
à religione feparaverunt. « La meilleure
» manière de fervir les dieux , le culte le
» plus pur , le plus faint , le plus pieux ,
» c'eft de les honorer toujours avec des
» fentimens &: des difcours purs , finceres,
» droits & incorruptibles : ce ne font pas
» feulement les philofophes qui ont diftin-
» gué la piété d'avec, la fuperftition; nos
» ancêtres ont auflî connu cettedifférence. »'
Séneque,Epiâ:ete & quelques autres fages^
ont tenu les mêmes dilbours. (Z). J.)
Piété, ( Mythol, Littérat. Monum.
Médailles) Cette , vertu que les Grecs ap-'
pelloient Eufebie , fut déifiée par les an-
ciens , qui l'honorèrent comme déeffe^
Stace j'invoque dans une de (qs pièces:
Summa Dcum pietas , &c.
Nous voyons fouvent fon image furies^
monumens de l'antiquité. Ils entendoient
parla piété, non-feulement la dévotiort
des hommes envers les dieux, & le ref-
pect des entans pour leurs pères , mais aufli
certaines aftions pieufes des hommes en-
vers leurs femblables. Il eft peu de gens
qui n'affeâ;^ut . cette bûnne qualixé , lors^
«70 P I E
même qu'ils ne l'ont pas. Tous les empe-
reurs fe faifoient appeller pieux , les plus
impies & les plus cruels comme les autres.
La PièU étoit repréfentée comme une
femme aflife , ayant la tête couverte d'un
grand voile, tenant de la main droite un
timon , & de la main gauche une corne
d'abondance. Elle avoit devant fes pies
une cigogne, qui eft le fymbole de la
picté^ à caufe dugrand amour de cet oifeau
pour fes petits. C eft pour cela que Pétrone
appelle la cigogne pietatis cultrix , ama-
trice de Xdipiété. La piété qQ. quelquefois dé-
fi^née fur des médailles par d'autres fym-
boles , tantôt par un temple , ou par les
inftrumens'des facrifices; tantôt par deux
femmes qui fe donnent la main fur un autel
flamboyant.
Il ne faut pas oublier ici le temple bâti
dans Rome à la Piété par Acilius , en
mémoire de cette belle aclion d'une fille
envers fa mère. VoicLj.comme Valere-
Maxime raconte la choTe. Une femm.e de
condition libre , convaincue d'un crime
capital, avoit été condamnée par le pré-
teur, & livrée à un triumvir pour être
exécutée dans la prifon. Celui-ci n*ofant
pofer fes mains fur cette criminelle, qui
lui paroifTc^it digne de compaffion , réfolut
de la laiiTer mourir de faim , fans autre fup-
plice. Il permit même à une fille qu'elle
avoit, d'entrer dans la prifon, mais avec
cette précaution, qu'il la faifoit fouiller
exactement, de peur qu'elle ne portât à
fa mère de quoi vivre. Plufieurs jours fe
pafTent , &: la femme eft toujours en vie :
le triumvir étonné obferva la fille , & dé-
couvrit <iu'elle donnoità teter à fa mère.
Il alla aufii-tôt rendre compte au préteur
d'une chofe fi extraordinaire : le préteur
en fit fon rapport aux juges , qui firent
grâce à la criminelle. 11 fut même ordonné
que la prifon feroit changée en un temple
confacré à la Piété , félon Pline , & les
deux femmes furent nourries aux dépens
du public. Les peintres ont fuivi cette tra-
dition dans les tableaux où ils ont répré-
fenté cette hiftoire, qu'on appelle commu-
nément des charités romaines.
Feftus , & quelques autres hiftoriens ,
mettent un père au lieu d'une mère dans
ranecdote qu'on vient de lire ', mais cette
" PIE
circonftance ne change rien au fait. Ce
temple-ci étoit dans le marché aux herbes ;
Pline pyle d'un autre temple confacré à
la Piété y & fituédansle neuvième quar-
tier près du théâtre de Marcellus. Nardini
doute fi ces deux temples ne font pas le
même. Ce qui eft certain , c'eft qu'elle
avoit divers temples & ftatues dans les
provinces.
Nous avons dans BoiflTard une ftatue de
femme vêtue de la ftole , coëffée en che-
veux, à la manière de Matidie. Elle eft
debout : fa main droite eft appliquée fur
fa poitrine. De la gauche elle tient un
pan de fa robe. Devant elle eft un autel
fur lequel font une préféricule &: une pa-
tere. Au bas font gravés ces deux mots ,
Pietati Auguftœ,
Elle eft aiifti quelquefois repréfentée fous
la figure d'une femme nue , tenant un
oifeau dans fa main.
Dans les Mifcellanès de Spon fe trouve
une infcription à la Piété d'Hadrien. Il y
en a quatre autres dans Grutter. (Z>. J.)
Piété , f f. (OmitholJ en X^impha^
laris. Cet oifeau eft fort commun dans le
Soifl'onnois &. le Beauvoifis ; il eft plus
grand qu'une cercelle , & moindre qu'un
morillon : il y en a quelquefois de toutes
blanches , & d'autres qui ont du noir dans
le champ de leur pennage ; mais leur cou-
leur la plus commune , eft d'avoir le def-
fous de la gorge & du ventre tout blanc ,
& le deftus du corps noir ; les ailes comme
celles d'une pie; les pies & la queue com-
me ceux du morillon ; fon bec eft rond ,
& n'eft point voûté par-defliis ; mais il eft
dentelé par les bords ; elle a une huppe à
l'endroit où lui commence le cou fur le
derrière de la nuque. {D. J.)
Piété , f. f (Blafon.) On fe fert de
ce terme dans le blafon, pour fignifier les
petits d'un pélican, qui s'ouvre le fein pour
les nourrir de fon fang. Les le Camus de
Paris , originaires de Poitou, portent dans
leurs armes un péhcan avec fa piété , le
tout de gueules. Du Dréfic de Kerforn,
en Bretagne -^A^ argent au pélican d'a{ur ,
fa piété de gueules. Ménétrier. (Z). /.J
Piété, monts de, Fôye^ l'article
MONT%DE PIÉTÉ.
PiÉTER le gouvernail, ÇMarinc.)
PIE
C*eft y mettre des marques de dîflances
en diftances , divilees en pies & pouces ,
a*in de connoître combien il enfonce dans
l'eau.
PIÊTISTES, f. m. p\.(Hlft. cccUf.)
fefte qui s'eft élevée en Allemagne dans
le fein du luthérauifme , &c qui eft pref-
qu'aufli ancierine que le lurhéranihne
même , & qui femble tenir le milieu entre
les Quakers ou trembleurs d'Ansileterre ,
& les Quiétiftes. Voyc\ QuAKERS 6-
QUIÉTISTES.
Schwenfeld en avoir ébauché le plan ,
Weigel l'avoit perfefllonné , & Jacques
Bohm, cordonnier de Siléfie, l'avo't répan-
due dans fa patrie. C'étoient des hommes
entêtés de la théologie myftique, qui ont
outré l'idée de l'union de l'ame avec Dieu,
prétendant, que c'étoit une unité réelle , &
une identité phyfique de l'ame tranTmuée
en Dieu &: en Jefus-Chrift. En forte que
l'on pouvoir dire , l'elon eux , dans un fens
propre & fan^ métaphore , « que l'ame
H étoit Dieu , & que Jefus-Chrift étoit
V* en nous le nouvel Adam ; qu'a-nfi ado-
H rer fon ame , c'étoit adorer Dieu &
>» fon Chrift. » A cette erreur capitale ,
ils en ajoufoient plufieurs autres, folon un
miniftre de Dantïick,, qui les accufe non
feulement d'hérélie,mais encore de ichiTme.
Cet auteur définit le Putifme , un afTem-
Mage de fyflêmes d'Anabaptifte> , de
Schwenfeldiens, de Weigeîiens, de Ralh-
maniens , de Labadifl.es ôc. de Quakers ,
qui fous prétexte d'une nouvelle réforme,
& dans refpérance de temps plus f^ivora-
b!es , abandonnent la confeffion d'Aus-
bourg, admettent à leur communion toutes
fortes de fe6les, particulièrement des Cal-
vinifles , & font parfaitement indiffércns
en matière de religion..
Il !eur reproche encore de croire , avec
les Donatiftcs, que l'efFet des facremens
dépend de la piété & de la vertu du mi-
nière; que les créatures font des émana-
tions de la fubftance divine ; que l'état
de grâce efl: une poiïefîion rée'le des attri-
buts divins; qu'on peut être uni à Dieu
quoique Ton niela divinité de Jefus-Chrift;
que toute erreur eft innocente , pourvu
qu'elle foit accompagnée de fiiicérité', q-je
la, grâce prévenante, e(l naturelle ; que la
P I E 87r
voîontë commence l'ouvrage du falut; que
l'on peut avoir de la foi fans aucun fecours
furnaturel ; que tout amour de la créature
eft un péché ; qu'un chrétien peut éviter
tous les péchés , & qu'on peut jouir dès
ce monde du royaume de Dieu. Manipu-
las obfcrvationum antipieîijiicarum.
M. Chambers obferve que toutes ces
accufations ne font pas également fondées,
& que quelques-unes même font exagé-
rées ; qu'il y a des Piétiftes de différentes
fortes , dont les uns font dans des illufions
groftieres, & pouffent le fanatifme jufqu'à
détruire une grande partie des vérités
chrétiennes ; que d'autres font iimplement
vifionnaires , & de bonnes gens , qui ,
choqués de la froideur & des formalités
des autres églifes, & enchantés de la dé-
votion ordinaire cîes Piénjies , font atta-
chés à leur parti fans donner dans la grof-
(léreté de leur erreur.
Mais on ne fauroit les dlfculper d'avoir
fait fchifme avec les Luthériens ; car en
1661 , Thefphile Brofchbandt & Henri
Muller , l'un diacre de l'églife de Roftok
au duché de Mékelbourg , & l'autre doc-
teur de l'univerfité de cette ville, invefti-^
verent contre le refte 6es cérémonies ro-^
mainesque les Luthériens ont confervées,
autels , baptifteres , chants eccléfiaftiques,
prédications, même tout félon eux devoir
être aboli ; & c'eft ainfi qu'en uferent
Spéner & Jean Hors, qui retranchèrent
tout l'appareil des cérémonies dans les
églifes dont ils étoient pafteurs, & con-
vertirent le fervice qui fe faifoit dans les
prêches , en aftemblées particulières dans
les maifons où ils expHquoient l'écriture
à leur mode , & qu'on nomma pour cela
collèges de la parole de Dieu , collegia
philoi>ib/ica. heur fec^e d'abord répandue
en Saxe & en Prufte , y a été profcrite ,
& s'eft maintenue feulement à Hambourg
& en Hollande. Catrou, hifi. des Trem-
bUurs ^ liv. m..
; PlÉTiSTES CMe des) , {Hift. eccléf.)
Sefte moderne qui s'eft élevée dans le
dix-feptieme fiecle parmi les réformés ,
rour ranimer la piété chancelante, & con-
duire les hommes au faîut par la feule foi
qu'on doit avoir en la latisfaftion de J. C.
mort pour nos pécfcés. Il eft difficile de.
#■■
87i PIE
dire fi ces Puùftes font les mêmes que
ceux de l'article précédent , tant on en
parie diverfement.
On place l'origine de cette fefte plus
pieufe qu'éclairée chez les Luthériens d'Al-
lemagne , vers le milieu du dernier fiecle.
Elle s'eft formée par les exhortations de
Philippe- Jacques Spéner , célèbre Théo-
logien Allemand. 11 étoit né en Alface ,
&: mourut en 1705 à Berlin, où il étoit
confeiller eccléfiaftique , & un des prin-
cipaux pafteurs.
Dans le temps qu'il demeuroit à Franc-
fort , frappé de la décadence de la piété
&: des progrès de la corruption , il forma
le deiTein de ranimer la première , & de
s'oppofer à l'autre. Dans cette vue il éta-
blit , en 1670, une alTemblée ou collège de
piété dans fa maifon ,'d'où il la transporta
dans une églife avec la permiffion du ma-
giftrat. A cette affemblée étoient admifes
toutes fortes de perfonnes , hommes &
femmes , mais les femmes étoienr féparées
des hommes. M. Spéner commençoit
l'exercice par un difcours édifiant fur quel-
que pafiTage de l'écriture fainte , après quoi
il permcttoit aux hommes qui étoient là,
de dire leur fentiment fur le fujet qu'il
avoit traité.
Il publia un ouvrage où il Indiquoit les
défauts qu'il croy oit remarquer dans l'églife
luthérienne , &î les moyens d'y remédier.
Mais en plufieurs endroits les affemblées
qu'il forma, produifirent parmi le peuple
un mauvais effet , en lui infpirant une
efpece de fanatifme plutôt que la pure
religion , ce qui excita les plaintes de la
plupart des théologiens, qui prétendoient
que fous prétexte d'avancer la piété , on
négligeoitla faine doftrine, & on donnoit
occafion à des efprits féditieux de troubler
la fociété &: l'églife.
Ce fut à-peu-près dans le même temps
qu'il fe forma à Leipfick un autre collège
de piété , femblable à celui de M. Spéner,
&c qui fut nommé coUcgium pkilobiblicum.
Des amis de ce pafteur fondèrent auffi
dans la même ville des aflemblées parti-
culières, deflinées à expliquer en langue
vulgaire divers livres de Técriture-fainte ,
de la manière la plus propre à infpirer la
piété à leurs auditeurs. La faculté de Théo-
PIE
logie autorifa ce^ affemblées où la foule
étoit grande ; néanmoins on en parla à la
cour de Saxe comme d'afTemblées fufpec-
tes, &: cette cour les défendit en 1690.
Il faut confulter fur ce fujet Mosheim ,
inftitut. hifl. chrifi. feculi xvlij.
Ce fut ainfî que naquit le nom de PU'
tiftes , qu'on a donné depuis à tous ceux
qui ont voulu fe diftinguer par une plus
grande auftérité de mœurs , & par leur
zèle vrai ou apparent pour la piété.
Leurs affemblées cauferent de grands
mouvemens en Allemagne , & leur feâ:e
s'étendit dans la SuiiTe , & particulière-
ment à Berne. Un nommé Viglér , du
canton de Zurich, enfeigna le premier la
doâ^rine des Piétiftes dans Berne en 1698.
Il repréfentoit fi vivement l'énormité du
péché & la difficulté de fe fouftraire à la
colère d'un Dieu juftement irrité , qu'il
jetoit ceux qui l'écoutoient dans d'extrê-
mes perplexités. Leurs excellences firent
des enquêtes très-féveres fur la doftrine de
ce prédicateur; mais elles trouvèrent plu-
fieurs perfonnes de confidération qui lui
étoient fecretement attachées.
Il combattoit fur-tout l'opinion de ceux
qui prétendoient fonder le falut fur les
œuvres extérieures de piété, les prières,
les aumônes ; & il enfeignoit que l'unique
voie pour obtenir le falut j confifioit dans
la foi qu'on doit avoir en la fatisfaclion
de J. C. mort pour nos offenfes.
L'imagination effrayée du peuple pro-
duifit dans quelques affemblées particuliè-
res des convulfions & des tremblemens ,
qu'ils difôient reflfentir par l'horreur de
leurs péchés, & la difficulté pour eux d'être
régénérés & faits enfans de Dieu.
Leurs principes enthoufiafles fe font
depuis répauj^us dans les Provinces-Unies,
où l'on n'a vu que trop de perfonnes qui
en ont été imbues. Ç Le chev. DE JaU"
COURT )
PIETONNER , {Pêche.) c'eft fouler
ou pommeter le fable avec les pies , pour
la pêche du poiiTon plat.
PIETRA'MALA , (Géogr.) village
à huit lieues de Bologne, à dix-huit de
Florence, peu éloigné de Fiorenzuola. Le
beau fpedacle que la phyfique offre dans
ces montagnes , par le feu qu'on appelle
dans
P î E
^ns le pays/uaco dt legno , à un mille de
jPietra-Mala !
Le terrain d'où cette flamme s'exhale
Si dix ou douze pies en tout fens , fur
lie penchant d'une montagne à mi-côte ,
parfemé de cailloux , lans fente ni crevafïè.
Cette flamme eft^ fi vive , fur-tout quand
le temps eft pluvieux & la nuit obfcure ,
jQu'elle éclaire toutes les montagnes voi-
iines.
En y jetant de l'eau , la flamme pétille
& cefle pour un inllant , mais bientôt
elle reprend toute fa vivacité ; le bois s'y
enflamme très-vite, mais les pierres n'y pa-
roiflênt prefque pas altérées ; le terrain n'en
efl pas même chaud dans les endroits où il
n'y a pas de flamme aduelle. Si un grand
vent l'éteint, ce quiefl très-rare, il fuflitd'en
approcher la moindre lumière pour la rallu-
mer en entier. L'odeur ferable tenir un peu
À\i foufre ou plutôt de l'huile de pétrole.
îM. Lauta Bafîi dit que cette odeur appro-
choit de celle qu'on apperçoit quelquefois
ilans les expériences d'éleâricité.
Quand le temps efl difpofé au tonnerre ,
la flamme redouble de vivacité ; ce qui
fembleroit Indiquer quelque rapport avec le
feu éledrique.
Selon M. Targioni ( Voyages en Tof--
cane ) tom. IV , pag. ^oo) , ce feu doit
être regardé comme le refle d'un volcan
éteint depuis long-temps.
Dans un pré , à un demi-mille de Pietra-
Mala , efl: une fontaine appellée Acqua
JBuiay dont l'eau efl froide , mais s'allume
comme de l'eiprit-de-vin , quand on en
approche une allumette. Voyage d'un
François en Italie y tom. II. ( C)
PIETRA-SANTA , (Geog. anc.) petite
ville d'Italie , dans la Tofcane , entre l'état
de la république de Lucques , & la princi-
pauté de Mafla. Magin croit que c'efl l'an-
cien endroit appelle Lucus Feronice. Long.
PIETRO IN GALATINA ( 5an ) ,
'{ Ge'ogr. mod. ) petite ville d'Italie , au
royaume de Naples , dans la terre d'O-
tranre , à 5 milles au levant de Nardo , & à
.10 au mi .^i de Lecce. { D.J.)
PIETTE RELIGÏEUSIÎ , NOUET-
TE BLANCHE, l'J. {Hifi. nat. Omi^
tholog. ) albellus alter , Adl. morgus major
Tome XXV.
PIE 87$
çirratus gefu y Wil. oifeau qui pefc envi-
ron une livre huit onces, & qui a feize
à dix-fept pouces de longueur depuis la
pointe du bec jufqu'A l'extrémité de la
queue ou des doigts. L'envergure efl de
plus de deux pies. La tête , le cou & la
huppe, font entièrement blancs , à l'excep-
tion de deux taches noires : l'une de ces
taches entoure la happe , & fe terminis
en angle aigu ; l'autre s'étend de chaque
côté de la tête , depuis les coins de la
bouche jufqu'aux yeux. Toute la face infé-
rieure de l'oifeau efl d'un très-beau blanc.
Les longues plumes des épaules font de la
même couleur , & le dos efl noir ; il y a
de chaque coté une tache noire en forme
de croiflant & double, qui defcend ,du
dos , & qui entoure en partie la poitrine
comme un collier. Les ailes font en partîp
noires & en partie blanches. La queue efl
d'un cendré noirâtre. Le bec &' les pies
ont une couleur cendrée ou bleuâtre. Les
doigts font unis les uns aux autres par
une membrane brune.
La femelle efl très-différente du mâle.
Plufieurs auteurs en ont fait deux efpeces
particulières. Elle n'a point de huppe ; la
tcte & les joues font rouffes en entier'^
toute la face fupérieure du corps , à l'ex-
ception des ailes , efl d'un brun cendré :
au refle elle reffemble affez au mâle. Rai.
fynop. mit. api. Voye\ OiSEAU.
PIEU , f. rn. {Hifi. anc.) gros bâton
pointu , ou pièce de bois , dont on fe
îert pour faire 6es enclos, des paliffades.
Les Grecs & les Romains s'en fervoient
pour fortifier leurs camps en les plantant
fur la crête du parapet ; mais ils n'avoient
pas le même ufage de les tailler ni de les
ébrancher. Voici ce que Polybe remarque
à cette occafion. Chez les Grecs, dit-il,
les meilleurs pieux font ceux qui ont beau-
coup de branches autour du jet. Les Ro-
mains au contraire n'en laiffent que deux
ou trois , tout au plus quatre , & feule-
ment d'un côté. Ceux des Grecs font plus
ailés à arracher : car comme les branches
en font fortes & en grand nombre , deux
ou trois foldats y trouveront de la prife ,
l'enlèveront facilement ; & voilà une porfe
ouverte à l'ennemi , fans compter que
tous les pieux voifins en ferorit ébranlés.
S^sss
S74 PIE
Il n'en efl pas ainlî cîiez les Romains ,
les branches font tellement mêlées & in-
férées les unes dans les autres , qu'à peine
peut-on diftinguer le pie d'où elles fortent.
Il n'ed pas non plus pofliblc d'arracher
ces pieux ^ parce qu'ils font enfoncés trop
avant ; & quand on parviendroit à en en-
lever un de fa place , l'ouverture qu'il
lailTe cft prefque imperceptible. D'où il
cfl aifé de voir avec quelle attention les
anciens fortifioient leurs camps , partie de
la guerre que les modernes ont prefque
totaie.Tent abandonnée.
On plantoit encore dans le camp , d'ef-
pace en efpace , des pieux , pour fervir de
but aux jeunes foldats qu'on exerçoit à tirer
des armes & à lancer le javelot.
Dans les fupplices , le pieu fervoit «à
attacher les criminels condamnés à être
battus de verges : ce qu'on appelloit ad
palum alligare. Quelques-uns prétendent
qu'on s'en fervoit auffi pour les empaler ,
comme on fait aujourd'hui chez les Turcs ,
mais fans fondement ; on ne trouve point
dans les hifîoriens de traits qui aient rapport
à cette efpece de fupplicc.
PIEUX, f m. pi. {Archit. hydrauL)
pièce de bois de chêne , qu'on emploie
dans leur grofîèur , pour faire les palées
des ponts de bois , ou qu'on équarrit pour
les files des pieux {voye\ ce mot) qui
retiennent les berges de terre , les di-
gues , &c. qui fervent à conftruire les
batardeaux. hes pieux font pointus & ferrés
comme les pilots ; ce qui en tait pourtant
la différence , c'elt que les pieux ne font
jamais tout à fait enfoncés dans la terre ,
& que ce qui en paroît au dehors eft
fouvent cquarri. Voye:^ PiLOTS.
Pieux de garde. Ce font des pieux qui
font au devant d'un pilotis , plus peuplés &
.plus hauts que les autres , & recouverts
d'un chapeau. On en met ordinairement
devant la pile d'un pont, & au pié d'un
mur de quai ou de rempart , pour le ga-
rantir du heurt des bateaux & des glaçons ,
& pour empêcher le dégravoiemcnt. Dapi-
ler, {D. J.)
Pieux {jfile de) y (Hydr.) c'eft un rang
de pieux équarris , & couronnés d'un
chapeau arrêté à tenons & mortaifes , eu
attaché avec des chevilles de fer, pour
P I E
retenir les berges d'une rivière , d*un étang,
ou pour conlerver les turetcs & chauflees
^Qs grands chemins. { K)
Pieux, Pilots ouPiLOTis.Lesp/>yx
font le plus communément employés à
porter un édifice confiruit au deflus des
hautes eaux , tels que font les ponts de
charpente , les moulins , &c.
On fe fert des pilots ou pilotis pour
porter un édifice de maçonnerie que l'on
veut fonder fous les baffes eaux , comme
font les ponts, les murs de quai , de cer-
tains bâtimens & autres ouvrages.
Les dimenfions ^ pojitions y efpacemens
& le battage des pieux & des pilots ou
pilotis y forment quatre objets dillinds que
l'on va examiner féparément.
Dimenfions, Un pieu qui doit être ex-
pofé à l'eau & à l'injure du temps , doit
être formé de la pièce la plus forte que
l'on puiife tirer d'un arbre ; & ce fera
l'arbre même , fur-tout s'il efl d'un droit
fil & fain : tout équarrifîàge ou redreife-
ment francheroit les fibres , & tronqueroif
par fegmensles corps ligneux , annulaires,
dont la contexturc plus ferrée que des
infertions qui fc trcnivent de l'un à l'autre
de ces corps ligneux , pourra mieux réfifler ,
étant confervés en leur entier ; on doit (e
contenter d'abattre les nodofités , d'équarrir
& former en pointe pyramidale le bouc
defiiné à la fiche. On fe contente quel-
quefois de le durcir au feu , quand le pieu eil
delliné pour un terrain quin'eft pas ferme,
linon il doit être armé d'une lardoire , ou
fabot de fer à trois ou quatre branches , ou
d'équarrir aulîi le bout vers la tête , lorf^
qu'il eft tros gros & qu'il pourroit excéder
la largeur des fommiers que l'on pofe &
aiîemble horizontalement à tenons & mor-
taifes fur la tête des pieux.
On a le même intérêt de conferver les bois
dans toute leur force pour les pilots '-, ils
doivent pour cet effet être également ronds.,
de droit fil & fans nœuds excédans.
La groffeur des pieux dépend donc de
celle des arbres -que l'on peut avoir dans
chaque endroit ; l'on fe propofe commu-
nément de leur donner environ dix pouces
de groffeur mefurés au miheu de leur lon-
gueur pour 15 & ï? pies, & de deux
pouces de plus peur chaque toii'e excédantt
PIE
cette première longueur : ainfî un pieu
de 33 à 3<^ pies, par exemple, devroit
avoir environ i6 pouces de groiTeur ré-
duite fans l'écorce.
hts piloî^. d'une certaine longueur n'ont
pas befoin d'être li gros à proportion que
les pieux y étant prefque toujours enfoncés
entièrement dans le terrain , & moins ex-
pofés pour cette raifon à plier fous le fardeau
& à être ufés par le frottement de l'eau &
des corps qu'elle charie ; on doit pour
cette raifon choifir les arbres les plus jeunes
& les plus menus.
Il fufïît que ces pilots aient environ 9
Souces de groiTeur, jufqu'à 10 & il pies
e long y & un pouce de plus pour chaque
toife excédante cette première longueur.
Ainli un pilot de 2.8 à 30 piées de long
auroit un pié de grofleur réduite , mefurée
auili fans l'écorce : ce qui donncroit à-
peu-près 10 pouces à la pointe & 14 à
îa tête.
Lorfque l'on n'a pas des arbres aflez
longs , ou que les pieux ou pilots ayant
pris plus de fiche que l'on ne l'avoit
compté , fe trouvent trop courts , on
peut les enter & " les alTembler exade-
mtnt en (5^ fur 2 & 3 pies de longueur ,
après quoi on doit les lier fermement avec
deux bonnes frettées de ter , obfervant
pour les pieux de difpofer ces entes de
façon qu'elles puifîènt être recouvertes par
les moiles qui les doivent embrad'er , & en
liaifon alternativement de "^l'une à l'autre
moifè.
Il fera parlé de ces moifes par la fuite.
On trouve dans le traité de charpenterie
de Mathurin Joufie , par M. Delahire , que
les pilotis doivent être équarris ; c* donne
à ceux de 12. pjés , 10 à ^2 pouces de
grofTeur ; & à ceux de 30 pies, 16 à 21
pouces, au lieu de 9 pouces & de I2red.
de grofleur que l'on a propofé ci-devant,
& qui fuffifent d'après ce qui fe pratique
avec fuccès fur les plus grands travaux
pour ces différentes longueurs.
' Mathurin Joufle , en propofant d'équar-
tir les pilots & de donner des dimenjions
inégales pour leur grofTeur , avoit fuivi
ce qui fe pratique pour les batimens
P I E 87)
de donner plus de hauteur que de largeuf
aux pièces que l'on po!e horizontalement :
c'efl ce que M. Parent a fait aufîi con-
noîrre dans les mémoires de l'académie
des fciences de 1708 , où il efl démontré
que la pièce la plus forte que l'on puilïê
tirer d'un arbre , pour porter , étant placée
dans ce fens , doit être telle que le quarré
de l'un de Çts cotés foit double de celui
de l'autre côté : ce qui revient à-peu-près
au rapport de 7 à 5.
Il n'en eft pas de même pour les pieux
qui lont delèinés à porter debout. Quant à
l'équarriflèment & à Tinégaiité de leurs
côtés , c'efl ce que l'on croit avoir aiîez
expliqué précédemment ; mais on ne pou-
voit fe difpenfer d'expofer ce qu'ont adopté
à la fois un bon charpentier & un mathé-
maticien habile fur le fujer que l'on vient de
diicuter , afin que l'on pût connoîtue mieux
ce qui doit être préféré.
Ces réflexions ne doivent ce-pendant pas
empêcher d'employer des pieux ou àç.s
pilots équarris dans de certaines circonf-
tances; on place quelquefois, par exem-
ple , des pilots de cette eîjjecc au pourtour
extérieur des fondations , pour que \qs
palplanches que l'on chafTè entre cts pilots
puifîènt leur être plus adhérentes..
On doit ôter l'écorce en entier , & laifler
l'aubier aux pieux & aux pilots pour les
parties qui fe trouvent fous l'eau.
L'écorce ne donne point de force au
bois ; elle augmente beaucoup le frottement
par fon épaifTeur & fon afpérité , lors du
battage des pieux ou pilots , & empêche
qu'ils ne prennent autant de fiches fous
la même percuflion.
L'aubier n'efl point vicieux fous l'eau ;
il s'y confcrve comme l'on fait que le fait
bois , lorfqu'il efl continuellement fub-
mergé : fur-tout le chêne que l'on emploie
par préférence aux ouvrages conflruits dans
l'eau ; il a d'ailleurs de la force lorfque la
fève en efl retirée , comme on peut en
juger par les expériences de M. de Bufïbn
{^mémoires de V académie y année i J^-l ,
pag. 3.^6) fuivant lefquelles il a reconnu
que la force de l'aubier étoit feulement de
j'y ou environ , moindre que celle du bois
pris au cœur du même chêne : ce qui fe
OÙ cela efl nécefTaire , & où il convient I trouvoit être auili à-peu-près dans le rap-
SSSSS 2
S7<^ PIE
port des denfîtés de l'un & de l'autre bois
(Se aubier. Les circonflances fur la lon-
gueur , groïïeur & fur la façon de charger
les bois &c aubier , étoient d'ailleurs les
mêmes ; ainfî il paroît que l'on peut laifîer
l'aubier aux pilotis fans inconvénient.
Lorfque l'écorce recouvre l'aubier, elle
garantif l'œuf que la mouciiè y a dépolé,
& le ver qui en provient jufqu'à ce qu'il
ait acquis aflez de force pour abandonner
l'aubier , dont la fubftatice , lof fqu'elle efl
encore abreuvée de la fève , peut mieux
Convenir à la délicatefTe du premier âge,
que le bois où il ne pourroit s'introduire
d'abord , ni y vivre. C'eft ainfi qu'en ufe
la nature par rapport aux infeâes : en
général le degré de chaleur qui fait éclore
le ver à foie , développe aufll la feuille du
mûrier pour lui préfenter une fubftance
délicate ; elle acquiert chaque jour une
confiilance plus forte , qui fe trouve par
ce moyen toujours analogue à celle du ver
qui croît & fe fortiiSe en même temps.
L'arbre étant dépouillé fur pié de fon écorce
pendant le fort de la fève , & laifTé enfuite
fur pié au moins fix mois , on a reconnu
que le bois durciflbit & que l'aubier en dè-
venoit prefque auffi fort que le bois. Vqye:^
les expériences de M. de Buffon , mémoires
âeVacad. de îJsS y p. iS^^
L'écorce étant ôtéc lorfque l'on coupe
Tarbre , le ver fera tué par les mauvais
temps & la gelée , atvant qu'il ait acquis
îiffez de force pour s'introduire dans le
l)ois ; c'ert au moins à quoi l'on penfe
■*^fU' i^^voir attribuer ce que l'on a remarqué
y^ fur la corifervation Ats bois expofés au
dehors , & auxquels l'on àvoit ufé de cett€
précaution.
Il n'en fera pas de même des bois
employés à couvert ; la mouche dépofera
fon œuf dans le peu d'aubier que l'on y
aura laifTé, & le bois fera enfuite atta-
qué du ver qui en proviendra j on croit
pour cette raifon qu'il n'efl pas toujours
néceffaire d'ôter l'aubier des pieux dans la
partie qui le trouve au defTus de l'eau. On
a même remarqué à plufieurs ponts qu'il
s'étoit durci & avoit^acquis une confiftancc
capable de fortifier ces pieux & de les
confcrver plus long-temps , fur-tout lorfque
l'on àvoit eu l'âtteiuiôn de làifTel* 1^ bois
PIE
dans l'eau pendant quelques mois , avi^t
de les employer ; précaution dont on ufe
pareillement avec fuccès pour la latte que
l'on fait quelquefois avec l'aubier. Cepen-
dant chacun doit en ufer pour f.t qui fe trou-
vera au delfus de l'eau, comme il le jugera
le plus convenable , vu que la luppreiiion
de l'aubier ne fauroit d'ailleurs être pré-
judicinble dans cette partie , fi l'on a atten-
tion d'y fuppléer en donnant un. peu plus
de grofleur aux pieux.
Lidépendamment de la vermoulure 4
laquelle le bois efl expofé , fa fermentation
de la fève , fur-tout dans les parties ren-
fermées , & leur expoiltion alternative â
l'air & à l'eau , font également des caufes
principales d'e defîrudion affez connues , &
{Ijr leiquelles nous ne nous arrêterons point y
pour ne pas trop nous écarter de notre pro-
jet principal.
Pofition. Les pieux & pilotis battus
dans les rivières , doivent toujours être
placés dans le fens du cours de l'eau j ils
doivent être pôles d'équerre enrr'eux , au-
tant que cela fe peut , & à-plomb, excepté:
le cas dont on va parler.
Une filé de pieux battus pour porter un;
pont de charpente , fe nomme pak'e ; &.
une même palée efl quelquefois compofée
de plufieurs files de pieux pofés parallé--
lement, & à-peu-près fuivant le plan des>
piles àts ponts de maçonnerie.
Les deux ou trois pieux du milieu dé ces :
palées doivent être battus à-plomb , & les-
autres de chaque côté obliquement; on en.
décharge en^fens oppofé fur la longueur àçs
palées , pour empêcher le deverfement ds
l'édifice conflruit fur cas pieux.
On bat quelquefois dès /)/Vr/a: plus petits
de part & d*autre dss palées pour les
affermir à la hauteur des baffes eaux , lorf^
que les principaux pieux ont beaucoup de
longueur au-deffoùs de ces baffes eaux au
fond du lit de la rivière, oii bien auflî
pour les preferver contre le choc latéral
dts glaces ; on les nomme pieux de hajjes
palées \ ils doivent être battus à-plomb ,-
à quelques pies des grands pieux que l'on
nomme aufîi pieux d'étape ; & au droit
du vuide ou intervalle d'entre ces pieux ^-
on les coëfFe de chapeaux qui font retenus
CJâtir'èUx & Contre ks pieux, d'émpc: avec
#
P I E
des Blocliets moîf^s & afîemblés à queue
d'aronde fur les chapeaux.
Les pilots des batardeaux & ceux des
crèches que l'on place quelquefois au pour-
tour des piles & au devant des culées &
rnurs pour plus de fûrcré contre les af-
fouillemens ^ doivent aufli être battUs i-
plomb.
On eft pareillement dansi'ufage de battre
les pilots de fondation à-plomb ; cependant
lorfque le terrain eft de peu de confif-
tance , il eft à propos d'inclirîer un peu
ceux du pourtour des parennens extérieurs
vers le maffif de la fondation ; par ce
moyen on peut empêcher le dcverfèmcnt
des pilotis j qui ne pourroit avoir lieu
fans le redreflement de ceux qui feroient
inclinés , à quoi le poids de la maçonnerie
du defllis doit s'oppofer ; ce font les pilots
des culées & murs de quai qui font les
plus expofés au deverfement pour la poulîe©
des terres du derrière.
Les pilots font ordinairement préfentés
& pbfés par le petit bout ; ils entrent ,
dit-on , plus aifément dans le fens , &
font mieux battus au refus , ce qui eft le
But eflentiel que l'on doit fc propofér
pour les ouvrages de maçonnerie à fonder ,
à caufe de leur poids beaucoup plus con-
fidérable pour l'ordinaire que des édifices
que l'on établit fur des pieux au delfus'
CLts grandes eaux : cependant des expé-
riences faites avec foin nous ont fait con-
ijoître que les pilots ferrés & battus le
gros bout en ba« , comparés avec ceux
de même longueur & grofleur battus de
fêns contraire dans le même terrain , &
avec le même équipage, étoient d'abord
entrés avec plus de difticuké, mais tou-
jours affez également , & qu'ils font par-
venus plutôt d'environ un quart de temps
a"u refus du mouton de 510 livres de pe-
fanteur , à- la même profondeur dé 19 &
20 pies; ce qui paroît devoir provenir de
Ce que le frottement qu'éprouvent ces der-
niers pilots , eft à peu près égal , lorfqu'ils
augmentent toujours , à ceux qui font
chalfés le petit bout en bas.
On croit cependant qu'il convient de
s'en tenir à l'ufàgc ordinaire de battre les
pilots le petit bout en bas ; cette difpo-
lition-, en plaçant ha-iêtedirecbemciitfoUs
PIE 7y
le fardeau , doit les rendre plus forts &"
moins Vacillans.
A l'égard àes pieux , le bout par lequel-
il convient de les mettre en fiche dépend
dé la hauteur à laqaelle les bafles eaux &
les glaces doivent arriver contre ces pieux,
Lorfque le milieu de la longueur du
pieii devra fenfiblement fê trouver au
dèfîbus des bafles eaiix , il conviendra de'
lés mettre èri fiche pàt le petit bout ,-
comme leà pilots '-, parce que fa partie la-
plus forte fe trouvera aii defîbs des bafles^
eaux , où eft celle qui feche ôt mouille-
alternativement , & qui eft pour èetter '
raifon la plus expofée à être endommagée. ■
C'eft auffi dans cette partie fupérieure que
fé fait le xhoc des glaces , toutes caufes-
de deftrudion plus importantes que celles'-'
que les pieux peuvent éprouver dans leur
partie inférieure par le frottenaent feul dé
l'eau, -
Sî lé milieu de la longueur des pieux^
devoit fe trouver élevé à la hauteur des •
eaux moyennes , au lieu de celle des baflès •
eaux, comme cela arrive aflèz ordinaire-» ;
ment aux grands ponts de charpente , ii>
conviendroit , pour la raifon que l'on vient î
d'expliquer ci-dévant , de les battre le gros '
bout en bas.-
Les pieux dés grand?5 ponts fourniftènt , ,-
à raifon de leur longueur , un motif de plus •
pour les battre le gros bout en bas ^ ils
le trouvent pour lors comme l'iarbre dans
la pofition la plus naturelle & la plus forte
près la racine, pour réfifter aux ébranle--
mens auxquels ils font plus expofés par '
leur longueur.'
On ne doit d'ailleurs point' àft>îf égard
à ce qui peut concerner une certaine fitua--
tion que quelques phyftciéns préténdénf-
devoir être préférable pour la confèrvatiôn
des bois, relativement à leur opinion fur là
circulation de la fève. On renvoie aux
expériences dé M. Hàleis pour en juger.
Statique des l'e'^e'taûx y pUg. 13^.
Efpacemens. L'efpacement des pieux &
celui des pilots dépend de leur grôffeur ,
leur, longueur , & du fardeau qu'ils doivent"
porter, en les fuppofant d'ailleurs d'une
même efpece & même qualité dé bois.
' Suivant' les expériences de MuiTchert-
bfoeck , ejjais de phyfique , ,pag. ^0 , -
î?78 PIE
les forces des pièces de bois rondes ou
quarrées étant chargées fur leur boyr, lont
entr'elles comme les cubes d^^ leur dia-
mètre ou grofleur pris direâement , &
% le quârré de- leur longueur pris récipro-
quement.
(*) En comptant le pié rhenant dont
s^eil fervi MufTchenbroeck pour n pouces
7 lignes du pié- de-roi , & la livre pour
14 onces poids de marc , qu'il paroît par
d'autres expériences avoir employé , on
peut conclure qu'une pièce de 6 pouces
de gros en quarré , & 6 pies de long, por-
. tera 23418 livres , le tout étant réduit aux
m élu r es de Paris.
' Cette réliftance efl: pour le cas de l'équi-
libre ; comme il ne faut pas même que*
les bois foient expofés à plier ferffiblement,
on conçoit qu'il convient, dans le calcul
que l'on en feroit , évaluer cette réiillance
au deflous du réfultat précédent.
On peut voir par les expériences de
M. de Buffon , & citées dans les mémoires
de V académie des fciences de zj/^z ^ fur
la réfiiiance àes bois pofés horizontale-
ment , que plufieurs pièces de 14 pies &
5 pouces de gros qui ont été caflées fous
un poids réduit de 52.83 livres , après avoir
baiflë de 10 pouces , avoient déjà plié de
12. à 15 lignes au dixième millier de la
charge ; ce qui fait connoître que la ré-
iillance des pièces ainfi chargées ne doit
être évaluée qu'au quart ou au tiers au
plus de leur réiillance abfolue.
Nous manquons de pareilles expériences
en grand pour les pièces qui font pofées
debout ; mais comme elles font bien
moins fujettes à plier fous le fardeau dans
ce fens , on croit qu'en réduifant à moitié
leur réfiHance , ou le poids dont on peut
les charger pour les rompre y elles ne
(èront pas expofées à plier fenfibleraent.
Dans ces expériences & remarques 3 on
trouvera l'efpacement qu'il faudra donner
aux pieux & aux pilocs , en divifant le
poids dont ils devront être chargés par
la forme de l'un de ceux que les circonf-
tances pourront permettre d'employer.
PIE
On connoîtra , en faifant ce calcul .
qu'un pieu de 36 pies de longueur & 10
pouces de grofleur réduite, qui auroit 27
pies au delTus de la fiche , & feroit moiië
de 9 en 9 pies , pourroit porter 73458
livres , ayant réduit à moitié la force ré-
fultante du calcul par les raifons expliquées
ci-devant.
La travée du pont de charpente qui au-
roit 3^ pies de long ou d'ouverture d'unç
palée à l'autre , & ce feroit une àts plus
grandes travées que l'on fait dans i'ulàge
de conftruire , pefcroit pour une partie
de 4 pies & demi de largeur qu'auroit à
porter un pieu d'entre ceux qui feroient
eipacés à cette diflance , à peu près 41
milliers , compris le pavé & le fable du
deflus ; il relleroit à ce pieu une force ex-
cédante de 32458 livres , pour réliiler
d'une part aux voitures chargées, dans le
cas même où leurs aiflieux viendroient à
fe caffer , & pour compenfer d'autre part
la diminution de force fur les pieux qui
auront été chafles obliquement ; car on
fait que la force des pièces ainli inclinées ,
efl à celle àts pieux qui font pofés debout,
comme les co-finus de l'angle que forme
la diredion de la charge avec la pièce in-
clinée , efl au finus total.
Il efl bon de remarquer que les nœuds
& de certains vices inévitables fur la qua-
lité âts bois , doivent en dimmuer encore
la force ^ mais cela pourra le trouver com-
penfé en rapprochant le'i liernes & les
moifès jufqu'à lix pies de diflance entr'elles,
ainfi que l'on ell alfez dans l'ufage de le
faire au deilus des ba.iés eaux ; car pour
ce calcul on ne doit compter la longueur
des pieux que par la diflance qui fe trouve
d'une raoife à l'autre. Un pilot de 12 pies
9 pouces de gros que l'on luppofcra excéder
de 3 plés le delTus du terrain , pourroit
porter 111018 livres ou environ, moitié
plus que le précèdent , ce qui devient allez
i bien proportionné à caufe du plus grand
j fardeau que les pilots lont deflinés à por-
I ter ; on n'a pareillement fait le calcul du
' pilot que pour 3 pies de longueur ; la
( * ) Pour appliquer l'expérience He MufTchenbroeck , à des pièces rondes , on a réduit dans les
^calculs (jui fuivsat , le bois tond en bois quairé , de {nème bafe en fupeifîcie.
.PIE
partie qui a pris fiche & qui eu entretenue
par le terrain , ne pouvant plier , elle ne
doit pas entrer en confidération fur la di-
minution de force qu'occafione la lon-
gueur des pièces.
En fuppofant les pilots efpacés de 4 pies
de milieu en milieu , & la maçonnerie du
poidii de 160 livres , le pie cube , ils pour-
roient porter un mur de près de 47 pi^s de
hauteur ; ce qui viendroit afîêz bien à ce
que donne l'expérience par rapport î la
conftruôion des ponts de maçonnerie de
moyenne grandeur.
Si l'on vouloif faire porter un plus grand
fardeau fans changer un certain efpacement
convenu pour les pieux ou les pilots , il
faudroit augmenter leur grofleur en raifon
fous-triplée des poids ; ainli pour une
charge oduple , par exemple , il lufîiroit
de doubler leur diamètre , & ce au lieu
d'augmenter leur fuperficie dans la raifon
du poids dont ils devront être chargés ,
comme il fembleroit , à la première inf-
pedion , que cela devroit être pratiqué.
Cette règle que donne l'expérience cû
auffi conforme à ce qui arrive pour les bois
inclinés ou pofés horizontalement , leur
rélilknce étant en raifon du quarré de
leur hauteur ; ainfi dans l'un & l'autre cas
on voit que pour des pièces qui auroient
même longueur , & dont la grolTeur de
l'une feroit double de celle de l'autre , la
quantité du bois employé dans la plus
groffe pièce ne feroit que quadruple , lorl-
que fa force pour porter un fardeau de
toute forte de fens feroit oftuple ; d'où il
fuit qu'il y aura de l'économie à employer
par préférence de grofles pièces , lorfque
leur prix augmente en moindre raifon que
la fuperficie de ces pièces prifes dans le
fens de leur grofleur.
On n'a parlé julqu'à préfent que des pieux
ou des pilots de chêne ; mais on peut em-
ployer d'autres bois plus ou moins forts ;
c'elt à quoi il faudra avoir égard dans le
calcul. Pour cet effet on va donner le rap-
port de la force de différentes efpeces de
bois , d'après les expériences qui en ont été
faites pour les rompre , ces pieux étant
chargés iùr leur bout :
Le chêne . . 12 . , | Saule . . 9 . . j
PIE 87^
Sapin. . . . 9 . . I Frêne . . 7 . . j
Peuplier . . 7 . . ^ L'aune . . 7 . .
EJJais de Phyjique de MuÛ'chenhroeck,
P^g- 357' #
On voit par ces expériences que le bois
de chêne eft le plus fort ; que le fapin l'eft
moins _, quoique pour porter , étant chargé
dans une pofition horizontale , il foit plus
fort à peu près d'un cinquième que le
chêne *fuivant l'expérience de M. Parent ,
Mémoire de zjoy ; le frêne qui eft aufli
plus dur que le lapin , & qui pourroit
porter un plus grand poids que l'on y
liifpendroit étant placé horizontalement j
fe trouve cependant moins fort pour porter
dans la pofition verticale : cela peut pro-
venir de ce que le fil du bois de frêne eff
moins droit que celui du bois de fapin.
Les calculs que l'on vient de donner fur
la force des pieux & dts pilots pour déter-
miner leur efpacement cntr'eux , paroil-
fent affez bien convenir aux applications
qu'on en a faites ; mais l'on ne doit pas
toujours s'en rapporter au calcul dans un
genre comme celui - ci où l'on manque
d'expériences faites affez en grand fur la
force des bois chargés debout , & où de
certaines confidérations phyfiques , & en-
core peu connues , pourroient induire à
erreur ; il faut donc confulter en même
temps , comme on voit , l'expérience
de ce qui fe pratique avec le plus de
fuccès.
On eft dans l'ufage d'efpacer les pieux
des ponts de bois depuis 4 juiqu'à 5 pies,
& hs pilots de fondation depuis 3 jufqu'à
4 pies, & quelquefois quatre & demi, le
tout de milieu en milieu. M. Bultet , dans '
fon traite d'Architechire y eft d'avis que
l'on doit efpacer les pilots , tant pleins
que vuides , c'eft-à-dire , de deux pies en
deux pies , lorfqu'ils auront un pié de gros ;
ainfi il en entreroit 16 dans une toife
quarrée ifolée ^ & ce nombre fe trouvera
réduit à 9 > lorfque les pilots de bordage
feront rendus communs avec les parties
environnantes.
On trouve dans d'autres auteurs , traita
des Ponts par M. Gautier , pag. 68 , qui
avoit acquis de la réputation pour ce genre
de conflrudion , qu'il faut mettre environ
■3i
S§o VîE
î8 à 20 pilots dans la toife quarrée des'
fondations.
Ce qui fe pratique dans les plus grands
.ouvrages fait connoître qu'il fuffit d'efpa-
cer ces pilots à 3 pies pour le plus près
de milieu en milieu ; il n'en entrera pour
iors que 9 dans le premier cas ci-devant
cité , & feulement 4 dans le fécond ; ce qui
eft bien fufïifant , au lieu de 18 ou ,2.0
propofés ci-defîlis.
Battage ou enfoncement des pitux. Les
jpleux & les pilots fur -tout doivent être
enfoncés jufqu'.au foc ou tuf, & autre ter-
;iain atfez ferme & folide pour porter le
fardeau dont on aura à les charger , làns
jijainais pojivoir s'enfoncer davantage (ous
,ce fardeau ; il faut par conféquent péné-
trer les iàblcs & les terres de peu de
confiftance , & qui fcroient d'ailleurs fuf-
-ceptibles d'être atfbuillés par le courant de
i'eau.
On doit pour cet effet commencer par
i'econnoître les di6ferentes coiîches de tcr-
,rain & leur épaifleur , au moyen d'une
/onde de fer d'environ Z pouces de grof-
.i'eur , battue & chafîee au refus jufques fur
Je roc ou terrain folide , afin de favoir
la longueur & groffeur que l'on auraà don-
11er aux pieux ou aux pilots pour chaque
■endroit où il conviendra d'en battre.
On fe fert , pour battre les pilots , d'une
machine que Vitruve , Philander , Baldus
.& Perrault ont nommée mouton. Ce nom
fe donne plus particulièrement à la pièce
fde bois ou de fonte qui fert à battre le
pilot ; & l'équipage employé pour taire
mouvoir le. mouton , fe nomme le plus or-
dinairement fonnetu.
On fait les moutons plus ou moins pe-
ians , fuivant la force des />/^«x_, la fiche
.xjue l'on doit leur donner & la iiaturc du
.terrain. Cela varie depuis 400 jufqu'à 12^.0
iiv. & plus: on emploie or.dinakcment un
inoufon de 6 à /»oo livres pour Jes pilotis ;
il efi tiré par la for^e de .2.4 ou 2.8 hommes
.qui relèvent %% ou 30 fois de fiitc en une
(minute jufqu'à quatre pies & demi de hau-
jteur ; ces hommes fe repofent après ajjtant
4le temps alternativemem.
Les moutons de laoo livres font tirés
j)ar la force de 48 hommes ; on s'en fert
^^ûurjie iSprî^Uptis c^u \ç.sp'uu;K ordinîiircs ^
P I E ^
mais les plus gros pieux exigent un mou-
ton plus pelant.
On emploie pour lors une machine dif-
férente de la fonnetre ; fix ou huit hommes
font appliqués avec des bras de leviers i
mouvoir un treuil horizontal , fur lequel
efl: placée la corde qui porte k mouton ,
étant élevé au fommet de la machine ; un
crochet à bafcule ou un déclic , font lâcher
le mouton , où defcend la corde en dérou-
lant le treuil pour le reprendre , ou bien
plus commodément & par un échappement
que M. Vaulhoue , horloger anglois, a
imaginé ; la corde redefccnd immédiate-
ment apr.ès le mouton , qu'elle reprend
par une efpece de tenaille de fer qui lui
efl attachée , & cette corde qui efl placée
fur une lanterne dont l'axe elt vertical , le
dévide feul en lâchant un déclic , fans être
obligé de retourner le treuil comme dans
le premier cas , ce qui efl bien plus com-
mode & expéditif ; ces deux fortes de fa-
çons de battre les pieux fe nomment éga-
lement battre au déclic : on s'en fert fou-
vent auffi pour les moutons qui pefent au
defîbus de 1200 livres depuis 6 ou 700
livres , tant à caufe de la difficulté d'avoir
allez d'hommes dans de certaines circonf-
tances pour équiper les grandes fonnettes,
que parce qu'ils fe nuifent , & qu'en tirant
obliquement par les vingtaines ou petites
cordes qui fout attachées à la corde prin-
cipale , comme cela efl inévitable , quoique
ces petites cordes foient quelquefois atta-
chées autour d'un cercle placé horizon-
talement pour diminuer l'obliquité , il y a
toujours une partie afîez confidérable de
la force qui le trouve perdue.
Il efl vrai d'un autre côté que le déclic
eft moins expéditif , puifque le mouton efî
moins grand ; ainfi fuppofer que pour \evex
un mouton de 1200 livres on le fèrve de
huit hommes appliqués à b forînetie à
déclic de iVl. Vaulhoue , au lieu de 48 qu'il
faudroit à la fbnnettc ordinaire fans dé-
clic , on emploiera fix fois plu<; de temps ,
le refle étant fuppofé d'ailleurs égal. On
pourra donc préférer pour le battage dçs
pieux ou des pilota , celle de ces deux
machines qui pourra le mieux convenir
pour le lieu & la circonflance , fans
devpir fe flatter que ce choix puiije
épargner
P lE
épargner la dcpenfe , &c c'eft là le réfulcat
de toutes les machines fîmples , telles qu'elles
fbient.
Un pilotis ne doit être confidéré avoir
été battu fuffifamment , & à ce que Ton
appelle au refus du mouton , que lorfque
l'on eft parvenu à ne le plus faire entrer
que d'une ou deux lignes par volée de
ly à 50 coups, 3c pendant un certain
nombre de volées de fuite ; à l'égard des
pieux , comme ils doivent être moins char-
gés, ou peut fe contenter d'un refus de
6 lignes , ou même d'un pouce par volée ,
fuivant les circonftances.
Lorfque les pieux ou pilots font ferrés ,
il faut avoir l'attention d'en couper le bouc
carrément fur 2 à 5 pouces, ôc de faire
réferver au fond du fabot , autant que cela
fè peut , afin que le choc du mouton puifîe
fè tranfmettre immédiatement fur le fond
de ce fabot , ôc non pas fur les clous dont
chaque branche eft attachée; ce qui feroit
calTer ce fabot ôc nuiroir à l'enfoncement
des pieux,
La tête doit auiïî être coupée carré-
ment fur la longueur du pieu un peu en
chanfrein au pourtour, enfuite fretté de
fer , quelques pouces plus bas , s'il eft be-
fbin, pour empêcher qu'elle ne s'écrafe
ou fe fende.
Le choc du mouton , aidé de la pefanteur
du pilot , le fait d'abord entrer fenfible-
ment; le terrain qui fe refterre pour lui
faire place , forme enfuite une plus grande
réfiftance.
Ce terrain eft auffi ébranlé par la fe-
coutlè ôc la réaction des fibres du pilot
jufqu^à une certaine diftance circulairc-
ment , & de plus en plus , à mefure que
le pilot s'enfonce. On conçoit qu'il doit fè
trouver un terme auquel ces réfiftances ôc
pertes de force employées pour mettre en
mouvement le terrain qui environne le
pilot , pourront le mettre en équilibre avec
la percufîîon ; le pilot n'entrera plus , ôc
au lieu d'un refus abfolu , on n'aura qu'un
refus apparent.
Si on vient à rebattre ce pilot au bout
de plufieurs jours, il pourra encore en-
trer; le terrain qui le preflbit latéralement ,
comprime ôc repouffe de proche en proche
chaque portion circulaire de terre qui l'en-
Tome XKK
PIE ni
vironne ; la réfiftance fe trouvera dimi-
nuée , ôc la même percufîîon employée de
nouveau fera capable d'un même effet ;
c'eft aufîî ce qui fe trouve confirmé par
l'expérience.
On a grand intérêt de reconnoîrre le
refus abfolu pour cet effet ; indépendam-
ment de 1 expédient précédent & de ce
que l'on pourroit employer un mouton
plus pefant en féconde reprife , le moyen
le plus certain fera de faire préiiminaire-
ment les fondes qui ont été propofées ci-
devant , puifqu'elles feront connoitre d'a-
vance la profondeur ôc la nature du fonds
fur lequel les pilots devront s'arrêter.
L'expérience donne aulH quelquefois à
connoitre ce refus alifolu ; dans un terrain
gras , lorfque le pilot eft arrivé au refus
apparent ou de frottement, Télafticité de
ce terrain fait remonter le pilot autant
qu'il a pu entrer par le choc : fi le pilot
eft au contraire parvenu au roc ou terrain
ferme, le coup feraj)lus (ec , 6^ le mou-
ton fera renvoyé avec plus de roideur pas
l'éla(&icité même de la réaétion des fibres
comprimées du pilot.
C'eft de cette raifbn de l'élafticité de
la part d'un terrain gras ôc campaéle, que
l'on ne fauroit y enfoncer qu'un certain
nombre de pilors , paflé lequel ceux qui
ont été premièrement chaflés relTorrent à
mefure que l'on en bat de nouveaux ; ôc
cela doit toujours arriver, lorlqu'il s'eft
fait équilibre entre la percufïion ôc la den-
fîté nouvellement acquife du terrain par
la comprefïîon des pilots.
Le terrain pourroit aufïi avoir naturelle-
ment cette denfité ôc élafticité dont on vient
de parler ; pour lors le premier pilot même
n'y entrera qu'à une certaine profondeijr ,
ôc qu'autant que la furfice du terrain
pourra s'élever pour lui faire place : cela
arrive ainfi dans la glaife pure ôc. verte ,
lorfqu'elle eft un peu ferme.
Oiirpourroit faire que les pilots que l'on
auroit pu chaftèr dans un terrain un peu
gras ôc élaftique , n'en fortiroient point par
la chalTè d'un nouveau pilot ; mais celui-ci
n'y enrreroit que comme le çourroit faire
celui du dernier article ; il f ufKroit pour
cela de battre les pilots le gros bouc en
bas : en voici la raifon.
Ttttt
88i P I E
Lorfque les pilots font chartes le petit
bout en bas, leur furface conique fe trou-
vant chargée de toute part, à caufe de
l'élafticitc fuppofée dans ce terrain ( quand
on vient à chalîèr un pilot aux environs ) ,
les chocs qui fe font perpendiculairement
à la furface du cône , fe décompofent en
deux autres j les uns , qui font dans le fens
horizontal, fe détruifent ; & les autres , qui
■font fuivantla direétion de Taxe, foulevent
le pilot , & le font redbrtir en partie, : il
doit arriver le contraire , & pour la même
raifon, lorfque le pilot eft chafle le gros
bout en basj ainfi, loin de pouvoir forrir,
les chocs qu'il éprouve à fa furface ne
tendent qu'à le faire enfoncer , fuivant fon
axe , s'il y a moyen,
Lorfque Ton fe propofe de battre plus
d'une ou deux files de pieux ou pilo's ,
comme quand il eft queftion. de fonder la
pile ou la culée d'un pont , il faut com-
mencer par ceux du milieu , nommés pi-
lotis de i;emplûge , s'éloignant fuccefîive-
ment du milieu, &c îîni fiant par ceux du
pourtour extérieur , que l'on nomme pH>'is
de hcrâcge : on donne par ce moyen au
terrain la facilité de fe porter de proche
en proche vers le dehors de l'enceinte que
Pon a à piloter , & on peut les enfoncer
plus avant que fî l'on fuivoit une marche
contraire; car ce terrain fe trouveroit pour
lors de plus en plus ferré vers le milieu de
la fondation , &c les pilotis y entreroient
beaucoup moins.
On pourroit alléguer contre cette opi-
nion 5 que les pilots de bordage étant battus
les premiers, pourront auitl être chafles
plus avant , ce qui fera avantageux dans
les terrains fableux , à caufe des affouille-
tnens auxquels le pié des pilots fe trouve-
roit moins cxpofé; qu'à l'égard de ceux
du rcmplage , fî on a foin de les chalTèr
tous au refus, ils feront également propres
au fardeau que la percuffion du mouton
leur aura donné la faculté de porter.
Cette percuffion , comme on va le voir ,
lèroit bien fuflfifante pour que Pon n'eût
rien à appréhender de la part du tafl'ement
des pilots dans les premiers temps; mais.
PIE
comme on l'a fait remarquer pfécédem-
ment , le terrain trop comprimé dans Tin-
térieur de la fondation , tendra peu-à-peu à
s'en écarter. La réfiftance occafionée par le
frottement diminuera, & les pilots pourront
s'afFaifl'er par cette première raifon.
L'écartement du terrain pou fiera aufïî
les pilots avec d'autant plus d'avantage ,
que la force fera continuelle & lente , fui-
vant les principes de la méchanique : on
peut remarquer que le fardeau qui agira fur
la tête des pilots , fuivant une direétion
perpendiculaire à celle de la poufïee de ces
labiés, ne pourra en arrêter ou diminuer
en aucune forte l'effet : les pilots pourront
donc aifément s'écarter par leur bout ,
n'étant d'ailleurs point engagés dans un
terrain allez folide, ainfi qu'on le fuppofe;
ce qui formera une cau^e puifïànte d'affaif-
fement & de deftrudion; d'où il fuit que
la première méthode que l'on vient d'ex-
pliquer , eft préférable à tous égards.
Il eft préfentement queftion d'examiner
quelle eft la force de la percuffion du mou-
ton que l'on emploie à chafler les pieux ,
afin de connoître j ufqu'a quel point il faudra
les battre , pour être en état de porter une
certaine charge déterminée , indépendam-
ment de la réfiftance du terrain folide ,
lorfqu'ils y feront parvenus : on aura pour
lors une fureté de plus , vu l'incertitude où
Pon peut quelquefois fe trouver, d'avoir
atteint le roc , ou autre terrain ferme.
Suivant des expériences de M. de Camus ,
gentilhomme Lorrain (a), ôc autres faites
fur le battage des pilots dans les travaux
des ponts & chaufîces, il paroît que la
force du choc du mouton eft proportionnée
à la hauteur de fa chute , laquelle hauteur
eft comme le carré de la vîteffc acquife
à la fin de cette chute.
Le temps employé par les hommes pour
lever le mouton eft en effet proportionné
à fon élévation , & on a lieu d''en attendre
une quantité de mouvement qui foit pro-
portionnée à la hauteur de la chute : ces
expériences font auffi conformes à celles
faites fur la chute des corps dans la cire
& la glaife où ils fe font enfoncés, en
( a )Traité des forces mouvantes , page 1^4. Expériences faites en 1744, par M, Soycr, àlafon-
iaiiondupont delaEoiric, près la flèche , les pilots étant battus au déclic.
P I E
proportion de la hauteur des chutes, ^oye^
t'hijiorre de l'académie dm fcisnces , pour
tannés IJxB , pages 37 Z? fuiv.
On voit , fuivant ces expériences , que
la force d'un feul coup de mouton lera équi-
valente à celle de plulieurs autres dont la
iomme des chûtes lui feroit égale; ain(i
deux coups d^un même mouton , par exem-
ple , tombant chacun de 1 pies de hauteur ,
ou dont l'un viendroit de 5 pies &; l'autre
d'un pie , feront , pour l'eflet , égaux à un
feul coup dont le mouton feroit élevé de
4 pies de hauteur.
Ce principe mérite cependant une excep-
tion dans la pratique , à caufe de la perte
occa(ionée par le branlement du terrain
& autres caufes physiques mentionnées au
préfent mémoire, qui pourroient rendre la
perculïîon de nul effet , fi le mouton étoit
plus élevé ; aufïî eft - on dans l'ufage de
donner 4 pies & plus d'élévation ou de
chike au mouton : ce que l'on vient de
dire à l'article précédent , n'aura donc lieu
que pour le plus grand effet que l'on doive
attendre de la perçu iTion dans le battage
des pilots , & il en réfultera toujours que
le déclic , qui donne la facilité d'élever le
mouton beaucoup plus haut que la ion-
nette, n'éprouvera que peu d'avantage à
cet égard, & que ce fera de la pefanteur
feule du mouton que l'on aura lieu d'at-
tendre le plus d'effet pour battre les gros
pieux ; aufli voit-on que l'on a été obligé
quelquefois d'avoir recours à des moutons
de 4C00 .livres-, pour des pieux de 4^ à
50 pies de long , & de 20 à 24 pouces
de groflèur à la tête , telles que les
pièces de palées du pont de bois aéluel
de Saumur.
La force d'un mouton ordinaire de 1100
livres de pefanteur fuffit à peine fur un
PIE n^
tel pieu pour en ébranler la maflè î il y a
une perte inévitable d'une partie coniîdé-
j rabîe de la force , celle qui eft employée
à la compreiîîon des fibres , & à réiifter à
I leur élarticité ou réadion , avant qu'elle
puiffe arriver à la pointe du pieu , & percer
le terrain. Cette perte fe trouve encore
augmentée en raifon de la longueur du
pieu , & du plus ou moins de redirude ,
par la difficulté de placer la percufïion ver-
ticalement dans la diredtion de fbn axe;
l'obliquité prefqu'inévitable de cette per-
culïîon occalione un balancement nommé
dardcment , qui augmente fon élafticité ,
& diminue d'autant l'effet du choc.
(3) On voit par l'expérience de M. Ma-
riotte , que le choc d'un corps de deux
livres deux onces tombant de fept pouces
de hauteur , eft équivalent' à la prefïîon
qu'occafioneroit un poids de quatre cents
livres ; ainfi la force d'un mêm.e poids de
deux livres deux onces , tombant de quatre
pies de hauteur , qui eft celle à laquelle on
élevé compiunément le mouton , iera , ea
raiibn de ces hauteurs , de deux mille feoc
cents quarante - deux livres f , &: pour un
mouron de fix cents livres , de plus de fept
cents foixante-treize milliers pour le cas du
refus; car lorfque \e pilot entre encore, il
s'échappe en partie à l'effet de la percufïion.
En matière de conftrudion , il convient
de rendre la réfiftance toujours fupérieure;
ainfî en la faifant double , il paroit que
l'on pourroit charger un pieu chaffe de la
forte, d'un poids de plus de trois cents
quatre - vingts milliers , fuppofé qu'il fbit
aflèz fort par lui-même pour le porter.
On a vu ci-devant qu'un pilot de neuf
pouces de groffeur, excédant de trois pies
par fa tête le terrain dans lequel il eft
chafïe , ne doit être chargé que d'un poids
(è ) Suivant M. de Camus, Traité des forces mouvantes , pa^e 170; un poHs d'une livre un quart ,
tombant deJiuit pies de hauteur, occafione un choc ou une percuiTîon (Équivalente à la pre/fioa
d'un poids H zoo livres; ce qui reviendra d'autant mieux à l'expérience de M. Mariotte, que l'on,
croit qu'il y a erreur dans la hauteur de la chute de l'expérience de M. de Camus ; & que , fuivant la
proportion qu'il indique , elle doit être de 7 pouces , au lieu de 8 pouces de chute. ,
On n'ignore pas combien il eft difficile ou peut-être même impoflîble d'établir mathématiquement
aucun rapport entre les forces mortes & les forces vives , telles que la prcffion fîmple & la percuf-
fion ; & on ne l'a entrepris ici que phyfiquement & d'après l'expérience , pour faire connoîtrc à-
peu-près à quoi on peut l'évaluer : cependant on n'en conclura rien qui puific intércfTer la folidité ,
{i les pilots font ehaffés au refus jufqu'au terrain ferme , comme on le recommande , & que le poids
dont on les devra charger ne puifTe pas excéder la moitié de ce qu'ils pourroient porter.
Ttttt l
884 PIE
d'environ cent onze milliers; un pilot d'un
pié de grofleur réduite, qui eft un des plus
forts que Ton emploie , porteroit , dans la
raiibn du cube de (on diamètre comparé à
celui du diamètre du pilct précédent , en-
viron deux cents fbixante-quatre milliers;
ainfi la percuffion d'un mouton de ilx cents
livres pourroit donner plus de force qu'il
n^efl: nécefîàire pour le poids que doit porter
un tel pilot.
Les petits j7/7o/5 font battes à la fonnette ;
il convient de chafler les gros pi lots , ainfî
que les pieux, au déclic; la hauteur de
l'élévation du mouton dans le premier cas,
ell d'environ quatre pies, & celle pour le
déclic , depuis quatre pies jufqu'à douze
ou environ ; ce qui donne huit pies de hau-
teur réduite.
Si l'on veut préfèntement favoir quel fora
le poids du mouton , & la hauteur nécef-
faire à fa chute pour donner à un pieu ou
à un pilot chaflé au refus , une perçu (Tion
équivalente au double du poids qu'il pourra
porter :
En foppofant le mouton foulement d'une
livre de pefanteur, fa force de percuffion
fora pour élévation à la fonnette , fuivant
l'expérience de M. Mariotte , que l'on a
rapportée ci-devant , de mille deux cents
quatre-vingt-dix livres; & celle pour le
déclic , de deux mille cinq cents quatre-
vingts livres : cette connoilTance rend le
calcul que l'on le propofe fort facile ; il
fuiïit pour cela de diviier le poids qu'un
pilot de moyenne grolTcur peut porter ,
dans le cas de l'équilibre , par mille deux
cents quatre-vingt-dix livres, lorfqu'il s'a-
gira d'un gros pilot & à' mw pieu qui devra
être chalTé au déclic, afin de conferver la
léiîftance double dans tous les cas.
On vient de voir , par exemple , qu'un
pilot de douze pouces de grofleur peut
porter deux cents foixante-quatre milliers ;
oivifant le double de «es poids mille deux
cents quatre-vingt-dix livres, il viendra
pour le poids du mouton , qu il faudra
employer, avec la fonnette feulement, quatre
cents neuf livres; mais à caufc des Ixotte-
tnens & de la perte d'une partie de la force
occaiionée par le mouvement que ce pilot
communique fur une certaine étendue du
\&mm. qui l'environne ^ il CQnvient de |
P I G
donner au moins iîx cents livres de pefan-
teur au mouton.
En fuivant ce que donne le calcul pré-
cédent, on auroit auffi un mouton trop
foible pour cha(Ter \cs pieux au déclic par la
raifon précédente , & de plus , pour celle
de la malle du pieu à mettre en mouvemciit
de ^obliquité du choc , & de Pélaftjcité ôc
dardement dont il a été parlé ci - devant ;
toutes caufes phyfiques qui ne lauroient
être bien appréciées : ainli il faut dans ce
cas employer des moutons de mille deux
cents livres & plus , fuivant que les circonf-
tances locales & les expériences l'indique-
ront. Artich de M. Perronet.
PiEXTX-BOUREAUX, terme de rivière,
ce font des pièces de bois que l'on mer près
des pertuis , pour y tourner une corde ,
afin que le bateau n'aille pas fi vite.
Pieux fourchus? terme de Chajfe ^ ce
font les bâtons dont on fe fort pour tendre
les toiles.
PIEXE , "^oye^ Remore.
PIFFARO , {Mufique.) efpece d'inftru-
ment de mufique, qui répond à la haute-
contre de hautbois ; mais cqx. inftrumcnt
originaire d'Italie n'a pas fait fortune.
PIFRE, f. m. {WJi. nat.) ferpent fabu-
leux : on lui donne deux têtes ; en confé-
quencc on l'imagine fort dangereux.
PiFRE , ( Bat. d'or. ) un des gros mar-
teaux de ces ouvriers.
PIGACHE, f. f. terme de Chafe , c'eft
la connoifiànce qu'on remarque au pié du
fanglier , quand il a une pince à la trace,
plus longue que l'autre.
PIGAYA, f. f. {Bot. exot.) nom que
les habitans du Brefil donnent à la racine
ipécacuanha. V. Ipécacuanha.
J'ajouterai foulement ici que le premier
Européen qui ait mis cette racine en ufage,
étoit un apothicaire du Brefil , appelle Mi--
cha'èl Trijiaon ; il écrivit un petit livre fur
ce remède , qui fut traduit en^nglois &
inféré dans les voyages de Pimrhas : de
Laët n'a prefque fait que traduire en latin
l'écrit de Triftaon ; mais Pifon & Mar-
grave étant fur les lieux , donnèrent un
détail beaucoup plus exaéi des propriétés
& de l'ufage du pigaya. lis ne commirent
qu'une faute , c'çft d'avoir trop chanté fcs
vertus.
P I G
PIGEON, COULON, COLOMBE
>RIvâE, PIGEON DOMESTIQUE, f. Hl.
( Hiji. nat. Ornitholog. ) columba domejiica
feu vulgaris , Wil. oifeau très - familier
qu'on élevé dans des colombiers , dans
des baflès - cours , & même dans les cham-
bres que l'on habite. Sa couleur varie
comme celle de tous les autres oifeaux
domeftiques : la plupart font d'une couleur
grife-bleuâtre-, ils ont le cou d'un verd doré,
éclatant & changeant , qui paroît de cou-
leur de cuivre de rofetre à certains afpeds.
On élevé cette dernière forte de pigeons
dans des colombiers : ils iont moins fa-
miliers que les autres ; ils vont chercher
leur nourriture dans la campagne. Il y a
peu de variétés dans les couleurs des pi-
geons des colombiers : on en voit cepen-
dant de blancs , d'autres noirâtres ou bruns ;
enfin, il y en a qui ont plufieurs de œs
couleurs , & d'autres les réuniilent toutes :
ils ont tous , de quelque couleur qu'ils
foient, la partie inférieure du dos blanche;
le bec eft brun , & la membrane des na-
rines eft couverte d''une matière farineufe
qui la fait paroitre blanchâtre ■■> les pies font
rouges & les ongles noirs. Le pigeon do-
meftique a environ un pié un pouce de
longueur, depuis la pointe du becjufqu'à
l'extrémité de la queue, & lo à iz pouces
jufqu'au bout des ongles : l'envergure eft
de plus de i pies; lorfque les ailes font
pliées, elles s'étendent au-delà du bout de
la queue , environ d'un pouce. Toutes les
différentes efpeces de pigeons vivent de
graines & de femences dures qu'ils avalent
fans les cafïer. La femelle ne pond ordi-
nairement que deux œufs : le mâle & la
femelle les couvent chacun à leur tour;
ils nourriffent leurs petits en leur dégor-
geant dans le bec des grains qu'ils gardent
quelque temps dans leur jabot , pour les
ramoUir & pour en faciliter la digeftion à
leurs petits. Communément il fe trouve
dans chaque couvée un mâle &; une fe-
melle ., qui s'appareillent enfcmble dans la
fuite : ils font plufieurs pontes chaque année.
M. Briffon, Omit. vol. I. On va rapporter,
d'après cet auteur, les différentes efpeces
de pigeons dont il a donné la defcription ,
& les feize diverfes fortes de pigeons do-
meftiques qu'on élevé dans les baflès-cours.
P I G 8S5
& qu'il regarde comrne des variétés du
pigeon romain. Les dcfcriptions de ces 16
variétés font numérotées, pour empêcher
qu'on ne les confonde avec les vraies
efpeces.
Pigeon verd d*Amboine , columba
viridis amboinenfis , Brif. Ce pigeon eft à-
peu-près de la grofteur d'une tourterelle.
Il a le deffus de la tête gris ; cette couleur
eft claire du côté du bec , & foncée vers
le derrière de la tèrr. Les côtés de la tête,
la gorge, le cou, la poitrine, le ventre,
les côtés du corps, les jambes, le crou-
pion & la face fupérieure des plujTies de
la queue, font d'un verd d'olive qui eft
jaunâtre fur la partie inférieure du cou &
fur la poitrine. Les plumes de la queue
font noires en detlôus à leur origine , &
d'un gris-blanc à leur extrémité; celles qui
fe trouvent fous la queue ont une couleur
blanche , fale & jaunâtre. Les petites plu-
mes de l'aile font noires ou noirâtres; il
y a fur chaque aile une large bande jaune
& tranfverfale , parce que la plupart des
petites plumes ont leurs extrémités de
cette couleur. Les grandes plum.es & les
moyennes font noires en deflus & grifes
en deflôus, & elles ont le bord extérieur
jaune. Le dos eft de couleur de marron;
les pies font gris &c le bec eft verdâtre.
On trouve cet oifeau à Amboine. Omit.
de M. Briffon , tome I. V. Oiseau.
Pigeon DE Barbarie, columba barba-
rica feu numidica , Wil. Ce pigeon a le
bec très-court , & les yeux^font entourés
d'une large bande de peau unie, qui a
des mamellons farineux , comme ceux du
pigeon meflager.
Pigeon batteur , columba percuffor y
Wil. Ce pigeon tourne en rond lorfqu'il
vole , il bat des ailes avec force , & il fait
plus de bruit que fî on frappoït deux plan-
ches l'une contre l'autre ; aufïî les plumes
de fes ailes fe trouvent fouvent rompues.
Pigeon cavalier ^ columba eques, Wil.
Ct pigeon eft le produit du pigeon à grofTè
gorge & ànpigeon meffager. La membrane
des narines eft fort épaifle;*eilc s'étend,
comme dans le pigeon mélTàger, jufqu'à
la moitié de la longueur du bec , & el!e
eft couverte de tubercules farineux , de
même que le tour des yeux ; il a aufïi la
8^(5 P I G
facuké d'enfler Ton jabot en infpirant de
l'air, comme le pigeon à grolîè gorge.
Pigeon roux de Cayenne , per-
dix mcntana , Rai. fynop. Ce figeon eft
plus petit que le pigeon ramier, il a toute
la face fupcrieure du corps d'un roux
tirant fur le pourpre ; la gorge , la face
inférieure du cou &: la poitrine font de
couleur de chair; le ventre, les côtés du
corps & les jambes ont une couleur rouf-
fâtre. Les grandes plumes des ailes, celles
de la face inférieure & de la queue font
rouffes. Il y a autour des yeux de petits
mamellons charnus d'un très-beau rouge;
Tiris eft de cette même couleur ; le bec
èc les pies font moins rouges. On trouve
' cet oifeau à Cayenne. Omit, de M. Brif-
fon , tome I. V. Oiseau.
Pigeon a la couronne blanche,
voye[ RocHERAYE de la Jamaïque.
Pigeon cuirassé, columba galeata, Wil.
Ce pigeon a les grandes plumes des ailes
& celles de la queue d'une même couleur,
ou blanche, ou noire, ùc. mais toujours
différente de celle du refte du corps.
Pigeon culbutant, columba gyratrix
feu vertaga , Wil. Ce pigeon eft petit &c
de différentes couleurs : il fe donne di-
vers mouveraens en volant, &c il tourne
fur lui - même comme une boule qu'on
jette en l'air.
Pigeon frise , columba "crifpa. Ce pi-
geon eft blanc en entier , à l'exception des
doigts qui font rouges ; tout le refte de
fon corps eft couvert de plumes frifées.
Pigeon fuyard , on a donné ce nom
aux pigeons qu'on élevé dans des colom-
biers , & qui vont chercher leur nourriture
dans la campagne.
Pigeon a gorge frisée, columba tur-
hila dicla , Wil. Ce pigeon a , comme les
deux précédens , le bec très-court; mais
on le diftingue aifément par les plumes
de la poitrine qui font comme frifees. Le
fommet de la tête eft applati.
Pigeon a grosse gorge ou Pigeon
GRAND gosier, columba gutturofa. Wil.
Il eft de la groftèur du pigeon romain,
& fes couleurs varient de même ; il enfle
tellement fon jabot en infpirant beaucoup
d'air, que cette partie paroît plus groflë
quç tout le refte du corps.
PI G
Pigeon de Guinée, columba guincenfts ,
Klein, ay/. Ce pigeon eft de la groflèur'
du pigeon romain ; il a la tête , la gorge ,
la poitrine , le ventre , les cotés du corps
ôc les jambes d'une couleur cendrée claire;
les plumes du cou finilfent en pointe ; le
milieu de chacune de ces plumes eft aufïî
d'une couleur cendrée claire , & les bords
font rougeâtres. La partie antérieure du
dos eft un brun tirant fur le pourpre;
cette couleur paroît violette à certains
afpeds. Les trois plumes inférieures du
premier rang des petites plumes des ailes
ôc toutes celles des autres rangs , font
de la même couleur pourprée , & ont
chacune à leur extrémité une tache blanche
triangulaire ; les autres plumes des ailes
font noires, Ôc ont le bord. extérieur d'un
cendré clair. La partie poftérieure du dos
ôc le croupion font blancs ; les plumes
qui couvrent la racine de la queue , tant
en deflus qu'en deftous, ont une couleur
cendrée claire : celles de la queue font
d'un cendré obfcur , à l'exception de l'ex-
trémité qui eft noire. Les yeux font en-
tourés d'une peau rouge dégarnie de plu-
mes ; l'iris des yeux eft d'une belle couleur
orangée ; celle du bec eft noirâtre , & les "
pies font d'un rouge-pâle. On trouve* cet
oifeau aans les parties méridionales de la
Guinée. Orn. de M. Briflon , tome I. V.
Oiseau.
Pigeon huppé , columba crijîata. Ce
pigeon a une huppe formée par les plumes
du derrière de la tête , qui font dirigées
en haut.
Pigeon de la Jamaïque, columba
minor jamaycenfis , Rai. fynop, avi. Ce
pigeon a neut pouces de longueur depuis
la pointe du bec jufqu'à l'extrémité de la
queue. Le fommet de la tête ôc toute la
face inférieure de l'oiféau font blancs; la
face fupérieure du cou eft mêlée de bleu
ôc de pourpre. Le dos , le croupion ôc
les ailes font d'un brun tirant fur le
pourpre , ôc mêlé d'une légère teinte de
rouge. La queue eft bleue , ôc elle a à fon
extrémité une petite bande blanche. On
trouve cet oifeau au mois de janvier à
la Jamaïque , dans les favannes ou dans
les plaines. Orn. de M Briflon, tome L
Voyez Oiseau.
PI G
PiGïON A QUEUE ANNELEE DE LA JA-
MAÏQUE , columba , caudâ fafciâ notât a y
Rai , fynop. avi. Ce pigeon a un pié
trois pouces de longueur, depuis la pointe
du bec jufqu^à l'extrémité de la queue. La
tête , la partie inférieure du cou &: la
poitrine font de couleur de pourpre ; la
partie fupérieurc du cou eft d'un pourpre
changeant , qui paroît verd à certains af-
peds. Les plumes du dos, du croupion, &
celles qui recouvrent le deflus de la racine
de la queue ,ront d'un bleu pâle. La queue,
qui eft de la même couleur bleue que le
dos , a une* large bande tranfverfale noire.
La membrane qui eft au deflus des narines,
forme deux tubercules auprès de la racine
du bec. On trouve cet oifeau à la Jamaï-
que. Or/2/r. tfe M. Briflbn , t. I. F. Oiseau.
Pigeon des Indes, columba indien fufca,
Klein, avi. Ce pigeon eft à peu près de la
grofteur de la tourterelle. Il a la partie
antérieure de la tête , les joues , la gorge ,
la partie inférieure du cou & la poitrine
d^un brun roufsâtre clair j le derrière de
la tête & la partie fupérieure du cou font
d'un brun plus obfcur ; il y a de chaque
côté au deflbus des oreilles une tache noire
tranfverfale. La partie antérieure du dos
& la plupart des petites plumes des ailes
font en entier d'un brun obicur & rouf-
sâtre , mêlé d'un peu de bleu ; les autres
ont le côté extérieur & l'extrémité blancs ;
la partie inférieure du dos & le croupion
font d^un cendré obfcur j le ventre , les
côtés du corps , les jambes, les plumes du
deftous de la queue & celles de la face
inférieure de Paile , ont une couleur cendrée
claire Se bleuâtre : les grandes plumes des
ailes font noires, à l'exception du bord
extérieur qui eft d'une couleur plus claire;
les deux plumes du milieu de la queue , ont
la même couleur que la partie antérieure
du dos ; les autres font d'un cendré obfcar,
à l'exception de l'extrémité qui eft blanche.
Les yeux font entourés d'une peau nue ,
qui a une belle couleur bleue. L'iris eft
d'un rouge vif. Le bec eft noir, & les
pies ont une couleur rouge. Cet oifeau
remue fréquemment la queue , comme les
bergeronnettes. On le trouve aux Indes
orientales. Omit, de M. Briflbn , tome I.
Fbje^ Oiseau.
P I G S87
Pigeon de la Martini q_u e ,
columba martinicana. On donne à et pigeon
le nom de perdrix à la Martinique, il
eft à peu près de la grofteur du pigeon
domeftique : il a la tête , le cou , la gorge
&: la poitrine d'un marron tirant fur le
pourpre ; les plumes de la partie inférieure
du cou font d'un violet doré très-éclatant ,
S>c forment une forte de collier ; le dos ,
le croupion , & les pet^^tolumes des
ailes , ont une couleur brt^ tirant fur le
roux : le ventre , les jambes & les plumes
du deflbus de la queue font d'un fauve
clair , mêlé de violet : les côtés du corps
& la face inférieure des ailes ont une cou-
leur cendrée ; les grandes plumes des ailes
font noirâtres ; les deux plumes du milieu
de la queue font en entier d'un brun rouf-
sâtre; les autres ont cette couleur fur la
plus grande partie de leur étendue feule-
ment du côté extérieur , & le côté inté-
rieur eft d'un cendré foncé; elles ont une
bande noire tranverfale près de leur extré-
mité , qui eft d'un gris blanc : les pies font
rouges. On trouve cet oifeau à la Marti-
nique. Omit, de M. Briflbn, tome 7.
Voye-^OiSEAV.
Pigeon violet de la Martini-
que , columba violacea martinicana ,
Brif. Le père du Tertre, hiji. des Ant.
a donné à ce pigeon le nom de perdrix
roujfe. Il eft à peu près de la grofleur
de la tourterelle , & il a la tête , le
cou , la poitrine, le dos , le croupion ,
les petites plumes des ailes, & h queue
de couleur de marron , qui change à dif-
férens afpects en violet : le 'ventre , les
jambes , & les plumes du deflbus de la
queue font roufsâtres ; les côtés du corps
èc la face inférieure de l'aile, ont une
couleur roufle ; les grandes plumes de Paile
ont le côté extérieur & l'extrémité de
même couleur que le dos ; le côté inté-
rieur eft roux ; les yeux font entoures de
petits mamellons charnus d'un très-beau
rouge ; l'iris eft de cette même couleur ;
le bec & les pies font d'un rouge moins
foncé. On trouve cet oiieau à la Marti-
nique. Ornith. de M, Briflbn , tome I.
Voyei^Ois^AXJ.
Pigeon messager , columba tabet-
laria , Wil. Ce pigeon reflemble beaucoup
S88 P I G
au précédent ; il eft d'un bleu foncé ou
noirâtre : la membrane qui entoure les
yeux , &c celle qui couvre les narines , font
fort épaiflès & couvertes de tubercules
farineux blanchâtres : le bec eft d'une
moyenne longueur ôc noirâtre. On a donné
à ces fortes de pigeons le nom dé mejfager ,
parce qu'on leur fait porter des lettres
d'un endroit à un autre : on les ftyle à
ce fervice qu||^ ils font jeunes.
Pigeon dt^Wexique, Cehoilotl ,co- '
îumbafylvejrris , Rai ,fynop. avi. Qt pigeon
a toutes les parties du corps couvertes de
plumes brunes , excepté la poitrine &: les
extrémités des ailes qui font blanches^ le tour
des yeux eft d'un rouge vif, & l'iris eft noir;
les pies font rouges : on le trouve au Mexi-
que, Omit, de M. Briiloji 5 tome I. Voye:^
Oiseau.
Pigeon bleu du Mexique , Tlaca-
HOiLOTL , columbce fylvejlris fpecies ,
Rai j fynop. avi. Ce pigeon eft à peu près
de la grofl'eur du pigeon domeftique : la
tête , le cou , le dos , le croupion , &
les jambes font bleues. Il y a auiïi quelques
plumes rouges fur la tête & fur le cou ,
principalement à fa partie inférieure ; les
grandes plumes des ailes & celles de la
queue font bleues ; les plumes de la poi-
trine , du ventre , des côtés du corps , les
petites des ailes , & celles du deftbus de
la queue , ont une couleur rouge , de
même que l'iris des yeux y le bec & les
pies : on trouve cet oifeau au Mexique.
Omit, de M. Briflon , tome .1. Voye-^
Oiseau.
Pigeon i>e montagne du Mexique,
columbamexicana, montanamaxima^û.. Ce
pigeon Q(i prefque auiïi grand qntle pigeon
romain , & entièrement d'un roux tirant fur
le pourpre , excepté les petites plumes des
ailes qui font blanches; le bec& les pies font
d'un très-beau rouge. Il y a des individus
de cette efpece qui ont une couleur fauve
claire , au lieu d'être roux : on trouve
cet oifeau fur les montagnes du Mexique.
Ornith. de M. Briftbn , tome I. Voye^
Oiseau.
Pigeon nonain , Pigeon a cha-
peron , Pigeon pâte, jacobin, cq-
lumba cucuUata , five jacobina , Wil.
Celui-ci a , comme le pigeon de Barbarie,
P I G
le bec très-court ; les plumes du derrière de
la tête ôc celles de la partie fupérieure du
cou , font dirigées en haut , ôc difpofées
de façon qu'elles forment une forte de
capuchon fèmblable à celui d'un moine;
c'eft ce qui lui a fait donner le nom de
pigeon nonain.
Pigeon de Nincombar , columha
Nincombar , indica. Klein , avi. Ce pigeon
eft un peu plus grand que le pigeon ro-
main. Il a la tête & la gorge d'un noir
bleuâtre; les plumes du cou , qui font lon-
gues & étroites , ôc celles du dos & du
croupion , ont différentes couleurs, telles
que le bleu , le rouge , le pourpre & le
jaune , & elleg font toutes entées d'un
très-beau verd. La poitrine , le ventre ,
les côtés du corps & les jambes, ont une
couleur brune oblcure ; lés petites plumes
des ailes font toutes vertes , excepté les
trois extérieures du premier rang , dont
la couleur eft bleue ; les trois premières des
grandes ont cette même couleur bleue, &
les autres font en partie brunes & en partie
roufles ; la queue eft blanche, les pies font
bruns en deifus & jaunes en deffous; l'iris
des yeux eft rouge; la femelle diffère du
mâle , en ce qu'elle n'a pas de couleurs aufïî
brillantes , & que les plumes du cou font
moins longues : on trouve cet oifeau dans
les îles de Nincombar. Ornith. de Jf.
Briflbn, tome I. Voye[ Oiseau.
Pigeon de Norvège, columba nor-
vegica. Ce pigeon a prefque la groftèur
d'une poule ; il eft d'un très -beau blanc ;
fes pies font couverts de plumes , &: il a
une huppe fur le fommet de la tête.
Pigeon i>aon ,' Pigeon a large
Q_u EUE, columba tremula laticauda ,
Wil. On a donné à ce pigeon le nom de
pigeon paon , parce qu'il étend & qu'il
étale fa queue , en la portant élevée ,
comme le paon & le coq d'Inde ; il a vlïi
plus grand nombre de plumes dans la queue
que les âMixQs pigeons. On Pa aufïî nommé
le trembleur , parce qu'il remue prefque
fans cefïè la tête & le cou de côté &
d'autre.
Pigeon patu , columba hirfutis pedibus ,
Wil. Ce pigeon ne diffère desautres , qu'en
ce qu'il a les pies couverts de plumes juf-
l ^"u'au bout des doigts.
PjCfOlf
PIG
Pigeon verd des Philippines ;
columba maderafpatana , varïis coLorihus
eUganter dcpicla. Rai , finop. avi. Ce
pigeon eft un peu plus gros que notre
tourterelle : il a la tête 6f la gorge d'un
verd d'olive mêlé de brun; le cou eft de
couleur de marron clair; les plumes du
dos , du croupion , des côtés du corps &
celles du deffus de la queue , font d'un
verd d'olive ; les grandes plumes des ailes
ont à leur extrémité une bande jaune de
couleur de foufre ; la poitrine eft orangée ;
le ventre & les jambes font d'un verd
d'olive clair & tirant fur le jaune; cette
couleur s'éclaircit & devient d'autant plus
jaune, qu'elle fe trouve plus près de l'a-
nus , qui eft entièrement jaune. Les plu-
mes qui font fous la queue ont autant de
longueur que celles de la queue même ,
& leur couleur eft roufte ; les plumes de
l'aile font noirâtres en deffus & cendrées
en defîbus, à l'exception des bords exté-
rieurs , qui ont une couleur jaune claire ;
celles de la queue font au contraire cen-
^irées en deffus & noirâtres en deffous.
On trouve cet oifeau aux îles Philippines.
Ornith. de M. Briffon , tomi I. f^ojc:^
Oiseau.
Pigeon Ramier, vojei Ramier,
PiGEOM DE roche , yoyq RoCHE-
RAYE.
Pigeon romain, columba domeflica
major ^ ^yil. Le pigeon romain eft beau-
coup plus grand que le pigeon domefti-
que ; il a environ quinze pouces de lon-
gueur depuis la pointe du bec jufqu'à l'ex-
trémité de la queue; {qs couleurs varient;
on en voit de blancs, de noirs , de roux ,
de cendrés ; d'autres ont plusieurs de ces
couleurs mêlées; enfin , il y en a qui iles
réuniftent toutes les quatre ; le bec eft noir
dans les uns , & rouge ou de couleur de
chair dans les autres ; ils ont tous la mem-
brane, qui eft au-delfus des narines, cou-
verte d'une matière farineulé qui la fait
paroître blanchâtre ; les pies font rouges
& les ongles noirs , & quelquefois blanchâ-
tres. M. Briffon, dans fon ornithologie,
fait de ce pigeon uneefpece particulière,
& il regarde comme des variétés de cette
efpece les pigeons dont il a été fait men-
tion au nombre de feize.
Terne XXV,
PIG 88^
Pigeon sauvage , oenas feu vînago ,
Wil. Ce pigeon eft un peu plus gros que
le pigeon domeftique ; il a un pié deux
pouces de longueur, depuis la pointe du
bec jufqu'à l'extrémité de la queue, 6c
deux pies deux pouces d'envergure ; la
tête eft cendrée ; la face fupérieure & les
côtés du cou font d'un verd doré qui paroît
de couleur de cuivre de rofette à certains
afpeéls; la partie antérieure du dos & les
petites plumes des ailes , ont une couleur
cendrée obfcure ; les plumes qui couvrent
le deffus de la racine de la queue, le crou-
pion & la partie poftérieure du dos font
d'un cendré clair ; la face inférieure du cou
depuis la tête jufqu'à environ le milieu de
fa longueur, le refte du cou & la poi-
trine , font d'un violet rougeâtre ou pour-
pré ; le ventre , les côtés du corps , les
jambes & les plumes du deffous de la queue,
ont une couleur cendrée claire; les quatre
ou cinq premières grandes plumes des ailes
font noires , à l'exception du bord exté-
rieur qui eft blanc; toutes les autres, ôc
celles du premier rang, font cendrées à
leur racine , & noirâtres vers l'extrémité.
Il y a encore fur chaque aile deux taches
noires ; toutes les plumes de la queue
font cendrées depuis leur origine jufqu'à
environ les deux tiers de leur longueur , ÔC
le refte eft noir , excepté la moitié des bar-
bes extérieures de la première plume de
chaque côté qui eft blanche ; les pies font
rouges , 6c le bec eft d'un rouge pâle ,
félon Belon : ce pigeon fait fon nid fur les
rochers elcarpés. Omit, de M. Briffon ,
tome I. V, Oiseau.
Pigeon sauvage d'Amérique ,
columbus palumbus carolïnenjîs. Klein.
avi. Ce pigeon eft de la groffeur de notre
pigeon fauvage ; il a la face fupérieure du
corps de couleur cendrée, & l'inférieure
d*un violet rougeâtre ; les plumes des ailes
font d'un brun noirâtrJ»& les grandes
ont le bord extérieur branchâtre, le tour
des yeux & les pies font rouges. Oïv trouve
cet oifeau en Amérique. Omit, dt M»
Briffon , tome I. Voye^ OiSEAU.
Pigeon sauvage du Mexique ,
columba mexicana hoilotl dicta Hernande-
Jïi ^ Rai, fynop. avi* Ce pigeon eft de U
V vvvv
Sço P î G
grandeur du pigeon domeflique ; U a la
tête , le cou , le dos , le croupion , les ailes
& la queue d'une couleur brune mêîëe de
taches noires , excepté les grandes p-iumes
des ailes & la queue qui n'o-nt point de ces
taches ; la poitrine, le venrre & les jatri-
bes, font d'un fauvip clair, le bec efl: noir
& les pies font rouges. On trouve cet
oifeau au Mexique dans les forêts Sî dans
les endroits frais^ Omit. d& M, Briâon,
tome I. Voyei QlSEAU.
Pigeon verd de l'île Saint-
Thomas , columha fyhcfins ex imfula
Sancil-Thomcz , Marcgravii y. Wil. Ce
pigeon eft entièrement verd , à l'exception
àes plumes du delTous delà queue qui font
,^.. jaunes ; les plumes des ailes & l'extrémité
de celles de la queue , ont une couleur
verre tirant fur-ie brun ; les yeux font noirs
& entourés d'un cercle bleu ; le hcc eft
d'un rouge de fang depuis fa racine jufqu'à
la moitié de fa longueur, 6cie refte a une
couleur bleue mêlée de blanc & de jaune ;
les pies font d'^un jaune de fafran. On trouve
cet oifeau dans l'île de Saint-Thomas. Orn.
de M. Briffon, tome f. Voye^ Oiseau.
Pigeon trembleur, columba tre-
mula angufii-caudd feu acuîicauda^ Wi!.
Ce pigeon re/Temble au pigeon paon parles
mouvemens continuels qu'il fe donne,
mais il en diffère en ce qu'il a la queue
étroite.
Pigeon turc , columba tunica feu
perfica , Vil. La couleur de ce pigeon
varie moins que .celle de la plupart des
autres pigeors; il eft noirâtre ou d'un jaune
rougeâtre ou obfcur : la membrane qui
entoure les yeux & celle qui fe trouve au-
deffus des narines font rouges &fortépaif-
fes : le bec eft jaune &: les pies font d'un
rouge pâle.
Pigeon de volière, ( Econ. rufl, )
C'eft un pigeon nourri à la main & élevé
à la maifon dam^ine volière, & qui n'en
fort que pour ^Plyer. Les pigeons de vo-
lière font plus chers que les autres, parce
qu'ils font meilleurs , &c fur-tout quand ils
ne mangent que du chenevis &c du millet ;
les pigeons , foit de volière ou autres ,
couvent leurs œufs dix-huit jours , le mâle
êc la femelle tour-à-tour pendant la jour-
née., mais la femelle toute ]a nuitj ils font
P r G^
ordinairement des petits tous les mois ; lis
les nourriffent nn mois durant ; mais dès
que leurs petits ont dix ou douze jours y ils
commencent à fe tirer le bec &: à fe cocher.
Leurs petits mangent feuls, iorfqu'ils ont
trois femaines ; ils roucoulent à deux m.ois,.
&: à fiX ou environ , ils commencent à
profiter & à fe préparer pour faire des
petits.
Pigeon, (Dieu & mat. méd.);. L'ufage
très-commun que nous faifons du pigeon,
dans nos alimens , eft une chofe affez con-
nue;'on ne mange prefque que le pigeon»-
neau ; la chair du vieux pigeon ell iecha
& dure , elle fournit pourtant un allez bon
. fuc lorfqu'on la fait bouillir avec d'autres-
viandes pour en préparer des potages. Le-
pigeonneau de volière ne diffère du pigeoîî-!
neau de colombier, qu'en ce que le pre-*-
mier eft communément plus gros &c tou-
jours plus gras,, &' par coniéquent d'une;
chair piUs délicate, plus fondante.
Le pigeonneau fe mange dans deux états
ou deux â^es, qui le font différer effentiei—
lement : i" lorfqu'il commence à peine à~
pouffer lès tuyaux des plumes de la queue-
.& de^ ailes,, ce qui lui arrive lorfqii'il a-
environ quinze ou feize jours, ou lorfqu'il
eft prefque entièrement couvert de plumes^-
ce qui lui arrive à-peu-près à l'âge d'un
mois ; dans îè premier état , la chair en efl:.
abfolument fucrée, elle n'eft point faites-
ce n'eft prefque qu'une gelée ; elle eft en ^
général peu faine , quoiqu'elle foit regar--
dée comme plus délicate ; dans le fécond •
état, la chair a une certaine confiftance^-
quoiqu'^elle foit tendre encore & pleine de
fuc ; elle eft généralement beaucoup plus
falutaire ; on peut l'accorder à prefque
tous les fujets . aux tempéramens les plus
délicats , aux convalefcens r la première
leur doit être interdite.
Quant aux ufages pharmaceutiques dir
pigeon , fon fang eft compté avec raifon
parmi les remèdes adouciftàns externes les^
plus éprouvés. C'eft un bon remède contre
les ophtalmies douloureulés, & contre les
plaies de Toeil , que de faigner un pigeon»-
neau fous l'aile, & de faire tomber furie
champ quelques gouttes de fon fang dans
l'œil. Un pigeon en vie ouvert par le mi»
iicu , &c appliqué tout chaud fur la tête
P I G
.âes phréflétiques ou fur le côré des pîeu- '
xétiques , lorlque les caïmans Se rélblutifs
externes font indiqués , produit quelque-
fois de très-bons effets ; c'eft un remède
que les anciens médecins ont beaucoup
employé ; les médecins modernes au con-
traire paroiflent trop négliger ces fortes
d'applications. Voy. ToPiQUE. Il faut ob-
ferver néanmoins que le pigeon ne mérite
aucune préférence fur les autres animaux.
Celfe recommande le foie du pigeon
récent & crud, mangé pendant long-temps,
contre l'iftere. Le ce^rveau de pigeon paffe
pour aphrodifiaque.
Les auteurs de chymie & de mat'ere mé-
dicale , difent que la fiente de pigeon eil
éminemment nitreufe ; Foreftus conclut
de cette obfervation, que cette fiente prife
intérieurement, efl un très-bon diuréri-
•çue contre l'hydropifie ; cette même fiente
eft vantée encore contre la pleuréfie , à la
guérifon de laquelle le nitre paroît auffi
^tre très-propre. La fiente de pigeon eft
auffî recommandée contre la fuppreffion
des règles. Ces vertus ne paroiflent pas
.avoir été attribuées à la fiente de pigeon
auffi légèrement que celles qu'on trouve
attribuées dans les livres à beaucoup de
matières femblables ; ce remède paroît au
contraire mériter d'être tenté dans ces j
divers cas. I
Diofcoride , Gaîien , Pline &: plufieurs ;
auteurs modernes recommandent auffi l'u- 1
fage extérieure de la fiente de pigeon , à |
laquelle ils accordent une puifiTante vertu -
dii'cuffive , réfolutive, répercuffive , cica-
trifante , &c. Jean Becler dit qu'on trouve
quelquefois dans les boutiques le mufc fal-
iifié avec du fang de pigeon. La tourterelle
& les deux efpeces de ramier, favoir !e
petit ramier & le gros ramier ou palombe,
font évidemment des efpeces de pigeons ,
ou du moins des animaux, on ne peut pas
plus , analogues au pigeon ; quant à leurs
qualités diététiques & pharmaceutiques ,
les ramiers ont feulement la chair un peu
plus ferme & un peu plus -noire , & le goût
beaucoup plus relevé.
Au pié des Pyrénées], où l'on prend au
commencement de l'automne une quantité
prodigieufe de ces oifeaux, on les mange
communément à la broche prefque crudsi
P I G gpi
du moins c'eft de toutes les viandes celle
que i'ai vu fervir la plus faignante ; elle eft
délicieufe dans cet état, & il eft rare qu'elle
incommode, ÇhJ
Pigeon, C^h^- ^^^ inventions. J dans
l'orient, fur-tout en Syrie, en Arabie &
en Egypte, on drelîe des pigeons à porter
des billets fous leurs ailes, & à rapporter
la réponfe à ceux qui les ont envoyés. Le
mogol fait nourrir des pigeons qui fervent
à porter les lettres dans les occafions où
l'on a befoin dijne extrême diligence. Le
conful d'Alexandrette s'en fert pour en-
voyer promptement des nouvelles à Alep.
Lqs caravanes qui voyagent en Arabie ,
font favoir leur marche aux fouverains
Arabes, avec qui elles font alliées , par le
même moyen : ces oifeaux volent avec une
rapidité extraordinaire, & reviennentavec
une nouvelle diligence , pour fe rendre
dans le lieu où ils ont été nourris , &: où
ils ont leurs nids. On voit quelquefois
de ces pigeons couches fur le fable & le
bec ouvert , attendant la rofée pour fe ra-
fraîchir êc reprendre haleine. Au rapport
de Pline, on s'étoit déjà fervi de pigeons
pour faire pafier des lettres dans Modene
affiégée par Marc-Antoine. On en renou-
veila l'ufage en Hollande en 1 574, au fiege
de Harlem & au fiege de Leydeen 1575;
le prince d'Orange , après la levée du
fiege de cette dernière place , voulut que
ces pigeons fuftent nourris aux dépens
du public, dans une volière faite exprès,
& que lorfqu'ils feroient morts , on les
embaumât pour être gardés à l'hôtel-de-
ville , en figne de reconnoifTance perpé-
tuelle fjD./. )
Pigeon , c/ou à , ( Clouterie) Les clous
à pigeon font de grands clous à crochet ,
qu'on nomme ^nixermùnibec-de-canne ; ils
fervent à attacher dans les volets & colom-
biers , les paniers où l'on met pondre ÔC
couver les pigeons. (Z>. /. )
PlGEOxNNER,v. a. ou ÉPIGEON-
NER, ( terme de maçon. ) C'eft employer
le plâtre un peu ferré, fans le plaquer ni le
jeter , mais le lever doucement avec la main
& la truelle par pigeons , ceft-à-dire, par
poignées, comme lorfqu'on fait les tuyaux
& les languettes de cheminées quifon»- de
plâtre pur, CD, J.)
yvvvv 2
PIGER HENRICUS , ( ChymU.)
Henri le pareffeux ; c'eft un nom que l'on
donne quelquefois à un fourneau chymique
qui fert à faire plufieurs diftillations &
autres opérations à la fois. On l'appelle
plus communément <3/Aa/zor. ^<3yg^ Atha-
KOR & Fourneau.
Piger un chantier, f^r/Tze^e rivière
& de commerce de bois ; c'eft , lorfque l'on
veut favoir combien un chantier contient
de voies de bois , le faire mefurer.
PIGNATOLIS, en 'mlien pignatella,
petite mefure qui eft en ufage dans cette
partie de l'Italie qu'on nomme la Pouille,
pour mefurer les liqueurs. On s'en fert
auffi en quelques endroits de la Calabre ,
c*eft à-peu-près la pinte de Paris. Dicf.
de Commerce , tome III , p. 8^ G.
PIGNEROL , C Géogr. mod.^ ) petite
ville d'Italie dans le Piémont , à l'entrée
delà vallée de Péroufe. Elle pafla en 1042
dans la maifon de Savoie. François I s'en
empara en 1536, mais Henri III rendit
cette place en 1 574 au duc de Savoie. Elle
pafta enfuite en 1652 au roi de, France en
toute propriété , & pour lors les François
y bâtirent une citadelle, qu'ils ont démolie
en remettant Pignerol au duc de Savoie
en 1696. Cette ville eft fur la rivière de
Chiufon ou Clufon, à 8 lieues au nord-
oueft de Turin , 2§ nord de Nice , 18 fud-
oueft de Cafal; 32 eft de Grenoble. Long.
24, «56. lat' 44» 4v
M. Fouquet, furintendantdes finances,
fat enfermé en 1664 dans la citadelle de
Pignerol, o\x il mourut en 1680. Le juge-
ment qui le condamna à cette prifon per-
pétuelle, ne fait pas honneur à M. Colbert ;
& de tant d'amis de la fortune de M. Fou-
quet , Peliffon fut prefque le feul qui lui
refta fidèle. (i7./.)
PIGNES, C Minéralogie.) On appelle
ainfi dans le Pérou & le Chily des mafl!es
d'argent poreufes & légères , faites d'une
pâte defféchée qu'on forme par le mélange
ou l'amalgame du mercure 6c de la poudre
d*or , d'argent , tirée des minières.
Lorfque le minerai ou la pierre qui con-
tient l'un de CQS métaux a été détachée
du filon j on commence par la concafler ,
pour la mettre en état d'être écrafée, mou-
lue dans é^s moulins deftinés à cet ufage ,
P I G
auxquels l'eau donne ordinairement le mouf
vement, & qui ont des pilons de fer du
poids de 200 livres.
Après avoir réduit le minerai en poudre >
on le pafîe par des tamis ou cribles de fer
ou de cuivre, & on le pétrit enfuite dans
l'eau , jufqu'à ce qu'il ait acquis la confif-
tance d'une boue aflfez épaiflé.
Cette boue étant à demi-féchée, on
la coupe par tables d'un pié d'épailleur^
& d'environ 25 quintaux. Chaque table,
qu'on nomme cuerpo , eft de nouveau
pêrrie avec du fel marin , qui s'y fond &c
s'y incorpore ; il en faut ordinairement
200 livres par table , mais on l'augmente
ou on la diminue fuivant la qualité du
minerai.
Après cette préparation , à laquelle cri
emploie trois jours, on y joint depuis 10
jufqu'à 20 livres de mercure , fuivant la
richeffe de la mine ; c'eft-à-dire , on y
en met une plus grande quantité fi elle
eft riche , & une moindre fi elle ne l'efl
pas. On recommence enfuite à repétrir
chaque table , jufqu'à ce que le mercure
ait bien ramaffé & fe foit bien incorporé
avec l'argent.
Ce travail eft très-dangereux , à caufe
des mauvaifes qualités du mercure ; il fe
fait par de malheureux Indiens , qui le
recommencent huit fois par jour. Neuf ou
dix jours fuffifent pour cette amalgamatioa
dans les lieux tempérés ; mais dans les pays
froids , on y emploie quelquefois un mois
ou fix femaines.
La chaux & tes mines de plomb 011
d'étain qu'on eft fouvent obligé d'y mêler,
facilitent beaucoup l'amalgame du mercu-
re; il faut même pour de certaines mines.
fe fervir du feu pour en avancer l'effet.
Lorfque l'on croit le mercure & l'argent
bien amalgamés , on en tait TefTai en pre-
nant un peu de terre de chaque cuerpo ,
& en la lavant dans de l'eau fur une af-
fiette ; fi le mercure eft blanc , on juge
qu'il a produit fon effet \ s'il eft noirâtre ^
il faut le pétrir de nouveau, en y ajoutant
du fel.
Lors enfin que refïàyeur eft content^
on l'envoie aux lavoirs : ce font trois
baflins conftruits en pente , qui fe vuident
, fuccefîivement l'un dans l'autre , ÔC d'où
P I G
tft terre qui efl: mife dans le plus élevé ,
s'écoule à force d'être délayée par l'eau
d'un ruiffeau qui y tombe , & qu'un Indien
agite avec les pies , ce que font aufli
deux autres Indiens dans les deux baffins
fuivans.
Lorfque l'eau fort toute claire des baf-
fins , on irouve dans le fond , qui eft garni
de cuir , le mercure amalgamé avec l'argent ,
ce qu'on appelle la pella ; & c'eft de cette
pella qu'on forme les pignes , après qu'on
en a fait fortir le plus que l'on peut de
mercure, en la mettant d'abord dans des
chauffes de laine de vigogne , qu'on preffe
& qu'on bat fortement , "Se en la foulant
enfuite dans un moule de bois de figure
pyramidale ocî:ogone, au bas duquel eft
une plaque de cuivre remplie de plufieurs
petits trous.
On donne à volonté différens poids aux
pignes ; & pour connoître la quantité que
chacune peut contenir d'argent, on les
pefe ; & en déduifant les deux tiers <le
leur pefanteur pour le mercure, on juge
à peu près de ce qu'elles doivent contenir
d'argent.
La pigne tirée hors du moule , & foute-
nue de la plaque de cuivre trouée, on la
pofe fur un trépié au deffous duquel eft
un grand vaiflTeau plein d'eau : on couvre
le tout d'un grand chapiteau de terre qu'on
environne de charbon qu'on entretient
toujours bien allumé. Le mercure que la
pigne contient encore , fe réduit en va-
peurs par la violence du feu ; il fe con-
denfe enfuite dans l'eau , où il eft reçu ,
& il refte une maffe ou un amas de grains
iVargent de différentes figures , qui fe
joignent par leurs extrémités , ce qui
forme une maffe poreufe & fort légère , &
ce font ces fortes de pignes que les mineurs
tâchent de vendre furtivement aux vaif-
feaux étrangers qui vont dans la mer du
Sud , &c qui ont fait faire de fi grands
profits aux négocians qui fe font bazardés
dans les dernières guerres à faire ce com-
jnerce de contrebande.
Ceux qui achètent de l'argenterie pigne ,
doivent bien fe garder de la mauvaife foi
des mineurs efpagnols , qui pour les rendre
plus pefantes en rempliffent le milieu avec
du fable ou du fer. Le plus fur eft de les
P I G 853
oirvrir ou de les faire rougir au feu ; car
fi elles font falfifiées , elles noirciffent ou
jauniffent. On fraude auffi l'acheteur , en
mêlant dans la même pigne de l'argent de
différent aloi. Foye\ le DicHonnaire de
Chambers.
L'or en pigne eft ce qui refte de l'amal-
game qui a été fait du mercure avec l'or;
cette opération eft décrire à VarticUOK,
PIGNONS ou_ PIGNONS DOUX ,
( Diet & Mat. mcd.) fruit du pin franc ou
cultivé. V. Pin.
hçspignons contiennent une amande ou
femence émulfive qui eft affez agréable à
manger , fur-tout lorfqu'on l'a recouverte
de fucre, c'eft-à-dire, qu'on en a fait une
dragée , qu'on emploie dans les émulfions ,
& dont on tire une huile par exprefiRon
qui eft d'ufage en médecine. Ces ufages
des pignons , ôi leurs propriétés diététiques
& médicamenteufes , n'ont rien de parti-
culier : tout cela leur eft commun au con-
traire avec toutes les femences émulfives
que les hommes mangent. /^. SEMENCES
ÉMULSIVES.
Les pignons ont cela de fpécial , qu'ils
font d'un tiffu mou & lâche , & qu'ils font
éminemmenthuileux , ce qui les rend com-
munément pefans à l'eftomac, & très-fu-
)ets à vomir. Il eft difficile de les préferver
de cet accident pendant toute l'année,
même en les confervant dans leur coque ,
qui eft très-dure & très-denfe. On ne doit
les employer que lorfqu'ils font. récens,
fecs & très-blancs, (h)
Pignon d'Inde, ricinoîdes , genre de
plante à fleur en rofe , compofée de plu-
fieurs pétales difpofés en rond, & foutenus
par un calice qui a plufieurs feuilles ; cette
fleur eft ftérile. L'embryon fe trouve fur
le même individu féparément des fleurs;
il eft couvert d'un calice , & il devient dans
la fuite un fruit qui fe divife en trois cap-
fules : elles renferment chacune une fe-
mence oblongue. Tournefort , Inji. rei
hcrh. app. V. PLANTE.
Pignon d'Inde ou Ricin , C Madère
méd. ) on trouve dans les boutiques plu-
fieurs fortes d'amandes purgatives fous le
nom de pignon d'Inde ou de ricin, que
l'on apporte foit de^ Indes orientales , foie
de l'Amérique, L'une porte plus pariicu^
«91. P ï G
liérement le nom de graine de ricin ou cle
pignon d'Inde ■: elle eft le fruit du ricin
vulgaire ou palma Chrifii. Une autre eft
connue fous le nom fpécial de pignon de
Barbarie ; elle eft le fruit du grand ricin
d'Amérique ou médicinier. Voye^ MÉ-
DICINIER. Une troifieme eft le fruit du
médicinier d'Efpagne, ôc eft quelquefois
appellée aveline purgative du nouveau
monde ; & enfin une quatrième efpece eft
connue fous le nom de graine de Tilii ou
des Moluques , & c'eft le fruit de l'ar-
bre appelle vulgairement panava ou pa."
yana.
Tous ces fruits , dont le premier a été
.connu des anciens , font des purgatifs
^^métiques très-violens, capables d'enflam-
.:mer la gorge , l'eftomac &C les inteftins ,
& de produire tous les autres ravages des
vrais polfons. Les b.abitans des pays où
-ces fruits croiftent , fe font un peu fa-
Jiiiliarifés avec ces remèdes, qu'ils prépa-
rent & qu'ils emploient diverfement ; mais
la médecine poftedeaflTez de purgatifs vio-
lens aufîi fûrs & moins dangereux , pour
.qu'elle doive rejeter abfolumentrufage de
ceux-ci. (b)
Pignon, /er/weJô Méchan'ujue ; c'eft
en général la plus petite des deux roues
qui engrènent Tune dans l'autre ; cepen-
dant on donne ce nom plus particuliére-
jment à la roue qui eft menée ; c'eft dans
ce dernier fens que nous le prenons dans
tous les articles on nous parlons des /»/-
gnons ^ & fur-tout dans l'/zrf/c/eDENT, où
tout ce que nous drfons de la forme des
dents des roues & àts ailes des pignons ^
.doit s'entendre de ces dents &c de ces
ailes, en tant que la roue mené & que le
pignon eft mené.
On emploie dans les machines de deux
/ortes de pignons ; dans les grandes ce
ibntorclinçirement des pignons k lanterne;
dans les petites , des pignons dont les dents
.ou ailes font difpoiées & formées à peu
près 'de la même façon que celles des
j-oues ; tels font ceux des inontres , des
pendules, &c. ''*' "'^\'
Les fufeaux des pignons à lanterne ,
/ont ordinairement cylindriques. Plufteurs
aftiftes ont renouvelle dernièrement une
.^içienne prariaue ^ i^ui eft de faire tour- ,
P I G
ner ces fufeaux fur leurs axes, entre autres
à Londres M. Hariffon , dans fa première
pendule pour les longitudes ; leur but étoit
de diminuer par-là le frottement des dents
de la roue fur les fufeaux; mais quoique ce
frottement foit aft^ez de conféquence pour
qu'on doive y faire attention , cependant
ce n'eft pas la chofe eftentielle.dans un en-
grenage; c'eft l'uniformité de l'aiflion de
la dent de la roue fur le fuièau ou fur l'aile
du pignon, comme on l'a vu à Vanicle
Dent ; uniformité qu'on a de la peine à
fe procurer lorfque l'on fait tourner les fu-
feaux fur leurs axes; ptarce qu'étant obligé
de les faire d'une certaine groiïeur, fans
quoi l'avantage ne feroit prefque rien , il
eft difficile de donner alors à la dent la forme
requife pourqu'ellemenelefufeau toujours
uniformément.
M. de la Hire , dans fon Traité des épi~
cycloides, a démontré que pour qu'une
dent mené toujours le fufeau uniformé-
ment, en fuppofant qu'il foit infiniment
délié , il faut que fa face foit formée par la
portion d'une épicycloïde engendrée par
un cercle générateur, ayant pour diamètre
celui du pignon, & roulant fur la circon-
férence de la roue. Mais comme un tel fu-
'ieau h'exifte point, & que tous ont une
certaine grandeur , il ajoute que pour y fup-
pléer, l'épicycloïde dont nous venons de
parler étant une fois décrite, il faut de tous
fes points décrire an côté de fa concavité
de petits arcs de cercle dont le rayon foit
égal à celui du fufeau, & que l'interfeélion
de tous ces petits arcs formera une noui-
velle courbe, qui fera la courbe requife.
Quant aux /7i^/zoni ordinaires, dont oiî
fait ufage dans les montres & dans le$
pendules, la face de leurs ailes ou dents
doit êthe terminée par une ligne droite ten-
dante au centre, comme on Ta vu à Care»
Dent. En général la figure des ailes d'un
pignon doit être toujours conditionnelie à
celle des dents de h roue ; mais comme
il y a telle forme de dent pour laquelle il '
feroit impoftiible de trouver une figure
pour les ailes du pignon , telle qu'il en
réfulte un mouvement uniforme de ce
pignon, & que de plus il feroit fouvent
impraticable de donner aux faces de ces
ailes certaines forme;s reg.uifes , ona çhoj^
VI G
îa ligne droite comme étant la plus fimple
& la plus facile à exécuter.
Pour qn unpignon Toit bien fait, il faut
qu'il foii bien poli , & que les face? de (es
ailes tendent bien au centre , & que l'axe
fe trouve dans leurs plans prolongés.
Comme les diamètres des pignons doi-
vent être à ceux des roues dans lefquelles
ils engrènent , comme leur nombre à celui
de ces dernières, .il s'enfuit que les dents
de l'un & de l'autre font toujours égales ,
c'efl-à-dire , que la corde d'une dent du
pignon doit être égale à celle d'une dent
de la roue ; or comme dans les pendules
6 dans les montres, les roues font ordi-
nairement faites les premières , & que c'ed
fur leurs diamètres que fe déterminent ceux
des pignons y il en réfuke qu'un nombre
quelconque de dents de la roue étant
pris pour le dianietre du pignon , ce
diamètre en formant cette analogie , 7
efl: à 22 comme le nombre des dents de
cette roue eft à ce que )e cherche ; le
quatrième terme qui viendra par cette
règle de trois , fera le nombre du pignon ;
ou lorfque le nombre efl donné en ren-
verfànt cette analogie , & difant 22 eft à
7 comme le nombre du pignon eft à ce
que je cherche , on aura, le nombre des
dents de la roue qu'il faudra prendre pour
le diamètre du /^/^/zo/z. Les horlogers dif-
putent fouvent fur la véritable groiïeur des
pignons & la manière de la prendre ;
mais c'eft faute de bien fa voir de quoi il
eft queftion, car lorfqu'une fois le nombre
6\in. pignon & d'une roue qui engrènent
l'un dans l'autre, font donnés auifi-bien
que le diamètre de la roue, le diamètre
du pignon l'eft aufti invariablement , &
ne peut être ni plus grand ni plus petit
qu'une certaine grandeur; puifque ces deux
diamètres doivent être entre eux comme
les nombres du pignon & de la roue. La
feule difficulté feroit au fujer de cette
partie de furplus de la roue. &; an pignon
qui font arrondis ; tnais quand une fois les
diamètres réels de l'un & de l'autre font
déterminés-, il eft facile de trouver celles-
ci, car le p/^v^o/z ne doit être arrondi que
pour que les angles des faces ne foient pas
trop aigus.
Bignon de rcnj/oi eft un pignon qui fert
P I G 855
à communiquer le mouvement d'une par-
tie de l'horloge à une autre , comme du
mouvement à la quadrature , &c.
Pignon du volant eft dans un rouage
de fonnerie ou de répétition, le dernier
pignon dans les montres à répétition ; on
le nomme délai. On l'appelle pignon du
volant , parce que dans les horloges , les
pendules, 6c quelquefois dans les montres,,
il porte fur fa tige une pièce à laquelle on
donne le nom de volant. Voyc:^ Volant ,
Sonnerie, &c.
Pignon , ( Architeci, ) c'eft le haut d'un
mur mitoyen ou d'un mur de face , qui fe
termine en pointe & 011 vient finir le-
comble. Le pignon de la falle du légat
de l'Hôtel-Dieu de Paris, très-otné de"
fculpture , eft un des plus grands qu'il y-
ait. Il a été bâti fous François I , par ordre-
du cardinal Antoine Duprat.
Pignon à redents ; c'eft la tête* d'un =
comble à deux égoûts, wn pignon Aont'
les côtés font par retraites en manière de^
degrés , & qu'on faifoit anciennement
pour monter fur le faîte du comble , lorfqu'ii ■
en falloir réparer la couverture. Cela fe
pratique aujourd'hui dans lespays froids ,.•
où les combles font fort pointus , mais^
plutôt pour ornement que pour les répa-'
rations.
Pignon cnîrap'ttè ; c'eft un bout de mur '
,;à la tête d'un comble , dont le profil n'eft^-
pas triangulaire ,' mats qui a cinq pans
xommê celui d'une manfarde , ou même-
/quatre comme. un trapèze.
Pignon, ( Chanvrerie. ) ce m0%. fe
dit de tout ce qui fort dii cœur du chan-
vre quand on l'apprête & qu'on l'habilTe, r
en le paftant par les ferans.
Pignons o// Pe i g no n , ( Lainage. )
c'eft une laine de médiocre qualité , qui
tombe de- la laine fine lorfqu'on la peigne
avec les cardes & cardafies. Il y a trois
fortes'de /»/'^«o/z.f de laine, favoirde bons
& fins pignons y de moyens & de gros,
qui chacun félon leur qualité, peuvent être
employés dans diverfes natures d'étofiPes
de laine. Savary.
Pignon, (Serrurerie. ) pièce qui fert
dans les ferrures à faire mouvoir les ver-
rous quand elles en ont, & à ouvrir &
fermer les doubles pênes des coffics-forts.
î$6 P I L
PIGNONNÉ, ( Blafon. ) il Ce dît âe
la repréfentation d'un pignon de muraille ,
qui ie termine en pointe par briques ou
carreaux les uns fur les autres , en forme
de plufieurs montans ou efcaliers. Il porte
d'argent à un lion naiffant de fable , d'une
campagne m3i(ionnée , pigaonnée âe deux
montans de gueules. Dici. de Trévoux.
CD.JO
PIGNORATIF ( Contrat), adjeft.
Ç Jurifp.) Foye^ au jnot CONTRAT , l'ar-
tick Contrat pignoratif. (A)
PfGO, rt^K^BlSE.
PIGOU ou PiCOU, f. m. {Marine. )
c'eft une forte de chandelier de fer à deux
pointes , dont on fe fert dans les navires ,
& qui eft fort propre à tenir une chan-
delle. L'une de ces pointes eft pour piquer
de côté , & l'autre pour piquer debout.
PIGRIECHE , voyci Pie grieche.
PIKE , f. m. ( mefurc de longueur. )
mefure égyptienne dont on diftingue deux
efpecesjle grand pike ôc le petit pike. Le
grand pike , autrement nommé pike de
Conftantinople , eft de 17 îV/ô pouces
d'Angleterre ; c'eft avec ce pike qu'on
mefure toutes les marchandifes étrangères ,
excepté celles qui font faites de laine &
de coton; on mefure ces dernières avec
le petit pike f qu'on appelle pike du pays,
parce qu'on s'en fert pour auner toutes les
manufadures du lieu; ce petit pike eft de
2-5 iVô^ pouces d'Angleterre. Pocock ,
defcrip. d'Egypte. (D.J.)
PILA , ( Géogr.J montagne célèbre du
Forez, fituée aux confins de cette pro-
vince & du Lyonnois , dans l'éleftion de
Saint- Etie-nne , entre Saint - Chaumond ,
Condrieu , Saint- Etienne & le Bour-Ar-
gental ; elle s'étend en long du midi occi-
dental au nord oriental; &:, félon que le
penfe M. de Buffon , elle pourroit bien
être une fuite de ces montagnes qui com-
mencent au bord de la mer en Galice , arri-
vent aux Pyrénées, traverfent la France
par le Vivarais & l'Auvergne , féparent
l'Italie, s'étendent en Allemagne & au
deffus de la Dalmatie jufqu'en Macédoine;
& delà fe joignent avec les montagnes
d'Arménie ,1e Caucafe,le Taurus, l'Imaiis,
& s'étendent jufqu'à la mer de Tartarie.
.^ Cette montagne , auffi célèbre dans le
PIL
Lyonnoîs que le mont Olympe chez let
Grecs , tire fon nom , non de Ponce-Pilate
qui s'y noya dans un puits , comme le croit
le peuple , mais de deux mots , pi qui figni-
fie une montagne , & de lat qui veut dire
large; ou peut-être du mot Pileatus y
parce qu'elle eft prefque toujours couverte
d'une efpece de chapeau de nuées ; de />/-
leus^ bonnet ou.chapeau, on a fait par cor-
ruption Pila.
Duchoul , auteur lyonnois , qui donna
en 1555 , une defcriptionenlatinduP//*^,
fait une peinture charmante des moeurs , des
ufages & desplaiiirs des habitans de ce can-
ton, fur-tout de ceux de Doizieu qui ha-
bitent l'entrée des bois de fapin.
Le puits de la montagne dont l'eau eft:
claire & tranquille, eft la fource du Gier
qui va tomber dans le Rhône. Prefque tous
les orages qui éclatent dans le Lyonnois &C
aux environs , fe forment fur le Pila. Ils
commencent par une petite vapeur de la
grandeur d'un chapeau , peu à peu la va;-
peur augmente & s'agrandit à vue d'œil;
à mefure qu'elle acquiert un plus grand vo-
lume , elle defcend, fe change en nuée fort
noire, & occafîone des tonnerres aftVeux.
Ceux qui font fur le fommet de la mon-
tagne voient l'orage fous leurs pies ,
mais ils n'en font pas plus en fureté : la
foudre dans (es éclats terribles eft diri-
gée indifféremment tantôt au deftTus ,
tantôt au deflbus des nuages qui la ren-
ferment.
Toutes les fois qu'on apperçoit de Lyon
le fommet de Pila couvert d'un petit brouil-
lard ou d'un nuage très -léger, on peut
affurer que la journée ne fe paflera pas
fans pluie ou fans orage, & ce préfage eft
comme infaillible : l'expreflion ufitée pour
lors dans le Lyonnois , c'eft que Pila apris
fon chapeau.
Les pâturages y font excellens : aufti les
bêtes à cornes y font-elles en grand nom-
bre. La grange de Pila peut nourrir 80 va-
ches ; comme le thym , le romarin & [e
ferpolet s'y trouvent en abondance, les
moutons y font d'un goût délicieux.
La température au Pila eft toujours
très-inégale , elle change d'un moment à
l'autre , & ces changemens font fi fubits >
que fouvent dans Tefpace d'une heure « on
paffe
p I L ;
paflè, pour ainfi diiH, de l'hiver à Teté. On
affure qu'on découvre , du fbminet des
têtes les plus élevées, dix fept provinces:
la vue Heîè arrêtée & bornée d'un côté que
par les montagnes de la Suifle & des Alpes ,
& de l'autre par celle du Pify de Domine ,
où le célèbre Pafcal fit fes expériences
fur la pefanteur de l'air , & enfin par celle
du Cantal en Auvergne , qui eft toujours
couverte de neigas , & dont l'endroit
nommé le Plomb de Cantal eft de 993
toifes plus haut que le niveau de la mer.
Le beurre qu'on fale pour le conferver
plus long temps , y eft delà première qua-
lité & prouve l'excellence des pâturages ^
les petits fromages de lait de chèvres ,
nommés bejfadns ^ du village de Beffard,
font d'un goût très-parfait £>c très-renom-
més dans le Lyonnois.
On trouve encore plufieurs efpeces de
gibier & quelques bêtes fauves , la perdrix
rouge y eft d'un goût très - fin. Les
plantes & les fim^iles font fort recherchées j
elles y ont une odeur plus forte & un
goût plus aromatique ou plus rare. M. Haller
prétend que les Alpes ont environ 500 for-
tes de plantes qui leur font propres : à
peine fur le Fila qu'on appelle les petites
Alpes , en trouveroit - on la cinquième
partie. V. les mémoires fur le Lyonnois ,
tome 1 , par M. Dulac. ( C )
PILASTRE , f m. ( Archn. ) colonne
quarrée , à laquelle on donne la même
mefore , le même chapiteau , la même
bafè , & les mêmes ornemens qu'aux autres
colonnes , & cela fuivant les ordres. Le
pilafire eft quelquefois ifolé \ mais il eft
plus fouvent engagé dans le mur. Dans ce
fécond cas , on le fait fortir du tiers ,
du quart , du fixieme , ou de la huitième
partie de fa largeur , félon les ouvrages.
On cannelé les pilafîres comme \q% colon-
nes , & on leur donne fèpt cannelures
dans chaque face du fût.
Le pilafire a la même origine que les,
colonnes , c'eft-à-dire , qu'il repréfente des
arbres équarris. Voye\ CoLONNE. Ce
mot vient de l'italien pilajho , qui a la
même fignification.
Pilajire attique. C'eii un petit pilajlre
d'une proportion particulière , ha plus
courte qu'aucune de ceux des cinq ordres.
Tomt XXV,
P I L 897
Il y a deux fortes de pilaftres attiques ,
de fimples , & de ravalés. On voit un
modèle des premiers à la porte de l'hôtel
de Jars , du deflin de Français Manfard ,
rue de Richelieu , à Paris j & un mo-
dèle du fécond , au château de Verfaiiles.
Pilajlre bandé. Pilafire qui, à l'imi-
tation des colonnes bandées, a des bandes
'^fur fon fût, uni ou cannelé. Tels font
les pilaftres tofcaii de la galerie du Louvre
du côté de la rivière.
Pilafire cannelé, C'eft un pilafire qui
a des cannelures.
Pilafire cintré. Pilafire dont le plan
eft curviligne , parce qu'il fuit le contour
du mur circulaire d'une tour ronde ou
creufo , comme les pilafires du chevet
d'une églife , d'un dôme , &c.
Pilafire cornier ou angulaire. Pilafire
qui cantonne l'angle ou l'encoignure d'ua
bâtiment , comme au portail du Louvre
par exemple.
Pilafire coupé, C'eft un pilafire qui eft
traverfé par une impofte qui paflè par-
defllis ^ ce qui fait un mauvais effet. Oa
en peut jager par les pilafires iomquQ^
des portiques du château des Tuileries.
Pilafire dans tangle. Pilafire qui ne
présente qu'une encoignure , & qui n'a de
làillie de chaque côté que le fixieme ou
le foptieme de fon diamètre. Il y a de
ces pilafires au portail du Louvre.
Pilafire de rampe. On appelle ainfi toug
les pilafires à hauteur d'appui , qui ont
quelquefois des bafes & des chapiteaux,
& qui fervent à retenir les travées des
baluftres, des rampes d'efcalier, & des
balcons.
Pilafire diminué. C'eft un pilafire qui
étant derrière ou à côté d'une colonne,
en retient le même contour , & eft di-
minué par le haut , pour empêcher qu'il
nexcede l'à-plomb de l'entablement. Tel
eft le portail de l'églife de faint Gervais ,
£>c celui du collège Mazarin , à Paris.
Pilafire doublé. Pilafire formé de deux
pilafires entiers, qui fe joignent à angles
droits ôcrentrans, & qui ont leurs bafes
& leurs chapiteaux confondus, comme,
par exemple , les pilafires corinthiens au
grand fallon de Clagny , ou en angle
obtus, tels que ceux qui font derrière
X x s X x
P 1 L
des huit cohnnes corinthiennes du dedans
de leglifè des Invalides»
Pilajire ébrafé. Filafire plié en angle
<^X\xs , par fujétion d'un pan coupé ,
comme on le pratique aux églifès qui ont
un dôme fur leurs croifées.
Pilaftre engagé. C'eft un pilajire qui,
quoique placé derrière une colonne à la-
qu'elle ell adofTé , n'en fuit cependant pas
Je contour j mais qui eft contenu entre
deux lignes parallèles , & a fa bafe &
ion chapiteau confondus avec ceux de la
colonne. Tels font les piîafircs àç:% qua-
tre chapelles d'encoignures de l'églife des
invalides.
Pilaftre en gaine de terme. Pilaftre
■qui elt plus étroit par le bas que par
le haut. C'eft ainfi que font \qs grands
pilajires ruftiques de la haute terraffe de
MeudoiT.
Pilajire flanqué. Pilajire accompagné
de deux dQim-pilafîres avec une médiocre
iàillie. Tels font les pilafires corinthiens
de l'églife de faint André délia Valle ,
à Rome.
Pilajire grêle. Pilajire placé derrière
nue colonne , & qui eft plus étroit qu'il
ne devroit être , s'il étoit proportionné
à cette colonne , parce qu'il n'a de lar-
geur parallèle que le diamètre de la di-
minution de la colonne , pour éviter un
reilaut dans l'entablement. Il y a dts pi-
lafires grêles à l'ordre dorique du gros
pavillon du château de Clagny , & au
grand portail de l'églife de faint Louis
des Invalides.
On nomme auftî pilajire grêle un pi-
lajire qui a de hauteur plus de diamètre
que le caraâere de fon ordre. C'eft ainfi
que font les pilafires grêles corinthiens
de l'églife des religieufes Feuillantines du
fauxbourg faint Jacques , à Paris , qui
ont plus de douze diamètres , au lieu
qu'ils devroient n'en avoir que dix.
Pilajire lié,. On peut appeller ainfi non
feulement un pilaftre qui eft' joint à une
colonne par une languette , comme le ca-
valier Bernin l'a pratiqué à la colonnade
de faint Pierre de Rome 5 mais encore
les pilaflres qui ont quelques parties de
leurs bafes & de leurs chapiteaux jointes
cafemble. On a des pilajires doriques de
P I L
cette efJ3ece au porftil des Minimes de
la place royale , à Paris,
Pilajire plié. Pilaftre qui eft partagé
en deux moitiés dans un angle rentrant.
Il y a de ces pilafires dans les angles
de la place de Louis-le-Grand , à Paris.
Pilaftre rampant. Il y a deux pilaftres
ainfi nommés. Le premier quoiqu'à-plomb,
fuivant la rampe d'un efcalier , fe trouve
d'équerrc fur les paliers , & fert pour la
décoration des murs de la cage , ou de
l'échifîre. Le fécond pilaftre eft afliijetti
par quelqu'autre pente. De cette dernière
efpece de pilallre rampant , font les pi-
lafires doriques des ailes qui communi-
quent la colonnade avec le portail de
iàint Pierre de Rome.
Pilaftre ravalé. C'eft im pilaftre dont
le parement eft refouillé & incrufté d'une
table de marbre bordée d'une moulure ,
ou avec des ornemens y comme on en
voit , par exemple , aux pilaftres des arcs
des orfèvres , ou avec des compartimens
en relief, ou de marbre 'de diverfes cou-
leurs. Il y a aux chapelles Sixte & Pau-
line de faiute Marie Majeure , à Rome,
des pilaftres ravalés de cette féconde
efpece.
Pilaftre rud^nté, Pilaftre dont les can-
nelures font remplies jufqu'au tiers d'une
rudenture , comme les pilaftres Aq la grande
galerie du Louvre , ou d'une rudenture
plate , tels que ceux du Val-de- Grâce ,
à Paris ^ ou enfin d'ornemens fèmblables
à ceux des colonnes rudentées.
Pilaftres accouplés. Pilaftres qui ' font
deux à deux. Tels font les />/7^rej com-
pofites de la grande galerie du Louvre.
Diction, d'architecl. ( D. J. )
Pilastre de fer y {Serrur.) c'eft le
nom qu'on donne à certains montans à
jour , qu'on met d'efpace en efpace , pour
entretenir les travées des grilles avec des
ornemens conveaables. Tels font , par
exeinple , les pilaftres des grilles du château
de Verfàilles & de fes écuries. ( D. J. )
Pilastre de lambris , ( Menu if. )
elj^ece de montant , ordinairement ravalé
entre les panneaux de lambris d'appui &
de revêtement.
Pilastre de vitre y ( Vitr. ) efpece
de montant de verre qui a bafe & char;
P I L
piteau , avec des ornemens peints , & qui [
termine les côtés de la forme d'un vitrail
d'églifè.
Pilastre de treillage , ( Jardinage. )
corps d'architedture long & étroit , fait
d'échalas en compartiment , pour décorer
\qs portiques & cabinets de treillage dans
les jardins.
Pilastre , ( Antiq. rom. ) entre les
fépulcres médiocres des Romains , on y
comprend les pilaftres & les coffres , qui
ont fèrvi pour ^(^1 perfbnnes d'une con-
dition ordinaire , & quelquefois pour des
princes même. Ces pilajlres font ou ronds
ou quarrés. Pline appelle les pilaftres quar-
rés qui font de pierre -, ftelas lapideas. De
la première efpece cil le gros pilier du
tombeau de Pacuvius , qui fe trouve en-
core à Rome , tel qu'il nous eft repréfenté
dans le livre des tombeaux de Fondt ,
graveur polonois. Ce pilafire n'a que trois
diamètres de fa partie baflè , & eft recou-
vert d'un chapiteau dorique.
PILAU , f. m. terme de relation ; forte
de préparation de riz , fort en ufage chez
les Turcs.
Ce peuple fbbre , uniforme dans toutes
les allions de fa vie , fe contente de peu ,
& ne détruit point fa fanté par trop de
bonne chère. Le riz eft le fondement de
toute la cuifine des Turcs ^ ils l'apprêtent
de trois différentes manières. Ce qu'ils
appellent /j/Vûw , eft un riz fec , moelleux,
qui fe fond dans la bouche , & qui eft plus
agréable que les poules &: les queues de
mouton avec quoi il a bouilli. On le laiffe
cuire à petit feu avec peu de bouillon fans
le remuer ni le découvrir , car en le re-
muant & en l'expofant à l'air , il fe met-
troit en bouillie.
La féconde manière d'apprêter le riz
s'appelle lappa ; il eft cuit & nourri dans
le bouillon, à la même confiftance que
parmi nous , & on le mange avec une
cuiller, au lieu que les Turcs font fauter
dans leur bouche avec le pouce le pilau
par petits pelotons , & que le creux de
la main leur tient lieu d'affiette.
La troifieme eft le tchorba ; c'eft une
P I L
8^9
efpece de crème de riz , qu'ils avalent
comme un bouillon : il femble que ce foit
la préparation du riz dont les anciens uour-
riffoieut les malades \ fume hoc ptifanarium
orii^T , dit Horace. { D. 7. )
PILCOMAYO, (le) ou RIO
PILCOMAYO , ( Géogr. mod. ) grande
rivière de l'Amérique méridionale. Elle
prend fa fource dans la province de los
Charcas , & fè jette dans le Paraguay ,
vers le z6 degré de latitude méridionale.
PILE , f. f. ( Géom. & P/iyf. ) amas de
corps placés les uns fiir les autres.
Pile , yîr dit dans t Artillerie , d'un amas
de plulieurs choies mifcs les unes fur les
autres. Ainfi , une pile de boulets, de bom-
bes , &c. font des boulets ou des bombes
arrangées les unes fur les autres.
Les piles de boulets ont ordinairement
pour bafe un triangle équilatéral, un quarré ,
& un re<Slangle ou quarré long. Il y a des
méthodes ou des tables particulières pour
trouver le nom.bre des boulets que con-
tient chacune de ces piles ; on peut voir
for ce fiijet les Mémoires d'Artillerie de S.
Remy ^ le Cours de Mathématiques de M.
Belidor ^ la deuxième édition de notre
Traité d'Artillerie , &c. ( Ç )
Problème fur les corps fphériques rangés
en piles. Trouver le nombre des corps ^
fphériques rangés en piles.
Réfolution. Ce problême fe diftingue eti
deux différens cas : car ou la pile eft
quadrangulaire , lorfque fa bafe ou fou
premier étage a quatre côtés ; ou triangu-
laire , lorfqu'elle n'en a que trois. Pour la
COOOOO
coooooo
Pile quadrangulaire. COOOOOOO
ooooooooo
oooooooooo
ayant fuppofé le plus petit nombre de
fpheres , ou le plus petit côté de la bafe
= fl , le plus grand =^ ; l'expreffion ou la
formule générale de toutes les fpheres con-
tenues dans la pue lera «
XXX XX 2.
$oo
P I L
P I L
Dimonfiraiion,
A B C D E
COOOOOOOOO
OOOOOOOOOO'^OOOOOOOOO^ ^ «^
«^ ooocoooooo 1 OOOOOOOOO 1 COOOOOOO ! I
OOOOOOOOOO ^ vOOOOOOOOO H oooooooo J. 00000004:
cooooooooo OOOOOOOOO ocoooooo 0000000 000000
3 è — I ^ — % b — 3 b — 4
Si Ton fait attention à la manière dont
cette pile eft arrangée , on s'appercevra
qu'elle eft compofée d'un certain nombre
d'étages quadrangulaires mis les uns fur
les autres j chaque étage des rangs , chaque
rang dans le même étage pris du même
fens d'un égal nombre de fpheres : que
les rangs d'un étage fiipérieur ont une
Iphere de moins que ceux de l'étage im-
médiatement plus bas j ce qui eft vifible
par l'infpeâion des figures A, B , C , D , E ,
qui repréientent ces étages. Si on les con-
çoit mis les uns fur les autres , & que
chaque fphere fupérieure pofant fur quatre
autres inférieures , chaque rang d'un étage
Supérieur fe trouve entre les deux rangs
de l'étage inférieur. Ainfi le premier étage.
=/2 b =a b
II. =a — I X b—i=^ b — I X a-^-b + i
ÏH. =fl— 2 X h — 1=3 b — 2 X û + ^ 4- 4
IV. z=a — 3 X b — 3=r2 b — 3 y-a-\-b~\- 9
V. ==û — ^4 X b — 4=:iZ b — 4 K (2-f. i^ -4- 16
Le nombre d'étages eft toujours égal au
plus petit nombre = a ; car fi dans cet
exemple <z = 5 , ou aura a — 5 = o , ainfi
les étages finiffent dans le cinquième a — 4
X ^ — 4. Puifque donc chaque étage con-
tient le reétangle ( «i 3 ) , il y aura autant
de ces redangles que d'étages. Par confé-
quent pour avoir la fomme de tous ces
reôangles , il faut multiplier {a b) par le
plus petit nombre {a) : ainfi dans tous
ks cas poflibles , on aura la fomme des pre-
miers termes de tous les étages ■=: a ib.
Les coëfficiens des féconds termes — i
Xfl4-^, — 2X<2-f-3, — 3Xa + 3,
^ 4 X a^hy ^c, fout une progreiîion
vient
1
arithmétique des nombres naturels 1,2?,
3,4, &c. Le plus petit terme de cette
progreflion eft = i , le plus grand =û — i ,
puiique dans le premier étage il n'y en a
point : ainfi la fomme de cette progref-
fion ou des coëfficiens des féconds termes
eft = ^^ : changeant les figues , puif-
que ces coëfficiens font négatiis ,
pour la fomme des coëfficiens — y
laquelle multipliée par ( a -{^ b) , donne
la fomme des féconds termes == I^^ — *
, 2
X (2 + ^ = " 1 .
Les derniers termes i , 4 , 9, 16, &c,
font les quarrés de la progreffion des nom-
bres naturels 1,2, 3 ? 4 ? €^c, dont le
premier terme = i , le dernier = a — i j
puifque dans le premier étage il n'y en a
point : ainfi la fomme de ces quarrés
( félon ce qu'on enfeigne dans l'analyfe ) ,
eft aufll la fomme des derniers termes
la' — jfl^ + a
On a donc trouvé dans tous les cas pofiîbles
la fomme des premiers termes = û^ 3.
féconds, ^z.îlz.fll±J:.±-l^\
troifiemes , = '^-^ '" V^^ ^ "«
Lefquelles fomraes ajoutées & réduites au
même dénominateur , donnent pour la
formule générale de la fomme de toutes
les fpheres contenues dans la pile quadran-
gulaire î^lLLîl+_lfi-+i. Ce qu'il falloit
démontrer.
Corollairs, Si a == ^ 5 la formule devient
PI L
aa>+^g--+ a . ^j^^g jg^y^^ £q préfente fous
la figure
O
OO
d'une pyramide quadrangulaire ^^qK
COOOO
dont la bafe eft un quarré de même que
tous fes autres étages , dont le dernier ou
le plus haut n'a qu'une fphere : ce qui fait
que j'ai renfermé dans un feul cas la réfo-
lution de ces deux piles , quoiqu'elles pa-
roiifent fi différentes ^ puifque la première
eft comme une eipece de prifir.e , & que
la dernière n'eft qu'une pyramide.
Pour trouver le nombre des corps {phé-
riques contenus dans une
O
ooo
oooo
ooooo
Ayant fàppofé le côté de la bafè = a ,
la formule de toutes les iplieres contenues
dans cette pi/e fera
pile triangulaire
+ 1a^ -f- 2 tf
Démonjiration. Cette pile eft compofée
d'un certain nombre d'étages équilatéraux
mis \qs uns fur les autres j chaque étage
des rangs des fpheres fait une progref-
fion arithmétique des nombres naturels :
ainfi chaque étage eft la fomme de cette
progreflion , dont le plus petit terme
= I ^ le plus grand eft le nombre des
fpheres contenues dans le plus grand rang
ou côté de cet étage. Le plus grand rang
d'un étage fiipérieur a une fphere de moins
que le plus grand rang de 1 étage immé-
diatement plus bas. Tout cela s'apperçoit
facilement par l'infpeâion des figures A ,
B , C , D , E , qui repréfentent ces étages ,
il on les conçoit mis les uns fur les autres.
O
OO o
ooo OO o
A oooo n ooo r OO n o ^
.^OOOOO^OOOO^OOO^OO^C
a-i
a-1
a-^ , ^ 4.
Qfela pofé , puifque le plus grand rang du
plii5 bas étage , ou le plus grand terme ,
1> I L 901
de la progreflion arithmétique contenue
dans cet étage eft --- a , le plus petit = 1 5
on a la fomme de cette progreffion , ou
la valeur du plus bas étage = ** — -,
Le plus grand rang du fécond étage étant
= a — I , du-troifieme = a — 2 , du
quatrième = a — 3 , &c. en fubftituant
fucceflivement pour chaque étage à la
place de ( ^ ) ces quantités dans la valeur
du plus bas étage , on aura ces étages
ainfi qu'on les voit rangés ici , favoir le
premier , =
fécond , =
troifieme, =
quatrième ,
+ «
aï - j a -j. Z
^ a '- — î a -}- 6
-71+ Il
Cinquième, =
Ce nombre d'étages eft toujours = a ;
car le plus grand rang du plus bas étage
étant = fl , du fécond = a — » i , du
troifieme = a — 2 , du quatrième = a
— 3 , &c. Si dans cet exemple û = 5 ,
on aura a .— 5 = o. Ainfi la pi/e finit
dans l'étage où il y a û — 4 , qui eft le
cinquième étage où il n'y a qu'une fphere.
Puifque donc chaque étage contient le
quarré ( a^ ) , il y aura autant de ces
quarrés que d étages. Par conféquent , pour
avoir la fomme de tous ces quafrés , il
faut multiplier ( «^ ) par le nom.bre d'éta-
ges {a) : ainfi dans tous les cas pofîibles
on aura la fomme des premiers termes
Tous les cocfficiens àes numérateurs des
féconds termes négatifs
a Ta $ a Ta
l-i^C'
faifant une progreflion des nombres im-
pairs I , 3 î 5 5 7 > €'c. dont le nombre des
termes «= a — i , puifque dans le pre-
mier étage il n'y a point de coefficient
négatif ^ cette fbmme eft = û — 1=^2
— 2 û -f- I : ou changeant les fignes , à
caufe que ces coëiEciens font négatifs ,
50r P I L
multipliant par (a) , èc divifant par ( i) ,
la fomme de tous les féconds termes ué-
4- 2 a - I
~ X a : k laquelle
gatifs eft =
ajoutant auflî le terme pofitif f , vient
- X.a~\ . On a donc la fom-
— a^ + 2 a
me des féconds termes =
— a î + 2 « ■
Les derniers termes f , - , — , &c.
ou
1 , 3 , 6 , &<:. font une progre/îion des
nombres triangulaires , dont le nombre de
termes = a — i : car dans les deux pre-
miers étages il n'y en a point. Ainfi la
Ibmme des troifiemes ou derniers termes
___ «5 - ^ a^-+ ia
"-' 2 •
On a donc trouvé que dans tous les
cas porfibles la fomme des premiers
termes = —,
2
/• 1 —a y + 2a*
lecomls , = ,
2
troifiemes, = t-ZJ±lll^^
6
lefquelles ajoutées & réduites au même
dénominateur , donnent pour la formule
de la fomme de toutes les fpheres con-
tenues dans la p//e triangulaire
HHU'jtlf Ce qu'il falloir démontrer.
Ufage. Dans les places de guerre on a
befoin de favoir le nombre des boulets
de c^pon rangés en piks ; ce qu'on ob-
tiendra avec une très - grande facilité au
moyen des formules que je donne : puif-
que pour la pile quadrangulaire oblon-
guc , il ne faut favoir que les deux côtés
contigus quelconques de la bafe. Dans les
pyramides quarrées & triangulaires , qu'un
fèul 5 & fubftituer leurs valeurs dans les
formules refpe6tives. Cet article nous a été
adrejfé par M. Kurdwanfwski ^ de t acadé-
mie royale des fciences de Prujfe , & cor-
refpondant de celle de Paris , <jui nous
affiire t avoir donné il y a très-long- temps
à la fociété des Arts , & qui fe plaint de
ce que M. tabbé Deidier , dans un livre
imprimé en 1745 ^ a fait ufage de ce pro-
blème fans en citer fauteur.
Pile , ( Archit, HydrauL ) c'eft un
fL^CCii de forte maçonnerie , dont le plan
P I L
eft prefque toujours un hexagone alongé ^
qui fépare & porte les arches d'un pont
de pierre , ou les travées d'un pont de
bois. On conftruit ce maffif avec beau-
coup de précaution. D'abord fon fonde-
ment eft relevé en talut , par recoupe-
ment , retraites & degrés , juiqu'au niveau
de la terre du fond de l'eau.
En fécond lieu , la première aftî/è eft
toute de pierre de taille , compofée de
carreaux & de boutilTes , ceux - ci ayant
deux pies de lit , & les boutiifes au moins
trois pies de queue ^ ces pierres font cou-
lées 5 fichées , jointoyées , mêlées de chaux
& de ciment.
On cramponne celles qu'on nppelle pierres
de parement , les unes avec les autres, avec
des crampons de fer fcellés en plomb \
outre cela, on met à chaque pierre de
parement un crampon pour la lier avec
des libages , dont on entoure la première
afllfe. Ces libages , de même hauteur que
les pierres de parement , font pofés à bain
de mortier , de chaux & de ciment , &
on en remplit bien les joints a éclats de
pierre dure. On bâtit de même lès' autres
affifes de pierres. On peut confulter là-deflus
ï Architecture hydraulique de M. Belidor ,
tome ly, L IV ^ c. ij,
La cenftruftion d'une pile , quoique im-
portante , n'eft pas cependant la chofè la
plus effentielle : c'eft fa proportion qui eft
difficile à déterminer. Selon M. Bergier,
les anciens donnoient aux piles des ponts
la troifîeme partie de la grandeur des
arches , & même la moitié ; Hiftoire des
grands chemins de t empire romain , lib. IV ,
c. XXXV, Aujourd'hui on penfe que les piles
doivent avoir moins , comme un quart ,
& un cinquième. Mais (iir quoi cette rè-
gle eft elle fondée ? On n'en fait rien 5
& M. Gauthier , qui a réfléchi là-deflus ,
croit que l'expérience feule peut fixer les
dimenfions des piles. « Cette expérience
)) confifte à favoir , dit-il , quelle eft la
» force des matériaux qu'on trouve fur les
» lieux , qui fupportem plus ou moins le
» fardeau dont on les charge , fuivant le
» plus ou le moins qu'ils font compares
» & ferrés. »
M. Gauthier fuppolè ici que les pil^
fupportent la moitié de la maçonner^
P 1 L
des arches qui font à leurs côtés , à hs
prendre depuis le milieu des clefs. Si cela
eft aufli certain qu'il le paroît , il eft évi-
dent qu'avec l'expérience ci - devant rap-
portée , & connoiffant la folidité d'une ar-
che & celle des piles, on faura coinment
ou doit régler les dimenfions des piles , en
égalant ces deux folidités. Mais , n'y a-t-il
pas quelqu'autre condition à examiner ?
C'eft à quoi les ingénieurs des pojits &
chauflées doivent prendre garde , ne pou-
vant nous- mêrnes en entreprendre l'examen
dans un article où nos réflexions , comme
dans tous les autres , doivent fagement
être ménagées , afin que les connoiflances
que nous analyfous , paroiffent entièrement
à découvert.
Pile percée. C'eft une pile qui , au lieu
d'avant - becs d'amont & d'aval , eft ou-
verte par une petite arcade au dclfus de
la crèche , pour faciliter le courant rapide
des grofles eaux d'une rivière , ou d'un
torrent. Il y a de ces piles au pont du
S. Efprit & d'Avignon , fur le Rhône.
Daviliers. {D. J.)
Pile , terme de Bucheroa ; ce mot fe
dit du bois coupé ou fcié ;, ainfi ce font
plufieurs ais rangés les uns fur les autres ,
ou plufieurs ouches & plufieurs rondins
cntalFés proprement les uns fur les autres
dans un chantier ou dans un bûcher.
Pile de bois , ( CAarp. ) c'eft un tas
de bois de charpente ou de menuiièrie
empilés les uns ftir les autres.
Pile de pont , ( CAarp. ) ce font des
affemblages de charpente , qui forment un
pont par travées & palées.
Pile 5 terme d'ancien monnayage , la
matrice ou le coin fur lequel étoient em-
preintes les armes ou autres allégories.
Cette façon de monnoyer a fouvent
changé par les inconvéniens , les mauvaifos
empreintes qu'elle produifoit ^ quoi qu'il
en foit , voyez le premier procédé , le plus
ancien & le plus imparfait.
Cette pile ou coin étoit fortement at-
taché & enfoncé dans un gros billot de
bois , appelle par les anciennes ordon-
nances cepeau.
On pofoit fur la pile le flan ^ & le
troufTeau que l'on appîiquoit fur le flan
& en oppofition à la pile , frappoit ,
I & le flati etoit monnoyé. Voyci Trous-
seau.
Les Hollandois monnoient avec la pile ,
mais avec des correélions , qui toutes font
bien imparfaites étant comparées à la mar-
que du balancier.
Ce mot pile exprime encore le côté des
armes d'une monnoie , & le revers fur
lequel eft l'effigie du prince eft appelle
croix , parce que dans les anciennes mon-
noies , au lieu d'effigie, on mettoit une
croix \ c'eft delà qu'émane le jeu de croies
ou pile. Sur l'étymologie de ce mot ,
Scaliger & quelqu'autres ont rapporté des
chofes afîèz peu intéreifantes , peut - être
même inutiles j en cas qu'on en foit cu-
rieux , voyez prima Scaligerana , in voc,
nummus rutilas , page 1 1 5 . fiela au mot
pila.
Piles , f. f. {Papeterie.) les piles font
des mortiers qui fervent dans les papeteries
pour préparer la pâte , qui doit être em-
ployée à faire le papier. Il y a de trois
fortes de piles ; les unes que ïon nomme
piles à drapeaux ^ les autres , piles à fleu-
ret 'j & /^ les autres , piles de l'ouvrier.
(D.J.)
Piles ou Avançons, terme de pêche ,
ce font les petites cordes frappées fur la
ligne ou baufe auxquelles les hameçons
fout attachés 5 les avançons font ordinai-
rement de fil verd , pour mieux tromper le
poiflbn.
Les pêcheurs qui font la pêche avec ces
lignes qui font des efpeces de libourets ,
en mettent fix à la mer , trois à bas-bord
& trois à ftribord \ les deux de l'avant
font garnies d'un plomb de huit livres ,
les deux du milieu ont un poids de fix
livres , & les deux de l'arriére , & qui font
manoeuvrées ordinairement par celui qui
tient le gouvernail , feulement au poids
de deux livres \ cette différence de poids
empêche les lignes de fe mêler pendant
que le bateau pourfuit fou fillage qui doit
être modéré \ c'eft pourquoi on amené à
demi les voiles ainfi qu'il convient , eu
égard à la force du vent.
Piles , f. f. ( Ufienfde. ) les piles font
de grands vaiffeaux de pierre dure , dont
les Italiens & les Provençaux fe fervent
pour mettre les huiles qu'ils veulent garder ,
5)04 P I L
en attendant le temps favorable de les ven-
dre i Oïl les met aiilîî dans des jarres ,
qui (ont de grands vaiireaux de terre cuite.
( P. /. )
Pile , ( Jeux. ) le jeu nomme croix
owpile^ eft un jeu où lorfquou a jeté une
pièce de mounoie en l'air , celui-là gagne
le pari , qui a deviné la partie qui paroît
quand la pièce de monnoie eft tombée.
Pluficurs prétendent que pile eft un vieux
mot qui lignifioit navire , & que les an
ciens Romains jouoient à ce jeu avec une
monnoie faite en mémoire de Saturne , où
Von voyoit la tête de Janus d'un côté ,
& de l'autre le navire fur lequel il étoit
arrivé en Italie. C'eft ce que témoigne
Macrobe j delà dérive, ajoute- 1- on, le
mot de pilote , pour dire un condufteur
de navire. D'autres prétendent , que les
Gaulois avoient une ancienne monnoie qui
repréfentoit d'un côté un navire , & de
l'autre une tête humaine nommée chef ;
& que c'eft delà que vient le jeu nommé
croix ou pi/c , depuis que les ckrétiens
oppoferent la croix à la pi/e , au revers
de leurs monnoies. {D. J.)
Pile de malheur , ( Jeu de triclrac, )
On appelle à ce jeu pile de malheur ,
lorfqu'une des parties conferve fi long-
temps fon grand-jan fans le rompre, que
la partie adver/è ne peut pafter dans le
jan de retour , &: qu'il eft obligé d'entafler
toutes fes dames fur celles de fon coin.
La pile de malheur complète eft fort rare.
( D. J.)
PILE , C {.palus in acumen dejtnens ,
( terme de Blafon. ) pal aiguifé en forme
d'obélifque rcnverfé , la bafe étant mou-
vante du bord fupérieur de l'écu.
Cette pièce eft rare en armoiries.
Ce terme vient du latin pilum ; les an-
ciens nommoient /'/■/w les pièces de bois
arméçs de fer , aiufi que les traits ou dards
qu'ils décochoient aux prifes des villes &
dans leurs batailles ou combats.
De Maillify , en l'île de France ^ d'a^wr
À troi piles d'or , l'une en pal , les deux
autres en bande & en barres appointées vers
la pointe de Vécu. {G. D.L.T.)
PILES , ( Geogr. anc. ) L'identité' des
noms a précipité les écrivains dans plufieurs
erreurs de géographie , comme on peut
P ï L
le remarfjuer dans les trois villes qui por*
toient le nom de Pylos , dans la Moi«e
occidentale , aujourd'hui Belvédère : l'une
appellée Pylvs Meffenique , étoit dans la
Meft~énie , aujourd'hui le vieux Navarrin ,
dans le golfe de Zonchir ^ l'autre s'appel'
loit Pylos Elée , parce qu'elle étoit fituée
dans le fond de l'Elide ^ entre ces deux
villes étoit Pylos Triphyliaque , capitale
du royaume de Neftor dans l'Elide Tri-
phyiie. Les deux villes de Cnide ont jeté
dans les mêmes erreurs ^ on les a cou-
fondues , quoique l'une fût dans l'île de
Chypre , & l'autre dans la Doride de Carie,
On doit faire la même obfervation fur les
deux Magrtefies , dont l'une étoit une pro-
vince orientale de la Theflalie , qui aujour-
d'hui eft une prefqu'île de la Janna j
l'autre étoit l'Afîe mineure , fur le Méan-
dre ^ elle s'appelle aujourd'hui Gufetli£ar»
On tombe fur -tout dans cette erreur fur
les deux Carthages d'Efpagne , dont l'une
s'appelloit Carthago nova ou Spartaria ,
& l'autre Carthago Pœnorum. La première
eft Carthagene dans le royaume de JVIurcie ,
& la dernière , Villa - Franca de Panades
dans la Catalogne. ( T-n. )
PILÉE , f. f . ( Couverturier. ) c'eft en
terme de couverturier , la quantité de cou-
vertures que le moulin à foulon peut fouler
à la fois. Cette quantité s'eftime ordinai-
rement au poids 3 en forte que fi un moulin
peut fouler quatre-vingts livres , & que
chaque couverture pefe vingt -livres , la
pilée eft de quatre couvertures, & ainfi à
proportion des pile'es de tous les autres
moulins.
PiLÉE , f! f. ( Lainage. ) ce mot veut
dire la quantité d'étoffe que l'on met dans
l'auge ou vaifleau de bois , deftiné pour
la faire fouler. Quelques-uns , particulière-
ment du côté d'Amiens, difent vaijjelée ;
le mot de pilee vient de pile , parce qu'jyi
y a bien des endroits où les vaifleaux à
fouler s'appellent ainfi.
PILENTUM , ( Antiç. Rom. ) efpece
de char couvert êc fufpendu , en ufage
chez les Romains , plus honorable que
le carpentum , qui étoit un char découvert.
Tîte-Live, liv. V, chap. xxv , rapporte
que l'an de Rome 3'5i , le fénat voulant
récompenfèr la magnanimité des dames
romaines ^
P I L
romaines , qui avoient fâcrifié leurs
joyaux pour fournir la {binme promife
aux Gaulois , leur accorda le privilège
ci'ufer de ce char couvert & fufpendu ,
à condition néanmoins quelles ne s'en
fërviroient que les jours de fête , pour fe
rendre aux jeux & aux facrifices , & que
les jours ouvriers elles n'iroient dans les
rues , que dans des chars découverts j
Honoremqhe ob eam munificmtiam ferunt
mat ro ni s habhum , ut pilento ad facra
ludofque , carpentis fefio profefloquc ute-
rentur. Mais la {implicite de la vie des
dames romaines rendit cette permiflion
inutile j elles ne fongerent point à en
profiter. Le changement de leurs mœurs
produifit dans la fuite l'efiTet contraire : la
ievérité des loix échoua quand il fut quef-
tion de borner leur luxe ; elles les tranf^
greffèrent avec hauteur , & elles ne vou-
lurent plus que des voitures douces , des
brancards , des litières , des chars à quatre
roues , tout dorés , & tirés par des che-
vaux blancs. ( D. J.)
PILER , V. ad. ( Gramm. ) c'eft réduire
un corps en parties plus ou moins me-
nues , l'écrafèr avec un pilon , un marteau
ou quelqu'autre inftrument qui faflè le
même Q^et,
Piler du poivre , terme de tArt
militaire , fè dit pour exprimer le mouve-
ment <ies derniers bataillons d'une colonne
de troupes en marche , lequel mouvement
ic trouve gêné ou retardé par les premiers
bataillons. Dans cet état, les foldats ne
font pour ainfi dire que piétiner , fans
avancer qu'infenfîblement ^ c'eft ce qu'ils
appellent piler du poivre. Art de la
Guerre par M. le Maréchal de Puy-
Jegur, ( Q )
Piler le chanvre, {Cordier,) c'eft
une préparation qu'on donne à la filaffe
avant que de la paffer au peigne j elle
confifte à mettre la filaffe dans de grands
mortiers de bois., & la battre avec de
gros maillets.
PILHANNAW , f. m. r Hijl. nat. Or^
/lithologie, ) nom donné par les Indiens à
un oilëau de proie formidable, très- gros
& très-hardi , qui habite dans les forêts
de quelques-unes des plantations angloifes,
en Amérique. Non feulement tous les oi-
TomeXXF,
P I L ^05
féaux en lôat épouvantés , parce qu'il en
fait fà proie ^ mais même il dévore des
quadrupèdes, comme de jeunes faons d©
biche Ôc autres fèmblables , fur lefquels
ilfe jette. {D. J,)
PILIER, f. m. ( Architecl. ) forte de
colonne ronde ou quarrée , fans propor-
tion , •qui fert à foutenir la voûte de quel-
que édifice.
Pilier butant. C'eft un corps de ma-
çonnerie , élevé pour contretenir la pouf^
fée d'une voûte ou d'un arc ^ il y a des
piliers butans de différens profils , comme
en adouciffement ou en roulement , ou
quelquefois avec des arcades ^ tels font la
plupart des piliers des nouvelles égliies.
Pilier butant en confole. Efpece de pi-
laftre attique , dont la partie inférieure
forme un enroulement par fon profil ,
comme une confole renverfée ^ ce pilier
fèrt pour buter un arc ou une voûte , ÔC
pour raccorder par une large retraite ,
deux plans ronds l'un fur l'autre difFérens
de diamètre. On voit de ces piliers à Tac-
tique au dôme des invalides à Paris.
Pilier de dôme. On appelle ainfi dan»
une églife à dôme , chacun des quatre
corps de maçonnerie ifblés , qui ont un
pan coupé à une de leurs encoignures , &:
qui étant proportionnés à la grandeur de
l'églife , portent fur leurs croifées?;
Pilier de moulin à. vent. C'eft le mafîîf
de maçonnerie qui fè termine en cône y
& qui porte la cage d'un moulhi à vent ,
laquelle tourne verticalement fur un pivot,
pour en expofèr les ailes ou volets au
vent.
Pilier quarré. C'eft un mafTif appelle
aufîî jambage , qui fert pour porter les
arcades , les plates - bandes & les retom-
bées àts voûtes.
Pilier de carrière. Ce font des mafîès
de pierre qu'on laiffe d'efpace en eif)ace ,
pour foutenir le ciel d'une carrière. X)<z-
viler. {D. J.)
Piliers de bitte , ( Marine. ) ce
font deux groffes pièces de bois pofees
debout , & entretenues par un traverfîii ;
comme ce font les principales pièces de
toute la machine des bittes , on leur
donne fouvent le nom de bittes, Voyei^
Bittes.
Yyyyy
poS P I L
î Les piliers de bittes font ordinairement
d'un tiers plus épais que l'étrave : le fenti-
ment de quelques charpentiers eft que les
piliers de Bittes d'un vailTeau de cent
trente- quatre pies de long, de l'étrave à
l'étambort , doivent avoir quinze pouces
d'épais & fèize de large , la tê^ doit
avoir dix-huit pouces de long , & demi-
pouce de cannelure par le bas , avec un
pie & un pouce de large : ils font élevés
de quatre pies au deffus du premier pont ,
& pofés à vingt-trois pouces l'un de l'autre.
Voye^ Planche IF. fig. i n"*. 86.
Piliers, parmi les Horlogers ^ fignifie
une efpece de petites colonnes , qui dans
ks montres & pendules tiennent les pla-
tines éloignées l'une de l'autre , à la dif^
tance néceffaire : on met quatre piliers
aux montres & cinq aux pendules.
On diftingue trois chofes dans un pilier ,
les pivots , les aiïiettes , & le corps. Les
pivots font les parties qui entrent dans les
platines j les aflîettes font celles qui s'ap-
pliquent fur \&s platines ^ & le corps eft
la partie comprife entre les deux aflîettes.
Pour qu'un pilier foit bien fait , toutes
les parties précédentes doivent être dans
une jufte proportion avec la hauteur & la
grandeur de la cage. Voye[ Cage , &c.
PlUltR , en terme de Manège ,- Ce dit
du centre de la volte , autour duquel on
fait tourner un cheval , foit qu'il y ait un
pilier de bois ou non. F'. Manegf,
Il y a auffi d'autres piliers dans les ma-
ïieges , deux à deux , for la circonférence
eu for les côtés , placés deux à deux à
certaines diftances , d'où vient qu'on les
appelle les deur piliers , pour \ts diftin-
guer de celui du centre. Quand on parle
de ces derniers on a coutume de dire , tra-
vailler un cheval entre deux piliers ; & en
parlant du premier on dit , travailler au-
tour du pilier.
Le pilier du centre fèrt à régler l'éteMdue
du terrain , afin que le manège fur les vol-
tes puilTe fo faire avec méthode & juftefle ,
&: que l'on puilTe travailler par règle & me-
liire fur les quatre lignes de la volte , qui
doivent être imaginées dans une égale dif-
tance de ce centre ^ il fert auflïi à commen-
cer les ckevaux fougueux & difficiles , fans
expofer le cavalier»
PI L
On place les deux piliers à la dlfl|acer
de deux ou trois pas l'un de l'autre ^ on
met le cheval entre deux pour lui appren-
dre à élever le devant , à détacher des
ruades du derrière , & à fo mettre fur des
airs élevés , &c. foit par les aides , ou par
châtiment. F'oyei CoRDE.
Pilier , terme de Vannier , c'eft le bâ-
ton du verrier.
Pilier , ( Ordre de Malte. ) nom qu'on
donne dans l'ordre de Malte aux chefs des
huit langues qui compofent cet ordre 5
ainfi pilier de langue fignifie celui des
grands - croix , qui eft à Malte le repré-
fentant & le chef d'une des langues.
(D. J.)
PILIPOC , f. m. ( Botan. anc. ) nom
d'un arbre des îles Philippines , décrit par
Nieremberg. Sa racine eft couverte de
tubercules bruns , auflî gros que le poing.
Son tronc eft fans nœuds , Se lorfqu'on le
coupe de travers , il fe fépare en des efpeces
de pellicules comme des peaux d'oignon \
Cs.^ feuilles refl'emblent à celles du laurier,
mais elles font extrêmement pointues. Cet
arbre croît dans \qs lieux humides , & jette
des branches qui s'entortillent autour des
plantes voifines. {D. J.)
PILLAGE , f. m. fe dit à la guerre du
dégât, du ravage , & de l'enlèvement que
le foldat fait à la guerre de tout ce qui peut
fàtisfaire fon avidité pour le butin. 'i^oy^^
Dégât & Picorée.
Les loix de la guerre permettent d'aban-
donner au pillage les villes prifes d'affaut ^
mais comme dans le défordre qui s'enfuit
il n'eft point de licences ni de crimes que
le foldat ne fe croie permis , l'humanité
doit engager , lorfque les circonftances le
permettent , à ne rien négliger pour em-
pêcher ces horreurs. On peut obliger les
villes à fe racheter du pillage ; & fi l'on
diftribue exaâement & fideliement au fol-
dat 1 argent qui peut en revenir , 'û n'a
point lieu de fe plaindre- d'aucune injuftice
à cette occafion , au contraire tous en
profitent alors également , au lieu que dans
le pillagi^ le foldat de mérite eft fouvent
le plus mal partagé ; ce n'eft pas feule-
ment parce que le hafard en décide , mais
c'eft , dit M. le marquis de Sandta-Crux ,
qu'un ibldat q^ui a de l'honneur refte à foa
P I L
drapeau jufqu'à ce qu'il n'y ait rien à
craindre de la garnifbn ni des h£\bitans ,
tandis que celui dont l'avidité prévaut fur
toute autre chofe , commence à piller en
entrant dans la ville , fans attendre qu'il
lui foit permis de fe débander.
Outre le pillage des villes , qui arrive
très-rarement , il y en a un autre que pro-
duit le relâchement de la diicipline , c'eft
la dévaftation que fait le foldat dans le
pays où le théâtre de la guerre eft établi :
ee pillage accoutume le foldat à fecouer le
joug de l'obéilfance & de la difcipline j
l'envie de conferver fon butin peut amortir
fa valeur , & l'engager même à fe retirer :
d'ailleurs , en ruinant le pays on le met
hors d'état de payer les contributions , &
on expofè l'armée à la diiètte ou à la fa-
mine. On fe prive ainfî par cette licence ,
non feulement des reifources que le pays
fournit pour s'y ibutenir , mais l'on fe fait
encore autant d'ennemis qu'il contient
d'habitans : le pillage de tout ce qu'ils
pofledent les jîiettant au défelpoir , les
engage à profiter de tous les moyens de
nuire à ceux qui les oppriment auili cruel-
lement.
Le pays où l'on fait la guerre , quelque
foit l'exaditude de la difcipline qu'on fait
obferver aux troupes , fe reffent toujours
beaucoup des calamités qui en font infépa-
rables : c'eft pourquoi l'équité devroit en-
gager à ne faire que le mal qui devient
abfolument inévitable, à ne point ruiner
les chofès dont la perte n'afFoiblit point
J'ennemi , & qui ne fervent qu'à indilpofer
les peuples : telles font les égliiès , les
maifons , châteaux , &c. les animaux & les
inftrumens qui fervent à la culture des ter-
res , devroient être confervés avec foin.
Diodore de Sicile nous apprend que parmi
les Indiens , les laboureurs étoient regar-
dés comme facrés ^ qu'ils travailloient pai-
fîblement & fans avoir rien à craindre à la
vue même des armées , & qu'on ne favoit
ce que c'étoit que brûler ou couper les
arbres en campagne.
La fermeté eft très - néceflaire dans un
général pour réprimer l'ardeur du pillage
parmi les troupes ^ les exemples de févé-
rité font (ouvent à propos pour cet effet j
mais il faut les faire à boime heure ; afin
P I L ^07
que le trop grand nombre de coupables
n'oblige point à leur pardonner.
Lorfque des troupes font une fois accou-
tumées au pillage , au défaut de l'ennemi
elles pillent leur propre pays , & même
leurs magafins \ c'eft ce qu'on a vu dans
plufieurs occafions , entr'autres , dans la
guerre de Hollande de 1672 j mais M. de
Louvois fit retenir fur le paiement de toute
tarmée , ce qui étoit néceffaire pour dé-
dommager les entrepreneurs , & il ordonna,
d'en ufer de même toutes les fois que pa-.
reille chofe arriveroit. {Q)
Pillage , {Marine.) le pillage eft la.
dépouille des coffres &. des hardes de l'en-
nemi pris , & l'argent qu'il a fijr lui jufqu'à
trente livres : le refte qui eft le gros de lar
pr^, s'appelle âutin.
ce capitaine ou les capitaines qui auront
abordé un vaiftèau ennemi , & qui l'au-
ront pris , retiendront par préférence tous
les vivres & les menues armes , & les ma-
telots auront le pilmge : mais pour le corps
de la prife , le prix en fera diftribué félon
les divers réglemens qui font faits pour
divcrfès occafions.
PILLARD, f. m. ( Art. militaire. ) fol-
dat qui pille. Voye^ l'article PiLLAGE.
PILLAU , ( Géogr. mod. ) village de
PrufTe , dans le Samland , à l'embouchure:
du Pregel. Je ne parle de ce village qu'à
caufë qu'il eft remarquable par fon port
qui eft grand , & par fa douane qui porte
un bon revenu au roi de Prulfe. Il y a ua
fort avec garnifon pour arrêter tout ce qui
paffe. Guftave Adolphe , roi de Suéde ,
le força en 1616. On amaffe aux environs;
de l'ambre jaune ou fuccin , & on y pêche
des efturgeons. { D. J.)
PILLER , verb. aâ. Voyei Pillage^
Outre l'acception par laquelle il déJîgne le
vol fait publiquement avec violence , il
en a encore quelques autres 5 comme en
littérature , s'emparer des écrits de ceux
qui ont écrit avant nous fans les citer j
& au jeu , emporter une carte avec un*
autre carte qui lui eft fupérieure , &c.
PILOIR, terme de Megifier , c'eft un
bâton d'environ cinq ou fix pics de lon-
gueur , & garni quelquefois d'une efpece
de petite mafte dont on fe fert pour en--
foncer les peaux dans les pleins lorfqu'ellei
Yyyyy 2.
^o8 PIL
remontent au defTus de Teau de chaux ou
d'alun.
PILON , f. m. ( Gramm. ) inftrument de
bois , de pierre , ou de fer , dont on fe
ièrt pour piler , écrafer , ou réduire en
parties plus ou moins menues , toutes fortes
de fubftances ou corps : on donne le même
nom aux parties de quelques machines où
elles ont la même fon£èion.
Pilon ou petite écore , ( Marine.)
c'eft une côte qui a peu de hauteur , mais
qui eft efcarpée ou taillée en précipice.
Pilon , f. m. terme de Librairie , en-
voyer des livres au pilon , veut dire en
langage de libraire , \qs déchirer par mor-
ceaux , en forte qu'ils ne puilTent plus fer-
vir qu'aux cartonniers , pour être pilonnés ,
& réduits eu cette efpece de bouillie ^nt
en fait le carton^^ D. J. )
Pilons , ( Monnoyage. ) a la Monnoie ,
ils font ou de bois dur , ou de fer , ou de
fonte , conféquemmej^ à leurs différens
MÏages. Afiéz communément on fè lert de
pilons de fonte pour broyer dans des mor-
tiers de bronze , les terres , creufèts , &c.
dans lefquels il pourroit être refté du mé-
tal i pulvérifés y on les envoie pour être
paffés aux tourniquets.
Pilon a sucre , ( Sucrerie. ) on ap-
pelle ainfi dans les fucreries des eipgces de
grolTes malTes d'un bois dur & pefànt ,
emmanchées aufll de bois. La maîîè doit
avoir huit pouces de hauteur fur cinq de
diamètre 5 & le manche fix pies de long.
Ils fervent à piler le fucre terré au fortir
de l'étuve , & à le réduire en cafT nade
avant de le mettre dans les barriques. LeJ
P. Labat.
PILONNER la- laine y C Lainage. )
c'eft la remuer fortement avec une pelle
de bois dans une chaudière remplie d'un
bain plus que tiède , compofé de trois
quarts d'eau claire Se d'un quart d'urine ,
pour la dégrailTer au fortir de la balle avant
que detre battue fur la claie. ( J>, /; )
PILORE , f.. m. voyei^ PyLORE.
PILORI' , f. m. ( ïurifp. ) eft un petit
briment en forme de tour avec une char-
pente à jour , dans laquelle eft une espèce
de carcan qui tourne ftir fon centre. Ge
carcan eft formé de deux pièces de bais
pofées l'une iiir l'autre 5^^ entre lefquelles il
P I t
y a Ati trous pour pafTer la tête & les
mains de ceux que l'on met au pilori ^
c'eft - à - dire , que l'on expofe ainfi pour
fervir de rifée au peuple & pour les noter
d'infamie : c'eft la peine ordinaire des ban-
queroutiers frauduleux j on leur fait faire
amende honorable au pié du pilori ; on
les promené dans les carrefours , enfuite
on les expofe au pilori pendant trois jours
de marché , pendant deux heures chaque
jour , & on leur fait faire quatre tours de
pilori , c'eft- à-dire , qu'on fait tourner le
pilori quatre fois pendant qu'ils y font
attachés.
On tient que ce genre de peine fut in-
troduit par l'empereur Adrien , contre les
banqueroutiers , leurs fauteurs & entre-
metteurs ^ c'eft ce que Diogene Laè'rce
entend, lib. VI, lorsqu'il dit, voluit eos
catamidiari in amphitheatro , id eft derideri y
& ibi ante confpeclum omnium exponi.
On donne aufîî quelquefois le nom de-
pilori aux fî;nples poteaux & échelles pati-
bulaires qui fervent à-peu-près au m.ême'
ufage 5 mais la conftrudiijon des uns & des-
autres eft différente , & le pilori propre-
ment dit , eft celui qui eft conftruit de la-
façon dont on vient de le dire. V. Echelle,
PATIBULAIRE.
Sauvai , en fes antifuités de Paris , dit'
que dans un contrat de l'année 1295 j le.
pilori des halles de Paris s'appelle pu-
teus diclus lori ; il conclut delà que pilorv
•cil un nom corrompu & tiré de puits,
lori , c'eft-à-dire , d'une perlonne nommée
Lori , & que ce gibet fut à la place eu.*
«aux environs de. ce puits , & qu'il en prit:
le nom..
Cependant Ducange , au pilorium oiu
fpilorium , fait venir pilori de pila , & en
françois pilizr y d'où> l'on a fait pdorier y,
il cite les anciens textes où. ce terme fe,
trouve , tels que les îoix des bourgs d'E-
colfe , le monafticum anglisanum , une-
charte de Thibaut cou. te de Champagne y
de l'an 122.7, qui eil dans le tréfor de.
l'égliië de Meauii- , l'ouvrage mX\W\\é fie ta j,
les coutumes de Nevers ,. de Melun,. da.
Meaux, deSen^i, d'Auxerre.
Ménage le dérive àt piluricium 5^ coinmsi;
<^^\x(xn pait poteau.,.
P î L
Speîman le dérive du mot François pit-
Um ; mais l'opinion de Ducange paroît la
plus vraifemblable.
Quoi qu'il eu foit de l'étymologie de ce
mot, il eft confiant que le pilori deslîalles
à Paris eft un des plus anciens , & que
Sauvai croit que jufqu'au xiij & xiv fiecle ,
& même jufqu'au xv , ce lut peut - être
le feul lieu patibulaire qu'il y eut à Paris ,
& oii les criminels du plus haut rang fubi-
rent Ja peine de leur révolte & de leurs
autres crim^es.
L'ancien pilori confiftoit en une cour
accompagnée d'une écurie , d'un appentis
haut de Icpt pies fur neuf de longueur , &
d'un couvert où fe gardoient la nuit les
corps des maifaicteurs avant que detre
portés à Moaiiaucou.
Celui qui fubiifte p'réfentement a été
conllruit plus de 300 ans après. On n'y
fait plus d'exécutions à mort , il ne fèrt
que pour expoièr les banqueroutiers frau-
duleux ; on y expofe aiifîî en bas les
corps des criminels qui ont été exécutés
dans la ville , en attendant qu'on leur
doiuie la fépulture..
Près de ce pilori eft une croix , au pié de
laquelle les ceflionnaires dévoient venir
déclarer - qu'ils faifoient ceftîon , &: rece-
voir le bonnet verd des mains du bourreau^
il y a long-temps >que cela ne fe pratique
plus, i^oyci Banqueroute ,. Bonmet
VERD, Cession & Faillite.
Bacquet , Loifel & Defpeiftes préten-
dent qu'un fèigneur haut jufticier ne peut
avoir un pilori eii forme dans une ville
oîi le roi en a un 5 qu'en ce cas. le fei-
gneur doit fè contenter d'avoir une échelle
ou carcan.
Cependant Sauvai reinarque qu'à la place
de la barrière des Sergens du petit marché
du tauxbourg faint- Germain , il y avoit
autrefois un autre pilori^ & près delà une
échelle \ & que l'un ou l'autre fërvoit pour
exécuter ceux que les juges de Fabbé
avoient condamnes, félon Je genre de
peine que le condamné devoit fubir j lorf
qu'il y avoit peine de mort , le. jugement
s'exécutoit au /?/7o/-/.
h'^ pilon cii un figne de. haute-jûftice y
néanmoins Laur-igre , en fon glofîaire au
mQVp^Uier ^ dit qu'eu quelques endroits
P I L 509
' les moyens jufticicrs . ont auflî droit de
pilori.
Dans la ville de Lyon , où il n'y a point
àe pilori ^ on fe fer vit en 1745 d'ime cage
de fer portée fur une charrette pour tenir
lieu de pilori , à l'égard d'un banquerou-
tier frauduleux qui fut ainfi protriené par la
ville. Voye:^ les coutumes de Bearn , tit.-
XLIV. & ci - devant le mot ECHELLES-
PATIBULAIRES. {A)
PILORIER , expofèr un criminel au'
pilori , lui faire faire les tours ordonnés-
par fa fentence ou par fbn arrêt dé con-
damnation. Ibid'.
PILORIS , f. m. forte de rat des îles-
Antilles , fréquentant les montagnes & leS'
bois ^ fa groifeur eft trois fois plus confi-
dérabie que celle des rats domeftiques ^ ill
a le poil blanchâtre tirant fur le roux , &.'
la queue courte à proportion de fon corps ^;
fa chair eft. blanche , graffe & délicate y,
mais elle fent fi fort le mufc, qu'il n'y a^^
que les nègres qui puiffènt en manger , après
l'avoir fait bouillir très-long- temps en chan-
geant d'eau.
: PILOSELLE, C ï: (Hifï^ nat. Bot. y
genre de plante qui a été décrit fous le nom-
il^hitracium, Voye:{^^ HiEMACiVM.
Cette, plante eft nommée par le vulgaire-
■ oreille de rat OU de fouris , & en anglois
iemblablement the moufe-ear,. C'eft dans-
le fyftême de Tournefort la vingt- deu-
xième efjjece de genre de planté qu'il-
nomme ^e/7J /fo/?/.y ; la plupart des autres :
botaniftes l'appellent en latin pilofella re-
pens ou OT//20/-. Linnseus la nomme hiera-
cium fbliis integerrimis , ovates , caule
repente , fcapo unijloro^ Hort. Cliftbrs. -
' Sa racine eft longue comm.e le doigt ,
menue, garnie de fibres. Elle poufte plw-
fieurs tiges grêles ,^ fàrment*îufes, velues,
qui rampent à terre & y prennent racine.
Ses feuilles font oblougues., arrondies par
le bout, reflêmblantes à des oreilles de
irat'ou de fouris ,. revêtues de poil, vertes^
en defiùs , veineuses, blanchâtres , lanu-
giueufes. en dclFous & d'uu goûtaftrin"
gent.. .,,....
Ses fleurs font à" démi-fléurons , ièm-
blables à celles de ïhieracium^ mais plus-
p^etites ,, jaunes,, ibuteuues chacune par un*
5)10 P I L
calice écailleux & fimple , & portées fur
lin pédicule délié & velu. Après que les
fleurs font paffées, il leur fuccede des
femences menues , noires , uniformes &
aigrettées.
Cette plante croît aux lieux arides &
maigres , fur les coteaux incultes , dans
les terres fablonneufes & aux bords des
grands chemins. Elleflewriten mai, juin &
juillet 'j elle eft très-amere , & paKè en
médecine pour polTéder de» vertus vulné-
raires , aftringentes &. déterfîves. ( D. J.)
PiLOSELLE , ( Mat, médicale. ) voye^^
Oreille de Soupjs.
PILOSITES , f. m. pi. ( Hifi. eccléf. )
nom que les Origeniftcs donnoient aux
Catholiques , parce que ceux-ci préten-
dirent que nous refTufciterons tous avec
toutes les parties de nos corps jufqu'au
moindre poil.
PILOT ou PILOTIS , f m. ( Archit.
kydraul. ) pièce de bois de chêne ronde ,
employée de fa groifeur , affilée par un
bout 5 quelquefois armée d'un fer pointu ,
& à quatre brayches. , & frettée en fa cou-
ronne de fer , qu'on enfonce en terre pour
affermir un terrain.
On fe fert pour enfoncer les pilots d'une
machine appellée fonneue , & on eftime
ainfi le temps & la dépenfe que caufe
l'enfoncement.
On commence à fonder le fonds où l'on
veut travailler ; cette opération fait con-
noître la denfité du terrain dans lequel le
pilot doit être enfoncé. Si cette denfité eft
uniforme , l'enfoncement croît à propor-
tion du nombre des coups égaux qu'elle
reçoit ^ eft-elle variable ^ c'eft par la
différence des coups qu'on juge de la diffé-
rente denfité j c'eft-à-dire , que la denfité
d'une féconde couche étant , par exemple,
plus grande , il faudra un plus grand nom-
bre de coups pour produire un enfonce-
ment égal à celui de la première couche.
Ce fera le contraire fi la denfité de cette
couche eft moindre que l'autre ^ cela pofé ,
on eftime une minute vingt fécondes pour
chaque volée de trente percuffions , &
autant paur reprendre haleine. Ainfi en
ajoutant vingt fécondes pour le temps que
Ton perd , on aura trois luinRtes pour
chaque volée.
" P I L
Djfons encore que pour déplacer la (on-
nette & m^ettre le pilot en état d'être en-
foncé, il faut dix-huit minutes, & fix-
minutes pour le deverfer & y mettre des
boifes. Après cela il fera aifé dç faire le
calcul , nous voulons dire d'eftimer le
temps néceffaire pour enfoncer un pilot
d'une longueur déterminée.
Afin de faire une évaluation plus jufte
& qu'on connoiffe ce qu'on peut perdre
de temps , félon que la fonnette qui frappe
le pilot tombe d'une plus grande hauteur ,
il eft bon de favoir que la force avec la-
quelle le mouton frappe le pilot eft tou-
jours comme la racine quarrée doù le
mouton tombe, c'eft-à-dire, comme la
vîteffe que ce corps qui dcfcend a acquifè
à la fin de fa chute. On fuppofe ici que
la chute du mouton eft perpendiculaire
fur le pilot , &: cela doit toujours être ;
car lorfqu'oa doit pouffer un pilot obli-
quement , on place la machine enforte
que les montans aient la même obliquité ;
mais alors on eftime la force du coup par
la hauteur de la chute , & non par la
longueur. Voye':^^ le Cours de Phyfiquc
expérimentale par M. Défaguliers , tome I ,
fecl. 5.
Au reftc , on trouve dans le troificme
tome de X Architecture hydraulique , par
M. Belidor , un modèle de calcul fur le
temps & la dépenfe de l'ufage des pilots.
Ce même volume contient différentes ma-
chines pour enfoncer les pilots , ainfi que
le premier tome du Cours de Thyfique.
expérimentale de M. Défaguliers. Lq pilot
eft différent du pieu en ce qu'il eft tout-
à-fait enfoncé dans la terre.
Pilçts de bordage. Ce font des pilot f
qui environnent le pilotage , & qui por-
tent \q% patins & les racinaux.
Pilots de remplage. Pilots qui garnif-
fent l'efpace piloté. Il en entre i8 à 20
dans une toife fuperficielle.
Pilots de retenue. Pilots qui font au
dehors d'une fondation , & qui foutiennent
le terrain de mauvaife confiftan«e iiir le-
quel une pile de pont eft fondée.
Pilots de fupport. Pilots fur la tête
defquels la pile eft fupportée , comme
ceux , par exemple , qu'on plante dan?
les chambres d'un grillage. {D. J.)
T> I L
PiLOr . terme de Papeterie ; c'eft ainfi
qu'on nomme en Bretagne ce qu'ailleurs
on aj^peîle drilles , peilles ', drapeaux ,
c'eft - à - dire , les vieux chiffons de toile
de chanvre & de lin , qui fervent à la
fabrique du papier.
Il fort tous les ans de Bretagne pour
.plus de loooo livres de pilot , fans y com-
prendre ce qui fe confomme dans les pa-
-peteries de cette province. K, Papier.
Pilot , f. m. terme de Salines , c'eft
le nom qu'on donne dans les marais falans
aux monceaux de fel qui font dans un en-
droitçde ces marais qu'on appelle le mort:
lorfque ces monceaux de fel font en rond ,
ils fe nomment pilots^ & quand ils font
en long , on les appelle vaches ; il faut
pafTer ces termes ridicules à des ouvriers
fans génie. { D. J.)
PILOTAGE , ( Marine. ) c'eft un ou-
vrage de fondation fur lequel on bâtit dans
l'eau. Cette fondation fe prépare par plu-
fieurs fils de pieux fichés en terre par force
& à refus du mouton.
Pilotage , c'eft la conduite qui fe fait
d'un vailfeau pour le faire egtrer ou fortir
d'un port , de peur qu'il n'aille donner fur
des bancs. Les lamanages , tonages, pilo-
tages , pour entrer dans les havres ou
rivières , ou pour en fortir , font menues
avaries , qui fe paient un tiers par le na-
vire , & le| deux autres tiers par les mar-
chandifcs. *
Pilotage , c'eft l'art de bien conduise un
vaiifeau , & de tout ce qui regarde la
fcience de la navigation.
Pilotage , fubft. m. ou Lamanage ,
( Comm. de mer. ) Ce mot fignifie les droits
qui font dûs aux pilotes ou lamaneurs , qui
aident aux navires à entrer dans les ports
ou à en fortir.
PILOTE, f. m. ( HiJÎ. nat. îchthiolog. )
poiifon de mer auquel on a donné ce nom ,
parce qu'il fe met au devant des vaifteaux
qu'il rencontre \ il les précède & il fèmble
les conduire jufqu'au port. Il eft de la
grandeur & de la forme d'un maquereau :
la tête eft longue & liffe ^ l'extrémité de
la mâchoire fupérieure excède de beaucoup
la mâchoire inférieure. Ce poiiToii n'a point
d'écaillés , tout fon coo-ps eft couvert d'une
peau rayée en lofànges , ij* a deux petites
PÎL 51Î
nageoires près des ouies , une fijr le dos &
une autre fur le ventre , qui s'étendent
toutes les deux jufqu'à la queue. Le poiflbii
pilote nage au devant des requins , comme
au devant des vaiffeaux \ il eft fi agile qu'il
é,v\tQ le requin qui tâche d'en faire fa proie.
Hijî, nat. des Antilles , par le P. du Ter-
trc^/o;72. //. V. Poisson.
"lote , C Marine. ) premier pilote ^
fécond pilote , troifieme pilote. Le pilote
eft un officier de l'équipage , qui prend
garde à la route du vailfeau & qui le gou-
verne.
Le fécond &; le troifieme pilotes fécon-
dent le premier dans fès fondions. Il n'y
a trois pilotes que dans les plus grands
vaiffeaux , ou quand il s'agit de voyages
de long cours. Dans Xzs autres vaiifeaux,
il y a un ou àzwy. pilote?, , félon la qualité
du vailfwau & du voyage. Voye^ l'ordon-
nance de 1680 , liv, II j tit. If^ , & celle
de 1689 , iiv. I , tit. xr.
Le pilote doit être continuellement au
gouvernail , & faire de temps en tenips
fbn rapport au capitaine , au fujet du pa-
rage où il croit que le vaiffeau efl ^ il doit
être expérimenté dans la connoiffance àes
cartes marines , dans l'ufage de l'aftrolabe
& de l'arbalète , & autres inftrumens pour
prendre hauteur ^ dans la connoiffance des
tables de l'aftronomie , dans la- connoif-
fance des marées , des changemens qui y
arrivent , félon les pays , des moulfons , 6>c.
C'eft le pilote qui commande dans les bû-
ches (k dans les pinques , &: qui ordonne
de jeter les filets & de les retirer j c'elt lui
encore qui le plus fouvent tient le gou-
vernail.
Pilote hauturier , c'eft celui qui
dans un voyage de long cours fait prendre
la hauteur ou l'élévation du poie par le
moyen de l'arbalcte & de l'afirolabe.
Pilote côtier , pilote de havre , pilote
lamaneur , locman j bons pilotes , pilotes
expérimentés.
Pilote qui a entré & forti un vaiffeau ;
cela fe dit d'un pilote qui a mis un vaif^
fèau dans une rade , dans une rivière eu
datis un havre , & qui l'en a refforti.
Pilote hardi ; cela fe dit d'un pilote
qui entreprend des chofès difficiles , comme
d'eatrer dans uue rivière lucouiiue ^ daos
^11
P I L
un havre qui ne feroit pas pratiqué , de
chercher une terre non-vue , &. autres cho-
ies femblables.
Il n'y a point de pilote côtier en temps
de bruine.
Les bons pilotes font h terre ; cela le
dit par plaifaiiterie pour ceux qui le van-
tent d'être favans dans le pilotage ^ &
qui font des ignorans quand ils foffen
mer.
Pilote , f. m. ( Antiq, greq, ) Les
pilotes étoient fort confîdérés dans Ja
Grèce ^ delà vient que le pilote Phrontis
n'a pas été feulement immortalifé par Ho-
mère , mais le roi de Miceiie lui éleva un
tombeau près du cap de Sunium , & lui
rendit les derniers devoirs avec la diftinc-
tion qu'il méritoit. C'eft ce Phrontis que
Poîignotte avoit peint dans ce tableau mer-
veilleux qui repréfentoit d'un côté la prife
-de Troye , & de l'autre les Grecs s'em-
barquant pour le retour. Telles étoient les
moeurs de ce temps-là ^ aujourd'hui un
pilote n'eft qu'un marin fans diftindèion j
alors c'étoit un homme utile à l'état , &:
tout mérite utile à l'état avoit la récom-
penfe. Une infcription , une ftatue, un tom-
beau élevé aux dépens du public , entre -
tenoient la gloire , & portoient les hommes
à toutes fortes de belles ad:ions. {D. J,)
Pilotes , ( Lutherie. ) dans l'orgue ,
jes pilotes font des baguettes cylindriques ,
à l'extrémité inférieure defquelles Ibnt des
joints déliés ou des épingles qui entrent
-dans des trous qui font aux extrémités des
balcules du politif qui entrent dans le pié
du grand orgue ;, la partie fupérieure tra
verlè un guide percé d'autant de trous qu'il
y a de pilotes ou de touches au clavier
au deffous defquels ces trous doivent ré-
pondre.
La longueur des pilotas eft égale à la
diftance qui fe trouve entre les delTous des
touches du premier clavier qu'on appelle
£lavier du pojitif ^ & l'extrémité à^s baf-
xules. f^oye[ BASCULES DU POSITIF.
Les pilotes fervent à tranfmettre faéiion
^ts touches du premier clavier aux ba feules
qui tranfmettent la même aétion aux fou-
papes du fommier du pofitif : ce qui les fait
ouvrir. V^oye[ SoMMIER DU POSITIF.
PJLOTERjV. ^.{Archit, AydrauL)
P I L
à'eft enfoncer des pieux ou des pilots, pour
fouteiùr & pour affermir les fondemens d'un
édihce qu'on bâtit dans l'eau , ou fur un
terrain de mauvaife confiftance. On ferre
ordinairement le bout des pilots , ou on le
brûle , pour empêcher qu'il ne pourrilfe ,
& on l'enfonce avec la fonnette ou l'engin ^
jufqu'au refus du mouton , ou de la hie.
{D.J.)
Piloter , ( Marine. ) c'eft ce que font
les pilotes-côtiers ou Jamaneurs , qui con«
duiient les vaiifeaux hors àes embouchures
des rivières , des bancs & des dangers.
Ceux qui ne voient point venir des lama-
neurs à leur bord , peuvent fe fervir de
pêcheurs pour les piloter.
Piloter un navire dehors ou hors du port.
PILOTIS, en terme d'architecture ,
c'eft un grand pieu que l'on enfonce dans la
terre pour fervir de fondation , quand il
s'agit de bâtir fur un terrain marécageux,
f^oyei Fondation. '-Voyei aujji Palli-
fication.
Amfterdam & quelques autres villes font
entièrement bâties (ur pilotis.
La brechafcde Dagenham eft fermée ou
bouchée avec des pilotis à queue d'aronde,
c'eft à-dire , avec des pilotis emmortaifés
l'un dans l'autre moyennant des tenons à
queue d'aronde. f^oyei PlEU & QuEUE
d'aronde.
Pilotis , f. m. ( Hydr. ) ^e font des
pièces de bois affilées par un hSfit , armées
d'un fer pointu & frettées en leur cou-
ronne de frettes de fer. On nomme pilotis
de bordage ceux qui environnent le pilo-
tage , &?: qui portent les racines ^ ceux qui
garnilfent l'efpace piloté , s'appellent /j/7or«
de remplage.
PILSEN , ( Géograph. mod. ) ville de
Bohême , capitale du cercle de même nom ,
fur les frontières du Haut - Palatinat de
Bavière , entre les rivières de Mifa & de
Watta , à 20 lieues d'Egra , & à 19 de
Prague. Elle eft défendue par des tours &
de bons baftions j auffi a-t elle été fouvent
prilè ôtreprife dans les guerres de Bohême.
Long. 31. 18. lat. 49. 45.
Dubraw , en latin Dubravius ( Jean )
naquit à Pilfen , & fe fit eftimèr dans lé
feizieme fiecle par une hiftoire de Bohême
en XXXIII livres qu'il publia en 15 51 , Se
dont
P I L
tîontla meilleure édition efl cîe Francfort en
ié88. Dubra>Kr mourut évêque d'Olmutz en
1553. {D.J.)
PILSNA , ou PILEZNA , ou PILSNO,
{ Geogr. mod. ) ville de la petite Pologne ,
dans le palatinat de Sandomir , aux confins
de celui de Cracovie , fur une petite rivière
qui fe jette dans la Vifîule.
PILTEN, owPILTYN, [Géog.mod.)
ville du duché de Curlande , capitale d'un
canton de même nom, fur la Windaw,
entre Golding & le fort de Windaw. Il y
avoit autrefois un évêché fécularifë en
^ ^ 59 > P3^ Frédéric II , roi de Danemarck ,
qui en conféra le domaine à la nobleiîe
& à fes créatures , pour le cultiver &
fournir le pays de bétail ; ce qui a très-
bien réuffi. Long, j^, 4^; lat. 57,
46' (D.J,)
PILULAIRE , f. m. {Hifl. nat. Botan.)
plante qui paroît avoir échappé à la con-
noifîance des anciens botaniftes. M . Ber-
nard de Juffieu en a établi le caradere fur
les parties de la fleur qu'il a découvertes
parle microfcope. Les curieux peuvent lire
ion mémoire à ce fujet , dans le recueil de
l'académie des fciences, Année 275^.
Cette plante efl nommée pilularia paluf-
tris y juncifolia y par MM. Vaillant &
Juffieu ; ca/ami^r«/n par Dillenius; grami-
nifolia paluftris , repens , valulis grano'
rum piperis y par Ray ', mufcus aureus ,
capillarisy paluftris y interfoliola , follicu-
lis r&tundis y quadripartitis par Pluckenet.
Voici fes caraderes.
Les fleurs de la pilulaire ont deux ca-
lices : un externe ou commun , & l'autre
interne ou propre. Le calice externe ren-
ferme quatre fleurs ; il efl d'une feule pièce
(phérique , velue , épaifTe , dure , qui
s'ouvre en quatre portions égales , & cha-
que portion efl: collée à la face convexe
d'un des quatre calices internes ; le calice
interne contient une fleur ; il efl membra-
neux , d'une feule pièce dont la forme efl
celle d'un quartier de fphere , & il s'ouvre
par l'extrémité fupérieure.
Le placenta , qui dans chaque fleur
porte les étamines & les piftils , efl une
bande membraneufe , longue , étroite ,
qui naît du fond de la cavité du calice
interne , fe prolonge jufqu'aux deux tiers
Tome XXV.
PIL pi3
de fa hauteiîr , & s'attache à la face
fphérique de ce calice dans le milieu de fa
largeur.
Les étamines font pour l'ordinaire au
nombre de trente-deux fbmmets, fans filets ;
leur figure efl celle d'un cône ; ils font
tous attachés par la pointe à une petite tête
qui termine le bord fupérieur du placenta ,
fur laquelle ils forment , en fe dirigeant en
tous fens, une houppe pyramidale. Ces fora-
mets font des capfules déHcates , membra-
neufes ; elles s'ouvrent tranfverfalement ,
& répandent une poufCere ronde.
Les piffils font au nombre de 12 , de i^ ;
ou de 20 embryons, ovoïdes , fitués perpen-
diculairement fur le placenta dont ils cou-
vrent les faces & le bord tranchant ; ils n'ont
point de flyle ; mais la partie fupérieure de
chaque embryon efl terminée par un flig-
mate court & obtus.
Le péricarpe efl le fruit de cette plante 5
il efl à quatre loges compofees des deux ca-
lices qui fùbfiflent , & confervent pluficurs
fcmences.
Les femences font menues , blanchâtres »
ovoïdes , arrondies par la bafe , & terminées
en pointe par le haut.
Le germe , ou la plantule contenue dans la
femence, fort dans la germination, de la
partie fupérieure de la capfule léminale,
produit une première feuille , & une ra-*
dicule.
Il me refle peu de chofes h ajouter fur la
defcription de cette plante. Elle efl très-baflè^
rampante & couchée fur terre. Ses racines
font de petits filets blancs , fimples & flexi-
bles. Ses tiges & fes branches font fi bien
entremêlées les unes dans les autres, que la
principale tige efl difficile à diflinguer. Les
feuilles viennent alternativement lur les deux
côtés des rameaux ; elles font vertes, tendres»
prelque cyhndriques , aflèz lèmblables à.
celles du jonc. Les fleurs naiffent dans les
aiflelles des rameaux.
La pilulaire efl la feule plante connue de
fon ^enre j elle paroît vivace ; fes jeunes
branches , qui fubliflcnt d'une année à
l'autre , fervent à la renouveller pendant
que les anciennes périffent. Les globules
qui renfermerat les fleurs commencent A
fc montrer dès le mois de mai. Il en
repoufTe continuellement de nouveaux,
Zzzz^
à mefure que les tiges & les branches fe pro- [ employer les pilules que dans les casjoù on
iongenf
Il n'y a qu'en France & en Angleterre
où cette plante ait été remarquée. A l'égard
de la France , les feuls environs de Paris
font encore les lieux uniques où elle ait été
obiervé^e , fàvoir près de Fontainebleau dans
les mgi^çs de Franchard , dans celles de
rOtie^'-^c entre Coigncres & les Efîarts.
On ne lui connoît aucune vertu ; Merret,
Morifon , Çluckenet y Ray , Vaillant , Pe-
tiver , Dillenius , Martin , Linnsus , M. de
Juffieu , font les feuls botanilles qui en ont
parlé , & Merret le premier de tous ;
M. Vaillant l'a nommée pilulaire ^ à caufe
de la forme iphérique du bouton de (es
fleurs. (D.J.)
■ PILULE , ( Pharmacie. ) les pilules
font une forme de médicament , réduites
à la grofleur & à la confiûance d'un pois ;
on s'en fert pour épargner au malade le
goût défagréable d'un liquide imprégné des
drogues , & pour empêcher leur impreflion
iur l'organe du goût. C'eft la répugnance
des malades contre les différentes efpeces de
drogues , qui a donné origine aux pilules.
On leur a donné le nom de pilules à caufe
de leur retfemblance avec les petites balles
qu' on nomme en latin pila.
Les pilules ne doivent pas excéder la
dofe de fix grains; les drogues réduites en
poudre demandent le double de leur poids
de firop , pour pouvoir être réduites en
pilules à l'aide d'une liqueur ou excipient
qui augmente leur confiftance.
Nous allons donner un exemple de pilules
pour fervir de modèle.
Pilules d'agaric. Prenez de trochifques
d'agaric une once , Jpecies de hiera demi-
once , myrrhe fix gros , firop de nerprun
autant qu'il en faut pour faire une malîe de
pilules.
Quoique les pilules foient fort en ufage
& du goût de bien des gens , cependant
on ne doit point trop les confelUer ; & fi
les perfonnes peuvent prendre Iur elles de
vaincre la répugnance qu'elles pourroient
avoir pour les drogues, il vaudroit beau-
coup mieux qu'elles priflènt les remèdes
d-'layés dans un véhicule fufïifant ; la pilule
eft d'elle-même difficile à difîbudre ; d'ail-
leurs elle eil échauffante : ainfi l'on ne doit
veut s'épargner le défagrément de fentir ,
ou une odeur , ou une amertume incom-
mode.
La plupart àts charlatans & des ignorans
ont coutume d'envelopper leurs médica-
mens dans des conferves , & de fe fervir
de pilules ; & comme les drogues dont ils
fe fervent , font des plus acres & des plus
vives , ce manège devient funefle pour les
malades qui ont le malheur d'ufer de ces
fortes de remèdes.
Si cependant l'on eft obligé d'employer
des pilules , on doit avoir foin de les divi-
fer , au moyen d'une fuffilante quantité de
boifîbn , & de fixer au jufte la dofe de
chaque ingrédient qui en fait la bafe &
l'efficacité.
Les compofitions ou préparations mercu-
rielles doivent toutes fe donner en pilules. On
les doit faire très-petites , pour donner plus
de facilité de les avaler.
Pilules de cyprès. Les fruits de
cyprès font appelles par les pharmacolo-
giftes pilules de cyprès. On peut employer
leur décodion dans tous les cas où il s'agit
de remédier aux relâchemens & aux gonfîe-
mens œdémateux de quelque partie. Ils
entrent dans plufieurs compofitions phar-
maceutiques externes , dont les plus ufitéca
font l'emplâtre ad hernias de Fernel , &
dans l'onguent de la comteffe de Zwelfe-.
Ils font afiringens , fortifians; on les
donne intérieurement , foit en fubflance ,
foit en décodion, dans les cas d'hémor-
rhagie ou de relâchement , ou l'adfiridion
proprement dite eft abfolument indiquée ;
comme dans les diarrhées invétérées & colii-
quatives , dans les hémorrhagles internes ,
qui font craindre par leur abondance pour
la vie du malade. Elles pafTent pour fébri-
fuges ; on en donne , dans cette vue , la
poudre dans du vin à la dofe d'un gros ; on
en peut effectivement cfpérer de bons effets
dans les fièvres intermittentes , & fur-tout
dans les fièvres quartes automnales , qui
attaquent les habirans des lieux marécageux.
Plufieurs auteurs les vantent comme fpéci-
fiques dans les incontinences d'urine. Ma-
thiole recommande beauco^up la décodion
des pommes de cyprès, fraîches ou nou-
velles , faites dans du vin, & donnée tousks,.
P IL
Jours à U dofe de trois onces dans les
hernies.
Pilules de Belloste , Voye^
Mercure , ( Mat. méd. )
Pilules mercurielles , Voye^
Mercure , ( Mat. méd. )
Pilules perpétuelles ,( P^ar/n, )
On donne ce nom à des pilules faites
de régule d'antimoine , qui ont la vertu
èit purger & de faire vomir , nonob{^
tant qu'elles aient été employées une in-
finité de fois de fuite , de façon qu'une
feule peut fervir à purger une armée entière.
On peut les faire infufer dans le vin , & ce
vin devient éméfique ; on fait auûi avec le
rigule des gobelets ou talïès qui produifent
le même effet.
Mais ces fortes de remèdes ne convien-
nent point à tous les tempéramens , & il eft
rare qu'on les ordonne aux gens délicats;
pour peu que l'on foit attentif à la confer-
vation de {&s malades, on fe gardera de
leur permettre de tels remèdes.
Au cas qu'ils euffent beaucoL^) tourmenté
le malade , on emploiera les mêmes pré-
cautions quedans l'ufage des antimoniaux.
PIL UM ou ÉPIEU , f m. ^Art milit.)
■arme de jet chez les Romaias , que por-
toicnt les haûaires & les princes. Cette
«rme avoit environ fept pies de longueur ,
€n y comprenant le fer ; le bois de fa
hampe étoit d'une grofî'eur à être empoigné
«iiément ; le fer s'avançoit jufqu'au milieu
du manche , où il étoit exadement enchâfle
&. fixé par ^qs chevilles qui le traverfoient
•dans (on diamètre. Il étoit quarré d'un pouce,
& demi dans fa plus grande groffeur ; il per-
doit infenfiblement de Ton diamètre jufqu'à
fa pointe , qui étoit très-aiguë , & près de
'laquelle étoit un hameçon qui retenoit cet
énorme fîylet dans le bouclier qu*il avoit
percé. M. de Folard pouvoit avoir méconnu
cette terrible arme de jet , comme prefque
tous ceux qui en ont parlé. Cet auteur la
•croit une pertuifane femblable à l'efponton
Aqs officiers ; & à la bataille de RéguJus ,
il la donne aux foldats qui formoient la
■queue des colonnes.
Les favans qui ont écrit du militaire
des anciens , ont trouvé obfcure la defcrip-
tion que Polybe fait du pilum _, & ils ne
^conviennent point de la forme de cette
PIL 9,,,
arme. Le P. Montfaucon dans Çqs antiquités
expliquées , repréfente plufieurs armes àes
anciens de différens âges , i^ns déterminer
la figure du pilam.
Polybe compare le petit , que les foldata
tenoient encore quelquefois dans la main
gauche , & qui étoit plus léger que le grand ,
aux épieux d'ufage contre le fânglier. O»
en peut déduire la forme du grand pilum.
En combinant ce que Polybe , Tite-Live,
Denis d'Halicarnafïe , Appius & Végece
en difent, on trouve que le pilum a eu
entre fix &: fept pies de longueur ; que la
hampe a été deux fois plus longue que le
fer qui y étoit attaché , moyennant deux
plaques de fer quis'avançant jufqu'au milieu
de la hampe , recevoient les fortes chevilles
de fer dont il étoit traverfé. Marius ôta une
de ces chevilles de fer , & il lui en fubititua
une de bois, laquelle fe caflant par l'effort du
coup , faifoit pendre la hampe au bouclier
percé de l'ennemi , & donnoit plus de dif-
ficulté à arracher le fer. On fait de plus
que c'étoit un gros fer maffif & pointu , de
21 pouces de longueur , qui au fortir de la
hampe , avoit un pouce & demi de diamè-
tre .; que le pilum éroit quelquefois arme de
jet , & quelquefois aufîi arme pour fe dé-
fendre de pié ferme. Les foldats étaient
drefîes à s'en fervir de l'une & de l'autre,
manière. Dans la bataille de Lucullus con-
tre Tigrane , le foldat eut ordre de ne pas
lancer fon pilum , mais de s'en fervir con-
tre les chevaux de l'ennemi , pour les frapper
aux endroits qui n'étoient point bardés.
Le pilum étoit l'arme particulière des.
Romains. Aufîî-tôt qu'ils approchoicnt de.
l'ennemi à une jufle diflance , ilscommen-
çoient le combat en le lançant avec beau-
coup de violence. Par la grande pefanteur
de cette arme &: la trempe du fer , elle per--
çoit cuiraffe & bouclier, & caufoitdes blef^-
fures conGdérables. Les foldats étant défar-
raés du pi/w/Tz ^ raettoientà l'inflant l'épée à
la main , & ils fe jetoient fur l'ennemi aveC'
uneimpétuofité d'autant plus heureufc , que
fouvent \ts pilum avoient renverfé fe^ pre- •
miers rangs.
Cet ufàge du pilum fe trouve démontré »
dans les commentaires de Céfar , & fur- •
tout dans le récit de la bataille de Pharfale. -
« n nj avoit, dit -'il, entre les deux
Zzzzz 2.
^i& P î L
7i armées qu'sumnt d'efoaœ qu'il en falloit
yy pour le choc. Mais Pompée avoit cora-
>j mandé à fes gens de tenir ferme fans
ï> s'ébranler , efpérant par-là de faire per-
t) dre les rangs & l'haleine aux nôtres , &
j) rompant leur effort , rendre le pilum
« inutile. . . . Lorfque les foldats de Céfar
» virent que les autres ne bougeoient point ,
99 ils s'arrêtèrent d'eux-mêmes au milieu de
« la carrière ; & après avoir un peu repris
« haleine , ils lancèrent le pilum en cou-
» rant , puis ils mirent l'épée à la main ,
y> félon l'ordre de Céfar. Ceux de Pompée
>} ks reçurent fort bien ; car ils foutinrent
9} le choc fans branler , & mirent auflî l'épée
« à ia main, après avoir lancé leur pilum «.
La pefanreur du pilum ne permettoit pas
«i« le lancer ou darder de loin. On laiflbit
las véiites fatiguer l'ennemi par leurs jave-
lots , avant que l'adion fût générale. Les
haflaires & les princes ne fe fervoient du pi~
Mim que quand l'ennemi étoit afîèz proche.
lï)elà ce proverbe de Végece , pour indiquer
la proximité des armées , ad pila & fpatas
ventumefii l'affaire en eft venue jufqu'aux
files.
La pique des triaires*propre pour le com-
bat de main & celui de pié ferme , étoit
plus longue , moins grolîe , & par confé-
quent plus aifée à manier que \t pilum , dont
on ne faifoit plus de cas lorfque le combat
étoit engagé ; les hailaircs même & les prin-
ces étoicnt obligés de jeter leur pilum fans
en faire ufage , quand l'ennemi étoit trop
près. Céfar raconte o;^ ayant tout d'un coup
Its ennemis fur le corps y au point même
de n^apoirpas ajfe\ d'efpacspour lancer les
piles , les foldats furent comraints de les
jeter à terr€ pour fejervir de Vépée. Les
rriaires armés de la pique , attendoient fou-
vent de pié ferme le choc de l'infanterie,
comme celui de la cavalerie. Suivant Tite-
Live, ils ne quittoient point la pique dans
la mêlée ; ils meurtrijfoient , dit-il , les
pifages des Latins avec leurs piques , dont
la pointe ai'oit été émouffée dans le combat.
On pourroit regarder les triaires comme
les piquiers d'autrefois ; il y avoit pourtant
des occaiions où ils abandonnoient la pique
pour fc fervir dî l'épée, qui étoit l'arme
dans laquelle les Romains mcttoient leur
princip^e confiance."
P I M
M. le maréchal de Saxe , qui avoit conçu
le projet de mettre l'infanterie fur le pié des
légions , propofe pour les foldats des armes
de longueur , ou des piques mêlées avec les
armes à feu , comme des armes équivalentes
aux pilum ; mais on ne peut douter que
l'arme romaine n'ait été tout-à-fait diffé-
rente de la pique de ce général , quant à la
forme & aufervice. Mémoires militaires
par M. Guichardt. ( Q)
PILUMNE, f. m. {Mytholog.rom.)
dieu qui paflbit pour l'inventeur de l'art de
broyer ou moudre le blé.
PLMAR , PIEUMART , GRAND PIC
NOIR , picus maximus niger , fubff. m.
( Hif}. nat. Omit. ) oifeau qui pefe dix
onces & demie; il a un pié cinq pouces de
longueur depuis la pointe du bec jufqu'à
l'extrémité de la queue , & deux pies trois
pouces d'envergure ; le bec efl fort trian-
gulaire , & long de deux pouces & demi ;
\ts narines ont leurs ouvertures arrondies
àC couvertes de poils. Cet oifeau eft entiè-
rement noir , à l'exception du fbmmet de
la tête , qui a une belle couleur rouge qui
s'étend jufqu'aux narines. Il y a dix-neuf
grandes plumes dans chaque aile ; la pre-
mière n'a pas' plus de longueur que celle du
fécond rang. La queue n'efl cômpofée que
de dix plumes : les extérieures font très-
courtes ; les autres ont fuccefïivement plus
de longueur jufqu'à celles du milieu , qui
font plus longues , & qui ont jufqu'à fept
pouces ; toutes , excepté la première , de
chaque côté , font pointues , roides & cour-
bées en defTous. Cet oifeau fe fou tient par le
moyen de ^cs plumes , en grimpant le long
des arbres ; il a deux doigts dirigés en avant,
& deux en arrière. Les ongles font très-
grands , à l'exception de celui du plus petit
doigt de derrière , qui efl très-court. "Wil-
lughbi , Ornith. Voyei^ OiSEAU.
PIMBERAH, {Wfi. nat.) Ceft ainfi
qu'on nomme dans l'île de Ceylân un fer-
pent qui efl delà grofTeur d'un homme , &
d'une longueur proportionnée ; il vit du
bétail & des bêtes fauvages , & quelquefois
il avale un chevreuil tout entier ; il fe cache
dans tes routes où il doit pafTer , & le tue
d'un coup d'une efpece de cheville ou d'os
dont fa queue eft armée.
PIMENT, f. m. (Botan.) On appelle
P I M
auffi cette plante botrys vulgaire ; mais elle
cil connue des Botanifles fous le nom de
chenopodium ambrojîoïdes, folio finuato ^
J.R.H.RalhiJlor. is6.
Sa racine eft petite , blanche , perpen-
diculaire , garnie de peu de fibres. Sa tige
eft haute de 9 à 12. pouces , cylindrique,
ferme , droite , velue , divifce depuis le
bas en plufieurs petits rameaux chargés de
feuilles alternes. Ses feuilles font découpées
profondément des deux côtés , comme celles
du chêne , rraverfées de grandes veines
ougeSjlorfqu'elles commencent à pasoître,
renfuite pâles. Ses fleurs font petites , gluan-
tes , portées en grand nombre au haut des
tiges & des rameaux , difpofëes en un
long bouquet & comme en épi.
De Taiflelle de chaque petite feuille s'é-
levent de petits rameaux chargés de petites
fleurs & de graines ; zt^ petits rameaux ,
en fe divifant , fe partagent toujours en
deux , & chaque angle eft garni d'une
petite fleur fans pédicule. A la naillânce
des petits rameaux les fleurs font fans péta-
les , compofées de plufieurs étamines qui
s'élèvent d'un calice verd , découpé en plu-
fleurs quartiers. Il fuccede à chaque fleur une
graine femblable à celle de la moutarde, mais
beaucoup plus petite, & renfermée dans une
capfulc qui étoit le calice de la fleur.
Toute cette plante eft aromatique &
d'une odeur forte , mais qui n'eft pas dé-
fagréable, d'une faveur un peu acre , aro-
matique , & enduite d'un mucilage réfineux
qui tache les mains quand on la cueille.
Elle vient d'elle-même dans les pays chauds,
en Languedoc , en Provence le long àts
ruifleaux & At% fontaines , dans les lieux
arides & fablonneux; elle croît aifément
dans nos Jardins , & elle eft toute d'ufage.
Les médecins la recommandent beaucoup
dans les fluxions de férofîtés qui fe jettent
fur le poumon , dans la toux catarreufe ,
Tafthme humide , & l'orthopnée qui vient
de la même caufe. {D. J.)
PiMENT', {Botan.) plante du genre
que les botaniftes appellent capjicum : celle-
ci en eft une cfpece, autrement nommée
poivre d^Inde ^ poivre du Bréjil , poivre
de Guinée. Voye\ fa defcription fous le mot
Poivre de Guinée , Botan.
Piment de la Jamaïque , {Hijînat,
P 1 M
9n
des drog. exot. ) c'eft l'arbre qui donne le
poivre de la Jamaïque ; ou on entend aufll
par piment les poivres même de cet arbre.
Kojq Poivre de la Jamaïque.
Piment royal , gale, genre de plante
dont les pies qui fleuriflent ne grainenc
pas , & dont les pies qui grainent ne
fleuriffent point; ceux qui fleuriflènt por-
tent des chatons compofés de petites feuilles
difpofées fur un pivot , creufées ordinaire-
ment en baflîn , &: coupées à quatre poin-
tes ; parmi ces feuilles naiflent les étamines
chargées chacune d'un fommcî. Les fruits
naiflent fur des pies différens de ceux-ci ,
& ces fruits font des grappes chargées de
lemences. Tournefort, mémoires de l'acad.
royale des fciences , année 1 joS. Voye\
Plante.
Piment, {Botan.) voye^ Corail
DE Jardin.
Piment , (Diète & Mat. m éd.) poivre.
d'Inde ou de Guinée , corail de jardin.
Cette plante croît naturellement en Gui-
née & dans le Brefil. On la cultive en abon-
dance dans lés pays chauds , comme en
Efpagne , en Portugal , & dans les pro-
vinces méridionales du royaume. Les fruits
ou gouflcs de cette plante ont une faveur
acre & brûlante , fur-tout dans leur état
de maturité , c'eft-à-dire , lorfqi^elles font
devenues rouges. On rapporte cependant
que les Indiens les mangent dans ce dernier .
état fans aucune préparation ; ce qui eft peu
vraifemblable, du moins fi ces fruits ont dans
ces climats la même âcreté que dans le nôtre:
car on ne fauroit mâcher un inftant un mor-
ceau de notre piment , même avant la ma-
turité , fans fe mettre la bouche en feu :
nulle habitude ne paroît capable de faire un
aliment innocent d'uns matière auflî aftive.
Les habitans des pays de l'Europe où on
cultive le piment , en cueillent les goufles
lorfqu'elies font encore vertes , & qu'elles
n'ont pas acquis tout leur accroiflêment.
Dans cet état elles font encore très-acres,
& fort ameres , mais d'autant moins ,
qu'elles font moins avancées. Les moins
acres ne font point encore mangeables fans
préparation , & peut-être ra^me font-elles
naturellement dangereuiès; car le piment
eft delà clafTe dts morelles , dont la plu-
part des clpeces font vénéneufes ( voye^
5^i8 PIM
MORELLE ) , & dont le coYl'e&iÇ eu î'a-
cide , comme nous l'avons auffi obfervé à
eet article.
Quoi qu'il en foit , on prépare les goufles
vertes de piment pour l'ufage de la table ,
en les faifànt macérer pendant un mois au
moins dans de fort vinaigre , après les avoir
ouvertes par une ou pluiieurs incifions pro-
fondes.
On les mange communément en falade
avec l'huile & le fel , après en avoir féparé
par une forte exprelïlon , le plus de vinai-
gre qu'il eu poflible. On a coutume a y
ajouter du perfil & de l'ail hachés : c'ell-là
un mets fort appétifîànt, point mal-fain,
& fort ufité dans les provinces méridionales
du royaume , mais feulement parmi les
paylàns , les gens du peuple , & les fujets
les plus vigoureux & les plus exercés de
tout état , tels que les chaiîeurs , Ùc. Le
piment ell très-peu alimenteux; il ne fert,
comme on parle vulgairement , qu*d faire
manger le pain. Il convient très-fort aux
perfonncs dont nous venons de parler , aux
gens forts & vigoureux , & fur-tout dans
les climats chauds , & pendant les plus
grandes chaleurs , comme réllllant effica-
cement au relâchement , à l'afFaiflement ,
:i la laffitude que le grand chaud procure
( rqyf^ Climat , Méd)\ les fujets dé-
licats ne Croient s'en accommoder , le
piment les mettroit en feu; il irriteroit
d'une manière dangereufe les eftoraacs fen-
libles.
On ne fe fert point du piment à titre de
rémede ; on pourroit cependant en efpé-
rer de très-bons efFets contrç les digeftions
languifTantes , l'état de l'eflomac vraiment
relâché , perdu : il paroît très-capable de
réveiller puiflamment le jeu de cet or-
gane. ( h )
Piment , f. m. ( fiifl. desmod. ) forte
de liqueur dont on faifoit autrefois ufage
en France , ainfi. que du clairet & de i'hy-
pocras. Les ftatuts de Clugni nous appren-
nent ce que c'étoit que le piment, Statu-
tum efl ut ab omni mellis , ac efpecierum
(épices) cumvinoconfecîione y quodvulgari
nomine pigmentum vocatur fratres abfii-
néant. C'étoit donc un breuvage compofé de
vin , de miel & d'épices. Dans les feftins de
lachevalqricjles écuyers fervoiemlcs épi-»
P I M
ces , les dragées , le clairet , l'hypocras , le
vin cuit, le piment , & ks autres boiflbns qui
terminoient toujours Jes feflins , & que l'on
prenoit encore en fc mettant au lit ; ce que
l'on appelloit le vin du coucher. {D. J.)
PIMENTADE , f. f. terme de relation ,
nom d'une fauce dont les Infulaires fe fer-
vent pour toutes fortes de mets. Elle tire
ce nom du piment des îles , parce qu'il
en fait la principale partie. On l'écrafe
dans le fuc de manioc qu'on fait bouillir , ou
dans de la faumure avec de petits citrons
verds. La pimentade ne fert pas feulement
pour aiguifer les fauces, on l'emploie auffi
à laver les nègres que l'on a écorchés Â
coups de fouet. C'efl un double mal qu'on
leur caufe y dans l'idée d'empêcher la gan-
grené des plaies qu'on leur a faites par une
première inhumanité.
PLMIENTA , f f. ( Botan. ) nom que
donnent les Anglois au poivrier de la
Jamaïque. Voyex F OIYKE delà Jamaïque.
PIMPILENI ou PEPELI , f. m. ( Hifi.
nat. ) noms qu'on donne à Bengale au poi-
vre-long. Voye\ PoiVRE.
PIMPINICHI , ( Botan. exet. ) petit
arbre des Indes qui a la figure d'un pom-
mier , & dont parle Monard dans fon
hifioire des fimples de V Amérique. On fait
à cet arbrifTeau àts incifions par lefquelles il
répand un fuc vifqueux , blanc & laiteux. Ce
fuc efl un violent purgatif dont on fefert pour
évacuer la bile & les férofités : on en met
dix ou douze g.outtes dans un verre de vin ;
& fi l'opération efl trop violente , oh
l'arrête en prenant quelque liqueur adou-
cilTante.
PIMPLA , ( Géogr. anc. ) Pimpleius
ou Pimpleus ; montagne de Béotie voifine
de l'Hélicon , & confacrée , auffi-bien que
ce mont célèbre, aux divines mufes ; ce qui
fait qu'Horace , lib. I. ode xxvj y en s'a-
drcfîânt àfamulè , l'appelle Pi/n/>/ea dulcis; ■
& c'eft ce qui fait dire à Catulle , carm.
zo^. PimpLeumfcandere montem. Ce n'efl
donc point d'une fontaine de Macédoine ,
comme l'a cru Feflus , mais du montP/'/w-
play que les mufes ont été furnomméesr
PimpUides. Je fuis toujours confondu de
voir les Béotiens décriés pour les peuples
les plus greffiers de toute la Grèce , tandis
P I M
que c eft en Béotie que fe trouvent les lieux
où la mythologie place le féjour des Mules.
C'ell en Béotie qu'étoient lés fontaines
d'Aganipe , d'Aréthufe , de Dircé & d'Hip-
pocrene , tant chantées dans les écrits des
poètes. Les Turcs ignorent tout cela ; à
peine favent-ils que leur Livadie renferme
l'Etolie , la Doride , la Phocide , l'Attique ,
& la Béotie des anciens.
PIMPLEES , {Littérat.) ou Pimpléides ,
ou Pimpléiades , iurnom des Mufes. Stra-
bon dit que Pimplée étoit le nom d'une
ville , d'une fontaine & d'une montagne
de Macédoine. Les Thraces le tranfporte-
rent à une fontaine de Béotie , qu'ils
confacrerentaux Mufes ; & delà elles furent
nommées Pimplées par les poètes. {D. J.)
PLMPLENOSE , ( Hi^. nat. Botan. )
c'eft le nom que les Anglois donnent à un
fruit des Indes orientales de la grofîeur du
citron , dont l'écorcc eft épaifle , tendre &
remplie d'inégalités : ce mot fignifîe ne:^
bourgeonné. Cette écorce renferme une
grande quantité de graines de la groffeur
d'un grain d'orge & remplies de jus ; le
goût en eft très- agréable y fur-tout celui
du fruit qui croît dans l'île de Sumatra.
PIMPOU , f. m. ( Hifl. mod. ) tribunal
de la Chine , où les affifires qui concernent
les troupes font portées.
PLMPRENELLE , f f. {Hifl. nat. Bot.)
pimpinella ; genre de plante à fleur mono-
pétale , en forme de rofette, & divifée
jufqu'au centre en quatre parties. Cette fleur
â plufieurs étamines , ou un piflil frange.
Le cahce devient dans la fuite un fruit , le
plus fouvent quadrangulaire & pointu aux
deux bouts , qui a tantôt une feule capfule
& tantôt deux , & qui renferme àts fe-
mencQs prefque toujours oblongues. Tour-
nefort , infi. rei. herb. F'oj'é';^ PLANTE.
Tournefort établit douze efpeces de ce
genre de plante. La plus commune eft celle
qui eft nommée pimpinella fanguiforba y
minor y hirfuta & leyis y par C. B. P. i6o,
& dans les I.R. H. / 57 , en anglois , the
common pimpernell y called Burnedfaxi-
Sa racine eft ronde , longue , grêle ,
divifée en plufieurs branches rougeân'es ,
entre lefquelles on trouve quelquefois de
petits grains rouges. Elle poulîè plufieurs
P I M 51^
tiges à la hauteur de plus d'un pic , rou-
geâtres y anguleufes , rameufes , garnies
d'un bout à l'autre de feuilles qui font
arrondies , dentelées en leurs bords , ran-
gées comme par paires le long d'une côte
grêle , rougeatre & velue. Ces tiges fou-
tiennent en leur fommet des tctes rondes
comme en peloton , garnies de petites
fleurs purpurines formées en rofette , à
quatre quartiers , ayant en leur milieu une
touffe de longues étamines.
Ces fleurs font de deux fortes ; \ts unes
ftériles qui ont un paquet d'étamines , \ts
autres fertiles qui ont un piftil. Quand les
fleurs fertiles font paflees , il leur fuccede
des fruits à quatre angles , ordinairement
pointus par les deux bouts , de couleur
cendrée dans leur maturité. Ils contiennent
quelques femences oblongues , menues ,
d'un brun roufsâtre , d'une faveur aftrin-
gente & un peu amere , & d'une odeur
forte qui n'eft pas défagréable.
Cette plante croît naturellement en des
lieux incultes , fur les montagnes , [qs
collines & dans les pâturages ; on la cul-
tive dans les jardins potagers , & elle eft
fort en ufage dans les falades. Elle fleurit
en graine aux mois de juin & de juillet ,
& eft très-vivace. {D. J.)
PiMPRENELLE , ( Mat. méd. ) Cent
plante tient un rang diftingué parmi les
remèdes altérans. Elle eft regardée comme
propre à purifier le fang , à en réfoudre
les arrêts légers , à donner du reflbrt aux
parties , & à préferver des maladies con-
tagieufes & même de la rage, ^c. On
ordonne fréquemment les feuilles de cette
plante avec d'autres fubftances végétales ,
analogues , dans les bouillons & les apo-
zemcs appelles apéritifs ; & il paroît que
fon extrait peut concourir en effet au très-
léger effet médicamenteux de ces fortes de
remèdes. On compte aufl] .communément
pour quelque chofe , dans l'eftimarion de
Ion aétion m.édicinale , un principe odorant
très-foible dont elle eft powvue. Mais ce
principe eft en et^Fèt trop foible pour qu'on
puiffe compter lur fon influence , & fur-
tout lorfque la plante a efîijyéla décoclion^
veyeT^ DÉCOCTION. Ce parfum léger 1q
rend pourtant très-fenfiblc lorlque , ielor»
un ufage fort connu, ea, fait intuièi à
^lo PIN
froid quelques feuilles de cette plante dans
du vin ; mais il n'eft p^îs permis de croire
que le vin chargé de ce principe , & d'une
quantité infiniment petite d'extrait , ait
"acquis une vertu apéritive & diurétique ;
car la vertu diurétique eft une de celles
qu'on a attribuées à la pimprenelle.
Une autre qualité pour laquelle on l'a
beaucoup célébrée encore , & qui lui a
mérité l'épithete de fanguiforba ^ c'efl-à-
dire, capable de repomper ou d'étancher
le fang^ c'eil fa prétendue efficacité pour
arrêter les hémorrhagies : je dis prétendue ,
fans penfer à rejeter le témoignage des
auteurs qui la lui ont attribuée , & pour
exprimer feulement que cette propriété
n'eft point conflatée par àcs effets journa-
liers , par l'ufage.
Les feuilles de pimprenelle entrent dans
le firop de guimauve compofé , appelle
de ibijco ; dans le firop de guimauve de
Fcrnel ; dans le mondificatif d'ache ; dans
l'emplâtre de bétoine , Ùc. {b)
Pimprenelle BLANCHE, (iWa^m/i/.)
Pimprenelle-Saxifrage ,BoUQUE-
TINE ou BOUCACE, GRANDE ^ PETITE.
Voyei BoUCACE.
PIN , f. m, piniis y i } { terme de Blaf. )
arbre qui fe difîingue dans l'écu par fa tige
droite , unie , fes branches écartées , ainfi
que par fon fruit nommé pommes de pin.
Les anciens fè fervoient du pin pour
conflruire les bûchers ^qs vidimes qu'ils
ofFroient dans les facrifices.
Silvain , dieu des forêts , fous la forme
d'un fatyre , eft quelquefois repréfcnté
tenant un rameau de pin.
Le Bouexier de la Chapelle , de Pe-
nieuc , en Bretagne ; d'argent à trois pins
de finopîe.
De Budes de Guebriant , de Terre-
jouan , proche Saint-Brieux , en Bretagne ;
d'or au pin definople fruité du champ ,•
le fût de l'arbre accoté de deux fleurs de
lis de gueules.
Jean de Budes , comte de Guebriant ,
s'eft rendu recommandable par fes exploits
militaires , cntr'autres par la mémorable
vidoire qu'il remporta fur les impériaux le
17 janvier 164.2 à Kempen , où il battit
les généraux Lamboi & Merci , & les fit
prifonniers de guerre j cette vidoire Iç
PIN
rendit maître de l'éledorat (Je Cologne.'
Louis XIII le récompenfa de fes importans
fervices , en le faifant maréchal de France.
( G. D. L. T, )
Pin , f. m. ( Hifl. nat. Bot. ) pinus ;
genre de plante à fleur en chaton , com-
pofée de plufieurs étamines. Cette fleur
efl ftérile : l'embryon naît féparément de
la fleur , & devient dans la fuite un fruit
compofé de feuilles en forme d'écaillés ,
qui ont deux foffes. On trouve entre ce&
feuilles deux coques ofTeufes , ou noyaux
fouvent ailés , qui renferment une amande
oblongue. Ajoutez aux caraderes de ce
genre, que les feuilles naiffent par paires ^
& qu'elles fbrtent de la même gaine.
Tournefort, infl. rei. herb. V. PLANTE.
Pin, ( Jardinage. ) /7/>z«j- , grand arbre
toujours verd , qui fe trouve en Europe
& dans l'Amérique feptentrionale. On con-»
noît plus de vingt cli^eces de pins, qui
ont entr'elles des différences fi variées»
qu'il n'efl guère poflible d'en donner une
idée sxxrt & fatisfaifante par une defcrip-
tion générale : il fera plus convenable de
traiter de chacune en particulier- On les
diflingue en trois claffes relativement au
nombre des feuilles qui fortent enfemble
d'une gaîne commune ; c'efl ce qui les a
fait nommer pin à deux feuilles y pin â
trois feuilles y & pin d cinq feuilles.
1. Pin à deux feuilles. Le pin fauvagc
ou pin de Genève y devient un grand
arbre fort branchu , dont le tronc efl
court & fouvent tortueux ; Çqs racines
s'étendent beaucoup plus qu'elles ne s'en-
foncent ; fon écorce qui efl grife dans la
première jeuneffe de l'arbre , devient rou-
geâtre à mefure qu'il avance en âge ; fes
feuilles font fermes , piquantes , filamen-
teufes & d'un pouce ou deux de longueur ;
leur verdure eff agréable & uniforme ; Çts
fleurs mâles ou chatons s'épanouiffent ai^
mois de mai ; fes cdncs commencent à
paroître dans le même temps , mais ils ne
mûrifîènt qu'après le fécond hiver ; ils ont
environ un pouce de diamètre au gros bout
fur deux à trois de longueur ; ils font
pointus , & leurs écailles font relevées
d'éminences faillantes & recourbées vers la
bafe , qui le rendent rude au toucher.
Cet arbre vient aifément de graine jetée
au
PI N
au hafiird , il croît afièz promptement
même dans des lieux incultes ; il ne fe
lefufe à aucun cerrain , quelqu'ingrat qu'il
foit , & il ne faut ni foins ni précautions
pour le multiplier , ni aucune culture pour
rélever. Il fe plaît dans les lieux froids ,
fur les montagnes & à l'expofit ion du nord }
il réufTit dans les terrains (écs & légers ,
pauvres & fuperficiels 5 il ne fe refufe ni
au iàblc le plus ftérile , ni à la craie la
plus vive i il profite également dans la
terre forte & hvjiaide , comme dans la
glaife la plus dure ; enfin il vient par-
tout où le terrain peur avoir trois pouces
d'épaifleur. Cet arbre ne craint point
les vapeurs falines de la mer , il réfifte
à rimpétuofîté des vents ôc il s'accom-
mode de tous les climats de l'Europe ,
où on le trouve juiqu^aux extrémités de
Ja Laponie.
Le pin de Genève eft peut - être le
plus fauvage , le plus robufte , le plus
agrefte & le plus vivacc de tous les arbres ;
il ne craint ni le froid , ni le chau(i , ni
la fécherefle. J'ai tenu pendant cinq ans
un pin de cette , efpece dans un pot de
f\\ pouces de diamètre '•, je l'ai toujours
laiiïe au grand air fans le ferrer pendant
l'hiver , ni l'arroler dans les plus grandes
fécliere'Tes ; il a bravé toutes les vicifTî-
tudes des faifons' ; 6c malgré la petirefle
du vafe qui le contenoit , il s'eft élevé à
quatre pies ; mais comme fes racines for-
toicnt du pot , je le fis (ranfplanter il y
a' dix ans dans un lieu inculte contre un
rocher où il eli plein de vie , & où il fait
autant de progrès que s'il y étoit venu de
fèmence.
On ne peur multiplier cet arbre qu'en
fèmant fes graines après les avoir tirées
des cônes ; on doit être afluré de leur
maturité , lorfque leur couleur verte efl
devenue roulsâtre , ce qui arrive dans le
mois de février qui eft le temps propre à
les cueillir ; car dès que le haie de mars
fe fait ientir , les cônes s'ouvrent & les
graines font bientôt difper^ées par le vent.
On peut conferver pendant deux ou trois
ans les cônes fans qu'ils s'ouvrent , en lej
tenant dans un lieu frais , mais exempt
d'humidité ; 8c quand on a tiré la graine
des cônes , elle garde encoje très-long-
Tome XX F.
PIN ^11
temps fa vertu produdrice. J'en ai fait
un effai remarquable ; j'ai femé tous les
ans des graines de cet arbre qui a voient
été recueillies au mois de février 1757,
& qu'on avoir envoyées de Genève éplu-
chées & tirées des cônes ; elles ont levé
conftamment pendant dix - huit ans , &
depuis ce temps il n'en a levé aucune
pendant cinq ans que j'ai continué d'en
îèmer \ mais il eft vrai que le femis des
cinq ou fix dernières années a peu-à-peu
diminué deprodu<flion,aupoint qu'à la fin
il n'a pas levé la vingtième des graines. Pour
les tirer des cônes , il n'y a qu'à les expofer
au foleii ou devant le feu , pour les faire
ouvrir.
Pour femer ces graines , il faut aux petits
femis un procédé bien différent des grands
femis ; fî l'on ne veut avoir qu'un nombre
médiocre de plants , il faudra femer dans
des terrines ou des caifles plate» , parce
qu'il y a trop d'inconvéniens à femer en
pleine terre ; ce n'eft pas que les graines
nepuiflènt très-bien lever de cette façon,
mais les intempéries de Thiver , & fur-
tout le hâle du printemps qui eft le fléau
des arbres toujours verds dans leurprcmiere
jeunetle, détruifent prefque tout. On gar-
nira le fond des cailles ou terrines d'un
pouce d'épaifïeur de fable ou vieux décom-
bres ; cnfuite on les emplira jufqu'à un
pouce du bord de bonne terre quelcon-
que , pourvu qu'elle foit fraîche & bien
meuble ; puis on y mettra un demi-pouce
d'cpaiftèur de terreau bien confommé Ôc
paflé dans un crible très- fin , après quoi
on répandra la graine pardefTus , & enfin
on la couvrira d'un demi-pouce du même
terreau.
Le printemps eft la feule faifon conve-
nable pour femer la graine de pin ; on
peur s'y prendre dès le commencement de
mars , & il feroit encore temps au 20 de
mai ; cependant le mois d'avril eft le temps
le plus affuré.
Mais fi l'on veut faire de grands femis
pour former des cantons de bois de cet
arbre , il faut s'y prendre de toute autre
façon. Qumtité de gens out tenté diffé-
rens moyens pour le faire avec fuccès ,
mais les foins de culture & les procédés
les plus recherchés n'ont nullement fcrvi
Aaaaaa
911 PIN
à remplir leur objet ; quand on veut tra-
vailler en grand dans l'agriculture , ce
<5u'il y a de mieux à faire , c'eft d'imiter
la nature le plus près qu'il ert pofîible : on
s'eft avifé de ne point épargner la graine
& de la femer avec profufion fur les terres
incultes , dans l'herbe & les fougères ,
parmi les genévriers , les joncs , les bruyè-
res , ùc. cette opération toute fîmplc qu'elle
eft , a prefque toujours été fuivie par-tout
du plus grand fuccès \ il eft vrai que les
plants ne paroîtront que la troifieme année,
mais bientôt ils s'empareront du terrain ,
ils étoufferont les builîôns qui l'occupoient ,
& ils feront des progrès qui dédommage-
ront de Pattente. Si cependant on fe dé-
termine à femer de grands cantons avec
plus de précifîon , on fera f^ire avec la
charrue des filions diftans de trois à quatre
pies ; & après y avoir répandu la graine ,
on "la ftra recouvrir légèrement avec la
proche à main d^homme , d'un pouce
d'épaifleur de terre ou environ : il arrivera
encore fouvent que les graines ne lève-
ront qu'à la troifieme année pour la plu-
part ^ ainfî beaucoup de patience & nulle
culture.
Cet arbre dans fà première jeuneflè
réufïit à la tranfplantation avec une faci-
lité admirable ; mais à moins qu'on ne les
enlevé avec la motte , il ne faut pas que
les plants aient plus de deux à trois ans ;
à cet âge on pourra les mettre avec afTu-
rance dans des terrains pauvres , incultes
& fuperfîciels au point de n'avoir que trois
pouces de fond : il fuffira de les planter
à 4 , 5 ou 6 pies de diftance , .dans de
|>etits trous faits avec la pioche , fans qu'il
foit befoin d'y toucher enfuite , que pour
commencer à les élaguer à l'âge de 5 ou 6
ans. Cette opération favorife leur accroif-
fcment , mais il ne fiut la faire que peu-
à-peu & avec beaucoup de ménagement.
Le mois d'avril eft le temps propre à cette
tranfplantation , après que les haies font
pafTés , & avant que les jeunes plants
commencent à poufîcr : cet arbre s'élève
a 1 5 pies en dix ans dans un terrain cul-
tivé ; & des cantons formés en bois avec
de jeunes plants de trois ans , fe font
élevés en n ans à la hauteur cornmune
de 2j pies dans un terrain ftérile , inculte
PIN
& fablonneux , qui n'a que trois ou quatre
pouces de profondeur. Il y a une forte
d'avantage à ne former que de petits can-
tons de cet arbre ; comme fa graine eft:
fort légère , le vent la difperfe , &: en
vingt ans le canton fe trouve triplé : il eft
vrai que la venue n'eft pas égale pour la
hiurcur , mais elle eft bien plus confîdé-
rable pour la quantité. Le pin n'eft fujet
à aucun inleéle , & quoiqu'il foit cxpofé
au parcours du gros & menu bétail , il n'en
reçoit aucun préjudice lHoit que fon odeur
réfineufe les écarte , ou que la pointe des
feuilles foit un obftacle à les brouter. Cet
arbre craint le fumier , & après qu'il a été
coupé j fa fouche ne repoulfe point.
2. Le pin d'EcoJfe. C'eft aufli un pin
fauvage qui approche beaucoup du pin de
Genève , dont il diffère pourtant en ce que
fes feuilles font plus courtes , plus étroites
& d'un verd plus blanchâtre : les cônes
font moins gras , moins roux , & leurs
éminences moins faillantes ; Parbre fait
une tige plus droite & il prend plus
d'élévation : au furplus on le multiplie
èc on Péleve de la même façon. Ses qua-
lités font aufTi les mêmes , & on en peut
tirer pour le moins autant de fervice &c
d\itilité.
3 . Le franc-pin , ou le pin piguier. On
cultive beaucoup cette efpece de pin en
Italie , en Efpagne &c dans les provinces
méridionales du royaume. C'eft un bel
arbre fort touffu qui s'étend plus qu'il ne
s'élève ; fes feuilles ont fix pouces de lon-
gueur ou environ , elles font dures , épaifles
& d'un beau verd ; & lorfqu'il fe trouve
dans un lieu fpacieux , fes branches retom-
bent jufqu'à terre ; fa tête prend naturel-
lement la forme d''une pyramide écrafée ,
& toujours peu d'élévation ; fes cônes font
courts , obtus & fort gros ; ils ont 4 à j
pouces de longueur , fur 3 ou 4 de dia-
mètre : on nomme pignons les graines qui
y font renfermées fous des écailles très-
dures 5 ces pignons qui font de figure ovale
& de la grofïèur' d'une noKette , renfer-
ment une amande bonne à manger dont
on peut faire le même ufage que des pif-
taches. Les cônes font en maturité dans
les pays chauds dès le mois de feptembre ,
ils s'ouvrent deux mois après j ôc les pignons
P I N
tombent d'eux - mêmes. Le franc-fm fe
plaît dans les climats chauds , cependant
il peut réufTîr dans la partie fcptentrionale
de ce royaume ; il n'y paroît délicat que
dans fa jeunefle. On voit d'aflèz beaux
arbres de cette cfpece au jardin du roi ,
à Paris , où ils ont rcfîfté à de fort grands
hivers. Ce n'eO; donc que dans les pre-
mières années de l'éducation de cet arbre ,
qu'il £iur prendre quelques précautions pour
le garantir des fortes gelées ; on ne peut
le multiplier qu'en femant Tes pignons :
on pourroit le faire en plein air dans une
plate-bande , contre un mur bien expofé \
on les a fouvcnt fauves du froid au moyen
de quelque abri durant l!hiver \ mais il fera
plus sûr de les femer dans des terrines ou
des caifl'es plates , dans le temps & de
k même façon qu'on Pa dit pour le pin
fauvage ; mais les graines ne lèveront
qu'au bout de fix femaines environ , fi
on les y a difpofécs par de fréquens arro-
femens dans les temps de féchtrefle ; parce
que la coquille des pignons étant dure ,
ejle ne s'ouvre qu'à la faveur d'une humi-
dité fuivie , fans quoi ils ne leveroient
qu'au bout de 3 ou 4 mois ; on évite
encore mieux cet inconvénient , en fàifant
tremper les pignons fept ou huit jours avant
de les femer. Au furplus , même temps ,
mêmes foins & mêmes arrangemens à ob-
ferver pour la tranfplantation de CQi arbre ,
qui fe plaît fur les collines dans un terrain
fec , léger & fablonneux : fon accroilTement
eft lent dans fà jeunefle , fur-tout quand
il a été rranfplanté. Il ne donne du fruit qu'à
10 ou II ans , & ce n'eft qu'à 15 qu'il
commence à avoir de Papparencc.
Les pignons étoienr autrefois à la mode :
on en faifoit des dragées , des pralines ,
des crèmes, & on les faifoit entrer dans
♦ quantité de plats du fervice de l'entremets ;
on leur a fubftitué les piftaches , qui font
une nourriture plus indifférente. On tire
éts pignons une huile très-douce , qui a
toutes les autres qualités de l'huile d'a-
mande , & le marc fait encore une meil-
leure pâte à laver les mains.
Le bois de franc-phi eft blanchâtre ,
médiocrement chatgé de réfine , & il eft
propre aux mêmes ufages que celui des
autres pins.
V I N ^ly
4. Le pin de montagne ou torchepin ,
que l'on nomme pin fuffie à Briançon , &
que les botaniftes défignent fous le nom
de mugho. Il fait un arbre d'une belle venuej
fes feuilles qui ont environ deux pouces '
de longueur , font fermes , piquantes , &
d'une belle verdure. Ses jeunes branches
ont l'écorce écailleufe & d'une couleur de
cannelle allez luifante j elles prennent une
courbure naturelle qui tourne en agrément.
Ses fleurs mâles ou chatons viennent en
bouquet qui font d'un joli afpedt. Ses cônes
ont un pouce de diamètre environ fur deux
deloiiffueur; ils ont la figure d'un œuf très-
pointu à l'extrémité rieur couleur eft d'un
rouge cannelle , vif & brillant; fes écailles
font chargées de tubercules très-faill?.ns
d'une forme variable ; les graines que
renferment ces cônes font de la grofleur
d'un pépin de poire. Son bois , lorfqu'il eft
nouvellement coupé , ^il d'une couleur
roufsâcre ; il eft très-réfineux , aufl^ les
gens de la campagne s'en fervenr-ils pour
faire des torches.
5. Le pin de montagne, on pin de Ila-
guenau ; cet arbre a beaucoup de reflera-
blance avec le précédent , Ç\ ce n'eft que
fes cônes font plus longs , plus menus &
plus pointus , & qu'allez fou vent on y '
trouve des feuilles qui fortent trois à trois
d'une même gaine.
6. Le grand pin maritime : c'eft l'ef-
pece de pin la plus répandue dans lé
royaume ; il fait un grand arbre garni de '
belles feuilles qui font aflez longues , &
d'une verdure agréable. Ses fleurs mâles
ou chatons , forment au printemps des
bouquets rouges de belle apparence. Ses
cônes font plus longs que ceux du franc-
pin , mais de moindre grofleur ; ils ont
deux pouces Se demi de diamètre , envirort
fur quatre à cinq pouces de longueur; les
éminences des écailles font tantôt coni-
ques , tantôt pyramidales , & plus ou
moins faillantes ; dans le premier cas elléS
finifl'ent en pointe ; & dans le fécond ,
elles font terminées par un mamelon. Les
pignons qui renferment ces cônes font durs
& bien moins gros que ceux du pin cul-
tivé. Le bois de cet arbre fert aux mêmes
ufages que celui du franc-pin , & ou en
retire aufïl de la réline.
Aiiaaaa 2
5^24 PIN
7. "Lt petit pin maritime : il fait un aufTî
grand afbre que le précédent , & Ton bois
eft de même fervice ; mais comme Tes
cônes font de moindre grollèur & fes
feuilles p.lus courtes & plus menues , c^'eft
ce qui lui a fait donner une qualification
en petit j d'ailleurs on s'eft aflUré dans le
pays de Bordeaux , qu^en femant ces deux
pins maritimes , les graines produifoient
leur même efpece,
8. Le pin maritime de Mathiole ; cet
arbre tient en quelque forte le milieu entre
le petit piti maritime Sc le pin de Genève.
Ses feuilles font plus menues j^ plus longues
que celles du petit />//z maritime , St d'un
verd blanchâtre ■■, elles viennent par touffes
en façon d'aigrettes , au bout des jeunes
branches qui (ont minces , fouples , & fe
recourbent ; les autres branches font pref-
que dénuées de feuilles , ce qui laifTè voir
leur écorce qui^fl: grife ôc unie : fes fleurs
mâles ou chatons font blancs , & fes cônes
un peu plus gros que ceux du pin de Ge-
nève. Le bois de cette efpece de pin eft
chargé de beaucoup de réfine , mais il ne
fait pas un fî bel arbre que les deux autres
pins maritimes.
9. Le petit pin fauvage , dont les cha-
tons font verdâtres.
10. hç petit pin fauvage i dont les cha-
tons (ont pourpres.
Ces deux espèces de pin ne sVlevent
qu*à hauteur d'homme , & donnent une
grande quantité de cônes. Leurs feuilles
font courtes & femblables à celles de
l'épicéa ; leurs branches font auffi rangées
régulièrement dans le mêmeordre, en forte
que de loin on prend ces pins pour des
épicéas,
11. hQ pin dont les cônes font placés
verticalement fur les branches j cet arbre
cfl très-peu connu.
Il, Le pin rouge de Canada : fes feuilles
ont environ cinq pouces de longueur ;
elles font un peu arrondies par le iîouc :
fes cônes font de moyenne groffeur , &
de la %ure d'un œuf. Cet arbre a beaucoup
de refïemblance avec k torchepin.
13. Le petit pin Touffi de Canada \ il
diffère du précédent en ce que fes feuilles
ibnt plusdéliées& plus courtes; elles n'ont
que trois ou quatre pouces de longueur.
P IN
1 4.^e pin gris ou pin cornu de Canada /
fes feuilles font recourbées en (t réunifiant
par les deux extrémités ; elles forment une
eÇ'otce. d'anneau \ il en eft de même des
cônes , qui par leur recourbure , ont l'ap-
parence d'une corne ; ils font au furplus
de pareille longueur & grofleur que ceux
du torchepin , avec lequel le pin gris a
auljint de refîèmblance que les deux pré-
cédens. Ces trois fortes de pins prennent
une grande hauteur , & feroient très-
propres à la mâture des vaifleaux , s'ils
n'étoient trop noueux par la quantité de
branches dont ces arbres fe garnilfent fur
toute la longueur de leur tige. Le pin gris
fe trouve dans les terres feches & fablon-
neufes ; fbn bois eft fort réfineux & très-
fbuple.
15. Le pin de Jérufalem , ou d'^kp y
fes branches font menues ; fon écorce eft
cendrée y fes feuilles ont environ quatre
pouces de longueur ; elles font d'un verd.
foncé & fi déliées , qu'elles fe croifent ÔC
s'entre- mêlent ainfi que les branches , ce
qui donne à cet arbre une irrégularité qui
ne peut paffer qu'à la faveur de fa fingu-
larité. Ses cônes font de la forme de ceux
du franc-pin , fi ce n'eft qu'ils font plus
petits. Les graines conservent pendant
plufieurs années leur vertu produ(5trice ,
quoiqu'elles aient été tirées des cônes. M,
Miller , auteur anglois , a éprouvé qu'elles
ont très-bien levé pendant trois ans. Cet
arbre n'étant pas fi robufte que les autres
eCpeces de pi ns , il faut des foins de plus
pour le garantir des gelées , jufqu'à ce
qu'il fbit dans fa force. Il ptiroît aufli qu'il
lui faut plus de temps qu'aux autres pins
pour rapporter des graines qui foient fé-
condes.
Pins à trois feuilles,
16. Le pin de Virginia k cônes hêrijfés ;
fès feuilles fortent par trois ou quatre en-
femble d'une gaine commune. Il fait un
grand arbre d'une belle apparence > & quand
il fe trouve dans un terrain léger & hu-
mide , fbn accroiffcment eft très-prompt.
C'eft là tout qu'en a dit M. Miller , &
c'eft le fcul auteur qui foitencore entré dans
quelque détail fur cet arbre.
17. Le pin de Virginie à cônes épineux^
ou le pin de Jerfey j chez les Anglois. Cet
P I N •
arbre devient très-haut; Tes feuilles for-
tenc au non:bre de trois d'une gaïne qui
leur e!t commune; elles ont une rainure
fur toute la longueur de la face extérieure ;
eilrs font un peu moins longues ôc plus
déliées que celles au pin rouge de Canada.
Ses cônes font à peu près de la grofleur
de celui du pin rouge , mais ils font plus
aigus: les éminences des écailles fe termi-
nent tn une pointe qui efl: aflez épineufe
pour ofFenfer la main ; fon boiseft fouple ,
fort réfineux , & il a le grain très-fin.
Voilà les principales circonftances de la
delcripcion que l'on trouve de cet arbre
dans le traité des arbres de M. Duhamel.
i8. Le pin à trochet ; (es feuilles fortent
trois à trois d'une même gaine ; & elles
font plus longues que celles du précédent :
fes cônes viennent raflemblés dans un gros
bouquet , quelquefois au nombre de vingt.
Cet arbre eft encor^très-rare en France.
19. Le pin de marais; cet arore vient
en Amérique dans les places humides ; il
fe foutient difficilement dans les terrains
fecs , & il fait peu de progrès dans les
lieux élevés. Ses feuilles viennent trois- &
fouvent quatre cnfemble , d'une gaine
commune ; elles ont quatorze pouces de
longueur ; elles font d'un verd foncé , plus
grolTès que celles d'aucune autre efpece
de pin , & les jeunes rameaux en font très-
garnis. Ses branches font couvertes d'une
écorcc rude & crevaflee , ce qui ore beau-
coup de l'agrément de cet arbre. C'ell le
plus délicat de toutes les efpeces de pin
que l'on connoît ; il faut le garantir des
gelées jufqn'à ce qu'il foit dans fa force;
ce qui étant difficile dans des lieux bas
& humides où cet arbre fe demande , on
f«ra bien de le tenir en caille jufqu'à ce
qu'il (bit en état de fe foutenir contie le
froid.
Pins à cinq feuilles.
20. Le pin blanc , ou le pin du Lord
Wcymouth ; cet arbre fe trouve dans le
Canada , la Nouvelle Angleterre , la Vir-
ginie , la Caroline , ôc autres pays de
l'Amérique feptentrionale , où on lui donne
le nom de pin blanc. Il eft fort fréquent
dans toutes ces contrées & dans les ter-
rains humides & de léger? confiftance ,
eu il fe plaît j il y prend fouvent plus de
PIN 5>25
cent pies d'élévation : il feit une tige
droite ; fa tête prend d'elle-même la forme
d'un cône ; fon écorce eft lifte , unie àc
d'un verd brun fur les jeunes rameaux ,
mais elle eft blanchâtre fur le tronc &
les grofl'es branches. Ses feuilles (ortent
au nombre de cinq enfemble d'une gaine
commune : elles ont environ trois pouces
de longueur , & elles (ont d'un verd de
mer des plus beaux : les jeunes rejetons
en font très-garnis ; le refte du branchage
en eft donné. Ses fleurs mâles ou chatons ,
qui font d'abord très -blancs , prenisent
enfulte une teinte de violet : (es cônes
tiennent aux branches par des queues d'un
pouce de longueur ; ils ont environ quatre
pouces de haut fur huit hgnes de diamètre:
les écailles en font -minces , flexibles , &
détachées à leur extrémité, ce qui donne
à ces cônes quelque reflemblance avec ceux
du fapin. Les pignons en font aflez gros ,
Se bons à manger ; ils tombent des cônes
(î on ne les cueille de bonne heure en
automne : cet arbre fait bien du branchage
qui eft très-garni de feuilles d'une belle
verdure ; c'eft l'efpecc de pin la plus con-
venable pour les plantations d'agrément ;
(on bois eft blanc ; il eft chargé d'une
réCme fluide & tranfparente , qui coule
aflez abondamment des entailles qu'on fait
au tronc : on en peut faire des planches ,
mais il eft trop rempli de nœuds pour être
employé à (aire une bonne mâture.
1 1 . Le pinajîre ou alvi^^, dans le Brian -
çonnois ; quelques botaniftes ont aulîî
donné le nom de cembro à cet arbre ; on
le trouve fréquemment fur les Alpes , ou
il fe plaît dans les endroits les plus froids
qui font couverts de neige la plus grande
partie de l'année : il fait une tige droite ,
& une tête ronde bien garnie de braiv
ches ; (es feuilles (ortent d'une même
gaine au nombre de cinq le plus fouvent ,
quelquefois quatre , & plus rarement juf^
qu'à (îx enfemble : elles font fermes ,
epaiflès , ôc des plus larges ; leur longueur
eft de quatre pouces & demi environ. Ses
cônes (ont courts & obtus ; leur longueur
eft de trois pouces fur près de deux de
diamètre ;. les écailles fe recouvrent de la
façon de celles des cônes du fipin. Les
pignons qu'elles renferment [<xix<, prefque
^i6 PIN
triangulaires, faciles à rompre, mais moins
gros que ceux àxx franc-pin ; Pamende en
cfl: douce & d'un goût agréable ; on les
mange comme les noiletccs , & on les fait
entrer d^ns les ragoûts. Cet arbre prend
une bonne hauteur ; il eft de belle appa-
rence, & la verdure de Ton feuillage eft
très-agréable.
Généralement tous les pîns ne peuvent
fe multiplier que de graines : on pourra
fe régler pour la façon de les feraer , fur
ce qui a été indiqué à l'article ànpinfau-
vace , ou du franc-pin , relativement à la
groflèur des pignons.
Le pin eft de tous les arbres Tun des
plus inrérelfans , par les différens ufages
auxquels il eft propre , &: qui font très-pro-
fitables à la fociété; mais ce qui en relevé
encore plus les avantages , c'eft que la
plupart dd*s efpeces de pins peuvent venir
& réuflîr prefque par-tout , même dans
les endroits où tous \es autres arbres fe
refufent. On ne fauroit trop répéter que
le plus grand nombre des pins n'exige
aucune culture , ou plutôt qu'ils en font
ennemis -, qu'ils fupportcnt le froid comm.e
le chaud -, qu'ils ne craignent ni la féche-
refle ni Phumidité ; qu'ils réfiftenr encore
mieux qu'aucun arbre à l'impétuofité des
vents & aux vapeurs falines de la mer ,
èc qu'ils rcufTiftent dans des lieux élevés ,
incultes & abandonnés , dans' des terrains
pauvres , ftériles ôc fuperficiels •, enfin dans
l'argile , le fable , la craie , la pierraille ,
^ même parmi les rochers. Cet arbre croît
fort vite , fur-tout dans les terrains où il
fe plaît : dès l'âge de dix ans on en peut
faire des échalas pour les vignes , & quand
il en a quinze ou dix-huit , on peur l'a-
barrre pour le brûler ; Se fi l'on prend la
précaution de l'écorcer de de le laifter
fécher pendant deux ans , il n'aura pref-
que plus de mauvaife odeur. Ces arbres
font dans leur force à 60 ou 80 ans : quel
avantage donc ne poufroit-oh pas tirer
de cet arbre pour différens befoins de la
fociété , fi on le femoit dans quantité de
places vaines & vagues, où pas un buiftbn
ne peut naître , & qui reftent abfolumcnt
inutiles & abandonnées ? Cependant le pin
eft encore inconnu dans plu fieurs provinces
du royaume; on peut citer pour exemple
• P *I N
la Bourgogne , où on ne trouve que dans
le feul canton de Montbard un petit bois
de pins de Genève , qui a été planté depuis
vingt ans.
Le bois des différentes efpeces de pins
eft plus ou moins chargé de réfine ; mais
en général il eft d'un excellent ufage pour
les arts; il eft de très-longue durée &c de
très-bon fervice ; il eft propre à la char-
pente & à la menuiferic : il entre dans la
conftruftion des vaiffeaux ; on l'emploie
en planche y on en fait des corps de pompe ,
& des tuyaux pour la conduite des eaux :
c'eft auffi un bon bois à brûler; fon char-
bon eft très-recherché pour l'exploitation
des mines , 8c on afture que l'écorce des
pins peut fervir à ranner les cuirs. Mais
on retire encore de cet arbre , pendant
qu'il eft fur pié , d'autres fervices qui ne
font pas moins avantageux. Outre quelques
efpeces ^e pins do^ les pignons peuvent
fe manger , toutes ces fortes d^irbres don-
nent plus ou moins de réfine , que l'on
peut tirer de différentes façons , & donc
on fait du bray gras , du bray fec , du gou-
dron , de la refîne jaune, du galipot, de
la térébenthine , du noir de fumée , &-c.
On commence à tirer cette réfine lorfque
les arbres ont 25 ou 30 ans , & on pourra
continuer de le faire pendant 30 autres
années , fi on y apporte les ménage-
mens néceftaires , après quoi les arbres
feront encore de bon fervice pour la
charpente.
Lespins ont encore le mcrne de l'agré-
ment ; ils confervent pendant toute l'année
leurs feuilles , qui dans la plupart des
efpeces font d'une très-belle verdure. Ces
arbres font d'une belle ftature. Se d'un
accroiffement régulier; ils ne font fujets
ni 'aux infedes , ni à aucune m.aladie ;
enfin plufieurs de cespins font de la plus
belle apparence au printemps , par la cou-
leur vive des chatons dont ils font chnrgés,
Voye-^Çux la culture du pin , le didion-
naire des jardiniers de M. Miller , & pour
tous égards , le- traité des arbres de M.
Duhamel , qui eft entré dans des dérails
intéreflans fur cet arbre.
Pin , ( B0t. Jardin. ) en latin pinus ,
en anglois pine-iree , en allemand fich-
îenhaum.
V I N
Caractère générique.
Les fleurs mâles font grouppées en une
touffe conique & écailleule : elles ont plu-
fieurs éramines terminées par des fom-
mets droits qui font unis enfemble.par
leur bafe : les écailles qui les enferment
fuppléent aux calices &: aux pétales qui
leur manquent i les fleurs femelles font
raflemblées dans un côrfe ovale , & fe trou-
vent aflèz éloignées des fleurs mâles fur
le même arbre. Sous chaque écaille de ce
cône , on trouve deux fleurs pourvues feu-
lement d'un petit embryon furmonté d'un
flyle formé comme une alêne que cou-
ronne un feul ftigmate. L'embryon devient
une femence ovale pourvue d'une aile ,
&L quelquefois un noyau fans aile.
Efpeees.
I. Tin à deux feuilles un peu épailTès
& unies , à cônes pyramidaux & pointus.
Grand pw maritime.
Pi nus foliis gémi ni s craJfiufcuUs gla-
hris , conis pyramidatis acutis. Mill.
Pineafier.
1. Pin à deux feuilles plus étroites &
de couleur glauque , à concs arrondis ,
obtus. Pin d'Italie. Pin cultivé.
Pi nu s feliis gémi ni s tenuibribus glau-
€is , Conis fubrotundis , obtufis. Mill.
The cultivated pine tree. Stone pine.
3 . Pin à deux feuilles plus courtes & glau-
ques , à petits cônes terminés en pointe.
Pin commun. Pin de Haguenau. Pin on
fapin a Ecofle. Pin de Ruflie. Grana des
Suédois.
Pinus foliis geminis brevioribus glan-
ds , conis parvis mucronatis, Mill.
Scotch fir or pine.
4. Pin à deux feuilles glauques , plus
courtes & à plus petits cônes. Pin de
Tartarie. *
Pinus foliis geminis brevioribus latiuf-
culis glaucis , conis minimis, Mill.
Tarrarian pine.
5. Pin qui a le plus (ôuvent trois feuilles
étroites & vertes à cônes pyramidaux ,
dont les écailles font obtufes. Mugho. Pin
fauyage. Pin fuffie.
P I N ^17
' Pinus fhliis fœpius ternis tenuioribus
viridibus , Conis pyramidatis , fquamis
obtufis. Mill.
Mugho pine.
G. Pin à cinq feuilles unies. Alviz '
cembro.
Pinus foliis quinis Ijevibus. Scan. Lin
Sp. pi,
Cembro pine.
7. Pin à deux feuilles longues , unies
à cônes longs & menus. ^ eût pin ma-
ritime.
Pinus foliis geminis longioribus glabris
conis longioribus tenuioribufque.
The little maritime pine.
^ 8. Pin à deux feuilles très-menues , à
cônes obtus , à branches horizontales. Pin
de Jérufalem, Pin d'Alep.
Pinus foliis geminis tenuiffimis , conis
obtufi-s , ramis patulis. Mill.
Aleppo pine.
^ 9. Pinl deux feuilles courtes , à petits
cônes , à écailles aiguës. Pin de Jerfey.
Pinus foliis geminis brevioribus * conis
parvis , fquamis acutis. Mill.
Jepfey pine.
10. Pin à trois feuilles , à cônes plus
longs dont les écailles font rigides. Pin
de Virginie à trois feuilles.
Pinus foliis ternis , conis longioribus %
fquamis rigidioribus. Mill.
The leaved Virginiam pine.
11. Pin 2. trois feuilles plus longues &
plus menues , à très-grands cônes lâches.
Frankincemc. Pin d'encens.
"Pinus foliis longioribus tenuioribus ternis ,
conis maximis Iaxis. Mill.
The frankincemetree. En allemand ,
weyrauck fichten.
12. Pin de Virginie à feuilles plus lon-
gues & plus menues , à cônes hérifles &
menus.
Pinus Virginiœ prcelong's foliis tenuio-
ribus , cono echinato gracili. Pluk. Alm,
Tree leaved bajîardpine.
15. P//zàcinq feuille? âpres. P//2 blanc
d'Amérique. P//7 du Lord Weymouth. Pin
à cinq feuilles , à cônes pendans.
Pinus foliis quinis , conis pendentibus.
Hort. Colomb.
Pinus foliis quinis fcabris. Linn. Sp. pî.
Lord Weymouth's pine.
5i8 PIN
14. Pin à trois feuilles frés-Iongues.
Tin de marais.
Pinus foliis ternis hngijfimis, Mill.
The îhree leaved marsh American pine.
15. Pin de Sibérie à cinq feuilles.
Pinus foliis quinis fyherienfis.
Syberian pine.
On lit un plus long catalogue de pins ,
& dans la première édition du Dicîion-
naire de Miller , & dans le traité des
arbres & arbujîes de M. Duhamel ; mais
il s'eft trouvé que plulleurs n-'étoient que
les mêmes arbres différe'mment défignés
par diftérens botaniftes , & dont les phrafes
avdîent été fervilement copiées par leurs
Icholiaftes ; & les variétés qui ne portent que
fur la couleur des fleurs & qui fe trouvent
tranfcrites comme efpeces , ne méritent
aucune attention. Les efpeces dont nous
donnons la fuite font très-diftinâ:cs ; nous
les avons fous nos yeux & nous avons vu
leurs* cônes. Il fe peut néanmoins qu'il en
exifte d'autres : le pinus maritima altéra
Mathfbli y le pin nain & le foxtait pine
des catalogues de Gordon , quelques va-
riétés des pins d'Amérique , que diftin-
guent fes habitans , peuvent ne pas être
de pures ch'meres y mais avant de grofïîr
la foule des pins , il faut s'être aflTure par
h. comparaifon de leur véritable exiftence
ëc de leur caradere fpécifique.
La nombreufe famille des ;>//zj répandus
au nord de la terre , décore jufqu'aux
rochers & aux marais , &c rend moins
affreux l'afpeét de ces lieux âpres & fau-
vages , lorfqu'un pâle rayon éclaire ces
touffes toujours vertes. Le verd le moins
brillant plaît aux yeux parmi les ombres
dont l'hiver fe couvre ; & des maflès où
fe repofent les regards, font préférables
aux rameaux dépouillés des autres arbres
où l'œil s'égare triftement : mais il s'en
faut bien que le verd des pins (bit d'un
ton ou trop terni ou trop rembruni. Le
feuillage du pin , /z°. J , &; du pin
d'Italie , eft de la nuance des feuilles de
l'œillet ; le pin du Lord Weymouth eft du
verd des pavots. Le pineafter & \cspins
d'Amérique à trois feuilles , confcrvcnt
durant le plus grand froid ce yerd frais &
riant des bleds d'avril. Le pin d'encens
eft d'une couleur encore plus tendre ôc
P I N
plus jaunâtre ; & tant s'en faut que ces
pins n'offrent en hiver une décoration
gracieufe, qu'ils varient même agréable-
ment les fcenes du printemps &c de l'été ,
lorfqu'on les entre-mcle avec les arbres qui
n'embelUfl'ent que ces faifons.
Par-tout la nature a mêlé l'utile à l'agréa-
ble , ôc cette belle & grande loi doit être
la nôtre dans nos imitations ; plufieurs
pins méritent d^être cultivés en grand
nombre pour le profit qu'on en peut faire ,
fur-tout le pin n°. 3 , dont le bois efl
excellent , dont les bourgeons guériflent
le fcorbut ( voye^ le traité des arbres féfi-
neux , conifères ) , qui s'accommode de tous
les fols & de toutes les fituations ; qui
croit dans les terres humides & dans les
fables fecs ; qui ne craint ni le tuf , ni la
craie ; qui vient jufques fur les rochers &
les malures. Le pin n°. 5 , eft auffi em-
ployé dans l'architecture civile ; fes co-
peaux , enflés de réfine , fervent de lumière
dans les pays montagneux.
Le pin d'Italie ie cultive pour Çon
amande qui ef^ employée comme un reftau-
rant balfamique dans la phchifîe. Le pin
du Lord Weymouth & le pin n°. îo , fer-
vent à la conftruction des plus grands
vaiffeaux. Le bois dup/Vz alviz eft précieux
pour les fculpteurs , par la douceur de Ton
grain. Aux vignobles du Bordelois , on
feme le petit pm maritime dans les fables ;
au bout de quatre ou cinq ans il procure
des échalas. On tire du n°. i différentes
fubftances réfineufes ( ^'oje:ç_ le traiié des
arbres 6" arbujîes de M. Duhamel. ) Enfin
il n'eft peut-être pas une feule elpece de
ces arbres dont on ne pût tire dts avan-
tages particuliers, qu'on ne pourra découvrir
qu'en les cultivant. Nous ne pourrions en-
trer dans le détail de la culture des pins ,
fans répéter ce que nous avons dit dans
fbn article auquel nous renvoyons le lec-
teur, de celle du mélefe qui leur convient ,
en génétal, & nous nous bornerons à
quelques exceptions efîèntielles.
Quoiqu'il nous paroifïe que la plus sûre
méthode d'établir des bois de pin, &
de les élever en pépinière , fbit de les
planter en motte haute d'un pié ôc demi ,
ôc que parmi les différentes manières de les
femcr à demeure & en grand , la pratique
détaillée
P I N
détaillée ci -devant à Vartkîe Mblese ,
nous paroifie préférable , nous dirons ce-
pendant , en faveur de ceux qui veulent
s'épargner des foins , que /e pin. n°. i &c
le pin d'Ecolfe peuvent fe iemer à la ma-
nière du blé ôc des menus grains fur
une terre bien netroyée d^herbes ôc bien
labourée , dont on a brilé à la houe ou
avec la herle les plus groflès mories. Ces
fèmjs réuiïiront lur-tour dans les terres peu
compaéles ; mais il faudra un temps infini
avant que ces ^/Vu affamés par les herbes,
qui croîtront parmi eux en abondance ,
puiflent enfin les furmonter , & les affamer
à leur tour. Nous avons fait de cette ma-
nière , il y a fèpt ans , un (émis de fàpins à
feuilles d'if: les arbres n'ont encore que
huit pouces de haut , tandis que ceux que
nous avons femés & cultivés en pépinière
à la même époque , ont près de neuf pies
de haut. Les pins n'auront pas à la vérité
fouflfert un retardement fi prodigieux ,
mais il s'en faudroit bien encore qu'ils
égalaient ceux qu'on auroit , par les autres
méthodes , tenus conftamment hbres des
herbes paraiites.
Pour ce qui eft des petits femis de pins ,
il faut en général les faire comme ceux
des mélefcs , & élever dans des caiffes ou
des pots fur couche les cfpeces les plus déli-
cates ou les plus rares ; mais il feut obfcr-
ver , à l'égard de certaines , quelques atten-
tions qui font de la dernière importance.
Le pin d'Italie qu'on croit être origi-
naire de la Chine , pouflant naturellement
un grand pivot long-temps dépourvu de
racines latérales , ne furvit pas à fa tranf-
plantation , lorfqu'on n'a pris de très-
bonne heure les précautions propres a
aflurer fa reprife. Il faut femcr fes amandes
une à une dans de petits pots ; ou bien
il faut , deux m.ois après leur germination
dans des cai0cs ou en pleine terre , les
arracher encore tendres & herbacées ,
avec une extrême attention , 6c les planter
chacun dans un petit pot. On enterrera ces
pots dans une couche récente , 8c on les
tiendra couverts de paillaflbns élevés au
deffus , jufqu'à ce que les petits arbres pa-
roiflent avoir pouffé de nouvelles racines :
on les mettra fuccefTivement dans de plus-j
grands pots à mefure qu'ils croîtront , ôc I
Tome XXr,
PIN 929
on leur fera paifer les trois ou quatre
premiers hivers fous une cailfc viirce ; à
temps révolu , ils auronc leur flèche ter-
minée par des boutons gros 2c faillans, ÔC
c'efl le moment de les planter à demeure
avec la motte moulée par les pots ; ce
qui doit fe faire vers la mJ -avril, jls croif-
lent allez bien dans toutes les ferres , mais
ils demandent un lieu abrité contre les
grands vents qui les fitigueroient , 6c pour-
roient môme les faire périr. Cette méthode
infaillible 6c la feule bonne d'élever ces;7//z5,
convient aapin alviz & au pin de Sybérie y
mais ils demandent d'être femés 6c élevés
dans un fable gras mêlé de terre fraîche ,
6c craignent finguliérement le terreau 6c
les terres de potager. Le mois de mars eft
le meilleur moment pour femer les amandes
de l'alviz ; mais quelque précaution que
l'on prenne , il n'en levé qu'une petite
partie , 6c les arbres embryons qui en pro-
viennent croifïènt avec une lenteur qui
défefpere. J'en ai quelques-uns qui n'ont
acquis que fix pouces de hauteur en huit
années. Le pin de Sybérie eft encore plus
difficile à élever , 6c c'eft beaucoup faite
que de lui conferver fon peu de vie.
Le pin d'Alep demande d'être tenu pen-
dant pi uf leurs années fous une caiffe vitrée
dprant l'hiver , pour ne le planter enfuite
à demeure qu'à de bonnes expofitions j
encore fera-t-il la proie des hivers rigou-
reux qui fondent quelquefois fur nous du
fond du nord.
Le pin du lord Weymouth eft un des
plus beaux arbres toujours verds qu'on
puifîè cultiver : il s'élance fur un tronc
droit comme un jonc à une hauteur ex-
traordinaire ; fon écorce unie , brillante
6c d'un gris argenté , reffemble à une étoffe
de foie j d'efpace en efpace fè déploient ,
en étoile régulière , les différens étages dç
fes branches latérales par- tout garnies de
franges vertes ; de fes feuilles longues 5c
menues, & du dernier étage jaillit annuel-
lement une flèche quelquefois haute de trois
pies. Il s'élève prefque aulTi aifément que
le pin d'Ecofle , 6c Ce traite comme le
mélefe. Il aime les terres fraîches & les
lieux abrités des vents du fud-oueft. Nous
dirons en paflànt que , lorfqu'on voudra
avoir une maffe de différentes efpeces de
.Çbbbbb
5?30 P I N
pin , il faudra planter d'avance les bords
de Vefpace qu^on lui dcftine d'un double
rang de pins d'Ecofle en échiquier , à
<|uatre ou cinq jpics les uns des autres.
On plantera en uite fucceiTivement les
pins étrangers , en avançant vers le centre
dans l'qjdre de leur délicatcflè ou de leur
feniibilité.
Les autres pins d'Amérique viennent
bien dès qu'ils ont quatre ou cinq ans ,
mais ils font très- difficiles à élever. Plu-
fieurs expériences fâcheufes nous ont appris
qu'il faut les femer dans un fable gras mêlé
de terre franche , & qu'ils ne peuvent
fupporter le terreau ôc les terres fumées.
Ils lèvent à merveille , mais on les voit
cnfuite périr tous les jours par différentes
caufes ; une des principales eft Thumidité ,
foit des arrofemens , ioit des pluies. Il faut
ne les arrofer que très-rarement & très-
fobrcment , & employer un goupilllon
trempé dont on fecouera légèrement fur
eux la douce rofée : que la pluie ioit trop
forte ou trop continue , il faudra les en
garantir avec des cloches ; les caiffes où
fe font ces fcmis doivent être placées les
deux premiers hivers fous des caiflcs vi-
trées , autrement la gelée foulcveroit la
terre ôc déracineroit ces frêles plantules.
Au commencement d'avril , on placera les
caifles contre un mur expofé au nord fans
les enterrer , &c les pofant même fur des
pierres j peut-être qu'un femis de ce pin
fait en pleine terre fous un auvent de
bois , ou fous la touffe épaifle d'un arbre ,
pourroit réufïîr. La méthode indiquée pour
le cèdre du Liban {article Mélese , ) leur
convient aufïi.
Le pin de marais ne peut fubfîfler que
dans les Heux "humides ; & lorfqu'ils le
font trop , la gelée l'incommode extrê-
mement. Ce pin dont les feuilles de près
d''un pié de long font rafïèmblées en touffe
au bout des branches, eft d^m afpeél très-
bizarre. ( M. le barcn de TscHOUDi. )
Pin , manière d'en tirer le fuc réfineux ,
{ Art méch. ) on choifit pour cet effet le
pin le plus commun dans les forêts du
pays fàblonneux , connu fous le nom de
landes de Bordeaux ^ c'eft le petit pin
maritime de Gafpard Bauhin , ou celui
«[ue M. Duhamel défîgne par le n°. 5 , à
PIN
V article du pîn , de fon traite des arbres &
arbujles*
Pour retirer du fuc réfineux de ce pin ,
on attend qu'il ait acquis quatre pies de
circonférence. Il eft parvenu à cette grof-
feur environ trente-cinq ans après fa naif-
fance dans les bons terrains , c'eft-à-dire ,
dans des fables profonds de trois ou quatre
pies. En général la grandeur de l'arbre ,
la rapidité de fon accroiflement , l'abon-
dance du fuc réfineux , & la bonne qualité
du bois augmentent toujours en raifoii
d'une plus grande épaiifeur de la couleur
du fable.
L'ouvrier commence par emporter la
groffe écorce de l'arbre depuis fa racine
jufqu'à la hauteur de deux pies fur fix pou-
ces de largeur. Cette première opération fe
fait au mois de janvier, & c'eft avec une
hache ordinaire qu'elle s'exécute. Enfuite
dès que les froids femblent avoir ceffé ,
il enlevé avec une hache d'une ftrudlure
particulière , le liber ou la féconde écorce ;,
il pénètre aufïi dans le corps ligneux , &
il emporte un copeau très-mince.
Cette première entaille faite au pic de
l'arbre , n'a guère plus de trois pouces de
hauteur j & elle ne doit point excéder
quatre pouces en largeur. L'ouvrier la
rafraîchit chaque femaine , quelquefois plus
fouvent , lui confervant fa même largeur j
mais s'élevant toujours de manière qu'après
fix ou fept mois , qui font le temps de ce
travail , elle fe trouve haute d'environ i y
poucél.
L'année fuivante , après avoir enlevé
' encore deux pies de groflè écorce , il élevé
de nouveau fon entaille de 15 pouces , &
il continue de même pendant huit années
confécutives , après lefqucUes elle a acquis
environ 1 1 pies de hauteur.
La neuvième année , on entame l'arbre
à la racine , auprès de l'endroit où s'eft
faite la première opération 5 on fuit celle-ci
pendant huit ans , & procédant toujours
de la même manière , oiî fait le tour de
l'arbre , même plufieurs fois , car on pra-
tique aufïi des entailles fur les cicatrices
qui ont couvert fes premières plaies.
Après trois ou quatre ans , l'ouvrier ne
fauroit pourfuivre fon ouvrage fans le
fecours d'une échelle. Celle qu'il emploi»
PI NI
9c qu*ii efl: quelquefois obligé d^appliquer à
plus de deux mille pins éloignés au moins
de quinze pies les uns des autres , devroit
être légère , &c faite de manière à ne point
l''cmbarrafler dans fa marche , qui eft allez
prompte. Sa conftrudion remplit ces deux
objets. C'eft une grolTc perche qu'on a
rendue fort mince par le haut , &c qu'on
a diminuée par le bas jufqu'à ne lui laifler
que deux pouces de diamètre. On ménage
un empâtement au bout inférieur , & en-
fuite des faillies peu éloignées les unes des
autres , & taillées en cul-de-lampe. L'ex-
trémité fupérieure eft applatie Ôc un peu
courbée. L'ouvrier l'engage dans quelqu'un
des intervalles que laiflènt entr'elles les
rugofités de l'écorce. Il s'élève à la hauteur
qui lui convient j ôc l'un de fes pies de-
meurant fur une des faillies , il embraflc
l'arbre de l'autre jambe. I|^s cette atti-
tude il fe fert de fa hache , &c il con-
tinue Con ouvrage de la manière qui a été
décrite.
Une hache dont le tranchant Ce trouve-
roit dans le plan du manche entameroit
difficilement le pin de la manière qu'on
conçoit aflez qu'il doit l'être, c'eft-à-dire ,
en formant une efpece de voûte à l'origine
de l'entaille. Aurti la hache eft-elle montée
obliquement fur fon manche , & de plus
courbée en dehors à l'extrémité du tran-
chant la plus éloignée de la main de
l'ouvrier.
Depuis le printemps jufqu'au mois de
Septembre , le fuc réfineux coule fous une
forme liquide ; & dans cet état il fe nomme
galipot. Il va fe rendre dans de petites
auges taillées dans l'arbre même , à la naif-
fance des racines. Celui qui fort depuis
le mois de feptembre fe fige le long de
l'entaille, à laquelle il fe colle quelquefois.
Sous cent forme , on le nomme barras. On
le détache , lorfque cela eft néceflaire ,
avec une petite ratilîbire emmanchée.
On met le galipot & le barras dans une
chaudière de cuivre montée fur un four-
neau de briques ou de tuileaux maçonnés
avec de la terre grafTe. On introduit le
feu fous la chaudière par un conduit
fouterrain , & on l'entretient avec du bois
de pin , mais feulement avec la tede ,
c'cft-à-dire, avec la partie qui a été en-
PIN ^31
taillée. Le fuc réfineux doit être tenu fur
le feu jufqu'à ce qu'il fe réduife en poudre
étant preffé entre les doigts. Alors on
étend de la paille fur une auge de bois.
On répand avec un poêlon la matière fur
cette paille. Elle tombe dans l'auge par-
faitement nette , ayant dépofé fur ce filtre
les corps étrangers dont elle étoit chargée.
On la fait couler par un trou percé à l'ex-
trémité de l'auge dans des creux cylindri-
ques pratiqués dans le fable , & où elle eft
conduite par différentes rigoles. Elle s'y
moule en pains du poids de cent ou de
cent cinquante livres. Cette préparation du
fuc réfineux fè nomme le bray fec.
Dans quelques endroits on travaille avec
beaucoup de propreté les creux dans lef^
quels on moule le bray fec. On a une
aire remplie de fable fin , dans lequel on
enfonce des morceaux de bois auxquels
on a donné en les tournant la forme d'un
petit tourteau. On remplit ces creux de
matière fondue , qu'on tranfporte avec le
poêlon ; il en fort de petits pains plus
eftimés que les grands , & qu'on vend plus
avantageufement.
Le lue réfineux étant dans l'auge , bien
dépuré & encore très-chaud , on y mêle
de l'eau qu'on a fait chauffer , mais qu'on
n'a point laiffé bouillir. On brafïè forte-
ment le mélange avec de grandes fpatules
de bois. Il devient jaune à mefure qu'on
lui donne de l'eau ; & lorfque la couleur
eft parvenue lu ton qu'on fouhaitc , on
fait couler la matière <lans les moules où
elle fe durcit j & c'eft la réfine.
Le fable ne pouvant fe foutenir par
lui-même , il céderoit au poids du bray
ou de la réfine , dont les mafîès devien-
droient informes. On mouille les creux &
les rigoles pour leur donner de la confîf-
tance.
On met du galipot dans la chaudière.
Lorfqu'il eft affez cuit pour avoir pris une
couleur légèrement dorée , on le coule &
on le fait pafTèr de l'auge dans les barri-
ques , où il conferve l'état de liquidité
d'un firop très-épais.
Dans la partie feptentrionale des forêts
de pins , on expofe le galipot au grand
foleil dans des baquets. Les pièces du fond
de ces baquets n'étant pas cxaétemeat^
]3bbbbb %
93» PIN
jointes , le galipot fondu tombe dans des
auges placées pour le recevoir. C'eft la
térébenthine de Joleilhea.uco\xp plus eftimée
que la première , qu'on appelle térébenthine
de chaudière.
La térébenthine a«yant été mife avec de
Teau dans une chaudière entièrement fem-
blable à celle dont on fe fert pour faire
Peau-de-vie , & qui a le même attirail que
celle-ci , on en tire par la diftillation une
liqueur d'une odeur pénétrante & aflez
défagréabie, qu'on nomme huile de téré-
benthine.
On conftruit avec des tuileaux & de
la terre grade un four afTez femblable à
ceux qui fervent à cuire le pain. Il en
diffère par une ouverture pratiquée à fbn
fommet , & par fa bafe creufée en manière
d'entonnoir fort évafé. Cette bafe pavée
de briques , communique par un canal à
une auge qui fe trouve au dehors du four.
L'auge & le canal font conftruits de bri-
ques liées avec de la terre grafle. Ce four
eft infcrit dans une cage quadrangulaire
formée par des poutres de pin pofees les
unes fur les autres, & aflèmblées par leurs
extrémités. L'intervalle qui refte entre le
\four & la cage , doit être bien garni de
terre. Après avoir rempli ce four de co-
peaux enlevés en entaillant les pins , de
la paille à travers laquelle le galipot & le
barras ont été filtrés , de mottes de terre
ramafiees fous les pins , & pénétrées du
fuc qui en a découlé, on met le feu par le
trou du fommet 5 une fublîance noire &
graflTe coule bientôt après , & va fe rendre
dans Pauge. On garnit le feu , & lorfqu'il
a brûlé aflèz loiag-temps pour que la ma-
tière ait perdu une partie de fa liquidité,
& qu'elle fe réduife en poudre entre les
doigts , on l'éteint en couvrant l'auge de
gazon. On fait couler dans des trous creufés
dans le fable ce qui étoit contenu dans
l'auge , & on a des pains d'une matière
noire 6l dure qu'on nomme pegje , nom
qui paroît répondre au mot françois poix.
Ces différentes préparations viennent de
l'arbre vivant j il faut le détruire pour
avoir le goudron. On le tire de la partie
des pins la plus chargée de fuc réfineux.
Le bois propre à donner du goudron eft
pçfant , rouge ^ & quelquefois tranfparent
p r N
en quelque degré , lorfqu'on l*a rendu fott
mince. Les pins n^'en fotirniflent pas
dans toute leur étendue ; & la quantité
qu^ils en fournirent , dépend de la nature
des terrains. On en trouve par-tout dans
les racines des arbres coupés depuis quel-
ques années i la tede en donpc en petite
quantité dans les bois les plus avancés
vers l'orient ou vers le fud-eft, parce que
la couche de fable y eft moins épaifle , &
plus abondamment dans les forêts les plus
voifines de la mer. Dans ces mêmes can-
tons où le fable defcend à une plus grande
profondeur , les arbres que l âge , les incen-
dies , ou d'autres accidens ont fait périr , &
qui ont demeuré fur pié ou renverfés pen-
dant plufieurs années , ont du bois propre
à faire du goudron dans prelque toute la
longueur de leur tige.
On coup^jk bois propre au goudron
en petites bûches de deux pies de lon-
gueur , fur un pouce & demi de lar-
geur , dans chacune des deux autres dimen-
fions. On le raftemble auprès du four ,
qui n'eft autre chofe qu'une aire circulaire
de dix -huit ou vingt pies de diamètre,
pavée de briques creufées en entonnoir ^
&c plus bafte d'environ deux pies au centre
qu'à la circonférence. Le centre eft percé
d'un trou qui communique à un canal bâti
de brique qui , paflant fous le four , va
fe terminer à une fofte. Autour d'un jeune
pin qu'on a fait entrer dans ce trou , &c
qu'on élevé perpendiculairement , tm ar-
range les bûches avec beaucoup de foin ,
obfervant qu'un de leurs bouts foit dirigé
vers le centre , & l'autre ver^ la circon-
férence. Après avoir formé de cette ma-,
niere une pile de bois d'environ vingt pies
de hauteur , on la couvre de gazon dans
toute fon étendue , exceptant feulement
une ouverture qu'on laifte au fommet , &
on retire le pin autour duquel elle a été
conftruite.
Ce bûcher ayant été allumé par (on
extrémité fupérieure , rien n'eft plus inté-,
relTant que d'empêcher que le feu ne trouve
quelque iflhe. Lorfqu'il rnenace de fe faire
jour par quelque endroit ', on y met aulïi-
tot du gazon qu'on a en réferve , ÔC dont
on doit être bien fourni.
Il fort d'abord une certaine quantité
P I N
d'eau rouiïc , enfuire vient le goudron ,
c'eft-à-dire , cette fubftance noire , un
peu liquide ,. mais épaiflè & gluante , qui
efi: aflèz conn^; on la reçoit dans des
barils qu^on ar^ge dans la foflè au deflbus
d'une gouttière qui termine le canal.
On ne Ce met point en peine de féparer
du goudron l'eau qui le précède dans cette
dilHllation lorfqu'il en entre dans les ba-
rils. Elle ne lui eit point nuifible , à la
différence de l'eau commune qui en alté-
reroit la qualité.
Trois parties de pegle Ôc une partie de
goudron mifes fur un fourneau dans une
chaudière de fer , fondues en{emble& bien
écumées , font ce qu'on appelle le Brûy
gras. Cette matière qui a quelque degré
de liquidité , fe tranfporte dans des barils ,
dans lefquels on l'entonne en la tirant de
la chaudière.
Pin ( chenille de ) , { Infeclolog. ) en
latin pithyocampa. Les forêts de pins
nourriflent ces fameufes chenilles ,. qui
paflènt une grande partie de leur vie en
fbciété , & qui font dignes d'attention par
la feule quantité oc la qualité de la foie
dont eft fait le nid qu'elles habitent en
commun"^ Cette foie eft forte , & les nids
font quelquefois plus gros que la tête d^un
homme.
La figure de ces nids eft toujours à peu
près celle d'un cône renverfé. Tout l'inté-
rieur eft rempli de toiles dirigées en diffé-
rens fens , Icfquelles forment divers loge-
mens qui communiquent.
Toutes les chenilles de pin fbrties des
œufs d'un même papillon , travaillent appa-
remment de concert à fe conftruirc un nid
peu de temps après qu'elles font nées.
Elles en fortent toutes à la file au lever
du foleil pour aller chercher de la pâture j
une trace de foie d'une ligne de large ,
marque la route qu'elles fuivent pour
s'éloigner de leur nid ; & elles y revien-
nent par la même route deux ou trois
heures après en être forties.
Cette chenille n'eft guère plus grande
& plus grofle dans nos climats que la che-
nille de grandeur médiocre. Elle eft velue ,
fa peau eft noire , & paioît en une infi-
nité d'endroits au travers des poils. Ceux
du deflus du corps font feuille morte ^ &c
PIN 53i
ceux ats cotes font blancs : fa tête eft
ronde & noire ; elle a feize jambes , dont
les membraneufes font armées de demi-
couronnes de crochets \ la peau du ventre
eft rafe , d'un vilait^ blanchâtre ; fes poils,
ne portent nulle part des tubercules j ils
tirent leur origine de la ^eau même.
Ces chenilles , comme la plupart de
celles qui aiment à s'enfoncer en terre
pour (e métamorphpfer , fe méramor-
phofent néanmoins , quoique la terre leur
manque.
On leur a attribué une fingularité éton-
nante , celle de ne jamais fe transformer en
papillon , celle de faire , des œufs pendant
qu'elles font chenilles. Ce feroit -là un
grand prodige dans l'hiftoire desinfeéles ;
aullî ce prodige merveilleux eft-il contraire
aux obfêrvations.
Mais une autre particularité véritable
de ces chenilles , c'eft d'avoir fur le dos
des efpeces de ftigmates , difTérens de ceux
par lefquels elles refpirent l'air ; & qui
plus eft , de darder vifiblement dans cer-
tains temps par cts mêmes ftigmates des
flocons de leurs poils même aflèz loin. Ils
peuvent en tombant fur la peau y caufèr
des démangeaifons , pour peu qu'on ait
été près de ces chenilles ; mais l'effet
en fera bien plus grand fî on les a
maniées.
Voilà fans doute la caufe de l'averfîon
qu'on porte fur tout à cette efpece de che-
nille j & qui la fait regarder non feule-
ment comme venimeufe à toucher , mais
encore comme un poifon dangereux pour
l'intérieur. Quelques modernes en parlent
ainfî avec tous les anciens naruraliftes ;
les uns nous difent quMles agifîent en vé-
fîcaroires fur la peau , comme les cantha-
rides ; & d'autres qu'elles ont un vtmn
encore plus efficace , fi on en avaloit mifes
en poudre j cette dernière opinion eft
établie anciennement dans les pays chauds ,
& le droit romain en condamne l'ufagc
formellement par les plus grandes peines.
Tous les jurifconfultes connoifTcnt la loi
contre ceux qui empoiff nneront avec l'ef-
pece de chenille nommée pithyocamp.v ,
c'eft-à-dire , chenille de pin , ainfi que le
mot grec le porte.
C'eft une faute pour le dire en pafïant j in
534- PIN
digeji. apud Màrcellum , tiv. XLVIII ,
tit. ad kg. corn, de venef. le mot àtpithyo-
carpa , qa on y trouve pour pithyocampa.
tJlpien expliquant la loi cor. de Sicar.
met au nombre des gens qui ont mérité
la peine ftatuée par cette loi , ceux qu'il
nommQ pithyoCampce propinatores. Y avoit-
il réellement dans le pays chaud une che-
nille de pin qui empoifbnnât & que nous
ne connoiflbns plus ? Ou plutôt cette idée
feroit-elle une erreur populaire qui a pafle
jufquà nous par tradition ôc par écrit?
Il y en a tant de ce genre !
Pin, ( Iconolog. ) il étoit confacré à
plufieurs déités , mais fur-tout à Cybele ;
car on le trouve ordinairement repréfenté
avec cette déelTe. Le dieu Sylvain porte
au(ïi quelquefois de la main gauche un
rameau de pin chargé de fes pommes.
Properce prérend encore , que le dieu
d*Arcadie aimoit & favorifoit cet arbre
de fa protedion. Enfin , on s'en fervoit
par préférence à tout autre pour la conf-
trudion des bûchers fur lefquels on brû-
loir les morts ; &: c'étoit-là le meilleur
ufage qu'on en pût tirer. ( D. /. )
PIN AGI A , f. f {Ant. greq.) -tiv^kU ;.
on nommoit ainfi chez les Athéniens des
tablettes de cuivre , où étoient écrits les
noms de toutes les perfonnes duemcnt
qualifiées de chaque tribu , qui afpiroient
à erre juges de l'aréopage. On jetoit ces
tablettes dans un grand vafe , & Pon met-
toit dans un autre vafe un pareil nombre
de fèves , dont il y ea avoit cent de blan-
ches , & toutes les autres noires. On tiroit
le nom des candidats & les fèves une par
une , & tous ceux dont les noms étoient
tirés conjointement avec une fève blan-
che 9 étoient reçus dans le fénat. Du temps
de Solon , il n'y avoit que quatre tribus ,
dont chacune éhfoit cent fénatcurs ; de
forte qu'alors l'aréopage n'étoit compofé
que de quatre cents membres ; mais le
nombre des tribus ayant enfuite été
augmenté) , le nombrç des fénateurs le fut
auiïi proportionnellement : cependant la
manière de les élite fubfifta toujours la
même. Porter , Archced. giœc. tom. I ,
pag. 9J. (D.J.)
PINACLE , f. m. fe dit en Architeclure
du haut ou du comble d'une maifon qui
PIN
ffe termine en pointe. Voyéi^ CoîwTBLri
Ge mot vient du latin pinna , pinna-
culum : les anciens ne donnoient guère
qu'aux temples cette efpgj^ de comble;
leurs combles ordinaires ffiiient tous plats
ou en manière de platè-forme. Voye-^^
Plate-forme.
G'eft du pinacle que le fronton a pris
fbn origine. Voye^^ Fronton.
Pinacle , ( Antiq. rom. ) le pinacle
étoit une forte d'ornement parmi les Ro*
mains , que l'on mettoit au haut des
temples. Les Grecs l'appelloient amli «é-
Tfei^Ma , & les Romains fajîigium j on en
voit fur les médailles anciennes. Il ne dé-
pendoit pas des particuliers de pofcr à
leur volonté de pareils ornemens fur leurs
maifons. C'étoit une faveur précieufc qu'il
falloir obtenir du fénat , comme tout ce
qui fe prenoit fur le public. G'eft ainli que
pour honorer Publicola , on lui donna la
permiiTion de faire que la porte de fa
maifon s'ouvrît dans la rue , au lieu de
s'ouvrir en dedans. Géfar joui doit de l'hon-
neur du pinacle , que le fénat n'ofa pas
lui refufer , & qui diftinguoit fà mailbn
de toutes les autres. Au refte , le pinacle
étoit décoré de quelques ftatues de dieux
ou de quelques figures de la vi6toire, ou
d'autres ornemens , fdon le rang , ou la
qualité de ceux à qui ce privilège rare
étoit accordé j car les maifons à pinacles ,
étoient regardées comme des temples.
{D.J.)
Pinacle du temple , ( Critiq. facrée. )
pinnaculum templi , en grec to m7i^vym t»
îêfK , Luc. IV. g. G'étoit la galerie qui
régnoit autour du toit plat de Jérufalem ,
ou la tourelle bâtie fur le veftibule du
remple. {D J.)
PINAHUITZXIHUITL , ( Hifî. nau
Bot. ) arbufte de la nouvelle Efpagne ,
que l'on défigne dans de cerraines provin-
ces fous le nom de cocochiatli. Il a com-
munément deux pies de haut ; fes tiges
font minces & épineufes ; fes feuilles font
divifées en fîx parties ; fes fleurs rclîem-
blcnr à celles du châtaignier , &: fon fruit
qui forme de petites grappes , reflemble
à la châtaigne ; il eft verd d'abord , en-
fuite il devient rougeâtre. Cette plante a ,
dit-on , les propriétés de la fenfitive j elle
PI N
(ê conrracfte lorfqu'on la touche , ou même
lorfqu'on en approche.
P I N A R A , ( Géogr. anc. ) i°. ville
d'Afie , dans la Lycie. Strabon , qui la
met dans les ferres au pié du mont Cra-
gus , dit que c'étoir une des plus grandes \
villes de la Lycie j Etienne le géographe
la place mal-à-propos dans la Cilicie. Les
habitans de cette ville ctoient appelles
Pinaretce.
1°, Pinara , ville de la Caeléryrie , dans
la partie feptentrionale , fur le Gindarus ;
car la Caeléfyries'étendoitjufques-là , félon
Pline , liv. V , ch. xxiij. Ptolomée /. V ,
ch. XV , la place dans la Piérie de Syrie.
{D.J.)
PINARIENS, f. m. Pinaril , (Anùq.
rom. ) prêtres d'Hercule. Ils furent ainfi
nommés octtI TÎïf •Trrvnç , à famé , pour mar-
quer qu'il ne leur étoit pas permis de
goûter aux entrailles des viélimes , dont
les feuls Potitiens avoient droit de manger;
& cela en punition de s'être trouvés trop
tard aux facrifices , dont Hercule leur
avoit donné le foin : cette punition fut
donc l'effet de leur négligence.
Enfin , le facré miniftere cefTa dans ces
deux ordres de prêtres -, car du temps de
Denis d'Halycarnafle , c'étoient des efcla-
ves achetés des deniers publics , qui
avoient foin des facrifices d'Hercule. Voici
la caufc de ce changement , rapportée par
Tite-Live , //>. IX de fon hiftoire.
Tandis que Claudius Appius faifoit les i
fondtions de cenfeur , il engagea les Po-
titiens à fe décharger du loin des facri-
fices dont- ils étoient les miniftres , ôc à
l'infiruire des cérémonies dont ils avoient
feuls la connoifîance ; mais il arriva , dit
l'hiftorien latin , que la même année , de
douze branches dont étoit alors compofée
la famille des Potitiens , il mourut trente
perlbnncs toutes en âge d'avoir poftérité ,
& que toute la race fut éteinte. Appius
lui-même , pour avoir donné ce confeil ,
devint aveugle ; comme fi Hercule eût
voulu venger fur Appius , & fur tous les
Potitiens , le mépris qu'ils avoient de fes
facrifices , en les remettant en d'autres
mains. (D.J.)
PINASSE , f. f . ( Marine. ) c'efl un
•bâtiment fait à pouppe quarrée , dont Tori-
PIN 535
gine vient du nord , & qui eft fort en ufagc
en Hollande. On croit qu'on l'a appelle
ainfi de pinajfe , pin. , à caufe que les
premières pinajfes ont été faites de pin.
Comme le vaifTeau de 134 pies de long ,
de l'étrave à l'étambort , dont les propor-
tions fe trouvent ici fous chaque mot de
conftrudtion , ou de membresde vaiifeaux ,
efl une pinajfe , il n'eft pas befoin d'en
donner encore d'autres devis.
Pinajfe , c'efl un petit bâtiment de Bif-
caie , qui a la pouppe quarrée : il eft long ,
étroit , léger ; ce qui le rend propre à la
courfè , à faire des découvertes , & à
defcendre du monde en une côte ; il porte
trois mâts & va à voiles & à rames.
PINCE, f f . ( outil. ) gros levier de
fer rond , de quatre pies de long & de deux
pies de diamètre , coupé d'un côté en
bifeau , pour lui donner plus de prife &
d'entrée dans les joints des pierres , ou
autres matières , qu'il fert à remuer , à
disjoindre , & à démolir.
Il y a auflî de petites pinces qui fer-
vent feulement à mettre en pl4||^ des
ouvrages de menuiferie , de charpente ,
ou ceux des marbriers 8c des tailleurs de
pierre. Les pinces qu'on appelle pies- de-
chèvre , font courbées & refendues par
le bout ; en forte qu'elles ont affez la
figure du pié de l'animal dont elles ont
pris le nom. Plufieurs ouvriers fe fervent
de la pince , entr'autres les mviçons , char-
pentiers , paveurs , tailleurs de pierres ,
carriers , ùc.
Ce font les taillandiers qui font & qui
vendent les pinces , quand elles font
grofles ; les petites fe font par les lerru-
riers : il s'en trouve aufTi dans les bouti-
ques de chncaillers. Savary. {D. J.)
Pince 5 ( Art milit. ) inflrument de
mineurs ; ils en ont de plufieurs fortes. •
La pince fimple , qui a la pointe droite
ou courbe ; la pince à talon ; la pince à
pié-de-biche , noms qui viennent de la
figure de la pince. Ils ont encore une
pince y qu'ils appellent pince à main , ainfî
dire , parce que dans le milieu de la bâfre ,
il y a comme un nœud pour arrêter la
main. {D. J.)
Pinces , ( outil d'ArquehuJïer. ) Ces
pinces font exademcnt faites comme ks
P3^ P 1 N
pinces des ferruriers , ùc. les arquebufiers
s'en fervent pour plufieurs ufages , Sc en
onc de rondes & de plates.
Pince à drejfer les aiguilles , voyez
l'article Métier a bas , au mot Bas.
Pince , inftrument dont les bourreliers
fe fervent pour afl'ujecïir les cuirs dans le
temps qu'ils ies coufent.Cet inftrumenteft
de bois & compofé de deux pijsces : la
première a environ trois à quatre pies de
longueur , eft arrondie par en bas , ôc ter-
minée en pointe , Ôc large & applatie par
en haut. La féconde partie qui n'a guère
qu'un pie ôc demi de long , s'enclave au
milieu de la première par une efpece de
charnière de bois , Ôc s'applique par en haut
fur le côté applati de la première. Pour
fe fervir de cet inftrument , l'ouvrier le
place entre fes jambes & entr'ouvrant les
deux parties de l'inftrument qui fe joignent
par en haut comme une véritable pince ,
il y pafle le cuir qu'il veut aflujettir y ôc
pour lors il tient l'inftrument bien ferré
eatrc fes genoux. On fe fert plus ordi-
nai^jpent de cet inftrumcnt pour piquer ,
ourler , ôc coudre les ouvrages les moins
grodîers des bourreliers.
Pince , en terme de Boutonnier , c'eft
une forte de tenaille à mâchoires creufes
ôc rondes , pour tenir les petits ouvrages
qui n'ont point de prife.
Pinces piates, terme 5" outil de
Chainetiers , qui leur fert pour tenir les
anneaux ôc chaînons qu'ils veulent fonder
ou qu'ils veulent limer. C'eft un outil de
fer de la longueur de cinq ou fîx pouces ,
compofé de deux branches enchâftées en
croiflant l'une dans l'autre environ aux
deux tiers , ôc arrêtées par un clou rivé ,
pour leur laifler le mouvement hbre de
s'ouvrir ôc de fe refermer j les branches
d'en bas forment une efpece de ventre
bombé en dehors pour les empoigner plus
commodément j ôc celles d'en haut font
plates ôc larges , ce qui forme une efpece
de tenaille. •
Pinces rondes , terme & outil de
Chainetiers , qui» leur fert pour donner
la figure fonde aux chaînons ou anneaux
qu'ils veulent faire. Elles ne différent en rien
6es pinces rondes dont plufieurs autres
ouvriers fc fervent.
P I N
Pince , ( Chaudronnier. ) Les pinces
des chaudronniers font des tenailles de
fer allez femblables à celles des ferruriers ,
maréchaux ôc taillandiers , mais beaucoup
plus petites. Ils s'en fervent pour tenir leur
ouvrage , lorfqu'ils ont befoin de le mettre
au feu.
Pince , outil de Cordonnier , c'eft une
efpece de tenaille de fer de dix à douze
pouces de longueur , dont la tête eft très-
mafîive , ordinairement de figure cubique,
ôc dentelée en dedans , en forte que les
dents d'un des cotés s'engrènent dans les
dents du côté oppofé. Cette p'/ice eft par-
ticulière aux Cordonniers , qui s'en fervent
pour mettre le foulier fur la forme , après
que l'empeigne ôc les quartiers ont été
cou fus.
Quand cette pince eft fermée , ils ulènt
ait la tête comme de marteau pour cogner
les clous à brocher , ôc des bouts des bran-
ches qui font fendus comme des tenailles
pour les retirer : mais fon plus grand ufagc
eft pour tirer le cuir &: l'étendre fur la
forme , Ôc , comme ils difent , pour le
brocher , c'eft-à-dirc , pour le bâtir , ôc le
mettre en état qu'on y coufe la femelle
dedans. La mafîc eft large ôc dentelée ,
afin qu'elle tienne fermement le cuir , fans
pourtant le pouvoir déchirer.
Ces pinces fe vendent par les marchands
de crépin. Les autres clincaillers en font
auftî commerce ; mais les cordonniers s'en
fournifîent plus volontiers chez les pre-
miers. Diciionn. de commerce. { D. J.)
Pince , terme de couturière , pli en
forme de pointe , qu'on fait fur divers
ouvrages , comme aux chemifes , man-
chettes , rabats , ùc, {D. J. )
Pinces rondes & plates , outil dp
Ferblantier. Ces pinces font faites comme
les pinces de bien d'autres ouvriers qui
s'en fervent. Les premières font les te-
nailles plates 3 ôc les fécondes les tenailles
rondes.
Pinces longues , rondes , outil de
Ferblantier , ce font deux morceaux de
fer en croix , comme des cifeaux , atta-
chés au milieu avec un clou, rivés de façon
que cela forme des pinces. Les branches
d'en haut font rondes ôc fînifïènt en pointe
ôc celles d'en bas font plates j elles fervent
aux
PI N
aux cordonniers pour goudronner & can-
neier les lampions.
Pince , terme de Fondeur , c'eft le
bord ou l'extrëraité inférieure de la clo-
che , fur lequel frappe le battant. {D. J.)
Pinces rondes 6* plates , omiU
de Gainier. Ces pinces font exadement
faites comme les autres pinces dont tous
les autres ouvriers fè fervent , comme
par exemple celles des chaînetiers , fer-
blantiers , ùc.
Pinces ou Pincettes. Cet outil
dont les horlogers fe fervent pour tenir
différentes pièces , ou agir fur elles avec
plus de commodité , eil compofe de deux
branches mobiles fiir un centre ; les cx-
trémicés de c^t inlîruraent font taillées &
trempées fort dur. Ces tailles fervent à taire
autant de petites dents qui y s'engageant
dans la pièce qui eft contenue dans ces
extrémités , font qu*on la tient avec plus
de force que fi elles étoient liffes.
Pince , {Maréchal.) c'cft dans le pié
des chevaux l'arrête que la corne lait aux
pies de devant , & qui efl comprife entre
les deux quartiers. On broche plus haut
k la pince à^s pies de devant qu'à ceux
de derrière , parce que la corne ou la
pince efl plus forte ; & qu'en brochant
haut , il y a outre cela moins de danger
de rencontrer le vif.
Pinces font auffi quatre dents de devant
de la bouche du cheval , qu'il poufîè entre
deux ou trois ans , & dont deux (ont à la
mâchoire fupérieure & deux à l'intérieure.
Pinces de bois, font parmi les Or-
fèvres en gros y des pinces de bois dont
ils fe fervent pour tirer les pièces d'or-
fèvrerie du blanchiment , parce que le
fer rougiroit l'argent & gâteroit le blan-
chiment.
Pince , outil de PaJJememier ^ petit
inftrument de fer , en forme de tenailles
pointues , dont fe fervent les pafîemcn-
tiers-boutonniers, pour redrefler les fleurs
de leurs campanes , & autres femblables
ouvrages. {D. J.)
Pince , inftrument de Paveur ^ barre
de ter ronde & prefque grofle comme le
bras , grande d'environ trois pies , & poin-
tue par le bout, dont les paveurs fe fer-
vent pour arracher le pavé. (D,J.)
Tome XXV,
PIM 5,57
Pince, outil de Relieur ^ outil en
'forme de tenaille de fer ; le mors de cette
petite tenaille , c'efl:- à - dire , l'endroit
par où elle pince , eft plat. On s'en fert
pour pincer les nervures ; ce qui fe fait ea
approchant avec la pince de chaque côté
dci nerfs , les ficelles dont le livre eiè
fouetté. (Z>,/.)
Pinces , inflrument du métier des
étojfes de foie. Les pinces font un -petit
outil de fer à deux branches repliées l'une
contre l'autre 'y bien limées , & qui fe ren-
contrent Julie lorfqu'on appuie les doigts,
pour les ferrer ; elles fervent à nettoyer'
les étoffes , à meiure qu'elles le fabriquent,
ou quand elles (ont fabriquées.
La pince eft encore un outil propre à
couper le poil du velours , à mefure qu'il
fe fabrique.
Pinces, en terme de Tabletier-Cor^
netier, fe dit de grofTes tenailles dont les
ferres font plates , qui Ibnt attachées à un
banc ou à un établi. Elles fervent à tenir le
galin dans la marmite où on l'a mis pour
le mollifîer , pour l'étendre & pour l'ou-
vrir. Voye^ Mollifîer , Etendre &
Ouvrir. Ces pinces font tenues fermées
par le moyen d'une traverfe percée de plu-
iieurs trous, dans lefquels une des extré-
mités pafîe. Ces trous font faits de difîancc
en difîance , pour que les pinces refient
plus ou moins ouvertes félon l'épaifTeur de
la pièce qu'elles tiennent.
Pinces , f. f. pi. ( terme de Chaffe. )
les chafTeurs nomment pinces les deux
bouts des pies des bêtes fauves. L'ufura.
de leurs p//2Cfj prouve que la bête efl vieille.
PINCÉ , ( Mujjque. ) forte d'agrément
propre à certains inflrumens , & fur-tout
au clavefîîn : il fe fliit , en battant alter-
.nativement le Ion de la note écrite avec
le fon de la note inférieure , & obfervant:
de commencer & finir par la note qui
porte le pincé. Il y a cette différence du
jDz/îi'f' au tremblement ou trill, que celui-ci
fe bat avec la note fupérieure, & le pincé
avec la note inférieure. Ainfi le trill lur m
fe bat fur Yut & fur le re , & le pincé fur
le même ut fè bat fur Wit & fur le fi. Le
pincé ti\ marqué , dans les pièces de Cou-
pcrin , avec une petite croix fort ferabln-
ble à celle avec laquelle on marque le trill ^
Cccc c c
P38 PIN
dans la mufique ordinaire. Voy. les ftgnes
de l'un & de l'autre , à la tête des pièces
de cet auteur. {S)
PINCEtU de mer, {Hifl. nat.)
jnfeile de mer mis au rang des zoophyies.
Il relîlmble beaucoup par fa forme aux
pinceaux des peintres : il a une forte de
tuyau dur qui tient aux rochers de la mer
par un ligament mou & lâche ; la lubllance
intérieure de ce tuyau eii: charnue & jaune
ordinairement , & quelquefois d'une autre
couleur. Rondelet , hijh des Zoophytes y
ehap.v. Voyei INSECTE.
Pinceau, terme & outil de CeintU'
rier y qui fert à pofer la colle fur leur ou-
vrage. Ce pinceau ell de foie de cochon ,
de la groffeur environ d'un pouce y em-
manche d'un morceau de bois de la lon-
gueur de fix pouces.
Pinceau à goudronner y ( Marine. )
c'eft un pinceau de foie de cochon ; il eil
emmanché de côté , & fert à goudronner
le vaiflèau , les mâts & les vergues.
Pinceau , nom général qu'on donne à
tout inftrument dont les peintres le fer-
vent pour appliquer leurs couleurs.
Ce mot vient du mot latin penicillus ,
peniculus ou penicillum y qui lignifie la
même chofe. Il y a des pinceaux de diffé-
rentes efpeces & de différente matière.
Ceux dont on fe fert plus ordinairement
font du poil de la queue d'un animal ap-
pelle petit-gris y efpece d'écureuil. On en
fait de queues de blaireau , du putois , du
poil de chien ; on en fait de foie de porc,
de fanglier , qu'on appelle brojfe. Les pin-
ceaux & broffes font renfermés par un bout
dans des tuyaux de plume , & le bout des
pinceaux fe termine en pointe. Lorfqu'on
veut de grolfes broffes , on les fait , ainfi
que les petites , avec de la foie de porc ;
mais ne pouvant les enfermer dans un feu!
tuyau de plume, on en ouvre plufieurs
dont on les enveloppe en les affujettiffant
avec une ficelle ; & quelquefois on lie la
foie de porc autour de l'un des bouts d'un
bâton appelle manche ou hampe. On fait
encore une efpece de pinceau ou brofle
plate , de poil de porc appelle tranchit ,
<}ui fert beaucoup dans l'architeûure &
dans les grands ouvrages. Les pinceaux
pour la mignature font faits de la même
PIN
manière que ceux pour peindre à l'huile ,
à cela près que leur pointe elt plus
aiguë.
Pinceau , fe dit auffi en parlant des ou-
vrages d'un peintre. Ce peintre a un beau
pinceau y un pinceau lavant. Ce n'eft pas
là de fon pinceau y je reconnois Ion pin-
ceau y &c.
Pinceau indien , ( Invent. chi~
noife. ) les pinceaux indiens ne font au-
tre choie qu'un petit morceau de bois de
bambou , aiguifé & fendu par le bout à un
travers de doigt de la pointe. On y attache
un petit morceau d'étoffe imbibée dans
la couleur qu'on veut peindre fur de la
toile , & qu'on prelî'e avec les doigts pour
l'exprimer. Celui dont on fe fert pour
peindre la cire ell de fer , de la longueur
de trois travers de doigt , ou un peu plus.
Il qÛ mince dans le haut , & par cet endroit
il s'infère dans un pe?it bâton qui lui fert
de manche \ il ell fendu par le bout , &
forme un cercle au milieu , autour duquel
ou attache un peloton de cheveux de la
grofleur d'une mufcade ; ces cheveux s'im-
bibent de la cire chaude qui coule peu-
à-peu par l'extrémité de cette efpece de
pinceau.
Pinceau, f m. {terme de Relieur.)
forte de brolfe compofée d'un manche de
bois & de poil de ianglier ou de cochon»
Les relieurs s'en fervent pour coller &
jafper.
Pinceaux de Flandre, en terme
de Vergetier^ ce font des pinceaux qui
viennent de ce pays , & qui ne font liés
que par deux liens feulement. Ces pinceaux
ne iont plus recherchés , comme ils l'é-
toient autrefois ; les ouvriers de Paris en
font qui les valent pour le moins , & qu'on
.leur préfère.
Pinceau , ( outil de VerniJJeur. ) Les
vernilfeurs le fervent de pinceaux fort
petits & ronds, comme les peintres , pour
deliiner & former des figures & des pay-
fages fur leurs ouvrages. Ils en ont de plus
particuliers avec lefquels ils vernilfent ; ils
font plats , larges d'un bon pouce , épais
de fix lignes, dont la barbe eft en.châlfée
avec du fer blanc & un petit manche de
bois rond : le poil de ces pinceaux ell de
poil de petit-gris & de poil de blaireau.»
PIN
PINCÉE y Cf. ( terme de Médecine. )
^ft la quantité de fleurs , de graine , on
autres llibllances fcmblahles , qui peu-
tenir entre deux ou trois doigts , le pouct
& le fuivant ou les deux fuivans.
Ce mot vient du latin pugiîlus , qui
fignifie petit poing. C'eft la même choie
que pincée.
Le pugille efl: eftimé la huitième partie
de la poignée, quoique quelques-uns Co*n-
fondent pugille avec poignée.
PINCELIER , {'. m. (Peinture.) baffin
oblong ou quarré , d'environ fix pouces de
long , qui efl de fer blanc. Il a une tra-
verie qui excède un peu (es bords , fur
laquelle les peintres nettoient leurs pin-
ceaux avfc de l'huile, en les faiiant pal-
ier fur cette traverfe , & appuyant le doigt
deûus.
PINCER, V. aâ. (Gramm.) en géné-
ral c'eft ferrer avec le bout des doigts. Les
oifeaux pincent avec leurs becs ; les écre-
vifîès avec leurs pattes ; les ouvriers avec
des tenailles. On pince les cordes d'un
luth , &c. Il fe prend aulli au figuré , &
l'on dit d'un homme qui raille finement ,
qu'il pince fans qu'on s'en apperçoive.
Pincer le vent, (Marine.) c'eft
aller au plus près du vent , cingler à fix
quarts de vent près du rhumb d'où il vient.
Fby^;^ Ranger.
Pincer, Pincement, (Jardinage.)
pincement , en terme de Jardinage , eu
l'adion d'arrêter par les bouts tous lesbour-
, gcons de la poulî'e d'une année, lorl'qu'ils
font parvenus à une certaine longueur. On
appelle pincement cette opération , parce
qu'on le fert des deux ongles du pouce &
de l'index pour rogner le bout des branches
qui s'échappent trop.
On n'eii pas bien d'accord fur la nature
^es bourgeons pour le pincement y ni même
fur les effets , ni fur les raifons de pincer
le bout des branches. Les uns prétendent
par l'on moyen empêcher les bourgeons de
s'étroler , c'clî-A-dire de s'alonger trop en
reliant toujours fort menus ; & on préteac!
faire fortifier par-là ki bourgeons. D'au-
tres pratiquent le pincement à deiîein d'ar-
rêter la fève , & de rcmf")êcher de s'eir.
porter vers le haut. Il en eft d'autres en-
core qui s'en ièrveat dans la vue de faire
PIN 939
ouvrir les yeux d'en bas à deflèin de le»
faire drageonner.
Le pincement eu en ufage univerfelle--
:Ticnt dans le jardinage , pendant les mois
d'avril , mai &: juin. Il ne doit fe faire
que fur les grofîès branches d'en haut , &
jamais fur les foibles , ni fur celles d'ea
bas , qu'il eÛ effenticl de conferver afia
qu'elles en produifent d'autres pour rem-
placer les endroits fujets à fe dégarnir. S'il
en vient de chiffonnes & de gourmandes ,
on les retranchera entièrement.
Préfentement on regarde le pincement
comme la caufe la plus meurtrière des
arbres, & la fource de leur infécondité;
on l'avoit pratiqué fans aucun examen &
par la force du préjugé. On eft convaincu
par les expériences , que l'on ne peut éle-
ver en pin font de beaux arbres qui don-
nent long-temps des fruits. Cette opération
détruit le méchanifme de la végétation par
la fupprefîion de la cime du bourgeon ,
laquelle eft un des organes ou une partie
organique la plus nécelîaire de l'arbre pour
l'adion de la levé. Il ne faut pincer les
arbres que dans un feul cas , c'eft quand
on veut faire drageonner un arbre , c'eft*
à-dire , le faire pouffer par le pié : alors
cette opération devient d'une neceflifë
indifpeniable. On pincera avec l'ongle les
orangers & les autres arbres de fleurs dans
les deux pouflês , pour ôter les jets foibles ;
& on ne laiffera point emporter les bran-
ches qui poufîent trop ; on les coupera
d'une longueur convenable à la forme & à
la rondeur de l'arbre , qui efl la principale
chofe que l'on doive oblèrver en taiÙant
les orangers.
Ne pinc€7^ point la première année les
orangers étêtés , parce qu'ils ont befoin de
toute la longueur des branches pour former
promptcment une nouvelle zete.
L'ébourgconnement qu'on a trouvé ^
ion article, tient \\eu de pincement , &
fl infiniment meilleur. Voye^ Ebour-
jeonnement.
Pincer , (Maréchal.) c'eft approcher
ielioarcment l'éperon du flanc du cheval
"ans donner de coup ni appuyer. Le pincer
\\ une aide, & appuyer un chatimenr.
^incer du droit, pincer du gauche, pincer,
Jes deux. Loriqu'on a pincé un ciieval , il
Ce cccc 2,
$40 P I N
ne faut pas laillèr Téperon dans le poil ,
mais le retirer d'abord.
Pincer , en terme de Planeur ^ c'efl
proprement l'adion de former l'angle qui
va fout autour d'une pièce de vaiflelle au
defilis du bouge , fous la marlie. Voye\
Arrête.
Pincer un livre ^ [terme de Relieur)
c'eft approcher avec de petites pinces de
fer de chaque côté des nerfs qui font au dos
d'un livre, les ficelles qui n'en font pas
afîez proche quand on l'a fouetté.
Pincer., (Mujique.) C'eft employer
les doigts au lieu de l'archet pour faire
ionner les cordes d'un infîrument. Il y a
des inflrumens à cordes qui n'&nt point
d'archet , & dont on ne joue qu'en les
pinçant ; tels font le ciflre , le luth , la
guitare : mais on pince auffi quelquefois
ceux où l'on fe fert ordinairement de l'ar-
chet , comme le violon & le violoncelle ; &
cette manière de jouer , prefque inconnue
dans la mufique françoife, fe marque dans
l'itahenne par le motpi\^ifato. (S)
- PINCETTES , f. f. plur. ( omil d'Où-
rriers.) infîrument de fer poH , corapofe
PIN
pofees de deux petites lames foudees fie
unies par un bout, qui s'écartent l'une de
l'autre par leur propre reflort , & qui fe
joignent à leurs extrémités en les ferrant
avec les doigts ; elles fervent à foutenir
les parties délicates qu'on veut difîéquer.
Voje^ en la figure dans Habicot , Lyfer ,
& aut.es.
Pincettes, injîrumem de Chirurgie ,
dont on fe fert pour panier les plaies , les
ulcères, les fiftules , introduire dans leur
fond les parties d'appareil qu'on ne fauroic
y mettre avec les doigts , \i:s en ôter dans
le beloin , ou même en tirer les corps
étrangers. Il y a plufieurs fortes de pin-
cettes ,• celles qui font à anneaux font le
plus en ufage.
Elles iont compofées de deux branches
unies enfemble par jondion palTéc , ce
qui rend une branche mâle & l'autre
femelle. V. JONCTION PASSÉE , terme
de Coutellerie.
Le corps ou milieu des pincettes qui efl
formé par Tunion des deux branches , les
partage en partie antérieure , & en partie
poflérieurc. La partie antérieure des pin~
d'une xètt y d'un bouton , de deux bran- cettes eft ordinairement appellée bec. Il
ches & d'une pjtte. commence à la partie antérieure de la
jondion paffée , & fe continue l'efpace
Ce font encore de petites tenailles , \qs
unes {impies , & les autres à reflbrt , dont
fe fervent divers ouvriers pour placer les
différentes pièces de leurs ouvrages , qui
iônt trop petites pour être mifes à la main ,
comme font les goupilles , les petites vis
& autres femblables , particulièrement
dans Thorlogerie. Les deux branches de
ces tenailles font courbées en demi-cercle
pour donner plus de force & de tenue au
mors lorfqu'on les prefle. A l'égard du
mors , il efl toujours étroit & fans cour-
bure ; mais aux unes plat & quarré , & aux
autres plat & pointu.
Les joailliers fe fervent aufïi de pincettes
très-fines pour prendre les pierres précieu-
i&s qui font d'un très-petit volume , &
les ranger, fur les deffins des diverfes pie-
ces de joaillerie qu'ils veulent monter.
Il y a des pincettes qui fervent à arracher
le poil & la barbe. On les appelle autre-
l'Uent pinces. {D. J.)
Pincettes^ diJPéquer , {Inflrument
anatom,) ces ionisât pincettes font com-
de deux ou trois pouces , pour fe termi-
ner par une extrémité fort moufïè & fort
arrondie.
L'extérieur des branches qui compofènt
ce bec , eff exaâeraent poli & arrondi
dans toute fa longueur , & va infenfible-
ment en diminuant jufqu'à l'extrémité , où
il eff mouffe. L'intérieur au contraire efl
applaci depuis la jonâion paflée jufqu'à l'ex-
trémité de chaque branche , où l'on remar-
que des inégalités différentes , fuivant \ts
divers ufages des pincettes : mais outre le
plane de chaque branche , elles font en-
core un peu courbées dans leur miheu ;
ce qui fait que la pincette étant fermée »
on voit un petit efpace entre chaque bran-
che , qui s'efiace à mefurc qu'il approche
de l'extrémité du bec ; cette courbure efl
néceffaire , pour que l'extrémité du b^
pince exaélement.
Les pincettes ont ordinairement des iné-
galités tranfverfales & parallèles à la partie
interne de leur extrémité antérieure ; mais
PIN
par ce moyen elles ne font propres qu'au
pànfement dss ph'ies : ù l'on y pratiquoit
des cavités longuettes , & qu'on fît garnir
ces cavités de petites dents , ces pincettes
n'en feroient pas moins propres au paniè-
ment des plaies ; & cette ftrudure les
rendroit en outre fort efficaces pour l'ex-
traûion des corps étrangers. C'eft une re-
marque de M. Garengeor, dans Ton traité
d'injirumens ,ii V article des pincettes.
La partie pofîérieure des pincettes eft à-
peu-près de la même flrudure que la partie
pofîérieure des cifeaux, voye^ CISEAUX ,
à la différence que l'anneau efl: plus petit ,
&c le manche plus arrondi. Voye\lafig./l..
Planche I.
Les dimenfions de ce manche , y com-
pris les anneaux , font de deux pouces de
longueur , lefquels joints avec le corps ou
le milieu qui a neut lignes , & la lice qui
cft de deux à trois pouces , tont à-peu-
près la longueur d'environ cinq pouces &
demi.
PiNCETTE A POLYPE , /a , diffère peu
de celle que nous venons de décrire. L'ex-
trémité pofîérieure efl un peu plus lon-
gue, étant de trois pouces^ y compris
l'anneau ; l'union eft toute la même chofe
par jondion paffée ; mais leur bec ell diffé-
rent ; il ell très -légèrement arrondi en
dehors , & plat en dedans , & va toujours
en augmentant peu à peu , pour fe termi-
ner par une extrémité fort moulTe.
On pratique à l'extrémité du bec deux
petites fenêtres: ces ouvertures ont quatre
lignes de hauteur fur deux lignes & demie
de diamètre ; enfin le bec a un pouce neuf
lignes de long fur près de quatre lignes de
lâi'gc » & hpincette n'a en tout qu'un demi-
pié de longueur. Voje:{'PoLYTE.
Il y a des pincettes courbes & beaucoup
plus longues pour tirer les polypes du nez
par la bouche.
M. Levret a imaginé des pincettes pour
la ligature des polypes : elles ont à leur
bec de petites poulies dans l'épaiffeur
de l'extrémité du bec. Voye^ POLYPE
UTÉRIN.
• Pincettes anatomiques, infîru-
ment compofé de deux petites lames fou-
dées & unies par un bout , qui s'écartent
Tune & l'autre par leur propre reflbrt , &
PIN 5,4r
qui fe joignent à leur extrémité , en les
ferrant avec les doigts.
Cet inïîrument a ordinairement quatre
pouces de longueur, cinq ou- fix lignes de
large à la ba'iê de chaque branche qui va
toujours en diminuant de largeur , & aug-
mentant un tant foit peu d'épa; fleur.
Ces branches font entourées extérieure-
ment d'un petit bifeau , & elles ont de
petites inégalités tranfveriales à leur partie
inférieure & inférieure ; ce qui fait qu'elles
ferrent plus exadement. J^oye\ la fig. ^.
Planche I.
L'ufage de ces pincettes efl de foulever
\ts parties délicates qu'on veut difîequer.
Elles font aufîi très-utiles dans les panfe-
mens des plaies , & n'effraient point \ç.s
malades , comme les pincettes à anneaux
qu'ils craignent , parce qu'elles reffemblent
à des cifeaux. (1^)
Pincettes à argenter & dorer, font
des efpcces de bruxelles d'cbene , dont
les doreurs fur cuir le fervent pour pren-
dre les feuilles d'or ou d'argent , & les
appliquer fur les ouvrages : à l'extrémité
où les deux branches fe joignent y efl
attaché un morceau de queue de renard ,
dont l'ufage eu d'appliquer les feuilles fur
l'affiette dont la peau eft peinte.
^PINCHINA, f. m. (Draperie.) forte
d'étoffe de laine non croifée , qui eff une
efpece de gros & fort drap qu'on fabrique
à Toulon ; leur largeur eff d'une aune , &
la longueur àes pièces efl de vingt & une
à vingt-deux aunes, raefure de Paris. Il
fe fait des pinchinas tout de laine d'Ef-
pagne , & d'autres entièrement de laine
du pays.
PINÇON ,QUINCON , GRINSON ,
FRINGILLANNE , ï. m. ( HiJÎ. natur.
Ornit. ) fringilla , oifeau qui efl un peu
plus petit que le moineau , & qui pefè
prefqu'une once. Il a le bec fort & pointu ;
l'extrémité & la aiece fupérieure font
brunes , la pièce infarieure efl blanchâtre.
Le mâle a la tête blanchâtre , excepté
derrière les narines où les plumes font
noirâtres. Le dos a une couleur roufîe
mêlée de cendré ou de vtrd ; la poitrine
ell rougeâtre , & les plumes du deflbus de
la queue font, blanchâtres. Les couleurs
de la femelle font plus pâles ^ elle a
5+t PIN
cependant le croupion verd , comme le
maie; mais la couleur du dos e(î moins roul-
fe • le basrvenrre a une couleur brune mê-
lée'd'une teinte de verd , & la poitrine cÛ
d'une couleur laie & obfcure.
Il y a dix-huit grandes plumes dans
chaque aile ; elles ont toutes , excepté les
trois premières, la racine & les barbes
intérieures blanches; les bords extérieurs
font au contraire jaunâtres , ou plutôt ver-
dâtres. On diftingue ailément le mâle de
la femelle , par les plumes de la bafe de
l'aile qui l'ont bleuâtres ," & par une tache
blanche qui fe trouve fur la partie fupé-
rieure de l'aile ; au delfous de cette tache
il y a un efpaCe noir , & plus bas , une
longue bande blanche qui s'étend fur la
pointe des petites plumes de l'aile , depuis
ia quatrième juîqu'à la dixième. La partie
de la bande qui pafle liir la pointe , efl
d'un blanc jaunâtre : la queue a un peu
plus de deux pouces de longueur, elle efî
compolée de douze plumes ; l'extérieur de
chaque côté a la racine & la pointe noires .
feulement du côté extérieur du tuyau, L'ef-
pace intermédiaire ert bîanc; les plumes
qui (ijivent n'ont de blanc qu'à la pointe ,
& du côte extérieur du tu) au ; les trois
fuivan'es de chaque côté font noires en
entier; enfin les deux du milieu ont une
couleur cendrée^ à l'exception des bords
qui lont verdâtres- Les pinsons aiment le
froid ; cependant quand il efi grand , ils
en font iiicommodés. Willughbi , Ornithol.
Voyei^ Oiseau.
Pinçon des Ardennes. /^.Pinçon
jïontÂin.
FlîsÇONDE MER. Kqyq PeTREL.
Pinçon mon tain , Pinçon des
Ardennes , Pinçon de montagne,
fringiUa montana , feu monù-fringilla ^
oiieau qui d\ à-peu-près de la grofîeur du
ïïioineau : il a le bec grand , droit , fort ,
&" de figure conique, i^emâlea les plumes
de la tête & du cou jufqu'au milieu du dos,
d'un berai noir luifant , comme celles de
l'érourneau : le bord des barbes de chaque
plume eft d'un cendré rouflâtre. La partie
intérieure du dos & de la poitrine eft
blanche ; la gorge a une couleur jaune
rouflâtre, & celle des plura^ du derrière
d<? l'ainus eft rouiTe: \çs plumes fupérieu-
P I N
vzs du pli de 'l'aile ont une belle couleuf
orangée ; celles de defîbus font d'un beau
jaune.
La femelle au contraire a la tête de
couleur roulîe ou brune mêlée de cendré ;
le cou cfi: cendré ians mélange d'autre
coukur; les plumes du dos ont le miheu
noir & les bords de co-uleur cendrée rou{-
fâtre ; la gorge efl: moins roufîe que celle
du mâle , 6c les plumes du pli de l'aile n'ont
point d'orangé ; en général toutes les cou-
leurs de la temeile (ont plus pâles que celles
du mâle. Les grandes plumes extérieures
de l'aile font rouflès , & les intérieures
noires , à l'exception des bords qui l'ont
roux. La quatrième plume & les Jept ou
huit qui fuivent , ont une tache blanche
fur le côté extérieur du tuyau , à l'endroit
où touchent les pointes des plumes du fé-
cond rang. La queue elî noire ; la plume
extérieure de chaque coté a toujours le
bord extérieur des barbes blanc , & quel-
quefois auili celui àcs barbes intérieures :
ies couleurs de cet oifeau varient. Willug.
Omit. Voyei OiSEAU.
Pinçon royal. Voye^ Gros
B E r*
PJNÇURE , f. f. terme de Drapier,
petit faux pli que les draps prennent quel-
quefois au foulon.
PINCZOW, (GfbgT.) ville de la haute
ou petite Pologne , dans le palatinat de
Sandomir ; elle appartient à titre de raar-
quifat aux comtes de vvielopolski ,& ren-
ferme entr'autres un gymnale ; fon terri-
toire ell fort étendu & fort riche. Ce tut là
que Charles XIÏ gagna fur le roi Augufle
la bataille autrement appellée de CliJJno^
{D. G.)
PINDAIBA , f. f. {Bot. exot.) c'efl le
nom qu'on donne dans le Bréfil au genre
de plante que les botanilles appellent cap-*
Jkura. Voye\ PoiVRE DE GuiNÉE. Bot,
{D. /.)
PINDARIQUE, adj. {Litt.) en poéfîe,
fe dit d'une ode à l'imitation de celle de
Pindare. Voye-^ OdE.
Le fîyle piRclarique fe diflingue par la
hardieffe & la fublimité des tours pocti-
,ques , par les tranfitions frappantes & in-
attendues, par des écarts , des digreflions ,
ea yn mot, cet enthoufiafme & ce beain
PIN
défordre , dont M. Defpréaux a dit en
parlant de l'ode :
Son flyle impétueux fouvcnt marche
au hafard j
S oui' e m un beau déf ordre ejl un effet
de fart.
Pindare, de qui le ûyle pi ndari que a tiré
fon nom , étoie de Thebes ; il floriflbit
environ 478 ans avant Jefus-Chrifl, & fut
contemporain d'Efchyle , d'Anacréon , &
d'Eurypide. Quand Alexandre le Grand
ruina la ville de Thebes, il voulut que la
mai fon où ce poëte avoit demeuré fût
conlervée.
De tous les ouvrages de ce poëte , il ne
nous refle qu'un livre d'odes faites à la
louange des vainqueurs qui remportoient
le prix aux jeux publics de la Grèce : aufîî
font-elles intitulées les olympiques y les
neméenes , les pythyques , les ifthmiques.
Le nom de Pindare n'eft guère plus le nom
d'un poëte , que celui de renthoufiafme
même. Il porte avec lui l'idée de tranf-
ports , d'écarts , de défordre, de digreflîons
lyriques ; cependant il fort beaucoup moins
de Çts fujets qu'on ne le croit communé-
ment ; fes penfées font nobles , lentencieu-
ïts , fon flyle vif & impétueux, (çs faillies
font hardies ; mais quoiqu'il paroiffe quel-
quefois quitter fon fujet , il ne le finit jamais
ians y revenir.
Les poëmes de Pindare font difficiles
pour, plufieurs raifons ; i**. par la grandeur
même ^qs idées qu'ils renferment; 2°. par
la hardieiTc des tours ; 3°. par la nouveauté
éts mots qu'il a fouvent fabriqués exprès
pour l'endroit où il les place ; & enfin
parce qu'il eft rempli d'une érudition dé-
tournée , tirée de l'hiftoire particulière de
certaines familles &; de certaines villes ,
qui ont eu peu de part dans les révolutions
connues de l'hiiloire ancienne.
Les hard^ielTes qui régnent dans Çqs odes ,
& fur-tout l'irrégularité de fa cadence &
de fon harmonie , ont fait imaginer à quel-
ques poètes qu'ils avoient fait à^s odespin-
dariques , parce que leurs vers fe reflen-
toient du même délire ; jft»ais le public n'en
a pas jugé de même Cowley eft de tous
les auteurs anglois celui qui a le mieux
réulH à imiter Pindare.
P I N 945
Dans la compofition d'une oàtpindan-
que y le poëte doit d'abord tracer le plaa
général de la pièce , marquer les endroits
où les faillies élégantes & les efforts d ima-
gination produifent un plus bel effet , &
enfin voir par quelle route il pourra re-
venir à fon fjjet. V. Enthousiasme.
PINDE, LE {Ge'ogr. anc.) montagne
de la Grèce , fort célébrée par les poètes ,
parce qu'elle étoit confacrée aux Mufes : ce
n'etoit pas proprement une montagne feule ,
mais une chaîne de montagnes habitées par
différens peuples de l'Epire & de la Thef-
falie , entr'autres , par les Athamanes, par
[qs Àétiches , & par les Perrhebes. Elle
féparoit la Macédoine , la ThefTalie , &
l'Epire. Le Pinde , dit Strabon , lit'. IX.
efl une grande montagne , qui a la Macé-
doine au nord , les Perrhebes au couchant,
les Dolopes au midi , & qui étoit comprife
dans laThelTalie. Pline, lii'. IV y ch.j ^
la place dans l'Epire. Pour accorder ces
deux auteurs il fuffit de dire que h Pinde
étoit entre l'Epire & la Thefîkhe , & que-
Us peuples qui l'habitoient du côté de
l'Epire étoient réputés Epirotes , comme
ceux qui l'habitoient du côté delà Thefîa-
lie étoient réputés Theflaliens. Tite-Live , .
lii're XXXII y nomme cette montagne
Lyncus ; & Chalcondyle , de même que
Sophien, difent que le nom moderne elt
M.e\7^ovo.
2,°. P indus était encore une ville de
Grèce , dans la Dorique , feloa Pompoaius
Mêla , liv. Il y ch. iij,
3°. P indus efl aufli le nom d'un fleuve
de Cilicie , près la ville d'IfTus.
4®. C'eft le nom d'une rivière de l'Epire y
ou de la Macédoine : cette rivière rouloir
{^s ondes par fauts & à travers des rochers.-
(£>. /.)
PINDENISSUS , ( Géogr. anc. ) ville
de Cilicie , près du mont Amanus , chea
les Eleuthérociliciens , c'efl-à-dire , les
Ciliciens libres. Strabon Fappelle Tz/i'/V/oj-of.
Cicéron s'en rendit maître l'an 702 de
Rome , comme il le dit lui-même , epif"
tolâfecundâ ad Cœlium. {D.J.)
PINÉALE, Glande pinéale , err
Anatomie , eft le nom d'un petit corps
mollet, grisâtre, environ de la groffeur
d'un pois médiocre,irréguliérement arrondi.
544 P I î^
quelquefois figuré comme une pomme de
pin , d'où eft venu le nom de pinéale , fitué
derrière les couches àts nerts optiques ,
immédiatement au deffus des tubercules
quadrijumeaux. Voye-{ TUBERCULES.-
G^ii là où Delbartes prétend que l'ame
réfide d'une manière particulière.
PINEAU, r. m..{Agricult.) c'ell un
raifin fort noir, qui vient en Auvergne,
& qui elt un de plus doux & des meil-
leurs à manger : le vin qu'on en tire s'ap-
pelle <miernat à Orléans, dans d'autres
endroits morillon , & pineau en Auvergne :
Its Poitevins font beaucoup de cas du vin
pineau. Trévoux. (D. J.)
PINEYoi/ PIGNEY, {Géogr. mod.)
petite ville de France , dans la Champa-
gne , éleclion de Troyes , érigée en duché-
pairie en i$8i. Elle ellà 6 lieues au nord-
ell de Troyes. Long, zi ^48 j l. 48 ^ zz.
(D.J.)
PING-PU , ( Hifi. mod. ) c'eft ainfi
que les Chinois nomment un tribunal ou
confeil qui efl chargé du département de
la guerre , & qui a loin de tous les détails
Kîllitaires ; c'efî lui qui donne les commif-
fions pour les officiers de terre & de mer ;
il ordonne les levées de troupes , les ap-
provilionnemens des armées ; il a foin de
l'entretien des places fortes & des garni-
fons , de la difcipline militaire, & de
l'exercice des foldats. Il y a quatre autres
tribunaux militaires fubordonnés a celui
dont nous parlons ; ils lont préfidés par des
infpeâieurs nommés par l'empereur à qui
ils rendent compte de tout ce qui fe pafTe ,
& ils veillent fur la conduite des membres
des difFérens tribunaux ; ce qui les tient
en reCpcâ.
PINGUICULA , f.LiBot.) on appelle
vulgairement en françoîs ce genre déplante
grajfette , &. c'eft (bus ce nom qu'on en a
donné les caraderes d'après Tourncfort ;
les voici maintenant dans le fyflême de
Linnxus.
Le calice efl une enveloppe labiée , qui
fubfille après la chute de la Heur ; fa lèvre
fupérieure eft droite & fendue en trois ;
ia lèvre intérieure eft recourbée &: fendue
en deux ; la fleur eft labiée & monopé-
tale ; fa grande levrs eft droite , obtulè ,
fendue en trois j fa petite lèvre eft fen-
P I N
due en deux , & plus ouverte ; le neâa-
rium a la figure d'une cornue ; les étamines
font deux filets cyhndriques , crochus ,
penchés dans le haut , & plus courts que le
cahce. Les boftettes des étamines font
arrondies ; le piftil a le germe fphérique ,
le ftyle très-court , & le ftigmate composé
de deux lèvres. Le fruit eft une capfule
ovoïde qui s'ouvre naturellement au (bm-
met , & qui contient une feule loge pleine
d'un grand nombre de femences cylindri-
ques qui font placées à l'aife.
Tournetort diftingue quatre efpeces de
ce genre de plante , la commune , la blan-
che , la pourprée , & la petite "à fleurs
couleur de rofe.
La commune eft nommée proprement
grajfette en françois '-, en anglois the corn-
mon hatter-M'ort y ou mcnutain-fanide ,•
& par les botaniftes^ fanicula montana ^
flore calcari donato.
Ses feuilles , qui font en petit nombre ,
font couchées fur terre , grafles au tou-
cher , extrêmement luifantes , & d'un jaune
tirant fur le verd pâle. Il s'élève d'entre
elles des pédicules , dont chacun foutieht
à fon fommet une fleur purpurine , vio-
lette ou blanche , femblable , à quelques
égards , à celle de la violette , mais d'une
feule pièce, terminée par un long éperon.
Quand la fleur eft palfée , il lui fuccede
une coque enveloppée du calice dans (a
partie inférieure; cette coque s'ouvre en
deux , & lailfe voir un bouton renfer-
mant plufieurs femences menues , prefque
rondes.
La graflette montagneufe croît fur les
collines arrofées d'eau , ainfi que dans les
lieux humides ; elle eft vivace , fe mul-
tiplie de graines fans être cultivée , fleurit
au printemps , & pafle vite. Elle eft ré-
putée vulnéraire & confolidante. Le fuc
ondueux & adoucifïànt qu'on en exprime
fert d'un très-bon liniment pour les ger-
çures des mamelles. La grai (Te de fes feuil-
les eft aùfll finguliere que celle du rosfolis.
Les Lapones verfent pardeflus les feuilles
fraîches de cette plante , le lait de leurs
rennes tout chaud^après quoi elles le laif-
fent repofcr pendant un jour ou deux ; le
lait en acquiert plus de confiftance , fans
que la feroiité s'en fépare 3 & làns le rendre
moins
P IN
moins agréable au goût : les payfannes
en Danemarck fe fervent du fuc gras de
cette plante en guife de pommade , pour
faire tenir la frifure de leurs cheveux.
(D.J.)
PINGUIN. Voye:{^ Pengouin,
PINHEL , ( Geogr. mod. ) petite ville
de Portugal, dans la province de Tra-los-
Montes , capitale d'une comarca , au con-
fluent de la Coa, & deRio-Pinhel , à 12.
lieues au nord de Guarda , 30 eft de Sala-
manque : elle jouit de grands privilèges ,
& les écrivains portugais prétendent , fans
aucune preuve , qu'elle a été bâtie par les
anciens Turdules. Long. il. i8. lat. 40.
PINKAFELD , ( Geogr.) jolie ville de
la bafle Hongrie , dans le comté d Elsen-
bourg , fur la rivière de Pinka , &c au miheu
d'une riante contrée. Elle eft munie d un
château. (I>. G.) v r 1 \
PINNE-MARINE , ( Conchyhol.)
coquillage de mer , compofé de deux val-
ves , quelquefois chargées de pointes & de
tubercules ; ce coquillage eft le plus grand de
fon genre que nous ayions dans nos mers.
Les Vénitiens l'appellent aflura, les Napo-
litains perna , & nos naturaliftes pinna ou
« Amyot,dit M. l'abbé d'Olivet , dans
« fa tradudion des œuvres philosophiques
f> de Cicéron , m'a donné l'exemple de tran-
» cifer le moi pinne y comme les Romains
w l'avoient latinifé ». Jamais terme n a
été francifé à plus jufte titre , & même 1 on
n'en doit point employer d'autre -celui de
nacre de perle , dont on fe fert fur les côtes
de Provence & d'Italie , eft d'autant moins
convenable, qu'il fignifie proprement la co-
quille de l'huître perliere ; & la nacre deligne
des élévations en demi-bofle , ou les lou-
pes , comme difent les joailliers , qui le trou-
vent quelquefois dans le fond des coquilles
de nacre. .
Si la terre a fes vers à foie , la mer a
pareillement fes ouvrières en ce genre. Les
pinnes-marines filent une telle foie , que
plufieurs l'ont prife pour être le byfle des
anciens , & qu'on en fait encore des bas ôi
des gants en Sicile ; de plus , ce coquillage
nous donne des perles qui valent autant que
celles des huîtres de l'Orient , pour fournir
Tome XXV.
P I N Mi
des vues fur la découverte de leur forma-
rion ; enfin il mérite quelques détails par
toutes ces raifbns.
La pinne-marine eft un coquillage de
mer , bivalve ou à deux battans , formés
de deux pièces larges , arrondies par en.
haut , fort pointues par en ba's , rudes &
très-inégales en dehors , lifîes en dedans ;
leur couleur à la Chine tire furie rouge ,
d'où leur vient le nom ridicule de jambon"
neau.
Il s*en trouve de difFérentes grandeurs ,'
depuis un pié jufqu'à deux & demi de lon-
gueur, & elles ont dans l'endroit le plus
large , environ le tiers de leur longueur ; il
fort de ce coquillage une efpece de houppe ,
longue d'environ fix pouces , plus ou moins ,
& garnie , félon la grandeur ou la petiteffc
de la coquille. Cette houppe eft fituée vers
la pointe , du côté oppoîé à la charnière.
Elle eft compofée de plufieurs filamens
d'une foie brune fort déliée '-, ces filamens
regardes au microfcope paroiflent creux : (î
on les brûle , ils donnent une odeur uri-
neufe comme la foie.
Ce coquillage renferme un petit poiflbn
qui eft bon à manger, dans lequel s'engen-
drent quelquefois des perles de différentes
couleurs & figures. On ramafle une grande
quantité de pinnes fur les côtes de Pro-
vence , où la pêche s'en fait au mois d'avril
& de mai. On en trouve aufli beaucoup à
Mefline , Palerme , Syracufe , Smyrne ^
& dans l'île de Minorque. L'animal qui
l'habite fe tient immobile fur les rochers
dans la poftRre qu'il a choifie , & qui doit
varier.
Les pinnes-marines peuvent être regar-
dées comme une efpece de moule de mer ,
mais beaucoup plus grande que toutes les
autres. Leur coquille , comme celle des
autres moules , eft compofée de deux pièces
fcmblables & égales , qui depuis l'origine
s'élargiftènt infenfiblement ; elles font plus
applaties que les autres moules , par rap-
port à leur grandeur. Leur couleur eft ordi-
nairement d'un gris fale; celles de la Chine
font rouges , d'où elles ont eu le nom de
jambonneau.
Dans la plupart des pinnes-marines , la
i charnière à relTort qui tient les deux pièces
enfemble du côtd concave , commence A
Dddddd
94^ PIN"
l'origine de la coquille , & s'étend Jufqu'aux
deux tiers de fa longueur ; les pièces ne
ioot pas liées enfemble de l'autre côté ,
mais elles font bordées par piufieurs couches
de matière d'une nature approchante de
celle de la corne. Il y a quelques pinnes-
rparines qui s'entr'ouvrent tout du long du
côté concave , & qui ont leur charnière
du côté convexe ; cependant malgré cette
variété dans toutes ks pinnes-marines , les
bords de la coquille font toujours plus épais
du côté où elles s'entrelacent , que du côté
où efî la charnière.
' Dans la furface de chacune des pièces de
ip coquille qui étoit touchée par l'animal ,
on voit une bande d'une matière femblable
à celle de la charnière , qui fait une efpece
de fradure , comme fi les deux pièces
étoient mal appliquées Tune contre l'autre.
Il eft naturel de croire que cette bande de
q.iatiere , différente de celle du relîedela
coquille , marque la route qu'a fuivi une
partie du corps de l'animal , qui lailîe
échapper un fuc pareil à celui qui borde
les extrémités des coquilles , pendant que
les autres parties ont laifle échapper un
fuc propre à épaiiiir & à étendre la
coquille.
Les deux couches de matières différentes
qui compofènt la coquille de ce poilîbn ,
font remarquables. Une partie de l'intérieur
efl de couleur de nacre ; l'autre couche lui
fert de croûte , & fait feule toute l'épaif-
feur de la coquille où la nacre manque.
Cette couche-ci efl raboteufe , la boue qui
s'y efl attachée , en obfcurcittla couleur ;
mais intérieurfiment elle efl polie , & paroît
d'un rouge fort pâle. Cette couche efl for-
mée d'une infinité de filets appliqué les uns
contre les autres , & peu adhérens enfem-
ble dans certains endroits de la coquille. Ils
font très-déliés , quoiqu'on les découvre
diflinélement à la vue iimple: mais avec un
microfcope , on voit de plus qu'ils font cha-
cun de petits parallélip.ipedesàbafè redangle
prefque quarrée.
Si on détache un petit morceau de cette
4iroûte qui couvre la nacre , & qu'on le
FroifTe entre les doigts , fes filets fe féparent
les uns des autres , & excitent par leurs
pointes fur lii maia des démangeaifons
iaçgmmQd^.
P I N
La partie de la coquille qui a la couleur
de lanacr^", efl corapofée de feuilles minces,
pofées parallèlement les unes fur les autres ,
de façon que l'épaiiîeur de la coquille efl
fojimée par celle de ces feuilles. On les lépare
facilement les unes des autres , fi on les tait
calciner pendant un infiant.
La flrudure de cette partie de la coquille
refîemble donc à celle des ardoifes & des
autres pierres feuilletées , & celle de
l'autre partie reffemble à la flrudure de
l'amiante , & de quelques talcs ou gyplés
compofés de filets. Cette flrudure des
coquilles de la pinne lui efl commune avec
diverfes coquilles , & en particulier avec la
nacre de perle.
Les auteurs qui ont parlé de ce coquil-^'
lage, difent qu'il efl pofé dans la mer verti-
calement , la pointe en bas , & c'efl appa-
remment fur la foi des pêcheurs , qu'ils lui
ont donné cette fituation , qui n'efl pas
aifée à vérifier. On peut plus compter fur
ce que les pêcheurs alTurenr , que hs pinnes
font toujours attachées aux rochers ou aux
pierres des environs , par une houppe de
filets ; car pour les tirer du fond de l'eau il
faut toujours brifer cette houppe.
On les pêche à Toulon > à i ^ , 20 , 3a
pies d'eau , & plus quelquefois , avec un
inflrument appelle crampe ; c'efl une efpeqe
de fourche de fer , dont les fourchons ne
font pas difpofés à l'ordinaire ; ils font per-
pendiculaires au manche ; ils ont chacun
environ 8 pouces de longueur , & laiffent
entr'eux une ouverture de 6 pouces , dans
l'endroit où ils font les plus écartés. On
proportionne la longueur du manche de la
fourche ou crampe , à la profondeur où
l'on veut aller chercher les pinnes ; on les
faifit , on les détache , on les enlevé avec
cet inflrument.
La houppe de foie part immédiatement
du corps de l'animal ; elle fort de la coquille
par le côté où elle s'entr'ouvre , environ à
4 ou 5 pouces du fommet, ou de la pointe
dans les grandes />//2;2^j.
Elle fixe la pinne-marine y elle l'empê-
che d'être entraînée par le mouvement de
l'eau , mais elle ne fauroit l'empêcher d'être
renverfée , ni la retenir verticalement
comme on le veut , de forte qu'il y a
grande apparence que ce coquillage efl
PIN
tantôt inclina à l'horizon , & tantôt coule
à plat , comme le font les moules & les
coquillages qui ne s'enfoncent pas dans la
vafè. On ne peut guère s'afîùrer d'avoir les
houppes dans toute leur longueur ; on en
a vu cependant à qui il en refloit 7 à 8
pouces ; & on en a trouvé ^ pui pefent 3
onces. Les filets dont elles font corapofées
fon t très-fins , &C ordinairement fi mêlés
''nfemble , qu'il n'efl guère aifé de les avoir
dans toute leur longueur ; leur couleur eft
brune.
Ces fils foyeux font filés par les p//7/zfj-
marines y comme les moules filent les leurs;
leur filière eft placée dans le même endroit
que la filière des moules & des pétoncles ,
& n'a de différence que celle de ces effets ;
c'eff-à-dire , que comme les pinnes-marines
ont à filer des fils beaucoup plus fins &
plus longs que les moules , leurs filières
font aufli & plus longues & plus déliées.
Voye^ Moule.
Cette filière n'agit point comme celle des
chenilles & des vers à foie ; c'efl un moule
dans lequel un fuc vifqueux prend la confif-
tance & la figure du fil de ce moule , s'ouvre
d'un côté dans toute falongueur , pour laiffèr
fortir le fil qu'il a façonné. Enfin , les fils
dont la houppe eft compofée , ont leur
origine près de celle de la filière , & font
logés dans une efpece de fac membraneux
de figure conique.
Dans ce fac membraneux , d'où part la
houppe des fils foyeux , il y a des feuillets
charnus qui les féparcnt les uns des autres.
C'eft de ces filets foyeux , que fortent tous
les fils qui attachent la pinne-marine , &
qui forment la houppe. Peut-être les feuil-
lets charnus n'ont d'autre ufage que de les
féparer. Peut-être aufïi ferv en t-ils à appli-
quer & coller le bout du fil nouvellement
formé. Comme ces fils font très-fins , il n'eft
pas poffible qu'ils aient chacun beaucoup de
force ; mais ce qui leur manque de ce côté-
ià pour attacher folidementla/>i««e-/T2arz/2e^
eft compenfé par leur nombre ; il eft pro-
digieux.
hçs pinnes-marines diffèrent plus àts
moules de mer , par le nombre & la finefle
de leurs fils , que par la grandeur de leurs
coquilles ; pour me fervir de la comparaifon
de Rondelet , fes fils font par rappon à ceux
PIN 947
des moules , ce qu'eft le plus fia lin par
rapport à l'étoupe; & ce n'eft pas peut-être
affez dire , puifque les fils des pinnei*-ma-
rines ne font guère moins fins & moins
beaux que les brins de foie filés par les
vers.
On n'a jamais pu tirer d'utilité des fils
des moules , comme de ceux des pinnes ,
quoique la filière foit la même ; & l'on
diroit prefque que ce n'eft que dans la pro-
dudion de leur ouvrage , que ces deux
parentes ont voulu fe faire diftinguer ; car
d'ailleurs leur reflemblance fe trouve éton-
nante , non feulement dans fextérieur ,
mais encore dans les parties intérieures.
Les pinnes font comme les moules , atta-
chées à leurs coquilles par deux forts njuf^
clés , dont l'un eft auprès de la pointe de la
coquille , & l'autre vers le milieu de fa
longueur. L'anus eft auprès du fécond ,
ou du plus gros de fes mufclcs , & la bou-
che auprès du premier ; elle eft feulement
fermée dans les pinnes-marines , par une
lèvre demi-ovale , que n'ont point les mou-
les de mer.
Les autres détails des parties intérieures
de ce coquillage ne font pas trop connus,
parce qu'aucun anatomifte que je fâche n'a
pris le foin de les examiner ; cependant
comme il eft le plus grand des coquillages
à deux battans que nous ayions dans nos
mers , il feroit commode à diflequer ^
& pourroit peut-être nous inftruire en
quelque chofe fur les animaux du même
genre.
M. de Réaumur le jugeoit propre à
éclaircir la formation des perles en général.
Il en produit beaucoup, mais dont le nom-
bre n'eft rien moins que conftanr ; il y a des
pinnes-marines qui n'en ont point du tout ,
& d'autres qui en ont des vingtaines. Mais
il n'eft pas dit que toutes les pinnes-marines
en aient autant que celles des côtes dfl
Provence ; leur produdion dépend fans
doute de diverfes caufcs qui nous font
inconnues.
Les perles qui fe rencontrent dans c&s
coquilles , ne font pas toutes de la même
eau , & ne font point de l'eau de celle des
Indes ; celles même qui en approchent le
plus 'font plombées , mais on leur en trouvô
de pKifieurs nuances différentes de l'ambre ,
D-ddddd 2
94^ PIN
& tranfparentes comme lui , de roligeatres,
de jaunâtres & de noirâtres.
Leur forme la plus ordinaire eu d'être en
poire ; toutes ces variétés de figure & de
couleur , n'empêchent pas qu'elles ne foient
delà même nature, puiiqu'elles naiflentdans
le corps du même poiifon ; ce Ibnt tou-
jours de ie -nbiables concrétions pierreufes.
Quf ces perles , ainfi que toutes les autres ,
fe forment dans le corps des polflbns à
coquille , comme le bézoart ordinaire dans
le corps de chèvres qui le fourniflent ; c'clt
ce qu'on a tout lieu de penfcr , puifqu'en
les caflant, on les trouve radiées comme
certains bézoarts , & formées par couches
autour d'un noyau , qui paroit être lui-
même une petite perle
On en trouve de tellement baroquées ,
qu'elles ne confervent plus la figure de per-
les , mais la matière en eft toujours difpo-
fëe par couches , telles que celles des bé-
zoarts. Il n'y a guère lieu de douter que les
perles orientales ne foient de la même nature
que celles qui naifient dans les autres poif-
fons à coquille, comme dans les huîtres que
nous mangeons ordinairement , & dans les
différentes fortes de moules. Toute la dif-
férence qui eft entr'elles , ne confifte que
dans leur différente eau & pefanteur ; mais
c*eft par- tout la même matière & la même
conftruâion , comme le font aflez voir les
différentes perles qu'on trouve dans la
pinne-marine.
On rencontre auflî quelquefois de petit,
crabes nichés dans les coquilles delapinne;
& comme ce coquillage étoit déjà remar-
quable par lès perles & par fa (oie , le Ipec-
tacle des petits crabes n'a pas manqué de
produire pluiieurs hiftoires fi-'guiieres que
les anciens nous ont rapportées fur ce
fait.
Ils ont cru que ce petit animal naifîbit
avec le poiflbn de notre coquille , & pour
^ confervation ; aufii l'ont-ils appelle le
gardien du pirtna y s'iraaginant que le poif-
fon périflbit dès qu'il venrit à perdre fon
gardien ; voici en quoi ils }ugeoient que ce
petit crabe étoit utile à fon hôte. CoTime
cet hôte eft fans yeux , & qu'il n'eft pas
idûué d'ailleurs d'un l'entiment fort exquis ,
pendant qu'il a Ces coquilles ouvertes , &
que les petits poiflbns y entrent , le crabe
PIN
l*avert!f par une morfure légère , afin que
refferrant tout d'un coup [es coquilles , les
poiifons s'y trouvent pris, & alors les deux
amis partagent entr'eux le butin.
Ceux qui n'ont pas cru que le crabe prît
naifl'ance dans les coquilles àupinna, relè-
vent bien davantage la prudence de ce petit
animal , qui pour fe loger dans les coquilles
des poifïbns, prend le temps qu'elles font
ouvertes , & a l'adreflè d'y jeter un petit
caillou pour les empêcher de fe refermer &
manger le poiflbn qui eft dedans. Mais tou-
tes ces circonftances reflèmblent à un grand
nombre d'autres rapportées par les anciens
naturaliftes; & c'eft ce qui a contribué à dé-
crier leurs ouvrages , quoique d'ailleurs ils
nous apprennent des chofes fort curieufes &
fort véritables.
Ce que des modernes nous difent ici
des petits crabes qui fe logent entre les
coquilles du pinna p fe détruit fans peine;
car premièrement , ces petits animaux (è
trouvent indifteremment dans toutes les
bivalves , comme les huîtres & les moules,
aufli-bien que dans les coquilles du pinna,
où l'on rencontre aufli quelquefois de petits
coquillages qui entrent dedans ou qui s'at-
tachent deflus. M. Geoffroy avoit un
concha venerea y ce joli coquillage que
nous nommons en françois porcelainey co-
quille de Venus , enfermé & vivant dans
la coquille d'une pinne. D'ailleurs le polffon
de ces coquilles ne vit point de chair , non
plus que les moules ou les huîtres , mais
feulement d'eau & de bourbe ; ainfi l'a-
dreffe du petit crabe lui eft inutile. Enfin ,
les petits crabes ne mangent point les
poifïbns des coquilles où ils fe logent y
plfqu'on y trouve -ces poifïbns fains &
entiers, avec les petits crabes qui les ac-
compagnent. Ce n'eft donc que le hafard
qui jette ces petits animaux dans ces
coquilles pendant qu'elles font ouvertes ;.
ou bien As s'y retirent pour ^y mettre à
couvert , comme on en trouve fbuvent
dans les trous des éponges & des pierres.
Je finis , en obfervant que fi la plupart
des faits fînguliers d'hiftoire naturelle qu&
nous lifbns dans divers auteurs , ëtoient
examinés avec attention , il y auroit bien
des merveilles détruites ou fimplifiées , car
on ne fait point afïéz ^ufqu'où s'écend Is
P î N
goût fabuleux des hommes , & leur amour
pour le fingulier. ( Le Chevalier de
J AU COURT )
^ PINNITES,(i7(^. nat) C'efl ainfi que
l'on nomme les coquilles appellées pinnes-
marines, lorfqu'elles fe trouvent pétrifiées ou
enleveiies dans le lèin delà terre.
PINOT , f. m. {Hydraul.) ell un morceau
de fer ou de métal , dont le bout ell arrondi
en pointe pour tourner facilement dans une
crapaudine ou dans une virole. On met or-
dinairement un pinot au bout de l'arbre du
rouet d'une pompe , ou au pié des ven-
taux d'une porte cochere, ou de celles d'une
éclufe. {K)
PINQUE ou PINKE, f. m. [Marine.)
C'eft une forte de flûte , bâtiment de charge
fort plat de varangue , & qui a le derrière
long & élevé. Pinque eft auffi un flibot
d'Angleterre.
PINQUIN , voye\ PeNGOUIN.
_ PINSKO ou PINSK , ( Géog. rnod. )
ville ruinée du grand duché de Lithua-
nic , chef-lieu d'un territoire , & fur la
rivière du même nom. Long. ^4. z6. lat.
52. S^'
PINTADE , voyei PeintADE , f. f.
( Ornithol. ) Cet oifcau de la côte d'Or ,
d'Afrique , de Barbarie , de Guinée , de
Numidie , de Mauritanie , en un mot de tous
ces pays brûlans , étoit fort connu àts
Romains ; ils l'appelloient avis afra, l'oifeau
africain. Il ne brille pas par l'éclat de Ion
plumage ; mais fes couleurs modcfles ne
fauroient manquer de contenter les yeux,
par la régularité avec laquelle elles font dif
tribuées. Le pinceau ne peut rien faire de
plus exadement fymmétri'é ; & c'ell nuili
delà que l'oifeau de Numidie a tiré Ion beau
nom de pintade.
On range la pintade fous le genre des
poules , d'où vient qu'on l'appelle la pouU
de Numidie. Elle a tous les attr-.buts &
toutes les qualités des coules , crête , bec ,
plumage , ponte , couvée , loin de fes petits ;
fes caraderes diflindifs ont été indiqués ci-
deflus.
Les difFcrences Ats poules pintades font
fort bien defignées par Varron dans ces
paroUs , g'-andes y varice , gihberce. Gran-
des , elles font eflfèdivement plus grolîes
que \q% youles communes. Variée ^ leur
PIN 949
plumage eft tout moucheté : il y en a quel-
quefois de deux couleurs ; les unes ont
des taches noires & blanches , difpofées
en forme de rhombes , & les autres font
d'un gris plus cendre ; toutes font blanches
fous le ventre , au deflbus & aux extré-
mités des ailes. Gibberce ) leur dos en s'é-
levant forme une efpece de boffe, & repré-
fente allez naturellement le dos d'une
petite tortue ; cette boffe n'efl cepen-
dant formée que du rephs des ailes ,
car lorfqu'elles font plumées , il n'y a
nulle apparence de boffe fur leur corps ;
mais ce qui la fait paroitre davantage ,
c'efl que leur queue ell courte & recourbée
en bas , & non pas élevée & retroufféc
en haut , , comme celle des poules com-
munes.
La pintade a le cou affez court , fort
mince , & légèrement couvert d'un duvet.
Sa tête efl: fmguliere ; elle n'efl point
garnie de plumes , mais revêtue d'une
peau fpongieule , rude & ridée y dont la
couleur cfl d'un blanc bleuâtre ; le fommec
efl orné d'une petite crête en forme de
corne , qui efl: de la hauteur de cinq à
fix hgnes : c'efl une fubflance cartilagi-
neufe. Gefner la compare au corno du
bonnet ducal que porte le doge de Venife ;
il y a pourtant de la différence , en ce
que le corno du bonnet ducal eft incliné
fur le devant comme la corne de la li-
corne , au lieu que la corne de la pintade
efl un peu inclinée en arrière , comme
celle du rhinocéros. De la partie inférieure
de la tête pend de chaque côté une barbe
rouge & charnue , de même nature & de
même couleur que la crête des coqs. Sa
tcte ell terminée par un bec trois fois plus
gros que celui des poules communes, très-
poiniu , très-dur , & d'une belle couleur
rouge.
La pintade pond & couve de même que
les poules ordinaires : fes auls lont plus
periîs & moins blancs , Us tirent un peu fur
la couleur de chair , &: lont marquetés
de points noirs. On ne peut guère accou-
tumer la pintade à pondre dans le pou-
lailler ; elle cherche le plus épais àts haic^
& des b'offailles , où elle pond jufqu'à
cent œufs 'iiccelHvement , pourvu qu'on
i en laifTe toujours quelc^u'uu dans fon lùd*
^5®
P I N
On ne permet guère aux pintades do-
mefliques de couver leurs œuFs , parce que
les mères ne s'y attachent point , & aban-
donnent fouvcnt leurs petits ; on aime
mieux les faire couver par àts poules
d'inde , ou par des poules communes. Les
jeunes pintades refîemblent à de petits
perdreaux : leurs pies & leur bec rouge
joint à leur plumage , qui eft alors d'un
gris de perdrix , les rendent fort jolies à la
vue. On les nourrit avec du millet ; mais
elles font fort délicates, & très-difficiles
à élever.
La pintade eft un oifeau extrêmement
vif, inquiet & turbulent; elle court avec
une vîteiTe extraordinaire , à-peu-près com-
me la caille & la perdrix , & ne vole pas
fort haut ; elle fe plaît néanmoins à percher
fur les toits & les arbres , & s'y tient plus
volontiers pendant la nuit que dans les pou-
laillers. Son cri eft aigre , perçant , défa-
gréable , & prefque continuel : du refte elle
eft d'humeur querelleufe , & veut être la
maîtrefle dans la bafle-cour. Les plus gref-
fes volailles , & même les poules d'inde ,
font forcées de lui céder l'empire. La du-
reté de fon bec , & l'agilité de ï^^s mou-
vemens , la font redouter de toute la gcnt
volatile.
Sa manière de combattre eft à-peu-près
femblable à celle que Sallufte attribue aux
cavaliers numides : '^ leurs charges , dit-il ,
» font brufques & précipitées ; li on leur
» réfifte , ils tournent le dos , & un inf-
» tant après font volte face : cette perpé-
« tuelle alternative harcelle extrêmement
>■> l'ennemi jj . Les pintades qui fe fentent
du lieu de leur origine , ont confervé le gé-
nie numide. Les coqs d'inde glorieux de
leur corpulence, fe flattent de venir aifé-
ment à bout des pintades; ils s'avancent
contre elles avec fierté & gravité , mais cel-
les-ci les défolent par leurs marches & con-
tre-marches : elles ont plutôt fait dix tours
& donné vingt coups de bec , que les
coqs d'inde n'ont penfé à fc mettre en
défenfè.
Les pintades nous viennent de Guinée :
les Génois les ont apportées en Amérique
dès l'an 15°^) avec les premiers nègres,
qu'ils s'étoient engagés d'amener aux Caf-
tillans. Les Efpagnols n'ont jamais penfé
P I N
à les rendre domeftiques ; ils les ont laifl?
errer à leur fantailie dans les bois & dans
les favannes , où elles font devenues fau-
vages. On les appelle pintades maronnes ,
c'eft une épithete générale qu'on donne dans
les Indes à tout ce qui eft fauvage & errant.
Lori'que les François commencèrent à s^y
établir , il y en avoit prodigieufement dans
leurs cantons : mais ils en ont tué une
fi grande quantité , qu'il nQn refte prefque
plus.
Entre les auteurs romains qui ont parle
de la pintade , les uns l'ont confondue
avec la méléagrlde , & n'en ont fait qu'une
feule efpece. Tels font Varron , Coluraelle
& Pline. D'autres les ont diftinguées , &
en ont fait deux diverfes efpeces ; tel eft
Suétone , fuivi par Scaliger , avec cette
différence que Scaliger prétend mettre
Varron de fon côré , en quoi il eft aban-
donné de ceux même qui fuivent fon
fentiment fur la diverfité de la pintade &
de la méléagride , & en particulier de
M. Fontanini , archevêque titulaire d' An-
cire , lequel a donné une curieufe dif^
(èrtation i'ur la pintade , dont on trou-
vera l'extrait dans les mém. de Trévoux y
année z 7 z^ , au mois de juin ; cepen-
dant le P. Margat a combattu le fentiment
de M. Fontanini , dans le recueil des lettres
édifiantes.
La pintade faifoit chez les Romains les
délices des meilleures tables , comme il
paroît par plufieurs palTages d^Horace , de
Pétrone , de Juvenal & de Varron ; ce
dernier prétend qu'elle n'étoit recherchée
que par les gourmands , propter faftidium
hominum y c'eft-à-dire , pour piquer leur
goût , & les remettre en appétit. Pline
dit , veneunt magna pretio propter ingrat
mm virus , expreffion aflez difficile à
entendre , mais qui vraifemblablement
ne veut pas dire qu'on vendoit cher
les pintades y parce qu'elles étoient dé-
teftables au goût. ( Le Chevalier djs
J AU COURT.)
Pintade, {Diète.) La chair de cet
oifeau eft très-favoureufe & très-falutaire.
Les experts en bonne-chcre prétendent
que fon goût ne reffemble à celui d'au-
cune volaille , & que fes différentes parties
ont différens goûts. Les gens qui ne font
\
P I N
pas fj fins , trouvent que la viaBcle de ctt
oifeau a beaucoup de rapport avec celle
de la poule d'inde. Vcye^ PoULE d'inde,
diète. On peut alfurcr en général qvje c'eft
un très-bon aliment. ( ^ )
PINTE, r. f. {Me f are de contenance. )
cfpece de moyen vailfeau ou raefure dont
on fe fert pour mefurer le vin , l'eau-de-
vie , l'huile , & autres femblabîes marchan-
difes que l'on débite en détail.
La pinte de Paris revient à peu près à
la fixieme partie du congé romain , ou ,
pour parler plus sûrement , elle eil équi-
valente à 4S pouces cubiques; elle cfi: à
celle de Saint-13enis comme 9 à 14^ &
Îefè une livre 15 onces, félon M. Coupler.
1 met la pinte comble équivalente à 49
pouces \\. Nous entrerons tout à l'heure
dans de plus grands détails ; nous dirons
fèuiemenr ,"en palTant, que la pinte ordi-
naire de Paris fe divife en deux chopines ,
que quelques-uns appellent fetiers ; la
chopine eli de deux demi-fetiers , & le
demi-fetier contient deux poffons , cha-
que pofîbn étant de lix pouces cubiques.
Les deux pintes font une quarte ou quar-
teau , que l'on nomme en plufieurs endroits
pot ; mais il faut entrer dans des détails
plus intérefTàns , car il importe de conflarer
la quantité jufle de liquide qu'une pinte
doit contenir, parce que c'eft delà qu'on
doit partir pour fixer toutes les autres
melùreg.
La pinte Jufqu'à préfent a été regardée
de deux manières, ou comme pinte rafe ,
ou comme pinte, comble : deÛ vietit que
M. Mariotte , dans fon traité des moure-
mens des eaux , diflingue deux fortes de
pintes , dont l'une, qu'il dit ne remplir la
pinte de Paris qu'à fleur de {es bords ,
pefc deux livres moins fept gros d'eau, &
qui étant remplie à furpaffer i'es bords fans
répandre , pefe deux livres d'eau.
Pour conitater la jufte raefure de la
pinte & celle de i'es parties, comme la
chopine , le demi-fetier , &c. il faut en
rapporter la capacité à celle d'une mefure
6xe. M. d'Ons-en-Bray , dans les me'm. de
Vacad. ann. i'J'^9 ^ propoiè le pié cube
ras pour cette mefure fixe ^ comme la
plus convenable : or le pié cube contient
3^ pintes de celles qui'H.e font remplies
p I N 951
que jufqu'au bord , ou qui pefent environ
deux livres moins fept gros ; car fi Ton
vouloit fe fervir de la pinte qui pefe en-
viron deux livres , ou qui l'urpaflj les
bords , le pié cube n'en contient que 35.
Voici les avantages particuliers qui*e trou-
vent dans chacune de ces deux pintes.
La pinte comble pefant à peu près deux
livres d'eau ou de 3v'^u pié cube , eft très-
commode pour la mefure du pouce d'eau ,
parce qu'on prend communément avec M.
Mariotte pour un pouce d'eau, l'eau qui
coulant continuellement par une ouverture
circulaire d'un pouce de diamètre , donne
par minute 14 pintes de celles de 35 au
pié cube , ou qui peiènt à peu près deux
livres. Cette façon de compter & de régler
le pouce d eau , leroit tiès-commode pour
les diitrlbutions des eaux de la ville , car
à ce compte un pouce d'eau donne trois
muids par heure , & 72. muids en 24
heures.
Les avantages de la pinre de 3e au pié
cube , ou de la pinte qui pefe deux livres
moins fept gros , font en premier lieu que
la capacité ou folidité de cette pinte eft
de 48 pouces cubes jufles , ce qui efî une
partie aliquote du pié cube ; au lieu que
la pinte de 35 au pié cube, ou qui pefe
à peu près deux livres , fa capacité ou
lolidiré efl de 49 pouces jj. de pouce.
Mais en fécond lieu un avantage très-
important de la pinte de 36 au. pié , &
qui peut féul faire décider en fa faveur ,
efl que le muid contenant 8 pies cubes ,
on a dans le rauid 2,88 de ces pintes : ce
qui s'accorde avec l'ufage ordinaire , qui
efl: de compter 2.80 pintes claires au rauid ,
(&: 8 pintes de be 5 au lieu que fi on pre-
noit la pinte de 35 au pié cube , il n'y
auroit au muid que 272 de claires, & 8
pintes pour la he.
Il femble par toutes ces raifons , qu'il
convient de prendre pour mefure fixe le
pié cube ras , qui contient 36 pintes rafes ,
ou qui , fuivant M. Mariotte , pefe environ
àew^ livres m.olns fept gros.
Les mefures de Paris , tant celles qui
fervent de matrices pour le fetier , la pinte ,
la chopine , &(:. que celles qui fervent
journellement à étalonner celles àe^ mar-
chands, ne fe rapportent point jufle l'uae
5)^1 PIN
à l'autre , non plus qu'en tr'elles, c'efl-à-
dire , que le ferier ne contient point exac-
tement ^ pintes y la pinte deux chopines ,
&c. En voici la principale caufe.
Les diamètres des orifices ne font point
uniformes ^ c'ell-à-dire , deux mefiires de
pinte y par exemple , dont la forme efl:
différente , n'ont pasgchez les marchands
des ouvertures égales ; & fi elles ne font
pas remplies à ras , quoiqu'à pareille hau-
teur , il fe trouve moins de liqueur dans
la mefure dont l'ouverture ell la plus
grande.
Il paroît qu'on peut aiféraent remédier à
ce défaut , en conltatant à la ville la forme
de chaque différente mefure , à laquelle tous
potiers d'étain feroient à l'avenir obligés de
fè conformer , leur laiflant cependant un
temps pour débiter les mefures qtr'ils ont de
faites , ainfi qu'on en a agi à l'égard des
bouteilles.
2°. La néccfîlté où l'on efl de remplir les
mefures jufqu'aux bords , fait qu'il s'en ré-
pand toujours dans le tranfport & dans le
comptoir des cabaretiers.
On peut éviter ces inconvéniens , en
réglant une hauteur plus grande qu'il ne
faut : par exemple , pour la pinte , on peut
lui donner en hauteur un pouce d'abord
au defTus de fon folide de 4^ pouces cubes ,
& ainfi à proportion pour les autres me-
fures ; & pour confiater jufqu'à quelle
PIN
hauteur chaque mefure doit être remplie , od
pourroit former en dedans des orifices des
mellires » un rebord qui terminât exadement
juiqu'où doit monter la liqueur.
Les cubes des diamètres ne font pas pro-
portionnels aux capacités des mefures , ainfî
! qu'ils devroient l'être.
j Ces irrégularités caufent des erreurs ,
; quand on fe fert des unes & des autres pour
; mefure.
j On y remédiera fans peine , en faifanC
les diamètres des orifices tels que leurs
cubes foient, comme nous avons dit , pro-
portionnels à leur capacité ou contenu des
mefures.
Pour déterminer quels diamètres on peut
donner aux ouvertures proportionnelles des
mefures , il faut obferver que plus les ouver-
tures feront petites , & plus les mefures
feront exaâes ; mais d'un autre côté l'u-
fàgc de ces mefures chez les marchands ,
demande pour les nettoyer aifément , qu'on
nelestaffe point trop petites ; ce n'efl qu'aux
mefures fîducielles de la ville qu'on peut faire
ces orifices fi petits qu'on voudra. On pour-
roit donner à l'orifice de la pinte des mar-
chands 40 lignes de diamètre , ce qui déter-
mine les diamètres proportionnels de la cho-
pine , du demi-fetier , & des autres me-
fures , que l'on trouvera facilement en fè
fervant de la ligne des folides du compas
de proportion. (*)
__ M. de ia Hire , dans les Mémoires de l'Académie de i'anaée 1703 , p^ge 68 , di: ^je la ptnte dc
Paris eft la trente-cinquienje partie du pié cube , c'eft , dit-il , la jufte mefure pour la pintf de Paris ;
cela revient à 4P treize trente-cinquièmes pouces cubicjuçs ; on fuppofe la pintf comble , autant que
l'eau 8c le vin peuvent furpafler le bord du vafe: mais M. Coupkt , dans les Mémoires de 1731,
page 1 16 , obferve qu'une pinte comble ell une chofe trop indéterrainéc , parce qu'on peut faire le
comble plus ou moins fort , & qu'il dépend de la forme du vafe plutôt que de fa capacité : ainfi il s'en
tient à lap/»/erafe de 36 au pic cube ou de 48 pouces cubes , qui contient deux livres moins 7 gros
d'eau de Seine , fuivant M. Mariette.
M. d'Ons-en-Bray , dans les Mémoires de 175P , page çi , choifit aulTî la pinte de 48 pouces cubes
pour la bafe de toutes fes mefures , parce que les mefures de Paris contenant 8 pies cubes , on a xi$
de ces pintes dans un muid, ce qui s'accorde avec l'ufage qui eft de compter xSo pintes claires dans
un muid de vin & 8 p'f'tes de lie, en tout z88.
La jauge de M. Camus , dans les Mémoires de 1741 , adoptée par l'Académie , eft âuflî relative i
îa pinte de 48 pouces , & au muid de 8 pies.
Enfin , par un arrêt du confeil du g mai 1741 , le roi ordonna que le tarif de la jauge des vaifleaux
approuvée par l'Académie le 19 avril 1741 , fervira de règle pour les droits d'Aides ; & ce tarif qui
a été imprimé, fuppofe la pinte de 48 pouces, & le muid de 188 pintes ou de 8 pies cubes.
Dans le dernier fiecle , l'éledion avoit fixé le muid à ^00 ^ï»/«f , mais l'arrêt de 1741 a levé fur
cette matière toute efpece d'incertitude.
Le pouce d'eaa mefure des Fonrainiers en Hydraulique, eft un écoulement de 13 trois huitièmes
pintes de Paris , fuivant M. Mariotie , ou 1 3 un tiers, fuivant M. Couplet , la pinte étant toujours de 48
pouces ; ces deux réfultatsne différent que d'un viagt-quatrieme de pinte ou de deux pouces cubes»
Voyex, POUCE D'EAU. ( M. DE LA LANDE. )
Table
P IN
Table des diamètres & des hauteurs des
mefures.
Nvms des mefures.
Setier. . . .
Pinte
•Chopine, . .
Demi-fetier.
Poiflbn. . . .
Demi-poiffon.
Roquille. . .
Diamètres.
pouces, liines
6 8
4
I T
3 -?
Hauteurs,
pouces, lignes.
II î'.
5rV
lO
S
4
3
2
2.
I
4i
5 I
2 4
PIN c,y3
graphometre , d'une équerre d'arpenteur ,
ou de tout autre inftrument lèmblable,
dont chacune eft percée , dans le milieu ,
d'une fente qui règne de haut en bas. Quand
on prend des diftances , que l'on mcfure
des angles Cm ie^ terrain , ou que l'on fait
toute autre obrervation ; c'eft par ces
fentes , qui font dans un même plan avec
la ligne , qu'on appelle ligne de foi y &
qui eft tracée fur l'alidade ( vqye:^ ALI-
DADE ) , que palfent les rayons vifuels qui
viennent des objets à l'œil. On voit donc
que les pinules fervent à mettre l'alidade
dans la diredion de l'objet qu'on fe propofe
d'obferver, & que les fentes fervent à en
faire difcerner quelques parties d'une ma-
Je pourrois ajouter , d'après M. d'Ons- nicre bien déterminée ; c'eft pourquoi ces
en-Bray , une féconde table du diamètre [ fentes ayant un peu de largeur , pourlaifîer
des mefures pour la dépouille des moules ;
mais je crains même d'en avoir trop dit.
Qu'importe que notre pinte ne foit exade
-ni en elle-même , ni vis-à-vis des autres
mefures ? On ne jugera peut-être jamais à
propos de corriger des défauts ou des in-
convéniens dont le public même qui acheté
tous les jours à pinte & à chopine toutes
fortes de liqueurs , n'a pas la moindre
çonnoiffance. \D. J.)
Pinte , en terme de marchand de
modes y eft une efpece de gland en can-
retille , foncé d'hanneton , & plus court
& plus large que les glands des garnitures.
Voyei Gland & Garniture , dont
on enjolive le nœud d'épée. Ko)'^;[N(EUD
d'épée.
PINTIA , ( Géogr. anc. ) ville de Sicilfe.
Elle étoit , félon Ptolomée , liv. III. c. iv.
iur la côte méridionale , entre l'embouchure
du fleuve Nazara , & celle du fleuve Soffius.
Il y avoit un temple dédié à Pollux, félon
Claudius Aretius , qui dit que le nom mo-
derne eft Polluci. lyéandcr appelle fon
territoire terra di Pulici , & ajoute qu'on
y trouve quantité d'anciens monumens. 2°.
Pintia eft encore le nom de deux villes
fituées dans l'Eipagne tarragonoife , félon
Ptolomée , liv. II. chap. vj. [D. J.)
PINULES , f f. pi. ( Geom. ) On ap-
pelle ainfi deux petites pièces de cuivre ,
afîez minces & à-peu-près quarrées , éle-
vées perpendiculairement aux deux extré-
laités de l'alidade d'un demi-cercle , d'un
Tome XXV,
voir plus facilement les objets , portent
un cheveu qui en occupe le milieu depuis
le haut jufqu'en bas : ce cheveu couvrant
une petite partie de l'objet , la détermine
plus précifément; & quand on veut avoir
encore quelque chofè de plus exad, on
tend un autre cheveu dans une fécondé
fente qui coupe horizontalement la pre-
mière ; alors l'interfedion des deux che-
veux détermine fur l'objet le point que
cette interfedion couvre.
Remarquez qu'au lieu d'un cheveu , d'un
fil de foie très-délié , Ç^c, que nous fup-
pofbns ici , les faifcurs d'inftrumens de ma-
thématiques , laiffent entre les fentes un filet
de la même matière que les pinules y quand
il s'agit d'inftrumens où il n'eft pas befoin
d'une exaditude bien rigoureufe, tel que le
bâton ou l'équerre d'arpenteur , ^c.
On met quelquefois des verres aux fentes
de ces pinules y & en ce cas elles font
l'oftîce de télefcope.
MM. Flamfteed & Hook condamnent
abfolument l'ufage des pinules fans verre
dans les ohfervations aflronomiques. Selon
Flamfteed , les erreurs dans lefquelles
Tycho-Brahé eft tombé , par rapport aux
latitudes des étoiles , ne doivent exre attri-
buées qu'aux pinules de cette efpece. Voy.
Télescope.
Ce que nous venons de dire de la pi-
nule fufîit pour en avoir une jufte idée ;
mais il ne fera pas inutile d'ajouter quel-
ques particularités fur l'invention , l'ufage .
Eceeee ' '
5?54 PIN P I O
& l'abandon de cette petite fente de laiton , I nuer ou corriger les erreurs de telle on
eu ce petit reâangle que nous avons décrit
plus haut , & qui , au lieu de porter le nom
de pinulê , s'appclloit autrefois vi/iere.
Une alidade ell , comme nous l'avons dit,
ora'mairement garnie de deux pinules à Tes
extrémités , de forte qu'en regardant un
objet à travers cts deux pinules y on la
mti parfaitement dans la diredion du rayon
viiuel;
Autrefois tous les inftrumens de mathé-
matiques & d'aftronomie , qui fervent à
prendre des angles ou à,t% hauteurs , étoicnr
garnis de pinules. Mais <p ans ou environ
après la découverte du télefcope , quel-
ques favans ayant penfé à le (ubftituer aux
pinules y la chofe réulïît fi bien , que
depuis ce temps-là on n'en a fait aucun
ufage, & qu'on leur a fubllitué par-tout
le télefcope , fi ce n'eft dans le grapho-
metre , & dans quelques autres inftrumens
de cette efpece.
C'eft aux environs de l'année ^660 ,
qu'on commença à faire ce changement
aux inftrumens. Il y eut à ce fujet de'
grandes conteftations entre le dodeur Hook
& le fameux Hévélius. Le premier fâchant
toutes les peines que fe donnoit Hévélius ,
& les grandes dépenfes qu'il faifoit pour
avoir des infirumens plus parfaits que ceux
de (es prédécefïêurs en aflronomie , &
particulièrement Tycho-Brahé , l'engagea
fortement à faire ufage de ctnt décou-
verte, & à employer le télefcope au lieu
des pinules. Les principales raifons fur
lefquelles il fè fondoit , étoient i^. que
l'œil ne pouvant diflinguer un objet dont
les rayons vifuels forment un angle au-
deffous d'une demi-minute , il étoit impof^
fible avec des pinules de faire aucune
obfervation qu'on pût afîurer exempte au
moins de cette erreur ; 2®. que par le
feoours du télefcope , l'œil étant capable de
diflinguer jufqu'aux plus petites parties d'un
objet 5 & même jufqu'aux fécondes , les
obfervations faites avec cet inflrument lè-
roicnt de beaucoup plus exadés que celles
que l'on pourroit faire avec les pinules ;
& enfin que toutes les parties d'un inf^
trument , devant également concourir à
la juflefTe àts obfervations , il étoit inutile j
telle partie, comme par exemple , de la
divifion du limbe , tandis que d'autres
parties donneroient lieu à des erreurs beau-
coup plus confidérables. Il efl bon même
de faire attention que cette remarque du
dodeur Hook eft très-judicieufe , & qu'il
faut bien prendre garde dans la conflruc-
tion d'un inflrument , que toutes (ts parties
concourent également à fa perfedion.
Nonobflant la force de ces raifons , Hé-
vélius perfifta toujours dans l'ufage des
pinules y prétendant que les verres des
télefcopes étoient fujets à fe cafTer de
même que les fils placés à leur foyer , &
qu'enfin on étoit obligé de vérifier l'info
trument ; vérification qui devoit néceffai-
rement, félon lui , emporter un temps con-
fidérable.
Flamfteed étoit auffi du fêntiment du
dodeur Hook ; car il attribuoit entière-
ment à l'ufage des pinules les erreurs de
Tycho-Brahé fur la grandeur des planètes ,
& il pcnfoit que la' même caufè feroit
tomber Hévélius dans une erreur pareille.
Tel étoit le fêntiment des plus habiles
aftronomes de ce temps-là ; car ils aban-
donnèrent les pinules pour faire ufage
du télefcope. M. Picard fut un des pre-
miers qui l'employa avec fuccès , ayant
adapté un télefcope en place .de pinules ^
au quart de cercle , dont il fe fervit pour
fa fameufe mefure de la terre ; depuis ce
temps-là , on a abfolument abandonné
l'ufage des pinules , comme nous l'avons
dit plus liaut. (T)
PIOCHE , f. f. outil d'ouvriers y outil
de fer avec un long manche de bois qui
fert aux tcrraffiers , carriers & maçons ,
pour remuer la terre , tirer des pierres ,
fapper , démolir , &c. Il y en a de plu-
fieurs fortec : les unes dont le fer a deux
côtés , comme un marteau , & un œil au
milieu pour l'emmancher ; chaque extré-
mité de cette pioche eu pointue. D'autres
fortes de pioche s'emmanchentpar le bout
du fer : toutes deux font un peu courbes ;
mais l'une cfl pointue comme le pic , &
l'auîre qu'on nomme feuille de /auge , a le
bout large & tranchant. {D. J.)
Pioches, {Luth.) Ce font de petits
^c prendre une peine infinie pour dirai- j crochets de fer qui traverfent lâ barrç
V lO
de derrière de cKafïIs , & les queues des
touches. Kbj^;^ Clavier.
PIOCHET , ( Ornitholog. ) Voye^
GrimpereAU. Le piochety ou le petit
grimpereau, eft un oifeau connu d'Arif-
tote ; car je ne doute guère que ce ne foit
celui qu'il appelle a-k^àioi , & qu'il décrit élé-
gamment en ces termes : avicala exigua y
nomine certhios , cui mores audaces y do-
micilium apud arbores y viâus ex cojjis ,
ingenium fagax in vitœ officiis , vox Clara ;
lib. IX. cap. xpij. Lq nom àt petit grim-
pereau , & en anglois celui de crêper ,
lui conviennent à merveille ; car il grimpe
fans cefle fur les arbres , & ne fe repofe
^ue quand il dort.
Linnîeus en fait un genre ^iflind des
pics , parce qu'il n'a pas deux doigts der-
rière comtoe les pics , mais un feui. C'eft
un oifillon de la groflêur d'un roitelet;
fon bec eft crochu , & un peu pointu ;
fa langue n'efl pas plus longue que fon
tec , ce qui le diflingue encore de la claffe
éts piverts ; mais elle fe termine comme
dans ceux-ci en une pointe offcufe; fa
gorge , fa poitrine & fon ventre font blan-
châtres ; fon dos & fon croupion font de
couleur fauve , bigarrée d'un peu de blanc ,
de même que la tête. Il a de chaque côté
une petite tache fur l'œil ; fes grandes plumes
éts ailes , font les unes brunes pardelfus ,
éc les autres liferées de blanc ; les petites
plumes de l'aile font noirâtres ; fa queue
cil droite , roide , compofce de plumes de
couleur tannée ; (es jambes & les doigts de
fes pies , tirent fuj* le jaune ; {^q^ ongles font
noirs & crochus.
Il demeure toute l'année dans un même
canton , comme les méfanges ; il fait fon
«id dans des creux d'arbre , le long def-
quels il fe plaît à monter & defcendre , en
en piquant l'écoree avec fon bec. Il vit
d'infeâes & de verraifleaux qu'il rencontre
fur fa route ; il pond jufqu'à dix-huit ou
ringt œufs.
Le bec de ces fortes d'olfèaux femblc
deftiné à creufer le bois , car ils l'ont
arrondi , dur , aigu , & fèmblable à celui
de tous les oifeaux qui grimpent ; ils ont
ainfi qu'eux , fuivant la renaarque de Wil-
lughby, I*. àts cuilTes fortes & raufcu-
kuiès; 2.°. des i^unbes courtes & robuiles j
PIO 9jy
3°. de%ongIes favorables pour fe crampon-
ner; 4°. les doigts ferrés enfemblc, afin
de fe tenir fermement à l'arbse fur lequel
ils montent & defcendent ; 5^. enfin , une
queue roide & dure, un peu courbée par
le bas, pour fe foutenir fur cette queue ea
grimpant. {D. J.)
PIOCHON , f m. outil de charpentier ,
efpece de beiàiguë qui n'a que quinze pouces
de long ; elle fert aux charpentiers pour
frapper de grandes mortaifes. (D.J.)
PIOMBINO , ( Geogr. mod. ) petite
ville d'Italie , fur la côte de Tofcane ,
capitale d'une petite contrée de même
nom , qui eft entre le Siennois & le Pifan.
Sts princes particuliers (ont fous la pro-
tedion du roi de Naples, lequel a droit
de mettre garnifon dans la fortereffe de
Piombino. On croit que c'eft la PopU"
lania des anciens , c'eft-à-dire , la petite
PopuUriia ; car la grande étoit à 3 milles
à Porto-Barato. Cette ville eft (ùr la mer à
6 lieues fud-efl de Livourne , 24 fud-ouefl
de Florence , & 16 fud-oueft de Sieane.
Long. z8. 1 6. lat. 4z. ^ff. (D.J.)
EION , rqye:{ BOUVREUIL.
Pion , f m. (Jeu des échecs. ) pièce du
jeu des échecs , qui prend fon nom de la
pièce devant laquelle elle efl. Ainfi on dit
le pion du roi , le pion de la reine , le
pion du fou. On ne paflè point pion ,
c'efl-à-dire , qu'un />io/z qui n'a point encora
marché , & qui par cette raifon eft en droit
de faire deux pas , fi au premier pas il fè
trouvoit en prifè par un des pions de l'ad-
verfairc , pourroit être pris.
La Bruyère a employé ce mot fort heu-
reufement dans fa peinture de la vie de la.
cour. « Souvent , dit-il , avec àts pions
»> qu'on ménage bien , on va à dame , &
M l'on gagne la partie : le plus hab^ie l'em-
» porte , ou le plus heureux, w ( D. J.)
PIONI^ y ( Géogr. anc. ) ville de k
Myfîe afiatique , fur le fleuve Caïcus ,
félon Pline , liv. V. chap. xxx. & Pau-
(ànias , //V. IX. chap. xviij. Strabon ,
liv. XIII. pag. Sto. nomme cette ville
Pionia , & la place au voifinage de l'Etolie.
(D.J.)
PIONNIER , f m. ( Art milit. ) celui
qui efi employé à l'armée pour applanir
les chemins , en faciliter le pafla^e k
Ëeeeee 2
55^ P I û
rartlïlerie , creufer des .lignes & tî» tran- T
chées , & faire tous les autres travaux de
cette efpece où il s'agit de remuer des
terres. Il y a des officiers généraux qui
veulent avoir un nombre prodigieux de
pionniers pour faire la clôture d'un camp ,
les tranchées d'un ficge , l'accommode-
ment des chemins , en un mot , pour ôter
toutes fondions aux foldats de travailler à
la terre , parce que , difent-ils , ceux d'au-
jourd'hui ne peuvent être affujettis à de
tels travaux, comme les anciens Romains.
Ils ajoutent encore, pour foutenir leur
opinion , que le foldat, quand il arrive
au quartier, efl aflfez harafle^ fens l'em-
ployer de nouveau à remuer la terre. Il
eft à craindre qu'en portant trop loin ce
iyftême , on ne vienne à gâter les foldats ,
en les épargnant trop & mal-à-propos. Il
faut leur procurer des vêtemens , avoir
grand foin d'eux dans les maladies , & lorl-
qu'ils iont blelTés ; mais il faut les endurcir
à la peine , & que leurs généraux leur fer-
vent d'exemple ; car fi vous voulez réduire
les foldats à la difette , tandis que vous
regorgerez d'abondance , & à travailler ,
tandis que vous demeurerez dans l'oiliveté ,
certainement ils murmureront avec raifon.
Nous ne nions pas cependant qu'on ne
doive avoir à^s pionniers pour accommo-
der les chemins , & faire palTcr l'artillerie '-,
mais cent pionniers fuffifent à un grand
équipage. Quant à la clôture du camp,
le foldat eit obligé de la faire , parce que
ce travail lui donne le temps de fe repofer
& de dormir en fureté. D'ailleurs c'eil: un
ouvrage de trois ou quatre heures ; pour
cet eifet , toute l'armée doit y travailler ,
ou au moins la moitié , quand l'ennemi eft
proche. S'il falloit ne donner cette befogne
qu'à àtsjjionnier^ il en faudroit dans une
armée autant que de foldats : ce qui feroit
le vrai moyen d'afïàmer tout un pays, &
d'augmenter l'embarras qu'on ne fàuroit
trop diminuer. Quant aux tranchées , les
pionniers n'y réuiSfîent guère bien , &
lorfque le danger croit , les plus vaillans
foldats n'y font pas de trop ; encore faut-il
les animer à ce travail par un gain aflùré ,
des promefîcs & des récompenfes ; car
nul argent n'ell fi bien employé que celui-
P I o
PIOTE , f. m. ( Archit. navale.) oti
écrit aufll piotte ; efpece de petit bâtiment
qui approche de la gondole , fort en ufage à
Venife ; quand le doge fait la cérémonie'
d'époufer la mer , le vaifleau qu'il monte ,
eft environné & efcorté des gondoles do-
rées Ats ambaflfadeurs , d'une infinité de
/(zorej^ & d'autres gondoles , Ùc.
PIPA , PIPAL , f. m.{Hifl.nat.)
crapaud d'Amérique. Le mâle reflemblc
affez par la forme du corps , au buto ou
crapaud de terre de ces pays-ci ; mais la
femelle a une conformation très-difFérentè ;
elle eft beaucoup plus grofle que le mâle.
La tête du pipa ell petite , & la partie
antérieure fe termine en pointe à-peu-près
comme le ftiufeau d'une taupe ; l'ouverture
de la bouche eft très-grande , &. les yeux
font fort petits ; il y a de chaque côté ,
à l'extrémité poftérieure de la tête , un
petit appendice formé par un prolonge-
ment de la peau : le dos forme une éléva-
tion très-apparente à fa partie antérieure j
il eft très-large & couvert prefqu'en entier
de petits corps ronds de la grofleur d'un
gros pois , & enfoncés fort avant dans la
peau ; ces corps ronds font autant d'œufs
couverts de leur coque , & pofés fort près
les uns des autres , prefqu'à égale diftance ;
l'efpece de croûte membraneufe qui les
recouvre , eft d'un roux jaunâtre & luifant.
On voit fur les intervalles qui fe trouvent
entre les œufs & fur les autres parties de
la (âce fupérieure du corps , un grand
nombre de très-petits tubercules ronds ,
femblables à des perles. Lorfqu'on enlevé
la membrane extérieure qui recouvre les
œufs , ils paroifTent à découvert , & on
diftingue les petits crapauds. Les jambes
de devant du pipa font menues & ter-
minées par quatre doigts longs qui ont
de petites ongles ; les jambes de derrière
font beaucoup plus groffes , & ont chacune
cinq doigts tous unis les uns aux autres
par une membrane , comme dans les ca-
nards : le deflous du ventre a une couleur
cendrée jaunâtre. La femsUe eft d'une
couleur jaunâtre, à - peu - près femblable
à celle des crapauds de ces pays-ci. On
trouve le pipa en Amérique ; les naturels
du pays donnent le nom àc pipa à la fe-
melle j & celui de pipai au mâk : lés
p IP
hêgres mangent les cuifles de l'un & de
l'autre , quoiqu'ils paflent tous les deux
pour erre très - venimeux. M. Merian ,
Métamorp. des inf. de Surinam , dit ,
de même que Seba , que c'eft la femelle
qui porte fes petits fur fon dos. V^oje\
Crapaud.
PIPE , f. f . ( Futaille. ) c'eft une des
neuf elpeces de futailles ou vaifTeaux ré-
guliers , propres à mettre du vin & d'autres
liqueurs.
En Bretagne la pipe eft une mefure des
chofes feches , particulièrement pour les
grains, les légumes & autres femblables
denrées; la pipe entendue de cette forte,
contient dix charges , chaque charge com-
polée de quatre boilTeaux : ce qui fait
quarante boifleaux par pipe ; elle doit pefer
fix cents livres , lorfqu'elle eft pleine de
bled. {D.J.)
Pipe , f. f. {Poterie.) long tuyau délié
fait ordinairement de terre cuite très-fine ,
qui fert à fumer le tabac. A l'un des
bouts du tuyau qui eft recourbé, efl une
façon de petit vafe que l'on appelle le
fourneau , ou la tête de la pipe , dans
lequel on met le tabac pour l'allumer & le
fumer : ce qui fe fait avec la bouche , en
alpirant la fumée par le bout du tuyau
oppolé à celui du fourneau.
Il fe fabrique des pipes de diverfes fa-
çons , de courtes , de longues , de façon-
nées , d'unies , de blanches {ans être ver-
niflfées , de diiFérentes cotjleurs ; on les
tire ordinairement de Hollande.
Les Turcs fè fervent pour pipes ( qui
font de deux ou trois pies de longueur ,
plus ou mo'.ns ) , de rofeau ou de bois
troué comme des chalumeaux , au bout
defquels ils attachent une efpece de noix
de terre cuite qui fert de fourneau , & qu'ils
détachent après avoir fumé ; les tuyaux de
leurs pipes s'emboîtent & fe démontent
pour être portés commodément dans un
ctui. Vous trouverez t#|lt ce qui concerne
la manière de faire les pipes à Varticle
Terres a pipe.
PIPEAU , f. m.^erme d'Oifelier , bâton
moins gros que le petit doigt, long de trois
pouces , fendu par le bout pour y mettre
une feuille de laurier , & contrefaire le cri
■ ou pipi de piulieurs oifeaux.
P I P 5,^7
PIPÉE , f. f. {ChaJJe aux oifeaux. )
cette chafTe aux oilèaux fe fait en automne ,
dès la pointe du jour , ou demi -heure
avant le coucher du foleil. On coupe le
jeune bois des branches d'un arbre ; on
fait des entailles fur ces branches pour
mettre des gluaux ; enfuite trente ou
quarante pas autour de cet arbre , on
coupe le bois taillis; on fait une loge fous
l'arbre où font tendus les gluaux; on s^y
cache , & on y contrefait le cri de la
femelle du hibou avec une certaine herbe
qu'on tient entre les deux pouces , & qu'on
applique entre les deux lèvres , en poulîânt
fon vent , &: en les pouflant l'une contre
l'autre. Les oifeaux qui entendent ce cri
qui contrefait celui de la femelle du hibou ,
s'amufent autour de l'arbre où l'on e(l
caché , & fe viennent le plus fouvent per-
cher fur l'arbre où font tendus les gluaux ;
ils s'engluent les ailes , ils tombent à terre ,
& on les prend. Rufes innocentes ^ liv. II ^
ch. 27 , z8 Ù ig.
PIPELIENE , f. f. ( OrnithoL ) c'efl
ainfi que Frefier nomme un oifeau du
Chily dans l'Amérique méridionale ; il die
que les pipelienes ont les pies faits comme
l'autruche , & qu'elles reflemblent en quel-
que chofe aux oifeaux de mer qu'on ap-
pelle maui'cs , lefquels ont le bec rouge ,
droit , long , étroit en largeur , & plat
en hauteur , avec un trait de même cou-
leur fur les yeux.
PIPELY , ( Géogr. mod. ) petite ville
des Indes , non murée , au royaume de
Bengale , dans une plaine , fur la rivière
de Pipely , à quatre lieues au delïlis de
fon embouchure. Long. io6 ^ 2.0 ; /a/,
^î , 40. ' .
PIPER , V. neuf, terme d'Oifelier ;
c'eft contrefaire le cri de la chouette , pour
attirer les oifeaux qui la haïfîènt , & les
engager à fe venir percher fur un arbre où
l'on a tendu àts gluaux.
PIPERAPIUM , [Bot. anc) nom d'une
plante dont il n'ell parlé que dans Apulée ,
&: c'efl un nom qu'il a tiré de fa^ faveur
brûlante fur la langue • cette plante , ajoute-
t-il , étoit 11 odjeufe aux abeilles , qu'un
de Çts plus petits rameaux pendu fur leur
ruche , Us obligcoit toutes d'en forrir
aulli-tèt. Comme cet étrange récit ne fe
^j8 P I P
trouve que dans ce fcul ApuHe ^ on
ne peut y ajouter la moindre foi. Mais
voici peut-être l'origine de ion propos.
Diofcoride a dit que la racine acorus étoit
celle d'une plante entièrement reflcmblante
au papyrus du Nil , & en conféquence
il nomme cette plante papyraceum , mot
qui fe trouve écrit dans quelques manuf-
c^'its ';rgT«fstvJo''. Apulcc aura changé &
corrigé peperachion en piperapium ; il a
dû enfuite donner à Ton piperapium une
faveur brûlante , & a enfin imagine que
les abeilles dévoient redouter une fem-
blable plante , & abandonner leurs ruches
en la fentant. {D. J.)
PIPERNO ou PIPERINO, (Hijî.
nat, ) nom que les Italiens donnent à une
pierre que quelques auteurs regardent
comme un grès ; cette pierre cfl grife &
entre-mêlée de veines & de taches d'une
couleur plus obfcure , qui font plus com-
pares & plus dures que le refte de la
pierre ; elles font feu avec l'acier ; le refte
de la pierre efl: aflez tendre & fpongieux.
M. de la Coadamine regarde cette pierre
comme une vraie lave produite par des
volcans. Voye'{ Lave,
PiPERNO ou PrIVERNO-NOVELLO ,
( G^og. mod. ) petite ville d'Italie dans
la campagne de Rome , à 7 milles de
Terracine ; fon cvcché , k caufc de fa
pauvreté , a été réuni à celui de cette der-
nière ville. Piperno ell voifinc des ruines
de l'ancien Pr/V^r/za/n. Long. 30 , 46^
lat. 42 , S.I y &c.
PIPES ( TERRES A ) , ( Hifl. nat. )
nom générique que l'on donne aux terres
argileufes blanches , qui ont la propriété
de fè durcir dans le feu. Ce nom lui vient
de ce qu'on s'en fert pour faire àt^ pipes
â fumer du tabac.
PIPI, {Hifi. n&t.) oifeau qui eft fort
commun en Abyffinie & en Ethiopie. Son
nom lui vient du bruit qu'il fait , qui ref-
ièmble aux deux fyllabes pipi. Il eft d'une
grande utilité aux chafTeurs du pays ; cet
oifeau leur fait découvrir le gibier ; on
aflure qu'il ne cefïè de les importuner de
fon cri jufqu'à ce qu'ils le fuivent à l'en-
droit où le gibier eft caché ; ce qu'il
fait dans l'cfpérance a en avoir fa part &
fi'ea boke le iànsj cependant il feroit
P r p
imprudent de fuivre les indications de ce<
oifeau fans être bien armé , va qu'il con-
duit fbuvent les chafTeurs vers l'endroit où
cfl: quelque gros ferpent , ou quelqu'autre
animal dangereux.
PIPOT , f. m. ( Comm. ) on nomme
ainfi à Bordeaux certaines futailles ou barils
dans lefquels on mer les miels ; c'cft ce
qu'on nomme ailleurs un tierçon. Le ton-
neau de miel eft corapofé de quatre bar-
riques ou de {\x pipots. Voy. BARRIQUE.
Dicl. de comm.
PIPRIS , f m. {Marine) c'eft une efpece
de pirogue , dont fè fervent les nègres du
Cap-verd & de Guinée.
PIQUANT, ad). ( Gramm.) qui a une
pointe aiguë , comme l'épine y l'épingle , le
poinçon.
Il fe dit auffi Aqs chofes qui afïè(9:ent
le goût , comme le fcl , le vinaigre , le fuc
àes fruits non mûrs , le vin nouveau de
Champagne. Au figuré , une femme efl
piquante y lorfqu'elle attire une attention
vive de la part de ceux qui la regardent ,
par fa fraîcheur , fa légèreté , l'éclat de
fon teint, la vivacité de fes yeux, là jeu-
nefïê.
Un mot eft piquant y lorfqu'il nous re-
proche d'une manière forte quelque défaut
ou réel ou de préjugé. On diroit peu de
ces mots, fi .'on n'oublioit qu'il n'y en a
aucun qui ne pût nous être rendu.
Piquant, C m. [Bman.) ce mot fe
dit des pointes ou groffes épines qui vien-
nent au tronc , aux tiges , aux feuilles de
certains arbriftcaux& de certaines plantes,
à l'opicatia , par exemple , aux chardons ,
aux feuilles de houx , ^c
PIQUE , f. f. {Artmilit. ) arme ofFen-
five qui eft compofée d'une hampe ou d'un
manche de bois long de douze ou quatorze
pies , ferré par un bout d'un fer plat &
pointu , que l'on appelle lance.
Celles qu'on voit dans les monumens faits
du temps des eraû|reurs romains font d'en-
viron fix pies & demi de longueur , en y
comprenant le fer. Celles des Macédoniens
ctoient infiniment plus longues , puifque
tous les auteurs s'accordent à leur donner
quatorze coudées , c'eft-à-dire , vingt & un
pies de longueur. On conçoit difficilement
comment ils pouvoieiot manier avec dex'*
P I Q
t<Jnt^ & avantage une arme de cette
portée.
On dit que ce nom vient de /^ie , oifeau
dont le bec cû û pointu qu'il perce les
arbres ou le bois comme une tarière.
Ducange le dérive de pice y qu'on a dit
dans la bafle ktinité , & que Turnebe
croit avoir été dit quafi fpica^ à caufe
qu'il refTemble à une efpece d'épi de bled.
Odavio Ferrari le dérive de fpicuîa. Fau-
chet dit que la pique a donné le nom
aux Picards & à la Picardie , qu'il pré-
tend être moderne & être venu de ce
que les Picards ont renouvelle l'ufage de
la pique , dont le nom efl dérivé de pi-
quer y, félon cet auteur.
• La pique a été long-temps en ufage
dans l'infanterie pour ioutenir l'effort ou
l'attaque de la cavalerie : mais à préfent
on l'a fupprimce , & on y a fubfîimé Ja
bayonnette que l'on met ou que l'on vifl^
au bout de la carabine ou du moufquet.
Voye:[ BAYONNETTE.
Cependant la pique eft encore l'arme
des officiers d'infanterie. Ils combattent la
pique en main , ils faluent avec la pique ,
&c! Pline dit que les Lacédémoniens ont
été les inventeurs de la pique. La phalange
raacédonniennc étoit un bataillon de pi-
quiers. Voye\?HKLKliGE.
Ce n'eft que fous Louis XI que l'infan-
terie françoiiè commença à être armée de
piques , hallebardes , pertuifanes & autres
armes de longueur ; on entre-mêla enfuite
des fuiiliers dans les bataillons , & ce n'efl
qu'au commencement du règne de Louis
XIV que l'infanterie a quitté abfolumcnt
l'ufage de la pique pour les armes à feu.
Avantages Çf inconvéniens de la pique,
jufiifiés par des exemples.
La pique étoit en ufage prefque parmi
tous les peuples de l'antiquité. Mais on
. n'a pas deflèin de parler ici de l'invention
de cette arme , des proportions différentes
qu'on lui a données dans les temps les plus
reculés , de l'ufage momeniané ou confiant
qu'on en a fait , ni des avantages plus ou
moins confidérables & de toute efpecequ'elie
a pu procurer aux diverfes nations qui en
connoilîènt l'excellence , & qui en ont fu
tirer le meilleur parti ; plufieurs auteurs an-
ciens & modernes ayant déjà fait ou répété
toutes ces recherches : du moins ce qu'on
fe propofe de dire fur toutes ces queiîions ,
fera très- court.
On lit dans quelques auteurs que David ,'
le reformateur de la taâique juive , faifoit
le plus grand cas de la pique ; & on peut
croire^ que ce fut à l'aide de cette arme ,
. en effet fi redoutable , que ce héros vain-
-juit les Philiffins , fubjugua les Moabites,
mit la Syrie fous fa puiflance , battit les
Ammonites. Des Juifs la pique pafîà chez
les Egyptiens , qui s'en fervirent avec
beaucoup de fuccès. D'après ceux-ci , les
Grecs l'adoptèrent ; & dès-lors l'ufage en
fut établi chez la plus grande partie à^s
nations, & s'y foutint, jufqu'à ce que les
Romains fe fuflent fait connoître par le
mélange heureux des armes de leur légion ,
qui , Joint à leur bravoure & à leur difci-
pline, les 'fit triompher par-tout où ils
portèrent la guerre. Leur ordonnance &
leur difcipline s'étant corrompues , &
ayant quitté leurs armes défenfivcs , ils
ne purent plus réfiffer aux Barbares fortis
de Germanie , qui firent crouler ce vaffe
empire, fi long-temps & fi univerfelle-
menf redoutable. Depuis cette fameufè
époque jufqu'au temps des croilades , on
ne trouve rien de remarquable dans la
manière de faire la guerre : alors on voit
la gendarmerie con^.battre avec la lance,
ce qui a duré jufques bien avant dans leî
XVI^. fiecle; & quelques peuples , comnre
les Flamands , qui n'avoicnt point de cava-
lerie , fe fervirent avec fuccès de la pique,
M^is aucun peuple ne fit ua meilleur ni
plus confiant ufage de la pique , que les
Suiiïès ; & il paroît que c'eft leur exem-
ple qui a déterminé les autres nations de
, l'Europe à prendre auffi cette arme ( a ).
(a) Les piques qu'on voit dans les monumens faits du temps des empereurs romains , font d'environ
fix pies & demi de longueur, en y comprenant le fer. Selon Polibe, la fariffe des Macédoniens étok
longue de feize coudées, c'eft-à-dire, de plus de quatre toifes; mais elle fut enfuite accourcic
de deux coudées, pour la rendre plus commode. Comparai/on des armes des Romains avec celln
du Macédoniens, La ^i^tte des Suites , au rapport de plufieurs auteius , étoit de di^huit piési^
9<ro P I (i
Du Bellai-Langey , dans Ton livre de la
difcipline militaire y nous confirme cette
opinion. « Les exemples de la vertu , dit-il,
» que [ts SuifTes ont montré avoir au fait
w des armes à pie, font caufe que depuis
9) le voyage de Charles VIII ( au royaume
9i de Naples ) , les autres nations les ont
» imités , rcêmement les Allemands &
» Efpagnols , lefquels font montés en la
» réputation que-Ton les tient aujourd'hui ,
7i pour autant qu'ils ont voulu imiter
« l'ordre que lefdits SuifTes gardent, &
7i la mode des armes qu'ils portent. Les
M Italiens s'y font adonnés après eux , &
» nous finalement. »
Tout militaire qui aura fait une étude
particulière de fon métier & qui aura de
l'expérience , ne difconviendra pas de l'uti-
lité des piques. Il n'y a point d'arme plus
propre à rallentir l'impétuofité d'un enne-
mi , ni à lui donner de la terreur. En effet ,
elle a l'avantage par fa longueur de pou-
voir l'arrêter à une diflance affez grande ,
pour qu'il ait le temps d'envifager le péril
auquel il s'expofe , en abordant une troupe
qui l'attend de pié-ferme; & comme en
pareil cas rien n'efl plus à craindre que
cet infiant de réflexion qui fufpend l'ar-
deur du foldat , & qui l'éclairé trop fur le
rifque qu'il court, il doit en réfulter un
très -grand avantage pour celui qui eft
attaqué.
hz pique cfl non-feulement très-utile
pour la défenfe , mais elle l'efl aufîi pour
l'attaque : car li une troupe de piquiers
en attaque une de fufiliers, néceffairement
la première atteindra de loin la deuzieme ;
& fi après le choc la/J/^i/e l'erabarraffe ,
elle fe fervira fort avantageufement de
l'épée. Mais c'efl contre la cavalerie fur-
tout que la pique doit faire un grand
efïèt.
Ce qu'on vient de dire de l'excellence
de cette arme , fe trouve parfaitement
confirmé par l'autorité des plus grands
généraux, f* Les SuifTes , dit le duc de
» Rohan ( Traité de la guerre y chap. ;?. ) ,
« ont beaucoup plus de piques que de
« moufquets , & pour cet effet fe font
w fait redouter en campagne. Car un jour
». de bataille où on vient aux mains , le
>> nombre des piques a bçaucoup d'avan-
P I Q^
» tage fur celui des moufquets. La pique ,
» ajoute le même auteur, efl très-propre
yy pour réfifler à la cavalerie , pour ce que
yi plufieurs jointes enfcmble , font un corps
>» tort folide , & très-difficile à rompre
» par la tète , à caufe de leur lorîgueiir ,
» defquelles il s'en trouve quatre ou cinq
w rangs , dont les fers outrepafTent le
» front des foldats , & tiennent toujours
» les efcadrons éloignes d'eux de douze k
iy quinze pies. »
Selon Montécuculli ( voye\fes Mémoi-
res f liv. J , cil. z ) y « un gros de piques
» ferré efl impénétrable à la cavalerie, dont
» elles foutiennent di'elles-mêmes le choc
» à vingt-deux pies de diflance , & elles
M la pouffent même par les décharges
yf continuelles de moufqueterie qu'elles
yy couvrent. La moufqueterie feule fans
» piquiers , ne peut pas faire un corps
« capable de foutenir de pié-ferme l'impé-
» tuofité de la cavalerie , ni le choc &
yy la rencontre des piquiers. » Il cfl dit
ailleurs {liv.IIy ch. 2.), en parlant des
Turcs. " Mais la pique leur manque , qui
>> efl la reine des armes à pié , & fans
» laquelle un corps d'infanterie attaqué
« par un efcadron , ou par un bataillon
» avec des piques , ne peut demeurer
» entier , ni faire une longue réfifîance. »
Le maréchal de Luxembourg , à qui on
avoit propofé de fupprimer la pique ,
repondit qu'il y confentiroit volontiers ,
lorfque les ennemis n'auroient plus de
cavalerie. C'étoit aufîi le fentiment de
M. de Turenne & de M. d'Artagnan ,
major des gardes-françoifés , depuis maré-
chal de Montefquiou , qui connoilfoit par-
faitement l'infanterie.
Quelques exemples de ce qu'on peut
faire avec les piques , achèveront de per-
fijadcr combien elles donnent d'avantage
dans un combat. A la bataille d'Avein y
le maréchal de Chatillon , qui étoit à l'aile
gauche de l'armée , ayant ordonné au ré-
giment de Champagne d'attaquer les ba-
taillons ennemis qui lui faifoient face , ce
régiment conduit par le marquis de Va-
rennes , marcha fur le champ , (es piqui-ers
piques baifîees , avec tant de réfolution &
de vigueur , qu'il enfonça un régiment
efpagnol & celui du prince TJ^omas. Cette
attaque
P I o
atraquequifut foutenue par quelques autres
régimens , & fuivie d'une charge de cava-
lerie qui culbuta l'aile droite des ennemis ,
décida du gain de la bataille. Relation de la
bataille d'Avein.
Trois mille Suifles à la bataille de Dreux ,
rélifterent avec leurs piques pendant qua-
tre heures , à toutes les forces des Hugue-
nots, qui efpéroient que la défaite de ce
corps leur alTureroit infailliblement la
vid:oire. *' Ces Suilîes alTaillis de toutes
3, parts , 8c environnés d'un fi grand nora-
„ bre d'ennemis, reçurent le choc de la
ji cavalerie , piques baillées , avec tant
„ de valeur , que la plus grande partie de
,, leurs piques furent brifécs. Mais leur
„ bataillon demeura ferme & ferré , re-
„ pouflant avec un grand carnage la
,, fougue des ennemis. En même temps
„ l'arriére - garde des calviniftes chargea
„ avec intrépidité la cavalerie légère qui
„ réfifta foiblement. Elle fondit enfuite
„ fui* les régimeHS de Picardie & de Bre-
„ tagne , qui de ce côté-là couvroient le
„ flanc des Suifles , rompit fes arquebu-
„ fiers & attaqua les Suifles par derrière,
„ mais elle y fut fort maltraitée par la
„ vigoureule réfiftancc qu'elle y trouva.
„ Les Suifles ayant ferré leurs rangs ,
„ faifoient face de tous côtés ; en forte
,, que les deux tiers de l'armée huguenote
,, occupés autour d'eux fans pouvoir les
,, entamer, & acharnés à les rompre,
3, auroient été obligés de fè rendre à
,) eux , ou du moins de fe retirer avec
„ une grande perte , fi le rcfte de leurs
j, troupes ne les eût bien fécondés. ,, Hijl.
des guerres de France , liv. III.
Les batailles de Novarre , de Mari-
gnan , de Montcontour , fourniflènt d'au-
tres exemples très - remarquables de l'in-
trépidité des Suifles & de la manière avan-
tageufe dont ils (àvoient fc fervir de la
pique.
A la bataille de Ncwbury en Angleterre,
qui (e donna entre l'armée du roi & celle
du parlement , l'infanterie de cette dernière
abandonnée à fes propres forces fc main-
tint dans fes rangs ; & fans cefler un
moment de faire feu , elle préfenta un
rempart impénétrable de piques au furieux
choc du prince Robert , & de fes troupes
Tome XXF.
de nobleflè , dont la plus grande partie de la
cavalerie royale étoit compofée. M. Hume ,
en parlant de cette adion, dit qu'on eri
fait particulièrement honneur à la milice
de Londres qui faifoit partie de l'armée du
parlement , & qui égala dans cette occa-
fion ce qu'on pouvoit attendre des plus
vieilles troupes. Cette milice fans expé-
rience & fortie récemment de fes occu-
pations méchaniques , quoique exercée
dans fes murs , & plus que tout cela
animée , comme l'ooferve l'hiftorien ,
d'un zèle indomtable pour fa caufe ,
n'eût afliirément pas pu rcfifter à tant de
vigoureufes attaques fans le fecours de la
pique. Hijîoire de la maifon de Stuart ,
tome III.
Au combat de Steinkerque en i6^i, U
pique ne fut pas moins utile que l'épée dans
cette vigoureufe charge que fit la brigade des
gardes.
Bottée , capitaine au régiment de la
Fere , qui a fait un excellent dialogue
fur l'utilité des piques , rapporte qu'à la
bataille de Senef les piquiers fervirent
très - utilement à l'attaque d'une barrière ,
dans un chemin creux , &• dans les haies
du village de Fay. Creni , major de Lille,
qui avoit été capitaine au régiment de
Navarre , & de qui l'auteur qu'on vienc
de citer dit tenir le fait , lui en avoic
appris un autre qui n'eft pas moins inté-
reflant , & que voici. '' A !a bataille de
„ CafTel , Defbordes , major du régiment
„ de Navarre, voyant notre cavalerie en
„ défordre , que celle des ennemis fuivoit
,, vivement, à moi , dit - il , piquiers (en
,, parlant à tous ceux de la brigade ,
„ dont étoit le régiment de la reine ) ;
„ & les faifant avancer , il leur fit pré-
„ fenter la pique l'appuyant du talon con-
,, tre le talon du pié droit , & repoféc
„ fur le genou gauche, le fabre croifé fur
j, la pique, les moufquetaires reftant en
„ bataille derrière les piquiers , ôc taifànt
,, paflèr notre cavalerie à droite & à
„ gauche , il arrêta par fon feu celle des
,, ennemis, & donna par ce mouvement
„ & cette fermeté , le temps nécefïairc
„ à nos gens pour fe rallier , & par con-
„ féquent le moyen de recharger enfuite
j, celle des ennemis , qui ne put jamais ^
Ffffff
IQ,
5, ébranler la brigade de Navarre. ( /5 ).
,, Creni, ajoute Bottée, nous difoit un
jour qu'on parlok avec regret de la fup-
preflîon des piques , que ce régiment
s'enétoit fi fouvent fervi avec diftindtion,
que pour honorer la valeur des piquiers,
ils marchoient autrefois à la tête du corps
lorfqu'il défîloir. ,,
De quelque poids que foient les auto-
rités ôc les exemples dont on s'eft fervi
pour prouver Tutilité de la pique, cette
arme telle qu-'elle étoit , &: de la manière
qu'on Pemployoit , avoir pourtant de grands
défauts. Elle étoit très - pefante , ôc très-
difficile à manier : une fois baiflcc le foldat
la relevoit avec peine. S'il la préiènroit
moins en avant , pour pouvoir s'en fervir
plus commodément , tous lès mouvemens
ctoient extrêmement gênés , par la partie
du talon qui fe trouvoit engagée dans le
rang fuivant'. Dans la défenfe , comme
dans Pattaque , il n'y avoir guère que les
piques du premier & du fécond rang qui
fufïent fervir; celles des autres rangs fe
trouvant ramailees entre les files , reftoient
iiéceflairement inutiles & lans effet : car ,
alors les piquiers des rangs poftérieurs
voyoient bien difficilement ce qui fe paf-
foit en avant , & ne pouvoient porter
qu'au hafard leurs coups à droite & à gau-
che. Avec cela , la pique par fa longueur
étoit fujetre à fouetter ôc à Ce cafier. Elle
étoit embarrS'flànte , fur - tout dans les
pays coupés de haies , de fofies , dans les
bois ôc dans les montagnes (c). En un
mot , n'ayant point de mobilité , comme
l'obferve très - bien Pauteur des Pléfions ,
les piques étoient moins une arme pour
chaque foldat, qu'un cheval de frilè pour
P I Q^
toute une troupe. Dès qu'on avoit gagné
le fort , le foldat étoit délarmé. Aulïi a-t-
on vu de grands corps de piquiers battus
par des corps gui n'avoient que des armes
<:ourtes , ôc allez (ouvent même par des
piquiers, qui par leur manière de fe fervir
de leurs piques yen faifoient en quelque
forte des armes courtes , ôc trouvoient le
moyen de rendre inutiles celles de leurs
ennemis. Mais à la vérité, il falloir pour
de telles attaques la valeur la plus déter-
minée. Les Romains nous fourniroient
ici beaucoup d'exemples , fi à l'imitation
de plufieurs auteurs anciens & modernes,
nous voulions attribuer la défaite de la
phalange , du moins en grande partie ,
à la longueur des piques dont fe fervoient
les Grecs. Mais , commue nous ne fommes
pas tout à fait de ce ientiment , nous4)ren-
drons nos exemples ailleurs. " Carmignole,
,, général de Vilconti , duc de Milan, fe
,, trouvant engagé en rafe campagne contre
„ dix-huit mille Suifles tous piquien, s'en
y, alla au devant , quoiqu'il n'eût que fix
,, mille chevaux ôc quelque infanterie à
„ leur oppofei#Le choc futrude , ôc Car-
,, mignole rompu ôc mis en fuite. Ce
,, brave ôc déterminé capitaine ne fe dé-
,, couragea point , la honte lui fervit d'ai-
,, guillon pour avoir fa revanche tout fur
,, le champ. Il rallia fa cavalerie ôc revint.
, , Mais lorfqu'il fe voit à une certaine dif-
,, tance de l'ennemi, il fait mettre pié à
„ terre à fes gens d'armes qui étoient
,, armés de toutes pièces, & fond furies
,, Suifles ferrés ôc en bon ordre. Il en
„ vient aux mains , s'ouvre un paflage à
„ travers cette forêt de piques y en gagne
„ le fort , ôc ces piques deviennent inu-
(^)Quoiqu'on n'ait pas trouvéce fait dans aucun hiftorien ni faifeur de mémoires, on n'a pas moins
de plaifir à le placer ici. Il eftciiconftancié de manière à nous donner la plus haute idée de la valeur»
des talens & de l'expérience de Desbordes , & attefté par un militaire relpeiStable tel que Greni, il ne
peut fouffrir aucun doute. Ily a des généraux qui négligent de rendre compte de ces fortes d'aftions
& de les faire valoir .-ils craignent d'atîoiblir leur gloire. Mais il faut avouer qu'ils coiinoiffent auflî
mal leur intérêt que celui de leur fouverain , d'autant que ce qu'ils voudroient UifTer ignorer ne
peut jamais refter dans l'oubli. Il en eft pourtant auxquels très-certainement on ne fera jamais de tels
reproches. Ip/lus cerieducis hoc referre videtur^ ut qui fortis erit , fit felicijjïmus idem, ut Uti phalerif
ttnnes , ^ torquibu$ omnes. Juvenal.
( c ) Le maréchal de Catinai faifant la guerre dans les Alpes aux Barbets , ôta les piques à fes fol-
â"ats , parce qu'elles étoient moins propres pour ces combats de montagne , & que le grand feu y
étoit beaucoup plus utile; & l'on continuai en ufer de même dans les guerres d'Italie , parce que
le pays qui eft fort coupé , ne permcttoit pas de s'étendre beaucoup en plaine. Daniel , Hifi. de U
milice ftftnf ci fe , tewe il ^ Uv. JIÎ.
P I Q_
,, tiles5^ (ans effet à caufède leur trop
,, grande longueur. Les Suilfes font enfon-
3, ces Le carnage fur tel, qu'il ne s'en
,, eft guère vu de pareil. De route cette
y, armée , il ne refta que trois mille hom-
,, mes, qui mirent armes "bas j le refte
„ fut étendu mort fur la place. „ Folard,
traité de la colonne.
Machiavel , qui cite auilî cet exemple ,
nous en fournit deux autres. '* Onavoit,
, dit cet auteur, débarqué de Sicile dans
3 Fë royaume de Naples de Tinfanteric
_, efpagnole , qu'on envoyoit à Gonfalve,
5 qui étoit affiégé dans Barlette par les
, François. M. d'Aubigny leur alla au-
i devant avec les gendarmes & environ
, 4000 fantaflînsSuilIes.LesSuiiïes vinrent
, aux mains, & avec \q\jlïs piques bafifes
, firent jour au travers de l'infanterie ef-
, pagnole : mais ceux-ci , à l'aide de leurs
, rondaches , & par leur agilité, femê-
, lerent avec les Suifles, en forte qu'ils
, pouvoient les joindre avec l'épée : d'où
, s''enfuivit la défaite de ceux-ci, & la
, vidoire des Efpagnols. Chacun fait ,
j ajoute Machiavel , combien furent tués
3 des mêmes Suifles à la bataille de Ra-
, vennes, ce qui arriva pour la même
, raifbn , parce que l'infanterie efpagnole
, vint l'épée à la main fur eux , & ils
, auroient été tous taillés en pièces, s'ils
5 n'eu fient pas été fecourus par la cava-
, lerie françoife. Cependant les Efpagnols
, s'étant bien reflerrés enfemble , fe reti-
, rerent en lieu de sûreté. „ Art de la
guerre , liv. If.
_ A la bataille de Cerifblles , cinq mille
cinq cents hommes des vieilles bandes fran-
çoifes, qui entamèrent l'adtion, battirent
par la manière dont ils fe fervirent de leurs
piques^ un corps de dix mille Allemands;
ce qui contribua beaucoup au gain de cette
bataille ; Montluc , qui y étoit , en rend
compte afièz clairement. Il fait d''abord
le détail des difpofîtions du comte d'An-
guin, & de quelques efcarmouches qui
précédèrent l'affaire , puis il rapporte l'avis
qu'il donna fur la manière dont on devoit
combattre. " Si nous prenons , dit-il , la
„ pique au bout du derrière, &c nous
„ combattons du long de la pique , nous
f, fommes défaits : car, f Allemand -eft
p I Q. s^i
„ plus dextre que nous en cette manière.
,, Mais il faut prendre les piques à demi ,
„ comme fait le Suiffe , & baiffer la tête
„ pour enferrer & poufler en avant , &
„ vous le verrez bien étonné. Alors, con-
,, tinue cet auteur , M. de Tais (colonel
,, des vieilles bandes), mecrioit que je
,, couruflè au long de la bataille leur faire
,, prendre les piques de cette forte , ce
,„ que je fis. Je m'encourus devant la
,, bataille, &c mis pié à terre.... Jecriai
,, au capitaine la Barte, fèrgent - major ,
„ qu'il courût toujours autour du bataillon
„ quand nous nous enferrerions, & qu'il
,, criât lui & les fergens derrière ôc par
,, les côtés , poujpei, foldats ^ poujfe'^^:
,, afin de nous poufîer les uns les autres,
,, & ainfî vînmes au combat ,,.... Voye^
fes Commentaires , tome I, livre II.
Ces différens exemples, joints aux obfer-!-
vations qui les précèdent, prouvent évi-
demment que la trop grande longueur delà
pique eft un défaut très - effentiel ; qu'un
corps de piquiers , qui ne fera pas compofé
de gens d'élite qui fâchent fe fervir de la pi-'
que à la manière des Suiffes , ou qui ne fera
pas mêlé d'armes courtes , ne fera qu'urj
corps foible ; & que l'audace & l'habileté
auront toujours beaucoup d'afcendant fur le
nombre.
Ce fcroit ici le lieu d'examiner (î en faifant
quelques changemens à la pique & dans la.
manière de l'employer , on n'eût pas pu re-
médier à une grande partie de fes défauts ;
«Si fi au lieu de la fupprimer on n'auroic
pas dû la conferver : mais cette difcufîioi^»
aura fa place dans cet article ; en attendant il
n'eft pas hors de propos de faire voir que le
fufîlavec fa bayonnettene peut fuppléer àla
pique contre le choc de la cavalerie, ^oje^
préalablement les articles Fusil & Mous-
QUETERIE.
Le maréchal de Puyfégur regarde le
fufîl avec la bayonnette comme la meil-
leure arme de l'infanterie ; & d'après lui,
tous les auteurs qui fe font éloignés du
fyftcme de la pique, ont dit la même chofè,^
Ce fenciment étant abfolument contraire à
l'expérience , par rapport à ce qu'on fe
projpofe de difcuter ici , on ne fauroic
mieux faire que de rapporter les raifonç
qui paroiflènt avoir iiéterminé le maréchal
Ffffffi
5>^4 P I Q
à. l'adopter , Se de dire celles que l'on croit
pouvoir y oppofer.
M. de Puyfégur ( Art de la guerre ,
tome I y ch. 8) commence par blâmer ,
& avec grande raifon , la manière dont
on difpofoit les piquiers dans les guerres
de Louis XIV. Il obferve que fi, au lieu
de les placer, comme on faifoic alors,
au centre du front des bataillons , on eût
voulu en faire un ufage plus utile , contre
la cavalerie, il auroit fallu^ 4es placer au
centre de la hauteur qu'il fuppofe à cinq.
,*' De cette manière , continue le maréchal ,
„ quand la cavalerie ennemie approche ,
3, les rangs & les files fe ferrent bien &
y, préfentent les armes, h^i pique qui a
5, quatorze pies de long , paflè de plus de
„ iept pies le premier rang des moufque-
3, taires; les deux premiers rangs mêlés
y, d'officiers fe tiennent debout , ou met-
j, tent genou à terre pour faire feu , d
,, on le leur ordonne \ de comme ils font
j, couverts par les piques , ils tirent avec
,, plus d'aflurance ; & les piquiers , cou-
„ verts par les deux premiers rangs , pré-
„ fentent leurs piques avec bien plus de
3, fermeté. ,, Cet auteur ajoute, en rap-
pellant le temps où les bataillons fe met-
toient en bataille à dix ou douze de hau-
teur , que fi alorsles premiers rangs avoicHt
été mêlés de piques & de moufquets , il
eût été difficile à la cavalerie de les forcer.
On ne voit rien jufques ici dans ce que
dit M. de Puyfégur , qui ne prouve l'utilité
des piques contre la cavalerie : car , qu'elles
cuflcnt été mal difpofées pendant long-
temps , ce n'étoit affurément pas une rai-
ion de les fupprimer \ d'autant que nous
devions favoir , puifque nous avions de
l'infanterie à la bataille de Saint-Gothard ,
en 1664 , comment on pouvoit s'en fervir
utilement. ( T'eye^^Ces mémoires , liv. III,
çh. 4. Règlement pour la bataille de Saint-
Gothard ). *' Les piquiers à quatre de hau-
33 teur avec deux rangs de moufquetaires
>, devant eux , dit Montécuculli, formc-
yy, ront ce bataillon à fix de hauteur , &
„ tout le refte de front. Le fuccès de la
3, bataille, dit plus loin le même auteur, fit
„ toucher r.u doigt combien on avoit eu de
j, raifonde couvrir les piquiers de moufque-
„ taires , & les moufquctajrcs de piquiers.
P IQ, '
*' Quoique cette manière de placer les
„ piques au centre de la hauteur, reprend
„ le maréchal de Puyfégur , & non pas
„ au centre du front , eût été plus utile
5, contre la cavalerie , néanmoins les occa-
„ fions de s'en fervir font fi rares , en
„ comparaifon de celles où elles font non
„ feulement inutiles , mais embarralTantes,
„ comme dans tout ce qui efl: pays coupé
,, de haies, de folTés, ùc. pays de mon-
„ tagnes où tous les piquiers font inutiles
„ & difficiles à mettre en ordre, que ce
5, n'eft pas fans raifon que l'ufage en a
,, été profcrit. „ Nous fommes convenus
ci-devant , en parlant des défauts de la
pique , de ceux que le maréchal lui re-
proche ; mais ils nous ont toujours paru
infuffifans pour devoir exiger la fuppreffion
de cette arme ; puifqu'i] y avoit plufieurs
moyens , finon de la rendre utile par-
tout , au moins de la conferver fans qu'il
'en pût réfulter rien de nuifible , comme
on le verra dans cet article , & peut-être
même de lafuppléer par quelque iiouvelle
invention, telle que celle du fufd-pique.
Voye:^ Fusil-pique.
M. de Puyfégur prétend que dans la
guerre de 1 70 1 , où il n'y avoic plus de
piques y du moins depuis 1704, cela n'a-
voit rien ôté de la force des bataillons ,
Se que s'il y en a eu qui aient été renveifés
par de la cavalerie , ils l'auroient été de
même du temps des piques. Il eft aifé de
s'appercevoir que le maréchal fe trouve
ici évidemment en contradidion avec lui-
même fur l'utilité des piques contre la
cavalerie. Il ne faut pour s'en convaincre,
que fe rappeller ce que nous avons rap-
porté de lui ci-devant à ce fujet ; à moins
cependant , qu'en difanc que les bataillons
qui ont été renverfés par de la cavalerie
ne l'euflent pas moins été du temps des
piques , il n'ait entendu du temps de$
piques mal placées. La guerre de 1701 ,
dans laquelle cet auteur avoir été em-
ployé &c qu'il cite pour appuyer fon fen-
timent , n'eft point une autorité qui lui
foit favorable : du moins Folard Sç Bottée,
qui tous deux avoient auffi fervi dans cette
guerre , penfent bien différemment.
'* Les experts dans l'infanterie , dit le
P, premier {Traité de la colon, ch, m.) ,
p I a ,
„ s'étonnent avec raifon qu'on ait détruit
,y Pufage de la pique. Il eft bien plus
„ furprenant , ajoute-t-il, qu'on n'y foie
„ pas revenu, par l'expérience de notre
„ dernière guerre de 1701 , ôc par ce
„ qu'on auroit du reconnoître de foible
„ dans la manière de combattre de nos
„ voilins , & de ce qu'il y a de fort Ôc
„ redoutable dans la nation françoife. A
„ la bataille de Rocroi, dit le fécond
„ ( Etudes militaires , tome II y p. £oG. ) ,
,, le bataillon odogone du régiment de
„ Picardie n'auroit pu fe maintenir fans
„ les piques; & fans les piques , il n'au-
„ roit pas fallu du canon pour achever
„ la défaite de Pinfanterie Efpagnole j
j, mais peut-être ne s'eft-il pas donné une
„ feule bataille de la dernière guerre
,, (1701) où l'on n'ait eu lieu de regret-
„ ter les piques, fur- tout du côté des
5, vaincus. ,, Quiconque lira avec atten-
tion ce qui s'efl: paflè à la féconde bataille
d'Hochftct , à Ramilies , à Turin , &c. ne
pourra douter de l'impartialité du rapport
de ces deux auteurs.
'' Ce n'eft pas la pique feule , dit M. de
5, Puyfégur j ( y^rr de la guerre , ibid.),
,y qui empêche la cavalerie d'enfoncer
3, de l'infanterie , mais bien l'ordre de
j, bataille qu'elle tient. ,, Pourquoi donc ,
réprondrons-nous à cela, a-t-on iî fouvent
vu des corps d'infanterie renverfés par de
la cavalerie ? S'il y a quelques exemples
du contraire , ils font en très-petit nom-
bre. Nous en avons nous-mêmes rapporté
pluiîeurs à {'article Mousqueterie ,
mais encore , peut-être que bien examinés,
ils ne prouveroient pas grand. chofe fur la
réfiftance que peut faire l'infanterie fans
piques contre la cavalerie ; car il eft afîèz
vraifemblable que les corps qui firent la
retraite à Hochftet, & à Villaviciofaeuf-
fent été totalement détruits fans la nuit
qui les fauva. La colonne des Anglois à
Fontenoy finit par être taillée en pièces
par la cavalerie , à la vérité à l'aide de
l'infanterie & du canon. Et à Sandershau-
fen le régiment Royal -Bavière, quelque
brave & ferme qu'il foit , eût été infail-
liblement enfoncé , fi la cavalerie qui vint
deffus eût eu plus de nerf, &c qu'elle eût
été foutenue , d'autant que ce régiment
P1Q_ 5<Î5
n'auroit pas eu le temps de recharger fes
armes. Au turplus nous avons un fi grand
nombre d'exemples à oppofer à ceux-ci ,
qu'il eft allez fuperflu d'entrer dans un
plus long détail à cet égard. Nous ferons
toutefois de l'avis du maréchal ; mais non
î>as quand il fuppofera , comme il le fait.
Ion infanterie à cinq de hauteur & fans
piques.
" Si l'infanterie , continue cet autear ,
„ eft inftruite , fi elle fait ménager fon
„ feu ôc tirer à propos , en un moment
,,-gellc Ce fera fait un rempart d'hommes
„ ôc de chevaux qui empêcheront ceux
„ de derrière d'approcher ; car il faut en-
„ core que le cheval le veuille aulTi-bien
„ que l'homme , & l'un ou l'autre de tué
„ ou de bien blefte, ne fait qu'embarralTer
„ les autres. „
Nous avons fait voir que rien n'eft fî
incertain que le feu de notre infanterie
en plaine , & que le plus fouvent il peut
lui êtreaufïi dangereux que nuifible. Voye^
VarticU Mousqueterie. Ainfî cette
rellburce n'eft pas allez sûre contre la
cavalerie; mais elle le feroit certainement
avec les piques qui font un rempart , à
l'abri duquel le loldat fait fon feu avec bien
plus de fermeté. Du refte, on fait (nous
avons eu plus d'une occafion de le remar-
quer nous-mêmes ) qu'un cheval qui reçoit
un coup de feu n'en eft que plÉB^imé, '&c
fe jctfe prefque toujours en avant; mais que
ii au contraire il eft bîefle de la pointe
d'une arme blaiKhe , quelque preftc qu'il
foit de l'éperon , il avancera bien difficile-
ment, de la raifon de cette différence eft aflèz
fenfible. C'eft, comme l'ont obfervé plu-
fîeurs auteurs , par les yeux que la peur entre
dans l'ame de la brute , ainfi que dans celle
del'homme. Le chevaine fauroitêtrcefïi-ayé
d'une balle qu'il ne voit point ; *à peine ap-
perçoit-il d'où elle part. La douleur d'un
coup de fulîl s'éteint en même temps qu'il
le reçoit ; au lieu qu'il relient d'autant plus
vivement un coup dépique , qu'il voir dif-
tindement d'où il lui vient , & qu'il conçoit
que plus il y reftera & plus fa blcffure aug-
mentera.
Cette cavalerie , ajoute le maréchal,
,, ne peut fe fervir d^iucùne arme pour
,i attaquer cette infanterie , il faut aupa-
P I Q^
qui porte ce coup 5 parce que fi la bayon-
nette ne fait qu'eftleurer le cheval , le
cavalier fabre le foldat , &c perce Ton rang ;
parce que il le cheval eft tué , il tombe
dans le rang de l'infanterie , & y caufe
du défordre *, &c que (i c'eft le cavalier
qui (bit tué , le cheval n*en va pas moins
Ton train , & contribue également au choc
de la cavalerie 5 enfin parce que l'infan-
terie , quelque ferme qu'on la veuille fup-
pofer , peut être attaquée par une bonne
cavalerie , bien menée & bien foutenue.
De plus, le preflèment des rangs, (î né-
celFaire dans l'mfanterie en pareil cas >
empêche le foldat de manier ailement ^on
fulil ; d'ailleurs il ne lui donne , pas plus
que le feu , la confiance & la fermeté ,
qui feront toujours l'effet de la pique ou
de quelque autre arme de longueur , plutôt
que de toute autre chofe.
M. de Puyfégur finit par dire que fi
les foldats qui marchent en campagne
étoient comme ceux qui font employés à
la défenfe des places, à même d'avoir des
armes de rechange de toute efpece , ils
s'en ferviroient pour les différentes atta-
ques qu'on pourroit leur faire ; mais que ,
ne pouvant porter chacun qu'un certain
poids , il faut leur donner une arme , telle
que le fufil avec fa bayonnette , qui leur
foit utile pour toutes fortes d'occafions ,
& qui , dans un befbin preflant , puiflc
fuppléer à toutes les autres; qu'il feroit
inutile de leur en donner d'autres , donc
ils ne pourroient fe fervir que dans un
C166 P I Q
>j ravant que par le choc 6c la force des !
i> chevaux , elle foit entrée dans le ba-
M taillon \ & c'eft à quoi elle n'cft pas
il lure de réufiir contre une troupe ferme.
M Le fécond rang des chevaux , ni les
« autres de derrière , ne poufTenc^pas
w facilement le premier ; mais en le fer-
»> rant de près , ils l'empêchent feulement
w de reculer & de tourner b tête : l'in-
M fanterie au contraire qui , pour lors ,
« ferre bien fes rangs & Tes files, fe
M poufTe, & les rangs fe foutiennent l'un
» l'autre : ainfi pour la renverfer , W
» faut des hommes bien fermes & des
M chevaux qui veuillent avancer , ayant
» dans le nez un fi grand feu. Voilà la
j» raifon , pourfuit M. de Puifégur , qui
» a toujours fait dire que fi l'infanterie
3> connoiflbit fa force , la cavalerie ne la
» romproit point , & non pas que fa force
5> ait confifté autrefois en ce qu'elle étoit
M armée de piques , qui efl une arme qui
»> n'a d'autre mérite que fa longueur. »
Il eft prouvé , par une expérience conf-
iante, que la cavalerie a toujours renverle
l'infanterie, excepté en quelques occafions
où celle - ci a fu faire un bon ufage de
Ion feu , & parce que celle-là pouvoir
n'avoir pas allez de nerf, ou être mal
difpofée & mal dirigée. Or, cela eft arrivé ,
parce que lenlus grand nombre des foldats ,
regardant ]|||^u comme leur principale
force , ne longent plus à leur bayonnette ,
parce que quand le cheval reçoit le coup de
bayonnette, le cavalier eft déjà fur le fan-
tallîn , attendu que , comme l'obferve 1 feul cas, & qui les rendroient eux-mêmes
Bottée , ce dernier tient fon arme de façon
que , pour être en état de l'alongcr , il faut
qu'au premier temps il en dérobe la moitié
en arrière, & qu'il peut être pris fur ce
temps - là ; que le cavalier , continue cet
auteur , fe trouve très - près quand fbn
cheval eft bleffé , & qu'il y a tel cavalier
qui , alongé fur le cou de fon cheval ,
inutiles pour toutes les autres adtions ,
fur-tout encore étant facile de s'en pafler ;
& il conclut qu'on a eu grande raifon de
fupprimer les piques.
La dernière obfervation du maréchal ne
nous paroît pas mieux fondée que les pré-
cédentes. La difficulté d'avoir des piques
de rechange en campagne , n'eft pas une
porte fort bien un coup de fabre à fon raifon qui ait dij les faire fupprimer , ni
! j „A„_ :„n....- T. qui puifîe empêcher de les reprendre. Cette
arme , qui n'eft pas chère , peut ^e faire
par-tout , & fa forme ni fon poids ( ^ ) ,
le cheval eft bleffé peut renverfer le foldat ( en la fuppofant réduite à une longueur
ennemi dans ce même inftant. La cava-
lerie, difons-nous, a toujours enfoncé
l'infanterie, parce que le même coup dont
(À) Les anciennes f«j«« pefoienc environ 17 Uvfcç,
PI Cl
fuffirante , ne la rendent nullement em-
barraflante pour le tranfport. Au furplus,
dès qu'elle eft indirpenfable , elle vaut
bien la peine qu'on falTe quelque effort
pour n'en jamais manquer. Du refte, le
raifonnement de M. de Puyfégur eft,
comme le dit cet auteur , conforme à
celui que fait Polybc , quand il compare
l'ordre de bataille des Grecs avec celui
des Romains, de à tout ce que les plus
fa vans auteurs militaires ont dit fur le
même fujct , mais pour cela les armes de
notre infanterie n'en font pas plus parfaites.
Nous concluons de toute cette diicuflion ,
que le fufil avec fa bayonnette eft très-
propre pour la défenfe particulière d'un
feul homme; mais que quand il s'agira
d'un corps d'infanterie , les p/^z/e5 doivent
en être inféparables ; que ce font elles qui
en lient toutes les parties , & qui le rendent
impénétrable ; en un mot , qu'elles font ,
plus qu'aucune arme que ce foit , de nature
à faire connoître à l'infanterie cette force
dont on lui reproche de n'avoir pas l'idée,
&: à en alTurer le feu dans tous les cas ,
fur-tout fi elles font placées aux premier
ôc fécond rangs , où elles préfentent un
cbftacle bien plus difficile à vaincre que
quelques rangs de bayonnettes, au travers
defquels on perce toujours. i
Il faut abfolument des pigues dans notre
infînterie; & fi tout ce qu-'on a dit juf-
qu'ici pour le prouver paroîr infuffifant aux
yeux de ceux qui ne cefîènt de fe faire
illufion fur tous les avantages du fufil avec
la bayonnette , qu-'on croit avoir exacte-
ment appréciés, nous n'en refterons pas
moins fermement attachés à notre fenti-
ment. Nous ne doutons pas même que
quelque jour , mais malheureufemcnt peut-
être trop tard , la vérité venant à fe faire
fentir fur un article d'une aufïî grande
conféquence , on ne reprenne enfin les
piques. Nous ofons le prédire , malgré tout
ce qu'on pourra nous répliquer , qui , à
coup fur , ne fournira jamais une décifion
contraire à ce que nous avons avancé.
Mais , fi quelque chofe eft capable de
nous ramener de nos préjugés fur le fufil ,
p I d ôh
nous acheminer à cette heureufe
c'eft fans doute le jugement
& de
révolution ;
que porte de notre infanterie un des plus
grands généraux de ce fiecle : écoutons-le*
" Je me trouve , dit - il ( lettre du ma"
" réchal de S^ixe à M. d'Argenfon ,
" Paris , février tj^o ) , obligé de dire
" que notre infanterie , quoique la plus
» valeureufe de l'Europe , n'eft point
» en état de foutenir une charge , dans
" un lieu où elle peut être abordée par
» de l'infanterie moins valeureufe qu'elle,
" mais mieux exercée & mieux difpofée
» pour une charge; & le fuccès que nous
" avons dans les batailles, ne doit s'at-
tribuer qu'au hafard ou à l'habileté que
nos généraux ont de réduire les combats
à des points ou affaires de pofte , où
la feule valeur des troupes & leur opi-
niâtreté l'emportent ordinairement, lorf-
que le général fait faire fes difpofitions
en conféquence , c'eft-à-dire , de ma-
nière à pouvoir foutenir les attaques.
Mais c'eft une chofe qu'on ne peut
pas toujours faire , & que le général
ennemi peut empêcher , s'il eft habile ,
s'il connoît vos défauts & fes avantages.
Ce que j'avance ici eft foutenu par des
preuves. A la bataille d'Hochftet, vingt-
deux bataillons , qui étoient au centre ,
tirèrent en l'air , & furent diiîîpés par
trois efcadrons ennemis qui avoient paffé
le marais devant eux (e) : les ennemis
furent repoufîes au village de Blintheim,
& les régimens qui le défendoient, ne
fe rendirent qu'après que les armées
de France & de Bavière furent retirées*
Luzara , en Italie , affaire de pofte.
Ramilies , affaire de plaine. Denain ,
affaire de pofte. Matplaquct ; ce qu'il y
avoit en plaine plia; ce qui éroit pofté
fe maintint long-temps, &c coûta beau-
coup de chevaux aux alliés. Parme ,
affaire de pofte. Doëttingen, aff.iire de
plaine. Fontenoy; ce qui étoit en plaine
plia ; ce qui écoit pofté fe maintint,
Raucoux, affaire de pofte uniquement,
quoiqu'il y eut beaucoup de plaine ; mais
on n'attaqua que les portes. Lawfeld ,
(<f) On a déjà rapporté cet exemple pour faire yoir combien l'on doit peu compter (uJ
le feu : il efl lelaiif ici i un autre ob^eu
5?68 P I et
w afTalre de plaine réduite à des attaques
» de pofte. ,,
Nous pourrions citer ici toutes les ba-
tailles de la dernière guerre où nous nous
fommes trouvés , hors une dont nous
p I a
confifte pas dans les combats qui Ce font
de loin , mais dans le choc & les coups
de main qui décident toujours une adion
«3c lui donnent de Téclat; nous maintenons
que loin que les piques puident nous ôter
avons déjà parlé , qui s'cft donnée en j rien d'avantageux dans les batailles qui fc
plaine, & où notre infanterie combattit
pendant trois heures, avec autant de fer-
meté que de valeur , & finit par enfoncer
les ennemis & les difperfer (/) ; mais les
difpofitions du général étoient fupérieure-
mcnt faites , & le gain de cette affaire
fut autant le fruit de fon habileté Ôc de
fbn courage , que de la confiance des
troupes & de l'opiniâtreté qui en efl ordi-
nairement la fuite. Ces fortes d'exemples
ibnt il rares, qu'ils ne changent rien
au fentiment du maréchal ; mais ils le
fèroient bien moins, fi le commandement
des armées fc trouvoit toujours dans de
femblables mains.
Le maréchal de Saxe , qui avoir vrai-
femblablement déjà fait , du moins en
partie , les réflexions qu'on vient de voir
îoriqu'il écrivit (es Rêveries , n'avoit garde
d'oublier la pique dans (à légion. Aufïî
dit-il qu'on ne fàuroit fe pafler de cette
arme dans Tinfinterie, & qu'il en a tou-
jours oui parler ainfi à tous les gens habiles.
*' Les mêmes raifbns, ajoute cet auteur,
„ c'eflr-àdire , la négligence & la com-
„ modiré, qui ont fait quitter les bonnes
3, chofes dans le métier de la guerre ,
„ ont aufïi fait abandonner celle-ci. On
j, a trouvé qu'en Italie, dans quelques
„ affaires, elles n'a voient pas fervi, parce
3, que le pays cft fort coupé , dès -là on
,5 les a quittées par-tout ,, & l'on n'a fbngé
3, qu'à augmenter la quantité des armes
„ à feu & à tirer. „
Une des grandes objedions qu'aient
fait contre la pique ceux qui ne l'aiment
pas , & que Tes partifans ne nous paroif^
lent point avoir aflez complètement ré-
futée , c'efl la diminution de feu occa-
fîonée par le nombre des piques. Con-
noifïànt, comme , ces derniers , le carac-
tère de notre nation , dont l'ardeur &
donnent en rafè campagne , elles font tout
au contraire un moyen fur de vaincre nos
ennemis ; nous en avons donné ci-defTus
les raifbns les plus fortes. En même temps
nous ne faurions difconvenir que , dans les
pays coupés & couverts , ces armes ne
loient le plus fbuvent inutiles j mais ce
n'efl pas encore une raifbn pour n'en point
avoir. Le maréchal de Saxe qui a prévu,
cette objedion , en donnant des piques à
Ton infanterie , dit qu'alors on en fera
quitte pour les pofer à terre pendant le
combat , & que les piquiers ayant leurs
fufîls en écharpe pourront s'en fervir. Il
feroit mieux encore, ce nous (emble, de
remettre les piques au parc d'artillerie ,
toutes les fois qu'on prévoiroit n'en pou-
voir pas faire ufàge , & de n'en garder
qu'un petit nombte qui, dans quelque
pays de chicane que ce puifîè être , ne
feroit jamais inutile. Nous ne voyons à
cela rien que d'aifé à pratiquer, & rien
de folide à répliquer j mais pour mettre
complètement d'accord les antagoniftes
de la pique avec fes partifans , nous avons
imaginé une arme qui nous a paru aufïî
fimple que fùre , &: d'une utilité géné-
rale pour l'infanterie. ( Voye';^ Fusil-
pique. )
Les dernières piques dont on s'efl fervi
en France ( ordonnance du i6 novembre
ï 666 ) , étoient de quatorze pies , &
ne pou voient avoir moins qite treize pies
& demi ( voye^^ nos planches de l'Art
Militaire , Armes & Machines de guerre.
Pique , Jig. z ) ; Folard , qui a défendu
la pique , 6c avec chaleur , après en avoir
fait remarquer tous les défauts , propofè
d'y fubflituer une pertuifane de owze pies ,
y compris un fer de deux pies ôc demi de
long, fur cinq pouces de large par le bas,
tranchant des deux côtés, & fortifié juf-
l'abord font des plus redoutables ; égale- qu'à la pointe d'une arrête relevée d'en-
ment perfuadés que la vraie valeur ne I viron une ligne & demie. Une telle arme
(/} Sandcrshaufen.
ifig.n)
P IQ.
{Jîg. il.), comme le dit cet auteur , cfl
bien plus forte & plus avantageufe que la .
pique , pour réfifter à un grand effort , &
au choc de la cavalerie : outre qu'elle
n'efl pas moins redoutable par la pointe
que par le tranchant , elle fe manie bien
plus facilement , il n'eft pas ailé d'en
gagner le fort : enfin* la vue feule de cette
arme peut donner la terreur ; un feul coup
étant fuffifant pour mettre le cavalier &
le cheval hors de combat. Le détail que
fait ici le chevalier à^s avantages de fa
pertuifane , n'eft alTurément point exagéré.
Nous forames perfuadés même que le fol-
dat pouvant raccourcir ou alonger cette
arme , & frapper de toutes manières , on
n'en gagneroit pas le fort aifémei:^^ , &
que dans une mêlée elle feroit bien plus
de ravage que le tufil avec la bayonnette.
M. de Mefnil-Durand , qui a ^k fur cette
arme , comme (iir beaucoup dJptres cho-
ies , d'excellentes obferv,ations , trouve
qu'elle eft encore trop peHinte , & pas
aflez maniable : " Il faudroit , dit--il
« {projet de Taclique y ch. 4^ art. 6. ) ,
» en allégeant la pertuifane , non-feule-
w ment charger un peu le talon , mais
» y • mettre un véritable contrepoids ,
« comme au bâton de coureur; alors on
» pourroit s'en fervir fans lailïèr prefque
w aucune longueur pour le branle ; &
w pour peu qu'on la retirât dans la main ,
w ce qui alongeroit le levier du contre-
» poids , on la releveroit avec grande
yf tacilité même d'une main. » Avec cela
M. de Mefnil-Durand voudroit donner au
piquier un petit couteau de chaffe , ou
plutôt un grand poignard qui , félon cet
au'-eur, feroit fort utile lorl'qu'il fe trou-
veroit combattre corps à corps , & un
piftolct de ceinture , dont il ne fe ferviroit
que dans la plus grande néceffité ; mais
qui dans ce cas , ajoute-t-il , feroit d'-un
grand fecours , & en attendant rendroitplus
ferme encore cet homme qui (e verroit entre
les mains tant de moyens de fe défaire de
ion ennemi.
On ne voit rien de trop à ce que pro-
pofe M. de Mefnil-Durand , dès que la
pique fera légère & aifée à manier. On
ne rejette point l'idée du piftolct ; mais
il fèmble que cette troiiieaie arme eli
romt XXV,
p I a 5^9'
aflez fuperflue. Il fuffîroit donc que le
foldat pût faire ufage en même temps de
la pique &; du couteau de chafle ; fans
dout# cet exercice qui a été pratiqué tant
de fois , ne feroit pas difficile à lui appren-
dre. On fait que les Ecoffois favent par-
faitement fe fervir à la fois du fabre &
du poignard. Il eft vrai qu'il y a dans cette
i'orte d'eicrime quelque chofe de difterent
de celle dont il vient d'être queftion ; mais
on ne croit pas moins cette dernière
très-pofîible , puifque nous en avons l'ex-
périence.
Bottée eft aufïî d'avis de raccourcir la
pique : il la réduit à douze pics , & veut que
la hampe foit plus greffe , pour qu'elle fbit
moins fu jette à cafîer par le milieu : du refte
il admet , comme autrefois , la néceffité de
donner une épée au piquier.
La pique du maréchal de Saxe (Jig. J.)^
qull appelle pilum ou demi-pique , a treize
pies de long fans le fer , qui doit être
léger & mince à trois quarts & de dix-
huit pouces de longueur fur deux de lar-
geur par le bas ; la hampe en eft creufe ,
de bois de fapin , & enveloppée d'un par-
chemin avec un vernis pardeffus: elle eft ^.
dit cet auteur , très-forte & très-légère,.
& ne fouette pas comme les anciennes
piques. Celle-ci feroit , à notre avis , pré-
férable à toute autre , parce qu'elle n'empê-r'
che pas le foldat de porter fon fufil , & qu'il
a une longue bayonnette qui lui fert d'épée.
Nous croyons pourtant que dans une mêlée
elle ne feroit pas fort maniable ni trop
folicfe , à caufe de fa longueur. Nou.- vou-
drions donc qu'en adoptant la hampe
creufe de lapin , on la raccourcît de quel-
ques pies pour pouvoir lui donner plus de
grofîêur , & rendre cette arme d'un meil-
leur ufage.
Le nombre des piques , qui autrefois
étoit confidérable , diminua à mefure que
les armes à feu fe multiplièrent. Dans [çs
armées de M. ai Turenne •& du grand
Condé , il n'y en avoit plus qu'un tiers:-
& lorfque Louis XIV , par l'avis de M. de
Vauban , les fit fupprimer , le nombre en
avoit été réduit à un cinquième. L'ulage
étoit de les placer au centre du front de
chaque bataillon ; mais cette difpofîtioa
étoit affurément très -défavantageufe ; &,
Gggggg
il eft affez étonnant qu'elle ait été fuivie
conilamment par nos plus grands généraux ,
Il capables de la varier , comme ayoit fait
MontécucuUi à la bataille de Saint^o-
thard , avec tant de fuccès.
M. de Puyfégur , qui a blâmé avec jufîe
raifon cette ancienne difpofition , préfère
de placer les piques au centre de la hau-
teur des bataillons : mais de cette ma-
nière la pique perd une partie de fon
avantage qui , tant qu'ori n'en vient point
aux coups de majns , confifîe dans la
longueur : engagée entre plufieurs rangs,
elle devient" embarraiTante & fans mou-
vement.
Le chevaliçr de Folard trouve qu'un
cinquième de piques par bataillon ell: fuf-
fifant. Dans les corps qui compofent fa
colonne , il mêle les piquiers alternative-
ment avec les fufiliers , au premier rang
de chaque fedion , & fur les deux pre--
mieres files des ailes. Il en ufe ainfi , fans
doute pour remédier au grand défaut de
la pique ^ de n'être plus une arme quand
on en a gagné le fort , quoique fa per-
tuifane foit en quelque forte exempte de
ce défaut ; c'eft la cinquième difpofition
de MontécucuUi fur le mélange de la mouf-
queterie & des piquiers.
Bottée plaçant les piques devant ou der-
rière les fufiliers , ne décide rien.
M. de Mefhil-Durand ne veut qu'un
feptiemede^/^'r/fj'^ qu'il placeroit volon-
tiers , dit-il , toutes aux premiers rangs
de la pléfion , attendu que le piquier , de
la manière dont il propofe de l'armer, ne
craindroit plus qu'on lui gagnât le fort.
Cette formation eÛ la même que la troi-
fieme de MontécucuUi , & nous paroît la
plusavantageufe ; nous en avons dit toutes
les raifons.
Enfin M. de Saxe, qui met fes batail'
Ions à quatre de hauteur , place Ïqs pi-
quiers aux deux derniers rangs. On re-
trouve dans tettQ difpofition , quoique la
même que ceUe dont MontécucuUi fe
trouva fi bien à Saint-Gothard , une par-
tie â.es défauts de celle du maréchal de
Puyfégur. Il eft vrai , comme l'obferve
l'auteur des Rêveries , que de cette ma-
nière on évife l'inconvénient de mettre
genou en terre ; mais la néceffité de ce
P ï Q.
mouvement , lorfque les piquiers font au
premier rang , n'efi: point une raifon fi
défavorable à cet arrangement , puifqu'il
ne s'agit point de tirer en attaquant de
l'infanterie ; & qu'au cas contraire , s'il
arrive qu'au moment qu'on fera mettre
genou en terre , l'ennemi vienne à faire
fa décharge , il perde évidemment une
grande partie de fon feu. Au furplus ,
nous avons communiqué le moyen que
nous avons trouvé pour remédier à tous
les défauts de la pique , & à ceux des
différentes difpofitions dont il vient d'être
quefiion , & faire voir comment il efl
poliible , avec une feule arme , de con-
ferver la même quantité de feu qai efl fil
fort à» la mode aujourd'hui, de fuppléer
la pique , de la raccourcir ou de la fup-
primer , fuivânt toutes les circonfiances
qu'on voudra fuppofer. Voye\ Vartich
FusiL-P^UE. ( M. D. L. R. )
Pique , ( Cq/nmerce. ) on dit traiter d
la pique avec les fauvages , pour dire faire
commerce avec ces nations en fe tenant
fur fes gardes , & , pour ainfi parler , la
pique à la main. On traite particulièrement
de la forte avec quelques fauvages voifins
du Canada & avec quelques nègres des
côtes d'Afrique , fur la bonne foi & la mo-
dération apparente defquels il y a peu à
compter.
Traiter à la pique y s'entend auffi du
commerce de contrebande que font les
Anglois & les HoUandois dans plufieurs
endroits de l'Amérique efpagnole voifins
des colonies , que ces deux nations ont
dans les îles Antilies. Peut-être faudroif-
il dire traiter à pic , c'elt-à-dire , le vaif^
feau fur les ancres , parce que ce com-
merce qui efl défendu fous peine de la
vie , ne fe fait que dans les rades où les
vaiffeaux rcflent à l'ancre , & attendent
les marchands efpagnols qui quelquefois en
cachette , mais le plus fouvent d'intelli-
gence avec les gouverneurs & officiers du
roi d'Efpagne , viennent échanger leur or >
leurs piafires , leur cochenille & autres
riches produdions du pays , contre àts
marchandifes d'Europe.
Ceux qui veulent qu'on dife en cette
occafion traiter à la pique y entendent
que c'eiî: traiter à la longueur de la pique
à cnufe d'une certaine diUnnce à laquelle '
les étrangers font obligés de fe tenir pour
faire ce commerce , ne leur étant jamais
permis d'entrer dans les ports , & n'étant
même foufïerts dans les rades que par une
efpece de collufion ; car il y a des arma-
dilles ou vaifïeaux de guerre qui veillent
ou doivent veiller fans ceffè , pour empê-
cher ce négoce viliblemen£ préjudiciable
à celui que les Eipagnols d'Europe font en
Amérique par leur flotte & leurs galions.
Dicl. de conynerce.
Pique , f. m. terme de Cartier , gros
point noir qu'on met iur les cartes à jouer ,
& qui a été appelle pique , parce qu'il a
quelque reiïemblance avec le fer d'une
pique y ainli on dit jouer de pique y tourner
de pique , &c.
Pique de Montvalier, {Ge'ogr.
mod. ) ou la pique en ifn feul mot ; c'efl
la plus haute montagne des Pyrénées , &
qui paroîr s'élever en forme àc pique , d'où
lui vient fon nom. On la voit de 15 lieues
fur les confins du diocefe de Couferans.
Long. ly"^. 12'. 53". lat. 42^^. 50'. 45".
PIQUE fe dit d'un fruit tel que le gland
ou la châtaigne, qui ayant iéjourné iur la
terre , eff pique des vers , ce qui le rend
infécond.
On dit auffi qu'un fruit eu pique' y fur-
tout les abricots , les prunes & les poires,
quand les vers y ont fait des ouvertures
pour y pénétrer.
Piqué , piquée , adj. ( Mufîq. ) Les
notes piquées font des iuites de notes mon-
tant ou defcendant diatoniquement , ou
rebattues fur le même degré ; fur chacune
defquelles on met un point, quelquefois
un peu alongé pour indiquer qu'elles doi-
vent être marquées égales par des coups
de langue ou d'archet fecs & détachés ,
fans retirer ou repoufïer l'archet , mais
en le faifant palTer en frappant & fautant
fur la corde autant de fois qu'il y a de
notes , dans le même fens qu'on a com-
mencé. ( ^S" )
Le piqué peut auffi fe pratiquer très-bien
avec les inflrumensà vent , mais il efl: dif-
ficile ; parce que , ou l'on ne pointe pas
affez les notes , ou bien on les pointe avec
dureté. {F.D.C.)
pia
97 1
Piqué, U^q'A piqué, voyeiVoil..,
Piqué, en terme de Brodeufe , c'efl
un point l'un devant l'autre fans mefure,
ni compte des fils , il fe répète à cow l'ua
de l'autre, jufqu'à ce que la feuille ou telle
autre partie foit remplie. Il faut pour faire
un beau piqué y que les points foient drus
& égaux en hauteur.
PIQUECHASSE , f. m, terme d'Arti^
ficier y c'eff un poinçon aigu & menu , qui
lert à percer les chailes ou facs à poudre ,
pour ouvrir des communications aux feu»
qu'elles doivent donner aux artifices qu'elles
font partir.
PIQUER, V. ad. {Mamfaclure.) ce
terme efl: d'un affez grand ulage dans les
manufactures & les communautés des arts
& métiers.
Les tapiffiers piquent des matelas , des
couvertures ou courte-pointes , des chan-
tournés & des dedans & doublures de lits.
Ils piquent aufli des matelas d'efpace ea
efpace avec une longue aiguille de ter , de
la ficelle & des flocons de coton , pour les
drefïer & arrêter la laine entre les toiles ;
ils piquent d'autres matelas avec de la ioie
& fur des delTms donnés par les deflinateurs
pour leur fervir d'ornement.
Les tailleurs pour femmes piquent des
corps , des jupes & des corfets , entre de la
baleine , pour les afl:ermir.
Les ceinturiers piquent des baudriers &
ceinturons avec de la Ioie , de l'or &. de
l'argent, pour les enrichir , &c.
Les faifeufes de bonnets les piquent ,'
en y faifant avec l'aiguille plufieurs petits
points quarrés en œil de perdrix ou autre-
ment.
Piquer , v. a£l. ( Charp. & Maçon. )
piquer en charpenterie , c'efl marquer
une pièce de bois , pour la tailler & la
façonner. Piquer en maçonnerie , c'efl
rufliquer le parement ou les lits d'une
pierre ; c'eft-à-dire , que piquer fignifie en *
fait de moéWonït tailler grojjfiérement i on
emploie le moellon piqué de la forte aux
voûtes de caves, aux puits»& aux murs de
clôture. Piquer fignifie aulii/j/re fur les ■
matériaux deflinés à la conflrudion exté-
rieure des bâtlmens , hs petits^ points ou
creux nécefTaires pour leur lervir d'orne-
nicnt ; on pique de cette manière la pierre
GggSSS *
97» PIQ..
de taille , le^rcs & le moellon particulière-
ment pour l'ordre tofcan. (D. J. )
Piquer , terme de Bourrelier , Sic.
qui fignifie /aire avec du fil blanc une
efpece de broderie fur différentes parties
de harnois de chevaux de carrode. Ils fe
fervent pour cela d'une alêne plus fine
que les autres , qu'ils appellent alêne à
piquer, & paflent dans les trous du fil
de Cologne , en plufieurs doubles qu'ils
frottent de cire.
• Piquer , en terme de Cordonnier ,
c'eft faire des rangs de points , tout au-
tour de la première femelle d'un foulier.
Piquer la botte , ( même métier. )
c'eft coudre avec du fil blanc le tour des
talons couverts.
Piquer, terme de Découpeur y c'cfl
enlever avec un fer quelque partie d'une
ëtoffe , & y faire une quantité de petites
mouchetures. On pique de cette manière
les fa tins , lès taffetas , les draps & les
cuirs , particulièrement ceux qui font par-
fumés , & dont on fait quelques ouvrages
pour l'ufàge des dames , tels que font à(is
corps de jupe- & de fouliers. { D. J. )
Piquer , en terme d'Epinglier ^ c'eft
percer les papiers à diftances égales & en
plufieurs endroits pour y attacher les épin-
gles; ce qui fe fait- avec un poinçon qui
a autant de pointes, c'eft-à-dire , vingt-
cinq, que l'oH veut percer de trous ; lé
papier efi ployé en quarrés doubles , que
l'outil perce à la iois ; ce poinçon s'ap-
pelle quarteron.
Piquer, v; adif, terme de Manège ^
c eu donner de l'éperon au cheval , pour
le faire aller plus vite , courir ou ga-
loper.
Piquer des deux , {Màréchall. )
c'eft la même chofe qu appuyer. Voye\
Appuyer.
Piquer un cheval , en terme de
Maréchal y c'eft le bleiTer avec un clou
en le ferrant.
On appelle Joëlle d piquer une felle à
trouflè-quin , dans laquelle on eft .telle-
ment engagé , qu'on peut foutenir les
fecoulTes que donnent les fauteurs , lorf-
qu'on les pique avec le poinçon, l^ojei
Poinçon*
PI'Q.
Piquer, en terme de PâtiJJîer y c'efl
faire de petits trous fur une pièce , pour lui
donner plus belle apparence.
Piquer , en terme de Piqueurde taba-
tières y c'eil: percer avec une aiguille la
pièce , pour la garnir enfui te de clous
d'or, d'argent y &C. Voyei AlGUltLE ^
Garnir.
Piquer les cartons y ( Relieur. ) c'efl'
faire trois trous en triangle vis-à-vis chaque
nerf ou ficelle auxquels le livre eft cou lu.
On pique avec un poinçon proportionné,
félon la grolTeur des ficelles. On dit piquer
le carton.
Piquer la viande y {RotiJJeur.) ce
mot fignifie la larder proprement , & la
couvrir entièrement de petits lardons ou
morceaux de lard ,, conduits, également
avec la lardoire.
Piquer , ( Serrurerie. ) c'eft tracer
les places où doivent être pofées les pièces
& garnitures d'une ferrure.
Piquer , n'efi autre chofe en terme
de Sucrerie y que de démonceler à coups
de pique , veye\ PiQUE , les matières
trop mafiiquées dans le.bacà fucre. Voje\
Bac a sucre.
Piquer, {^même manufaSiire.') ell
une opération par laquelle on fait des
trous dans toute l'étendue de la terre , &
. qui en traverfent toute l'épailTeur. Plus on
fait de ces trous, plus la terre fe nettoie
aifément.
PlQUER une, futaille , ( Tonnelier. )
fe dit de la petite ouverture que le ton-
ntlier , le marchand de vin, ou le caba-
retier y font avec le foret , pour eflayer &
goûter lé vin , foit pour le vendre , foitpour
le mettre en perce. { D. J.)
^ PIQUET , f m. voyei PïEU , ( Gram. )
c'eft un bâton pointu par un bout , gros
& long à proportion de la réfiflanee qu'il
doit faire , félon, l'ufage auquel il éïl:
deiliné.
Piquet , ( Archit. & Jardin. ) on ap-
pelle piquet en architedure & jardinage,
de. petits morceaux de bois pointus , qu'on
enfonce dans la terre pour tendre des cor-
deaux , lorfqu'on veut planter un bâtiment
ou un jardin. On nomme taquets y hs pi-
quets qu'on enfonce à tête perdue dans là
tejrre, afin, qu'on ne les arrache- pas , &
P IQ
qu'ils fervent de repaires dans le befoîn.
(d.j.)
Piquet , en terme de Fortification ,
c'eft un bâton pointu par un bout , que
Pon garnit ordinairement , ou que l'on
arme de fer : en allignant les piquets lur le
terrain , ils fervent à en marquer les diiié-
rentes mefures & les difierens angles.
Il y a auffi de grands piquets que l'on
enfonce en terre pour lier enfemble des
fafcines ou des fagots , lorfqu'on veut faire
quelque ouvrage fort vite. Il y en a de plus
petits qui ne lèrvent qu'à joindre les faf-
cines dont on fe fen dans les fappes , loge-
mens , & comblemens dè'foirés.
> Piquets fe dit auffi de bâtons ou de
pieux.que l'on fiche en terre dans un camp ,
proche les tentes des cavaliers , pour y
attacher leurs chevaux ; on en mef aulC
devant les tentes des fantaffins , où ils
pofent leurs moufquets ou leurs piques ,
qu'ils pafient dans un anneau.
Quand un "cavalier a commis quelque
faute confidérable , on le condamne fou-
Vent à la peine du piquet , qui confifle à
avoir une main tirée en haut , autant
qu'elle peut être étendue , ôc de fe tenir
ainfi fur Iq pointe d'un piquet y appuyé
uniquement fur les doigts du pie oppolë,
de forte qu'il ne peut fe tenir bien , ni
fè fulpendre , ni avoir ia commodité de
changer de pic..
. Piquer fe dit auffi de ces Bâtons qui
ont une coche vers fe haut, auxquels" on
attache les cordages des tentes. Ainfi plan-
ter .le piquet y ceû camper. Chambers,
^ Piquet , on appelle troupe 4i/- piquet
dans l'infanterie., cinquante hommes tirés
de toutes lés coînpagnies d^s régimens de
l'armée , avec un capitaine , un lieutenant
& un fous-liéutenant à là t^te. Le piquet
de la cavalerie efV compofé dé 20 ou 25
maîtres par efcadron. Les foldats ÔC les
cavaliers de piquet font toujours prêts ,
pendant- la durée de leur fèrvice , qui efî
de vingt - quatre heures , à prendre les
armes au premier commandement. Dans
là cavalerie , les chevaux de ceux qui font
de piquet lont fellés , la bride route prête
à pafler dans la tête du cheval , & les
armes du cavalier, "toutes préparées pour
fon fervke.. *
, piq: 9-y
Toutes les différentes troupes de piqnet
font ce qu'on appelle le piquet à l'armée ;
il fert à couvrir le camp éts entrcprifes
des ennemis , & à avoir des troupes tou-
jours en état de s'oppofer à fès attaques.
A l'année il y a chaque jour un brigadier ,
un colonel , un lieutenant colonel & un
major de brigade de piquet. Leu.r fervice
commence les jours de féjour à l'heure que
les tambours battent l'afîèmblée des gar-
des ; & dans les marches lorfqu'on affem-
ble les nouvelles gardes qui doivent mar-
cher avec le campement. Ces officiers fè
trouvent à la tête dés piquets , toutes les
fois qu'on les afiemble '-, ils doivent faire
chacun leur ronde pendant la nuit , pour
examiner fi tous les officiers- & foldats de
piquet font dans l'état où ils doivent être.
Ils rendent compte le lendemainaux offi-
ciers généraux de jour , de tout et qu'ils
ont oblervé dans leur ronde, {q)
Piquet , terme de Boulanger , petit
infîrumentde fer à trois pointes , dont les
boulangers qui font le bifcuit de nrer fe
fervent pour piquer le deffous de leurs-
galettes , avant que de les mettre au four ,
afin que la chaleur pénètre plus facilement
jufqu'au centre , & en chafîe toute l'hu-
midité. Savary. { D. J.)
Piquet , ( Mefure de contenance. )
mefure de grains dont on fe {'en en quel-
ques endroits de Picardie, particulière-
ment à Amiens; quatre piquets font le
fetier , qui pefe 50 livres , poids de Paris ,
ce qui fait 12 livres 4 pour chaque /^/^wff /
fur ce pié, il faut dix-neuf piquets j ou
quatre fctiêrs y d'Amiens , pour faife un
ferier mefure de Paris. ( D. J. )
Piquet , terme de IXeJfinateur y grofîe
épingle dont fe fervent les deffinateurs ,
quand ifs montrent à un écolier à tracer-un
plan. {D. J.)
Piquets , f^ m. pi (Cirerie. ) ce que
les blanchiffeurs nofnment des piquets y
font de grandes chevilles de plus de dix-
huit pouces- de longueur, qui font placées
de dfflance en diflance autour des tables
ou quarrés de l'herberie ; ces piquets fer-
vent à relever les bords des toiles où l'on
met blanchir la cire. Savary. [ D. J.)
Piquet , en terme de Fondeurs de
cloches y eiï un pieu .d« fer chî de. bei* .
5,74. P I Q. ,
placé au centre du noyau d'une cloche ,
qui porte ' la crapaudine du compas de
conftrudion. Vcye\ FONTE DES CLO-
CHES.
Piquet, {Jardinage.) k piquet ne
diffère du falin qu'en ce qu'il eft plus pe-
tit , n'ayant que deux pies de long tout
au plus. Il fcrt également à aligner^ à
bornoyer & à tracer les diiFérentes pièces
qui compofènt les jardins.
Piquet , (Jeu. ) c'eft un jeu auquel
on ne peur jouer que deux , & le jeu ne
doit contenir que trente-deux cartes , de-
puis l'as qui eft la preasiere , jufqu'au fèpt.
Toute?* les cartes valent les points qu'elles
marquent , excepté l'as qui en vaut onze ,
& les trois figures valent dix points cha-
cune. Quand on eft convenu de ce qu'on
jouera , on voit à qui mêlera le premier ;
quand les cartes font battues & coupées,
celui qui donne en diUribue douze à Ton
adverfaire & à lui , deux à deux , ou trois
i\ trois , félon fon caprice : il faur continuer
'dans tout le cours de la partie par le nombre
qu'on a commencé ; car il n'eft pas permis
de 'changer la donne , à moins qu'on n'en
avertiflé. Si celui qui donne les cartes en
donne treize à fon joueur ou à lui , il eu
libre au premier en carte de fe tenir à fon
jeu ou de refaire; mais s'il s'y tient lorl-
qu'il a treize cartes , il doit laifler les trois
cartes au dernier , & n'en prendre que
quatre ; & li c'eft le dernier qui les a ,
il en prend toujours trois. Si l'un des
joueurs fe trouvoit avoir quatorze cartes ,
lî'importe lequel^ il faut refaire le coup.
S'il y a une carte retournée dans le talon ,
le coup fera bon , fi la carte tournée n'ell
pas celle de delfus , ou la première des
trois du dernier. Le joueur qui tourne &
voit une ou plufieurs cartes du talon de
fort adverfaire , eft condamné à jouer telle
couleur que fon adverfaire voudra , s'il ei\
premier à jouer. La première chofe qu'il
faut examiner dans fon jeu , c'eft fi l'on a
cartes blanches ; fi on les avoit , l'on
comf)teroit dix même avant le point ; ces
dix qu'on compte pour les cartes blanches
fervent à faire le pic & repic , & à les
parer. Il faut , pour compter fon point ,
Tes tierces , &c. les avoir étalés fur le
tapis , fans cela i'adverfaire corapteroit
P I Ci
fon jeu , encore qu'il valût moins que le
vôtre. Un quatorze fait pafl'er plufieurs
cartes qu'on a par trois , encore que
l'autre joueur ait trois cartes plus fortes :
le quatorze plus fort pafîè devant un moin-
dre , & l'annulle.- Le principal but des
joueurs efl de gagner les cartes , pour lef-
quelles on compte dix points S'il fe trouve
que l'un des adverfaires ait plus de cartes
qu'il ne faut , s'il n'en a pas plus de treize ,
il efl au choix de celui qui a la main ,
de refaire ou de jouer , félon qu'il lé
trouve avantageux à fon jeu ; Se lorfqu'il
y a quatorze cartes , on retait néceffaire-
ment.
Qui prend plus de cartes qu'il n'en a
écarté , ou s'en trouve en jouant plus qu'il
ne faut, ne compte rien du tout , & n'em-
pêche point l'autre de compter tout ce qu'il
a dans fon jeu.
Qui prend moins de cartes , ou s'en
trouve moins, peut compter tout ce qu'il
a dans. fon jeu , n'y ayant point de fautes X
jouer avec moins de cartes ; mais fon
adverfaire compte toujours la dernière.
Qui a commencé à jouer, & a oubhé de
compter cartes blanches , le point , fes
tierces , Ê'c. n'efl plus reçu à les compter
après , & tout cet avantage devient nul
pour lui.
Lorfqu'avant da jouer la première carte,
on ne montre pas à fadverfeire ce qu'on
a de plus haut que lui , on le perd , & il
compte fon jeu , pourvu qu'il le compte
avant de jouer fà première carte.
Il n'efl pas permis d'écarter à deux fois,
_c'efl-à -dire , que du moment que l'on a
touché te talon , après avoir écarté telle
carte , on ne peut plus la reprendre. Il
n'efl pas permis à aucun des joueurs de
regarder les cartes qu'il prendra , avant
d'avoir écarté ; celui qui ^ écarté moins
de cartes qu'il n'en prend , & s'apperçoit
de fa faute avant que d'en avoir retourné
aucune , efl reçu à remettre ce qu'il a de
trop fans encourir aucune peine , pourvu
que fon adverfaire n'ait pas pris les fiennes.
Si celui qui donne deux fois de fuite recon-
noît fà faute auparavant d'avoir vu aucune
de fes cartes , fon adverfaire fera obligé de
taire , quoiqu'il ait vu fon jeu. Quand le
premier accule ce qu'il a à compter dans
p I a
fon jeu , & que l'autre , après lui avoir
répondu qu'il eft bon , s'apperçoit enfuite
en examinant mieux fon jeu , qu'il s'eft
trompé , pourvu qu'il n'ait point joué , eu
reçu à compter ce qu'il a de bon , & efface
ce que le premier auroit compté.
Celui qui , pouvant avoir quatorze de
quelque efj^ece que ce loit , en écarte une &
n'accufe que trois , doit dire à fon adver-
falre quelle efl celle qu'il a jetée , s'il le lui
demande. »
S'il arrivoit que le jeu de cartes (è ren-
-4:ontrât faux de quelque manière que ce fût ,
le coup feulement feroit nul , ks autres
précédens feroient bons.
Si en donnîTnt les cartes il s'en trouve
tine de retournée , il faut rebattre &. recom-
mencer à les couper , & à les donner.
S'il fè trouve une carte retournée au
talon , & que ce ne foit pas la première
ou la fixieme , le coup efl bon : celui qui
accufe faux , comme de dire trois as , trois
rois , &c. & qui ne les auroit pas, qui joue
& que fon adverfaire voit qu'il ne les a
pas , ne compte rien du coup , & l'autre
compte tout Ion jeu. Toute carte lâchée &
qui a touché le tapis efl: cenfce jouée ; fi
pourtant on n'étoit que fécond à jouer , &
qu'on eût couvert une carte de fyn adver-
faire qui ne fût pas de même couleur &
qu'on en eût , on pourroit la reprendre &
en jouer une autre.
Celui qui pour voir les cartes que laiffe
le dernier , dit , je' jouerai de telle cou-
leur , pourroit être contraint d'en jouer s'il
ne le iaifoit pas.
Celui qui , par mégarde ou autrement ,
tourne ou voit une carte du talon , doit
jouer de la couleur que fon adverfaire
Voudra , autant de fois qu'il aura retourné
de cartes.
Celui qui , ayant laifîe une de Ces cartes
du talon , la mêle à fon écart avant que de
l'avoir montrée à fon homme , peut être
obligé de lui montrer tout fon écart , après
qu'il lui aura nommé la couleur dont il com-
mencera à jouer.
Qui reprend des cartes dans fon écart ,
ou eft furpris à en échanger , perd la partie ;
qui quitte la partie avant qu'elle (oit finie ,
la perd ; celui qui croyant avoir perdu ,
brouille (qs cartes avec le talon , perd la
partie , quoiqu il s'apperçoive enfuite qu'il
auroit pu la gagner.
Celui qui , étant dernier , prendroit les
cartes du premier avant qu'il eût eu le
temps d'écarter , & les auroit mêlées à fon
jeu , perdroit la partie.
Quand on n'a qu'un quatorze en main
qui doit valoir , on n'eft pas obligé de-dire de
quoi , on dit feulement quatorze ; mais lî
l'on peut en avoir deux dans fon jeu & que
l'on n'en ait qu'un , on eft obligé de le
nommer.
PIQUETTE ,{.{.{ Bourrelier. ) fort^
de pinces aiguës par la pointe , qui eft à
l'ufage des bourreliers.
Piquette , ( Econom. ruftiq. ) mau-
vais vin deftiné aux valets & aux pauvres
habitans de la campagne. C'eft de l'eau
jetée fur le marc du raifin , 'qu'on remet en
fermentation , avec quelques pommes fau-
vages & des prunelles.
PIQUEUR , f m. ( Archit. ) c'cft dans
un atteiier , un homme prépofé par l'enrre-
preneur,pour recevoir par compte \qs maté-
riaux, en garder les tailles, veiller à l'emploi
du temps, marquer les journées des ouvriers,
& piquer fur Ion rôle ceux qui s'abfentent
pendant \cs heures de travail, afin de retran-
cher de leurs falaires. On appelle chaffavans,
les moindres piqiieiirs qui ne font que hâter
les ouvriers. {D. J.)
^ PiQUEUR , en terme d'epingUer, eft
l'ouvrier qui eft chargé de piquer les papiers
pour les épingles.
PiQUEUR , en terme de cavalerie , eft
un domeftique deftiné à monter les chevaux
pour les drelFcr ou les exercer. Il y a àes •
piqueurs à gages dans les écuries confidé-
rables , & des piqueurs qu'on loue pour un
certain temps , lorfqu'on a de jeunes che-
vaux à accoutumer à l'homme : cts piqueurs
les montent aufli dans les foires.
PiQUEUR^ en terme de rafinerie y eft
un gros bâton ferré & aigu par un bout &
traverlé par en haut , à un demi-pié de fon
extrémité , d'un plus petit qui forme de
chaque côté une poignée qui facilite l'opé-
ration ; il fe nomme de l'ufage qu'on en
fait. Voye:[ PiQUER LA TERRE.
PiQUEUR , terme de chajfe , ce font
des gens à cheval , établis pour faire chafïèr
\ts chiens.
^7<^ P I Q.
PIQUIER ^f. m.iAft milit. ) homme
armé d'une pique.
PIQUOISE ou PIQUOIS, r. f.
( Gravure. ) c'eil une aiguille enfoncée
par la lètQ dans une ente de pinceau ou
autre petit morceau de bois ; ce qui en fort
n'a que deux ou trois lignes au plus de
longueur. Ce petit infîrument fert aux
peintres, aux évantaillifles , aux brodeurs ,
tapiffiers & autres ouvriers, à piquer le trait
de leur deffin , pour pouvoir enfuite le
poncer avec la ponce. Voye\ PONCEE. &
Ponce.
PIQUURE , terme de chirurgie , plaie
faite par un inftruraent piquant. Les panaris
ont prefque toujours pour caule une
piquure d'aiguille ; les piquures ibnt ordi-
nairement plus dangereuies que les plaies
plus étendues faites par inftrument tran-
chant. Le féjour du fang dans le trajet de
la diviiion , peut donner lieu à des abcès ;
s'il y a quelque partie ncrveufe de piquée ,
il en réfulre quelquefois les accidens les plus
graves , tels que la douleur , la teniion
inflammatoire , le fpafme de la partie , les
convuliions de tout le corps : la fièvre
s'allume , & l'étranglement de la partie
la fait tomber en gangrené. Ainii la réunion
des parties divifées , qui eft le but auquel
l'art dpit tendre dans toute (olution de con-
tinuité contre l'ordre naturel , ne peut être
obtenue primitivement dans les piquures
qui font accompagnées de quelque accident ;
il faut pour y remédier faire cefler le défor-
dre local qui conlifte dans la tenfion & le
tiraillement des fibres bleîTées , une inciiion
fuffit dans les cas fîmples. Les anciens
brûloient toute l'étendue d'une plaie où un
nerf avoit été piqué , avec de l'huile de
térébenthine bouillante : cette cautérifation
faifoit cefler les accidens , comme on
détruit la douleur de dents , en brûlant
avec un fer rouge , le nert qui efl: à décou-
vert par la carie : lorfque la cautérifation
ne réuflilfoit pas , on n'héfitoit point à fiire
des incifions tranfveriales pour couper abfo-
lument les parties dont la tenfion étoit
l'origine de maux formidables.
La piquure ou morfure des animaux
venimeux a des fuites très-funefl:es , tant
par la qualité délétaire du poifon , que par
la blefîlire des parties nerveufes. Dans les
pays où la morfure des animaux venhnffuK
eft la plus dangereufe , comme en Afrique j
les habitans ne fe guérifl^ent que par des
applications extérieures ; les fecours de
l'art ont toujours été dirigés dans la vue
d'empêcher le venin de s'étendre ^ & de lui
ouvrir une ifllie au dehors ; c'elt ce qui a
tait prefcrire de fortes ligatures au deflus
de la blefllire , & de laver promptement la
plaie avec de l'urine ou de l'eau falée , de
f eau-de-vie , du vin chaud, du vinaigre,
dans laquelle lotion on faifoit diflbudre de
la plus vieille thériaque qu'on pouvoit trou*-
ver ; le malade y tiendra la partie piquée
afléz de temps , & la liqueur doit être la
plus chaude qu'il pourra la fupporter : on
applique enfuite de la thériaque. Ambroife
Paré dit qu'il n'% jamais manqué de guérir
ceux qu'il a traités ainli , à moins que le
venin n'eût déjà gagné les parties nobles.
Pour attirer le venin , il recommande l'ap-
phcationdes animaux ouverts tout vivans,
& enfin la cautérifation pour conferver &
détruire la partie infedée. Les cordiaux
alexipharmaques étoient prelcrits pour l'in-
térieur , dans l'intention de pouffer le viru?
au dehors.
Ce traitement a fans doute eu fouvent
le fuccès qu'on en efpéroit : (\ts peribnnes
très-robufles ont pu réfiffer à l'adion des
remèdes chauds pris intérieurement , d'au-*
très s'en font très-mal trouvés ; ilfaut fuivre
les indications particulières que l'état des
chofes préfènte , & êtr^ inflruit par l'expé-
rience qui conduit dans ces cas mieux que
le raifonnement.
I-a morfure des chiens enragés caufe
rarement des accidens primitifs , & les
plaies qui en réfliltent le guériffent ailé-
ment : cela n'empêche pas que vers le qua-
rantième jour de la blefllire , ceux qui onç
été mordus , ne foient attaqués d'hydro-
phobie , maladie cruelle , dont on guérit
par les antifpafmodiques. Voye\ Hydro-
PH0I3IE Ù Rage. Le venin qui caufè cts,
accidens a une nature particuhere, & (ts
effets font différcns de tout autre venin
connu. Des obfervations aflez bien conf^
tatées femblent faire croire que 11 on eût
dilaté & cautérifé les plaies , on auroit
pu prévenir l'hydrophobie ; les fridions
mercurielles ^ dans l'intervalle du temps
qui
P I R
4uî Ce pa(Te en la morfure &: la manîfef-
tarioa des fymptomes de la rage , peuvei,
détruire le principe ven'meux ; & les an
tirpafmoJiques ont reuflî \ guérir la rag.
caraélérifée. yoye:^ un cjfai fur l'hydr
phobie y par le ao6teur Nugent , trriduit
en François, & qu'on trouve chez Cavelier.
• La morfure des vipères ne donne pas tant
de délai ; en peu d'heures les per^nnes
mordues fouflfrenc des anxiétés mortelles,
le teint devient jaune, elles vomiflcnt delà
bile verte ; le membre piqué devient dou-
loureux , fe gonfle prodigieufement , &
devient noir.
L'alkali volatil a été découvert par M.
de Juffiey , comme un (pacifique contre
le venin de la vipère ; mais on n'a pas de
meilleur remède que de faire tremper
promprement la partie bleflec dans de
l'huile d'olive chaude : c'eft un fpécifique
éprouvé, qui guérit comme par enchan-
tement , en fiifant cefler les accidens qui
paroi (lent être produits par Padlion du venin
fur les parties vitales. V. les obfervations de
M. Pouteau, célèbre chirurgien de Lyon ,
dansAi ouvrage qu'il a publié en 1760,
fous^ titre de mélanges de chirurgie, (l^)
PiQUURE , terme d* ouvrières ; orne-
mens que l'on fait fur une étoffe par com-
partiment & avec fymmétrie , en la piquant
&: coupant avec un emporrc-piece de fer
tranchant. C'eft auffi un corps de femme
piqué par le tailleur , avant qu'il foit cou-
vert d'étoffe. ( D. 7. )
PiQ^uuRE, terme de couturières ; corps
de toile garni de baleine &: piqué , qu'on
met aux enfans pour leur confcrver la
taille ; mais pour y réulTîr , il faut tourner
tous les jours ces fortes de corps.
PIQUITINGA , ( Ichtyologie. ) petit
poilTon des rivières du Brelil ; il eft à peine
de deux pouces de long; fes yeux gros &
noirs ont l'iris blanc ; il a fix nageoires,
outre la queue qui eft fourchue. Sa bouche
paroit fort petite; fa tête eft d'un blanc
argentin ; fon dos eft olivâtre ; ion ventre
eft couvert d'écaillés argentines ; fes n.T-
geoires font routes blanches , &: les larg.-
raies qu'il a fur les côtés font extrêracraei,
brillances.
PIRAEMBU, (H/'?, nat.^ poiffon dt
mers du Brefil , qui reifemble à celui que
Tome XXV.
P I R 977
les François des îies d'Amérique ont
ippellé ronfleur , à caufe du bruit qu'il
•"Ut. Il eft de huit ou neuf pies de lon-«
'^ueur ; (à chair eft très -bonne à manger.
'i a dans la gueule deux os fort durs, dont
d fe fèrt pour brifer les coquillages ^ qui
font fa nourriture ordinaire.
^ PIR AGUERA , ( Ichtyologie. ) poiAToiî
d'Amérique. M. Frezier dit qu'il eft long
de quatre à cinq pies, délicat, de la figure
de la carpe , & couvert de grandes feuilles
rondes; c'eft à-peu-prcs ne rien dire pour
le faire conno'^trc : on ne lit dans les voya-
geurs que des defcriptions de cette nature,
qui n'inftruifcnt de rien. ( 2>. /. )
PIRANO, ( Géog. mod.) ville d'Italie
dans l'iftrie , environ à 14 milles de Capo
d'Iftria , en tirant vers le midi occidental.
Elle eft fur une petite prefqu'île formée
par le golfe Largone & celui de Triefte.
Les Vénitiens en font les maîtres depuis
1583. long. 21 y 4^; lat. 45 , 48.
PIRATE , f. m. ( Marine. ) On donne
ce nom à des bandits , qui , maîtres d'un
vaiftcau , vont fur mer attaquer les vaif-
feaux marchands pour les piller & les yoler.
Ils fe retirent pour l'ordinaire dans des
endroits écartés &: peu fréquentés , oîi ils
puilîènt être à l'abri de la punition qu'ils
méritent.
On aura de la peine à croire que hi pira-
terie ait été honorable , & l'emploi des
Grecs &: des Barbares , c'eft-à-dire , des
autres peuples qui cherchoient des établif.
femens fixes , & les moyens de fubfifter.
Cependant Thucydide nous apprend, dès
le commencement de fon hiftoire : " que
" lorfque les Grecs & les Barbares, qui
» étoient répandus fur la côte & dans
" les îles , commencèrent à trafiquer
" enfemble , ils firent le métier de pirates
» fous le commandement des principaux ,
" autant pour s'enrichir . que pour fournir
" à la fubfiftance de ceux qui ne pouvoient
'> pas vivre par leur travail; ils attaquoient
» les bourgs, les villes qui n'étoient pas
- en état de fe défendre , & les pilloient
»> entièrement : en forte que par ce moyen ,
> qui, bien loin d'être criminel , pafibit
pour honor^îblc , ils fubfiftoient & fai-
' foient fubfi!>er leur nation. » _
L'hiftorien ajoute que l'on voyoit encore
Hhhhhh
57? P I R
des peuples de la rerre , qui faifoient gloire
du pilbge j &c dans les anciens poèmes , on
voit de même que , lorfqu'on rencontroit
dans le cours de la navigation quelque na-
vire , ils fe demandoient réciproquement
s'ils étoient pirates. Mais il y a apparence
que le métier de pirate n'a pas été long-
temps un métier honorable ;'il eft trop con-
traire à toutes fortes de droits, pour n'être
pas odieux à tous les peuples qui en fouf-
frent des dommages confidérables.
On convient que les Egyptiens èc les
Phéniciens commencèrent à exercer le
commerce par la voie de la mer ; les
premiers s'emparèrent de la mer Rouge ,
Se les autres de la Méditerranée, fur la-
quelle ils établirent des colonies , Se bâti-
rent des villes qui ont été depuis fameufesj
ils y tranfporterent l'ufage de la piraterie &
du pillage ; & quoiqu'on ait fouvent tâché
de les détruire , comme étant des voleurs
publics dignes des plus cruels fupplices,
ils Te trouvèrent en fi grand nombre fur
la Méditerranée , qu'ils fe rendirent redou-
tables aux Romains qui chargèrent Pompée
de les combattre.
On méprifa d^abord des gens errans fur
la mer , fans chef, fans difcipline : la guerre
contre Mithridate étoit un objet plus pre*'-
£ànt , & occupoit entièrement le fénat, qui
d'ailleurs étoit divifé par les brigues des
principaux citoyens. En forte que les pi-
rates profitant de l'occafion , s'agrandirent
& s'enrichirent par le pillage des villes
lituées fur le bord de la mer , &c par la
prife de ceux qu'ils rencontroient. Plutar-
que a même remarqué que des perfonnes
confidérables par leurs richeiles & par leur
naifTànce , armèrent des vaiffeaux , où ils
s'embarquèrent & fe firenr/j/r/2/e^ , comme
il par la piraterie on pouvoir acquérir beau-
coup de gloire.
Il faut avouer que de la manière dont
Plurarquc nous décrit la vie des corfaires ,
il n'eft pas fur prenant que des perfonnes
riches-, & même d'une famille illufère,
aient pris leur parti. Leurs vaiflèaux étoient
magnifiques, l'or & la pourpre y éclatoient
de toutes parts, leurs rames même étoient
argentées; & s'étant rendus maîtres d'une
pan ie de la côte maritime , ils defcen-
^4piem pour fe repofer , & tâchoiem de fc
P I R
dédommager de leurs fatigues par toutes
fortes de débauches. On n'entendoit , dit
Plutarque , tout le long de la cote , que
des concerts de voix & d'iiiftrumens ; &.
ils fbutenoient les dépenfes qu'ils faifoient,.
par les grofles rançons qu'ils exigeoient des
perfonnes d<. des villes , & même par le
pillage des temples. «
Les Romains commençant à fe refTèntir
du voifinage des pirates , qui caufoient
une difette de denrées Se une augmen-^
tation de prix à toutes chofes , on réfolut
de leur faire la guerre , & l'on en donna
la commiiïion à Pompée , qui les diflipa
dans l'efpace de 40 jpurs, & les détruifit
aifément par la douceur; au lieu de les»
faire mourir , il les relégua dans le fond
des terres, & dans des lieux éloignés des,
bords de la mer. C'eft ainfi qu'en leuc
donnant moyen de vivre fans piraterie,.,
il les empêcha de pirater, (£>. /. )
PIRATER, {Marine.) Ct^ faire le
métier de pirate.
PIRA.UTOAH y ( Hifl. nat. ) poiffon
du genre des orbes , qui fe trouve dans les
mers du.Brefil;.ileft, dit-on, d'unqArme
monftrueufe ; il a deux cornes oRufcs
recourbées en arrière ; fa queue eft faite en
fpatule ; fes lèvres font épaiftes , & fà
gueule s'ouvre d'une manière hideufe.
PIRE, adj. (Gram.) degré comparatif
de mauvais. Les hommes fe plaignent tou-*.
jours que le temps préfent eft pire que
le temps pafté. Il y a des hommes qui
croient au fond de leur cœur , 8c qui font
tout pour paroître incrédules ; ils font
pires qu'ils ne paroiftènt: d'autres, au con-
traire , font incrédules au fond de leur cœur».
& ils affectent la croyance commune ; il$
tâchent de paroître meilleurs qu'ils ne font.
PIREE ( le ) , Géogr. anc. mvfa.ist
ou 'TTiii'etitof , de 'TTiiçSiv , traverfer , faire un
trajet , en latin , pirœus , par les Grect
modernes , Torto-draco , & par les Francs ^
Porto-Zione.
Je doute qu'il fc trouve aucun lecteur
de l'Encyclopédie qui prenne avec le fînge
de la Fontaine , le Pirée pour un nom
d'homme ; perfonnc n'ignore que c'étoit
le port de la ville d'Athènes. Mais il y
a bien des chofes à eii dire , que tout fe
inonde ne fait pas,.
Le port de Phalere ne Te trouvant nî
afièz grand, ni afl'ez commode, on fit un
triple port d'après Tavis de Thémidocle;
& on Pentoura de murailles : de forte qu'il
égaloit la ville en beauté , & la furpallbit
en dignité ; c'eft Cornelius-Nepos qui parle
ainfi. Il eft certain que Thémiftocle eut
raifbn de préférer le port de Pirée à celui
de Phalere ; car il forme par Tes courbures
trois ports que l'ancrage , l'abri & la ca-
pacité rendent excellens. Son entrée eft
étroite ; mais quand on eft dedans , il eft
de bonne^ tenue, bien fermé, fans rocher
ni brifans cachés. Quatre cents bâtimens,
félon Strabon , y pouvoient mouiller fur 9 ,
lo à 12 bradés; cependant, aujourd'hui
que nos vaifteaux font de vaftes machines,
il paroît que 40 auroient de la peine à
s*/ ranger.
Des trois ports , celui du milieu eft pro-
prement le Porto-Lione. On voit encore
lur des rochers dans la mer quelques piles
de pierres qui foutenoient la chaîne pour le
fermer. Dans fon enfoncement , il y a un
moindre balîîn où fe retirent les galères.
C'eft ce que les Italiens nomment darfe.
Les anciens appelloient un des trois ports
Aphrodion , à caufe du temple de Vénus ,
qui étoit tout procl-ie; ils nommoient le
fécond Cantharon , à caufe du héros Can-
tkarus ; & le troifieme Zéna y parce qu"'il
étoit deftiné à décharger du blé,
La première chofe que nous fîmes en
prenant terre , dit M. de la Guilletiere ,
ce fut de maudire les Romains & le bar-
bare Sylla , qui , après avoir faccagé la
ville d'Athènes , ruinèrent aulTi le Pirée.
Nous vîmes donc avec un fenfîble déplaifir,
la défolâtion & la folitude de Porto-Lione.
Nous nous demandâmes l'un à l'autre des
nouvelles des temples célèbres de Jupiter,
de Minerve & de Vénus ; de ces cinq
portiques , qui , ayant été joints l'un à
l'autre , furent appelles Macra Stoa , à
l'exemple d'un pareil qui étoit à Athènes ;
de ce théâtre de Bacchus, dont Thucydide
& Xénophon ont parlé ; de cette grande
place publique, appellée la place d' Hip-
podame , & de la fameufe bibliothèque du
curieux ApoUicon , où l'on trouvoit ces
incomparables exemplaires que l'on ne
connoit plus , que par le déiiombrement
P I R 5>7<^
qu'en a fait Diogene Laërce. Quelle perte -»
6c quelle douleur pour les gens de lettres!
Nous nous demandions le tribunal phréat-
tys , remarquable par la féance de fes
juges, qui, dans les caufes criminelles,
fe venoient placer fur le bord de la mer;
& par le privilège des coupables qui étoient
montés fur ua vaiftèau quand on les inter-
rogeoit.
Enfin , nous demandions tous ce fuperbe
arfenal de marine , qui étoit un chef-
d'œuvre de l'inimitable archiceéle Philon ;
ces admirables couverts où l'on mettoic
.les galères à l'abri : il nous falloir bien
faire ces queftions l'un à l'autre, puisqu'il
ne s'y trouve pas préfèntemcnt un feul
habitant.
Où eft le temps où l'on voyoit partir de
ce port jusqu'au nombre de quatre cents
vaiftèaux à la fois, &: qu'un grand peuple
d'un coté , & une infinité de matelots de
l'autre, fe crioient réciproquement en fe
I quittant agati wkiy bonne aventure ; euploïa^
bon yoY3.gey pronoiafo[ou:^a , que la provi-
dence nous conferve! Que font devenus,
difions - nous , tant de thalaflîarques ou
chefs d'efcadres, &c ces deux magiftrat»
qu'ils nommoient apôtres , & que nous
appelions intendans de la marine ? Enfin , oà
font tous lestriérarquesou riches bourgeois ,
qui étoient obligés de conftruire & d'équi-
per à leurs dépens un certain nombre de
vailleaux à proportion de leurs richeftès?
Le Pirée a eu la gloire d'avoir vu dans
l'enceinte de lès murailles quelques-unes
des premières écoles de philofophie qui
aient été dans l'univers. Ce fut au Pirée
qu'Antifthene forma la fecle àts Cyniques.
On leur donna ce nom à caufè du faux.-
bourg d'Athènes appelle Cynofarges , où
les Cyniques vinrent s'établir en quittant
le Pirée.
On voit au Pirée un beau lion de
marbre , qui a donné le nom de Porto-
Lione à ce fameux port. Le lion ouvre k
gueule du côté de la mer. Il eft repréfenté
comme rugiflànt, & prêt à s'élancer fur
les vaiftèaux qui y mouillent. On voit en-
core le long du rivage quantité de groftès
pierres de taille , employées autrefois aux
murailles anciennes qui joignoient le Pirée
à la ville i elles font cubiques , & ccllcg
H h h h h h z
no p I R
6es fondemens font jointes par des cram-
pons de fer. C'eft un ouvrage de fortifi-
cation que les Athéniens firent faire pen-
dant la guerre du Péloponefe ; & ce
vieux débris eft une des plus grandes
jnarques qui nous reftent de la richefle ,
de la magnificence & de la fage précau-
tion des anciens Athéniens. Mais ce qu'on
voyoit autrefois de plus merveilleux dans
la fortification du Pirée , c'étoit cette
fameufe tour de bois que Sylla ne put
jamais brûler , parce que le bois employé
à fa confîrudion , avoit été préparé avec
une compofition d'alun , que les flammes
& les feux d''artifice ne pouvoient endom-
mager; le tem.ps en eft venu à bout.
Le tornbeau de Thémiftocle qui bâtit
le Pirée, ctoit le long de la grande mu-
raille; on ne fait plus dans quel endroit;
car il faudroit être bien éclairé pour aflurcr
que c'eft un grand cercueil de pierre, qui
eft à environ cent pas du port, proche
de quelques grottes taillées dans le roc,
A moitié chemin de Pirée à Athènes ,
il y a un puits entouré de quelques oli-
viers ; mais il eft trop profond pour fc
perfuader que ce foit la fontaine qui étoit
près d'un petit temple dédié à Socrate.
lin un mot, il ne refte plus rien de la
- ville du Pirée , ni de ces beaux portiques
décrits par Paufanias. Le feul bâtiment
qu'on y trouve eft une méchante halle
bâtie par les Turcs pour recevoir les
marchandifes &c les droits de la douane.
Quoique l'entrée du Pirée foit étroite,
de forte qu'à peine il pourroit y pafler
deux galères à la fois , cependant quand
on eft dedans, il a bon fond par -tout,
» fi ce n'eft dans un de fes enfoncemens
qui étoit peut-être comme une darfe pour
les galères , & qui eft prefque tout comblé.
Il eft de bonne tenue & bien fermé ^ ce
qui le rend plus confidérable , c'eft que
quand même les vaifleaux fcroient portés
à terre par quelque tempête , ils ne fe
romproient pas , parce qu'il y a affèz
d'eau , & qu'il n'y a point de rochers ôc
de brifans cachés; ce que l'on a vu par l'ex-
périence de cinq vaifleaux anglois qui , dans
le dernier fiecle , eurent tous leurs cables
rompus dans une nuit par une bourafque.
En revenant du Pirée à Athènes , on
P I R
voit prefque tout le long du chemin îes
fondemens de la muraille qui joignoit le
Pirée à la ville , & qui fut détruite par
Sylla. On VâppeWoïz macrû-teichi , c'eft-à-
dire , les longues murailles ; car elles n'a-
voicnt pas moins de cinq milles de lon-
gueur, puifqu'il y en a autant depuis \»
port de Pirée jufqu'à Athènes.
Je rentre dans ce port pour y parler
de fon marché, où l'on trou voit tant de
denrées , qu'au rapport d'Ifocrate , le
Pirée feul en fournifloit plus de toute
efpece que tous les autres ports de la Grèce
eniemble n'en fourniflbicnt d'une feule. Il
y avoit dans ce port, outre cinq galeries
couvertes , un lieu où Ton étaloit les
marchandifes, & qui, par cette rai fon ,
s'appelloit àuyfjLo, , comme qui diroit le
lieu de la montre , ds l'étalage. Les Athé-
niens tenoient au Pirée une garnifon pour
éloigner les corfaires & pour obvier aux
délordres. Divers magiftrats y réfidoient
aufli afin d'y maintenir la police, l'ame du
commerce , & de couper le chemin aux
petits différends inévitables dans une foule
d'acheteurs & de vendeurs. La bonne foi,
par ce moyen , régnoit à tel point dans
le Pirée, que, félon Ariftote, les habitans
du fauxbourg avoient , contre la coutume,
l'efprit plus doux & plus traitable que ItfS
habitans de la ville.
C'eft au Pirée que fe noya, l'an 29}
avant J, C. à çi ans, l'aimable Ménandre,
difciple de Thiophrafte , célèbre poète
comique , & l'un des plus beaux efprits de
l'ancienne Grèce. On le nomma le prince
de la nouvelle comédie ; ÔC tous les auteurs
grecs & latins citent fes pièces avec éloge.
Il compofa 108 comédies, dont il ne nous
refte çà ôc là que de cours fragmens , qui
ont été recueillis par M. le Clerc. Plu-
tarque préféroit les pièces de Ménandre à
celles d'Ariftophane , ôc vraifemblable-
ment Térence penloit de même.
J'ai déjà indiqué d'où viennent les noms
de Porto -Draco ôc Porto- Lione , donnés
par les Grecs ôc par les Francs au Pirée ;
ces deux noms viennent d'un beau l'on de
marbre de dix pies de haut, trois. fois plus
grand que nature , qui eft fur le rivage
au fond du port. Il eft affis fur ^on der-
rière , la tête fort haute , percée par un
P I R
trou qui repond à la gueule ; & à la marque
d'un tuyau , qui monte le long du dos ,
on connoit qu'il fervoit à une fontaine,
comme celui qui eft proche de la ville.
Pour éviter toute équivoque en géo-
graphie , je dois obfervcr en finiilant, que
le mot Pirée , Piraus , eft encore le nom
du peuple de la tribu Hippothoontide. Enfin
Etienne le géographe appelle aulli Pirée
le port de Corinthe ; 6*: , félon Plutarque ,
Pyrœenfes eft le nom d'une bourgade de
l'Attique dans la Mégardie. ( Le chevalier
^Z>E JaU COURT.)
PIRGO , ( Géogr. mod. ) petite ville de
Pile de Santorin , iur une terre d'où Ton dé-
couvre les deux mers , ôc les plus beaux vi-
gnobles ; c'eft la plus agréable de toute l'île.
L'évêque du rit grée y i-ait laréiidcnce , ainli
que le cadi. {D. J.)
PIRIFORME , adj. {Anat.) qui eft en
poire. Le premier des mufcles abducteurs
delà cuilïè, s'appelle le p/r/'/Lr/ne ou pyra-
midal , parce qu'il eft en pyramide ou en
poire. Il prend Ton origine à la partie fupé-
rieure & latérale de Pos facrum , & à la
partie latérale de l'os des îles , & va s'inférer
' dans une pente courte , qui eft à la racine du
grand trochanter.
PIRITZ , {Géogr) bonne ville de la Po-
méraniepruflîenne , dans le cercle de haute
Saxe , en Allemagne. Elle donne fon nom à
l'un des cercles & à Pun des bailliages du
pays, qui la confidere d'ailleurs comme
ayant été la première d'entre celles qu'il ren-
ferme , où fefoient établis le chriftianifme
il y a 7 à 8 flecles , & la réformation , il y en
a deux. Elle eft (îtuée au milieu de campa-
gnes très-fertiles en grains & fur-tout en fro-
ment : elle en trafique aifiduement à la ronde;
& par les avantages que lui donnent ainfi
la bonté de fon fol & le travail de fes
habitans , elle a toujours fu fe relever fans
retard , des malheurs où la guerre & les
incendies l'ont jetée à diverfes reprifes.
Elle eft le fiege d'une prévoté eccléfiaftique.
{D.G.)
PIRNA , ( G-ogr. ) ville d'Allemagne ,
dans l'éledtorat de Saxe , & dans le cercle
de Miliie fur l'Elbe , dont la navigation
l'enrichit ; elle y embarque entre autres (es
pierres de taille , recherchées dans toute
la baflc- Allemagne. Elle /icge aux états
PIK 5)8i
du pays; elle a une furjntcndance ecclé-
fiaftique fort étendue ; elle renferme elle-
même trois églifes. Elle eft au pié de la for-
terefle ruinée de Sonnenftein ; & ellepréfidc
à un baiUiage qui comprend avec elle dix
villes & cent cinquante-neuf villages , ik au-
delà de quarante terres féodales , avec le
château de Konigftein , le plus fort & le
mieux approvifionné qu'il y ait peut-être au
monde. (Z), /. )
PIROGUE , f. f. Ceft un bâtiment de
mer dont fe fervent les Caraïbes & les
Sauvages de la terre ferme. On voit des
pirogues de trente-cinq à quarante pies ,
même de plus de longueur , conftruitesd'un
feul arbre creufé , ayant fur les côtés deux
longues planches afllijetties & coufuesavec
de petites cordes ; elles fervent à exhauflèr
de iz à 14 pouces les bords de la piro^
gue , dont la figure approche de celle
d'une navette ; fa largeur dans le milieu
eft d'environ 6 à 7 pies , & fa profondeur
à peu près de 4 & demi. Ce bâtiment
dont les bords font fort évafés , fe termine
en rond pardeflous , la pouppe en eft plate
& garnie d'un gouvernail , & le haut de
la proue fe trouve communément traverfé
d'un morceau de planche chargé d'une
fculpture groffiere. Voyc':^Ov akac au a.
Pour maintenir Pévafement des bords, la
pirogue eft traverfée de 4 pies en 4 pies
par de gros bâtons bien alîujettis à leurs
extrémités au moyen de petites cordes ;
c'eft contre ces traverfes que les Sauvages
s'appuient lorfqu'ils rameur , ayant le vi-
(age tourné vers la pioue, & fe fervant
de grandes palettes qu'ils appellent jt^û^^ry-ex.
S'ils veulent profiter du vent , ils atta-
chent une 'petire voile carrée à u;: bout
de mât qu'ils plantent dans un cmbreve-
ment fait exprès* au milieu de la barque,
& qu'ils affujettiflent avec des cordes contre
l'un des bâtons dont on a parlé. Les grandes
pirogues de 40 à 45 pies , s'appellent ba^
cajfas , & les moyennes , ainfi que les
petites* de 11 à 15 pies, confervent leur
nom ; ces dernières n'ont point deuvagc ,
c'cft-à-dire que les bords n'en font point
exhauffés par des planches. Avec de lem-
blables bâtimens les Sauvages traverfent
des détroits confidérables , & afFroment
^ Jes mers les plus oragcufcs.
58i PIK
PIROLE , r. f. (HiJÎ. nat. !Bot.)pyrota;
genre de plante à fieur en rofe , compofée
de pluiîeurs pétales dirpofës en rond. Il
fort du calice un- piftU terminé par une
forte de trompe , qui devient-dans la fuite
un fruit arrondi , llrié : ce fruit a ordi-
nairement un ombilic ; il eft divifé en cinq
capfules , &; il renferme des femences qui
pour l'ordinaire font petites. Tournefort,
injl. rei herb. Voye-^p L A N T E .
PIRON , f m. C Archit. ) c'eft une ef-
pece de gond debout, qui porte fur une
couette , &c eft cloué fur le bourdin ou
montant de derrière d'une grande porte.
iD. J.)
PIROUETTE, f. f. en terme de danfe ,
it dit d'un ou plufieurs tours du corpsque le
danfeur fait fur la pointe des pies fans chan-
ger de place.
Pirouette, en terme de manège, fe
dit d'un tour ou d'une circonvolution que
fait un cheval , fans changer de place ou de
terrain.
Les pirouettes (ont d^une pifte , ou de
deux piftes. On appelle pirouette d'une
pijiey le tour entier que fait un cheval
en tournant court , d'une feule allure , &
prefque en un feul temps ; de manière que
ia tête vient à Pendroit où étoit fa queue ,
fans qu'il foit hors de fes hanches. Dans
la pirouette a deux pijies , le cheval fait
ce tour dans un terrain à peu près de fa
longueur , qu'il marque tant de fa partie
antérieure , que de la partie poftérieure.
Foye:(PisTE.
Pirouette, f. f. terme de poupetier, mor-
ceau de métal ou de carton peinturé d'un
côté, fait en form'e de moule de bouton 8c
percé par le milieu , au travers duquel on
paflè un petit morceau de bois qu'on appelle
iaton, 8c qui fert à faire tourner la pirouette.
{D.J.)
PIROUETTE , f m. en terme de danfe ,
c'eft un pas qui fè fait en place , c*eft-à-
dire , qui ne va ni en avant ni en arrière ;
mais fa propriété eft de faire tourner le
corps fur un pié ou fur les deux , comme
fur un pivot , foit un quart de tour ou un
demi-tour , félon que l'on croife le pié ,
ou que la figure de la danfc le demande.
Ainfi :
Je fuppofe que Ton ait un pirouetté à
PIR.
faire du pié droit , 8c qu'on ne doive toUN
ner qu'un quart de tour à la droite , il faut
plier fur le gauche , le droit en l'air , 8c
à mefure que le genou gauche fe plie , la
jambe droite en l'air marche en formant
un demi - cercle. On pofe enfuite la pointe
du pic derrière la jambe gauche à la troi--
fieme polition, pour (è relever fur les
deux pointes , ce qui fait tourner un quart
de tour; au lieu que fi l'on veut tourner
un demi-tour , illikut pofer la pointe du
pié plus croifé jufqu'à la cinquième pofi-
tion , ce qui fait qu'en s'élevant on tourne,
un demi-tour.
Il faut remarquer que Wrfqu'dn fè relevé,
le pié qui a marché , 8c qui s'eft pofé der-
rière à la troifieme ou cinquième pofition ,
de derrière qu*il étoit , le corps fe tournant
le fait changer de fituation fans le faire
changer de pofition , parce que le pié qui
eft derrière revient devant. Lorfqu'on
s'élève , le corps fe tournant un quart ou
un demi-tour , oblige les jambes par fon
mouvement de changer de fituation pour
te trouver dans l'équilibre , ce qui fait
que le pié qui étoit derrière change de
fituation.
Mais lorfque l'on eft élevé 8c que l'on a
tourné le quart ou demi-tour, il faut pofer le
talon du pié où le corps eft pofé , afin d'être
plus ferme pour en reprendre une autre. Ce
pas eft très-agréable , lorfqu'il eft fait avec
foin.
PIRUM, ( Géogr, anc.) ville de la Dace,
félon Ptolomée, liv. III, chap. viij. Elle
étoit entre Phamidana & Zufidana. Quel-
ques-uns croient que c'eft Pixendorf , bourg
de la bafle Autriche.
PIS, f. m. {Gramm.) mamelle de la
vache , de la chèvre , de la brebis , de la
jument , ùc.
Pis, {Boucherie.) c'eft la poitrine du
bœuf, ce qui comprend la pièce ti^mblante
ou le grumeau, les morceaux du tendron ,
les morceaux du milieu j ou les morceaux
du flanchet.
Pis , adv. ( Gramm.) degré comparatif
de m^/adv.On difoit qu'il s'amendoit, mais
je vois que c't(zpis que jamais.
PISA , ( Géogr. anc. ) ville du Pélopo-
nefè dans l'Elide, fur la rive droite de
, l'Alphéejfut affez confidérablc pour donnex
P I s
fon nom à la contrée dans laquetlî elle
étoit bâtie j mais , dans une guerre qu'elle
eut contre les Eléens , elle fut prife &
ruinée, de manière quil ne refta aucuns
vertiges de fes murs ni de Tes édifices ,
& le fol où elle avoic été fut co#ert de
vignes. •
D£s ruines de cette ville fe forma celle
d'Olympie qui eut aufli le nom de P/fa ,
parce qu^elle en fut très-voifine , n'en étant
réparée que par le fleuve. Elle fut bâtie
fur la rive gauche de l'Alpkée Se devint
très-fameufe , tant par le temple & la ftarue
de Jupiter olympien , que par les jeux qui
fè célébroient tous les quatre ans dans la
plaine voifine , où l'on voyoic toute la
Grèce aflemblée.
Une colonie fortie de Pife , vint, félon
Virgile , fonder la ville de Pife dans VE-
trurie.
, . . . Aîphœa* aB origine Pi fa ,
l/rBs Etrufcafolo,
Cette ville bâtie fur l'Arno, devint une
république puiflante dans le xii fiecle ,
& partagea avec Gênes 8c Venife le com-
•^ merce de l'empire de la mer Méditerranée.
Voye? PiSE , & Géogr. deVirg.pageÇLî^,
PIS AN , LE ( ( Géogr. mot/.) pays d'Italie
dans la Tofcane. Il eft borné au nord par
le Florentin & la république de Lucques ,
au midi par les Siennois , au levant par les
Siennois encore > & par la mer au couchant.
Il a 30 milles du nord au fud, & 50 du
levant au couchant. C'eft un très-bon pays j
Pife en eft la capitale.
PISATELLO , ( Géogr. mod. ) petite
rivière d'Italie dans la Romagne. Elle a fa
fource au pié de l'Apennin , &" fe rend dans
la riyiere Rigofa, environ à un mille de la
côte du golfe de Venife. Léander croit
que c^eft le Rubicon des anciens. Vcye:^
BUBICON.
PISAURUM , ( Géogr. anc.) ville à*l~
talieappellée au]ourd*hui Pe/^ro. Ptolomée,
HB. IIJ. c. j. qui la donne aux Semnones ,
la place entre Fanum furtunce & Arimi-
nium. Céfar , civ. lib. I. c. xj. fe rendit
maître de cette ville. Tite Live , /. XXXIX.
c, xUy. Vdleius-Paterculus , lib, I. c, xy.
PIS cjg^
& d'anciennes infcriptions romaines lui
donnent le titre 4e colonie.
PISAURUS , ( Géogr. anc. ) rivière
d'Italie dans le Picenum. Elle donnoit le
nom à la ville Pifaurum. Vibius Sequerter
dit qu'on la. nommoit aulTi Ifaurus. Ea
effet on Ut dans Lucain , l. II. vers /j.06 r
Crujîumiumque rapax ù junclo Sapis
Ifauro.
Mais peut-être là quantité a-t-elle obliger
Lucain de dire Ifauro pour P ifauro. Cette
rivière s'appelle aujourd'hui la Foglia, (eloiv
Magin.
PISAY , PiSEY , Pisi , {Archit. Mac. )
Bâtir en pifé , c'eft faire les murs d'une
maifon avec une qualité particulière de
terre que l'on rend dure & compacte ; le»
fondations font en pierres &, s'élèvent
jufqu'à deux pies au deflus du pavé , pour
mettre le pifé à. l'abri de l'humidité.
M. GoiiFon , des académies de Lyon &z
de Metz , a fait Van du Maçon pifeur ^
in-tÇL de ^6 pag^s , chez le Jay 1771 ;
où les opérations de cette bâtifle commune
dans le Lyonnois & la Brefïè, font expli-
quées avec clarté & fagacité. La terre doit
être naturelle , un peu graveleufe ; on voit
des mailons aiiîfi conftruites depuis un
fiecle : l'ufage en eft bon dans les pays
où l'on manque de pierres Se de briques.
On iix. à Paris , il y a un fiecle , des
maifbns moulées j on en voit une , rue de
Grenelle fàuxbourg Saint-Germain vis-à-vis
l'abbayie de Panthemont , que les ouvriers
appelloient par dérifion \hôtel des plâtras ,
nom qu'il a toujours retenu & qui fubfifte
depuis plus de 8 g ans. Merc. Fr. Juillet
l!JJ% , page 8z,
M. . le curé de Varenne - Saint - Loup
près de Châlons , eft très-intelligent dans
cette partie , & en a fait conftruire pîufieurs
maifons dans fon village. Il a même compofé
un petit ouvrage fur cette matière , qu'il
m'a lu en 1 769 , & qui méritcroit l'im-
preffion. Il vient d'être nommé curé de
Givray., petite ville en Châlonnois, &
s'appelle MontiUot. (-C)
PISCATORESou PESCADO^
RES , { Géogr. mod.) c'eft-à-dire , //ej»
du pécheur. M. de Lifle.ne marque qu'uns.
5)84 PIS
lie de ce nom dans fa carte des Indes ôc
de la Chine y mais Danipier die que les
Fifcadores font pluiîeurs grandes îles dé-
ferres , iîtuées près de Formofa , entre
cette lie &: la Chine , à environ 2 5 degrés
de latitude feptenrrionale , & prefque à la
même élévation que le tropique du cancer.
{D.D
PISCENA , ( Géogr. anc, ) ville de la
Gaule narbonnoile , félon Pline , liv. IV.
c. iv. fur quoi le P. Hardouin r|marque
que c'eft préfenrement la ville de Pezenas
au diocefe d'Agde.
PISCES y ( AJir. ) nom latin de la conf-
tellation des poiUÔns. V. Poissons.
PISCHINAMAAS , fub. m. terme de
relation , miniftre de la religion mahomé-
tane en Perfe , qui a foin de faire la prière
dans les mofquées. On cholfit ordinaire-
ment pour cer:e fonction des fciid-Emirs ,
c'eft-à-dire , des defcendans de Mahomet
du côté paternel & maternel , ou des
Chérifs, qui n^en defcendent que par un
côté.
PISCHKIESCH , ( H//?, mod. ) c'eft
ainlî que les Turcs nomment la taxe ou
le préfent que chaque prince établi par la
Porte ottomane , paie au grand-feigneur
&c à fes miniftres.
PISCINA, ( Gécgr. mod.) petite ville ,
ou plutôt bourgade d'Italie , au royaume
de Naples , dans l'Abrufe ultérieure , à
un mJîle de la rive orientale du lac Celano.
- C''eft dans cette bourgade que naquit , le
14 Juillet looz , Mazarini (Jules) qui
devint cardinal , & premier miniftre d'état
en France. Il mourut à Vincennes le 9 Mars
1^61, à 59 ans.
Voici ce qu'en dit M. de Voltaire. Le
cardinal Maznrin ne fit de bien qu'à lui
!& à Ta famille par rapport à lui. Huit
années de puiflànce abfolue ne furent mar-
quées par aucun étabUlfement glorieux ou
utile ; car le collège des quatre Nations ne
fut que l'effet de fon reftamcnt. Il fe donna
toutes les groflès abbayes du royaume , en
forte qu'il étoit riche à" fa mort , d'environ
deux cents millions de notre monnoie ac-
tuelle ; & plufieurs mémoires difent qu'il
en a amnlTé une partie par des moyens au
deflous de fa place. Etant près de mourir ,
U craignit pour fes biens , & il en fit au
^ I S
roî la donation , perfuadé que le ro* les lui
rendroit , en quoi il ne le trompa pas.
Le leul monument qui fait honneur
au cardinal Mazann , eit l'acquilicion de
PAlface. Il procura cette province à la
France* dans le temps que la France étoic
avec raifbn decliauiée contre lui ; & par
une fatalité finguliere , il fit du bien au
royaume , lorfqu'il y étoit perfécuté , &
n'en fit point dans le temps de fa grande
puiflànce.
On le vit , dît un de nos écrivains ,
tranquille en agififant , fouple & pliant fous
Porage , vain ôc orgueilleux dans le temps
de fon crédit , habile à prévoir , fbngeant
toujours à tromper , infendble aux plaifan-
teries de la Fronde,, m?prifant les' bra-
vades du coadjureur , & écoutant les mur-
mures du peuple comme on écoute du rivage
le bruit des flots de la mer.
Il y avoir dans le cardinal de Richelieu
quelque chofe de plus grand , de plus vafte
& de moins concerté. C'étoit dans le
cardinal Mazarin , plus d'adrelîc , plus d'ar-
tifices , &c moins d'écarts. Richelieu étoit
un implacable ennem' , j&c Mazarin un ami
dangereux. On haïlîoit l'un , & l'on ie
moquoit de l'autre ; mais tous deux furent
les maîtres de l'état ; tous deux ennemis
déclarés des princes du fang : enfin tous
deux fils delà fortune & de la politique,
étalant un fafte égal à celui des rois , opr
primèrent indignement les citoyens & la
patrie. {D. J.)
PISCINE , f m. ( WJÎ. anc. ) chez les
anciens, c'étoit un grand baffin dans une
place publique & découverte , ou un grand
quarré où la jeunefle romaine apprcnoic
à nager. Elle étoit entourée d'une haute
muraille , pour empêcher que l'on n'y jstât
des ordures. Foyeij^NAGE o« Nager.
Ce mot eft formé du latin pifcis , poif-
fon , à caufe qu'en cet endroit les honjmes
en nageant , imiroient les poiflons ; &
parce qu'il y avoir auïïi quelques-unes de
ces pifcines oi^i l'on confervoit anciennement
du poiflbn.
Pifcine fe difoit aufïî du bafîîn quarré
qui étoit au milieu d'un bain. F". Bain.
Pifcine proba tique , pijcina probatica ,
c'étoit un étang ou un réfervoir d'eau ,
proche le parvis du temple de Salomon,
Elle
PIS
Elle efl ainil appeilce du grec Tfo^^rav ,
brebis ou mouton , parce que l'on y la voit
le bétail defîiné aux facrifices. Voye\
Sacrifice.
Jefus-Chrift fe fervit de cent pifcine
pour opérer la guérifon rairaculeufe du pa-
ralytique. Daviler obferve qu'il refîe encore
cinq arches du portique , & d'une partie
du baiTm de cette ;7//a/2f. Doubdan, dans
fon Voyage de la Terre f aime , dit qu'elle
étoit enfoncée dans terre de deux piques
de protondeur , & d'environ cinquante de
longueur fur quarante de largeur ; que les
quatre côtés font revêtus de pierres de
ruile fort bien cimentées ; qu'on voit en-
core les degrés par où l'on y defcendoit ;
mais que le fond en eft à fec & rempli
d'herbes.
Pifcine ou lavoir chez les Turcs , c'efl
un grand baffin au milieu de la cour d'une
mofquée , ou fous les portiques qui l'envi-
ronnent. Voye\ Mosquée.
Sa forme efl ordinairement un quarré
long , bâti de pierre ou de marbre , où il
y a un grand nombre de robinets. Les
Mufulmans s'y lavent avant que d'offrir
leurs prières à Dieu , étant perfuadés que
cette ablution efface leurs péchés. Voye\
Ablution.
Les Latins nommoient auflî pifcina ce
que nous entendons par étang.
^ PISCO , ( Géog. mod. ) ville de l'Amé-
rique méridionale au Pérou dans l'audience
de Lima , à un quart de heue de la mer.
Il y avoit jadis prè? de ce port , une ville
célèbre fitiuée fur le rivage de la mer ;
mais elle fut entièrement ruinée par un
furieux tremblement de terre , qui arriva
le 19 d'odobre de l'année 1682. Depuis
ce temps-là , on a bâti la ville dans un lieu
où le débordement ne parvient pas. Les
habitans , au nombre d'environ deux cents
familles , font un compofé de métis, de
mulâtres , de noirs & de quelques blancs ;
cependant les campagnes de Pifco produi-
fent d'excellens vins en abondance , ainfi
que des fruits merveilleux , en forte que
Pifco efl un des plus beaux endroits de
toute la côte du Pérou. La rade eft d'une
grandeur à pouvoir contenir une .armée
navale , & on .y efl à couvert des vents
ordinaires. On mouille ordinairement à
Tonie XXK
Paraca , qui cft à deux lieues de diflance ,
parce que la mer efl trop mâle au rivage de
Pifco. Lons[. 302 ; lat. mérid. 14.
PISCOPIA, {Géogr.mod.) île de
l'Archipel , entre celle de Stanchib , &
celle de Rhodes.. C'efl la Taluo de PHne ,
& la Telos de Strabon. Voyei^ Telos.
PISE , ( Géogr. mod. ) ville d'Italie en
Tofcane , fur la rivière d'Arno , dans une
plaine unie. Cette ville très-ancienne a
été la capitale d'une république qui fe
rendit fameufe par fes conquêtes en Afri-
que , & dans la Méditerranée , où elle
s'étoit emparée fur les Sarrazins des îles
Baléares , de Corfe & de Sardaigne. Son
port fitué à cinq milles de l'embouchure
de l'Arno dans la mer , étoit un lieu d'un
très-grand commerce.
Elle formoit au treizième & quatorzième
fîecle , une république fiorifîànte , qui met-
toit en mer des flottes auffi confidérables
que celles de Gênes ; mais les Florentins
afîiégerent la ville de Pife , & la prirent
en 1406. De ville libre qu'elle étoit , elle
devint fujette , & n'a pu fe relever depuis-
Toutes ït^ rues tirées au cordeau , fonc
couvertes d'herbes : elles contiennent à peine
quinze mille âmes ; & cent mille habitans.
ne fuffiroient pas pour les remplir.
L'évêché de ctnç, ville fut érigé en métro-
pole à la fin du onzième fiecle. La cathé-
drale efl belle , quoique bâtie à l'antique.
L'univerfité fondée en 1339» a peu d'éru—
dians. Pife efl , à la vérité , le chef-lieu de
l'ordre des chevaliers de S. Etienne , inflitué
en I ç6i , mais cet ordre ne lui donne aucun
luflre. Il s'efl tenu dans cette ville deux:
conciles qui ne lui ont pas été avantageux ;
l'un en 1409, & l'autre en 15 11.
Elle efl féparée en deux par l'Arno qu'o«.
paffe fur trois ponts , dont l'un efl de mar-»
bre blanc. Ses fortifications fontmauvaifes z
là fituation efl à 2 milles de la mer , 14 de
Livourne , 12 fud-ouefl de Lucques , 4^
ouefl de Florence. Longit, (fuivant Caf^
finî ) 27. 52. 30. lat. 43. 42.
Le ledeur peut confulter fur Pife , l*ou^"
vrage de Pietro Cardofi, 'mnm\é Me morie
délia gloria di Pifa ; ainfi que les biblio-
graphes , fur les gens de lettres qui font liés
dans cette ville : je ne parlerai que d'un feul
nommé Albir\i ou Èanhelemi de Pife^
Jiiiii
^8^ PIS
parce qu'il fît en cette ville profeflîon dans
l'ordre de S. François , où il florifïbit
vers l'an 1380. Un de Ces écrits , d'un
cara.dere extrêmement fingulier, & fans
lequel il feroit fans doute demeuré dans
î'obfcurité la plus profonde , l'a rendu l'un
des auteurs les plus connus de ces derniers
fiecles. Ce font les fameufes conformités
de la vie de faint François avec celle de
Jefus-Chrifl qu'il corapofa en 1389, &
qu'il préfenta au chapitre général de fon
ordre alîemblé à Affife en I3'99. Il en
reçut non-feulement une approbation uni-
verfelle , mais même la récompenfe la
plus glorieufe à laquelle un homme de fon
éfat pût jamais s'attendre ; on lui donna-
l'habit complet que faint François avoit
porté pendant fa vie.
Le livre des conformités fut imprimé
diverfes fois dans le xv & le xvj fiecles,
& ces fortes d'éditions font d'une rareté
extrême. On conferve précieufement le
manufcrit de cet ouvrage dans la biblio-
thèque du duc d'Urbin.
La première édition eft de Venife , mais
fans indication d'imprimeur, de date ni de
formata on fait cependant qu'elle eft in-
folio y & il y en a un exemplaire dans la
bibliothèque de l'empereur.
La féconde & la troifieme édition ne
font qu'un abrégé de l'ouvrage intitulé li
Fioretti di fan Franc if co afjîmilati alla
vita & alla pafjlone di noftro S ignore ^
toutes les deux imprimées à Venife , l'une en
1480, & l'autre en 1484, //2-4°.
•La quatrième édition intitulée : Opus
ûureœ & inexplicahilis bonitads & conti-
nendœ conformitatum vitce beati Francifci
advitamDomini nojlri Jefu Chrifii , &c.
a été faite à Milan en i$io, in-folio;
elle eft précédée d'une préface de François
Zeni , vicaire général des francifcains
italiens.
La cinquième édition portant le même
titre , a été donnée par Jean Mapelli ,
francifcain , & a paru de même à Milan en
1513, in-folio. Cette édition ne diffère
en rien de la précédente. Aux titres de
cts deux dernières éditions , l'on voit les
armes des francifcains , au bras nu de
Jefus-Chrift , & au bras vêtu & ftigmatifé
de faint François , palfés en fautoir , &
PIS
' traverfés d*une grande croix pofée en pa! ^
SiL furmontée de (on écriteau /. N. R. J.
On a même remarqué que dans ces armoi-
ries , le bras de S. François occupe la
place d'honneur , & que celui de Jefus-
Chrift eft au-deflbus.
Dès que les efprits commencèrent à
s'éclairer , on déclama fortement contre les
fuperftitions , les impertinences & les im-
piétés dont cet ouvrage étoit rempli. La
première réfutation qui s'en fit , parut
d'abord en Allemagne , fans nom de ville
ni d'imprimeur, mais en 151^» lous le
titre de Der Barfuffer Munch Eleufpiegel
undalcorany avec une préface de Luther.
Cette réfutation eft d'un miniftre luthérien
du pays de Brandebourg , nommé Erafme
Albere. Elle reparut de nouveau à Wittera-
bergen 1542- > ^"/2-4". & i^H» in-^°'
Cette première réfutation a été para-
phrafée en latin , & imprimée fous divers
titres : «i". Alcoranus Francifcanorum ^
feu blafphemiarum & nugarum lerna^ de
fiigmatifato idolo quod Francifcum vacant^
ex lihro Conformitatum ^ &c. Francofur-
dice y î ^4.2. y in-^°. 2**. Alcoranus Fran-
cifcanorum y five Epitome prœcipuas fa-
bulas & blafphemias compleclens , eorum
qui beatum Francifcum ipfi Chrifio cequare
aufi funt ^ idque cum falubri antidoto ;
Genevœ ) ^Sj8 y in-S^.
Conrad Badius , imprimeur de Genève ,
mit en françois cette réfutation , & la
publia fous ce titre , VAlcoran des corde-
liers , tant en latin qu'en françois ; Genève y
t S6^ y //2-12. Il y joignit bientôt après
un fécond livre , & le tout parut dans
fon imprimerie en 15^0 en deux volumes
in-ii. La troifieme édition vit aufli le jour
à Genève en 1 578 , & a été réimprimée dans
la même ville en 1644 & 1664 > in-^^.
Enfin il en parut une édition nouvelle à
Amfterdam en 1734 en 2 vol. in-12. avec de
fort jolies figures imaginées par le célèbre
Bernard Picart , & gravées fous fa direc-
tion. Je ne parle pas ici des tradudions
latines & flamandes: ce détail me mene-
roit trop loin.
La féconde réfutation des conformités ^
a été faite en Italie par Pietro Paolo Ver-
gerio ; & ce fiit de purs motifs de religion
qui l'engagèrent à cet ouvrage ; cependant
PIS
fa réfutation fut flétrie , & fa perfonne mife
au nombre des hérétiques.
Je laifîe à part la réfutation des con/or~
mités par Ofiander , par Volfius , ainfi
que celle qui fe trouve dans la légende
dorée ; il me fuffit de dire qu'entre tous
les auteurs catholiques & proteftans qui
le font attachés à réfuter les conformités ,
perfonne ne s'en eft plus agréablement &
plus folidement acquitté que le favant &
ingénieux Bayle , dans les remarques de
fon article de faint François d'Affife.
II eft vrai que les francilcains éclairés
ont fâché de fupprimer les éditions Aes con-
formités y autant qu'il étoit poffible , & à
en donner de nouvelles éditions différen-
tes ; mais quelques auteurs francifcains ne
fentant pas le tort que cet ouvrage leur
faifoit , n'ont pu réfifter à la tentation de
le reproduire de temps en temps , fous
quelque nouvelle face. Tel eft l'ouvrage
intitulé , Prodigiiim naturce , & gratiœ
portentum , hoc efi y feraphici patris Fran-
cifcL vitce a3a ^ à Petro de Ali'a Ù
Aflarga ; imprimé à Madrid en i J 5 1 ,
in-folio.
On fait l'hiftoire du P. le Franc , gar-
dien des cordehers de la ville de Rheims ,
& doâeur en théologie de la faculté de
Paris : voulant rendre fon nom recomman-
dable à la poftérité , il fit graver ces paroles
en lettres d'or fur une table de marbre,
au haut du frontifpice du portail des cor-
deliers de Rheims : Deo-homini & beato
Francifco utrique crucifixo. Cette infcrip-
tion eau fa un fcandale fi général , que
M. l'archevêque de Rheims lui commanda
de l'ôter au plutôt ; & cet ordre fut acca-
blant pour un homme qui s'imaginoit avoir
parfaitement bien rencontré.
Je crois qu'il en étoit de même de
Barthelemi de Pife. Ce bon homme n'avoit
eu pour but que de relever fortement la
gloire & l'excellence de fon patriarche ;
il reçut avec des larmes de joie l'approba-
tion du chapitre général des francilcains ,
datée du 2 août 1399 , & il ne s'imagina
point qu'un ouvrage fi nettement approuvé ,
attireroit tant à lui qu'à fon ordre , le
mortifiant reproche d'impiété & de blaf-
phême. Il ne jouit pas long-temps des
^pplaudiiTemens & de la récompeofe que
PIS 987
lui avoit valu fon ouvrage ; car deux ans
après il mourut extrêmement âgé dans le
couvent de Pife , le jo décembre 1401.
( Le chevalier de Ja uco ur T. )
PIS MUS , [Mythol.) furnom de
Jupiter , pris de la ville de Pife en Elide ,
où il étoit particulièrement honoré. Her-
cule faifànt la guerre aux Eléens , prit &
faccagea la ville d'Elis ; il préparoit le
même traitement à ceux de Pife qui étoient
alliés des Eléens ; mais il en fut détourné
par un oracle , qui l'avertit que Jupiter
protégeoit Pife : elle fut donc redevable
de fon falut au culte qu'elle rendoit à ce
maître des dieux. {D^J.)
PiSE , ( Ge'ogr. anc. b mod. ) ville de
15000 âmes, à vingt lieues de Florence ,
fur l'Arno , une des plus anciennes de
l'Italie , fondée , félon Strabon , par des
Arcadicns fortis de la ville de Pife fur
le fleuve Alphée , où étoit le temple de
Jupiter Olympien. Cette belle origine eft
chantée par Virgile , j^n. l. X y p. / 7 5.
Denis d'Halicarnaflè en fait une mention
honorable , comme une des douze princi-
pales villes d'Etrurie.
Tite-Live ( /. XL. ) nous apprend que
le conful Bebius y pafïa l'hiver , & en fit
une colonie romaine ; elle eft appellée dans
les deux décrets célèbres du lénat de Pife ,
faits à l'honneur de Caïus & de Lucius ,
neveu* d'Augufte , colonia obfequens
Pifana.
Pife , à la chute de l'empire , devint
répubhque , & maîtreffe de la mer au
onzième fiecle.
En 1030 , des Pifans s'emparèrent de
Carthage , prirent le roi prifonnier , &
l'envoyèrent au pape qui l'obligea de fe
faire baptifer.
Ils reçurent chez eux les papes Gelafè
III & Innocent II , fuyant \ts perfécutions ;
mais leur ville ayant été prife par les Flo-
rentins en 15*^9, ils perdirent la liberté ,
& furent foumis à la domination des Mé-
dicis. Ce fut là le terme de la grandeur &
de la profpéritédeP^/f ^ où l'on comptoic
alors 150 mille habitans.
Au Campo-Santo eft le tombeau de
Matteus Curtius, par Michel- Ange ; celui
de Dexio , célèbre jurifconfulte , & celui
du comce Algarotti , mort à Pife en 1764 ,
liiiii 2.
5)S8 PIS
après avoir fait long-temps les délices cîe
la cour du roi de Prufle.
Le jardin botanique en face de robferva*-
toire , fut fondé par Ferdinand de Médicis ,
en 1587.
L'univerfité fort ancienne a été rendue
célèbre par Accurfe , Bartole & Cefalpin.
P'ife eft la patrie du pape Eugène III ,-
difciple de S. Bernard ; de Laurent Berti ,
auguiiin , grand théologien , mort en 1766;
de Brogiani , excellent anatomifle ; du
dodeur Gatti, fi connu par fes fuccès pour
l'inoculation. M. le marquis de Tanucci ,
premier minifîre de Naples, étoif profef-
feur en droit à Pife, lorfque don Carlos
l'appella à Naples. Le dodeur Vannuchi ,
de l'académie des infcriptions de Paris , &
bon poëte , eft auffi de Pife. ( C )
PISIDIE , Pifidia,^ ( Géog. anc. ) con-
trée d'Alîe, renfermée entre la Lydie, la
Phrygie , la Pamphyiie & la Carie. C'étoit
un pays fitué dans les montagnes pour la
plus grande partie , & qui comprenoit l'ex-
trémité occidentale du mont Taurus , félon
Pline , /. V. c. xxpij. & félon Strabon , /.
-X7/. Les écrivains varient fur (ts limites;
mais foit que la Pijidie ait été à l'extrémité
du Taurus , comme le veulent quelques-
uns , foit qu'elle ait occupé , ielon d'autres ,
une partie conlidérable de cette montagne ,
il eft certain qu'elle ne s'étendoit pas au-delà
du Taurus. {D. J.) ^
PISIFORME, adj. {Anat.) nom de
deux os qui ont à-peu-près la forme d'un
pois , dont l'un appartient à l'organe de
l'ouie , & fe nomme auffi orbiculaire ou
lenticulaire ; & l'autre eft un des huit du
carpe. Voye\ OREILLE & CarPE.
PIS(S , ( Géogr. anc. ) Pifœ , par Po-
lybe , liv. II. c. xxviij. Ptolomée , /. ///.
ch.j. Lycophron , vers tz/^i : mais toutes
les infcriptions romaines portent Pifœ ^
ville d'Italie dans l'Etrurie près des Ligu-
riens. La plupart àQs anciens écrivains ,
tant grecs que latins , en ont parlé. Pline ,
liv. m. ch. V. la place entre les fleuves
à'Aufer & Arnus. Elle avoit été fondée
par les Pifcei , peuples du Péloponefe ,
qui l'avoient nommée Alphée , du nom
d'un fleuve de leur patrie ; c'efl du moins
ce que dit Virgile au X. liv, de l'Enéide ,
l'ers Z2$, ' •
PIS
Alphece ah origine Pifce^
TJibs Etrufca folo.
On trouve la même chofe dans Rutilius ,
Itin. liv. I. vers £^£.
AlpheiX veterem contemptop originis urhem
Quam cingunt geminis Arnus Ù Aufur
aquis.
Il appelle Aufur le fleuve que Pline nomme
Aufer.
Pife eut le titre de colonie romaine, &
elle a confervé fon ancien nom : c'efl au-
jourd'hui la ville de Pife. Voye\fon article,
{D.J.)
PISISTRATE, {Hifi. de la Grèce.)
defcendant de Codrus , fe mit à la tête
de la faûion oppofée à celle de Megaclès
qui dominoit dans Athènes. Les témoi-
gnages qu'il avoit donnés de fa valeur à
la conquête de l'île de Salamine , l'avoient
rendu cher à fa nation dont il ambitionna
de devenir le tyran. Refpeûé par le privi-
lège de fa naiflance , autant que chéri par
^ts manières affables & populaires , il fe
fervit de fon éloquence naturelle pour
éblouir les Athéniens fur leurs véritables
intérêts. Il defcendit au plus bas artifice
pour préparer fa puiflance. Solon fut le
feul qui pénétra (qs defleins ambitieux.
Pififîrate s'étant fait lui-même une blef-
fure , fe fit porter tout fanglant dans un
char fur la place publique j où il expofà
au peuple aflemblé que c'étoit en défendant
fes intérêts qu'il avoit couru le danger de
perdre la vie. Les Athéniens attendris fur
fon fort Tautoriferent à prendre cinquante
gardes pour veiller fur fes jours ; & ce fut
avec CQS làtellites mercenaires qu'il devint
le premier tyran de fa patrie : mais il ne
jouit pas d'abord paifiblement de Ion ufur-
pation ; une faction puiflante l'obligea de
quitter Athènes où its partifans préparè-
rent fon retour. Ils apoflerent une femme
qui avoit la figure & tous les attributs de
Minerve. Elle parut montée fur un char
magnifique au milieu d'Athènes , & annon-
çant que Minerve alloit ramener Pfyz^rjte
triomphant. Le peuple , fuperfliticux , crut
que c'étoit un avertiflément de la divinité i
P I s
& le tyran fut établi fans obfladc. Quel-
que temps après ce peuple inconllant l'o-
bligea de Ce retirer dans l'île d'Eubée
avec fa famille ; & après onze ans d'exil ,
il rentra dans Athènes en vainqueur irrité.
Ce fut dans le fang de i'es ennemis qu'il
cimenta fa puifTance.
Après qu'}'; eut immolé tous les rivaux
de fon pouv( r, il fit oublier fes cruautés
par la douce .r de Ion gouvernement. Il
donna l'exem : e de l'obeiflance aux loix J
& moins roi que premier citoyen , il effaça
par Ion équice la honte de Ion ulurpation.
La facilité avec laquelle il s'énonçoit , lui
fervir à faire oublier aux Athéniens la perte
de leur liberté. Quand il n'eut plus d'enne-
mis , ni de rivaux , il goûta les douceurs
de la familiarité , 6l fe montra fi populaire ,
que Solon avoit coutume de dire qu'il eût
été le meilleur cito} en d'Athènes , s'il n'en
avoit pas été le tyran. Dans un feilin qu'il
donnoit aux Athéniens , un des convives
dans l'ivreiîè , lança contre lui d'ameres
invedives : au lieu de s'en venger , il ré-
pondit froidement , un homme ivre ne doit
pas plus exciter ma colère, que fi quelque
aveugle m'eût heurté. Les Ibldats avant
lui n'avoient d'autre falaire que leur butin;
il ordonna qu'ils feroient entretenus &
nourris aux dépens du tréfor public. Il
fupprima le fpedacle des mendians par une
juûe répartidon des biens. Chaque citoyen
eut un fonds de terre dans les campagnes
de l'Attique. Il valoit mieux, diloit-il,
enrichir l'état que d'accumuler les richeffes
dans une feule ville pour en entretenir le
fafîe. Ce fut lui qui inlpira aux Athéniens
le goût des lettres , en ks gratifiant des
ouvrages d'Homère , qui julqu'alorsavoient
été épars & fans ordre dans la Grèce. Il
fonda une académie qu'il enrichit d'une
bibliothèque. Enfin après avoir joui pen-
dant 33 ans d'une iouveraineté ufurpée ,
il tranfmit fa puiffance à fes entans. [T-N.)
PISOLITE , C. ï. { Hifi. nat. ) nom
donné par quelques naturalifles à une
pierre qui femble compolée d'un amas de
petits corps globuleux de la .groileur d'un
pois. Voy^ OOLITES.
PISONK, f. f. pifonia y ( Hifl. nat.
JBot. ) eff un genre de plante à fleur mo-
nopétale en forme de cloche & profon-
PIS 989
dément découpée. Le piffil fort du calice ;
il efl attaché comme un clou à la partis
inférieure de la fleur , & il devient dans
la fuite un fruit oblong anguleux , qui
s'ouvre en cinq parties du haut en bas ,
& qui renferme une femence le plus fou-
vent oblongue. Plumier , nova plant, amer,
gen. Vojei PLANTE.
Ce genre de plante produit fépafément
des fleurs mâles & femelles : dans la fleur
mâle le calice efl droit , très - petit , &
divilé en cinq parties. La fieur eft en
forme d'entonnoir , dont le tuyau efl
court , & la bouche très-évafée ; elle eu
légèrement divifée en cinq fegmens , &
demeure ouverte; les étamines font cinq
filets pointus , plus longs que la fleur ;
leurs Ibmmités font fimples. Dans la fleur
femelle , le calice efl le même que dans
la fleur mâle, excepté qu'il ert attaché au
germe ; cette fleur eu aufli faite comme la
fleur mâle ; il s'élevè du germe un flyle
fimple , droit , cyhndrique , plus long que la
fleur , couronné de cinq ftigmates oblongs :
le fruit efl une capfule ovale compofée de
cinq loges , mais qui ne forment intérieu-
rement qu'une cavité j la graine efl uni-
que , lifle , & de figure ovale ou oblongue.
Linnsi , gen. plant, page 474. Plum. gen.
zi. Honflon , /J. Vaillant, aci. germ.
{D. J.)
PISONJS^VILLA , {Geogr. anc.)
maifon de plaifance en Itahe , près de la
ville de Bayes. Tacite, annal, l. XV ,
c. lij , dit que Néron s'y plaifoit beaucoup ,
& s'y rendoit fréquemment. Ortelius croit
que ce lieu fe nomme aujourd'hui Trmlio.
{D. J.)
PISSASPHALTE , f. m. {Hifi. nat.)
C'efl un bitume naturel & fblide , que
l'on trouve dans les monts Cérauniens
d'ApoUonie ; il eft d'une nature moyenne
entre la poix & l'afphalte. Voye^ BiTUMÈ.
Ce mot efl compofé de '3-/7<r«t , poix , &
d'ct?-(8<£\Tof , bitume.
PiJJafphalte y efl auffi un nom que l'on
donne à une iubffance facfice , compofée de
poix & d'afphalre ou de bitume judaïque ,
bitumen judaïcum. Voye^ AsPHALTE.
La grofliéreté de fa couleur noire , &
•fon odeur puante , le diflinguent du véri-
table afphalte. ^
# *
5)90 PJ S
Quelques écrivains fe fervent aulîî du ?
mot pijfafphalte y pour exprimer la poix
juive ou le limpie aiphalte.
PISSAT , f. tp. urine, voye:{ UriNE.
PîSSELJE UMy f. m. ( Mat, méd des
anciens,) TruA/^aUv^ huile de poix, de -rriTsm,
& ihctiov , huile, Diofcoridê dit qu'elle fer-
voit à guérir la galle & les ulcères des bêtes
à corne. On retiroit une huile de la poix
tandis qu'elle bouilloit , en étendant defllis
de la laine qui abforboit la vapeur qui
s'en élcvoit , & qu'on exprimoit enfuite
dans un autre vaifïeau ; ce qu'on réitéroit
plufieurs fois. Ray foupçonne que le pijjî-
num de Pline eft la même chofe que le
pijjelceum des Grecs ; mais d'autres criti-
ques prétendent que le pijjînum des Latins
étoit tiré du cèdre. {D, J.)
PISSEMENT DE SANG , {Médecine.)
On appelle pijje ment defang, toute éva-
cuation fanguinolente qui fe fait par le canal
de l'urètre , foit qu'on y voie un mélange
d'urine , foit qu'il n'y en ait point.
Le fang peut paffer par des vaifïeaux
trop dilatés; & quand il eft intimement
mêlé à l'urine , il n'eft guère poffible de
le diftinguer de l'urine fanguinolente ; mais
, quand les vaifîêaux font une fois rompus,
le fang cft moins mêlé à l'urine , & eft
par conféquent plus pur. Le fang qui vient
diredement de l'urètre ou des corps fpon-
gieux , coule quelquefois fans qu'on rende
d'urine ; mais c'eft en petite quantité.
Si dans les jeunes gens pléthoriques,
dans la mutilation de quelque membre ,
dans l'hémorrhagie , les hémorrhoïdes , la
luppreffion des vuidanges ou des menftrues ,
la plét^re eft fuivie d'un pijfement de fang,
il eft ordinairement falutaire , & la faignée
fyffit pour l'arrêter.
Mais celui qui doit fa naiflânce à quelque
mouvement d'irritation particulière , pro-
duit dans les reins , par l'abus des diuré-
tiques , des emménagogues , eft à crain-
dre ; & dans ce cas il faut avoir recours
aux délayans , auxmucilagineux , aux hui-
leux , pris abondamment.
Dans le cas d'une circulation générale
qui devient plus grande lorfqu'on a fait
beaucoup d'exercice , qu'on eft allé à che-
val, qu'on a élevé un poids confidérable ,
OU qui eft une fuite d'une fièvre aiguë ,
P IS
ardente » du trop grand ufage des échauP'
fans , des fpirirueux , des aromates , d'au-
tres corps acres , de la colère , ou de toute
paffion de l'ame , & qui produit un piffe-
ment de fang ; il convient d'employer les
rafraîchiiïàns anodins.
Quant au fang trop diflbus prefqu'in-
coërcible dans les maladies chroniques , le
cararre', le fcorbut , l'acrimonie , & les
autres coUiquations des humeurs accom-
pagnées du relâchement des folides ; il le
faut épaiffir à la faveur des corroborans
doués d'acrimonie particulière & conve-
nable.
Le pijfement de fang qui furvient dans
les fièvres malignes , peftilentielles , pu-
trides , dans les pétéchies , ou lorfque la
petite vérole , la rougeole , la pleuréfie y
réréfipelle , ou l'inflammation ont dégé-
néré en corruption , eft un accident dan-
gereux ; on tâchera de l'arrêter par les
antifcptiques combinés avec les incraifans.
Le calcul attaché aux reins ou à la veific ,
& qui par fon afpérité , blelTe les vaifïeaux ,
ne permet pas l'ufage des forts diurétiques ;
mais pour procurer la fortie de cette pierre ,
il faut employer les boiflbns adoucilî'antes ,
oléagineufes , les mucilagineux , les fàvon-
neux, & les anodins. Dès qu'on a eu le
bonheur de faire fortir ce corps étranger ,
le pijfement de fang s'arrête ordinairement
de lui-même ; ou bien on réuffit à le faire
cefTer , en ajoutant les confolidans aux
remèdes dont on vient de parler.
Enfin , le pijfement de fang qui arrive
après les bleflures , les contufions , & les
corrofions de ces parties , ne peut trouver
fa guérifon que dans le traitement propre à
ces maladies.
Outre les accidens généraux qui font une
fuite de toutes fortes d'héraorrhagies , la
concrétion du fang arrête quelquefois l'écou-
lement de l'urine , laiffe un ulcère dans
les reins ou la vefïîe , & caufe enfuite une
urine purulente. {D. J.)
PISSENLIT , f. m. ( Botan. ) nom
vulgaire de la principale efpece du genre
de plante nommé par Tournefdrt dens
leonis , dent de lion , & dont on a indi-
qué les caraderes fous ce dernier mot.
Sa racine eft environ de la grofleur du
petit doigt, & laiteufe. S^s feuilles font
PIS
ôWongues , pointues , découpées profondé-
ment des deux côtés , comme celles de la
chicorée fauvage, mais plus lifîès , & cou-
chées fur terre. Elle n'a point de tige ,
mais des pédicules nus , fiHuleux , longs
d'une palme & plus , rougeatres , quelque-
fois velus , & garnis d'un duvet qui s'en-
lève aifément. Chacun de (es pédicules
porte une fleur compoféc de demi-fleurons ,
évafés , jaunes , renfermés dans un calice
poli , découpés en pluiieurs parties , dont
la bafe eft garnie de quatre ou cinq feuilles
verdâtres , réfléchies.
Chaque fleuron eu porté fur un em-
bryon , qui lorfque le calice s'ouvre & fe
réfléchit fur le pédicule , fe change en
une feraence roufle , ou citrine , garnie
d'aigrette. Ces femences tombent, quand
elles font mûres , & elles foit emportées
par le vent ; la couche fur laquelle elles
étoient , refte nue ; & c'efl une pellicule
poreufe. Cette plante eu très-commune ;
on la cultive dans les jardins : toutes fes
parties font ameres , & remplies d'un fuc
laiteux. { D. J.)
Pissenlit, {Mat.méd.) les vertus
de cette plante font abfolument les mêmes
que celles de la chicorée fauvage , & on
les emploie auflî aux mêmes ufages , &
l'une au lieu de l'autre. La chicorée fau-
vage eft cependant le médicament principal
dans l'ufage ordinaire , & le pijffenlit eft
le fuccédanée. Au refte , cette reflèm-
blance eft non-feulement étabhefurl'obfer-
vation des propriétés médicamenteules de
l'une & de l'autre plante , mais même
fur leur nature ou compofition chymique:
en forte que tout ce que nous avons dit
de la chicorée fauvage convient entière-
ment au pijjenlit. V^oye\ les articles CHI-
CORÉE SAUVAGE , Mat. méd. Ù CHI-
CORÉE SAUVAGE , Diète.- Le pijfenlit
entre dans l'apozeme officinal appelle com-
munément bouillon rouge y & dans le
lirop de chicorée compofé de charras.
PISSEROS , f m.{Pharm. anc. ) cérat
compofé de cire fondue , d'huile rofat &
de poix y mêlés en proportion convenable
pour former une conflftance d'onguent ;
Hippocrate recommande celui-ci en plu-
fieurs cas , comme dans les brûlures & les
plaies récentes ; -il paroît que cette efpcce térieure eft membraneufe , aride , mince ^
PIS ^^i
de cérat eft de la nature du bafilicon noir
des modernes , qui paffe en effet pour un
très-bon emplâtre en diverfes occaflons.
PISSITES , {Mat. méd. des anciens. )
Ticrahtx , c'eft-à-dire , l'in de poix. Il fe.
faifoit avec du goudron & du moût. On
lavoit d'abord le goudron dans de l'eaa de
la mer ou de la iâumure , jufqu'à ce qu'il
fût blanchi ; après cela on le relavoit avec
de l'eau douce , on mettoit enfuite fur
huit congés de moût une once ou deux de
goudron ; on les laifïbit fermenter & re-
pofer , enfin on foutiroit la liqueur & on
la mettoit dans des vaifleaux. Diolcoride ,
/. y j c. xlvj , en fait un grand éloge pour
les maladies chroniques des vifceres qui ne
font point accompagnées de fièvre.
PISSOTTE , f. f. {Lejfiperie , Salpetr.)
petite canule de bois , que l'on met au bas
d'un cuvier à leflive , pour donner paffage
à l'eau que l'on jette de temps en temps
fur les cendres qui font enfermées dans le
charrier.
Dans les atteîiers où fe fabrique le fal-
pêtre , les cuviers où fe font les leflives
des terres propres à en tirer ce minéral ,
ont auffi leur pijfotte ; elle fe place ordi-
nairement dans le bas du cuvier à deux
ou trois doigts du fable , avec deux billots
de bois aux deux côtés en dedans , pour
foutenir le faux-fond du bas fur lequel fe
mettent les cendres & les terres dont les
cuviers fe rempliflènt ; c'eft au deflbus de
kpiffotte que l'on met les recettes. Sayary,
{D. J.)
PÏSSYRUS , ( Ge'ogr. anc. ) ville de
Thrace ; il y avoir dans cette ville , ielon
Hérodote , In'. VU, n''. 103 y uri lac de
prefque trente ftades de circuit , très-poif'
fonneux , & dont l'eau étoit extrêmement
falée. Les meilleures éditions portent Pyf'
drus au lieu de PiJJyrus.
PISTACHE , f f. ( Botan. ) on fait que
c'eft le fruit du piftachier ; les pifiaches
s'appellent en latin piftacia , en grec dans
DiofcorideT/ra>t<«,& parles Arabes pajîech.
Ce font des fruits ou de petites noix ,
de la grofl'eur & de. la figure des avelines ,
oblongues , anguleofes , ||^vées d'un côté ,
applaties de l'autre , pointues & marquées
d'un côté. Elles ont deux écorces ; l'ex-
çp^î PIS
fragile , d'abord de couleur verte , enfuite
rouliè ; l'intérieure eli lignculè , pliante ,
caflante , légère , blanche ; elles renfer-
ment une amande d'un verd-pâle , grafTe ,
huileufe , un peu amere , douce cependant
& agréable au goût , couverte d'une pel-
licule rouge ; on doit choifir celles qui font
bonnes , récentes , pleines & mûres.
Herman fait mention de deux fortes de
pifiaches , lavoir , \ts grandes & les petites.
On nous apporte communément les gran-
des ; les perites font moins connues & plus
favoureulès ; elles viennent de Perfe.
Ce fut Lucius Vitellius , gouverneur de
Syrie , qui apporta le premier des pifiaches
en Italie fur la fin du règne de Tibère.
{D.J.) ^. .
Pistache , ( Mat. me'd. ) fruit du pif-
tachier. Ces fruits renferment une amande
ou femence émulfive , d'un goût agréable ,
& qui pafïe pour fournir une nourriture
très-abondante & aiTez làlutaire , & pour
être propre par fes qualités à rétablir
promptement ks perfonnes aiTiaigries par
des maladies , à augmenter le lait & la
femence , à adoucir les humeurs dans la
phthifie , la toux , les dilpofitions à la co-
lique néphrétique , ^c.
Ces éloges font un peu outrés. Il eft
vrai cependant , que les pifiaches tiennent
un rang diflingué parmi les femences émul-
fives confidérées comme aliment , l'qye:^
Semences ÉMULSIVES; & que les dra-
gées, les tartes , &c. qu'on en prépare
fourniflènt un aliment alTez doux , qui n'eft
pas mal-fain , & qui paroît folliciter l'ap-
pétit vénérien.
Quant à l'ufage qu'on en fait pour les
émullions , il n'y a rien de particulier.
Voye^ EmULSION. L'huile qu'on peut en
retirer par expreffion eft fort douce , mais
elle cfl fort peu ulîtée , parce qu'on a re-
connu que l'huile d'amandes douces , qui
coûte beaucoup moins, eft tout aufli bonne.
Les pifiaches entrent dans le looch verd
de la pharmacopée de Paris > & dans le
firop de tortue réfomptif. (b)
Pistache y*^{Bot. exot.) fruit de la
plante arachidnoi|J^ d'Aûierique , nommée
dans le pays manobi. Voye-{ ManobI ,
Botan. exot. {D. J. )
Pistaches , les confifeurs appellcru de
P I s
ce nom im ouvrage qu'ils font en forme de
dragées extrêmement petites , dont le fond
eft de la graine de pifiache , d'où, cet ouvrage
tire fon nom.
Pistaches en surtout , les confi-
feurs donnent ce nom à àts pifiaches caflées
& miles à la praline , & trempées dans
une compofition faite d'un œuf battu , &
brouillé avec de l'eau de fleur d'orange.
PISTACHIER , ( Bot. jard. ) en latin
pifiacia; en anglois turhentine^tree y pifia-
chia-nut and mafiick-tree , en allemand
terpeminbaum y pifiacienbaum.
Caraciere générique.
Les fleurs mâles & les fleurs femelles
font portées par des individus differens:
les premières font difpoiees en chatons
lâches & épars ; elles confiftent en un
périt calice à cinq pointes & en cinq pe-
tites étamines terminées par àts -lommets
ovales , droits & quadrangulaires : les fleurs
fernelles ont un petit calice divifé en trois ,
qui porte un gros embryon ovale , furmonté
de trois ftyles recourbés que couronnent
de gros iligmates rigides. L'embryon de-
vient un fruit fec ou une noix qui renferme
une femence ovale & unie.
Nous raflemblons fous ce genre les té-
rébinthes , les lentifques , qui fe trouvent
mal-à-propos féparés dans plufieurs auteurs,
Efpeces.
1. Pifiachier à feuilles ailées impaires ,
à folioles prelque ovales & recourbées. Le
vrai pifiachier.
Pijiaciafoliis impari^pinnatis , foliolis
fubovads , recurvis. Linn. Mat. med. Sp.
The pifiachia-tree.
2. Pifiachier à trois feuilles. Le téré-
binthe à trois feuilles.
P ifiacia foliis fubternatis . Hort. Cliff,
The three leav^d turpentine-tree.
3. Pifiachier à feuilles ailées , & A
feuilles à trois lobes prefque rondes.
P ifiacia foliis pinnatis ternatifque , fub'
orbiculatis. Linn. Sp. pL
Pifiachia witfi winged and trifoliate lea^
vçs whiçh are almofi round,
^. Pifiachhr'
PIS
4. Pifiachier k feuilles ailées impaires,
à folioles ovales lancéolées. Térébenthine
commune.
Piftaciafoliis impari-pinnads y foîiolis
oj/ato-lanceolatis. If on. Cliff.
The common turpentine-tree.
Ç. Pifiacliierà feuilles ailées , irrégulieres,
à folioles Iancéoî«es. Lentifque commun.
Pifiaclafoliis abrupte pinnatis , foUolis
lanceolatis. Hort. Cliff.
The common maflick-tree.
6. Pijidchierâ(cu'i[[cs ailées , irrégulieres,
â feuilles lancéolées , étroites. Lentifque de
Marfeille à folioles étroites.
Piftaciafoliis abrupte pinnatis y foîiolis
lineari-lanceolatis. Mill.
Narrôw leaved mafiick-tree of Mar-
failles.
7. Pijlachier à feuilles ailées , impaires ;
à folioles lancéolées , ovales , terminées en
pointe. Pijlachier des Indes occidentales.
Piftaciafoliis impari-pinnatis , foîiolis
lanceolato-ovatis y acuminatis. Mill.
Piflacia whofe lobes are fpear-shaped y
oval and acute pointed.
8. Pijlachier à feuilles ailées qui tombent
en hiver ; à folioles oblong-ovales. Pif-
tachier de la Jamaïque.
Piftaciafoliis pinnatis deciduis y foîiolis
oblon o-oratis . M ill.
Birch-tree in Jamdica.
9. Pifiachier à feuilles ailées impaires ,
à folioles lancéolées , dont celles du bout
font les plus grandes. Vrai lentifque du
Levant.
Piflacia foliis impari-pinnatis y foîiolis
lanceolatis exterioribus majoribus. Mill.
True maflick-tree ofthe Levant.
Le pifiachier n°. 2 . habite la Perfè ,
1 Arabie & la Syrie , d'où l'on nous envoie
(es amandes. Dans ces contrées , il s'élève
à 2Ç ou 30 pies ; fon écorce eft brun-rouge ,
& les feuilles font d'un verd bleuâtre.
Lorfque les raales font trop loin des fe-
melles, on a coutume de porter dans des pa-
niers les chatons de ceux-là , non encore
ouverts, & de les attacher après celles-ci.
On les prend aulii ces chatons pendant
l'émiflion de leur vapeur ou poufliere or-
ganique qu'on jette fur les grouppes de
fleurs femelles qui fe trouvent ainfi fé-
condées. J'ai reçu plufieurs fois des aman- |
Tome XXV,
PIS 095
àçs de pifiachier bien laines , qui n'ont
pas levé , parce que apparemment les
fleurs qui [qs avoient précédées n'avoienc
pas éprouvé le contad générateur. Il faut
femer les amandes au mois de mars dans
de petites caifles emplies de bonne terre
ondueufe mêlée de terreau , & enterrer
ces caifîès dans une couche de fumier
récente & ombragée. Les plantes ont-elles
paru , il faut leur donner tous les jours plus
d'air. Au mois de juillet , on tranfplan-
tera chaque piflachier dans un petit por.
C'eft la feule méthode sûre , car la féconde
année même, la reprife de ces arbres qui
n'ont pour racines qu'un long filet , feroit
fort incertaine. Ces pots pafleront les trois
ou quatre premiers hivers fous une caifîè
vitrée , en leur procurant , autant qu'il
fera poflîble , le libre accès de l'air, faute
duquel ils fe chanciroient. Au bout de ce
temps on les plantera contre un mur
bien expofé ou dans tout autre lieu bien
abrité , où ils fupporteront le froid de nos
hivers ordinaires , & donneront des fruirs
qui , certaines années , parviendront à ma-
turité.
Le n°. z. a une écorce brune & âpre :
fes feuilles à trois & quelquefois à quatre
lobes font d'un verd obfcur : le fruit eft
femblable à la piflache , mais plus petit :
cette eipece eft un peu plus déhcate que
le /2°. z , & demande un peu plus de pro-
tedion contre le froid ; mais d'ailleurs il
s'élève & fe traite de même : il fupporte
en efpalier le froid ordinaire de nos hivers.
S'il étoit exceffif , on pourroit mettre de-
vant des paillaffbns ou des vitres. Il eft
naturel du Levant & de la Sicile.
Le /2°. 5. forme un arbre d'une gran- .
deur médiocre ; fon écorce eft d'un gris
clair ; (es feuilles font compofées' de cinq
folioles ; mais il s'y en trouve qui n'en ont
que trois ; le fruit eft petit , mais bon A
manger. Il s'élève & fe multiplie comme
le n^. z y &c n'eft pas plus feniibîc à la ge'-
lée. Il nous vient de l'Italie & de la France
méridionale ; mais on croit qu'il y a été
originairement apporté de contrées plus
éloignées.
Le n°. 4 , qui eft le térébinthe commun ,
a (es feuilles compofées de trois ou quatre
paires de folioles , & terminées par un fedl
Kkkkkk
5^94 PIS
lobe. Les fleurs mâles ont des Commet»
purpurins ; les graines doivent être femces
en automne , autrement félon Miller ,
elles ne lèvent que la féconde année. Il
s'élève & fe traite comme le piftachier
n**. 2 . Miller dit qu'il fe trouve dans le
jardin du duc de Richmond , à Goodwood ,
comté de Suflex , un térébinthe en efpa-
lier qui y fubllfte depuis ço ans. Je crois
que la meilleure laifon pour les tranfplanter
eu la fin de leptembre , du moins à l'é-
gard de ceux qu'on tire du femis. Pour
ce qui eft de ceux qu'on tire des pots
jSivec la motte , la fin d%ivril eft le mo-
ment le plus favorable On s'épargnera bien
des peines , fi on les tire du femis deux ,
mois après leur germination , pour les plan-
ter chacun iéparcmcnt dans un pot. On
employoit autrefois la térébenthine de cet
arbre ; mais à préfent on ne fait plus guère
ufage que de celle des arbres conifères ; il
eft indigène de la Barbarie , de l'Efpagne
& de l'Italie.
La cinquième efpece eft le lentilque com-
mun : l'écorce de fes branches eft gnfe ,
& celle des bourgeons eft rouge : les
feuilles n'ont ordinairement point de foliole
qui les termine ; elles font d'un verd
obfcur & glacé pardciiùs , & d'un verd
pâle pardefîbus : les folioles font entières 6i
épaillès ; le lv)ng de la côrequi les foutient ,
s'étend une bordure de chaque côte. En
gutomne le verd de cet arbre devient rou-
geâtre , mais il ne fe c'épouille pas. Miller
dit qu'il faut frmcr fc? graines en autom-
ne , & que fi l'on attendoit le printemps ,
elles pourroicnt ne lever qu'un an après.
J'en ai lemé au mois de mars qui ont
levé parfaitement au bout de fix femai-
nes. Il eft eflentiel de é les procurer
fécondes; c'eft- à-dire, d'être aflbre qu'elles
ont été recueillies (ur un individu femtlie
qui avoit des mâles à fa portée ; & ceci
eft important à l'égard de toutes les elpe-
ces de ce genre. Le lentifque eft naruiei
de l'Efpagne , du Portugal & de l'Italie
où il s'élève à 18 ou 20 pies. On le tient
ordinairement dans l'orangerie , mais on
peut le mettre en clpalier contre un mur
très- bien expofé, fe réfervant de le cou-
vrir avec des païllafîons , fi le froid de-
venoit exceflif. On le multiplie aufli par
PIS
des marcottes qui font au bout d'un ati
fuffifamment pourvues de racines.
L'efpece /i*. 6*, croît aux environs de
MarfeiUe & s'élève aufll haut que le pré-
cédent ; il en diftère par fes feuilles qui
ont de plus que les fiennes une ou deux
paires de folioles plus étroites & d'un verd
plus pâle. Il le multiplie Se fe traite de
mênae.
Les feptieme & huitième efpeces font
natives de la Jamaïque & des Indes occi-
dentales , & demandent d'être élevées &
traitées comme les autres plantes de ferre
chaude : on doit les y tenir conftamment,
mais leur donner beaucoup d'air au plus
chaud de l'été , & ne les arrofèr que très-*
fobrcment durant l'hiver.
La neuvième elpece eft le lentifque qui
fournit de maftic à la médecine , & que
Tournefort lui-même a mal-à-propos con-
fondu avec le /i". t , dont il diftlre par
des folioles plus larges à l'extrémité des
feuilles ; il eft plus délicat & veut être tenu
l'hiver dans une ferre plus échauftëe. On
cultive encore un petit lentifque qu'on
m'a envoyé fous la phrale latine , lentifcus
omnium minimus. ( M. le Baron DE
TSCHOUDI. )
Pistachier, {Mdt. med.) les feuil-
les de cet arbre entrent dans l'emplâtre
diabotanum.
FlST ACHIEK faurage y (Bot.) nom
vulgaire & ridicule de l'arbrilTeau nommé
par les botanifte*-. fijpàjlodendron^
PISTAS, ( Ge'ogr,. du moyen âge. ) lieu
en France, fitué fur les bords de la Seine ,
aup-ès du Pont -de -l'Arche, à l'embou-
chure des rivières d'Eure & d'Andelle.
Cet endroit eft le même que celui qui
eft aujourd'hui appelle Piffre'es , & qui eft
à trois lieues au-deflus de Rouf^n. Charles-
le-Chauve y fit bâtir une forte*efle pour
fermer à cet endroit le paffage de la Seine-
aux Normands. Il a été long-temps u ^e
place d'armes contre les Normands., Char-
les-le- Chauve v aflêrabla un parlement
en 862. {D.J.y
PISTE , f. f. ( Gramm, ) c'eft en gé-
néral la trace que laiffe un animal fur le
chemin qu'il a fuivi ; il fe dit au fimple
& au figuré , il fuit les anciens à \apifle.
PiSXE 1 en terme de manège ^ eil ia
P I S^ " PIS 995
marque que le cheval trace fur le cfiemin [ plus grand nombre des piniU approche plus
où il pafle.
La pifle d'un cheval peut être fimple ou
double.
Si le cavalier ne le fait aller que le galop
ordinaire en tournant dans un cercle , ou
plutôt dans un quarré , il ne marquera
qa'une feule pifte ; mais s'il le fait galoper
les hanches en dedans , ou aller terre à
terre , il marquera deux piftes , l'une par
le train de devant, & l'autre par le train de
derrière. Ce fera la même chofe , fi le cavalier
le fait pafler de côté ou aller de travers , dans
une ligne droite ou fur un cercle.
PISTIAjf f {Botan. ) nom donné par
Linnaeus au genre de plante qui eft appelle
kodda-pail ^ par le père Plumier, & les
auteurs de ïhortus malabaricus. En voici
les caraderes : il n'y a point de calice ; la
fleur efl formée d'un feul pétale inégal,
fait en capuchon contourné , avec une
feule lèvre oblique , longue , courbée &
pliée fur les côtés. Il n'y a point aufîî
d'étamines , mais fix boffettes doubles adhé-
rentes au pifhl fous le fligma. Le germe du
piflil eft d'une figure ovale , alongée ; le
fîyle eft plus court que la fleur; le ftigma
eft divifé obtufément en fix fegmens; le
fruit eft une capfule ovale, contenant fix
loges ; les graines font tronquées ; ce genre
de plante approche beaucoup de celui àts
ariftoloches. Linnacus, gen. plant. pag./j^^ 8 .
Plumier, 5^. {D. J.)
PISTICCIO, ( Geogr. mod. ) petite
ville ruinée d'Italie au royaume de Naples ,
dans la Bafihcare , entre les rivières Ba-
fiento & Salandrclla. Cette ville a été tel-
lement endommagée en 1688 par un trem-
blement de terre , qu'elle ne s'eft pas rele-
vée depuis.
PISTIL , f m. ( Botan. ) les botaniftes
nomment pifiil la partie de certaines fleurs
qui en occupe ordinairement le centre ,
& qui par conféquent eft toujours ren-
fermée dans la fleur , ainfi qu'on peut le
voir dans la couronne impériale , dans le
lis , dans le pavot , Ùc. Le nom de piftil
€ft tiré du latin piftillum , qui veut dire un
pilon ; car quoique la figure àti piftils des
fleurs ne foit pas déterminée & qu'il s'en
trouve d'une figure fort diflférente de celle
d'un pilon , il eft pourtant certain que le
de la figure d'un pilon que de toute autre
chofe. Malpighi a nomm